Archives de catégorie : Prédication dimanche matin

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5 Solae (2) La grâce seule

Regarder la prédication ici.

Est-ce que les enfants sont partis dans leurs groupes ? Ouf, je vais pouvoir dire des gros mots ! Non, je vous rassure, je vais garder un langage châtié ce matin ! Mais j’aimerais quand même parler d’un gros mot. Qu’est-ce qu’un gros mot ? Un mot qui choque, un mot qui exprime l’intensité d’un ressenti, un mot dont on a souvent oublié l’origine et qui devient parfois juste une ponctuation dans la phrase – et qu’on dit sans y penser, un mot qui fait basculer dans le langage familier.

Y a-t-il des gros mots dans le vocabulaire chrétien ? Y a-t-il des mots familiers, qui viennent ponctuer nos chants et nos échanges, comme des réflexes, des mots forts qui se sont usés et dont on ne mesure pas toujours le poids ?

Ce matin, pour continuer la série commencée la semaine dernière sur les 5 affirmations centrales de la Réforme protestante, je vous invite à nous centrer sur ce grand et gros mot qu’est la grâce. Je redis ces 5 affirmations : l’Ecriture seule, la grâce seule, par la foi seule, le Christ seul, à la gloire de Dieu seul.

La grâce renvoie au salut que Dieu nous offre en Christ : « vous êtes sauvés par la grâce de Dieu, au moyen de la foi » (Ep 2.8). Elle est indissociable de la foi, comme deux faces d’une même pièce, la face divine du salut, et la face humaine pourrait-on dire. Et aujourd’hui, on va se concentrer sur la grâce elle-même, sur la part de Dieu, et Eglantine prêchera la semaine prochaine sur la foi, la part de l’homme.

Reprenons ce texte dans son contexte plus large. L’apôtre Paul commence par ce constat que sans le Dieu de la vie, on a du mal à vivre vraiment. On est prisonnier de soi, du poids de notre passé, de nos vanités, de nos orgueils, de nos pulsions rarement glorieuses – ce que la Bible appelle le péché, ce trou noir intérieur qui défigure même nos meilleures intentions. Sans parler de notre côté influençable, de notre facilité à suivre des tendances qui nous dépassent, à entrer dans des fonctionnements et des systèmes tellement injustes qu’on se demande s’il n’y a pas des forces spirituelles mauvaises derrière. Encore un mot de contexte : Paul est un chrétien d’origine juive, un bon élève de la foi qui a toujours respecté Dieu de tout son cœur. Il écrit, là, à des chrétiens d’origine païenne, qui ont un passé spirituel et moral compliqué, aux antipodes de ce que Dieu aime.

Lecture biblique : Ephésiens 2.1-10

1 Autrefois, vous étiez comme morts à cause de vos fautes, à cause de vos péchés. 2 Vous vous conformiez alors à la manière de vivre de ce monde ; vous obéissiez au prince des puissances mauvaises qui occupent l’air, cet esprit qui agit maintenant en ceux qui s’opposent à Dieu. 

3 Nous tous, nous étions aussi comme eux, nous vivions selon nos mauvais désirs, nos penchants, nous faisions ce que voulaient nos impulsions et nos pensées. Ainsi, à cause de notre faiblesse humaine, nous devions subir la colère de Dieu comme les autres.

4 Mais Dieu est riche en compassion ! Son amour pour nous est tel que, 5 lorsque nous étions comme morts à cause de nos fautes, il nous a fait revivre avec le Christ. C’est par la grâce de Dieu que vous avez été sauvés. 

6 Dans notre union avec Jésus Christ, Dieu nous a ressuscités avec lui pour nous faire régner avec lui dans les cieux. 

7 Par la bonté qu’il nous a manifestée en Jésus Christ, il a démontré pour tous les siècles à venir la richesse extraordinaire de sa grâce. 

8 Car c’est par la grâce de Dieu que vous avez été sauvés, au moyen de la foi. Ce salut ne vient pas de vous, il est un don de Dieu ; 9 il n’est pas le résultat de vos efforts, et ainsi personne ne peut faire le fier. 

10 En effet, nous sommes l’œuvre de Dieu ; il nous a créés, unis avec Jésus Christ, pour que nous menions une vie riche en actions pleines de bonté, celles qu’il a préparées d’avance afin que nous les pratiquions.

La grâce comme initiative

L’apôtre Paul ne mâche pas ses mots : sans Dieu, sans le Dieu de la liberté, on tourne en rond, on est prisonnier. Sans le Dieu de la vie, on est moribond. Sans le Dieu de la justice, on est corrompu.

Ce qui est fort dans ce texte, c’est que Paul commence presque machinalement : Dieu vous a fait revivre, vous qui étiez morts à ses yeux parce que vous étiez d’abominables païens (remplacez par ce que vous voulez : drogués, voleurs, menteurs, égoïstes, exploiteurs, abuseurs etc.) – et puis, prise de conscience : ah mais, nous aussi, nous aussi les bons élèves bien respectables, nous n’étions pas mieux. Derrière des apparences convenables, la même racine du mal, d’égoïsme et d’orgueil, la même racine pourrissait notre vie. Quelle que soit l’étiquette, sans Dieu, sans le Dieu de la vie, nous étions morts, sans le Dieu de la justice, nous étions corrompus.

Mais Dieu ! Peut-être les deux plus beaux mots de la Bible : mais Dieu. Mais Dieu ne s’est pas laissé impressionner par l’ampleur de nos caprices, de nos engrenages et de nos trous noirs : il a tout arrangé, il a tout mis en place pour nous sauver de ce marasme et de la mort. La grâce, c’est cette initiative de Dieu, ce déclic, ce « mais Dieu » qui renverse la situation. Alors qu’il n’y avait aucun espoir de s’en sortir, un mouvement démarre – pas chez les humains, mais en Dieu.

La grâce comme cadeau

La grâce, c’est le salut offert comme un don, un cadeau qu’il n’y a qu’à recevoir dans la foi. La grâce, c’est le salut comme cadeau de Dieu. Et un cadeau, c’est quelque chose d’immérité, gratuit (si on le mérite, ce n’est plus un cadeau, c’est un dû ! par exemple, votre salaire n’est pas un cadeau !). C’est le signe non pas que j’ai bien travaillé, mais que l’autre m’apprécie et m’aime (sauf s’il essaye de m’acheter, mais alors ce n’est plus vraiment un cadeau, puisque je vais le payer d’une façon ou d’une autre !). C’est un signe d’amour. Ce qui touche dans le cadeau, c’est l’intention de celui qui l’offre, la main derrière le joli paquet, l’affection dont Paul nous parle : la riche compassion de Dieu, l’amour débordant qu’il nous porte…

Et ce signe d’amour est d’autant plus fort que le cadeau est coûteux. Pas spécialement en argent, mais en temps, en énergie, en réflexion : si on vous offre un clou, vous êtes content… ou si on vous offre le produit de tête de gondole qui ne vous correspond absolument pas… Le salut est un cadeau qui coûte cher, pas à celui qui le reçoit, mais à celui qui l’offre : Dieu s’est donné, lui-même, il a donné plus que son temps ou ses richesses, il a donné sa vie, à travers Jésus, il s’est donné lui-même pour payer nos factures, pour réparer ce que nous avons cassé. Dans sa grâce, Dieu ne fait pas l’économie de sa justice, il va au-delà de sa justice : il ne nous demande pas ce qui est dû, il le paye à notre place et nous donne une nouvelle chance.

La grâce seule

Affirmer que nous sommes sauvés par la grâce seule, c’est dire que le salut en Christ est un pur cadeau, un pur acte d’amour, immérité, inexplicable, glorieux, qui prend sa source dans le cœur de Dieu. Que dire d’autre que merci ? Merci pour le salut, merci pour son amour débordant !

L’autre conséquence de cette affirmation, c’est que tout le monde peut être sauvé. Ou plutôt, n’importe qui peut recevoir ce cadeau, puisqu’en définitive, personne ne le mérite. N’importe qui – même le pire truand, même le plus désinvolte des Don Juan, même le plus paumé : personne ne mérite l’amour de Dieu, mais Dieu, mais Dieu invite tout le monde à recevoir son amour en cadeau !

Ca veut dire que tout le monde est le bienvenu ici, parce que Dieu vous aime. Pas parce que vous gagnez à être connu (ce dont je ne doute pas), mais parce que Dieu vous aime passionnément.  Peu importe les mots qu’on a posés sur vous, le regard que vous portez sur vous, vos déceptions ou vos échecs, vos incertitudes ou vos obstinations : sur tout cela, il y a un « mais Dieu », mais Dieu vous aime.

Et logiquement, si tout le monde est le bienvenu ici, tout le monde est le bienvenu ici ! Si Dieu détruit toutes les barrières pour vous aimer, qui oserait relever une barrière ? Là, on a sûrement des progrès à faire… Celui ou celle que j’ai du mal à aimer, qui ne me plaît pas trop, Dieu lui offre sa grâce : comment ne pas l’accueillir ?

La grâce comme une exubérance

Mais on aurait tort de réduire la grâce de Dieu au pardon offert, au cadeau coûteux qu’est la Croix où meurt le Christ. Paul évoque la résurrection de Jésus, son retour à la vie au-delà de la mort, son triomphe et son règne. En quoi cela fait-il partie de la grâce ?

Nous sommes, par la foi, co-ressuscités avec le Christ. Nous co-siégeons avec le Christ sur son trône.

Le pardon soulage notre conscience, nous libère de la honte, de la culpabilité, de schémas addictifs guidés par nos pulsions et nos intérêts. Mais le but ultime de Dieu, c’est de nous faire partager sa vie, dans la gloire majestueuse de son éternité. Il fait de nous ses héritiers, les enfants dont il s’entoure avec fierté, ses amis, ses partenaires. Dès maintenant, il nous inspire, nous transforme, pour vivre comme lui, pour laisser déborder de notre cœur ce qui déborde du sien.

On ne lui en demandait pas tant ! Déjà, couvrir nos injustices, c’est inespéré. Promettre de réparer ce qui est brisé, c’est le rêve ! Mais nous faire co-vivre avec lui, nous imprégner de sa vie à lui pour nous élever à sa hauteur, dans le cercle intime du Roi de l’Univers, lui le Créateur, le Tout-Puissant, le Pur, le Merveilleux, l’Absolu – c’est presque de la folie tant c’est vertigineux !

Mais Dieu est comme ça : une fois qu’il a commencé, il ne s’arrête plus ! Grâce sur grâce, amour sur amour, il en rajoute toujours. C’est sa fierté !

On vous a peut-être déjà demandé ce qui vous définit en une phrase, ce que vous aimeriez avoir comme épitaphe ou comme sous-titre de votre biographie, ce que vous voulez laisser en souvenir… Même si Dieu n’a pas l’intention de disparaître, sa fierté, le sous-titre de sa biographie, c’est : « Dieu, la richesse extraordinaire de la grâce ». Voilà son titre de gloire, sa grande fierté, sa grande joie : nous couvrir de son amour, jusqu’à ce que tout le reste s’estompe et que seule brille sa grâce dans notre vie.

 

Questions pour aller plus loin

Questions générales :

  • Qu’est-ce que j’ai retenu de la prédication ?
  • Y a-t-il quelque chose de nouveau qui m’interroge ou que je voudrais creuser ?
  • Qu’est-ce que ce texte m’encourage à vivre ?

Questions spécifiques :

  • Est-ce que j’ai du mal avec le concept « injuste » de la grâce, pour moi ou pour d’autres ?
  • Quels exemples concrets de la grâce de Dieu puis-je décrire dans ma vie ?
  • En regardant davantage le verset 10, comment la grâce de Dieu continue-t-elle de s’exprimer tout au long de notre vie chrétienne ?

5 Solae (1) L’Ecriture seule

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Ce matin nous commençons une série de cinq prédications autour des affirmations théologiques fondamentales de la Réforme. On les cite en général dans leur formulation latine : sola Scriptura, sola gratia, sola fide, solus Christus, soli Deo gloria. En français, ça donne l’Ecriture seule, la grâce seule, la foi seule, le Christ seul et à Dieu seul soit la gloire.

Nous allons choisir cinq textes bibliques qui permettent d’évoquer chacune de ces cinq affirmations au coeur de la foi protestante. Nous commençons ce matin avec l’Ecriture seule. En théologie protestante, cette affirmation signifie que la Bible est la seule autorité pour le croyant, en matière de foi et de vie chrétienne.

Une enquête récente de l’Ifop (2010) révèle que 34 % des Protestants lisent la Bible au moins une fois par semaine. J’aurais envie de dire : seulement ? Certes, ils sont 74 % chez les protestants évangéliques… Mais “au moins une fois par semaine”, ça veut dire quoi ? Il n’y a pas la catégorie “presque tous les jours” qui est un peu le standard, au moins officiellement, chez les évangéliques ! Et l’enquête ne précise pas comment la Bible est lue. Ce n’est pas la même chose de lire un passage biblique dans un esprit de méditation et de prière, d’approfondir et d’étudier un texte biblique ou de lire simplement le verset biblique du jour dans le calendrier.

Je ne veux pas avoir ici un discours culpabilisant. Chacun fait ce qu’il peut… Mais quand même, ces chiffres nous interrogent quant à la place que la Bible occupe dans notre vie de foi. D’autant que, toujours selon l’enquête Ifop, il y a quand même 24 % des protestants qui ne lisent jamais la Bible. Et ils sont même 9 % chez les protestants évangéliques !

La lecture et la méditation de la Bible, c’est un enjeu crucial de la vie chrétienne. Je vous propose de l’évoquer à partir d’un texte de la deuxième épître de Paul à Timothée :

2 Timothée 3.14-17
14 Mais toi, demeure ferme dans ce que tu as appris et accueilli avec une entière conviction. Tu sais de quels maîtres tu l’as appris. 15 Depuis ta tendre enfance, en effet, tu connais les saintes Écritures ; elles peuvent te donner la sagesse qui conduit au salut par la foi en Jésus Christ. 16 Toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner la vérité, réfuter l’erreur, corriger les fautes et former à une manière de vivre conforme à ce que Dieu demande. 17 Ainsi grâce à elle, toute personne qui est au service de Dieu sera parfaitement préparée et équipée pour bien agir à tous égards.

 

Inspirée de Dieu… et alors ?

Le verset 16 est LE texte fondamental pour affirmer l’inspiration divine de la Bible. Une affirmation à laquelle, nous autres protestants évangéliques, sommes très attachés. Mais en affirmant l’inspiration divine de toute la Bible, on a tout dit… et on n’a rien dit !

On a tout dit parce qu’on affirme que la Bible n’est pas un livre comme les autres. Elle est l’expression de la révélation de Dieu. C’est Dieu qui nous parle par elle. Il a conduit et inspiré les auteurs humains, de différentes façons, si bien que la Bible peut être reçue comme la Parole de Dieu.

Mais on n’a rien dit si on s’arrête là… On manque peut-être l’essentiel si l’affirmation de l’inspiration de la Bible est tout ce qu’on dit de la Bible, si elle est considérée comme une fin en soi, un simple article de foi. “Je crois que la Bible est la Parole de Dieu”. OK… et alors ? Qu’est-ce que ça change pour toi ? Que fais-tu de cela ?

Notre préoccupation première par rapport à la Bible ne devrait pas être de défendre son authenticité, son autorité, son inspiration… elle se défend très bien toute seule. Notre principal souci devrait d’abord être de nourrir notre foi grâce à elle.

En réalité, il y a un petit mot très important dans ce verset 16. Un mot qui change tout. C’est le mot “utile”.

 

La Bible est utile

La Bible est utile. La lire nous est profitable. Le croyant en a besoin. C’est pour ça que c’est inquiétant quand un croyant dit qu’il ne lit jamais la Bible…

Si la Bible est utile, alors il faut l’utiliser ! Mais à quoi sert-elle ? L’apôtre Paul utilise quatre verbes au verset 16 : enseigner, réfuter, corriger et former.

  • La Bible nous enseigne. La connaître, c’est connaître la vérité révélée de Dieu. Plus on connaît la Bible, plus on connaît Dieu qui l’a inspirée.
  • La Bible réfute l’erreur. Elle permet de nous armer contre les attaques de ceux qui mettent en doute notre foi. Elle rend notre foi plus forte et solide, elle affermit nos convictions.
  • La Bible corrige les fautes. Elle nous permet de rectifier le tir lorsque nous nous écartons de ce que Dieu attend de nous. Elle agit un peu comme une boussole nous permettant de corriger la trajectoire de notre vie chrétienne.
  • La Bible nous forme. C’est le travail en profondeur de Dieu en nous. Ici, il ne s’agit pas seulement de ce que nous croyons mais de ce que nous vivons. C’est la valeur éducative de la Bible pour le croyant. Et il en a besoin tout au long de sa vie chrétienne.

La Bible est donc utile, pour le croyant, pour approfondir sa connaissance de Dieu, pour affermir sa foi, pour rectifier la trajectoire de sa vie et le faire grandir spirituellement. Ce n’est pas rien !

 

Pourquoi l’Écriture seule ?

Venons-en maintenant à la formule Sola Scriptura des Réformateurs. Pourquoi l’Écriture seule ? Que peut-on être tenté d’y ajouter ? Dans le contexte de la Réforme du XVIe siècle, c’était en particulier les traditions de l’Église, comprises comme des ajouts humains qui pouvaient prendre autant voire plus d’importance que le texte biblique.

a. L’Ecriture seule, c’est l’Écriture sans magistère

L’Ecriture seule, c’est l’Écriture sans magistère, sans une institution ou une personne disant comment elle doit être lue et interprétée. C’est l’Écriture elle-même qui est sa propre autorité et il n’y a aucune autorité humaine qui puisse se placer au-dessus d’elle pour dire comment la comprendre.

Attention toutefois, s’ils ne sont pas institutionnels chez les protestants, une certaine forme de magistère problématique existe sans doute. Il peut y avoir des Églises ou des enseignants qui ne laissent guère de marge dans la compréhension de la Bible et son message, s’assurant que chaque croyant marche droit, selon les prescriptions de l’Eglise. On ne laisse plus alors la Parole de Dieu nous interpeller, on l’enferme dans un schéma d’interprétation préconçu.

En tout cas, concrètement, l’absence de magistère invite le croyant à intégrer dans sa vie chrétienne un face-à-face avec l’Écriture, une lecture personnelle de la Bible. L’Ecriture seule, c’est passer du temps seul à seul avec l’Écriture…

b. L’Ecriture seule, c’est aussi toute l’Ecriture

L’Écriture seule, c’est aussi toute l’Écriture. D’ailleurs, on pourrait comprendre le verset 16 ainsi : “Toute l’Écriture est inspirée de Dieu.” D’où l’importance d’une vision d’ensemble et non fragmentée de la Bible. Citer des versets bibliques isolés est rarement pertinent. C’est même le meilleur moyen d’instrumentaliser la Bible et de lui faire dire ce qu’on veut.

C’est le principe de la Bible qui s’interprète par elle-même. Plus on a une connaissance globale de la Bible, plus on arrive à comprendre un texte en particulier. D’où l’importance aussi d’une lecture intelligente de la Bible qui tient compte de la richesse, de la diversité et de la complexité du texte biblique.

Il faut être conscient que toute lecture de la Bible implique une interprétation. Quand quelqu’un dit “moi je n’interprète pas la Bible, je la cite”, ou “ce n’est pas moi qui le dit, c’est la Bible qui le dit”, ce n’est jamais neutre. C’est un choix d’interprétation de citer tel texte plutôt qu’un autre dans telle ou telle situation ! De même, prendre au pied de la lettre un texte biblique, c’est un choix d’interprétation. Une lecture littérale de la Bible peut se justifier dans certains cas mais elle est un contresens dans d’autres cas.

c. L’Écriture seule, ce n’est pas l’Écriture sans le Saint-Esprit

Le terme grec qu’on traduit pas “inspirée par Dieu”, theopneustos, signifie littéralement soufflée de Dieu et se réfère au souffle de Dieu, son Esprit. Il convient donc de souligner l’importance du Saint-Esprit dans notre lecture de la Bible. L’Écriture seule, ce n’est pas l’Écriture sans le Saint-Esprit !

Il est logique de considérer que le même Esprit saint qui a inspiré les auteurs bibliques nous permet de comprendre le sens des Ecritures pour nous aujourd’hui. Ou dit autrement : sans l’action du Saint-Esprit, lire la Bible n’aura pas plus d’effet sur nous que la lecture de n’importe quel livre. Ce qui peut être déjà pas mal ! Il y a des romans dont la lecture vous bouleverse… Mais pour expérimenter la Bible comme Parole de Dieu, il faut l’action du Saint-Esprit en nous.

 

Conclusion

Je ne sais pas à quelle catégorie de l’enquête vous appartenez quant à la lecture de la Bible… Mais je sais que même si vous êtes convaincus de l’importance de lire la Bible en tant que croyant, c’est souvent un sujet de frustration voire de culpabilité, parce qu’on a du mal à vraiment la lire autant qu’on le voudrait.

Mais si, comme le dit l’apôtre Paul, “Toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner la vérité, réfuter l’erreur, corriger les fautes et former à une manière de vivre conforme à ce que Dieu demande.”, alors c’est une préoccupation qui doit être au cœur de notre vie chrétienne. L’Écriture seule, la Bible seulement, est l’autorité pour notre foi et notre vie chrétienne. Ne pas la lire, c’est prendre un risque pour notre foi, celui de ne pas la nourrir, l’affermir, l’approfondir… et du coup, de stagner spirituellement.

Cette Écriture, inspirée de Dieu, est vraiment utile, et même essentielle à notre vie chrétienne. Si notre bonne volonté ne suffit pas, tournons-nous vers le Seigneur. Car finalement c’est bien lui, le même Saint-Esprit qui a inspiré les Écritures qui pourra entretenir en nous ou nous faire retrouver le goût de la lecture de la Bible !

L’horizon de notre espérance

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Il me semble qu’en ce premier culte de l’année, il est légitime de parler d’espérance. Et c’est sans doute d’autant plus vrai dans le contexte que nous connaissons depuis deux ans… Je vous propose de le faire à partir du texte de l’Ancien Testament proposé pour ce dimanche de l’épiphanie.

Mais d’abord, quelques éléments de contexte avant de lire le texte. Les derniers chapitres du livre du prophète Esaïe s’adressent au peuple de Juda en Exil à Babylone, au VIe siècle avant Jésus-Christ. Ils sont découragés, loin de chez eux, déracinés. Leur avenir est bouché, sans espoir. Si le prophète leur adresse de vibrants appels à un retour à Dieu pour un peuple qui s’est écarté de l’alliance que Dieu avait faite avec eux, son message contient aussi de magnifiques promesses de restauration. Une espérance est possible, même dans les temps troublés qu’ils traversaient ! Le début du chapitre 60 est une des plus éclatantes expressions de cette espérance.

Esaïe 60.1-6
1 Debout, Jérusalem, brille de mille feux, car la lumière se lève pour toi : la gloire du Seigneur t’éclaire comme le soleil levant. 2 L’obscurité couvre la terre, la nuit enveloppe les peuples. Mais toi, le Seigneur t’éclaire comme le soleil qui se lève. Au-dessus de toi apparaît sa présence lumineuse. 3 Alors des peuples marcheront vers la lumière dont tu rayonnes, des rois seront attirés par l’éclat dont tu te mettras à briller.
4 Regarde bien autour de toi, et vois tous tes enfants : ils viennent et se rassemblent auprès de toi. Tes fils arrivent de loin, on ramène tes filles en les portant dans les bras. 5 En les apercevant, tu rayonnes de bonheur ; tu en es tout émue, ton cœur éclate de joie. Car les richesses de la mer arrivent chez toi, les trésors du monde affluent jusqu’à toi. 6 Ton pays se couvre d’une foule de chameaux : ce sont les caravanes de Madian et d’Éfa, arrivant toutes de Saba. Elles apportent de l’or et de l’encens en chantant les exploits du Seigneur.

C’est bien un texte pour l’épiphanie. Le mot signifie apparition, manifestation. Il n’est pas limité à l’épisode de la visite des mages pour voir la manifestation de Dieu dans l’enfant Jésus. On peut l’utiliser pour toute manifestation particulière de Dieu, toute révélation de sa gloire. D’une certaine façon, toute démarche de foi prend naissance dans une épiphanie : une révélation de Dieu, une expérience de sa présence, une prise de conscience de son existence. Elle peut être radicale et spectaculaire, comme Paul sur le chemin de Damas. Elle peut être plus secrète et intime, au fond de notre coeur.

Dans le contexte de l’Exil du peuple de Juda, le texte évoque un retour à Jérusalem. C’est un mouvement inverse à l’Exil : non seulement les enfants de Juda reviennent à Jérusalem mais les peuples et leurs rois se rendent aussi à Jérusalem, attirés par la lumière de la gloire du Seigneur.

Le retour de Juda à Jérusalem a bien eu lieu, quelques années plus tard. Mais ça ne s’est pas fait avec l’éclat et la gloire décrits dans ces versets. L’accomplissement de la promesse était encore à venir… Elle a alimenté l’espérance messianique des croyants Juifs. Elle alimente aussi aujourd’hui l’espérance chrétienne.

D’une certaine manière, on a un écho de ce texte dans le récit de la visite des mages chez Matthieu. Mais la lumière que les sages d’Orient sont venus contempler, guidés par une étoile, rayonnait sur le visage d’un enfant. C’est bien pourtant la lumière de la gloire de Dieu qui resplendissait, encore discrète. Elle sera plus éclatante lorsque cet enfant devenu adulte ressuscitera après sa mort. Elle brillera de tout son éclat le jour où, selon ses promesses, il reviendra pour établir le Royaume de Dieu.

La portée de ce texte d’Esaïe s’enrichit donc de la venue du Fils de Dieu sur terre, en Jésus-Christ, de sa vie, sa mort et sa résurrection, et de son retour prochain. Le plein accomplissement de la promesse d’Esaïe est encore à venir, au jour de la pleine révélation de la gloire de Dieu.

J’aimerais simplement souligner, à partir de ce texte d’Esaïe, trois effets de l’espérance sur le croyant.

 

L’espérance nous met debout

“Debout, Jérusalem !” (v.1) C’est par cet appel que commence notre texte. Debout ! Ne restez pas abattus, épuisés, découragés.

Notre espérance nous met debout, ou elle nous remet debout. Quelles que soient les circonstances de notre vie, quel que soit le contexte dans lequel nous vivons, l’espérance nous tient debout… et nous permet d’avancer.

Bien-sûr qu’il y a des raisons d’être fatigués, découragés, inquiets aujourd’hui. Je n’ai pas besoin de vous faire un dessin… Et si notre espoir n’est que dans ce monde, je ne suis pas sûr du tout qu’il y ait beaucoup de raisons de se mettre debout !

Mais Jésus-Christ est ressuscité, il s’est relevé de la mort. Avec lui, nous pouvons nous tenir debout. La puissance de sa résurrection est à l’oeuvre en nous aujourd’hui : elle nous restaure, elle nous purifie et nous pardonne, elle nous communique la vie et nous donne la victoire. Il ne s’agit pas d’être triomphaliste et de nier les combats que nous devons continuer à mener en tant que croyant. Mais il s’agit bien de saisir les promesses de Dieu, de laisser l’Esprit de Dieu faire son oeuvre de restauration en nous et d’expérimenter la puissance de la grâce de Dieu.

Et même si nous sommes accablés par l’épreuve, incapable de la surmonter, nous savons qu’un jour nous nous relèverons aussi de la mort, nous nous tiendrons debout en présence du Christ ressuscité, pour l’éternité. Au dernier jour, l’espérance nous mettra debout, pour toujours !

 

L’espérance nous donne un horizon

Au coeur de notre texte, il y a la lumière. Une lumière qui est celle du soleil qui se lève : “La gloire du Seigneur t’éclaire comme le soleil levant.” (v.1) Que regarde-t-on quand on contemple le spectacle d’un lever de soleil ? On regarde au loin, l’horizon.

L’espérance nous donne un horizon, un avenir qui ne s’arrête jamais. Elle permet de voir au-delà des épreuves et des difficultés du moment, aussi intenses soient-elles. Elle nous garantit que notre histoire ne se terminera pas dans ce monde mais qu’elle se prolongera pour l’éternité, dans un monde nouveau. Oui, l’horizon est dégagé depuis que Jésus a vaincu la mort !

On ne sait pas de quoi sera fait cette année 2022 qui s’ouvre devant nous. On a appris depuis deux ans à être prudent et à utiliser le conditionnel… Mais ce qui est certain, c’est que notre espérance n’est pas dans les laboratoires pharmaceutiques ou les candidats à l’élection présidentielle ! Ça ne veut pas dire que nous devions nous en désintéresser, évidemment. Mais nous devons toujours garder nos yeux fixés sur l’horizon de notre espérance.

C’est ce qui nous permettra de relativiser les espoirs et les désespoirs de ce monde, et voir plus loin, avec les yeux de la foi. Ainsi, quand l’avenir semble bouché, l’espérance voit au-delà, vers l’horizon du Royaume de Dieu qui vient.

 

L’espérance éclaire nos ténèbres

“L’obscurité couvre la terre, la nuit enveloppe les peuples. Mais toi, le Seigneur t’éclaire comme le soleil qui se lève” (v.2)

Vous remarquerez la forme verbale au présent. Ce n’est pas “le Seigneur t’éclairera, un jour, plus tard…” mais bien “le Seigneur t’éclaire”. C’est vrai dès aujourd’hui. C’est aussi cela l’espérance : non pas seulement un espoir pour demain mais une assurance dès aujourd’hui. C’est un peu la promesse de Jésus à ses disciples, qu’il fait juste avant de les quitter : “Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde”.

Quand le soleil se lève, à l’horizon, sa lumière nous atteint. Elle commence à paraître même avant que le soleil se lève. Nous attendons encore, bien-sûr, le plein accomplissement de notre espérance. Mais sa lumière nous atteint dès aujourd’hui. Elle éclaire nos ténèbres, elle chasse la nuit qui nous entoure.

Notre vie dès aujourd’hui est illuminée par notre espérance, elle éclaire notre vie. D’ailleurs, dans notre texte, Jérusalem est appelée à briller de mille feux ! Je ne sais pas si notre espérance nous fait briller de mille feux… mais elle est au moins appelée à transparaître de notre vie.

Il y a une question pertinente à se poser en tant que croyant aujourd’hui, particulièrement dans le contexte que nous connaissons : comment pouvons-nous être porteurs d’espérance ? “Que votre lumière brille aux yeux de tous”, disait Jésus à ses disciples (Mt 5.16) Comment être porteur d’espérance dans un monde où règnent l’incertitude, la peur, la méfiance et le soupçon ?

Plutôt que de suivre comme des moutons, et de relayer soit les discours anxiogènes soit les discours complotistes, les chrétiens aujourd’hui ne devraient-ils pas avoir une voix discordante exprimant la confiance en Dieu, la paix, l’espérance ?

 

Conclusion

Je ne sais pas dans quel état psychologique et/ou physique vous vous trouvez au début de cette nouvelle année. Vous êtes peut-être fermement debout, prêt et déterminé. Vous êtes peut-être chancelant, mal assuré, fatigué ou inquiet. Et vous êtes peut-être même à terre, découragé, au fond du trou.

Dans tous les cas, je vous invite à lever les yeux et regarder vers l’horizon, celui du Royaume de Dieu qui vient. Je vous invite à laisser sa lumière vous rejoindre et la laisser vous guider. Je vous encourage à puiser dans votre espérance la force de vous relever ou de rester debout. Car une espérance solide est possible, grâce à Jésus-Christ, mort et ressuscité, qui a promis d’être avec nous tous les jours, jusqu’à la fin du monde !

Une crise d’ado qui nous recentre sur nos priorités

Les fêtes de fin d’année, c’est une période tout à fait particulière. Une période où l’on voit, ou recontacte, plus de monde, un temps particulier, un temps souvent accéléré : il faut choisir les cadeaux, anticiper, organiser des repas,… Chacun a ses petites traditions, ses attentes, parfois ses déceptions (cette année particulièrement, où beaucoup ont dû vivre autrement ces fêtes, pandémie oblige). Cette période, riche, nous renvoie aussi aux Noëls précédents, à nos souvenirs d’enfance,… C’est comme un point d’étape qui nous fait dire : « déjà un an de passé ! »

Et en même temps, l’approche du Nouvel An nous tourne vers l’avenir. Il y a bien sûr les traditionnels messages de vœux et les bonnes résolutions… ou simplement les questions autour de la pandémie, des élections, de nos décisions à prendre, de nos projets… que nous réserve 2022 ?

En bref, la période des fêtes, bien qu’intense, peut-être morcelée, nous pousse (plus ou moins joyeusement, plus ou moins douloureusement) à faire un peu le point : où est-ce que j’en suis ? avec nos attentes, nos frustrations, nos rêves, nos craintes…

Ces questionnements, on les retrouve un peu dans le texte biblique proposé aujourd’hui, un texte qu’on ne trouve que dans l’Evangile de Luc, un texte presque anecdotique qui vient conclure tout son cycle sur la naissance de Jésus, avant de passer au rayonnement de sa vie d’adulte.

Lecture biblique : Luc 2.40-52

40 L’enfant grandissait et se développait. Il était rempli de sagesse et la faveur de Dieu reposait sur lui.

41 Chaque année, les parents de Jésus montaient à Jérusalem pour la fête de la Pâque. 

42 Lorsque Jésus eut douze ans, ils l’emmenèrent avec eux selon la coutume. 

43 Quand la fête fut terminée, ils repartirent, mais l’enfant Jésus resta à Jérusalem et ses parents ne s’en aperçurent pas. 

44 Ils pensaient que Jésus était avec leurs compagnons de voyage et ils firent une journée de marche. Ils se mirent ensuite à le chercher parmi leurs parents et leurs amis, 45 mais sans le trouver. Ils retournèrent donc à Jérusalem en continuant à le chercher. 46 Le troisième jour, ils le trouvèrent dans le temple : il était assis au milieu des spécialistes des Écritures, les écoutait et leur posait des questions. 47 Toutes les personnes qui l’entendaient étaient stupéfaites de son intelligence et des réponses qu’il donnait. 

48 Quand ses parents l’aperçurent, ils furent saisis d’émotion et sa mère lui dit : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Ton père et moi, nous étions très inquiets en te cherchant. » 49 Il leur répondit : « Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père ? » 50 Mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait.

51 Jésus repartit avec eux à Nazareth. Il leur obéissait. Sa mère gardait en elle le souvenir de tous ces événements. 

52 Et Jésus grandissait. Il progressait en sagesse et se rendait agréable auprès de Dieu et de chacun.

Hier encore, Jésus venait de naître, petit nourrisson emmailloté au milieu de la crèche. Il a bien grandi depuis !  Nous avons très peu d’informations sur l’enfance de Jésus, sur tout ce qui précède le moment, où, vers 30 ans, il a commencé à arpenter le pays en parlant de Dieu et en faisant du bien autour de lui. Mais l’évangéliste Luc, qui a recueilli bien des témoignages pour écrire son livre sur Jésus, nous donne cette petite anecdote tirée de l’adolescence de Jésus.

Jésus, un vrai ado

Et Jésus est un vrai ado ! Franchement, si ce n’était pas Jésus, on trouverait qu’il exagère un peu, non ? Il reste à Jérusalem sans prévenir ! Et il n’y a pas de téléphone portable, hein, pour pouvoir rassurer les parents à distance ! Vous imaginez le stress des parents ?!

Ils ne s’inquiètent pas de suite; manifestement, ils sont habitués à voyager en grand groupe, avec peut-être les jeunes qui restent ensemble… Mais le premier soir du voyage de retour, au moment de se coucher, ils ne trouvent pas leur fils. Deuxième jour de voyage : ils le cherchent partout dans le convoi. Ne minimisons pas l’angoisse : même 5 minutes, pour un parent qui ne trouve pas son enfant, c’est une éternité. Donc un jour entier, avec son lot d’inquiétude, de culpabilité, de rationalisation (« mais qu’est-ce qu’il fait ? où est-il ? vous ne l’avez pas vu ? oh et s’il lui est arrivé quelque chose, et qu’on l’a cherché trop tard, oh la la, tout est de notre faute ! Ah non, peut-être que lui, là, a vu Jésus. Peut-être qu’on s’inquiète pour rien ? ah non, même lui ne sait rien. »)

Bredouilles, ils décident de refaire le chemin inverse, sans doute envahis de questions, de stress, avec les pires scénarios en tête, tout en essayant de se remonter le moral l’un à l’autre… Chercher son enfant dans la capitale, vous imaginez la simplicité de la démarche ! Et quand, au bout de 3 jours de séparation, ils finissent par arriver au Temple, Jésus est là, innocemment, en train de discuter théologie. A leur place, j’aurais hésité entre le serrer dans mes bras et le secouer : non mais, on ne fait pas des frayeurs comme ça !!

Je trouve ça drôle, de voir Jésus comme un vrai ado, un peu oublieux des règles, tellement absorbé par ce qu’il est en train de vivre qu’il ne prévient pas ses parents. Sa réponse aux parents ne détonnerait pas dans la bouche d’un jeune : « ben quoi, qu’est-ce qu’il y a, vous n’savez pas que… ? » On voit un début d’autonomie, bourgeonnante, pas encore complètement apprivoisée. Jésus n’est plus un enfant, mais il n’est pas encore un adulte : il est entre-deux.

Et dans le texte, Luc nous montre subtilement que ce statut n’est pas si facile à apprivoiser, pour Jésus, et pour ses parents, qui ont peut-être un peu de mal à le voir grandir (v.40, 42, 48 “enfant”; v.52 “Jésus”). Certes, dans les yeux de nos parents, on reste toujours un enfant, même quand on a 60 ans ! Mais Jésus manifeste ici une certaine indépendance, il exprime ses priorités, quitte à secouer les habitudes. C’est d’ailleurs la première fois que Jésus parle dans l’Evangile – jusqu’ici, on a beaucoup parlé de lui, mais maintenant il prend la parole : il commence à s’émanciper, à trouver sa voix/ voie.

C’est le chemin de l’adolescence ! Et Jésus a lui aussi vécu cette étape universelle, inconfortable, source de malentendus et de frustrations, ce tiraillement identitaire. Il l’a vécue sans pécher, sans faire de mal – et ses parents non plus ne sont pas fautifs. Depuis le début, on voit qu’ils sont pieux, réceptifs à Dieu…

Qu’est-ce que c’est encourageant de voir que Jésus est passé par notre chemin d’humanité, par nos apprentissages, qu’il a dû lui aussi apprivoiser sa liberté, apprendre à se positionner… si vous êtes un ado en plein questionnement : Jésus vous comprend !! Et si vous n’êtes plus ado, Jésus comprend aussi vos tiraillements, vos périodes critiques, ces moments d’entre-deux où on change de statut : nouveau marié, nouveau parent ou grand-parent, ou parent d’ado (!) , un changement de travail, la retraite !, un déménagement, un changement de responsabilité ou de famille… L’inconfort dans ces entre-deux est normal, même quand tout le monde est bien intentionné, même pour Jésus ! Cela fait partie des petits déséquilibres qui nous poussent à grandir, à changer de vitesse pour mieux vivre la suite du chemin.

Un sacré potentiel !

Evidemment, il y a une immense différence entre Jésus et nous. Luc nous présente à la fois le côté très humain de Jésus, et puis son potentiel plus qu’humain. On le sait depuis l’annonciation à Marie : l’enfant qu’elle met au monde n’est pas tout à fait comme les autres. Il deviendra le sauveur du monde ! il sera appelé fils de Dieu, Emmanuel « Dieu avec nous » !

Avec cette anecdote, et même tout le cycle de la nativité, on a l’impression que Luc insiste sur le potentiel de Jésus : « tout petit déjà,… ». Tout petit déjà, Jésus était d’une sagesse incroyable, d’une finesse et d’une profondeur spirituelles qui impressionnaient ses auditeurs, et même les érudits de la capitale ! Comme on dit dans le Sud, ceux qui l’entourent sont tout espantés, scotchés, par ce que ce jeune transmet.

Bien sûr, on peut en tirer l’invitation à écouter nos jeunes, parce que la profondeur n’est pas proportionnelle à l’âge. Mais Luc insiste surtout ici sur le fait Jésus a une identité et une mission particulières. Son cheminement le tourne vers Dieu, vers les priorités et les projets de Dieu. Peu à peu, il prend l’envergure du prophète, du représentant de Dieu, du sauveur. Dans ce texte, on voit que c’est devenu une évidence : sa vie, c’est de remplir la mission unique que Dieu lui a confiée !

Dès son jeune âge, sa priorité, sa vie, c’est de remplir la mission que Dieu lui confie : il existe pour révéler Dieu, pour être Dieu parmi les hommes, pour réconcilier Dieu et l’humanité. Là, à douze ans, dans le Temple, Jésus ne revendique pas sa proximité avec Dieu comme un privilège exclusif… Mais il suit son chemin, pour remplir sa mission. Ce n’est pas anodin que Luc raconte ce qui s’est passé à la fête de Pâque… annonçant une autre fête de Pâque des années plus tard. Dieu se fait enfant, ado, adulte ; prophète, enseignant, soignant ; victime crucifiée… pour payer la rançon et nous ramener à la maison, pour effacer tout ce qui nous perturbe notre relation avec lui, afin que nous puissions dire, à notre tour, sans hésitation : « Dieu est mon Père. Je suis enfant de Dieu. »

D’abord enfants de Dieu

Jésus est unique : il a une identité unique (Dieu devenu homme), il a une mission unique (sauver l’humanité), il a un destin unique (régner glorieusement sur le monde terrestre et céleste, en instaurant la paix et la justice).

Jésus est unique, mais il nous invite à suivre ses traces, là où nous le pouvons. Comment cette anecdote qui nous fait admirer Jésus, vrai homme, vrai Dieu, comment cette anecdote peut-elle nous aider à vivre comme Jésus, à suivre ses pas ?

Un des enjeux de ce passage, c’est de montrer l’entre-deux que traverse Jésus, et qui le pousse à assumer son identité. Son Père, c’est d’abord Dieu ! Par le biais de Jésus, nous sommes appelés nous aussi à nous saisir de cette identité : nous sommes enfants de Dieu, grâce au Christ qui nous réconcilie avec Dieu, grâce à son Esprit qui demeure en nous comme un ADN surnaturel qui nous transforme de l’intérieur – le chrétien est un OGM (organisme génétiquement modifié) !

Et c’est tellement libérateur ! Ce qui nous définit, en Christ, c’est l’amour que Dieu nous porte, la valeur qu’il nous accorde, l’invitation à lui ressembler ! Quelle dignité !

Ce que nous avons hérité du passé, dans toutes ses beautés et ses failles ; ce que nous avons accompli, dans toute sa richesse et son imperfection ; ce que nous sommes aujourd’hui avec nos limites et notre potentiel… sur cette trame de vie tissée par nous et par d’autres, dont les motifs nous accablent parfois, Jésus brode en lettres majuscules : tu es enfant de Dieu !

Et cette identité nouvelle, fondée sur le Christ, vivifiée par l’Esprit de Dieu, n’est pas à égalité avec le reste… Jésus exprime très clairement une priorité pour lui-même : « ne savez-vous pas que je dois m’occuper des affaires de mon Père ? » De la même façon, notre identité d’enfants de Dieu, si chèrement acquise à la croix, est une priorité. Par la foi, nous devenons enfants de Dieu, et d’abord enfants de Dieu. Cela devient notre première caractéristique !

Ce statut nouveau oriente nos projets : si nous sommes enfants de Dieu, appelés à travailler avec lui, à vivre pour lui, à le refléter dans tout ce que nous vivons, qu’est-ce que ça implique dans nos projets, notre comportement, nos priorités… ?

Ce statut nouveau questionne nos orientations, et aussi nos loyautés : dans telle situation, qui est-ce que je veux satisfaire ? Mon patron ? mon client ? Mes parents (même quand on a bien grandi…) ? Mon conjoint ? La société ? Mon ego ? « Je dois m’occuper des affaires de mon Père… »

Notre loyauté va à Dieu, et à Dieu d’abord ! Ca ne veut pas dire qu’on envoie balader le reste du monde, bien au contraire, mais être enfant de Dieu implique de fonder toute notre vie sur lui, de le placer au centre – quitte à expérimenter quelques tiraillements ou à susciter des incompréhensions (comme Marie & Joseph qui n’ont dû comprendre que bien plus tard pourquoi Jésus avait fait cette réflexion…).

 

« La Parole a été faite chair… Dieu s’est fait homme… Il est venu dans le monde pour que tous ceux qui croient en lui deviennent enfants de Dieu » (d’après Jean 1.1-14). Jésus s’est donné, sur la croix, pour que nous soyons pardonnés. Il est ressuscité, pour triompher de la mort et du mal, pour nous ouvrir un chemin de vie, proche de Dieu. Par la foi, nous sommes enfants de Dieu. Mais nous devenons aussi enfants de Dieu, nous apprenons notre identité, notre vocation, à la suite du Christ qui a dû lui aussi apprendre ! Alors quelle que soit la période que vous traversez, que Dieu, par son Esprit, continue de tricoter en vous cette identité nouvelle, surnaturelle, éternelle : vous êtes enfants de Dieu !

Personne n’est trop petit pour connaître Dieu

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(Dialogue avec les enfants) : Est-ce que vous savez qu’on parle de vous dans la Bible ? Est-ce que vous savez que Jésus parle de vous ? Plusieurs fois, Jésus parle des enfants. Et non seulement, il dit que les enfants sont importants, mais il dit même aux adultes qu’ils doivent les prendre en exemple !

Depuis deux semaines, le début du temps de l’Avent qui conduit jusqu’à Noël, nous méditons des textes des évangiles qui nous parlent des enfants.
Il y a deux semaines, Eglantine avait parlé de l’épisode où Jésus a, contre l’avis de ses disciples, accueilli des enfants qu’on lui amenait pour qu’il les bénisse. Il les a même pris en exemple en disant à ceux qui l’entouraient : « Laissez les enfants venir à moi et ne les en empêchez pas, car le royaume des cieux appartient à ceux qui leur ressemblent. » Il s’agit, pour connaître Dieu et son Royaume, c’est-à-dire son oeuvre, de se reconnaître vulnérable et dépendant devant Dieu, comme des enfants.
La semaine dernière, Florence a évoqué un autre épisode qui souligne l’importance d’accueillir les petits. Jésus a pris un enfant dans ses bras et il a dit à ses disciples, qui se disputaient pour savoir qui était le plus grand : « Qui accueille en mon nom un enfant comme celui-là, m’accueille moi-même ; et qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. » Être grand, c’est accueillir le petit… et c’est dans ce processus d’accueil que Jésus vient nous rencontrer.

Le texte de ce matin est dans la même veine. Sa particularité est qu’il s’agit d’une des très rares prières de Jésus dont on connaisse le contenu. Les évangiles nous disent à plusieurs reprises que Jésus aimait s’isoler pour prier. Il a donné à ses disciples un modèle de prière, c’est le Notre Père. Mais ici, c’est Jésus lui-même qui prie à haute voix, s’adressant autant à Dieu qu’à ses disciples qui l’entendent prier.

On ne connaît pas précisément le contexte de cette prière mais dans les versets qui précèdent, Jésus a fait référence aux personnes qui l’ont vu accomplir des miracles et qui pourtant ont refusé de croire. Et avant encore, il parlait de tous ceux qui avaient entendu l’appel de Jean-Baptiste, qui annonçait la venue de Jésus, mais qui n’ont pas voulu l’écouter ou qui n’ont pas cru.

Face aux blocages et aux résistances de ceux qui ne voulaient ou n’arrivaient pas à croire, Jésus s’émerveille dans une prière à haute voix :

Matthieu 11.25-26
25 En ce temps-là, Jésus prit la parole et dit : « Ô Père, Seigneur du ciel et de la terre, je te loue d’avoir révélé aux tout-petits ce que tu as caché aux sages et aux personnes instruites. 26 Oui, Père, dans ta bienveillance, tu as voulu qu’il en soit ainsi. »

En gros, ce que dit Jésus dans cette prière, c’est que Dieu a renversé les valeurs. Ce n’est pas aux grands et aux sages qu’il se révèle mais aux petits. Qu’est-ce que ça signifie ?

(Dialogue avec les enfants) : Est-ce que vous aimez aller à l’école ? Pourquoi ? Finalement, pourquoi est-ce que vous allez à l’école ?

Si on a besoin d’aller à l’école, c’est pour apprendre… Et ça peut être la première leçon de la prière de Jésus.

 

Pour connaître, il faut avoir besoin d’apprendre

Les petits enfants ont tout à apprendre. Et pas seulement apprendre à lire ou à compter. Ils ont tout à apprendre d’eux-mêmes, des autres, de la vie… Je suis grand-père depuis quelques mois seulement. Et je me régale de voir l’évolution de mon petit-fils, qui découvre petit à petit son corps et son environnement, l’interaction avec les autres, par des sourires, des babillements… Quoi de plus beau que les yeux pétillants d’un enfant, émerveillé devant une nouvelle découverte, un nouvel apprentissage ?

J’imagine bien Jésus avec les mêmes yeux pétillants (s’il les a gardés ouverts…) en disant cette prière. Car c’est bien une prière d’émerveillement qui appelle notre émerveillement. Car la foi demande d’avoir gardé son âme d’enfant, avec une soif de découverte et d’émerveillement.

Les petits enfants ont un autre grand avantage sur les adultes : leur regard n’est pas encore pollué par les a priori et les présupposés. Mais ça vient très vite… Les présupposés, c’est quand on dit : “ah oui, ça je sais, ça je connais, je n’ai plus besoin d’en apprendre…” Et c’est dramatique quand ça concerne les gens, qu’on enferme dans des cases ou des catégories. Mais les présupposés sont aussi très nombreux en ce qui concerne la foi. “La religion, je connais”, “je connais les chrétiens, la Bible, Dieu…”

Mais dans la prière de Jésus, la révélation de Dieu est pour ceux qui ne savent pas, pas pour ceux qui savent déjà… Pour connaître, il faut avoir besoin d’apprendre ! Du coup, l’avertissement reste valable qu’on soit croyant ou non. Pour le croyant aussi, le risque de penser savoir, de n’avoir plus besoin d’apprendre, existe. Et c’est un réel danger pour notre vie spirituelle…

 

Personne n’est trop petit pour connaître Dieu

Le deuxième élément que j’aimerais souligner dans la prière de Jésus, c’est la formidable promesse qu’on y trouve. Et c’est cette promesse qui est sans doute la principale source d’émerveillement de Jésus. La voici : personne n’est trop petit pour connaître Dieu !

Connaître Dieu, le grand Dieu, le “Seigneur du ciel et de la terre”, c’est possible ! Et c’est même possible pour tout le monde !

Se penser trop petit, ça peut être une question d’âge. On peut se dire : “moi, je suis trop jeune…” Mais pas besoin d’attendre d’être un adulte pour avoir la foi ! Bien-sûr qu’un enfant peut connaître Dieu. Évidemment, il ne vivra pas sa foi de la même manière qu’un adulte. Mais c’est la même chose pour un adolescent, un jeune adulte, ou quelqu’un au soir de sa vie. La foi évolue, elle nous accompagne tout au long de notre vie. Alors ce serait dommage de repousser à plus tard… Quel que soit votre âge, aujourd’hui, vous pouvez connaître Dieu, lui faire confiance et recevoir son amour.

Se penser trop petit, ça peut être une question de capacité intellectuelle, d’éducation, de niveau d’étude… Mais il n’y a pas besoin de diplômes particulier, pas besoin d’un certain niveau de QI, pas besoin d’avoir multiplié les expériences spirituelles pour connaître Dieu… c’est révélé aux tout-petits. C’est donné à ceux qui ont soif de comprendre. Essayez, vous verrez !

En fait, c’est même une chance de se savoir petit, d’une manière ou d’une autre, pour connaître Dieu. Parce que ceux qui se croient grands et sages risquent bien de croire qu’ils n’ont pas besoin de Dieu. Et dans ce cas, ils sont sûrs de ne pas le trouver…

 

Conclusion

Cette étonnante prière de Jésus convient bien à ce temps de l’Avent qui nous conduit jusqu’à Noël. C’est le temps de l’émerveillement, c’est le temps de la rencontre, pour petits et grands.

Le message de Noël, celui de la naissance de Jésus, c’est Dieu qui se met à notre portée. Le Dieu très grand se fait tout petit, le Fils de Dieu devient petit enfant, né dans une étable. Il vient à notre rencontre. Et aujourd’hui, si nous avons soif d’apprendre et de le connaître, nous pouvons le rencontrer par la foi. Personne n’est trop petit pour connaître Dieu !