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Aimez-vous les uns les autres

https://soundcloud.com/eel-toulouse/aimez-vous-les-uns-les-autres

 

Lecture biblique : Jean 13.31-35

Il y a des textes fondamentaux sur lesquels il est toujours utile de revenir. Celui-ci en fait partie puisqu’il contient cet appel de Jésus : « Aimez-vous les uns les autres. ». C’est en effet ce que beaucoup, y compris parmi les non-croyants, retiennent de l’enseignement de Jésus. Et il faut dire que pour nous, disciples du Christ, nous sommes assez d’accord. « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé » constitue un excellent résumé de l’enseignement de Jésus !

Mais d’abord, le contexte. Ce discours fait partie des dernières paroles de Jésus, peu de temps avant d’être arrêté. Il sait que son temps est compté et il en avertit ses disciples : « Je suis encore avec vous pour peu de temps, ensuite vous allez me chercher. » Et il sait très bien ce qui l’attend… Ses paroles revêtent donc une importance particulière.

Le verset 31 précise que Jésus dit ces paroles une fois que Judas est sorti. Et juste avant, il avait annoncé que l’un de ses disciples allait le trahir. Jésus se retrouve donc avec les 11 disciples qui seront le noyau dur de son Église, le socle sur lequel il bâtira son Église. A travers eux, c’est donc à nous, chrétiens de tous les temps, que Jésus s’adresse.

Ce commandement, qu’il rappellera dans les mêmes termes au chapitre 15 du même évangile, est toujours d’actualité pour nous. « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimé. » Voilà qui est bien au cœur de notre vocation de disciple du Christ !

Un commandement nouveau

Mais pourquoi Jésus dit-il qu’il s’agit d’un commandement nouveau ? Aimez-vous les uns les autres… ce n’est pas vraiment nouveau ! « Aime ton prochain comme toi-même », c’est bien dans le Lévitique, non ? Et Jésus lui-même a dit que c’était le plus grand commandement, avec celui qui invitait à aimer Dieu de tout notre cœur.

Alors qu’est-ce qui est nouveau ? Je suis assez d’accord avec Calvin qui voit dans la nouveauté une réaffirmation de son importance, tant il est vrai que nous sommes prompts à oublier… Calvin transcrit les paroles de Jésus ainsi : « Je veux que vous ayez un perpétuel souvenir de ce commandement, comme si c’était une ordonnance faite de nouveau. » En somme, c’est le commandement suprême à recevoir toujours comme un nouveau commandement. Un commandement sans cesse à vivre, toujours à réinventer.

Et c’est vrai que ce commandement à l’amour les uns pour les autres peut se perdre dans la routine de la vie chrétienne, ou se diluer dans de bons sentiments, des discours creux, ou des actes pieux pour se donner bonne conscience. Il n’est plus alors un commandement nouveau. C’est un commandement périmé, qui a perdu toute sa saveur, toute sa valeur.

Mais comment puis-je alors, vraiment, aimer mes frères et sœurs ? Comment faire pour que cet amour soit vrai et pas seulement formel, superficiel ? Comment est-ce que je peux le vivre comme un commandement vivifiant que je viens de découvrir ! Un commandement nouveau…

C’est une grâce qu’on peut demander à Dieu. Pour qu’il renouvelle en nous notre volonté de nous aimer les uns les autres. Car l’amour vivant se réinvente sans cesse.

Comme je vous ai aimé

Et Jésus insiste : « Comme je vous ai aimé, aimez-vous les uns les autres. »

Est-ce à dire qu’il faut faire la même chose que Jésus ? Aimer de la même façon que Jésus nous a aimé ? Faut-il, pour accomplir ce commandement, aller jusqu’au don de sa vie ? Ou, comme le prétendent certains commentateurs, aimer son prochain plus que soi-même ?

Je ne le pense pas… La façon dont Jésus nous a aimé est unique. La mort en sacrifice du Christ, sur la croix, est unique et impossible à imiter. Par contre, c’est bien parce que Jésus-Christ nous a aimé que nous sommes appelés à nous aimer les uns les autres. L’amour du Christ est premier et il inspire notre amour.

Dans ce sens, l’exemple de Jésus a toute sa valeur. Et il a incarné l’amour radical qu’il prône dans le Sermon sur la Montagne, où il invite à aimer jusqu’à ses ennemis. Il a donné l’exemple d’un amour qui le conduira jusqu’à la mort, jusque dans ces paroles qu’il dit à ses bourreaux, sur la croix : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font. »

Evidemment, comparé à l’exemple de Jésus, notre amour est forcément fade… Mais en même temps, c’est son amour qui nous inspire, qui nous donne la force d’aimer à notre tour. Son amour parfait ne doit pas nous écraser, nous culpabiliser de ne pas pouvoir aimer comme lui aime. Il doit au contraire nous élever, et nous donner la force d’aimer. Car nous pouvons puiser dans son amour. Finalement, il ne dira pas autre chose dans les chapitres suivant, lorsqu’il annoncera la venue du Saint-Esprit : « Si vous m’aimez, vous obéirez à mes commandements, et moi, je prierai le Père. Et il vous donnera quelqu’un d’autre pour vous aider, quelqu’un qui sera avec vous pour toujours : c’est l’Esprit de vérité. » (Jean 14.15-17a)

C’est par lui que nous pouvons puiser l’amour en Christ, c’est par lui que nous pouvons aimer à notre tour, comme le Christ nous a aimé.

Et tout le monde saura que vous êtes mes disciples

Jésus souligne enfin qu’il y a un enjeu, dans ce commandement, qui dépasse les simples relations entre frères et sœurs. « Ayez de l’amour les uns pour les autres. Alors tout le monde saura que vous êtes mes disciples. »

Ici s’éclaire ce que dit Jésus, dans notre texte, à propos de la gloire que le Fils et le Père manifestent. Lorsqu’il parle du Fils qui manifeste la gloire de Dieu, il fait référence à sa mort, par laquelle il accomplira le plan de Dieu. Et quand il parle du Père qui glorifiera le Fils, il pense sans doute à sa résurrection.

S’il en parle, en lien avec le commandement de s’aimer les uns les autres, c’est parce que Jésus est sur le point de s’en aller, et les disciples ne peuvent pas le suivre. Bientôt, il ne sera plus là. Mais les disciples, eux, seront toujours là. Et ce sera à eux de manifester le Christ, par leur amour, comme le Fils a glorifié le Père.

L’accomplissement du commandement de l’amour les uns pour les autres a une portée au-delà du cercle de l’Église. « Alors tout le monde saura que vous êtes mes disciples… »

Et là nous sommes interpellés ! Est-ce que tout le monde voit que nous sommes les disciples du Christ ? Est-ce que les gens qui nous voient vivre, qui voient notre façon d’être ensemble, disent : « ah oui, on voit qu’ils sont disciples du Christ. ! »

Le premier impératif lié à ce commandement, pour l’Église, c’est que ça se voie. Pas que ça s’entende dans nos cantiques, nos prières, nos confessions de foi, nos prédications…. mais que ça se voie.

Le premier impératif du témoignage, c’est notre vie. Et pas seulement une vie qui fait de son mieux pour éviter de trop faire du mal aux autres, ou qui s’efforce de ne pas être trop un contre-témoignage. Non, une vie qui, en elle-même, est un témoignage positif de l’amour qui vient de Dieu. Comme le dit cette parole, prêtée à Saint-François : « Prêche l’Évangile par tous les moyens, si nécessaire utilise des paroles ! »

Bien-sûr que les paroles ont leur utilité dans le témoignage. Mais elles ne servent à rien si elles ne peuvent pas s’appuyer sur une vie qui manifeste l’amour du Christ !

Conclusion

Ce n’est pas un commandement parmi les autres dont parle Jésus dans ce texte. C’est le programme de vie auquel il nous invite, si nous sommes ses disciples. Un programme qui nous lie au Christ, car son amour est premier. Un programme qui nous lie aussi à notre prochain, envers qui nous sommes appelés à manifester l’amour du Christ.

Pour que ce programme devienne réalité dans notre vie, il faut que nous le recevions comme un commandement nouveau : aimer mon prochain, c’est être avec lui dans une relation toujours nouvelle. Et c’est aussi une façon concrète de glorifier Celui qui nous a aimé le premier. Le premier impératif du témoignage, c’est notre vie.

« Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimé. Alors tout le monde saura que vous êtes mes disciples. »

Écouter la voix du berger

 

Lecture biblique : Jean 10.22-30

Jésus a commencé son ministère depuis un certain temps déjà. Les gens viennent à lui pour entendre son enseignement et voir les miracles qu’il accomplit. Les foules sont fascinées… mais les responsables religieux Juifs ne partagent pas cet enthousiasme. Ils sont même hostiles à Jésus, ils contestent son enseignement, ils refusent de voir en lui le Messie. Ils sont en conflit avec Jésus et cherchent un moyen de se débarrasser de lui.

Notre épisode se déroule au moment de la fête de la Dédicace, en novembre ou décembre. C’est Hanouka, la fête des lumières, qui commémore la restauration du temple de Jérusalem après sa profanation par Antiochus Epiphane au IIe siècle avant Jésus-Christ.

Jésus est dans le temple. Comme beaucoup de monde sans doute à cette occasion. Et il va et vient… Les responsables religieux Juifs sont aussi là, bien sûr. Et ils voient Jésus qui va et vient dans le temple. Et, visiblement, ça les énerve ! Tant que Jésus ne dit rien ou ne fait rien, ils ne peuvent pas s’opposer à lui. Et Jésus, lui, va et vient dans le temple.

Au bout d’un moment, ils ne tiennent plus et se rassemblent autour de Jésus pour l’interpeller. Littéralement, il font cercle autour de Jésus. Ils l’encerclent ! Comme ça, il arrêtera de marcher, d’aller et venir dans le temple ! Et ils lui demandent, impatients : « Bon, ça suffit maintenant. Dis-nous si tu es vraiment le Messie. Dis-le nous clairement ! Et pas avec tes petites histoires, ces paraboles que personne ne comprend. »

Il faut dire que, dans l’évangile selon Jean, il était justement question, juste avant, d’une parabole de Jésus. Une histoire de berger, de moutons, d’enclos et de voleurs.

1« Oui, je vous le dis, c’est la vérité : si quelqu’un n’entre pas par la porte dans l’enclos des moutons, mais s’il passe par-dessus le mur à un autre endroit, c’est un voleur et un bandit. 2Mais celui qui entre par la porte, c’est le berger des moutons. 3Le gardien lui ouvre la porte, et les moutons écoutent la voix du berger. Il appelle ses moutons chacun par son nom et il les conduit dehors. 4Quand il les a tous fait sortir, il marche devant eux. Et ses moutons le suivent, parce qu’ils connaissent sa voix. 5Ils ne suivront jamais quelqu’un d’autre. Au contraire, ils fuiront loin de lui, parce qu’ils ne connaissent pas la voix des autres personnes. »

Et quand Jésus a expliqué cette parabole, parce que les gens ne comprenaient pas, Jésus a dit que le bon berger de l’histoire, c’était lui. Et qu’il était aussi la porte qui permet d’entrer et sortir librement de l’enclos.

Et du coup, les responsables religieux n’étant pas bêtes, ils comprenaient bien que lorsque Jésus parle des bandits dans son histoire, il pense sûrement à eux. Et puis ce bon berger qu’il affirme être, ils comprennent bien que c’est la figure du Messie. Celui que Dieu a choisi pour apporter le salut à son peuple. Mais comme il ne le dit pas clairement, et comme il n’arrête pas de les narguer en déambulant dans le temple, ils disent « ça suffit maintenant, on veut avoir une parole claire ! Tu prétends être le Messie, oui ou non ? »

Et Jésus répond. « Est-ce que je suis le Messie ? Mais je vous l’ai déjà dit ! » J’imagine la réaction des responsables religieux, qui devaient bouillir à l’intérieur : « Il se fout de nous ou quoi ? On lui demande justement de nous dire clairement ce qu’il ne fait que suggérer dans ses paroles ! »

Et Jésus répond : « Je vous l’ai déjà dit, mais vous ne croyez pas. » Autrement dit, le problème est du côté des responsables religieux qui ne veulent rien entendre, qui ne veulent pas comprendre.

« Vous avez entendu mon enseignement, vous avez vu les œuvres que j’accomplis… vous l’avez, votre réponse ! Et même si je vous disais ‘Je suis le Messie’, ça ne changerait rien, parce que vous ne croyez pas ! »

Et là, Jésus fait référence à sa fameuse parabole du berger et de ses brebis. « Si vous ne croyez pas, c’est que vous ne faites pas partie de mes moutons. La preuve : mes moutons écoutent ma voix. Alors que vous, vous ne voulez ni voir ni entendre. »

Voilà la clé : écouter la voix du berger ! « Mes moutons écoutent ma voix. Moi, je les connais et ils me suivent. »

Quelle est notre écoute de la voix de Dieu ?

Vraie et fausse écoute

Il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre ! A l’exemple des responsables religieux avec Jésus… Ils ne veulent ni voir ni entendre. Parce qu’ils savent à l’avance ce qu’ils veulent entendre. Ils veulent que Jésus dise explicitement qu’il est le Messie, comme ça ils pourront l’accuser de blasphème.

Et non seulement ils décident ce qu’ils veulent entendre mais en plus ils décident quand ils veulent l’entendre. Jésus va et vient dans le temple sans parler ? Ils le poussent à parler ! « Maintenant, parle ! »

Ne peut-on pas aussi être un peu comme ça dans notre écoute du Seigneur ? On entend ce qu’on veut entendre, quitte à dire après “Dieu m’a dit que…”. Et comme par hasard, c’est exactement ce qu’on voulait entendre.

Ou alors on fixe les conditions, le moment où Dieu doit parler ! On s’imagine qu’à force de prières sans cesse répétées, d’utilisation de formules à base de « nom de Jésus », ou en faisant pression sur Dieu par un jeûne qui s’apparente à une grève de la faim, on va finir par obtenir ce qu’on veut. Évidemment, on ne le dit pas comme ça. On tient un langage plus spirituel… mais examinons bien notre pratique de l’intercession…

Dieu n’est jamais obligé de parler. Il faut, certes, faire silence, demander, écouter… Mais si Dieu ne répond pas, tant pis ! Et s’il ne parle pas, c’est peut-être parce qu’on n’est pas prêt à entendre ce qu’il veut nous dire…

Écouter vraiment, c’est être prêt à recevoir sans a priori. C’est ne pas fixer le moment où le Seigneur doit parler mais se tenir sur la brèche, en tout temps. C’est se donner les moyens d’écouter vraiment. Faire silence. Prendre le temps.

Reconnaître sa voix

Ecouter, c’est bien… mais comment entendre le Seigneur parler ? Il y a peu de chance que Dieu vous parle directement par une voix qui vient du ciel… il y a certes quelques précédents bibliques mais quand même.

La prière est le lieu privilégié de l’écoute de Dieu. Car prier, c’est au moins autant écouter que parler. Une écoute dans le silence, une écoute nourrie de la Parole de Dieu, une écoute intérieure, de nos pensées, nos émotions, nos voix intérieures. Le Saint-Esprit n’habite-t-il pas le cœur du croyant ? La voix de Dieu peut se mêler à toutes ces voix silencieuses.

Mais comme le dit l’apôtre Paul, il faut prier sans cesse… ça veut donc dire aussi écouter sans cesse ! Dans le silence comme dans le tumulte, dans le repos comme dans l’action. Or, on entend de multiples voix. Dans notre cœur, dans les paroles de ceux qui croisent notre route, dans ce qu’on lit, ce qu’on entend… Comment savoir que c’est la voix de Dieu ?

Jésus dit dans sa parabole : les moutons écoutent la voix du berger, parce qu’ils connaissent sa voix.

Ça vous est sans doute déjà arrivé de décrocher le téléphone qui sonne et que vous entendez au bout du fil quelqu’un qui dit « Bonjour, c’est moi ! » et vous ne reconnaissez pas la voix… c’est très désagréable. Mais si c’est ma femme au bout du fil qui dit « c’est moi », je la reconnais tout de suite. Parce que je connais sa voix. Je la reconnaîtrais entre mille ! Pourquoi ? Parce que j’aime ma femme, j’aime sa voix, je la connais intimement.

Eh bien, c’est en développant notre intimité avec le Christ que l’on développe notre capacité à entendre sa voix. A force de passer du temps avec Dieu, sa voix nous devient familière. Qu’elle s’exprime silencieusement, au plus profond de notre cœur, ou qu’elle se mêle aux voix de ceux qui nous parlent. Cette intimité avec Dieu, cultivée dans la prière, nous rend sa voix familière.

Écouter pour agir

Cette écoute de la voix de Dieu nous permet non seulement de grandir dans la connaissance de Dieu mais aussi nous aide à marcher à sa suite. Les moutons de la parabole écoutent la voix du berger… et le suivent. Il les mène en dehors de l’enclos, les nourrit et les protège. Ou comme Jésus le dit dans notre texte :

27Mes moutons écoutent ma voix. Moi, je les connais et ils me suivent. 28Je leur donne la vie avec Dieu pour toujours. Ils ne mourront jamais, et personne ne pourra les arracher de ma main.

Ces magnifiques promesses sont pour ceux qui font confiance à la voix du berger, pour ceux qui se mettent en marche à la suite du Christ. Car l’écoute de Dieu est un prélude à l’action. Quand Dieu parle, il invite à se mettre en marche. Car si on écoute et qu’on n’agit pas en conséquence, a-t-on vraiment écouté ?

Conclusion

De cette petite passe d’arme entre Jésus et les responsables religieux, il ressort la figure du croyant comme un écoutant. Le croyant, c’est celui qui écoute la voix de son Dieu. C’est celui qui sait reconnaître sa voix dans le tumulte comme dans le silence. C’est celui qui se met en marche pour répondre à l’appel de son Seigneur.

Cultivons donc notre intimité avec Dieu pour apprendre à connaître sa voix. Et écoutons sans cesse, car Dieu nous parle.

Dieu accueille tout le monde !

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Le message de Pâques annonce un monde nouveau. Radicalement nouveau. La résurrection du Christ est l’événement fondateur de ce monde nouveau. Avec lui, il y a l’émergence d’un nouveau peuple de Dieu, un peuple issu de tous les peuples et uni par la foi au Christ ressuscité.

Sauf que, dans la pratique, ça n’est pas aussi simple que ça…

Au début de l’histoire de l’Église, tous les chrétiens étaient Juifs ou prosélytes (des non-Juifs convertis au Judaïsme). Et beaucoup pensaient que c’était très bien comme ça. Et que ceux qui voulaient devenir chrétiens devaient aussi se faire circoncire (la marque de l’appartenance à la religion juive). C’était la première grande dispute théologique dans l’histoire de l’Église.

Mais le livre des Actes des apôtres relate un événement qui a tout changé : la conversion d’un païen, un officier romain du nom de Corneille. Ce n’était pas un prosélyte, même s’il était un sympathisant du judaïsme. Oh, ça n’a pas été facile ! Dieu a dû utiliser les grands moyens pour convaincre l’apôtre Pierre d’aller le visiter :
Il envoie un ange à Corneille pour lui dire de faire venir Pierre
Il envoie à Pierre une vision spectaculaire et l’avertit de la visite d’hommes qui le cherchent
Et en discutant avec Corneille, Pierre se rend compte que tout était préparé par Dieu et qu’il devait élargir sa vision de l’oeuvre de Dieu.

C’est ce qu’il dit dans le texte biblique que nous allons lire :

Actes 10.34-43
34Alors Pierre prend la parole et dit : « Maintenant, je comprends vraiment que Dieu accueille tout le monde. 35Si quelqu’un le respecte avec confiance et fait ce qui est juste, cette personne plaît à Dieu. C’est vrai dans tous les pays. 36Dieu a envoyé sa parole au peuple d’Israël : il lui a annoncé la Bonne Nouvelle de la paix par Jésus-Christ, qui est le Seigneur de tous. 37Tout a commencé après que Jean a lancé cet appel : “Faites-vous baptiser !” Vous savez ce qui est arrivé, d’abord en Galilée, puis dans toute la Judée. 38Vous savez comment Dieu a répandu la puissance de l’Esprit Saint sur Jésus de Nazareth. Jésus est passé partout en faisant le bien. Il guérissait tous ceux qui étaient prisonniers de l’esprit du mal, parce que Dieu était avec lui. 39Et nous, nous sommes témoins de tout ce qu’il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem. On l’a supprimé en le clouant sur une croix. 40Mais, le troisième jour, Dieu l’a réveillé de la mort et il lui a donné de se montrer 41non pas à tout le peuple, mais à nous. En effet, Dieu nous a choisis d’avance comme témoins. Quand Jésus s’est relevé de la mort, nous avons mangé et bu avec lui. 42Il nous a commandé d’annoncer la Bonne Nouvelle au peuple et de rendre ce témoignage : Jésus est celui que Dieu a choisi pour juger les vivants et les morts. 43Tous les prophètes ont parlé de lui en disant : “Toute personne qui croit en lui reçoit par son nom le pardon des péchés.” »

Dieu accueille tout le monde !

« Maintenant, je comprends vraiment que Dieu accueille tout le monde. » On pourrait traduire « Je comprends que Dieu n’est pas partial, qu’il ne fait pas de favoritisme ». Etymologiquement, le terme grec évoque le fait de recevoir quelqu’un en fonction du visage, des apparences.

Alors, évidemment, Dieu n’est pas comme ça ! On se demande presque comment Pierre ne l’avait pas compris avant !!! Comment un Dieu juste et bon pourrait-il être partial ? Dieu accueille tout le monde. Il n’est pas le videur qui se tient à l’entrée de la boîte de nuit de son Royaume et qui décide de laisser entrer ou pas, en fonction de leur apparence, ceux qui se présentent à la porte !

Dieu accueille tout le monde… Et pourtant, ce n’était pas évident pour Pierre d’aller chez Corneille. Il y avait des règles très strictes qui interdisaient aux Juifs d’entrer chez des païens et de sympathiser avec eux. Alors dire cela dans ces circonstances était vraiment porteur de sens…

Dieu accueille tout le monde. Il ne nous accueille pas en fonction de notre façon de nous habiller ou de notre photo de profil sur Facebook ! Il ne nous accueille même pas en fonction de notre appartenance religieuse, de notre façon de prier ou de lire la Bible.

Sur quelle base, alors ? Pierre le dit : « Si quelqu’un le respecte avec confiance et fait ce qui est juste, cette personne plaît à Dieu. » Deux conditions : craindre Dieu et pratiquer la justice. En d’autres termes, avoir une vraie démarche de foi et une volonté de conformer sa vie en conséquence. C’est suffisamment large pour ne pas tomber dans le légalisme et le discours de morale. C’est suffisamment précis pour inviter à une démarche sincère et sérieuse. Et c’est vrai partout et tout le temps.

Il ne s’agit donc pas de dire que Dieu accueille n’importe qui et qu’il est toujours content, quoi qu’on fasse… Dieu accueille tout ceux qui vont à lui dans cet état d’esprit, dans cette démarche de foi. Qui que ce soit, quel qu’ait été son chemin de vie, quelle que soit sa situation personnelle. Voilà l’accueil que Dieu réserve à tous.

En réalité, c’est une autre façon de parler de la grâce de Dieu ! Dieu accueille favorablement tous ceux qui viennent à lui. Il ne met pas d’autre préalable à son accueil que la foi. Pas de rite ni de mérite.

Si Dieu accueille tout le monde, ce n’est pas parce que tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ! Il accueille tout le monde parce qu’il a fait le nécessaire pour permettre cet accueil sans condition. C’est l’oeuvre accomplie par Jésus-Christ. Lorsque Pierre évoque les grandes étapes de la vie de Jésus, jusqu’à sa mort et sa résurrection, il conclut en affirmant que « Jésus est celui que Dieu a choisi pour juger les vivants et les morts. ». Et là, ça fait peur ! Sauf qu’immédiatement après il dit : « Toute personne qui croit en lui reçoit par son nom le pardon des péchés. »

Voilà de quel genre de jugement il s’agit ! Un jugement selon la grâce, pour le pardon des péchés. Ca veut dire que qui que nous soyons et quoi que nous ayons fait, Dieu nous accueille gratuitement, il nous donne la possibilité d’un nouveau départ, parce que Jésus-Christ est mort et ressuscité pour nous.

Et nous ?

Dieu accueille tout le monde. Et nous ? Qu’en est-il de son Église ? Accueille-t-elle vraiment tout le monde ? Et quand je dis accueillir, ce n’est pas seulement dire bonjour poliment, c’est chercher à connaître, aimer, aider. C’est vouloir intégrer dans la communauté.

Est-ce que nous accueillons tout le monde ? En théorie, oui, sans doute. Mais en pratique ? J’ai l’impression que ça n’est pas si évident que cela…

Ne se laisse-t-on pas parfois abuser par les apparences ? La première impression… La façon de s’habiller, de parler, de se comporter. On voit arriver un matin au culte quelqu’un qu’on n’a jamais vu et on se fait tout de suite une idée sur lui, sur une première impression. On lui met virtuellement une étiquette sur le front qu’il est ensuite très difficile d’enlever.

Et, au-delà du premier accueil, quand il s’agit d’approfondir la relation, d’envisager l’intégration dans la communauté, n’est-on pas parfois piégé par le modèle, plus ou moins conscient, de ce que devrait être le « bon chrétien » ou le bon « futur chrétien » ?

Dans nos Églises, on a beaucoup de mal à intégrer les profils atypiques, les cheminements qui sortent des sentiers battus. Et pourtant, il me semble qu’il y en a de plus en plus… On aimerait quand même toujours un peu qu’ils entrent dans le moule confortable du bon chrétien évangélique de base.

Vous savez – je caricature un peu – ce bon chrétien qui va au culte (presque) tous les dimanches, qui cite l’apôtre Paul dans ses prières, qui écoute de la louange dans sa voiture, sur laquelle il a collé un poisson autocollant, pour qui le film Jésus est le sommet du 7e art, qui aime le pécheur mais qui déteste le péché (enfin, des fois il mélange un peu les deux…).

Dieu accueille tout le monde… Et nous ?

De quel Dieu somme-nous les enfants ? Le Dieu de grâce révélé en Jésus-Christ ? Ou d’un autre Dieu, un Dieu sévère, exigeant, qui juge avant d’accueillir ?

Car l’enjeu pourrait bien être là. Le jugement. Car il me semble que le contraire de l’accueil, en particulier dans une Église, c’est le jugement. Comment accueillir vraiment celui qu’on juge ?

On a tous des problèmes à régler dans notre vie ! Les plus anciens membres de cette Église comme les nouveaux arrivés, les pasteurs autant que les autres. Alors on est tous mal placés pour juger les autres !!!

Nous sommes tous au bénéfice de la grâce de Dieu, de ce Dieu qui accueille tout le monde.

Conclusion

Si Dieu est parfait, les Églises ne le sont pas. C’est logique, elles sont humaines. Mais nous ne pouvons pas nous en satisfaire. L’apôtre Pierre a accepté de se faire bousculer dans le confort de ses certitudes par sa rencontre avec Corneille. Sa vision de Dieu et de son Royaume en a été bouleversée.

Si nous restons dans le confort de nos certitudes et de nos schémas préconçus, notre vision de Dieu et de son Royaume restera étriquée. Et l’explosion de vie de la résurrection de Jésus-Christ restera pour nous un pétard mouillé. Quel dommage !

Jésus-Christ est ressuscité ! Et par lui, le Dieu de grâce accueille tout le monde. La promesse est pour tous : « Toute personne qui croit en lui reçoit par son nom le pardon des péchés »

Paul : The Revenant

 

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Lecture biblique : Philippiens 3.8-14

Avez-vous vu The Revenant ? Inspiré d’un fait réel, le film raconte l’histoire d’un homme, laissé pour mort par ses compagnons suite à une grave blessure dans un combat contre un ours, qui se relève et affronte tous les dangers pour retrouver celui qui l’a trahi. Dans le film, c’est le souvenir de sa femme et son fils décédés, sa soif de vengeance, mais aussi et surtout l’amour pour eux, qui lui permettent de lutter. Il semblerait que dans la réalité, c’était surtout son fusil préféré qu’il voulait reprendre à celui qui le lui avait volé en l’abandonnant…

Dans le traitement cinématographique, l’itinéraire de Hugh Glass / Leonardo DiCaprio est celui d’une résurrection. Laissé pour mort et enterré, trahi par ses frères, il sort vivant de sa tombe !

L’apôtre Paul est un peu comme Hugh Glass. Certes, avec des motivations différentes, sans esprit de vengeance. Il a un seul but : connaître le Christ. Rien ne le détournera de ce but. Un seul mouvement le caractérise : « j’oublie la route qui est derrière moi, je suis tendu en avant, et je fais la seule chose importante : courir vers le but pour gagner le prix. »

Il n’a pas croisé sur sa route des trappeurs et des indiens mais de nombreux opposants à son ministère. Il est d’ailleurs en prison au moment où il écrit cette épître ! Et s’il compare ici la vie chrétienne à une course, il la comparera ailleurs à un combat.

Paul est un homme déterminé. Il a un objectif clair et précis. Il ne s’en laisse jamais détourner et il est prêt à avancer jusqu’au bout. Sa détermination nous interpelle…

Déterminé pour quoi ? Connaître le Christ !

Son objectif est très clair et le dit explicitement deux fois dans ce texte :
« Connaître le Christ Jésus mon Seigneur, voilà le plus important » (v.8)
« La seule chose que je veux, c’est connaître le Christ » (v.10).

Connaître le Christ… Ah bon ? Il ne le connaît pas déjà ? On connaît sa conversion sur le chemin de Damas, avec la vision du Christ qu’il a reçue. On connaît son ministère et ses écrits, déjà nombreux avant cette lettre aux Philippiens, et dans lesquelles le Christ a la place centrale, au cœur de sa théologie. Paul connaît le Christ… mais il veut en connaître plus !

Paul veut plus qu’une connaissance théologique, intellectuelle. Il veut une connaissance personnelle, intime : « Le Christ, mon Seigneur ». Il ne dit parle pas de connaître le Christ « le Seigneur », ou « le Fils de Dieu », même si tout cela serait parfaitement exact. Il veut connaître le Christ « son » Seigneur. Et on n’en a jamais fini avec une telle connaissance…

Est-ce qu’on a aussi toujours envie de connaître plus le Christ ? Ou est-ce qu’on se contente de ce qu’on a acquis, par le catéchisme, notre lecture passée de la Bible ou l’écoute des prédications le dimanche ?

Paul va plus loin encore : « La seule chose que je veux, c’est connaître le Christ, et connaître la puissance qui l’a fait se lever de la mort. » (v.10a)

On comprend qu’on est bien au-delà d’une connaissance dogmatique du Christ. Il veut connaître le Christ dans sa vie, il veut expérimenter sa vie, la puissance de sa résurrection. Il sait bien que cela implique aussi des souffrances et des épreuves. C’est ce qu’il faut comprendre quand il dit : « Ce que je veux, c’est souffrir avec lui et lui ressembler dans sa mort. » (v.10b)

Alors demandons-nous à la suite de l’apôtre : Comment connaissons-nous le Christ ? Comment expérimentons-nous la puissance de sa résurrection ? Sommes-nous déterminés, comme Paul, à progresser sans cesse dans cette connaissance intime et personnelle du Christ ? Sommes-nous déterminés à ne pas nous contenter d’une vie chrétienne médiocre, d’une vie église monotone ?

Sommes-nous déterminés à voir la puissance de résurrection du Christ agir dans nos vies et celles de ceux qui nous entourent ? Une puissance qui libère, qui transforme, qui restaure ?

Le Christ est vivant ou il ne l’est pas. Et s’il est vivant, alors comment cela se manifeste dans votre vie ?

Déterminé comment ? En allant toujours de l’avant !

L’apôtre Paul évoque sa détermination en des termes très forts : « Pour lui, j’ai tout abandonné. Pour gagner le Christ et pour être uni à lui, je considère toutes ces choses-là comme des ordures. » (v.9)

Le langage, imagé, est dur, radical. Et encore, nos traductions arrondissent un peu les angles. Le terme grec traduit par ordures n’apparaît qu’ici dans le Nouveau Testament. Mais on le trouve dans d’autres textes de l’Antiquité pour désigner les excréments, avec souvent une connotation de révulsion. L’affirmation de Paul a un caractère choquant, il veut secouer ses lecteurs. Et il serait presque légitime de le traduire ainsi : « je considère toutes ces choses-là comme de la merde ! »

Les choses dont il parle ici, ce sont sans doute d’abord les connaissances qu’il a acquise avant de connaître le Christ, en tant que enseignant de la Loi, disciple du célèbre Gamaliel. Bien-sûr, toute cette connaissance acquise ne lui a pas été inutile. Il s’en est même servi dans son argumentation théologique. Mais pour Paul, sans la connaissance du Christ, toutes ces connaissances ne servent à rien.

Ici se manifeste sa détermination. Une seule chose compte : connaître le Christ. Tout le reste, tout ce qui pourrait le détourner de cet unique objectif, tout ce qui pourrait l’égarer, le distraire, il le rejette. Il en a presque du dégoût. Bien-sûr, il force le trait. Il provoque. Et nous interpelle… Quelle place la recherche du Christ, sa connaissance personnelle et intime, occupe-t-elle dans notre vie, nos préoccupations, nos projets ?

Du coup, on pourrait dire à Paul : « OK, tu as tout compris ! » Et penser qu’il est limite suffisant, voire orgueilleux et qu’il nous nargue un peu.

En fait, pas du tout. Et il rectifie lui-même cette impression possible : « Je ne veux pas dire que j’ai déjà atteint le but, ou que je suis déjà parfait ! Mais je continue à courir pour saisir le prix, parce que le Christ Jésus m’a déjà saisi. » (v.12)

Et là, on a deux éléments intéressant dans cette phrase. On pourrait les reformuler ainsi :

1° Je sais très bien que j’ai encore du chemin à faire… et c’est pour ça d’ailleurs que je continue !

2° Je sais très bien que ma détermination seule ne suffit pas. En fait, ce qui me fait avancer, c’est le Christ qui m’a déjà saisi. C’est lui qui me fait avancer. Je n’ai aucun mérite.

Paul ne se fait aucune illusion sur lui-même, il reste humble. Sa force, son moteur, c’est la grâce du Christ. C’est lui qui l’a saisi ! Et la profonde compréhension de cela ne fait que renforcer sa détermination.

« Mais j’oublie la route qui est derrière moi, je suis tendu en avant, et je fais la seule chose importante : courir vers le but pour gagner le prix. »

Je trouve qu’il y a dans cette phrase un optimisme extraordinaire. C’est comme si Paul nous disait que ce qui est devant nous est plus important que ce qui est derrière nous. Parce que devant nous, il y a le Christ vivant qui nous appelle.

Et c’est tellement important dans notre vie chrétienne. Notre espérance nous pousse en avant. Nous n’avons pas à être prisonniers de notre passé, de nos erreurs, de nos blessures. C’est aussi tellement important en Église. Nous pouvons laisser nos différends, nos désaccords, pour avancer ensemble vers le but. Pour saisir le prix. « Dieu nous appelle d’en haut à le recevoir par le Christ Jésus. »

Conclusion

Paul : The Revenant ! Un homme qui avait mille raisons de tout laisser tomber et de se décourager mais qui est toujours debout, animé d’une détermination sans faille. Son moteur à lui, ce n’est pas la vengeance (alors même qu’il ne manquait pas d’ennemis…). Son moteur, c’est l’amour du Christ. Parce que finalement, c’est bien cela qu’il faut comprendre quand Paul parle de connaître le Christ. C’est l’aimer. Mieux le connaître pour mieux l’aimer et le servir. Si sa détermination est sans faille, c’est parce qu’il a été saisi par l’amour du Christ. Et qu’il vit, au quotidien de cet amour.

Qu’en est-il pour nous ? Qu’en est-il de notre détermination à connaître le Christ et à l’aimer ? Qu’en est-il de la puissance de sa résurrection dans notre vie ?

Sur la montagne, le Royaume

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Lecture biblique : Luc 9.28-36

Voilà un épisode surprenant à bien des égards : le changement d’aspect de Jésus, l’apparition de Moïse et Elie, leur discussion avec Jésus, l’attitude de Pierre…

C’est vraiment mystérieux… surtout si on le considère de manière isolée. Or, au début de notre passage il y a une indication qui doit nous mettre la puce à l’oreille : « Environ huit jours après avoir dit ces paroles, Jésus emmène avec lui Pierre, Jean et Jacques et il monte sur la montagne pour prier. »

Ça m’étonnerait qu’il ne se soit rien passé en 8 jours… Luc choisit de sauter directement à notre épisode, en signalant un lien explicite avec les paroles précédentes de Jésus ! Que dit-il avant ? Il y a le dialogue entre Jésus et ses disciples à propos de ce que les gens disent de lui. La confession de foi de Pierre. L’annonce, par Jésus, de sa mort et sa résurrection. Son appel à « prendre sa croix et le suivre ». Et, enfin, une dernière parole, juste avant notre épisode : « Oui, je vous le dis, c’est la vérité, quelques-uns ici ne mourront pas avant de voir le Royaume de Dieu. »

Jésus parle ici d’un privilège accordé à quelques-uns, celui de voir le Royaume de Dieu avant leur mort. Tout porte donc à croire que, pour Luc, l’épisode de la Transfiguration est l’accomplissement, pour quelques-uns (Pierre, Jacques et Jean), de cette parole de Jésus…

Ces trois disciples ont le privilège, dans cet épisode, de voir quelque chose du Royaume de Dieu dans toute sa splendeur. Une vision glorieuse du Royaume. C’est un peu la différence entre un film qu’on regarderait sur son écran d’ordinateur et le même film au cinéma, en IMAX et en 3D !

La question est donc : en quoi l’épisode de la Transfiguration nous fait-il voir le Royaume de Dieu ?

Une gloire cachée

Première évidence, les trois disciples ont vu, sur cette montagne, un voile se lever et révéler une gloire cachée. Celle du Christ ! Une gloire qui se dévoile partiellement, pour un temps, sur la montagne. Et lorsqu’elle est dévoilée, elle provoque le désarroi. Pierre, dans la précipitation, veut monter des tentes pour Moïse, Elie et Jésus… et l’évangéliste commente en disant : « Mais Pierre ne sait pas ce qu’il dit… »

Cette notion de gloire cachée convient bien au Royaume de Dieu. Qu’on pense à certaines paraboles de Jésus, comme celle du trésor caché :

« Le Royaume des cieux ressemble à ceci : Il y a un trésor caché dans un champ. Un homme trouve le trésor et il le cache de nouveau. Il est plein de joie, il va vendre tout ce qu’il a et il achète ce champ. » (Matthieu 13.44)

Comme l’a dit Jésus à de nombreuses reprises : le Royaume de Dieu s’est approché. Il est là, à notre portée. Mais il est caché. Il faut le chercher. « Chercher et vous trouverez ! », « Chercher d’abord le Royaume de Dieu et sa justice ! » !

Et à celui qui sait le trouver, sa gloire peut lui être parfois révélée. Une gloire qui est cachée dans les cœurs humbles, dans le service du prochain, dans la joie et la paix au-travers de l’épreuve, dans la prière secrète et persévérante… Parfois aussi, c’est vrai, le Royaume de Dieu se manifeste de façon plus explicite, dans des interventions de Dieu, des guérisons, des manifestations particulières de sa présence. Mais, la plupart du temps, la gloire du Royaume reste cachée, comme la gloire du Christ au cours de son ministère terrestre. Sauf, pour quelques instants, sur la montagne.

La gloire du Royaume de Dieu est cachée aujourd’hui parce qu’elle œuvre au profond des cœurs, parce qu’elle s’installe dans les êtres fragiles que nous sommes. Elle est comme un diamant étincelant caché dans un écrin misérable, une perle dans une coquille de noix. Ou comme le dit l’apôtre Paul :

« ce trésor, nous le portons dans des vases d’argile, pour que cette incomparable puissance soit de Dieu et non de nous. » (2 Corinthiens 4.7)

Le Roi glorieux

Finalement, qu’est-ce que les trois disciples ont vu sur la montagne ? Jésus-Christ, dans sa gloire ! Lorsque le Royaume de Dieu est pleinement révélé, c’est Jésus-Christ qui est manifesté, glorieux. Et la voix de Dieu qui retentit depuis le ciel donne un côté solennel à l’événement, une sorte d’intronisation symbolique.

Le Royaume et le Roi ne font qu’un. Voyez ce leitmotiv dans les évangiles, dans la proclamation de Jésus au cours de son ministère terrestre : « Le Royaume de Dieu s’est approché. » Oui, le Royaume s’est approché, parce que le Roi est venu !

Fondamentalement, le Royaume de Dieu, c’est Jésus-Christ. Car Jésus-Christ, c’est Dieu venu au milieu de nous. C’est Dieu devenu humain, pour sauver les humains. Et dans l’homme Jésus, la gloire de Dieu est cachée. Le voile levé quelques instants sur cette montagne le manifeste.

Il n’y a pas de Royaume de Dieu sans Jésus-Christ, le Fils de Dieu devenu homme, car le Règne de Dieu, c’est l’oeuvre de Dieu parmi les humains et pour les humains. Le Royaume de Dieu, c’est l’accomplissement du projet de Dieu pour le monde. La sphère de Dieu, qui est hors de notre portée, c’est le Ciel. Le Royaume de Dieu, c’est le Ciel qui descend sur la terre, comme la Nouvelle Jérusalem de l’Apocalypse… appelée aussi l’épouse de l’Agneau (Jésus-Christ) !

Retenons donc cela : le Royaume de Dieu, c’est Jésus-Christ. Et tout notre désir d’entrer dans le Royaume de Dieu nous conduit à le chercher, lui. Toute notre mission, en tant que témoins du Royaume de Dieu, c’est de l’annoncer, lui. Et toute notre responsabilité devant Dieu et devant notre prochain, dans notre comportement, c’est de l’imiter, lui.

Ce roi glorieux entrevu par Pierre, Jacques et Jean sur la montagne, est le maître de nos vies et le chef de son Église. Et, franchement, nos querelles de clocher, nos luttes de pouvoir, nos guéguerres théologiques… tout cela ne porte-t-il pas atteinte à la gloire du Christ ?

L’humiliation et la gloire

Un dernier aspect qu’il me semble intéressant de souligner dans cet épisode, c’est que, certes, le Christ y apparaît glorieux et éclatant, mais d’autres éléments viennent contrebalancer cette impression. En effet, la voix de Dieu qui vient du ciel, on l’a déjà rencontrée dans l’évangile, et avec pratiquement les mêmes paroles prononcées. C’était le jour du baptême de Jésus, au début de son ministère, quand Jésus s’identifie à notre condition humaine. Lui qui n’a jamais commis de péché, il se soumet au baptême de repentance de Jean ! La voix qui retentit dans la gloire sur la montagne, a retenti de la même façon au fond de la vallée du Jourdain, dans l’humilité du Christ se faisant baptiser.

Et de quoi s’entretiennent Moïse et Elie avec Jésus ? De sa mort prochaine à Jérusalem. Ce n’est pas vraiment glorieux… Or Moïse et Elie, c’est la Torah et les prophètes, que Jésus évoquera aux disciples d’Emmaüs, pour dire qu’ils annonçaient les souffrances et la gloire du Messie. (cf. Lc 24.26-27).

La gloire du Royaume de Dieu passe nécessairement par l’humiliation de la croix du Christ. Même sur le mont de la Transfiguration. Plus tard, le Christ ressuscité portera sur son corps les stigmates de la croix ! Jusque dans l’Apocalypse, le Christ apparaîtra comme l’Agneau, certes debout, mais qui a été immolé (Apocalypse 5.6). Le Royaume de Dieu, c’est l’humiliation et la gloire.

Dans notre façon de vivre le Royaume de Dieu, on ne peut pas échapper à la case humiliation. Celle des épreuves et des difficultés, incontournables mais que nous ne choisissons pas. Celle, aussi, de la repentance et du retour à Dieu, qui sont de notre responsabilité. Celle de l’humilité et la simplicité devant Dieu et devant notre prochain, et cela dépend de nous !

Conclusion

Cet épisode de la transfiguration nous parle du Royaume de Dieu en nous présentant le Roi, glorieux. Pierre, Jacques et Jean, les veinards, ont eu un avant-goût de la gloire éclatante à venir. Celle que le Christ manifestera au dernier jour. Celle qui nous est promise, si nous lui appartenons.

Mais la gloire de cet épisode est déjà là, même si elle est encore aujourd’hui cachée. Jésus-Chrisrt est le Fils de Dieu de toute éternité, il est mort et ressuscité.

Le Royaume de Dieu est un trésor caché, qu’il faut chercher, en nous-mêmes et chez notre prochain. Un Royaume que l’on trouvera en trouvant le Christ. Il est là, dans les vases d’argile que nous sommes. Il nous parle, par sa Parole. Il agit, par son Esprit qui vient habiter le croyant.

Jésus-Christ, le roi glorieux est là, dans la lumière au sommet de la montagne ou dans l’obscurité au fond de la vallée, dans nos jours de joie ou dans nos jours d’épreuve. Hier, aujourd’hui et pour l’éternité !