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La langue, un organe petit mais costaud !

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Lecture biblique : Jacques 3.1-12

En Français, il y a pas mal d’expressions avec le mot langue. Mais peu ont un sens vraiment positif : ne pas tenir sa langue, être mauvaise langue, avoir une langue de vipère, avoir la langue bien pendue, ne pas avoir la langue dans sa poche, avoir la langue qui fourche, tourner sept fois sa langue dans la bouche avant de parler…

Et Jacques, dans notre texte, ne va pas vraiment redorer le blason de ce petit organe ! Son argumentation repose sur un langage très imagé. C’est peut-être la plus grande concentration de métaphores dans la Bible ! Ainsi, la langue est comme un mors dans la bouche des chevaux, comme un gouvernail sur un bateau, comme une petite flamme qui met le feu à toute une forêt, comme un animal indomptable, comme une source qui donnerait de l’eau douce et de l’eau salée, comme un figuier qui donnerait des olives ou une vigne qui donnerait des figues.

Toutes ces métaphores, qui soutiennent le raisonnement de Jacques, peuvent être classée en trois catégories :

  • Les trois premières soulignent la puissance de ce petit organe : la langue, c’est petit mais costaud !
  • La quatrième souligne son caractère incontrôlable : la langue est un animal indomptable.
  • Avec les trois dernières, on passe du constat à l’exhortation : il faut que ça change !

 

Petit mais costaud !

La première étape de l’argumentation de Jacques est de souligner la force qui réside dans ce petit organe de la parole qu’est la langue. La langue, c’est petit… mais c’est costaud !

Les deux premières images sont plutôt positives : le mors dans la bouche du cheval ou le gouvernail, c’est très bien. Ça permet de voyager, de diriger un cheval ou un bateau. La troisième image par contre est beaucoup plus négative… et c’est celle que Jacques développe le plus. Une petite flamme peut à elle seule mettre le feu à toute une forêt. On sait qu’un simple mégot de cigarette peut être à l’origine de terribles incendies. De même, une seule parole peut avoir un effet dévastateur…

Ces métaphores soulignent la force des paroles, leur véritable puissance de vie ou de mort. Qu’est-ce qu’une parole ? Une combinaison de quelques sons, quelques ondes émises par notre bouche. Ce n’est rien… et pourtant quelle puissance potentielle !

On ne doit pas négliger la force d’une parole d’encouragement pour retrouver de l’assurance, d’une parole de réconfort pour être consolé, d’une parole sage pour conseiller dans une prise de décision. Ces paroles-là peuvent marquer une vie.

Mais on doit aussi être conscient de la puissance destructrice d’autres paroles. Une insulte ou une moquerie qui ridiculise en public peut blesser profondément. Une parole humiliante peut laisser des traces toute une vie : « tu n’arriveras jamais à rien ! ». Une rumeur qu’on propage peut salir une réputation pour longtemps. Voilà autant de petites flammes qui peuvent embraser toute la forêt d’une vie…

C’est pourquoi Jacques se concentre sur les dangers des paroles destructrices. Est-ce parce qu’il est plus facile de faire du mal que de faire du bien avec nos paroles ? En tout cas, la puissance destructrice des paroles est soulignée de façon saisissante dans le verset 6. Cela ressort bien dans la version de la TOB : « La langue aussi est un feu, le monde du mal ; la langue est installée parmi nos membres, elle qui souille le corps entier, qui embrase le cycle de la nature, qui est elle-même embrasée par la géhenne. »

C’est terrible ! Mais Jésus n’a-t-il pas dit dans le Sermon sur la Montagne que le commandement « tu ne tueras point » concerne jusqu’à nos paroles de haine et de colère ? Oui, une parole peut blesser, voire même tuer !

 

Un animal indomptable

La quatrième métaphore est indirecte : les êtres humains sont capables de dompter tous les animaux mais la langue, elle, personne ne peut la dompter. L’image prolonge celle du feu destructeur. Mais l’insistance ici n’est pas sur la puissance inversement proportionnelle à la taille de la langue mais sur le caractère incontrôlable de la parole, ou peut-être plus précisément de ses conséquences.

La langue est un animal indomptable, et c’est bien regrettable parce que, en plus, c’est un animal venimeux ! Jacques parle d’un poison mortel qu’elle distille.

En quoi la langue est-elle indomptable ? D’abord, sans doute, parce qu’il nous arrive à tous de nous laisser piéger par notre langue. Qui n’a jamais dit une parole qu’il regrette aussitôt qu’il l’a prononcée ? D’ailleurs, Jacques dit que si quelqu’un arrive à toujours contrôler sa langue, il est parfait !

Il y a peut-être une autre raison pour laquelle la langue est indomptable. Lorsqu’une parole est dite, elle est donnée, elle nous échappe complètement. Une parole dite est indomptable, les conséquences de cette parole sont incontrôlables. Et on ne soupçonne pas les effets que peuvent produire telle ou telle parole !

Vous avez sans doute comme moi des exemples à l’esprit. Je pense à des personnes qui m’ont dit : « un jour tu as dit cela, dans un entretien, dans une prédication, et ça a été un déclic pour ma vie ». Ou, à l’inverse, « un jour, dans cette circonstance, tu as dit cela et je ne l’ai toujours pas avalé, ça m’a blessé ». Et dans un cas ou l’autre, je ne me souviens pas forcément de l’avoir dit…

Ce sont des expériences que l’on vit, dans notre famille, avec nos amis, dans l’Église… Prenons conscience qu’aucune parole n’est anodine. Et que les conséquences nous échappent… pour le meilleur ou pour le pire.

 

Il faut que ça change !

Les trois dernières métaphores sont l’occasion pour Jacques de passer du constat et de la mise en garde à l’exhortation : « Bénédiction et malédiction sortent de la même bouche ! Mes frères et mes sœurs, cela ne va pas ! » (v.10) On pourrait dire : il faut que ça change !

Les métaphores sont issues de la nature. Une source est soit d’eau douce soit d’eau salée. Un figuier donne des figues, pas des olives. Un vigne donne des raisins, pas des figues. Ce sont des évidences… alors comment peut-on accepter qu’une même bouche chante les louanges de Dieu d’une part, et maudisse des être humains créés à l’image de Dieu d’autre part ? Il faut que ça change.

Mais il y a un problème : si on ne peut pas dompter sa langue, que faire ? La métaphore de la source pointe vers l’intériorité, vers le cœur. La langue ne peut pas être domptée, mais la source peut être purifiée. Et on peut penser ici à l’enseignement de Jésus sur ce qui souille l’être humain, non pas ce qui y entre mais ce qui en sort :

“Mais ce qui sort de la bouche vient du cœur. Voilà ce qui rend une personne impure. En effet, les mauvaises pensées sortent du cœur. Alors les gens tuent les autres, ils commettent l’adultère, ils ont une vie immorale, ils volent. Ils mentent devant le tribunal et ils disent du mal des autres.” (Matthieu 15.18-19)

La source, c’est notre cœur. C’est là qu’il faut travailler, pas sur la langue. Il faut purifier le cœur plutôt que brider la langue ! Ou plutôt laisser Dieu purifier notre cœur, en laissant sa Parole prendre racine dans notre cœur, en laissant agir son Esprit en profondeur, en cultivant l’intimité avec Dieu.

Une promesse de Jésus, en lien avec le Saint-Esprit, me paraît essentielle ici :

“Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive ! Celui qui met sa foi en moi, — comme dit l’Ecriture — des fleuves d’eau vive couleront de son sein.” (Jean 7.37b-38)

La voilà, la source dont nous avons besoin ! Elle transforme notre cœur en source d’eau vive, celle du Saint-Esprit. C’est une promesse de Jésus. Par l’œuvre en nous de l’Esprit de Dieu, il peut sortir de notre cœur, et donc de notre bouche, non plus un feu destructeur mais une eau vive rafraîchissante. Cette langue indomptable peut devenir un instrument de bénédiction dans les mains de Dieu. Ce n’est pas nous qui bridons notre langue, c’est Dieu qui l’utilise, en faisant couler des fleuves d’eau vive de notre cœur habité par son Esprit.

 

Conclusion

Le problème, c’est la langue. La solution, c’est le cœur. Et justement, c’est là que Dieu veut faire sa demeure en nous, par son Esprit. Laissons-le s’installer, laissons-le purifier notre source, laissons-le y faire jaillir des fleuves d’eau vive.

Le jour de la Pentecôte, où le Saint-Esprit a été donné aux croyants rassemblées à Jérusalem, des langues de feu sont apparues sur les disciples et ces langues-là les ont poussé à proclamer les merveilles de Dieu.

Alors, par ce même Esprit, nous pouvons répondre aux paroles de haine, aux mauvaises langues et aux langues de vipères, par des paroles d’amour, de grâce et de pardon, qui peuvent éteindre bien des incendies.

La dimension prophétique de l’accueil

 

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Lecture biblique : Jacques 2.1-13

Comment avez-vous été accueillis ce matin ? Peut-être particulièrement si vous êtes nouveaux… Et comment avez-vous accueilli les autres ? Avec quel regard, quelle parole, quel geste ?

Jacques, dans ce texte, part d’un cas concret d’accueil auquel il a peut-être assisté… et qui semble en tout cas entrer en échos avec la situation de l’Église à laquelle il écrit. Et ce n’est pas simplement une question de politesse ou de savoir-vivre. L’enjeu est bien spirituel et théologique. La gloire du Christ est en jeu !

Accueillir comme le Christ nous accueille

Le premier verset annonce le thème de cette section mais avec une formule qui n’est pas très facile à comprendre au premier abord :

« Mes frères et mes sœurs, vous croyez en Jésus-Christ, notre Seigneur plein de gloire. Alors ne faites pas de différence entre les gens. »

Quel est le rapport entre la gloire de Jésus et le fait de ne pas faire de différence entre les gens ? Dans le texte biblique original, en grec, les deux idées sont encore plus entremêlées, dans une seule phrase à la structure assez complexe. Mais la suite de l’argumentation nous aide à comprendre quel est l’enjeu. L’idée centrale semble bien être de souligner une inconséquence grave dans l’Église à laquelle Jacques écrit. Il y a une contradiction entre la gloire du Christ d’une part et l’honneur, ou la gloire, qui était donnée aux riches qu’on accueillait.

Or, le problème c’est que donner les places d’honneur aux riches et mépriser les pauvres, c’est agir à l’exact opposé de Dieu lui-même. Jacques le souligne dans son argumentation :

« Est-ce que Dieu ne choisit pas justement ceux qui sont pauvres aux yeux du monde ? Il veut les rendre riches en leur donnant la foi, il veut qu’ils reçoivent le Royaume promis à ceux qui ont de l’amour pour lui. » (v.5).

Cette idée était d’ailleurs déjà présente au premier chapitre : « Le chrétien qui est pauvre et petit peut être fier, parce que Dieu lui donne une place importante. Le chrétien qui est riche doit être fier, parce que Dieu le rend petit. » (Jacques 1.9-10a)

Or, l’attitude des chrétiens à qui Jacques écrit est exactement l’inverse. Ils honorent les riches et méprisent les pauvres. Il y a donc d’abord un problème théologique sérieux.

Il n’est pas impossible que les chrétiens destinataires de l’épître étaient marqués par une sorte de théologie de la prospérité avant l’heure, où la richesse en elle-même pouvait être perçue comme un signe de la bénédiction de Dieu. Du coup, les riches méritaient les places d’honneur. Mais là, on se retrouve aux antipodes de l’esprit du Royaume de Dieu pour lequel le modèle n’est pas le riche mais le pauvre, l’humble, le petit. C’est lui qu’il faudrait honorer !

Il y a donc un problème théologique mais aussi un problème simplement logique. Jacques le souligne non sans ironie : « Pourtant, qui vous écrase ? Qui vous traîne devant les tribunaux ? Ce sont les riches, n’est-ce pas ? » (v.6) Et en retour, on veut les honorer… Ca n’a pas de sens. Notez bien qu’ils voulaient peut-être ainsi essayer de s’attirer les bonnes grâces de ces riches. Mais alors à quel prix ! Surtout si, par la même occasion, ça les conduisait à mépriser ceux qui méritaient toute leur attention : les pauvres et les petits…

Bref, les destinataires de l’épître de Jacques ont vraiment tout faux ! Et ils méritent d’être sévèrement repris.

Accueillir de façon à aimer notre prochain

A partir du verset 8, Jacques donne un autre argument, qui permet d’élargir le propos : le favoritisme transgresse la loi royale « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Cette loi est « royale » sans doute parce qu’elle concerne le Royaume de Dieu.

On pourrait d’ailleurs dire qu’il y a deux lois royales, l’une qui régit notre relation à Dieu et l’autre qui régit notre relation aux autres. C’est bien ce que Jésus voulait dire quand on l’a questionné pour savoir quel était le plus grand commandement et qu’il en a cité deux :
– « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée ». C’est la loi royale qui oriente notre relation à Dieu.
– « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». C’est la loi royale qui oriente notre relation au autres.

C’est cette deuxième loi royale qui est directement concernée par le propos de Jacques. Faire preuve de favoritisme, d’accueil partial, qui plus est basé sur des signes extérieurs de richesse, c’est contraire à l’amour du prochain. Soit parce qu’on se montre partial en faveur de quelqu’un parce qu’on peut en retirer un bénéfice. Ce n’est pas alors de l’amour, c’est du calcul… Soit parce qu’en favorisant l’un, pour quelque raison que ce soit, on défavorise l’autre !

On ne choisit pas son prochain ! On ne peut pas faire des catégories, avec d’un côté les bons prochains, aimables et honorables, et de l’autre les mauvais prochains, qu’on peut ignorer ou négliger. La preuve, Jésus est allé jusqu’à dire que nous devions aimer nos ennemis !

On déborde largement, ici, le cadre de l’accueil des riches et des pauvres. L’amour du prochain, qui régit nos relations selon le Royaume de Dieu, exclut toute forme de partialité ou de favoritisme. En parlant longuement de la loi, Jacques souligne qu’il ne s’agit pas là d’une simple opinion ou d’un choix optionnel mais bel et bien d’un chemin obligé pour le croyant. Certes, c’est une loi de liberté. Nous sommes libérés par le Christ, délivré du poids d’une loi qu’il faudrait accomplir pour mériter notre salut. C’est une loi de liberté… mais ça n’est est pas moins une loi ! C’est bien ce que Dieu attend de nous et nous aurons des comptes à lui rendre à ce sujet !

Et notre accueil ?

Si on réfléchit à la pertinence de ce texte pour nous aujourd’hui, il convient de nous interroger sur notre accueil, en particulier en tant qu’Eglise. Et je ne parle pas seulement de l’équipe d’accueil mais de chacun de nous, de notre regard, notre attitude, nos paroles. Il y a sans doute des formes actuelles de favoritismes, voire de discriminations, des mauvais réflexes qu’il convient de corriger.

Je ne suis pas sûr que ça se joue aujourd’hui, chez nous, entre ceux qui ont les signes apparents de richesse et ceux qui semblent pauvres ! Encore que… Mais réservons-nous vraiment un même accueil à un SDF qui entre avec son baluchon et ses habits sales, et à un jeune couple dynamique avec des enfants ? Et qu’en est-il pour un maghrébin, surtout s’il est barbu ? Et pour un couple d’homosexuels ?

Le Christ n’accueillait-il pas toutes et tous ? On le lui a reproché… Il accueillait la femme adultère, les collecteurs d’impôts, la femme atteinte d’une perte de sang depuis 12 ans et mise au banc de la société, les lépreux que tout le monde fuyait… Il n’accueillait pas seulement les « bons » prochains respectables, il accueillait le pécheurs et les gens de mauvaise vie. Et il n’hésitait pas à les honorer et pouvait même donner leur foi en exemple. N’a-t-il pas dit aux chefs religieux que les collecteurs d’impôts et les prostituées les devanceraient dans le Royaume de Dieu (Mt 21.31) ?

Conclusion

L’accueil dans l’Église n’est pas qu’une question de savoir-vivre. Il doit être comme un véritable geste prophétique : nous sommes appelés à accueillir comme le Christ nous a accueilli, d’un accueil qui témoigne de notre amour pour le prochain. Et ça doit rester vrai aujourd’hui, même avec la peur des attentats et la suspicion qu’elle entraîne.

L’accueil est notre responsabilité à tous et il commence dans le regard que nous portons les uns sur les autres. Et même si nous ne pouvons pas, comme Dieu seul le peut, regarder au cœur, ne tombons pas dans le piège des apparences. Cherchons à accueillir vraiment, sans a priori, avec les yeux de la foi, de l’espérance et de l’amour.

Attention c’est fragile !

 

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Lecture biblique : Psaume 90

En arrière-plan de ce psaume, il y a le récit d’Eden : « Fils d’Adam, retourne à la poussière ! » (v.3), échos de la fameuse parole de Dieu à Adam : « Tu es poussière et tu retourneras à la poussière ». On y trouve du coup l’évocation de la mort, marque de notre faiblesse et de nos limites, celle d’une vie marquée par la peine, la souffrance, rappelant les paroles de jugement de Dieu contre Adam et Eve. Et la colère de Dieu, n’est-elle pas aussi celle qui s’est exprimée dans la jardin d’Eden avec la malédiction du serpent et l’expulsion d’Adam et Eve du jardin ?

Dans le récit d’Eden, l’enjeu était la place de l’homme devant Dieu. Créature dépendante de son Créateur, l’homme a voulu être autonome et décider seul ce qui est bien ou mal. La créature a voulu devenir comme Dieu… et c’est la raison de sa chute, de son retour à la poussière.

Du coup, ce psaume médite sur la condition humaine, marquée par la fragilité. Une méditation qui passe par tous les états : de la contemplation à la lamentation, de la supplication à la confiance.

1. L’homme est éphémère

L’homme est éphémère…. surtout quand il se place devant Dieu ! Car même si le psaume médite sur la condition humaine, il commence par évoquer Dieu. C’est un croyant qui s’exprime. Et pour le croyant, l’homme ne peut pas se définir sans référence à Dieu. Pour comprendre la créature, il faut parler du Créateur. Et quel Créateur ! En un seul verset, majestueux, le portrait est dressé :

Avant que les montagnes naissent
et que tu enfantes la terre et le monde,
depuis toujours, pour toujours, tu es Dieu. (v.2)

Dieu est éternel… ce qui nous rend encore plus éphémère. Le psaume parle d’une durée de vie de 70 ans, 80 pour les plus vigoureux… Même si on vit un peu plus longtemps aujourd’hui, qu’est-ce que ça change ? Une vie humaine, de l’ordre d’un siècle pour les plus endurants, qu’est-ce que c’est au regard de l’histoire de l’humanité ? Et encore plus au regard de l’histoire de l’univers ! Et Dieu est plus grand, et plus vieux, que l’Univers…

Selon les connaissances scientifiques actuelles, si l’on réduit l’histoire de l’univers à une année, avec le big bang à 0h le 1er janvier et aujourd’hui qui serait le 12e coup de minuit du 31 décembre, c’est tout à fait saisissant :
La Voie lactée, notre galaxie, apparaît fin janvier
La formation de la terre et de notre système solaire ne prend qu’une petite journée, le 31 août.
Les premières traces de vie connues sur terre apparaissent le 16 septembre
Les premiers poissons arrivent le 19 décembre
Les mammifères et les dinosaures, dans la nuit du 25 au 26 décembre
Lucy, notre ancienne cousine australopithèque, née le 31 décembre vers 22h30
Les parois de la grotte de Lascaux sont peintes le 31 décembre à 23 h 59 et 26 secondes
Les pyramides de Cheops sont érigées au 6e coup de minuit le 31 décembre
(source : http://planet-terre.ens-lyon.fr/article/chronologie-terre.xml)

Avouez que face à cela, nous ne sommes qu’une infime poussière, des créatures bien éphémères…

Et Dieu, lui, est encore plus grand que toute cette année entière. Pour ma part, les découvertes scientifiques modernes sur l’origine et l’histoire de l’Univers me donnent une compréhension plus grande encore de l’immensité de Dieu. Et je comprends d’autant mieux ces paroles :

Oui, mille ans, à tes yeux,
sont comme hier, un jour qui s’en va,
comme une heure de la nuit.
Tu les balayes, pareils au sommeil,
qui, au matin, passe comme l’herbe ;
elle fleurit le matin, puis elle passe ;
elle se fane sur le soir, elle est sèche. (v.4-6)

Voilà qui est Dieu ! Et moi, simple poussière, que suis-je ? Ephémère…

2. L’homme est fragile

Plus encore qu’éphémère, l’homme est fragile. Sa vie n’est pas un long fleuve tranquille… Comme le dit le psalmiste :

Soixante-dix ans, c’est parfois la durée de notre vie,
quatre-vingts, si elle est vigoureuse,
et son agitation n’est que peine et misère ;
c’est vite passé, et nous nous envolons. (v.10)

Pour ce psaume, la raison pour laquelle cette vie est faite de peine et de misère, c’est la colère de Dieu ! La colère de Dieu, c’est sa réaction au péché, au mal qu’il ne peut en aucun cas tolérer. On pense bien-sûr au récit d’Eden où Dieu annonce, comme conséquence de leur désobéissance à Dieu, une vie marquée par la peine et la souffrance.

Non seulement l’homme est éphémère, la mort est le lot commun partagé par tous. Mais il est aussi fragile, la souffrance, sous toutes ses formes, vient le lui rappeler au quotidien. C’est ici que le Psaume se transforme en lamentation… Et s’il se terminait au verset 11, il serait bien déprimant !

Il y a tout de même une sagesse à retirer de cela. C’est le verset 12, qui pourrait sortir tout droit du livre de l’Ecclésiaste :

Alors, apprends-nous à compter nos jours,
et nous obtiendrons la sagesse du cœur.

Compter nos jours, c’est être conscient du caractère éphémère et fragile de notre vie. C’est une sagesse, qui nous prévient du piège de l’orgueil, cette ambition égocentrique et futile, qui pousse les uns ou les autres à rechercher, comme bien ultime, la gloire. Que ce soit chez les « grands » de ce monde qui veulent laisser une trace dans l’histoire, ou chez les candidats de téléréalité qui veulent devenir célèbre.

3. L’homme trouve la paix en Dieu

Après avoir contemplé Dieu, puis s’être lamenté de sa fragilité, le psalmiste se tourne à nouveau vers Dieu, à partir du verset 13. Il lui adresse une série de demandes, qui suivent une évolution intéressante à noter.

Il y a d’abord un appel au secours : « Reviens, SEIGNEUR ! Jusqu’à quand ? Ravise-toi en faveur de tes serviteurs. » (v.13) Puis un appel teinté d’espoir. Ah, si le Seigneur le voulait, il pourrait changer notre malheur en joie (v.14-15). Et puis les demandes s’apaisent, et prennent une tournure nouvelle, en appelant à la gloire de Dieu (v.16) et finissant même par évoquer la douceur de Dieu : « Que la douceur du Seigneur notre Dieu soit sur nous ! » (v.17) On est bien loin de la colère de Dieu !

Le Psaume se termine même par une demande surprenante quand on considère le ton de presque tout ce qui a précédé : « Consolide pour nous l’œuvre de nos mains, oui, consolide cette œuvre de nos mains. » (v.17b). L’oeuvre de NOS mains ! Nous, si petits, si fragiles…

Pourtant, il n’y a aucun orgueil dans cette demande. Juste la confiance dans le fait que ce Dieu si grand, infini et éternel, s’intéresse aux petites poussières que nous sommes. C’était déjà présent au tout début du psaume :

Seigneur, d’âge en âge
tu as été notre abri. (v.1)

Et cela s’exprime dans cette ultime demande. L’oeuvre de nos mains n’est que du vent, une petite goutte d’eau. Mais si le Seigneur l’affermit, alors cette goutte d’eau trouvera sa place dans l’océan de son Royaume. Nos œuvres, notre vie aura un sens. Celui d’entrer dans les projets de Dieu, d’être associé à son œuvre.
Conclusion

Nous avons besoin de prendre conscience de la grandeur de Dieu pour réaliser ce que nous sommes. Et si nous comprenons combien nous sommes éphémères et fragiles, alors nous comprenons l’immensité de l’amour de Dieu.

Car, en Jésus-Christ, Dieu s’est fait poussière. Pour répondre à notre détresse, il est devenu un homme, comme nous. Et il est mort, pour nous. Mais, ressuscité, il nous assure que notre retour à la poussière n’est plus définitif. La puissance de la résurrection fait de nous des poussières d’éternité, dont les modestes œuvres ici-bas, affermies par Dieu, peuvent participer à l’oeuvre de son Royaume.

Entrer par la porte étroite

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Lecture biblique : Luc 13.22-30

Il y a des paroles de Jésus qui sont tout de suite réconfortantes et qu’on aime entendre :

  • « Venez à moi vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos »
  • « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous donne pas comme le monde donne. Que votre coeur ne se trouble pas… »
  • « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde »

Et il y a d’autres paroles, beaucoup moins agréables et qu’on aime peut-être moins entendre … Comme dans notre texte : « Faites des efforts pour entrer par la porte étroite. Oui, je vous le dis, beaucoup de gens essaieront d’entrer et ils ne pourront pas. »

 

Des questions

Qui est donc cet homme qui pose la question à Jésus : « Seigneur, est-ce que Dieu va sauver seulement un petit nombre de gens ? » L’Evangile ne nous en dit rien, il reste anonyme. S’exprime-t-il en son nom propre ou est-il le porte-parole d’un groupe ? Est-il proche des chefs religieux et persuadé d’être parmi les quelques élus ? Il voudrait alors être conforté dans sa fierté d’en faire partie. Est-ce un disciple, inquiet de voir si peu de monde faire partie du cercle des disciples ?

En tout cas, ce n’est pas à un homme seul et anonyme que Jésus répond, il s’adresse à tous. Celui qui pose la question n’est pas le seul concerné par la réponse !

Qu’y a-t-il donc derrière sa question ? Le contexte peut peut-être nous aider. En effet, juste avant dans l’Évangile selon Luc, Jésus raconte deux paraboles qui nous parlent du Royaume de Dieu. Il est comparé à une petite graine de moutarde qui devient un arbuste abritant les oiseaux qui y font leur nid, et à un petit peu de levain qui finit par faire lever toute la pâte.

Si l’homme qui pose la question était un disciple de Jésus, il avait déjà sa réponse dans ces deux paraboles. Oui, ça commence tout petit (une graine de moutarde, un peu de levure) mais le Royaume de Dieu deviendra grand. Donc, si c’est un disciple, il a mal écouté ce que Jésus a déjà dit…

Par ailleurs, juste avant ces deux paraboles, on trouve le récit de la guérison, le jour du sabbat, d’une femme malade. Et on y voit un contraste saisissant entre la joie des foules témoins du miracle et la colère des chefs religieux parce que Jésus a, soi-disant, enfreint la loi sur le sabbat.

Si cet homme parle donc au nom des chefs religieux Juif, Jésus veut peut-être les interpeller : on peut passer à côté de la beauté et la grandeur du Royaume de Dieu… comme on peut, finalement, passer à côté du festin du Royaume.

Dans tous les cas, la question de cet homme trahit une mauvaise compréhension de l’enseignement de Jésus jusqu’ici. Et c’est pourquoi Jésus va répondre de façon surprenante, pour éveiller les consciences.

Au premier abord, on peut même avoir l’impression qu’il ne répond pas à la question qui lui est posée. Il aurait pu répondre en faisant référence à ses paraboles du Royaume pour encourager les quelques-uns qui le suivaient (et dont l’homme faisait peut-être partie) : oui, le Royaume de Dieu commence petit mais il deviendra grand ! Il aurait pu aussi dire que seul Dieu sait combien de personnes seront sauvées.

Jésus choisit plutôt d’interpeller ses auditeurs par une métaphore : efforcez-vous d’entrer par la porte étroite parce que tous n’y arriveront pas. Et il poursuit avec une parabole dans laquelle des gens qui se croyaient invités à un grand festin se retrouvent devant une porte fermée, le maître de maison prétendant même ne pas les connaître. Et leurs regrets seront d’autant plus grand qu’ils verront Abraham, Isaac, Jacob et tous les prophètes être rejoints à table par des gens venus des quatre coins du monde… alors qu’eux resteront dehors.

En bref, voici donc la réponse de Jésus : peu importe de savoir combien seront sauvés, la vraie question est : qu’en est-il de vous ? La question mérite d’être posée, parce qu’il pourrait bien y avoir des surprises. Des personnes qui pensent avoir leur place réservée seront exclues.

Retenons trois leçons à ces paroles de Jésus.

 

Prendre au sérieux l’avertissement

La première leçon, c’est que l’avertissement doit être pris au sérieux. Même si ça ne nous plaît pas trop, il y a une réelle possibilité d’être « jeté dehors », exclu du festin. Ce n’est pas la seule fois où Jésus l’évoque dans son enseignement. Il y a bien-sûr, ici comme ailleurs, la perspective d’une invitation large, universelle, faisant venir des invités des quatre coins du monde. Mais il y a aussi la porte fermée, il y a aussi les pleurs et les grincements de dents.

L’Evangile est la bonne nouvelle du salut offert à tous. Mais c’est aussi le jugement de ceux qui refusent de croire. On est obligé de retirer de notre Bible un nombre non négligeable de versets pour le nier… Le message de l’Évangile, ce n’est pas « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » et le bon Dieu finira bien par sauver tout le monde. Le message de l’Évangile, c’est au contraire « personne il est beau, personne il est gentil » ! Nous sommes tous pécheurs, loin de Dieu et nous avons tous besoin de sa grâce. Il nous offre gratuitement le salut grâce à l’oeuvre accomplie par Jésus-Christ. Mais si nous le savons et que nous le rejetons, alors il pourrait bien y avoir des conséquences…

Bien-sûr, tout cela garde un mystère qui nous est inaccessible. Pour prolonger la parabole, seul le maître de maison sait qui il accueillera à sa table et nous devons nous garder de nous mettre à sa place. Et si Dieu décide au dernier jour de sauver tout le monde nous n’aurons rien à redire ! Mais il nous faut garder au moins la possibilité d’être exclu du festin si nous nous obstinons contre Dieu. Ça fait aussi partie du message de l’Évangile.

 

Se positionner personnellement

Cet avertissement, aussi sérieux soit-il, ne doit pas pour autant nous faire peur. Il ne doit pas nous faire douter de la bonté de Dieu et de son accueil, largement proclamé dans les Evangiles. Mais il doit nous faire prendre au sérieux le message de l’Évangile. Avec l’Évangile, il est bien question de vie et de mort. Ce n’est pas une simple question de croyance ou de religion, c’est une question de salut et d’éternité.

L’Evangile est certes une bonne nouvelle qui nous donne une espérance éternelle, mais ce n’est pas une bonne nouvelle au rabais. Elle a coûté le prix fort à Dieu, par la mort de son Fils Jésus-Christ. Elle attend de nous une réponse. Quand on comprend cela, on ne peut pas rester indifférent. La vie éternelle m’est offerte mais qu’est-ce que je fais de cette nouvelle ? Comment je me positionne personnellement ?

Ce n’est pas notre affaire de savoir qui sera sauvé, s’il y en aura peu ou beaucoup. Notre affaire, c’est de savoir où nous nous situons personnellement. L’Evangile est aussi, fondamentalement, un appel qui attend une réponse. C’est une bonne nouvelle qui vous concerne, chacun, personnellement. Une bonne nouvelle qui appelle une réponse personnelle. Sinon, elle restera sans effet pour nous…

 

Laisser l’Évangile nous bousculer

Derrière la question posée à Jésus, quel que soit celui qui l’a posée, il y a le piège d’un certain orgueil spirituel, celui de se croire hors d’atteinte, à l’abri, pour telle ou telle raison. Et la réponse de Jésus souligne que l’Évangile ne veut pas nous laisser nous reposer sur nos lauriers. Vous avez sans doute déjà vu cette vidéo qu’on voit régulièrement dans les bêtisiers où un cycliste, persuadé d’avoir gagné, lève les bras quelques mètres avant la ligne. Mais parce qu’il se croit déjà arrivé, il tombe… laissant la victoire à son poursuivant qui passe la ligne n’en croyant pas ses yeux.

« Que celui qui pense être debout prenne garde de tomber » (1 Corinthiens 10.12) N’est-ce pas, un peu, ce que Jésus dit ici ? Certains voudront entrer par la porte mais ne pourront pas. Certains croiront avoir une place réservée au festin mais resteront dehors. Des premiers seront les derniers, et des derniers seront les premiers.

Nous pouvons avoir une espérance certaine. Elle repose sur la grâce de Dieu et ses promesses. Mais si notre assurance repose sur d’autres bases, quelles qu’elles soient, notre piété, notre éducation, notre expérience… alors attention danger !

C’est pourquoi l’Évangile contient aussi des paroles d’avertissement. Il ne cesse de nous déstabiliser et de nous interpeller. Si l’Évangile ne nous bouscule plus, après 10 ans, 20 ans ou plus de vie chrétienne, nous pouvons nous inquiéter… Nous devons sans doute nous être endormis. Et là, la chute est assurée…

 

Conclusion

Il y a des paroles de Jésus qui sont moins agréables à entendre que d’autres… Il nous faut des paroles qui apaisent et encouragent. Mais il nous faut aussi des paroles qui réveillent et bousculent. C’est bien parce que si l’Évangile nous offre un salut gratuit et une espérance éternelle, il nous appelle aussi à un engagement personnel en retour.

La porte est étroite et le passage est long. C’est pourquoi nous devons persévérer dans nos efforts. Mais nous savons que, finalement, c’est la main de Dieu, dans sa grâce, qui nous saisira et nous fera entrer dans la salle du festin !

En paix avec tous les hommes

 

https://soundcloud.com/eel-toulouse/en-paix-avec-tous-les-hommes

Dimanche dernier, à partir du chapitre 5 de l’épître aux Romains, nous avons parlé de la paix que nous trouvons en Dieu grâce à l’oeuvre accomplie par Jésus-Christ. Son œuvre à la croix nous réconcilie avec Dieu et nous pouvons être remplis de la paix de Dieu, une paix qui nous rend plus fort face à l’épreuve.

Mais je ne peux pas dire : « Je suis en paix avec Dieu mais avec mon prochain, je m’en fiche ! » Si c’était implicite dans tous le développement théologique de l’apôtre Paul, ça devient explicite dans ses exhortations pratiques, comme dans le chapitre 12 de cette même épître aux Romains :

Lecture biblique : Romains 12.14-21
Un impératif incontournable

« Autant que possible, si cela dépend de vous, vivez en paix avec tous. »

Dans un monde parfait, Paul aurait simplement dit : « Vivez en paix avec tous. » Mais on ne vit pas dans un monde parfait… et la paix dépend des deux parties (au moins) concernées. Du coup, l’apôtre est obligé de préciser : « autant que possible, si cela dépend de vous, vivez en paix avec tous ».

Ce n’est pas facile d’être en paix avec tous, d’avoir toujours des relations paisibles au travail, avec ses voisins, dans sa famille ou même dans l’Église. Pourtant, c’est bien une préoccupation que nous devons avoir. Et, même avec les précautions utilisées par Paul, ça reste un impératif : Soyez en paix avec tous !

Du coup, ça signifie aussi que Paul ne veut pas envisager que ses lecteurs puissent être à l’origine d’un conflit ou qu’ils puissent même entretenir un conflit ou refuser d’entrer dans une démarche de réconciliation.

On peut être en désaccord, on peut ne pas « avoir d’atome crochu » avec quelqu’un, on n’est pas obligé d’être les meilleurs amis de tout le monde… mais vivre en paix avec tous doit être un impératif pour celui qui a été réconcilié avec Dieu !

L’impératif est encore plus fort dans l’Église, entre chrétiens. Il n’y a peut-être pas de plus grand contre-témoignage qu’un conflit entretenu dans l’Église. Comment croire à la réconciliation avec Dieu que nous proclamons si nous sommes incapables de vivre en paix les uns avec les autres ? La question se pose aussi dans les relations entre Églises où les divisions, parfois amères ou vives, sont un contre-témoignage de l’Église de Jésus-Christ.

Mais l’impératif ne compte pas seulement entre chrétiens. Ca commence bien là, sans doute. « Soyez en paix avec tous » concerne aussi la paix dans nos familles, nos relations d’étude ou de travail, de voisinage, etc…

Vous me direz que c’est facile à dire… C’est vrai. Mais il faut bien que ça commence avec cette prise de conscience, avec cette volonté première. C’est un impératif incontournable.
Un combat de tous les jours

Alors justement, concrètement, qu’est-ce que ça signifie ? L’apôtre Paul donne quelques pistes, avec des formules chocs :

« Souhaitez du bien (bénissez) à ceux qui vous font souffrir, souhaitez du bien et non du mal. » (v.14)
« Ne rendez à personne le mal pour le mal, cherchez à faire le bien devant tous. » (v.17)
« Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien. » (v.21)

Des formules qui rappellent des paroles fortes de Jésus, dans le Sermon sur la Montagne :

« Heureux ceux qui font œuvre de paix : ils seront appelés fils de Dieu. » (Mt 5.9)
« Vous avez appris qu’on a dit : “Œil pour œil et dent pour dent.” Mais moi, je vous dis : si quelqu’un vous fait du mal, ne vous vengez pas. Au contraire, si quelqu’un te frappe sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre joue. (Mt 5.38-39)
« Vous avez appris qu’on a dit : “Tu dois aimer ton prochain et détester ton ennemi.” Mais moi, je vous dis : aimez vos ennemis. Priez pour ceux qui vous font souffrir. Alors vous serez vraiment les enfants de votre Père qui est dans les cieux. (Mt 5.43-45a)

Un principe : combattre le mal par le bien

« Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien. » (v.21)

Ce verset est particulièrement intéressant parce qu’il parle d’abord de ne pas se laisser vaincre avant de pouvoir être vainqueur… Il faut livrer un combat contre soi-même pour pouvoir être vainqueur du mal par le bien.

Jésus lui-même, alors qu’il n’avait pas de péché, a dû mener ce combat intérieur. A Gethsémané, il a livré une lutte pour accepter le chemin de la croix. Chemin par lequel il vaincra le mal par le bien, comme cela ressort de cette célèbre parole : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font. »

Si Jésus, le Fils de Dieu fait homme, sans péché, a dû livrer ce combat intérieur, alors à combien plus forte raison, nous qui devons lutter sans cesse avec ce mal tapi au fond de notre cœur, devrons-nous livrer un même combat ! Le combat contre le mal commence à l’intérieur de chacun de nous. Si on ne réagit pas, si on laisse libre court à ses réflexes naturels, on n’y arrive pas. On se laisse vaincre par le mal.

Céder à la vengeance, c’est se laisser vaincre par le mal. Entretenir un conflit, c’est se laisser vaincre par le mal. Refuser d’accorder le pardon, c’est se laisser vaincre par le mal.

Or, l’esprit de l’évangile, c’est de dire que le bien l’emporte sur le mal, l’amour sur la haine, le pardon sur la vengeance, la bénédiction sur la malédiction.

Une nécessité : agir

En tout cas, une chose est sûre, pour l’apôtre Paul ce principe implique une nécessité : agir. Le verset 17 l’exprime bien : « Ne rendez à personne le mal pour le mal, cherchez à faire le bien devant tous. » (v.17)

Il ne s’agit pas seulement de s’abstenir de rendre le mal pour le mal, mais de chercher à faire le bien. Être en paix avec tous les hommes, ce n’est pas chercher à être le plus discret possible, pour ne pas faire de vague et ne pas avoir de problème avec qui que ce soit… C’est travailler activement à la paix, au pardon, à la réconciliation. Toujours chercher à faire le bien. Et le faire publiquement : « cherchez à faire le bien devant tous. »

Il s’agit de poser des gestes, des paroles de paix. Oser prendre l’initiative d’une réconciliation. Aller à la rencontre de celui qui est oublié, rejeté, stigmatisé. Poser des gestes de fraternité, d’accueil, à l’image de Jésus qui allait à la rencontre de tous… et cela lui a été reproché.

Alors où sont nos gestes de paix ? Notre monde en a tant besoin aujourd’hui… Tous les gestes de paix sont les bienvenus face aux gestes de haine et de terreur qui frappent notre monde. Chaque geste de paix posé dans notre quotidien compte.

Et où sont nos paroles de paix ? Des paroles de pardon, d’ouverture, d’accueil qui répondent aux paroles de colère, de rejet, de stigmatisation qui fleurissent, notamment sur les réseaux sociaux. Je suis attristé d’en voir aussi sur les comptes de certains chrétiens. Des paroles qui jettent de l’huile sur le feu, qui alimentent des peurs et des ressentiments, qui cèdent aux amalgames sur les musulmans, sur les migrants, etc…

Souvenons-nous que selon les Béatitudes, ce sont les artisans de paix qui seront appelés fils de Dieu…
Conclusion

Je ne peux pas dire : « Je suis en paix avec Dieu mais avec mon prochain, je m’en fiche ! » Notre relation à Dieu impacte nécessairement notre relation aux autres. Alors si nous sommes en paix avec Dieu, nous devons mettre tous nos efforts à être en paix avec tous. C’est une question de cohérence, de mis en pratique de notre foi. C’est un impératif incontournable… et c’est un combat de tous les jours.