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Florence VANCOILLIE

A propos Florence VANCOILLIE

Pasteur de l'Eglise évangélique libre de Toulouse depuis 2013, membre de la Commission synodale de l'UEEL.

Une vie caractérisée par la générosité et le don de soi

Critère Vitalité n°8

Lecture biblique: Romains 12.1-8

« Je vous invite donc, frères… » Donc. L’apôtre Paul a consacré les 11 premiers chapitres de sa lettre aux questions théologiques liées au salut : qui est sauvé, de quoi, comment, sur quels critères, pour combien de temps etc. Après avoir exposé les grandes lignes de l’évangile, bonne nouvelle d’un salut offert gracieusement à toute personne qui ose croire en Jésus-Christ, Paul s’attache à partir de maintenant à dégager les implications pratiques, concrètes, du salut que nous recevons en Jésus-Christ. Il affirme d’abord un principe très général, puis montre comment ce principe s’applique aux différents domaines de notre vie – en commençant par la vie communautaire, en église. Je vous propose de simplement suivre les étapes du texte qui nous exhortent à une vie généreuse, caractérisée par le don de soi.

1)   S’offrir à Dieu par gratitude

Commençons par le commencement : le principe général de la vie chrétienne (diapo). Paul nous appelle à nous offrir à Dieu, comme un sacrifice. Cette expression résonne de manière étrange à nos oreilles : s’agirait-il de se sacrifier pour Dieu ? Non, bien sûr. C’est le Christ qui s’est sacrifié pour nous !

Mais alors de quoi Paul parle-t-il ? Il utilise le vocabulaire du sacrifice parce que c’est l’élément religieux qui domine à son époque : quand on pense relation avec Dieu, foi, religion, on pense systématiquement sacrifice. Paul s’adresse donc aux Romains dans cette ligne de pensée : si la relation avec Dieu équivaut à des sacrifices d’animaux, quelle est la nouveauté que l’Evangile apporte ? La nouveauté, c’est qu’il est désormais inutile d’offrir quelque chose à Dieu pour demander pardon : le Christ a porté nos fautes et obtenu le pardon en notre faveur. Par contre, une forme de sacrifice, que nous oublions souvent, mais très présente dans l’A.T., c’est l’offrande, le sacrifice de reconnaissance, le cadeau que l’on offre à Dieu avec adoration et gratitude. Et ce type de « sacrifices » reste valable aujourd’hui : manifester notre amour à Dieu par un cadeau, par l’offrande.

Que faut-il offrir en cadeau ? Un beau mouton ? Un parfum de luxe ? Une voiture ? Bien plus et bien mieux : nous-mêmes ! Nous-mêmes, dans toutes nos dimensions : notre corps et notre esprit. Notre corps ne veut pas dire nos cellules, notre ADN, notre chair – il s’agit plutôt de ce qui est visible, concret, en relation avec l’extérieur. C’est nos mains, dans ce qu’elles font, nos yeux dans le regard qu’ils portent, nos pieds, avec les directions que nous empruntons, notre bouche et nos paroles, nos oreilles et l’attention que nous apportons aux autres. C’est la dimension concrète, ordinaire, triviale : voilà ce que Dieu désire comme cadeau, une vie quotidienne qui lui fasse honneur. C’est ça le culte authentique, dit Paul, un culte qui s’exprime de manière particulière dans nos rassemblements communautaires, mais qui doit surtout se vivre au quotidien, chaque jour, chaque heure : des gestes d’amour, des paroles vraies et justes, un regard bienveillant, voilà la meilleure manière d’exprimer à Dieu notre amour pour lui.

Sauf que notre manière de vivre ne vient pas de nulle part, mais de ce petit monde invisible où s’entremêlent les désirs, volontés, valeurs, convictions, doutes, pensées, qui vont déboucher sur des paroles et des actes concrets. Les fruits beaux et bons et sains que nous offrons à Dieu, demandent que les racines de l’arbre que nous sommes soient elles aussi belles, et bonnes, et saines. Mais si nous sommes honnêtes, nous reconnaissons que les racines de nos pensées, de nos sentiments, font rarement honneur à Dieu – à cause du mal qui nous corrompt de l’intérieur et nous influence de l’extérieur. D’où la nécessité de se tourner résolument vers Dieu pour qu’il nous libère peu à peu de ces mauvaises influences, qu’il nous renouvelle en profondeur afin que nous devenions capables de lui offrir le meilleur de nous-mêmes.

Jésus-Christ, Dieu devenu homme, s’est donné pour nous sauver – c’est la grâce, l’amour généreux de Dieu qui nous accueille sans que nous ne méritions quoi que ce soit. Notre réponse, c’est la gratitude : nous offrons à Dieu cette nouvelle vie qu’il nous a donnée, pour qu’il y fasse grandir ce qui est bon, agréable, et parfait.

2)   Appelés à nous bénir les uns les autres   

Dieu est généreux envers nous, et il nous appelle à être nous-mêmes généreux envers ceux qui nous entourent – dès la Création, Dieu nous veut pleins d’amour pour lui et pour les autres. Il est du coup très logique que Paul passe du principe général de la vie chrétienne – s’offrir à Dieu – à la vie communautaire – la générosité envers les autres. Un des aspects de notre vocation humaine, c’est de nous faire du bien les uns aux autres, de nous bénir les uns les autres (diapo). Dieu nous donne des ressources, des talents, des possibilités, des dons, pas seulement pour nous épanouir ou réaliser notre potentiel, mais aussi et surtout pour faire du bien aux autres.

Nous avons tous cette vocation à bénir les autres. Tous, nous recevons de Dieu de quoi aimer concrètement, bénir, ceux qui nous entourent. Comme dans un corps où chaque membre est utile aux autres, à l’échelle locale ou universelle, chacun a sa place et ses dons pour faire du bien à d’autres membres. C’est peut-être une qualité d’écoute,  qui conduira à faire des visites, prier, s’investir dans des aumôneries, encourager et conseiller ; c’est peut-être une facilité à tisser des liens, qui conduira à l’hospitalité, l’accueil, l’animation ; c’est peut-être des connaissances qui pousseront à enseigner – au culte, aux enfants, dans les groupes ; ce sont aussi des savoir-faire qui aideront l’église à fonctionner de manière très concrète – un culte sans sono, un local sale, ou des offrandes mal gérées, et la vie d’église s’enraye très vite ! Ce peut être aussi une disponibilité, une attention envers les autres, qui poussera à simplement rendre service par de petits gestes qui changent tout !

Tous nous avons quelque chose à donner aux autres – peut-être qu’on peut imaginer les dons de Dieu non pas uniquement comme des choses qu’il nous donne, mais comme des choses qu’il nous appelle à donner aux autres : de cette manière il nous implique, il nous rend partenaires de sa grâce et de sa générosité.

Parfois, on cumule des dons, parfois aussi on change ! Tout n’est pas figé ! Avec le temps, l’expérience, l’évolution de notre personnalité, nos ressources changent et nous pouvons servir les autres de manière différente…

De ce fait, une église saine, c’est une église qui accueille les différents dons et sait être patiente… Patiente pour aider chacun à discerner comment il peut servir – car la liste de nos ressources ne s’imprime pas magiquement lorsque nous devenons croyants ; patiente aussi pour tolérer les flottements inévitables dans ce discernement : en effet, pour discerner il faut parfois tester et parfois on se rend compte que tel rôle n’est vraiment pas fait pour nous ! D’ailleurs, même pour les services qui correspondent à nos dons, il faudra un temps d’apprentissage – ça paraît évident, mais notre peur de l’échec ou de déshonorer Dieu avec un service mal rendu nous fait parfois reculer et tout arrêter, alors qu’avec un peu de persévérance, les erreurs de débutant se seraient vite estompées !

Comment considérer ces dons, ces services, ces rôles ? Paul donne une recommandation qui peut surprendre : ne soyez pas prétentieux, mais tendez à une sage appréciation de vous-mêmes. Il s’agit de s’évaluer soi-même avec sagesse, à la mesure de la foi – ce qu’on peut comprendre par : à la mesure de l’évangile dans lequel nous croyons, qui dit que nous sommes tous également bénéficiaires de la même grâce de Dieu, égaux devant lui. Du coup, nos dons ne jouent pas sur notre valeur, comme si nous étions mieux les uns que les autres, mais nous sommes tous bénéficiaires de la même grâce qui va ensuite se manifester de différentes façons, toutes désirées et voulues par Dieu.

3)   Le don de soi : de multiples dons, une même consécration

Passons donc aux exemples de dons que Paul cite. Dans le N.T., plusieurs « listes » de dons apparaissent, mais sans se recouper exactement. Chacune a sa particularité sans être exhaustive. Ici, Paul se concentre sur la prophétie, prise de parole au nom de Dieu pour les gens aujourd’hui – sous la forme d’une révélation, ou simplement d’un conseil, parfois dans une présidence ou une prédication… C’est différent de l’enseignement, qui pourrait être le même partout et qui restitue les données bibliques ; différent aussi de l’encouragement qui ne révèle pas nécessairement quelque chose mais qui console, réconforte, ranime celui à qui nous parlons. Ce sont les dons de la parole ; Paul cite aussi et surtout les dons liés au service mutuel dans l’église : la libéralité financière, la prise de responsabilités, l’entraide…

Ces dons ont deux points communs. Le premier, c’est qu’ils demandent de la générosité, en particulier dans les deux biens qui sont précieux aujourd’hui : l’argent et le temps. Venir en aide à ceux qui se trouvent dans le besoin, soutenir les projets (parcours Alpha, activités des jeunes, musique…), demandent des ressources financières, mais aussi du temps ! Tout comme animer le culte, préparer les groupes d’enfants, venir en semaine faire le ménage, siéger au conseil ou se former pour mieux servir. Certains ont à cœur de partager leurs richesses, donnant de ce que Dieu leur a donné – et c’est une grâce ! D’autres auront du temps : je pense à nos retraités qui sont souvent bien actifs ! Mais aussi aux temps de repos forcé : grand âge, maladie, chômage… Ce temps subitement disponible peut momentanément permettre de s’investir – j’entendais un pasteur prier avec reconnaissance pour les personnes âgées qui ne se déplacent plus mais qui prient pour l’église, pour les jeunes : c’est une magnifique façon de bénir les autres !

L’autre point commun de ces dons, c’est la consécration, le sérieux et la joie. Peu importe le don ou le service, pourvu que ce soit d’une manière qui honore Dieu ! Si chacun contribue à l’ensemble du corps, il est essentiel que chaque membre, chaque cellule du corps, fonctionne bien. Dans ce domaine, ce qui nous motive, ce n’est pas l’appréciation d’autrui, mais la joie de Dieu lorsqu’il nous voit participer à ses projets bienfaisants.

Conclusion

La boucle est bouclée : l’évangile nous proclame l’amour de Dieu – notre réponse, c’est la gratitude, le don de nous-mêmes. La générosité est incontournable dans la vie chrétienne, parce que Dieu a été généreux envers nous. Sa générosité est notre raison d’être, la source et le modèle de notre vie nouvelle. Tous, nous sommes concernés par cet appel à la générosité : d’abord dans notre attitude d’amour et de patience, de bienveillance, ensuite par nos ressources (offrande de nos biens, de nos talents, de notre temps…), parce que Dieu nous rend – quel honneur ! – partenaires de son œuvre de bénédiction, partenaires de sa grâce.

A la rencontre de Dieu

Lecture biblique: Jean 2.1-11

Pour un signe étonnant, c’en est un ! Et pas seulement parce que Jésus a transformé une grande quantité d’eau en vin, mais aussi parce que cette histoire de fête où l’on manque d’alcool est un drôle de début pour un Messie ! Revenons quelques instants à cette histoire, pour bien s’en imprégner.

Nous sommes à Cana, pas très loin de Nazareth, le village où a grandi Jésus. On célèbre un mariage, et comme le veut l’usage, les familles des mariés ont invité le maximum de gens, peut-être même le village entier, pour cette fête qui dure une semaine. Marie, la mère de Jésus, est déjà là, peut-être même  qu’elle aide un peu en cuisine ou à l’organisation du service. Jésus, qui est dans le coin, est lui aussi invité, accompagné de ses tout premiers élèves, les disciples.

La fête bat son plein, mais arrive le drame : plus de vin ! Un mariage sans vin, ça ne se fait pas… En ramenant à des proportions modernes bien plus modestes, c’est comme si vous invitiez 200 personnes au repas de mariage et que vous ne serviez que 20 parts… C’est la honte assurée ! Sauf que là, tout le village est aux premières loges pour constater le problème et en parler, parler, reparler pendant les 20 ans à venir – si ce n’est plus !

Marie se tourne vers Jésus pour lui confier la situation : derrière le constat – il n’y a plus de vin – se cache une demande, un appel à l’aide. Jésus saisit bien la demande cachée, mais ça le gêne. La traduction que j’ai lue dit « Mère », mais le sens du texte original est moins chaleureux : poli mais distant, on pourrait le rendre par « Madame ». « Madame, qu’est-ce que vous me voulez ? le moment n’est pas venu ».

On pourrait en rester là, et exposer ce pauvre couple au scandale ! Seulement, Jésus se laisse émouvoir par la situation. Et le miracle arrive : des serviteurs, à la demande de Jésus, remplissent six jarres d’au moins 100 litres chacune, vont voir le responsable de la soirée, qui n’est au courant de rien et déguste à l’aveugle l’eau transformée en vin. Surprise, ce vin-là est bien meilleur que le vin proposé en début de soirée… Tout est bien qui finit bien, la crise a été évitée, et Jésus et son entourage repartent presque inaperçus.

1)   De l’eau au vin : l’image de la grâce

Une des choses étonnantes, c’est que le miracle n’occupe pas la première place. En fait, Jésus n’a pas trop envie, le miracle est à peine décrit, juste ce qu’il faut pour qu’on sache qu’il a eu lieu, et presque personne n’en est témoin, à part les disciples, Marie et quelques serviteurs – comme si l’intérêt de cette histoire était ailleurs.

En fait, Jean qualifie cet événement de « signe » et non de miracle, marquant par là que l’important, c’est le sens de ce qui vient de se passer, la portée symbolique de ce que Jésus vient de faire : il annonce la grâce de Dieu.

Jésus s’est servi de 6 grosses jarres, des jarres destinées normalement aux ablutions rituelles pour se purifier, par exemple avant le repas. Ces jarres et l’eau qu’elles contiennent renvoient au système de purification de la religion juive, et si on veut aller plus loin, elles symbolisent tout le code religieux qui permet aux Juifs de vivre en accord avec Dieu : purifications, mais aussi offrandes, sacrifices, rituels etc. Jésus transforme l’eau de la purification en vin, symbole de fête, de joie, d’abondance (d’autant que 600 litres, ça fait quand même 800 bouteilles, de quoi combler plus que largement le manque de vin) ; ainsi, Jésus annonce une nouvelle manière de vivre avec Dieu – là c’est juste en germe, mais les enseignements qu’il donne ensuite vont expliciter ce message, cette bonne nouvelle, que Jésus apporte : réjouissez-vous, Dieu vous invite à partager sa vie, sa joie, son salut.

Comment est-il possible d’annoncer que Dieu, le Créateur, le Tout-puissant, le grand sage et le grand juge, nous invite à partager son intimité, nous offre son amour et sa bénédiction, alors que nous ne sommes pas vraiment exemplaires ? Pour approcher quelqu’un comme lui, il faudrait être irréprochable ! C’est le sens de toutes ces règles religieuses : tendre à l’irréprochabilité pour approcher celui qui est lumière pure, bien incarné, vérité et justice.

Ce qui nous permet d’approcher Dieu et de recevoir sa joie, c’est le fameux « moment » que Jésus évoque de manière mystérieuse. Son moment – dans d’autres traductions, l’heure – n’est pas encore venu. Ce qui permet de passer d’une vie de coupable essayant tant bien que mal de se racheter à une vie libre avec Dieu, débordante de son amour et de présence, c’est la Croix, la Croix qui se dessine déjà pour Jésus à la noce. En mourant sur la croix, après avoir vécu une vie irréprochable, Jésus assume en notre nom tous les reproches que nous méritons, toutes les transgressions qui nous rendent indignes de Dieu, pour que, si nous le croyons, si nous avons simplement foi, nous soyons déclarés justes, innocents, dignes de vivre avec ce Dieu si grand et merveilleux. Il nous permet ainsi de passer de l’eau au vin, de passer à une vie transfigurée, renouvelée, pétillante, une vie remplie de la joie de Dieu.

Marie n’avait sûrement pas compris la portée de ce qu’elle demandait : devenir bénéficiaire de l’amour débordant de Dieu a un prix, et ce prix, Jésus savait bien, lui, qu’il allait devoir le payer. En agissant malgré tout, comme pour tous les miracles et bienfaits à venir, Jésus agit par anticipation, rendant disponible une grâce que la Croix seule rend possible.

2)   Invités à la foi

Cette image des jarres remplies à ras bord nous suggère l’abondance de la vie avec Dieu, offerte à la foi. Et c’est justement ces questions de foi qui intéressent l’apôtre Jean, au moins autant que le miracle lui-même.

Jean prend le temps de s’arrêter sur le dialogue entre Jésus et sa mère, point de départ du miracle. Marie vient voir son fils, inquiète, et lui demande de l’aide. Sait-elle seulement ce qu’elle demande ? Il y a peut-être derrière sa démarche le souvenir de la naissance miraculeuse de Jésus, 30 ans plus tôt, la promesse de l’ange que cet enfant serait l’espoir, le sauveur du peuple… Peut-être l’invite-t-elle, en sa qualité de mère, à passer à la vitesse supérieure : « tu es le messie, vas-y, rends-toi utile ! » D’autant que Jésus vient de passer un cap, en recevant le baptême et en choisissant des disciples.

Seulement, Jésus résiste. Justement parce qu’il vient de se mettre au travail, il est sorti du cadre de l’autorité humaine : c’est auprès de son Père céleste, Dieu, qu’il veut puiser son inspiration, ses initiatives… La distance qu’il prend avec sa mère protège sa liberté d’action, inspirée par Dieu seul. Malgré tout, malgré cette rebuffade qui permet à Jésus de se dégager des attentes et de l’empiètement de sa mère pour s’affirmer pleinement, malgré tout, Jésus se laisse émouvoir par le besoin de ces mariés, par leur désarroi possible, et répond à sa manière à la demande de sa mère, donnant, nous l’avons vu, à son acte une portée bien plus grande que le simple réapprovisionnement en vin.

Marie est venue à Jésus avec son autorité de mère, avec ses attentes, ses besoins, ses hypothèses sur le rôle de son fils… Elle nous ressemble ! Certes, nous n’avons pas donné naissance à Jésus, mais nous allons nous aussi à la rencontre de Dieu souvent mus par un besoin, une question, un doute… et parfois nous imaginons d’avance la réponse que nous souhaitons : je suis malade, il me guérira s’il est Dieu ! je serai toujours heureuse… Si Dieu existe, il me montrera ceci ou cela, il permettra ceci ou cela…

Pourtant, dans le cas de Marie comme dans le nôtre, même si nous venons à Dieu avec nos questions et nos attentes, notre vision des choses, lorsque nous rencontrons Dieu il nous faut être prêts à nous laisser bouger, déplacer, réorienter, à changer de perspective, pour recevoir de lui ce que nous n’avions pas demandé, mais qui est notre véritable besoin. Le Christ est venu guérir, consoler, aider, encourager, enseigner – et bien plus ! bien plus profondément, il est venu nous offrir une relation nouvelle avec Dieu, racine d’une vie nouvelle, où tout est possible. Marie, entendant la voix de son sauveur dans le timbre de son fils, se réajuste et croit, acceptant de suivre le Christ là où il veut l’emmener.

Conclusion

Dans ce texte, il y a plusieurs personnages. Certains voient, d’autres non ; certains croient, d’autres non. Pour tous, le miracle a de quoi surprendre – même celui qui n’a rien vu est surpris : le vin est excellent !

En Christ, Dieu échappe à notre maîtrise, il nous surprend, nous étonne, et en même temps il nous rencontre au plus intime de notre vie. Par un autre biais, il vient nous toucher en plein cœur : là où nous suivons des règles ou des principes un peu poussiéreux, là où nous exprimons des attentes étroites, il nous fait la grâce d’une joie débordante, abondante, inépuisable. Par ce signe, Jésus annonce cette bonne nouvelle : Dieu nous aime, Dieu nous invite à partager sa vie, à entrer dans une relation neuve avec lui, pour nous renouveler et nous transfigurer, sans rien nous demander d’autre que la foi.

Objectif: suivre Jésus

Lecture biblique: Luc 5.27-32

Qu’est-ce qu’être chrétien ? Une définition serait : suivre Jésus. Croire en lui et marcher dans ses pas, suivre ses valeurs et ses orientations. En ce tout début d’année, j’aimerais me joindre aux magazines qui nous conseillent de prendre de bonnes résolutions, non pas pour vous encourager à faire plus de sport, manger sainement ou lire davantage, mais, comme c’est un temps de bilan et de réorientation, pour vous encourager, nous encourager, à nous recentrer sur cet objectif : suivre le Christ. Et pour cela, j’aimerais revenir au début de l’évangile de Luc, qui raconte l’appel de Jésus à un de ses premiers disciples, Levi. Jésus vient de faire deux miracles, deux guérisons.

Lecture

Comme d’habitude, les initiatives de Jésus ne passent pas inaperçues. Jésus, qui commence à être connu, croise au péage un collecteur de taxes et l’appelle à le suivre. Les collecteurs de taxes étaient peu appréciés à son époque : souvent malhonnêtes, ils étaient au service du pouvoir romain, un pouvoir étranger et païen – ce qui leur attirait les foudres du peuple juif, qui les traitait de collabos. Pourtant, ce marginal, Jésus l’appelle à le suivre, tout comme il a guéri des marginaux, un lépreux, un paralytique, un peu plus tôt dans le texte. Levi répond avec enthousiasme, et ni une ni deux, il se lève, abandonne tout et le suit. L’autre nom de Levi, c’est Matthieu, l’un des 12 apôtres, celui qui a écrit un des 4 évangiles, un marginal devenu central.

Tout à sa joie, Levi organise une immense fête, un banquet, chez lui, et il invite ses amis, ses collègues, ses connaissances, des gens qui lui ressemblent. Jésus aussi est invité, avec ses disciples, et on imagine Levi raconter à ses invités son expérience, cette conviction qu’il a eue qu’il devait suivre Jésus, qu’il devait faire ce grand saut dans le vide pour aller avec lui – c’était le premier parcours alpha !

Voici qu’arrivent les chefs religieux, les pharisiens, scandalisés de voir Jésus – quand même un bon Juif – traîner avec ces gens-là. Courageux mais pas téméraires, ils demandent aux disciples (pas à Jésus lui-même) pourquoi ils se mettent à table avec ces pfff… ces gens peu fréquentables, ces pécheurs à la moralité discutable, sans foi ni loi. Vraiment, ça ne fait pas honneur à Dieu !

Qu’il ait entendu ou qu’on l’ait averti, Jésus vient leur répondre : « Ah vous vous croyez justes ! ah vous ne voulez pas vous salir avec des gens impurs ! Eh bien, pour moi, la guérison, c’est pour les malades, le pardon, c’est pour les coupables, et je leur apporte moi-même. Je suis venu appeler ceux qui se reconnaissent pécheurs, pour qu’ils changent de vie. »

Quelle intensité dans les actes et les paroles de Jésus ! On a là un concentré d’évangile, et je vous propose d’en extraire quelques principes actifs pour nous en ce début d’année, pour nous encourager à mieux suivre le Christ, à aller plus loin dans notre vie avec lui.

1)   Accueillir la bonne nouvelle du salut              

Premier principe actif : entendre (ou réentendre) la bonne nouvelle du salut. Levi est un exemple pour nous, l’exemple de celui qui a entendu l’appel et y a répondu avec tout son cœur. Dans sa réaction, il est entier : il se lève, abandonne tout, suit Jésus, invite tous ses amis pour leur présenter le Maître. On devine derrière ces actes radicaux la confiance, la joie, la reconnaissance.

Car Levi, depuis qu’il travaille aux impôts pour l’administration romaine, a bien vu les visages se durcir, les portes se fermer, les gens se détourner. Dans ce contexte, devant les regards chargés de jugement, est-ce qu’il a eu le courage d’aller encore au culte à la synagogue ? Peut-être qu’il s’est laissé influencer par ses collègues malhonnêtes. On ne sait pas comment il vivait avant de rencontrer Jésus, mais ce qui est sûr, c’est qu’il avait été repoussé dans les marges de la société. Et là, un maître spirituel, un guérisseur reconnu, l’appelle, lui ?! Il l’invite à le suivre ?!

Cette main tendue, Levi la saisit sans y réfléchir à deux fois ! S’ajoutent sûrement l’autorité et le charisme de l’envoyé de Dieu, qui donnent à Levi la conviction que là, avec Jésus, se trouve sa paix, sa joie, le sens de sa vie. Levi n’en sait pas plus – il ne sait pas que Jésus est le Fils de Dieu, qu’il va mourir à sa place, ressusciter, etc. – mais il entend, dans la voix du Christ, l’invitation de Dieu.

En contrepoint, nous avons les Pharisiens, campés sur leurs certitudes, sûrs de leur justesse théologique, de leur légitimité, de leur pureté. Les Pharisiens à la base ne sont pas des mauvais bougres : ils veulent simplement faire honneur à Dieu dans tous les domaines de leur vie, et pour cela ils ont réfléchi, et sont arrivés à beaucoup de principes et de règles, pour ne pas se compromettre, pour être le plus purs possibles, par déférence envers le grand Dieu saint, le Dieu juste qui déteste le mal. Seulement, les Pharisiens, obnubilés par leur plan de sainteté en 40 points, ont oublié qu’ils étaient pécheurs. Ils n’ont pas vu l’orgueil s’enraciner dans leur cœur, les rendre hautains et fermés, secs et durs. Se croyant debout et bien portants, beaucoup refusent la main que Dieu leur tend en Jésus.

C’est sûr que quand on fait ou qu’on a fait n’importe quoi, qu’on a vécu une vie lamentable, on se rend facilement compte qu’on a besoin d’aide. Ceux qui sont couverts de boutons ou qui ne peuvent plus marcher se rendent bien compte qu’ils ont besoin d’un médecin. C’est peut-être plus difficile pour ceux qui ont suivi un long fleuve tranquille : nés dans une famille équilibrée, héritiers de valeurs saines et constructives, ayant toujours connu Dieu et suivi plus ou moins son chemin, ils vont bien. Pourtant, que l’on soit un grand pécheur devant l’Eternel ou quelqu’un de bien, la vérité de l’Evangile c’est que nous sommes tous coupables devant Dieu, et que nous avons tous autant besoin de saisir la main du Christ. La vérité de l’Evangile, c’est que tous autant que nous sommes, nous étions détestables aux yeux de Dieu, par notre péché, par notre orgueil, mais que Dieu nous a aimés en Jésus-Christ, et qu’il a payé le prix fort pour faire de nous, chacun de nous, ses enfants.

Entendre ou réentendre la bonne nouvelle du salut, c’est donc saisir le pardon immérité de Dieu, la grâce immense de son amour, dont nous nous savons indignes au plus profond de nous. Dieu nous invite à être ses enfants ! Adolescents rebelles, addicts, entrepreneurs à succès, salariés sans histoire, anonymes inutiles à la société : peu importe, Dieu nous invite à être ses enfants !

2)   Devenir témoins de la grâce                           

Si on saisit vraiment, profondément, cette réalité de l’amour immérité de Dieu pour nous en Jésus-Christ, alors on ne peut que suivre le chemin de la grâce, devenir témoins de la grâce que nous reçue (diapo). Les Pharisiens, sûrs d’eux, sont prompts à mépriser ceux qui galèrent et ne suivent pas le code de sainteté à la lettre. A l’inverse, ceux qui se savent pécheurs pardonnés comprennent les autres pécheurs : « J’étais là ! Je m’en suis sortie, mais je sais combien la pente est glissante, combien le chemin paraît long. Garde espoir, mon frère, ma sœur, car si Dieu a pu me sortir de là, il peut le faire pour toi aussi. » Peu importe qu’on ait vécu le même problème ou pas ! Nous étions loin de Dieu, et Dieu nous a tendu la main.

Baigner dans l’amour de Dieu nous conduit à porter sur les autres un regard compréhensif et encourageant. C’est ce que fait Jésus ! Alors que lui, c’est le seul à n’avoir jamais été indigne de Dieu ! Mais parce qu’il est plongé dans l’amour de Dieu, sa perfection morale n’est pas l’occasion de juger ou de repousser, mais au contraire de partager le remède, d’encourager à saisir la main de Dieu pour une vie nouvelle, saine, sainte, juste, belle et bonne. Même lui, il refuse de juger – en tout cas, ceux qui sont conscients de leur péché, parce que les orgueilleux qui s’illusionnent, Jésus les secoue à plusieurs reprises.

Est-ce à dire qu’il faut tout tolérer, tout accepter ? Cautionner le mal ? Bien sûr que non ! Jésus nous montre qu’on peut être avec quelqu’un sans cautionner ses erreurs ou ses fautes. Il nous montre comment être témoins de l’amour de Dieu. Plus tard, dans un sermon qu’il donne sur une montagne, Jésus appelle ses disciples à faire une différence dans le monde, en étant comme du sel dans un monde dénaturé. C’est comme s’il nous appelait à être bleus dans un monde jaune. Si nous restons dans une petite bulle bleue, notre couleur ne fera aucune différence. Si nous allons chez les jaunes, mais que nous laissons leur couleur déteindre sur nous et nous rendre vert pâle, nous ne ferons pas de différence. Jésus nous appelle à rejoindre ceux qui ont besoin de son amour et sa justice, et à le faire en lui restant fidèles, en restant bien bleus dans un monde jaune.

Cela nous oblige à considérer la question de ce qui nous influence. Jésus fréquentait des pécheurs sans pécher lui-même : pourquoi ? Parce qu’il soignait sa relation avec Dieu, il cherchait l’influence de Dieu pour s’enraciner dans la justice, la vérité, la paix, l’amour. Il méditait les révélations de Dieu, il priait. Même avec des injustes ou des menteurs, même avec de mauvaises fréquentations, Jésus veillait à garder comme seule influence Dieu – et du coup c’est lui qui déteignait sur les autres et non pas le contraire. Rempli de l’Esprit de Dieu – qu’il nous a donné à nous aussi – ce qu’il vivait avec Dieu était contagieux – comme la joie contagieuse de Levi !

Je crois que ce texte nous invite à l’audace, l’audace d’aller rencontrer et fréquenter des gens différents, qui nous mettront peut-être mal à l’aise, pour partager avec eux le salut que nous, nous avons déjà reçu.

Mais si on veut aller plus loin, il faut dire que cette audace doit s’accompagner de patience et de bienveillance, parce que les pécheurs – les autres, mais nous aussi, vous connaissez la parabole de la paille et de la poutre – les pécheurs ne deviennent pas saints d’un claquement de doigt. Il y a ceux qui ont tout à apprendre, le b.a.ba de Dieu, et trois prédications ne suffiront pas. A l’autre bout, il y a ceux qui ont presque tout entendu, mais qui doivent persévérer pour laisser Dieu guérir en eux le mal qui ne se voit pas. Il y aura ceux qui cèdent à la tentation, ceux qui se retrouvent coincés peut-être par erreur, par immaturité, ceux qui mettront du temps à comprendre : avec tous, jeunes ou vieux chrétiens, nous sommes appelés à la patience et à l’encouragement, nous sommes appelés à être témoins de la grâce du Christ.

L’église est un lieu d’apprentissage, l’école de la vie avec Dieu, où nous nous mettons ensemble à l’écoute du Christ, où nous nous soutenons pour sortir des impasses de notre péché. Je crois qu’on ne devrait pas avoir de tabous dans l’église : le mal, commis ou subi, est terrible, mais aucun de nous n’en est indemne. Dieu nous a rassemblés pour que nous nous soutenions les uns les autres, que nous parlions de ce qui est difficile, de nos échecs, de nos défis, que nous célébrions nos progrès. Ecouter, conseiller, prier, chercher ensemble comment progresser, accueillir ensemble les réponses de Dieu : voilà la vocation de l’église ! Un lieu de dialogue, de conseils, de vérité, sans masques, un lieu d’apprentissage, un lieu de prière et d’humilité, un lieu saturé de grâce reçue et partagée.

Conclusion

L’église, notre église, est composée de gens infréquentables que le Christ a décidé de fréquenter. Nous sommes tous des coupables graciés, des pécheurs pardonnés – c’est cette vérité de la grâce qui, il y a 500 ans, a bouleversé un certain moine, Martin Luther, au point de se rebeller contre les responsables religieux de son époque. Comme lui, comme Levi, laissons-nous bouleverser par l’immense amour de Dieu, par l’offre gratuite du salut, laissons-le changer, chambouler notre vie, pour la 1e ou la 100e fois. Les racines bien plongées dans l’amour de Dieu, soyons témoins de sa grâce autour de nous, en dehors de l’église mais aussi dans l’église. Soyons témoins de la grâce de Dieu les uns envers les autres, encourageant chacun à aller plus loin dans la vie nouvelle où Jésus nous appelle, avec l’humilité des pécheurs pardonnés que nous sommes, conscients que notre maître, le Christ, peut faire germer la vie en toute situation, même la plus sombre, pour peu qu’on saisisse sa main.

Heureux ceux qui croient…

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Lecture biblique: Evangile de Luc, chapitre 1, versets 39-56

Marie chante pour Dieu dans un contexte particulier. Quelques jours auparavant, un ange lui est apparu et lui a annoncé qu’elle serait enceinte, et enceinte du Fils de Dieu. Toutefois, Marie est hésitante : certes, elle est fiancée, mais elle n’a jamais eu de relations conjugales car elle attend d’être mariée. En réponse, l’ange lui dit que sa virginité n’est pas un obstacle à l’action de Dieu – et il en veut pour preuve que la cousine de Marie, Elisabeth, plus âgée, stérile, est tombée enceinte alors qu’elle ne pouvait plus avoir d’enfant. Elisabeth a déjà expérimenté l’action miraculeuse de Dieu dans sa vie, et se prépare à donner naissance à Jean, appelé à être prophète de Dieu pour préparer le peuple à l’arrivée du Messie, du Fils de Dieu, du Sauveur, Jésus, que Marie enfantera.

Lecture

Cette scène est extrêmement touchante : elle réunit devant nos yeux la mère du futur prophète Jean, le Baptiseur, et la mère du futur Sauveur. Deux femmes qui ne devraient pas être enceintes, l’une à cause de son âge et de sa stérilité, l’autre à cause de sa virginité. Dans un cas, Dieu a exaucé les prières, dans l’autre, Dieu a pris l’initiative : deux miracles se rejoignent, faisant flamboyer la grâce et la puissance de Dieu. Mais si les deux cousines se réjouissent, si elles sont transportées d’allégresse, c’est, au-delà des miracles, à cause de cette nouvelle ère qui commence : le sauveur annoncé depuis des siècles est là, minuscule commencement d’homme, dans le ventre encore plat de Marie. Il est là, le règne de Dieu s’est approché !

Marie, portant et nourrissant le Fils de Dieu fait homme, donnant sa chair, son ADN, au sauveur du monde, Marie porte une bénédiction unique, particulière, et Elisabeth le reconnaît avec joie ! Mais cette bénédiction, unique, s’accompagne d’une autre parole, de la première béatitude de l’évangile de Luc : « Heureuse celle qui a cru, car elle verra l’accomplissement des promesses de Dieu. » Heureuse celle qui a eu confiance en Dieu ! Autant le statut de Marie comme mère du Christ est unique, autant la bénédiction de ceux qui croient s’ouvre à tous ceux qui osent faire confiance à Dieu, hier, aujourd’hui, et demain.  J’aimerais voir avec vous comment cette visite de Marie à sa cousine Elisabeth nous encourage dans notre foi en Dieu, qui ouvre au bonheur véritable.

1)   Discerner       

L’exemple de ces deux croyantes, dans ce texte, nous invite à une première démarche : discerner l’action de Dieu dans notre vie. Discerner, reconnaître, percevoir, comprendre, l’empreinte de Dieu dans notre vie, les signes de son action, les traces de son passage.

Pourquoi Marie va-t-elle voir sa cousine ? Presque dans la foulée de l’annonce de l’ange ? L’ange avait terminé son annonce à Marie en évoquant le miracle de la grossesse d’Elisabeth, qui fonctionne pour Marie comme un signe que Dieu est fiable, comme une preuve que Dieu accomplit son œuvre quels que soient les obstacles : c’est le Dieu puissant, créateur, le Dieu des miracles.

Alors Marie va voir Elisabeth, elle veut voir les signes de l’action et de la puissance de Dieu. Ainsi, elle sait que Dieu accomplira ce qu’il lui a promis : l’enfant naîtra, et sera le sauveur.

De son côté, Elisabeth cherche elle aussi à comprendre le sens de ce qu’elle vit. Quand Marie salue Elisabeth, celle-ci sent l’enfant qu’elle porte donner un coup. Celles qui ont vécu des grossesses le savent : les enfants bougent dans le ventre, et ce mouvement pourrait être une coïncidence. Pourtant, Elisabeth, remplie de l’Esprit de Dieu, interprète ce mouvement et comprend que loin d’être un hasard, c’est le futur prophète qui tressaille devant le futur Sauveur.

L’une par des moyens ordinaires, l’autre par le Saint Esprit, Marie et Elisabeth cherchent à lire entre les lignes, elles décryptent l’ordinaire et y trouvent l’amour et la puissance d’un Dieu qui agit aujourd’hui. C’est aussi le mouvement du chant de Marie : elle relie son expérience personnelle à l’histoire de son peuple, elle comprend que c’est le même Dieu qui œuvre, que c’est le même projet de salut qui se réalise, depuis Abraham jusqu’à elle.

Le croyant ouvre grand les yeux pour ne rien rater de l’action de Dieu. Il scrute les signes, les traces, les empreintes, et reconnaît dans les grands comme dans les petits événements, l’intervention de Dieu. C’est celui qui voit dans sa guérison l’action bienfaisante de Dieu, c’est celle qui trouve un travail et y voit la générosité de Dieu, c’est aussi celui qui souffre et traverse l’épreuve, mais qui, au travers des ténèbres, perçoit malgré tout la présence et les promesses de Dieu.

Marie et Elisabeth nous invitent à porter un regard autre sur la vie, en exerçant notre intelligence, pour éviter la superstition qui attribuerait à Dieu tout et n’importe quoi, et en s’ouvrant à l’inspiration de l’Esprit, pour éviter le désabusement qui cantonne l’action de Dieu ailleurs : dans le passé, le futur, ou le symbole.

Apprendre à discerner l’œuvre et la présence de Dieu dans notre vie, c’est ce que font les grands croyants de la Bible, et c’est peut-être un des premiers pas de notre vie de foi.

2)   S’émerveiller  

Pour le petit enfant non encore né, Elisabeth, et Marie, reconnaître l’action de Dieu conduit à l’allégresse, à l’étonnement, à l’émerveillement.

C’est l’émerveillement qui conduit Elisabeth à délaisser tout protocole : elle, la plus âgée, femme de prêtre, descendante du grand Aaron, s’incline devant la jeune Marie, de condition plus humble, la petite Marie, qu’elle a peut-être vu naître ou portée dans ses bras ; elle s’incline devant le Sauveur et celle qui le porte.

De même, Marie, remplie de gratitude, laisse de côté les aspects délicats de sa situation : devant une fille enceinte avant le mariage, que vont dire la famille et l’entourage ? Que va dire Joseph, quand il verra le ventre de sa fiancée s’arrondir, sachant qu’il n’y est pour rien ? Marie risque le déshonneur, le mépris, la condamnation, et pourtant rien ne l’empêche de se réjouir de ce que Dieu a fait, de cette preuve de l’amour et de la puissance de Dieu.

De quoi se nourrit cette joie ? D’abord de Dieu, de ses qualités, de son action, de ses projets. Dieu est un Dieu merveilleux : il est celui qui accomplit ses promesses, celui qui sauve, celui qui établit la justice et défend les petits, les opprimés, les humbles. Les puissants au cœur plein d’orgueil qui se parent de mille honneurs et se prennent pour des dieux, le Seigneur les remet à leur place, sans s’arrêter aux apparences, aux mensonges, ou aux faux-semblants. Dieu est fiable, puissant, et juste ; il fait grâce avec équité.

En plus de cette sagesse et de cette force dignes du Créateur, Dieu a la générosité d’inviter les humains à participer à ses projets. Dans sa bonté, il implique Marie, Elisabeth, Jean, et tant d’autres, les invitant à partager la joie de voir avancer la justice et la paix, l’amour et la vérité. Dieu pourrait tout faire seul, mais il nous associe à son œuvre, non comme des esclaves, mais comme des partenaires dans un projet enthousiasmant qui au passage nous comble de joie et de bénédictions.

Contempler la grandeur du majestueux Créateur, s’étonner d’être invité à œuvrer avec lui, s’émerveiller des dons qu’il nous offre tout du long, fait naître la joie, l’admiration, la gratitude… Un défaut de notre société occidentale, c’est peut-être la conviction étrange que tant de choses nous sont dues. Ce narcissisme orgueilleux et capricieux bien souvent nous conduit à l’ingratitude, à la frustration, à l’amertume, à nous comparer aux autres pour revendiquer nos droits à tout avoir, à tout être. La logique biblique nous rappelle que nous sommes poussière, faibles et fragiles, humbles et petits devant le Créateur, et que si droits il y a, c’est uniquement parce que dans sa générosité, Dieu a voulu nous faire l’honneur d’être à son image, il nous a invités à une relation personnelle avec lui.

La Bible nous appelle à reconnaître comme dons les battements de notre cœur, le pain sur notre table, l’amitié ou le travail, à comprendre que derrière la chose ou l’événement, c’est Dieu qui agit pour nous parce qu’il nous aime. Discerner derrière les bénédictions la main du Dieu qui aime et qui bénit, son désir de tisser avec nous une relation intime, profonde, solide, voilà ce qui fait naître la vraie joie.

3)   Se décentrer 

J’aimerais enfin revenir à l’attitude de Marie, qui nous donne un excellent exemple de foi. Elisabeth, sa parente, toute à sa joie, inonde Marie de louange et de bénédictions. Que répond Marie ? « Le Seigneur est grand ! » Elle ne s’attarde pas sur l’honneur qu’elle a reçu ou la foi qu’elle a montrée, mais elle se tourne vers Dieu pour lui rendre toute la gloire, elle se décentre d’elle-même pour se centrer sur Dieu. Elle n’y est pour rien : ce qu’elle a reçu, c’est uniquement le fruit de la grâce et de l’amour de Dieu, et c’est lui qu’elle veut célébrer, adorer, louer.

Ce décentrage, c’est la marque de l’humilité. Quand on entrevoit la grandeur de Dieu et de ses œuvres, comment avoir de l’orgueil ? Comment s’accaparer les honneurs ? Je sais que l’humilité est une lutte, mais c’est une composante essentielle de la foi : reconnaître que tout est grâce, que tout est don dans l’œuvre de Dieu pour nous, s’en émerveiller, s’en nourrir, et célébrer sans réserves la majesté de Dieu. C’est une lutte car depuis Adam et Eve, nous cherchons à être comme des dieux, à la place de Dieu, mais l’exemple de cette prière de Marie, croyante comme nous, nous invite à rechercher l’humilité, à nous entraîner à être humbles, en choisissant l’humilité, en multipliant les moments, en nous imprégnant toujours plus de cette vertu, pour rendre à Dieu la gloire qui lui est due et apprécier le privilège de son amour.

C’est l’humilité qui permet de répondre convenablement à l’invitation que Dieu nous fait, sachant que vivre pour Dieu est une grâce. C’est l’humilité qui nous pousse à obéir, à faire confiance, à nous réjouir lorsque Dieu nous parle. C’est l’humilité encore qui nous aide à faire place aux autres, car Dieu invite largement, multipliant la joie et les bénédictions à mesure qu’elles sont partagées.

Conclusion

Trois étapes : décrypter, s’émerveiller, se tourner vers Dieu. Le discernement, la joie, l’humilité, se nourrissent mutuellement et sans cesse. Nous sommes appelés à repasser sans cesse par ces étapes, à scruter toujours davantage l’action de Dieu, en demandant sagesse et inspiration ; à nous réjouir avec émerveillement et gratitude de ce que nous découvrons de Dieu, car il est merveilleux ; et à nous tourner sans cesse vers lui, à nous décentrer de nous pour entrer dans ses projets universels de salut et de justice.

Alors apprenons encore davantage à comprendre, à célébrer, à œuvrer avec humilité, chacun dans notre vie, mais aussi dans la communauté, ensemble, avec émulation, car c’est là le vrai bonheur de notre vie : marcher ensemble, dans la foi, avec le Dieu qui crée, qui aime et qui sauve.

Une lumière pour aujourd’hui

 

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Lecture biblique: Esaïe 60.1-22

Pour situer la lecture, ch. 60, il faut savoir que le prophète Esaie s’adresse au peuple juif au 8e s. avant Jésus-Christ. Dans la première partie de son livre, il a dévoilé les dysfonctionnements du peuple, que Dieu condamne donc à l’exil, la punition suprême pour une nation. Dans la 2e partie du livre, Esaie offre cependant par avance un espoir à ce peuple bientôt puni : l’exil ne sera pas la fin, mais Dieu promet de bénir à nouveau son peuple. Dans cette vision du ch.60, Esaie nous transmet les promesses de retour, de restauration, d’abondance que Dieu fait à son peuple. Evidemment il évoque des réalités pour nous exotiques, mais je vous invite à y entendre les magnifiques promesses de Dieu.

Dieu utilise cette prophétie d’abord pour consoler son peuple : certes, ils ont péché, certes, ils seront punis, mais Dieu montrera encore sa compassion, sa bonté et son amour. La vision est fabuleuse : les déportés reviennent, les petits décharnés donnent naissance à des peuplades, les remparts détruits sont reconstruits, les rues désertes grouillent de foules venues rendre gloire à Dieu, le culte à Dieu reprend avec les plus belles offrandes et les plus beaux matériaux, la cité de Jérusalem, symbole du peuple, regorge de ressources venant du nord, du sud, des îles… C’est une vraie renaissance !

La promesse va même au-delà, puisqu’à la fin, Esaie évoque un monde sans violence, un monde juste, pacifique, un monde où tous sont en accord avec Dieu, sans péché donc, un monde où Dieu montre pleinement sa lumière. « Je t’éclairerai de toute ma clarté » (v.19)

Alors le peuple juif est effectivement revenu de son exil à Babylone, au 6e s. av. Jésus-Christ, ce que nous racontent les livres d’Esdras et Néhémie. Il a vécu une certaine restauration, en retrouvant même quelque temps la souveraineté politique. Mais cette période du retour d’exil est bien loin d’accomplir toutes les merveilles que Dieu promet dans ce texte. Il faut attendre la venue de Jésus-Christ, lumière de Dieu pour le monde, pour accomplir un peu plus cette promesse : des peuples étrangers viennent s’ajouter au peuple juif pour rendre un culte à Dieu. Reste alors la promesse d’un monde nouveau, encore à venir, où la lumière qui a brillé discrètement à Noël brillera cette fois de tout son éclat – et cette promesse nous parvient encore aujourd’hui.

1)   Briller aujourd’hui de la lumière de demain

Les paroles d’Esaïe nous frappent parce qu’il décrit les promesses de Dieu comme s’il les voyait déjà se réaliser : les fils qui rentrent, les dromadaires, les portes ouvertes, les troupeaux, les bateaux. Au-delà de la guérison du peuple, Esaie entrevoit un monde juste, où les oppresseurs demandent pardon, où la paix et la réconciliation règnent, où chacun a largement, où tout fait honneur à Dieu. Ce monde-là n’est pas une rêverie  évanescente, mais une réalité encore invisible. Esaie comprend que tout est prêt, comme une maquette finalisée, que Dieu va bientôt construire à grande échelle.

Cette promesse est tellement sûre qu’elle a déjà un impact sur nous : pour le dire autrement, la lumière du monde à venir brille si fort qu’elle éclaire déjà ceux qui se tournent vers Dieu. C’est ce que dit Esaie au v.1 : « debout, Jérusalem ! Brille avec éclat, car ta lumière arrive. » Les promesses de Dieu nous donnent une espérance qui illumine notre présent, qui rayonne aujourd’hui. Les affligés sont consolés d’avance, ceux qui sont courbés relèvent la tête, les fatigués renouvellent leur force pour persévérer avec Dieu. Cette lumière divine brille aujourd’hui comme un encouragement, et ce, malgré la nuit qui couvre le monde, malgré le brouillard qui enveloppe les peuples : elle perce les détresses, les angoisses, les dysfonctionnements de la vie présente comme la lumière au bout du tunnel redonne courage pour continuer la route.

Cette promesse du monde à venir non seulement nous encourage, mais aussi nous exhorte, nous oriente, nous montre le chemin à suivre. A quoi ressemble l’éternité ? La Bible donne peu d’éléments concrets, mais elle donne des valeurs : c’est un monde sans violence, sans haine, sans destruction, un monde où l’on fait la paix, un monde régi par la justice et l’équité. C’est un monde où les portes sont ouvertes – d’autres visions, plus tard, décriront un culte à Dieu animé par une foule innombrable aux multiples couleurs, aux multiples cultures.

Cette révélation des valeurs éternelles de Dieu, qui caractérisent le monde à venir, nous pousse à vivre dès aujourd’hui d’après ces valeurs-là, d’entrer aujourd’hui dans la logique de demain, d’être des avant-gardistes du Règne de Dieu. Dès aujourd’hui, nous sommes appelés à mettre en pratique ces valeurs éternelles : agir avec justice envers autrui ; chercher la paix en toutes circonstances, mais la réconciliation, le pardon ; ouvrir nos portes à l’étranger, au petit, à l’autre. Je ne parle pas ici de politique, mais l’Eglise et les chrétiens, tout en étant conscients des réalités présentes, ont pour devoir d’annoncer le monde qui vient, parfois en défiant la logique de notre société au nom des valeurs éternelles de Dieu. La justice et la paix, ce n’est pas pour demain ! La réconciliation commence aujourd’hui, dans nos familles, dans nos communautés, comme les germes du monde qui vient.

2)   Recevoir pour donner : une lumière à partager

Cette lumière à venir nous éclaire, nous console et nous oriente, mais elle a aussi vocation à être partagée. La future Jérusalem symbolise d’abord, pour Esaie, son peuple, juif, mais, avec la venue du Christ et l’offre du salut à toutes les nations, la future Jérusalem, c’est le symbole de l’Eglise. La cité où Dieu demeure, rayonne d’un éclat irrésistible. Elle ne rayonne pas de sa propre beauté, mais c’est la splendeur du Créateur qui aime et qui sauve, c’est sa beauté à lui qui rend ce lieu aussi magnifique et irrésistible.

La lumière de Dieu se reçoit et se partage, elle nous est donnée pour que nous la donnions à notre tour. Nous sommes appelés à être ces miroirs éclairés par la lumière et à leur tour porteurs de cette clarté. Dans ce processus, étonnant, la lumière partagée ne diminue pas, bien au contraire, elle s’accroît ! Les bénédictions que Dieu promet : salut, amour, paix, justice, ces bénédictions gagnent à être partagées, plus on en donne et plus il y en a. Nous sommes loin de la logique de consommation pour soi, attachée à la quantité, à l’accumulation maladive de biens dont le partage diminue le bonheur qu’on en tire, qui pense que donner à l’autre, c’est perdre de ce qu’on a. Dieu nous appelle à recevoir non pour garder mais pour donner, à nous réjouir de ce qui augmente en étant distribué : la paix, la joie, l’amour, la justice, la vérité, le respect, l’accueil, le pardon, la sainteté…

Dans cette démarche, nous avons le privilège d’avoir un modèle : Dieu lui-même. Dieu lui-même, en la personne du Fils, pour paraphraser l’apôtre Paul dans sa lettre aux Philippiens (ch.2), le Fils de Dieu, égal de Dieu car Dieu lui-même, n’a pas cherché à garder pour lui, à tout prix, son égalité, son intimité avec Dieu. Mais tout ce qu’il avait, il l’a laissé. Il s’est fait serviteur, il est devenu comme les hommes, il est devenu un homme. Lui, Jésus, Dieu fait homme, s’est fait plus petit encore : il a obéi jusqu’à la mort sur une croix de bandit. C’est pourquoi Dieu l’a élevé au-dessus de tous.

De même que le Christ a donné sa vie pour que d’autres, en une foule immense, aient la vie, de même que le Christ a fait briller sa lumière pour la propager sans en perdre une seule étincelle, de la même manière nous sommes appelés, dès aujourd’hui, à entrer dans cette logique de grâce inépuisable où le don suscite l’abondance.

Conclusion

Dieu nous promet un avenir radieux, qui nous éclaire dès aujourd’hui, malgré la nuit et les nuages, qui nous donne courage et espérance pour persévérer avec Dieu. Ce monde qui vient, nous pouvons en témoigner dès aujourd’hui, en transformant nos gestes, nos paroles, nos actes quotidiens en instants d’éternité, en étincelles de la lumière de Dieu, que Jésus fait briller en nos cœurs par son Esprit. Soyons des témoins à l’avant-garde du monde qui vient, un monde où tous verront la paix et la grâce inépuisables de Dieu.