Se mettre à l’écoute de Dieu est un vrai défi ! Toute notre vie, cela demande de la finesse de chercher la bonne longueur d’onde pour capter pleinement ce que Dieu dit – comme avec les vieux autoradios, où il fallait jouer avec le bouton pour trouver la station radio sans grésillement ni coupure / le pire c’était quand le son de deux radios se superposait, quand on avait l’annonce info d’une radio sur la musique de l’autre…
Quel est l’enjeu de bien entendre ce que Dieu dit ? Lapalissade : éviter les mal-entendus. Lorsqu’on va à Dieu pour recevoir une réponse, notre mauvaise compréhension peut entraîner des culpabilités, de l’anxiété, ou au contraire de l’obstination, de la rébellion – terrible si ça découle d’un malentendu ! Lorsqu’on veut servir, trouver notre rôle dans ce monde, et qu’on reçoit de Dieu un appel ou une mission, le malentendu peut nous entraîner dans des impasses, dont Dieu nous sortira sûrement, mais cela nous aura coûté. Et la plupart du temps, nos malentendus débouchent sur des décisions, des interactions, des actions qui influencent notre vie ou celle des autres.
Je vous propose de voir ensemble un exemple, dans la vie de Moïse, grand prophète de Dieu, pour nous aider à repérer certains mécanismes qui nous empêchent de bien capter ce que Dieu veut nous transmettre. Nous sommes dans un contexte où Moïse, avec son frère Aaron, a conduit le peuple d’Israël hors d’Egypte, il y a presque 40 ans, pour aller vers la terre promise, de l’autre côté du désert. Assez vite après la sortie d’Egypte, le peuple remet en cause ce que Dieu fait, il se plaint, il se rebelle… à répétition ! Alors Dieu décide que le peuple errera 40 ans dans le désert avant d’entrer en terre promise – le temps que passe cette génération qui a vu tant de miracles mais qui s’est tant obstinée. Ce sont leurs héritiers qui entreront dans le pays promis. Le texte d’aujourd’hui nous emmène au début de la quarantième année d’errance, après bien des péripéties qui ont confirmé que le peuple a du mal à faire confiance à Dieu et à le suivre.
Lecture biblique : Nombres 20.1-13
1 Les Israélites, toute la communauté, arrivèrent dans le désert de Tsîn le premier mois, et le peuple s’installa à Qadesh.
C’est là que Miriam mourut et fut ensevelie.
Miriam, c’est la sœur de Moïse et Aaron, les deux responsables du peuple. Cela fait presque 40 ans qu’ils sont sortis d’Egypte, et ils n’étaient déjà pas jeunes à l’époque. Donc son décès n’est pas une surprise, d’autant que Dieu avait prévenu que l’ancienne génération ne rentrerait pas dans le pays promis.
2 Il n’y avait pas d’eau pour la communauté ; ils se rassemblèrent contre Moïse et Aaron. 3 Le peuple chercha querelle à Moïse. Ils dirent :
« Si seulement nous avions péri quand nos frères ont péri devant le SEIGNEUR ! 4 Pourquoi avez-vous amené l’assemblée du SEIGNEUR dans ce désert, si nous devons y mourir, nous et notre bétail ? 5 Pourquoi nous avez-vous fait monter d’Egypte, si c’était pour nous amener dans ce lieu hostile ? Ce n’est pas un lieu où l’on puisse semer ; il n’y a ni figuier, ni vigne, ni grenadier, il n’y a même pas d’eau à boire. »
Evidemment, manquer d’eau dans le désert, c’est une situation désespérante. C’est normal d’avoir peur ! On peut concevoir aussi la déception face à ce désert stérile, aux antipodes des promesses d’une terre prospère.
Cela étant, cette situation n’est pas nouvelle… Dès la sortie d’Egypte, le peuple dans le désert rencontre des problèmes d’eau, et se plaint : à chaque fois, Dieu répond et fait un miracle (il assainit une eau non potable Exode 15, ou, à Massa Exode 17, il demande à Moïse de frapper un rocher pour en faire jaillir de l’eau – qui abreuve toute la communauté). Cela fait 40 ans que Dieu pourvoit en eau, en viande (cailles), en nourriture de base (manne). Jamais il ne les a laissés tomber ! Et le peuple panique encore ? Et le peuple se plaint ?
6 Moïse et Aaron s’éloignèrent de l’assemblée pour aller à l’entrée de la tente de la Rencontre. Ils tombèrent face contre terre, et la gloire du SEIGNEUR leur apparut.
7 Le SEIGNEUR dit à Moïse :
« 8 Prends le bâton et rassemble la communauté, toi et Aaron, ton frère. Vous parlerez au rocher, sous leurs yeux, et il donnera son eau ; tu feras sortir pour eux de l’eau du rocher et tu feras boire la communauté et son bétail. »
Bon réflexe de Moïse et Aaron : ils ne rentrent pas dans le débat, mais ils se tournent vers Dieu, le seul à pouvoir changer cette situation.
Et Dieu répond. Mais avant cela, il montre sa gloire à Moïse et Aaron. Avant de parler stratégie, il entre en face-à-face avec ces responsables qui sont à nouveau chahutés, pris à parti, comme s’il prenait le temps de les fortifier avant de leur donner une mission.
Comme les fois précédentes, Dieu va montrer sa puissance et subvenir aux besoins.
Le bâton que Moïse doit prendre, c’est le bâton d’Aaron par lequel Dieu a déjà réalisé bien des miracles – c’est comme un rappel concret de la fidélité de Dieu, la preuve visible que Dieu a agi et continue d’agir.
9 Moïse prit le bâton qui était devant le SEIGNEUR, comme celui-ci le lui avait ordonné. 10 Moïse et Aaron réunirent l’assemblée en face du rocher. Moïse leur dit : « Ecoutez, je vous prie, rebelles ! Est-ce de ce rocher que nous ferons sortir de l’eau pour vous ? »
11 Puis Moïse leva la main et frappa deux fois le rocher avec son bâton. Il en sortit de l’eau en abondance. La communauté but, et son bétail aussi.
Voilà, miracle accompli !
Mais le texte attire notre attention sur la façon dont Moïse accomplit sa mission : il prend le bâton, comme Dieu a demandé – parfait ! Puis, il ajoute deux étapes : il exprime son agacement au peuple, et il frappe le rocher avec le bâton avant que l’eau n’en sorte.
12 Alors le SEIGNEUR dit à Moïse et à Aaron : « Parce que vous n’avez pas eu assez de foi en moi pour montrer ma sainteté sous les yeux des Israélites, vous ne ferez pas entrer cette assemblée dans le pays que je lui donne. »
13 Ce sont là les eaux de Meriba (« Querelle ») où les Israélites cherchèrent querelle au SEIGNEUR, qui montra sa sainteté parmi eux.
Ce lieu prend le surnom de Meriba, lieu de querelle, comme quarante ans plus tôt, à Rephidim (Exode 17), où Moïse a aussi répondu aux querelles du peuple en faisant sortir l’eau du rocher, accomplissant le miracle de Dieu. Deux villes différentes, quarante ans d’écart, mais la même difficulté du peuple à confiance à Dieu.
Ce qui attire évidemment notre attention, c’est le jugement que Dieu porte sur Moïse et Aaron au v.12 : vous avez manqué de foi, vous n’avez pas montré ma sainteté, vous n’entrerez pas dans le pays promis.
Ce jugement paraît dur ! Moïse a commis une erreur, c’est tout ! En plus il vient de perdre sa sœur, il est âgé : on peut comprendre, quand même, non ? Où est le Dieu plein de compassion et de grâce ?
C’est vrai que le jugement paraît dur, mais en fait, Dieu n’a rien ajouté à ce qu’il avait déjà décidé : je vous l’ai dit en introduction, ça fait des décennies que Dieu a dit que cette génération ne rentrerait pas dans le pays promis (Nombres 13-14). Il ne fait que confirmer sa sanction, face à un manque de foi qui s’est confirmé. Si son jugement est plus marqué envers Moïse et Aaron, responsables de conduire le peuple, c’est justement parce qu’ils sont responsables : l’exigence de Dieu est plus forte !
En quoi Moïse et Aaron n’ont-ils pas montré la sainteté de Dieu ? Dieu n’apporte pas de précision : est-ce la colère de Moïse lorsqu’il répond au peuple ? l’usage du bâton pour frapper le rocher, en démonstration de colère ou alors de puissance, comme si bâton était magique ? Est-ce le fait d’avoir reproduit le miracle de Rephidim (Ex 17) en pilotage automatique (rocher + bâton = frapper le rocher) ? Ou un peu de tout ?
Ce qui m’interpelle en tout cas, c’est que Moïse, malgré sa proximité avec Dieu, sa sagesse, son désir de mettre Dieu au premier plan, et puis toute son expérience de vie avec le Seigneur – tous ces défis relevés ensemble, tous ces miracles, toutes les promesses réalisées par Dieu – même Moïse peut entendre de travers.
Peu importe comment on analyse sa réaction, Moïse a confondu ce que Dieu demandait et ce que lui-même pensait (colère, frustration, mémoire de ce qui s’était passé à Rephidim). Son exemple nous invite ainsi à la vigilance lorsque nous cherchons à écouter Dieu. Sans même parler du péché, nos émotions, notre expérience, notre éducation, nos habitudes culturelles/ cultuelles, ce que nous avons appris (toutes ces choses qui sont neutres en soi), peuvent venir déformer notre perception de ce que Dieu dit, et du coup orienter de travers nos choix, nos paroles, nos actions.
Alors tout ce bagage que nous portons est difficile à repérer, parce qu’il fait partie de nous, il forme un lot d’évidences que nous calquons sur ce que nous percevons, comme des lunettes de soleil qui modifient légèrement la couleur de ce que nous regardons.
Cette prise de conscience doit nous inviter au minimum à l’humilité et à la prudence : si même Moïse, après avoir vu la gloire de Dieu, peut se tromper, alors nous… humilité & prudence lorsque nous interprétons un passage biblique, lorsque nous répondons à quelqu’un, lorsque nous donnons un conseil. C’est dangereux quand on croit qu’on « sait » : parce qu’on maîtrise ce qu’on vient d’apprendre, on s’imagine parfois avoir tout compris ! parce que nous avons expérimenté telle réponse de Dieu, nous pensons avoir trouvé LA solution à tout !
Au-delà de cette attitude d’humilité et de prudence (qui n’empêche pas la conviction !), Dieu invite à méditer régulièrement les Ecritures, à y revenir sans cesse pour déboulonner peu à peu nos préjugés. Dieu ne nous parle pas que par les Ecritures, parfois par une conviction intérieure, par une image, par une parole percutante, prophétique, venue d’un autre, mais les Ecritures bibliques sont la base et le cadre de ce qu’il nous révèle. Revenir à l’étude de la Bible, peu importe le contexte, en cherchant à écouter aujourd’hui ce que le texte dit, c’est une discipline qui aiguise notre audition spirituelle pour entendre Dieu avec plus de finesse. Je remarque ces dernières années combien les textes que j’étudie me surprennent, même ceux que j’ai déjà lus 10, 20, 30 fois – à condition de prendre le temps de me laisser surprendre (ce qui est un défi). C’est vrai quand on étudie la Bible pour apprendre, c’est encore plus vrai lorsqu’on étudie pour transmettre à son tour : aux enfants, dans les groupes de partage, pour une méditation, en présidence, en prédications… dans ces cas-là, on creuse davantage, et on apprend autant ou plus qu’on ne transmet !
L’exemple de Moïse nous invite donc à la prudence, à la vigilance, et à faire l’effort d’écouter ce que Dieu dit aujourd’hui.
En même temps, cette prudence ne doit pas nous paralyser : Dieu a accompli son miracle malgré les maladresses et les débordements de Moïse, montrant ainsi sa grâce malgré notre péché. Bien plus tard, le Christ montre cette grâce en promettant la vie de Dieu malgré nos péchés, nos incrédulités, nos erreurs et nos fautes, si nous plaçons notre confiance en lui. Mais justement, que cette grâce ne soit pas un laissez-passer pour recevoir le message de Dieu avec désinvolture, mais plutôt l’invitation à entendre plus finement la voix de ce Dieu qui nous aime et qui nous invite à la vie.