La période de l’Avent nous prépare à vivre Noël, à célébrer la venue de Dieu dans notre monde pour incarner son amour. C’est la « Bonne Nouvelle » de l’Evangile : Dieu nous rejoint, en la personne de Jésus, dans le concret confus de notre existence pour nous aimer et nous ramener dans sa lumière. Cela dit, Dieu n’a pas fini son œuvre et rien qu’en regardant autour de nous, en nous, nous voyons combien notre monde a besoin de la lumière de Dieu. Ainsi, pour les croyants, Noël n’est pas seulement une commémoration de l’amour infini de Dieu, c’est aussi un appel à espérer, à chercher, l’action de Dieu aujourd’hui et demain. C’est un rappel que nous attendons sa justice pour ce monde.
Pour débuter l’Avent, lisons un texte dans l’Evangile de Matthieu, où Jésus décrit comment nous attendre à sa justice. Nous sommes à Jérusalem, dans les derniers jours de Jésus avant sa mort, et la tension monte avec les responsables religieux qui complotent contre lui. Jésus est en train de repartir à Béthanie, où il loge la nuit. Sur le chemin, ses disciples l’interrogent.
Lecture biblique : Evangile de Matthieu 24.1-14
1 Jésus sortit du temple et, tandis qu’il s’en allait, ses disciples s’approchèrent de lui pour lui faire remarquer les constructions du temple.
2 Alors Jésus prit la parole et leur dit : « Vous voyez tout cela ? Je vous le déclare, c’est la vérité : il ne restera pas ici une seule pierre posée sur une autre ; tout sera renversé. »
3 Jésus s’était assis au mont des Oliviers. Ses disciples s’approchèrent alors de lui en particulier et lui demandèrent : « Dis-nous quand cela se passera, et quel signe indiquera le moment de ta venue et de la fin du monde. »
Le Temple de Jérusalem était impressionnant : on entend presque leur enthousiasme de touristes dans la remarque des disciples. Or, pour Jésus, le Temple représente plutôt ce qu’est devenue la religion juive : rituel, hypocrisie, tandis que la recherche de Dieu est passée au second plan. Et Jésus d’annoncer que ce Temple sera bientôt détruit – et effectivement, quelques décennies plus tard, les tensions entre les Juifs et Rome seront tellement fortes qu’en 70 après J.-C., le futur empereur romain Titus prend Jérusalem après 4 ans de siège, il met à sac la ville, et il détruit le Temple. Ce qui reste depuis, le Mur des Lamentations, n’est qu’une partie des fondations de l’esplanade où était le Temple.
Cette prédiction pique la curiosité des disciples, qui demandent plus de précision sur « la fin ». A cette époque, dans le monde juif, il y a une espèce d’effervescence spirituelle dans l’attente de la venue finale du Messie, qui est censé mettre un terme au mal, à l’injustice qui pèse sur Israël (à ce moment-là, opprimé par les Romains) et l’injustice qui ronge Israël. Plusieurs se lèvent pour annoncer la fin des temps, pour inviter à se battre, à agir… des sortes de messies auto-proclamés. Toute ressemblance avec notre époque étant bien sûr fortuite ! Les crises successives que nous traversons apportent un parfum de fin du monde, même chez ceux qui ne sont pas chrétiens, un sentiment d’alerte, et le besoin de trouver une solution, avec son lot de « prophètes » plus ou moins alarmistes.
Donc la prédiction de la destruction du Temple déclenche chez les disciples ce raisonnement : si Dieu juge ce symbole d’hypocrisie qu’est devenu le Temple, alors c’est le début de la restauration de sa justice. Les disciples ont identifié Jésus comme le Messie, l’Envoyé de Dieu, et ils s’attendent en cohérence avec les prophéties à ce qu’il fasse ce travail. Du coup, ils demandent des détails !
4 Jésus leur répondit : « Faites attention que personne ne vous trompe.
5 Car beaucoup d’hommes viendront en usant de mon nom et diront : “Je suis le Messie ! ” Et ils tromperont quantité de gens. 6 Vous allez entendre le bruit de guerres proches et des nouvelles sur des guerres lointaines ; ne vous laissez pas effrayer : il faut que cela arrive, mais ce ne sera pas encore la fin de ce monde. 7 Un peuple combattra contre un autre peuple, et un royaume attaquera un autre royaume ; il y aura des famines et des tremblements de terre dans différentes régions.
8 Tous ces événements seront comme les premières douleurs de l’accouchement.
9 Alors des hommes vous livreront pour qu’on vous tourmente et l’on vous mettra à mort. Tous les peuples vous haïront à cause de moi. 10 En ce temps-là, beaucoup abandonneront la foi ; ils se trahiront et se haïront les uns les autres. 11 De nombreux faux prophètes apparaîtront et tromperont beaucoup de gens. 12 Le mal se répandra à tel point que l’amour d’un grand nombre de personnes se refroidira.
13 Mais celui qui tiendra bon jusqu’à la fin sera sauvé.
14 Cette Bonne Nouvelle du Royaume sera annoncée dans le monde entier pour que le témoignage en soit présenté à tous les peuples. Et alors viendra la fin. »
Les caractéristiques des temps à venir
Les disciples avaient posé deux questions : quand sera-ce la fin ? et à quel signe on le verra ? Jésus refuse de donner une date : il annonce des signes, oui, des signes annonciateurs, mais à chaque fois il précise : ce ne sera pas encore la fin. Plus tard (Mt 24.36), il précise même que personne ne sait quand aura lieu l’intervention ultime de Dieu… Jésus ne saurait être plus clair ! Malgré tout, jusqu’à aujourd’hui, bien des théologiens et des croyants ont spéculé sur des dates – se disant, ce n’est pas possible, nous sommes à la fin ! Les signes sont là !
Les signes. Jésus annonce la venue de faux messies, des conflits politiques, des catastrophes écologiques : sécheresses, famines, séismes…
Avant la prise de Jérusalem en 70, effectivement, on sait qu’il y a eu des faux « messies » qui ont suscité des révoltes contre l’empire romain en se réclamant de Dieu, donc des conflits politiques aussi, des sécheresses importantes qui ont causé des famines, des tremblements de terre importants en Asie mineure. Sauf qu’en presque 2000 ans, cela a continué, pas toujours avec la même intensité, mais en revenant au moins périodiquement.
Ça, c’est dans la société. Par rapport à l’église, Jésus annonce des faux prophètes, des personnes qui donneront un enseignement déviant. En particulier dans un contexte où la société rejettera l’enseignement de Jésus et rejettera les chrétiens, la persécution poussera un certain nombre à abandonner la foi et/ou à trahir les autres et/ou à entrer dans un compromis spirituel. On sait que les premiers chrétiens ont été persécutés assez tôt, et, selon les lieux ou les périodes, on voit bien que ce rejet demeure… Il change de forme : parfois une persécution violente, parfois une pression pour que les chrétiens se taisent ou se plient à la mentalité ambiante…
Jésus prend d’ailleurs une image parlante : ces signes marqueront le tout début des douleurs de l’accouchement – on pourrait dire, le début des contractions. Or, quand une femme enceinte commence à ressentir les contractions, elle sait que la fin s’approche, mais elle n’a aucune idée du temps que cela va durer, ni du nombre de contractions… Même si chacune paraît la pire, elle n’a pas de moyen de prédire la fin du travail !
Comme les contractions, ces signes sont douloureux ! Le message de Jésus, qui insiste sur l’ampleur et le nombre des difficultés, vient saper un certain optimisme de notre part : si nous comptions vivre notre foi avec insouciance et légèreté, ce ne sera pas possible ! Le monde abîmé par l’injustice se tord avant l’arrivée de la justice de Dieu…
La recommandation de Jésus
Si Jésus ne répond qu’en partie, son message est, lui, très clair : celui qui tiendra bon jusqu’à la fin sera sauvé. Il ne s’agit pas ici d’une œuvre à accomplir pour mériter le salut, mais d’entretenir jusqu’au bout la flamme de notre relation avec lui – pour que notre foi soit vivante, et vraie, jusqu’au bout. La préoccupation de Jésus, ici, c’est notre persévérance face aux pressions que nous rencontrerons, sous une forme ou une autre.
Jésus donne d’ailleurs un élément d’encouragement : l’Evangile sera proclamé dans le monde entier. Il serait sûrement assez stérile – et loin de l’objectif de Jésus – d’essayer de corréler le nombre d’auditeurs de l’Evangile et le rapprochement de la fin… De toute façon, le moment exact de la fin ne peut pas être prévu. Cela dit, dans cette rare note positive, on entend un encouragement : malgré tout, malgré les crises, les contractions, les horreurs même, l’Evangile continuera d’être annoncé et la Parole lumineuse de Dieu continuera de briller… En même temps, c’est aussi un appel : pour tenir ferme, on pourrait avoir envie de se refermer, de s’enfermer, de se mettre dans un petit cocon, loin du monde, pour éviter les douleurs – sauf que la mission de partager l’amour du Christ demeure ! Tenir ferme ne veut pas dire nous enfermer – c’est peut-être ça le plus difficile !! mais comme Jésus, nous sommes appelés à marcher dans ce monde et à transmettre son amour, quoi qu’il en coûte.
Si Jésus prévient ses disciples que les temps seront durs, ce n’est pas pour qu’ils spéculent, mais pour qu’ils puissent se préparer – que nous puissions nous préparer ! Sinon, devant les difficultés, nous risquons de céder à la peur, et d’être vulnérables aux manipulations, aux mensonges… Ou alors d’être déçus et de changer de foi – en particulier dans une culture du bien-être où l’on associe réussite et plaisir/ épanouissement/ facilité. Le fait que Jésus nous prévienne doit nous encourager au moment où ce sera dur : nous ne nous sommes pas trompés de route !
L’appel à nous préparer
Jésus veut donc nous préparer pour nous aider à endurer l’épreuve avec foi et persévérance.
Alors comment ? Est-ce qu’on va se jeter dans la guerre ou se créer des persécuteurs pour s’entraîner ? Non ! Si vous vous préparez à un marathon, vous n’allez pas faire un marathon tous les jours. Si vous vous préparez à accoucher, vous n’allez pas non plus accoucher d’avance ! Mais vous vous préparez, mentalement et physiquement.
Les mamans que j’ai interrogées m’ont dit que les cours de préparation à l’accouchement n’avaient pas empêché la douleur, mais… ils ont permis de comprendre ce qui allait se passer pour ne pas paniquer au moment voulu (exactement ce que dit Jésus aux disciples) ; ils ont aussi rappelé l’importance de se concentrer sur le but (la naissance – et, dans notre cas, la venue de la justice et de la paix de Dieu). Et puis les cours ont donné des tactiques pour tenir le coup : respirer d’une certaine façon, trouver telle ou telle position, marcher…
Quelles tactiques pouvons-nous adopter aujourd’hui pour nous préparer ?… Il me semble que l’église persécutée nous enseigne : revenir sans cesse aux bases. La Parole – dans notre confort de vie, lire la Bible c’est parfois devenu une corvée… Pourtant, c’est en cherchant la pensée de Dieu, que nous trouvons de la clarté pour continuer à avancer, même quand le chemin est confus. Au moment critique, Dieu utilise souvent des éléments que nous avons engrangés avant.
La Parole, et la prière : ce n’est pas un devoir, c’est l’expérience de notre relation avec Dieu – c’est apprendre à trouver auprès de Lui notre paix, quoi qu’il arrive !
Et puis vivre la fraternité, apprendre à nous serrer les coudes, vraiment. Dans l’épreuve, il est si précieux de pouvoir compter sur d’autres, de prier et de s’entraider – mais quand prolifèrent les malentendus, les divisions, les petits intérêts, en période « facile », nous passons à côté de ce trésor de fraternité qui sera si essentiel dans les coups durs.
Je ne peux pas vous dire « quand » sera la fin, si nous y sommes ou pas… Le travail a commencé, et pour certains cela ressemble à une énorme contraction, pour d’autres à un essoufflement… mais Jésus nous prévient, pour nous préparer à tenir ferme en continuant à vivre – et à partager – l’amour qu’il nous donne.