Marcher dans la lumière

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Une des valeurs qui revient le plus dans les discours d’aujourd’hui, c’est l’authenticité : être authentique, être soi-même, être vrai – c’est incontournable. Ecouter nos rêves, exprimer nos valeurs, assumer notre ressenti. Et cette insistance sur l’authenticité a du sens : chacun de nous a été créé par Dieu, comme un exemplaire original, une pièce unique, et il se réjouit que nous puissions exprimer ce que nous sommes, sans se cacher derrière les autres ou se forcer dans un moule.

Cette soif d’authenticité est une soif légitime, juste aux yeux de Dieu – la soif de pouvoir exister pour ce que nous sommes, comme nous sommes, en liberté.

Toutefois, mettre en avant l’authenticité part du principe que ce qui est en nous vaut toujours la peine d’être exprimé et assumé. Désolée, je vais peut-être vous choquer, mais l’authenticité en elle-même ne peut pas une valeur suffisante : que diriez-vous si j’étais authentiquement raciste ou n’importe quelle sorte de “…phobe”, authentiquement vénale, authentiquement narcissique ? si c’était ça, « ma vérité », faudrait-il vraiment que je sois authentique ?

Dieu nous encourage à vivre dans l’authenticité, mais pas n’importe laquelle ! et je vous invite à lire un extrait de la lettre de Paul aux Ephésiens.

Lecture biblique : Ephésiens 5.1-9

1 Puisque vous êtes les enfants que Dieu aime, efforcez-vous d’être comme lui. 2 Que votre façon de vivre soit inspirée par l’amour, comme le Christ aussi nous a aimés et a donné sa vie pour nous, comme une offrande et un sacrifice dont l’agréable odeur plaît à Dieu.

3 Vous appartenez à Dieu, par conséquent il ne convient pas qu’une forme quelconque de débauche, d’impureté ou de cupidité soit même mentionnée parmi vous. 4 Il n’est pas convenable non plus que vous prononciez des paroles grossières, stupides ou sales. Adressez plutôt des prières de reconnaissance à Dieu. 5 En effet sachez-le bien : aucune personne qui vit dans la débauche, qui est impure ou avare (puisque l’avarice, c’est de l’idolâtrie) n’aura jamais part au règne du Christ et de Dieu. 6 Que personne ne vous égare par des raisonnements trompeurs : ce sont de telles fautes qui attirent la colère de Dieu sur ceux qui s’opposent à lui. 7 N’ayez donc rien de commun avec ces gens-là. 

8 Vous étiez autrefois dans l’obscurité ; mais maintenant, par votre union avec le Seigneur, vous êtes dans la lumière. Par conséquent, comportez-vous comme des personnes qui vivent dans la lumière, 9 car la lumière a pour fruit toute sorte de bonté, de justice et de vérité. 

  1. L’authenticité dans l’imitation

Paul commence ce passage en parlant de notre identité : puisque vous êtes enfants de Dieu, puisque vous êtes passés des ténèbres à la lumière (et Paul l’a rappelé pendant les 3 premiers chapitres de sa lettre), vivez-le à fond ! La foi en Christ n’est pas une simple espérance, un réconfort dans la difficulté : elle change notre identité, elle change notre appartenance, elle change notre ADN – car Jésus, par sa mort et sa résurrection, rétablit notre connexion avec Dieu, qui vient demeurer en nous par son Esprit. Et cet ADN spirituel vaut pour toujours : pour toujours, nous sommes enfants de Dieu, fils et filles de l’Être le plus resplendissant qui soit. Être authentiques, c’est vivre cette nouvelle identité à 100%.

Et Paul nous invite à être authentiques par imitation : normalement, on oppose authenticité et imitation, mais en réalité, pour vivre notre identité à plein, nous sommes appelés à nous rapprocher de la source, de l’original : Dieu lui-même. Notre identité authentique se construit en ressemblant à Dieu, en nous laissant inspirer par le Christ, le Fils, le grand frère qui nous ouvre la voie et qui imprime en nous un air de famille.

A quoi ressemble cet air de famille ? C’est l’amour, dit Paul. Ce qui fait qu’on reconnaît Dieu entre mille (même s’il n’y en a qu’un !), c’est l’amour. C’est sa marque de fabrique ! Plus précisément : le fruit de la lumière, le fruit de la présence de Dieu en nous par l’Esprit, c’est la bonté, la justice, la vérité. Autrement dit, notre caractère, nos actions, nos paroles, pour le bien des autres et de nous-mêmes ; une vie qui, dans sa globalité, reflète la lumière de Dieu et lui fait honneur.

  1. Une authenticité qui recherche la pureté

Et pour être un enfant de Dieu authentique, il faut faire des efforts. Là aussi, Paul nous prend à revers : être authentique n’est pas être passif ! Viser l’authenticité exige une certaine pureté.

Par exemple, un sac en cuir authentique est 100% cuir, un saucisson authentique (100% viande), un bijou 100% or, en or massif, dont on vérifie l’authenticité pour en définir la valeur. S’il y a mélange, par exemple avec du miel coupé au sirop de glucose ou du lait coupé à l’eau, la substance est dénaturée, corrompue, impure.

Viser l’authenticité, c’est refuser les mélanges. Et Paul de dénoncer des pratiques incompatibles avec notre ADN spirituel.

Il utilise des mots très généraux, la laideur, l’impureté, la corruption : ce qui s’oppose à la bonté, la justice, la vérité – donc ce qui est mauvais, injuste, et faux.

Dans cette laideur, Paul cite 3 fléaux en particulier, 3 fléaux qui caractérisaient la société de son époque, mais… rien de nouveau sous le soleil, nous sommes encore en plein dedans !

  • Immoralité sexuelle

A l’époque de Paul, dans le monde gréco-romain, on trouve de nombreux cas de prostitution sacrée, des parties fines qui accompagnent les stratégies commerciales ou politiques, et l’idée paradoxale que le corps n’a pas beaucoup d’importance dans la quête spirituelle et morale, donc on fait ce qu’on veut. En sommes-nous loin ? Les scandales, dans la société et dans notre monde chrétien, nous alertent. Mais il n’y a pas que les scandales officiels. J’entendais quelqu’un dire récemment : les appétits du corps sont équivalents et neutres. Tant qu’on ne fait de mal à personne, la sexualité c’est comme boire ou manger. Sauf que dans cette optique, l’autre est là pour satisfaire nos besoins, en présentiel ou sur écran, comme un verre d’eau que l’on vide après avoir bu. On utilise l’autre, ou on s’utilise l’un l’autre, puis on se débarrasse.

Or pour Dieu, l’union des corps exprime concrètement l’amour, la communion, le partage le plus intime qui soit. Vivre cette communion sans la vivre, c’est de la contrefaçon. La vraie intimité s’enracine dans la relation de deux personnes qui se connaissent, se respectent, s’aiment, et se donnent l’une à l’autre, avec vulnérabilité et confiance, dans la fidélité.

En tant qu’évangéliques, on est à l’aise pour dénoncer cette forme d’immoralité. Un humoriste écrivait dans les années 90 : problèmes sociaux dont les évangéliques se soucient : la famille, l’avortement – point. [Crises de foi, le retour, PBU, p.86]. Mais Paul dénonce deux autres fléaux, qui devraient nous choquer autant : la cupidité, et les paroles vaines.

  • La cupidité

La cupidité, l’avarice, revient deux fois, et Paul la dénonce comme une idolâtrie. Ce besoin d’avoir toujours plus, plus, plus – plus d’argent, plus de pouvoir, plus de plaisir, plus de possessions… La dégradation causée par l’immoralité sexuelle est terrible, mais pas plus que celle causée par la cupidité, qui pénètre tous nos niveaux de fonctionnement. Nous le voyons au quotidien, certes, dans la rivalité, la performance, le jugement… Et au niveau mondial, nous découvrons les sordides histoires d’esclavage économique qui sous-tendent notre train de vie à l’Occidentale (mais sur c’est sur d’autres continents, donc, ça ne compte pas ?!).

Il n’y a pas que les travailleurs qui en souffrent, la terre elle-même : la surexploitation des ressources, la pollution, la déforestation anarchique, viennent perturber les écosystèmes, accélérer au centuple les extinctions d’espèces, et dégrader des régions entières (mais là aussi, c’est essentiellement d’autres continents qui trinquent, donc…). Et la cause ? nos cupidités, nos « plus, plus, plus ».

Pourquoi est-ce une idolâtrie ? Parce que notre quête effrénée de satisfaction, et parfois derrière, une quête identitaire, de statut, se tourne vers des choses ou des expériences, alors que le seul qui puisse répondre à cette soif, c’est Dieu. Le seul qui puisse combler nos vides, c’est le Dieu qui a créé le monde et qui nous aime de façon infinie.

  • Les paroles vaines

Dans l’Antiquité, on était prêt à tout pour un bon mot, pour un trait d’esprit. Et aujourd’hui, pour faire le buzz, pour un tweet bien relayé ? Pour une vidéo avec plus de vues ? Pour plus d’audimat ? A quoi est-on prêt ? Paul dénonce les paroles laides, sottes ou grotesques. Ce qui avilit l’autre, ce qui humilie, ce qui abaisse au lieu d’élever. Alors, on n’est pas tous concernés par ces pratiques de média, quoique, sur les réseaux sociaux, presque tous ont une parole publique.

Nos paroles ont du poids – pas le même que la corruption financière ou l’exploitation sexuelle, mais nos paroles donnent le ton de notre relation aux autres. Et on le voit bien dans nos relations, puisque la plupart de ce qui nous blesse, c’est la parole d’un autre.

Ces pratiques, il s’agit de leur résister fermement : qu’on n’en entende même pas parler parmi vous ! Ceux qui les pratiquent (attention) n’ont pas leur place auprès de Dieu, ils ne sont pas dignes de cet héritage. Et toute personne qui vous dit le contraire, qui vous invite à la complaisance, à une identité frelatée, est un menteur, qui réveille l’indignation de Dieu. Être enfant du Dieu de lumière est incompatible avec de sombres pratiques de bas-fonds : pour vivre la vie de Dieu de façon authentique, il faut refuser toute complicité avec la laideur.

Ce serait étonnant que Paul demande de ne plus fréquenter du tout ceux qui ne partagent pas notre foi et notre identité en Christ : Jésus mangeait avec les pécheurs et les mécréants ! Mais il s’agit de refuser toute emprise qui nous éloigne de la vie lumineuse que Dieu aime.

3. L’authenticité se vit progressivement

Cette dénonciation, légitime et juste, nous plonge dans l’incohérence de nos propres vies. Honnêtement, le problème ce n’est pas seulement « les autres », ou « la société », ce sont nos compromissions, nos accommodations, notre attirance maladive pour le sordide ou le frelaté. Et c’est là que c’est tellement important de revenir à notre identité en Christ : lui, lumière du monde, est venu plonger dans nos ténèbres pour nous en délivrer. Il a pataugé dans le moribond pour faire émerger en nous la vie et la fécondité (le fruit). Nous sommes sauvés par grâce, adoptés par Dieu par grâce, héritiers par grâce. Comment revenir en arrière ? comment tolérer encore l’intolérable aux yeux de Dieu ?

Paul est conscient que la vie chrétienne est un chemin : marchez dans l’amour, devenez les imitateurs (pas « imitez » : devenez !). Le réalisme sur la lenteur de notre progression n’empêche pas la détermination. La détermination à vivre avec toujours plus d’authenticité notre identité en Christ, à exposer toujours plus à sa lumière, à son Esprit, à sa Parole, notre vie entière : notre cœur, nos actes, nos paroles.

Et je termine avec une piste donnée par Paul, v.4. La reconnaissance, la gratitude comme antidote aux paroles indignes. C’est une bonne stratégie de remplacement : au lieu de dire n’importe quoi, je respire et je prie, merci Seigneur.  Mais je me demande si la reconnaissance n’est pas une bonne stratégie en général pour grandir en sainteté, pour devenir de plus en plus authentiques dans notre identité chrétienne.

Dire merci à Dieu, c’est reprendre conscience de sa présence, nous remettre, avec nos décisions ou nos pulsions, dans sa lumière. Dire merci, c’est nous rappeler tout ce qu’il a fait pour nous délivrer des fléaux qui accablent et dégradent notre humanité. Dire merci, c’est nous enraciner dans tout ce qui est bon, agréable, parfait – comment dire merci au Christ avec sincérité, pour plonger ensuite dans ce qui le dégoûte ?

Le processus prend du temps, Dieu a une part incontournable dans cette transition vers une identité plus lumineuse, plus authentique, mais chercher Dieu, chercher ce qui lui plaît, prendre parti aujourd’hui (et chaque jour), c’est déjà vivre dans sa lumière, c’est passer des ténèbres à l’aube. Nous ne sommes peut-être pas encore en plein soleil, à 100% rayonnants, mais la lumière est là et elle grandit, car Dieu est fidèle !

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