Je vous propose de commencer ce matin une série de trois prédications. Une trilogie ! Eh oui, il y en a des célèbres dans le cinéma, d’autres en littérature… alors pourquoi pas en prédication ? Et pourquoi pas une trilogie de prédications qui s’inspire d’une trilogie ?
Je pense à l’une des plus célèbres d’entre elles, que plusieurs d’entre vous connaissent, soit par les films soit par les livres dont ils sont inspirés (ou les deux !). Les films ont été une entreprise monumentale, sans doute la plus chère de l’histoire du cinéma, et ont récolté 17 Oscars. Et depuis leur première publication en 1954, les romans ont été traduits dans plus de 20 langues et vendus à 150 millions d’exemplaires !
Je vous propose de commencer aujourd’hui une trilogie de prédications inspirée de la trilogie du Seigneur des Anneaux !
Je vous rassure, si vous n’avez ni lu les livres ni vu les films, vous pourrez suivre sans problème. Je ne vais ni raconter toute l’histoire (ce serait beaucoup trop long) ni l’analyser en détail. Je vous propose simplement d’utiliser le Seigneur des Anneaux comme une toile de fond, une référence globale, une illustration de certains principes bibliques. Car, au cas où vous ne le sauriez pas, Tolkien, l’auteur des romans, était un grand ami de CS Lewis (auteur des Chroniques de Narnia), et il était aussi un fervent croyant. Et même si ses romans ne sont pas des ouvrages explicitement spirituels, sa foi transparaît de manière évidente dans plusieurs aspects de son oeuvre.
En quelques mots, pour vous rafraîchir la mémoire ou vous donner les repères nécessaires, l’intrigue du Seigneur des Anneaux se déroule dans un monde imaginaire, la Terre du Milieu, où coexistent des humains, des elfes, des nains et d’autres créatures, notamment les hobbits, un peuple pacifique appelé aussi semi-hommes. L’un d’eux, Frodon, hérite par son oncle d’un anneau magique. Or il se trouve que cet anneau est un instrument de pouvoir absolu convoité par Sauron, le Seigneur maléfique. Si ce dernier s’en empare, il régnera alors sur le monde et réduira en esclavage toute la Terre du Milieu. La seule solution est d’amener l’anneau là où il a été forgé pour le détruire. Mais cela implique de se rendre au coeur du Mordor, là où réside le terrible Sauron.
Le premier volet de la trilogie s’intitule La Communauté de l’Anneau. On y assiste à la constitution de la communauté qui va avoir pour mission de détruire l’anneau, ses premières aventures et épreuves. C’est une communauté diverse, constituée de 4 hobbits, un elfe, un nain, deux humains et un magicien. La plupart ne se connaissent pas vraiment, ils ont même souvent des a prioris et même des inimitiés ancestrales les uns envers les autres. Mais ils vont devoir apprendre à vivre ensemble, unis dans une même quête.
Un des thèmes centraux du Seigneur des Anneaux, c’est celui de la communauté, avec l’idée que nous sommes toujours plus forts en communauté, et que nous avons besoin les uns des autres. Nous ne pouvons pas accomplir seul notre mission. L’amitié, la solidarité, l’altruisme sont des armes puissantes contre la quête de pouvoir absolu, l’oppression et le totalitarisme.
Or la notion de communauté est aussi centrale dans la Bible. Qu’il s’agisse de la communauté du peuple d’Israël dans l’Ancien Testament, ou de celle de l’Eglise dans le Nouveau Testament. Pour cette dernière, on peut bien-sûr penser aux portraits de la première Église dans le livre des Actes des apôtres, ou aux métaphores utilisées par l’apôtre Paul pour décrire l’Église, en particulier celle du corps où chaque membre est solidaire des autres, avec son utilité propre.
Mais je vous propose plutôt de lire une exhortation de l’épître aux Hébreux, qui est un vibrant appel à vivre la communauté :
Hébreux 10.24-25
24 Veillons les uns sur les autres pour nous inciter à mieux aimer et à agir en tout avec bonté. 25 N’abandonnons pas nos assemblées, comme certains ont pris l’habitude de le faire. Au contraire, encourageons-nous les uns les autres, et cela d’autant plus que vous voyez approcher le jour du Seigneur.
Il est intéressant de noter que juste avant ces versets, l’auteur de l’épître aux Hébreux encourage ses lecteurs à s’approcher de Dieu en toute confiance, grâce au chemin ouvert pour nous par le Christ, à travers sa mort et sa résurrection. Et c’est dans le même élan qu’il les invite à vivre la communauté, en veillant les uns sur les autres, en s’encourageant mutuellement, et en résistant à la tentation d’abandonner l’assemblée. La foi n’est pas qu’une affaire privée et individuelle. Elle nous engage devant Dieu, certes. Mais elle nous engage aussi devant et avec les autres. Elle nous incorpore à une communauté.
Ne pas abandonner la communauté
Arrêtons-nous d’abord sur la mise en garde que contient notre texte : “N’abandonnons pas nos assemblées, comme certains ont pris l’habitude de le faire.” Rien de nouveau sous le soleil, comme dirait l’Ecclésiaste… Il semble bien que déjà dans les premiers temps de l’Église, on entendait dire : “Ca ne me plaît plus, je vais voir ailleurs.” Ou : “Celui-ci ou celle-là, je ne la supporte plus, je m’en vais.”
Je ne dis pas qu’il faut toujours rester, coûte que coûte, dans une Église… Mais il est légitime de se demander s’il ne nous arrive pas de placer nos aspirations et nos intérêts personnels avant le souci de la communauté. Autrement dit, si nos motivations ne sont pas tout bonnement égoïstes. Finalement, on peut dire qu’on “abandonne l’assemblée” non pas seulement quand on la quitte, mais quand on fait passer son intérêt propre avant le bien de la communauté…
Dans le Seigneur des Anneaux, plusieurs vont être tentés de s’emparer de l’anneau, au sein de la communauté ou autour d’elle. Parfois, ils tenteront de le justifier avec de belles paroles, en prétendant que c’est avec des motivations nobles, pour faire le bien et apporter la paix… avant de se rendre compte, parfois trop tard, que c’est une illusion de le croire. Et que les motifs sont, finalement, bien personnels. Accepter de détruire l’anneau, c’est refuser toute tentation du pouvoir absolu, même “au nom du bien”.
Le modèle, dans l’Eglise, n’est pas celui du pouvoir et de la domination, c’est celui du service. N’oublions jamais que Jésus-Christ, le chef de l’Eglise, est celui qui a renoncé à lui-même, acceptant jusqu’à la mort sur la croix, pour le salut de l’humanité ! Or, de tout temps, se sont manifestés dans l’Églises des mécanismes de domination, de manipulation, de jugement… Il faut les condamner et les combattre !
Veiller les uns sur les autres et s’encourager mutuellement
Arrêtons-nous ensuite sur la double exhortation de notre texte : veiller les uns sur les autres pour nous inciter à mieux aimer, et s’encourager les uns les autres.
Attention : veiller les uns sur les autres, ce n’est pas se surveiller mutuellement… On surveille quelqu’un dont on se méfie, on veille sur quelqu’un qu’on aime. Et justement, le but, c’est d’aimer mieux. D’aider l’autre à progresser, à grandir spirituellement. Le but, c’est de s’encourager, pas de se juger. L’Eglise est appelée à être un lieu de bienveillance et d’encouragement. Voilà deux vertus dont nous avons tant besoin aujourd’hui, et qui se manifestent dans une communauté qui vit dans la confiance et la paix.
On a besoin les uns des autres pour accomplir, ensemble, l’appel que nous partageons. Dans le Seigneur des Anneaux, même lorsque la communauté sera dispersée, ce qui arrive avant la fin du premier volet de la trilogie, chacun aura son rôle à jouer et aidera ainsi à l’accomplissement de la mission. La solidarité de la communauté se poursuit, même lorsqu’elle est dispersée.
On peut dire, d’une certaine manière, que c’est encore une autre façon d’abandonner l’assemblée que de ne se sentir concerné par elle que le dimanche matin. Or, nous ne sommes pas une Église que lorsque nous sommes réunis pour le culte. Nous le sommes chaque jour, lorsque nous accomplissons, réunis ou dispersés, l’appel que nous partageons. C’est tous les jours que nous sommes appelés à aimer et à agir avec bonté.
On vit l’Eglise au quotidien quand on cultive notre appartenance commune, dans la solidarité, la fraternité, la prière les uns pour les autres… et cela bien-sûr au-delà même des limites de l’Eglise locale. C’est cela qui nous encourage et qui nous fait progresser spirituellement !
La communauté… de l’Agneau
Pour conclure, revenons à notre comparaison avec le Seigneur des Anneaux. En tant qu’Eglise, nous formons ensemble une communauté, unie dans une mission partagée. Il ne s’agit pas pour nous de détruire un anneau mais d’être témoin, en paroles et en actes, de Jésus-Christ mort et ressuscité.
Bref, nous ne sommes pas la communauté de l’anneau mais la communauté… de l’Agneau (un titre attribué au Christ et qui fait référence à sa mort en sacrifice) !
Nous ne devons pas oublier que nous avons une mission à accomplir, définie par le Christ. La raison d’être d’une Eglise, ce n’est pas seulement d’être un lieu de fraternité, de communion, de ressourcement… C’est bel et bien de répondre à l’appel que le Christ nous adresse.
Ce que nous vivons, notre façon de vivre l’Eglise, nos activités, notre projet… est-ce que tout cela contribue à l’accomplissement de la mission du Christ ? C’est la seule véritable question à se poser en tant qu’Église.
Et pour chacun, à notre niveau, nous pouvons nous demander : quel rôle, aussi modeste soit-il, ai-je, moi, à jouer pour contribuer à cette mission ?
Je vous laisse avec ces deux questions… en attendant le prochain volet de notre trilogie.
“Le modèle, dans l’Eglise, n’est pas celui du pouvoir et de la domination, c’est celui du service. N’oublions jamais que Jésus-Christ, le chef de l’Eglise, est celui qui a renoncé à lui-même, acceptant jusqu’à la mort sur la croix, pour le salut de l’humanité ! Or, de tout temps, se sont manifestés dans l’Églises des mécanismes de domination, de manipulation, de jugement… Il faut les condamner et les combattre !”
C’est probablement pour cela que mon personnage préféré est Sam !
Pareil pour moi ! 🙂 D’ailleurs, je vais un peu parler de Sam dans la prcohaine prédication… 😉