Dieu nous a créés pour nous aimer, alors il nous rejoint et nous parle. Mais comment cela se passe-t-il ? Quelles sont les conditions d’un « rendez-vous » avec Dieu ? La Bible nous donne bien des exemples de ces rendez-vous divins, et j’aimerais m’arrêter avec vous sur l’un des plus anciens.
Presque 2000 ans avant Jésus-Christ, le fils d’Isaac et petit-fils d’Abraham, Jacob, doit fuir de chez lui, à Beershéba, car son frère le déteste à mort – il faut dire que Jacob a usurpé son héritage, avec force manipulations et mensonges. Jacob s’enfuit donc à Haran, le village de sa mère.
Lecture biblique : Genèse 28.10-22.
10 Jacob quitta Berchéba pour se rendre à Charan. 11 Il s’installa pour la nuit, là où le coucher du soleil l’avait surpris. Il prit une pierre pour la mettre sous sa tête et se coucha en ce lieu.
12 Il fit un rêve : une échelle était dressée sur la terre et son sommet atteignait les cieux. Des anges de Dieu y montaient et y descendaient. 13 Le Seigneur se tenait devant elle et disait à Jacob : « Je suis le Seigneur, le Dieu de ton grand-père Abraham et le Dieu d’Isaac. La terre où tu es couché, je la donnerai à toi et à tes descendants. 14 Tes descendants seront aussi nombreux que les grains de poussière du sol. Vous étendrez votre territoire vers l’ouest et vers l’est, vers le nord et vers le sud. À travers toi et tous tes descendants, toutes les familles de la terre seront bénies. 15 Je suis avec toi, je te protégerai partout où tu iras et je te ramènerai dans ce pays. Je ne t’abandonnerai pas, je ferai tout ce que je t’ai promis. »
16 Jacob s’éveilla et dit : « Vraiment le Seigneur est dans ce lieu-ci, mais je ne le savais pas ! »
17 Il eut peur et déclara : « Comme ce lieu est redoutable ! C’est vraiment la maison de Dieu et la porte des cieux ! »
18 Il se leva tôt. Il prit la pierre qui avait été sous sa tête, la dressa comme une stèle et versa de l’huile en onction sur son sommet. 19 Il appela ce lieu Béthel, ce qui veut dire “maison de Dieu” – auparavant le nom de la localité était Louz.
20 Jacob prononça ce vœu : « Si le Seigneur est avec moi et me protège sur ma route, s’il me donne de quoi manger et m’habiller, 21 si je reviens sain et sauf chez mon père, alors le Seigneur sera mon Dieu. 22Cette pierre que j’ai dressée comme une stèle sera une maison de Dieu ; et c’est à lui que je donnerai le dixième de tout ce qu’il m’accordera. »
Un Dieu de promesse
Dieu se révèle à Jacob dans un rêve qui tient plus de la vision/révélation que de l’imaginaire de Jacob. Cette échelle, qui relie le ciel à la terre, souligne la relation entre le monde spirituel et notre monde terrestre : Dieu est en lien avec nous et il s’implique dans notre vie. Il le prouve par ses promesses à Jacob, qui reprennent en fait les mêmes promesses qu’à Abraham : devenir un peuple, habiter un pays, vivre une relation avec Dieu si riche qu’elle fera du bien à l’entourage. Abraham, son fils Isaac, et maintenant le petit-fils Jacob, portent cette promesse de Dieu jusqu’à la création du peuple d’Israël, à partir des douze fils de Jacob.
Dieu est un Dieu de promesse : quand il se révèle, 9 fois sur 10, c’est pour promettre. Pour offrir, pour évoquer un avenir plein d’espoir et de possibilités, pour encourager et soutenir. Et contrairement à certains, il tient ses promesses ! La suite du récit le montrera.
Mais Dieu n’est pas au bout de ses promesses ! Tout au long de l’histoire biblique, ses promesses se précisent et s’allongent, jusqu’à nous rejoindre. Par le Christ qui nous réconcilie avec lui, Dieu nous promet de vivre avec nous, de faire de nous son peuple bien-aimé, un peuple identifié non par les gènes mais par la foi, pour vivre dans un monde de justice, et en attendant, une vocation : transmettre son amour à ceux qui nous entourent.
Rendez-vous en terre inconnue
Le texte insiste sur le côté ordinaire du lieu, loin des ornements d’un temple de l’époque. Près de la route, de nuit, un homme qui dort – ça ne fait pas très sacré ! Mais Dieu s’y révèle, il habite cet endroit et ce moment. Pour lui, rien de profane : il peut se révèler n’importe où n’importe quand, car il est Dieu, il n’est pas contenu par des murs ou des protocoles. Cette liberté de Dieu impressionne Jacob : « quoi ! Dieu était là, et je ne le savais pas ! »
Ca paraît naïf, pourtant nous aussi, nous avons nos lieux ordinaires, profanes, où nous n’imaginons pas Dieu se révéler. Dans le bus ? Dans une réunion de travail ? A l’école ou en sortie avec des amis ? Or aucun lieu aucun moment aucune occasion ne peut mettre Dieu dehors. Il est là – et nous ne le savons pas… Ou alors nous l’oublions ! Un des défis réguliers du croyant, c’est de prendre conscience à nouveau que Dieu est présent partout et tout le temps – pas seulement au culte, pendant qu’on chante des louanges ou qu’on prie. Plus on en prend conscience, plus on peut recevoir ce que Dieu veut nous dire.
Mais le plus surprenant dans ce rendez-vous, c’est à qui Dieu se révèle. Jacob est un manipulateur au caractère douteux. A ce moment-là, en fuite – au point qu’il a préféré passer la nuit dehors que chercher hospitalité à Louz, la grande ville qui est tout près. Il est isolé et vulnérable (Jacob demandera d’ailleurs protection et provision à Dieu) : et c’est à ce moment-là, quand il est en galère, que Dieu se révèle. C’est tellement Dieu ! Tout le monde peut investir sur quelqu’un qui est au top de sa forme… Mais Dieu vient à nous, même quand nous sommes tout en bas. Ce secours immérité, c’est la grâce de Dieu, visible ici, visible en Jésus-Christ, qui offre son amour non pas aux bien-portants, mais aux malades, à ceux qui ont besoin de lui, encore aujourd’hui.
Mémoire et engagement
Dieu nous rejoint, il nous parle, il nous tend la main… et… que se passe-t-il ensuite ? Jacob réagit en 3 temps : après la surprise, il dresse une pierre en mémoire de cette rencontre. Il donne aussi un nom à ce lieu – pratique courante à l’époque : c’est « la maison de Dieu », parce que Dieu est présent ici, il se révèle. Enfin, Jacob fait lui aussi une promesse, sous forme de vœu : « si Dieu fait tout ça et que je reviens sain et sauf, alors oui, il sera mon Dieu et je lui offrirai 10% de mes biens ». (L’escroc deviendrait-il généreux ?)
Ce vœu peut étonner : certains y voient une réponse positive sous forme de promesse, comme on souscrirait à un contrat ; d’autres y voient une petite négociation, comme si Jacob ne faisait pas confiance à Dieu. C’est difficile de trancher, mais même si les intentions de Jacob ne sont pas tout à fait droites, en réalité ça ne change rien : Dieu n’attend pas que nous ayons tout réglé pour faire route avec nous. Il nous prend, avec nos ambiguïtés et nos ambivalences.
Et puis, que la réponse de Jacob soit ambiguë ou pas, c’est une réponse ! Une réponse de mémoire et d’engagement. Nos rendez-vous avec Dieu appellent une réponse de notre part. Alors, il y a le baptême, comme dans l’histoire du fonctionnaire éthiopien, un geste visible qui montre, plus ou moins au début du chemin de foi, que oui, nous avons rencontré Dieu personnellement, et que nous voulons le suivre, malgré nos ambivalences. On se lance, comptant sur les promesses de Dieu !
Mais dans notre cheminement, il y aura d’autres rendez-vous avec Dieu, des rendez-vous grandioses, presque mystiques, à côté de rendez-vous plus ordinaires : les cultes, des textes bibliques lus chez soi, des discussions ou des prises de conscience… Qu’en fait-on ? Il ne s’agit pas bien sûr de tomber dans la pression de la performance, pour gravir des échelons, mais de laisser nos temps avec Dieu avoir un impact sur notre vie.
C’est particulièrement vrai aujourd’hui, où beaucoup d’offres existent, où nous consommons des contenus médiatiques ou des expériences : on voit/on écoute/on lit, on « aime », on passe à autre chose. Même si l’infusion spirituelle a du bon, elle peut rester superficielle. On peut connaître par cœur des centaines de versets ou de chants, sans avoir mûri spirituellement depuis des années.
Sans être un remède miracle, la démarche de Jacob peut nous inspirer : d’abord, prendre le temps de « faire mémoire », même si ça vient juste d’arriver – par exemple, écrire dans un journal nos réflexions, ou bien prolonger ce que nous avons reçu en une prière, même courte. Et pour aller plus loin, dans l’engagement, se demander comment ce qui vient d’être vécu peut changer ma vision des choses ou mon comportement. On peut le noter ou en parler avec un proche, pour pouvoir y revenir.
Au lieu de voguer passivement de moment en moment, l’idée c’est d’ouvrir un espace, un temps, pour l’impact. Et parfois ce sera un peu sec, on aura l’impression de n’avoir rien à retirer – et ce n’est pas si grave ! Mais intégrer un peu plus mémoire et engagement dans notre vie spirituelle, même si ça semble artificiel parfois, nous aidera à ne pas rater les moments à fort potentiel, qui deviendront peut-être des étapes importantes de notre vie. Tout lieu, tout moment, tout rendez-vous avec Dieu, si ordinaire soit-il, peut s’illuminer d’une révélation et d’une promesse – alors que Dieu nous apprenne à les recevoir !