Parmi les nombreuses questions liées à la prière, il y a celle de l’exaucement. Et ce n’est pas la plus facile… Elle n’est pas évidente d’un point de vue théologique, et elle n’est pas évidente d’un point de vue pratique, parce qu’elle a forcément des échos dans notre vie de prière. Qui peut prétendre qu’il ne s’est jamais interrogé pourquoi Dieu n’a pas exaucé telle ou telle prière ? Qui peut affirmer haut et fort qu’il n’a aucun souci avec ses prières, qu’elles sont toutes exaucées et que si elles ne le sont pas, ça ne lui pose aucun problème, ça ne suscite en lui aucune question ?
Il n’y a sans doute pas de réponse simple à une question aussi complexe. La prière demeure, dans une certaine mesure, un mystère, qui ne se résout pas dans un discours théologique ou philosophique mais dans la relation avec Dieu. Ca ne veut pas dire que nous n’avons rien à en dire…
Jacques 5.13-18
13 Quelqu’un parmi vous souffre-t-il ? Qu’il prie. Quelqu’un est-il heureux ? Qu’il chante des louanges. 14 L’un de vous est-il malade ? Qu’on appelle les anciens de l’Église ; ceux-ci prieront pour lui et ils feront une onction d’huile sur sa tête au nom du Seigneur. 15 Une telle prière, faite avec foi, sauvera la personne malade : le Seigneur la remettra debout, et si elle a commis des péchés, ils lui seront pardonnés. 16 Reconnaissez donc vos péchés les uns envers les autres, et priez les uns pour les autres, afin d’être guéris. La prière fervente d’une personne juste a une grande efficacité. 17 Élie était quelqu’un de semblable à nous : il pria avec ardeur pour qu’il ne pleuve pas, et il ne tomba pas de pluie sur la terre pendant trois ans et demi. 18 Puis il pria de nouveau ; alors le ciel donna de la pluie, et la terre produisit ses récoltes.
Qu’est-ce que Jacques nous dit sur la prière dans ce texte ? D’abord qu’il y a toujours une prière appropriée à chaque situation. Dans la joie comme dans l’épreuve, seul ou avec d’autres, on peut toujours trouver une prière qui réponde à une situation particulière.
Il insiste en particulier sur les promesses d’exaucement de la prière, notamment pour les malades. Il le fait avec cette formule qui claque, qui résonne presque comme un slogan : “La prière fervente d’une personne juste a une grande efficacité.”
Mais cette formule pose un certain nombre de questions…
- Qu’est-ce qu’une prière fervente ? Et d’ailleurs, comment comprendre le mot “fervent” employé ici ? Est-ce que l’exaucement dépend de l’intensité de la prière ?
- Qui est le “juste” qui prie ? Est-ce que l’exaucement dépend de l’intégrité morale et spirituelle de celui qui prie ?
- De quoi parle-t-on quand on parle d’efficacité dans la prière ? S’agit-il d’un exaucement certain, presque automatique ?
A l’origine, comme tout le Nouveau Testament, cette lettre est écrite en grec. Et la traduction en français de cette phrase n’est pas évidente. Il suffit de comparer les différentes versions pour s’en convaincre :
- “La prière fervente d’une personne juste a une grande efficacité.” (Nouvelle Français Courant)
- “La prière d’un homme juste est très puissante.” (Parole de Vie)
- “La prière agissante du juste a une grande efficacité.” (Colombe)
- “Quand un juste prie, sa prière a une grande efficacité.” (Semeur)
- “La prière du juste, mise en œuvre, a beaucoup de force.” (Nouvelle Bible Segond)
- “La requête d’un juste agit avec beaucoup de force.” (Traduction Oecuménique de la Bible)
On comprend bien qu’on parle de la prière, et de la prière du juste. On retrouve dans tous les cas l’idée de force, de puissance ou d’efficacité liés à la prière. C’est donc bien l’exaucement de la prière qui est évoqué. La difficulté principale est dans la traduction d’un terme grec, un participe du verbe energeomai (qui a donné “énergie” en français). Il est carrément laissé de côté dans certaines versions (Parole de Vie, Semeur) et traduit différemment selon les autres : une prière “fervente” (Nouvelle Français Courant), “agissante” (Colombe), “mise en oeuvre” (Nouvelle Bible Segond), ou qui “agit” (TOB)…
L’exemple d’Elie, que Jacques évoque pour illustrer son propos, va nous aider à mieux comprendre. Il le souligne dès le début : Elie était quelqu’un comme nous. Il avait beau être prophète, il n’était pas un surhomme. Il avait aussi ses failles, ses faiblesses, ses limites. Le juste n’est pas celui qui est parfait. Elie ne l’était pas. Le juste est celui qui est fidèle à Dieu, attaché au Seigneur. Elie l’était.
Au temps du roi Achab, l’idolâtrie allait bon train en Israël. Le roi avait même fait ériger un temple dans la capitale en l’honneur de Baal, divinité païenne de l’orage et la pluie. Elie, lui, est resté fidèle au Seigneur. Il annonce alors que Baal, soit disant maître de la pluie, est en réalité incapable de la faire tomber. Il annonce que la sécheresse ravagera Israël, parce que le peuple n’adore plus le Seigneur. Et sa prière est exaucée : une sécheresse frappe le pays. Plus tard, après une période de découragement où Elie a même demandé à Dieu de lui ôter la vie, le prophète décide de défier les prophètes de Baal. Et ça sera l’occasion pour le Seigneur de montrer de manière éclatante sa puissance face au prières vaines des prophètes de Baal. C’est suite à cet épisode que la pluie est enfin de retour dans le pays. La prière d’Elie est une nouvelle fois exaucée.
Les prières d’Elie, que Dieu a exaucées, sont des prières exprimées avec confiance et audace, des prières auxquelles sont associées des paroles et des actes courageux, dont les exaucements permettaient de rendre gloire à Dieu. C’est sans doute un peu tout cela qu’il doit y avoir dans ces prières “ferventes” et/ou “agissantes” dont parle Jacques.
Sur la base de l’affirmation de Jacques, et de l’exemple d’Elie, nous pouvons souligner deux éléments clés pour un exaucement de la prière.
La conviction
Qu’on parle de ferveur ou de mise en action, ce qui pourrait caractériser la prière dont parle Jacques, c’est la conviction. Elie était tellement convaincu de sa prière qu’il n’a pas hésité à défier publiquement tous les prophètes de Baal.
C’était une prière courageuse, audacieuse. Une prière convaincue, c’est-à-dire une prière engagée, dans laquelle on est totalement investi. On est loin d’une prière dite du bout des lèvres, ou récitée par habitude. Il s’agit d’une prière dans laquelle nous ne sommes pas seulement spectateurs mais acteurs, une prière qui se prolonge dans des paroles et des actes.
Il y a donc bien un lien entre la ferveur, la conviction d’une prière et son exaucement. Mais ce n’est évidemment pas un lien mécanique. L’exaucement, ce n’est pas automatique ! On a de nombreux contre-exemples, y compris dans la Bible.
Si l’exaucement était mécanique, on pourrait dire que si on n’est pas exaucé, c’est parce qu’on n’est pas convaincu, parce qu’on manque de foi. On le dit parfois, ou on le sous-entend. Et c’est catastrophique !
Ce n’est pas notre foi qui exauce la prière, c’est le Seigneur. Mais il utilise notre foi, notre conviction, pour nous associer à son exaucement. Nous sommes aussi acteurs de notre prière. C’est comme dans les récits de guérison des Evangiles, c’est le Seigneur qui guérit mais Jésus dit au malade : “ta foi t’a sauvé !”
L’intégrité
C’est “la prière du juste” dont parle Jacques qui nous pousse à évoquer l’idée d’intégrité. Elle se manifeste dans la fidélité d’Elie, dans son attachement intact au Seigneur alors même que le roi entraînait le peuple loin de Dieu. L’intégrité est donc aussi un élément important dans l’exaucement de la prière. Rappelons-le, pour Jacques, c’est la prière du juste qui est exaucée.
Parler d’intégrité nous conduit à évoquer ce qui, en nous, peut faire obstacle à l’exaucement de nos prières. Or, un des principaux obstacles à l’exaucement, c’est notre péché. Il ne faut pas le nier. Si Dieu n’exauce pas notre prière, c’est peut-être parce que nous avons d’abord quelque chose à régler dans notre vie. Et que cette chose à régler est plus importante pour nous que l’objet de notre prière.
C’est aussi pour cela que Jacques parle dans notre texte de la confession et du pardon des péchés ! Dans la perspective de l’Evangile, est juste celui qui est pardonné… Le pardon de Dieu peut libérer des exaucements dans notre vie !
Et le non-exaucement d’une prière peut être un message de la part du Seigneur, pour nous inviter à nous demander s’il n’y a pas, dans notre vie, un obstacle à l’exaucement, une zone d’ombre à laisser éclairer par la lumière de Dieu, un péché à confesser.
Conclusion
Prier, être exaucé… ou pas ! C’est l’expérience de tout chrétien. Il n’y a pas de truc pour garantir l’exaucement. Ca n’est pas automatique. Dieu n’est pas obligé de répondre favorablement à notre prière, même si nous le lui demandons avec conviction. D’ailleurs, le non-exaucement peut être parfois la meilleure réponse à notre prière, parce que nous avons besoin d’autre chose.
Il n’y a pas de truc… mais il y a bien une promesse : “La prière fervente d’une personne juste a une grande efficacité.”
Grâce à elle, Jacques nous encourage à nous saisir de la prière, en toutes circonstances. Il nous invite à comprendre tout le potentiel que Dieu met dans la prière, par laquelle il nous associe à son oeuvre.
Mais il nous avertit aussi. Si nous voulons voir des exaucements dans notre vie, il y a quelques principes à respecter :
- Ayons une prière fervente, persévérante, intense, dans laquelle on s’engage pleinement, avec conviction. Osons des prières audacieuses et ardentes !
- Cherchons à être intègre et juste devant le Seigneur, en approfondissant notre communion avec Dieu. Ca nous évitera aussi de demander des choses qui ne sont pas selon le coeur de Dieu…
A chacun de voir sur lequel de ces principes il doit le plus travailler…