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Lecture biblique: Matthieu 6.1-18
“Notre Père qui es dans les cieux, ton nom est saint.Fais que tout le monde le connaisse ! 10 Fais venir ton Royaume. Fais que ta volonté se réalise sur la terre comme dans le ciel. 11 Donne-nous aujourd’hui le pain qu’il nous faut. 12 Pardonne-nous le mal que nous avons commis, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont fait du mal. 13 Et ne permets pas que nous soyons tentés. Mais libère-nous de l’esprit du mal.”14 « En effet, si vous pardonnez leurs fautes aux autres, votre Père qui est dans les cieux vous pardonnera aussi. 15 Mais si vous ne pardonnez pas aux autres, votre Père ne vous pardonnera pas vos fautes non plus. »
16« Quand vous jeûnez, ne prenez pas un air triste comme les gens faux. Ils changent de visage, pour que tout le monde voie qu’ils jeûnent. Je vous le dis, c’est la vérité : ils ont déjà leur récompense. 17 Mais toi, quand tu jeûnes, lave-toi le visage et parfume-toi la tête. 18 Ainsi, tu ne montreras pas aux autres que tu jeûnes. Mais ton Père le verra, lui qui est là dans cet endroit secret. Ton Père voit ce que tu fais en secret et il te récompensera. »
Jésus parle de l’aumône, du jeûne et de la prière, mais on sent que ce qui l’intéresse, c’est notre spiritualité en général : temps de prière, de silence, retraites, lecture de la Bible, méditation, culte, mais aussi groupes de partage, engagement dans un service, dans une association… Il aurait pu aussi dire : Quand tu es au culte, ne vérifie pas que tout le monde a bien noté ta présence – reste discret. Quand tu distribues des sandwiches dans la rue, ne poste pas des photos sur instagram pour te faire mousser devant des amis. Quand tu invites des gens chez toi, ne laisse pas traîner tes Bibles bien en vue pour impressionner tes amis…
Un refrain revient : ne faites pas comme eux, les religieux hypocrites qui sont dans l’apparence, vivez votre relation avec Dieu dans le secret, concentrez votre spiritualité sur Dieu. Finalement c’est ça l’enjeu : la question de notre posture spirituelle – avec quand même un focus sur la prière : pas comme les hypocrites mais pas comme les païens non plus, et puis il donne un modèle, fait un petit commentaire… Pourquoi ? Parce que la prière c’est la base de notre relation avec Dieu. Pour exprimer votre affection à vos proches, vous leur faites des cadeaux, vous les emmenez au cinéma, ou vous leur donnez un coup de main quand ils en ont besoin – mais de toute façon, que vous soyez bavard ou taiseux, pudique ou expansif, vous leur parlez !
- Ma relation avec Dieu : quelles sont mes motivations ?
Une des choses qui agace régulièrement Jésus – et nos contemporains, croyants ou pas – c’est l’hypocrisie. Le « faites ce que je dis mais pas ce que je fais ». En particulier sur le plan religieux, puisque théoriquement, c’est entre Dieu et moi. Mais l’hypocrisie peut être plus subtile que ça : parfois on fait tout bien, sans faute, avec cohérence – mais il y a un problème de motivation. L’hypocrite fait les bonnes choses, mais pour de mauvaises raisons – pour se faire voir, se faire bien voir.
Souvent, c’est dans le regard des autres qu’il cherche l’estime et l’admiration – à l’église, dans sa famille, même hors du cadre privé (ah lui, il est engagé ! Il va au culte tous les dimanches, il lit sa Bible à toutes les pauses repas… C’est un vrai spirituel !). Mais quand ma motivation, c’est… ma réputation, ma performance spirituelle, ma connaissance, mon altruisme dans le service, mes compétences, ma sainteté, en fait c’est moi la motivation ! Dieu n’est plus qu’un prétexte, relégué au second plan, tandis que je cherche ma valeur dans l’appréciation des autres. Comme si Dieu était un trophée, un faire valoir auprès des autres. Quand on brandit Dieu à bout de bras, en fait on le met à distance.
L’invitation à la solitude, au secret, c’est une façon de nous protéger de ce risque. Sauf que c’est un peu plus subtil que ça. Le secret, ce n’est pas la solitude : même seul, nous arrivons encore, parfois, à zapper Dieu parce que nous nous regardons nous-mêmes (ah qu’est-ce que je suis bien ! J’ai bien prié ce soir, hein ! J’ai bien lu ma Bible – je suis sûr qu’il n’y en a pas beaucoup de l’église qui en font autant !…) J’exagère à peine.
Et là, que ta main droite ne sache pas ce que fait ta main gauche ! Quand tu es avec Dieu, ne cherche pas à t’impressionner toi-même… Etre seul dans sa chambre ne suffit pas : c’est la posture intérieure qui compte. Quand je dis à Dieu que je l’aime, sur quoi je mets l’accent ? Est-ce que je dis : « JE t’aime, Dieu. Moi ! » ou « je T’aime, toi ! » ? Une relation centrée sur moi, ce n’est pas une relation avec l’autre, que ce soit un frère ou Dieu !
Alors cette posture « du secret », elle est valable en privé et aussi en public, du coup ! Jésus ne dit pas qu’il ne faut jamais rien faire de spirituel en public : il a enseigné, guéri, prié en public – mais il ne s’est jamais soucié du regard des autres, il s’est toujours centré sur Dieu. Il n’interdit pas les prières en public, l’engagement visible, ou les témoignages, mais il interroge nos motivations. A quoi je porte attention quand je prie ? Quand je donne, quand je prends la parole dans un groupe ?
- Ma relation avec Dieu: le voir comme mon Père
Centrés sur Dieu ! C’est le sens de toute spiritualité, et c’est particulièrement clair dans la prière du Notre Père : quand vous priez, dit Jésus, concentrez-vous d’abord sur Dieu. Rappelez-vous qui il est – Dieu du ciel devenu votre Père. Reprenez conscience de son poids, de sa valeur – ce qu’on appelle « sa gloire ». Mettez-vous à son écoute : que fait-il, que veut-il, quels sont ses projets à lui ? Là, notre perspective s’élargit : « oui, tu es Dieu. j’ai des préoccupations, et on va en parler, mais la priorité c’est toi. Ce que tu fais, ce que tu veux – car c’est le meilleur ! »
Le NP on peut le prier tel quel, ou s’en inspirer, mais il nous montre où est la priorité : en Dieu. Priorité pour notre monde, mais aussi pour moi – que dans ma vie, ta volonté soit faite.
Et ensuite viennent les demandes liées à nos besoins : nos besoins concrets, matériels, physiques ; nos besoins spirituels et relationnels – pardonne-nous et apprends-nous le pardon ; notre besoin de justice – éloigne-nous du mal.
C’est une prière simple, qui nous replace devant Dieu tel qu’il est – Dieu du ciel – et tels que nous sommes : dépendants, faibles, faillibles, pécheurs… Avec Dieu nous n’avons pas besoin de prouver quoi que ce soit, de faire semblant, d’être impressionnants : Seigneur j’ai besoin de pain, de force, de courage. J’ai besoin de ton pardon pour ce que j’ai mal fait ou pas fait, pour mes intentions ambiguës, pour ma dureté et mon orgueil. J’ai besoin d’apprendre à aimer et pardonner comme toi. J’ai besoin que tu me protèges et que tu me guides sur le bon chemin.
C’est à une spiritualité simple que Jésus nous appelle, une relation de confiance où nous pouvons nous appuyer sur Dieu, nous épancher, nous oublier aussi… parce que nous savons que lui, il ne nous oublie pas. Cette relation de confiance, Jésus la résume en un mot : Père. Dieu, notre Père, votre Père, mon Père.
Alors c’est vrai que l’image du Père n’est pas toujours facile à entendre. Pour certains, oui, ils ont eu un père attentionné, aimant, présent, faillible mais bienfaisant. En regardant à Dieu, ils voient un Père encore plus grand, dont l’amour n’a pas de limites, dont l’attention est sans mesures. Mais pour d’autres, le souvenir du père – ou de la mère – fait obstacle : sans parler de violence ou d’abus, il y a l’indifférence, la dureté, la lâcheté, l’immaturité…
Mais Jésus nous invite à regarder à Dieu pour le laisser définir lui-même ce qu’est un vrai Père, un Père modèle. Dieu est un Père qui est prêt à tout pour nous ! Il ne nous a pas seulement donné la vie, il nous a donné sa vie ! Notre recherche d’approbation, souvent vaine, auprès des autres, elle s’arrête au pied de la Croix : Dieu nous aime ! Tels que nous sommes ! Bien sûr que nous sommes indignes de lui, mais Dieu n’a pas voulu que nous prouvions quelque chose (c’était d’ailleurs impossible) – c’est lui qui nous a prouvé qu’il nous aime. Devenu homme en Jésus, il vient nous prouver que nous avons notre place dans son cœur, auprès de lui. Oui, en donnant sa vie sur la croix, Jésus comble nos insuffisances par sa justice, il lave nos indignités par son innocence. A travers Jésus, Dieu ne porte pas sur nous un regard dur, accusateur, mais un regard généreux et fier – pour l’éternité. Ce regard nous libère : si Dieu, le Dieu du ciel, nous regarde avec joie, et nous appelle « Ma fille, mon fils », de quelle approbation avons-nous encore besoin ?
- Ma relation avec Dieu : dans toute ma vie
L’aumône, le jeûne, la prière, sont trois exemples non exhaustifs pour illustrer notre vie spirituelle. Pourtant le choix de Jésus n’est pas anodin : ces trois exemples tracent à grands traits une spiritualité qui s’exprime dans toute notre vie – dans nos paroles et nos actes ; vers Dieu et vers les autres lorsque nous prenons soin d’eux, lorsque nous pardonnons ; une spiritualité de l’humilité (c’est avant tout ce qu’exprime le jeûne : humilité, repentance, dépendance) et de la joie, de la générosité, du partage.
La relation que nous avons avec Dieu nous prend entièrement et nous ouvre à Dieu. Dans notre vie spirituelle, nous n’avons rien à prouver, rien à négocier, aucun point à gagner. Tout est donné, en Christ. Tout est donné, par l’Esprit de Dieu qui vit en nous. Mais nous apprenons à le vivre concrètement. Là, dans la prière, dans la méditation, dans la rencontre, nous nous exerçons à écouter Dieu, à entendre ces paroles incroyables qu’il murmure à notre oreille. Nous découvrons ses priorités et elles nous réorientent, elles donnent un autre sens à notre vie. Et nous expérimentons, dans tous les domaines, la vie nouvelle que Dieu nous offre, son amour, sa joie, son pardon. C’est ça, notre récompense : pas le regard des autres, pas l’approbation ou l’admiration, mais l’intimité avec Dieu, au quotidien, en public et en privé, où Dieu nous fait découvrir dès aujourd’hui les extraordinaires bienfaits de sa présence.