Repos! (Gn 2.1-3)

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Nous continuons ce matin la série commencée la semaine dernière (vous pouvez retrouver toutes nos prédications sur internet). Vincent nous a conduits au travers du chapitre 1 de la Genèse, premier chapitre de la Bible, qui est aussi un hymne à la gloire du Créateur, présenté en 6 temps, en 6 jours, avec ce refrain : « Dieu vit que cela était bon… il y eut un soir, puis un matin, jour tant ». Les trois premiers évoquent l’ordre que Dieu met dans le monde, les jours suivants évoquent l’abondance de la vie qui germe en tous lieux, à la parole généreuse de Dieu. Le 6e jour culmine avec la création de l’être humain, homme et femme, en tant qu’image de Dieu. Que se passe-t-il ensuite ?

Lecture biblique: Genèse 2.1-3

1 Ainsi Dieu finit de créer le ciel, la terre et tout ce qu’il y a dedans. 
2 Le septième jour, Dieu a terminé le travail qu’il a fait. Et le septième jour, il se repose de tout le travail qu’il a fait. 
3 Dieu bénit le septième jour : il fait de ce jour-là un jour qui lui est réservé. En effet, ce jour-là, Dieu s’est reposé de tout son travail de créateur.

Rien de tel qu’un peu de repos après une bonne semaine de travail ! Eh oui, l’auteur de ces textes nous présente la création du monde de façon imagée, comme une semaine de travail. Il reprend les codes que l’homme peut facilement comprendre, pour présenter une œuvre au-delà de notre compréhension. Dieu se présente à l’homme, son image, comme un modèle à imiter – sur le fond comme sur la forme ! Évidemment, vous risquez d’avoir du mal demain matin à égaler les œuvres de Dieu, mais le récit biblique veut souligner les points communs entre le Dieu créateur et l’être humain, appelé à lui ressembler. Par analogie, nous pouvons œuvrer (et ça dépasse le travail rémunéré : c’est l’exercice de nos compétences, de nos dons) et nous reposer comme Dieu. D’ailleurs, dans la loi juive, Dieu demandera aux croyants de se reposer le 7e jour, comme lui à la création (c’est un des deux arguments avancés).

Donc puisque le travail comme le repos de Dieu sont présentés comme modèles, nous pouvons en tirer des applications pour nous. Mais avant cela, il faut d’abord se pencher sur le sens du repos de Dieu, sur le modèle !

1)     Le repos de Dieu

Le 7e jour, Dieu se reposa de ses œuvres. Pourquoi ? Il était fatigué ? cela paraît étonnant… Dieu donne l’impression de créer facilement, sans effort, simplement par sa parole.

Ou alors, ça y est, le monde est fini, et il passe à autre chose ? Le reste de la Bible, tout ce qui suit dans l’Histoire prouve que non, Dieu reste actif et engagé envers ses créatures. D’ailleurs, plusieurs passages soulignent le fait que Dieu prend soin, chaque jour, de sa création…

Il faut noter que le 7e jour ne ressemble pas aux 6 jours précédents : il n’y a ni soir ni matin, pas de bornes… Et nul 8e jour promis ! Dans un poème aussi travaillé et rythmé, ce silence en dit long ! Il dit que le 7e jour n’est pas fini, et que nous sommes encore dans le 7e jour de la création (ce qui indique aussi que les « jours » sont des façons de parler !) ; notre monde vit encore dans le repos de Dieu.

Quelle différence alors entre les 6 premiers jours et ce 7e jour qui commence et ne finit pas, où Dieu se repose mais continue de s’impliquer, de s’engager, d’agir et d’œuvrer… ? Dieu vient habiter sa création. Après avoir tout disposé, il s’installe ! Comme dans une maison : les travaux sont finis, il emménage, même s’il continuera à aménager, à entretenir, nettoyer, consolider, enjoliver… Mais le plus gros est fait !

Après les 6 jours de création, ça tourne ! Les bases du monde sont posées, les lois naturelles, les acteurs principaux : tout est prêt pour que les créatures puissent vivre et agir elles-mêmes, en accord avec ce que le Créateur a préparé. Le monde n’est plus passif, mais se met en branle : les créatures vont pouvoir interagir entre elles et avec le créateur. Dieu a établi les bases de son royaume, et maintenant il vient trôner, régner tranquillement au cœur de ce monde qu’il a créé.

Même si le repos de Dieu ne signifie pas un total désengagement de sa création, le texte insiste malgré tout sur l’arrêt, la pause, le fait de terminer ! Dieu sait s’arrêter, il sait ne pas faire. Même si la création fait partie de son ADN, Dieu n’est pas prisonnier ou esclave de sa puissance. Rien ne l’enchaîne pour produire, produire, produire, toujours plus. Dieu ne se définit pas seulement par ses actes, mais aussi dans son repos : il est plus que ce qu’il fait.

Oui, Dieu maintenant se repose, et se réjouit de son œuvre, il en profite, il y prend plaisir ! On imagine l’artiste devant son tableau, avec une bonne tasse de café, ravi d’avoir su concrétiser les choses magnifiques qu’il avait en tête. Ou la personne qui organise une fête depuis des mois (p. ex. un mariage) et voilà, le jour est arrivé : la fête a lieu, tout le monde est là, en train de discuter, de se régaler, de rire… et on imagine l’hôte passer de table en table, parler avec les uns les autres, heureux  de les retrouver et de les voir se réjouir. D’ailleurs, dans un autre texte qui présente la création sous un angle différent, Dieu se promène dans son jardin, parle avec les hommes… Le repos de Dieu souligne dans quel but le monde a été créé : pour la joie ! pour la fête ! Pour les relations !

2)       Un repos à vivre

Bien que les œuvres et le repos du créateur nous dépassent, la création est présentée comme une semaine de travail, un modèle à imiter.

Je ne vais pas vous surprendre en disant que le repos nous est difficile aujourd’hui… De plus de plus de gens sont épuisés, déprimés, en burn-out. A l’activisme professionnel, aux pressions de la productivité (toujours plus, plus, plus), répondent les tourbillons de la consommation, des « loisirs » (toujours faire ou avoir plus, plus, plus – plus de voyages, d’activités, de soirées…). Semaine et WE répondent à des cadences infernales, et le reste des temps de repos est envahi par les écrans…

Dans notre monde tourbillonnant, le modèle de la semaine de création nous rappelle deux choses importantes : le travail est important, et revêt une grande valeur aux yeux de Dieu. Dieu se glorifie de ce qu’il fait, et même son repos ne le détourne pas de ses œuvres, mais lui permet de jouir des fruits de son œuvre. Le travail a de la valeur – et le repos aussi. La semaine de création nous invite à rechercher les deux, en bon équilibre, sans basculer dans le tout-travail ou dans le tout-loisirs. S’il est vrai que, au travail en particulier, cet équilibre ne dépend pas toujours de notre volonté, il reste de notre responsabilité de chercher des temps de repos, ressourçants, et de les protéger autant que possible.

Mais le repos de Dieu révèle aussi quelle qualité, quelle sorte de repos nous devons chercher. Il ne s’agit pas seulement de se détendre, de dormir (même s’il le faut ! on ne saurait trop le dire) ou de se changer les idées (et c’est souvent nécessaire !) : il y a plus dans le repos que l’inactivité ou le loisir. Il y a la contemplation : à l’image de Dieu, prendre un peu de recul pour admirer, pour contempler… non pas ce que j’ai fait ! mais ce que Dieu fait ! Le repos nous invite à lever les yeux au-dessus du guidon, pour voir la grande fresque du monde : Dieu règne aujourd’hui, il soutient sa création, il pourvoit – et même si j’arrête telle activité, le monde continue de tourner… Quel repos ! Tout ne repose pas sur mes épaules ! Dieu prend soin, il règne et ses projets se réalisent !

En contemplant ce que Dieu fait, ce que Dieu est, dans le repos, nous nous rappelons que Dieu est dieu, grand, libre, généreux, qu’il achève ce qu’il a commencé. Et dans le repos vécu avec Dieu, nous trouvons notre place. Créatures formées à son image, enfants de Dieu, d’abord créés pour nous réjouir de la présence de Dieu, nous sommes. Nous sommes aimés, avant de faire quoi que ce soit.

Et dans cette contemplation, une figure émerge : le Christ. Face à nos fautes, à nos révoltes, à nos manquements, Dieu vient nous offrir le pardon. En Christ, mort et ressuscité, Dieu pose sur nous un regard qui ne change pas et qui dit : « c’est bon ». Par l’offrande de sa vie et le sacrifice qu’est sa mort, Jésus nous délivre du besoin de prouver, de rentabiliser, de justifier notre vie. Oui, notre valeur est en Dieu, qui nous crée, nous aime, nous sauve !

Le salut en Christ va encore plus loin : nous ne sommes pas seulement libérés (de la condamnation, de la honte, de la culpabilité, de la peur ou du mal…) mais nous sommes invités ! Invités à entrer dans le repos et dans la joie du Roi, invités à la fête ! En Christ, mort et ressuscité, Dieu nous regarde et nous dit : « C’est très bon ! Je t’aime ! Viens t’asseoir à ma table… Viens travailler avec moi… Viens te reposer chez moi… tu es chez toi !»

Quel repos de trouver notre place ! quel repos de pouvoir nous appuyer sur les promesses et la puissance de Dieu ! Quel repos de trouver un sens – à nos œuvres, et à notre être ! Notre vie, travail et repos compris, valait pour Dieu la peine de livrer son Fils unique. Dieu ne pouvait pas envisager de ne pas passer l’éternité avec nous ! Quel amour ! Quelle assurance nous est donnée en Christ !

Ce repos-là, bien sûr que nous pouvons l’expérimenter un jour particulier – il est très sain de réserver un temps régulier pour le repos du corps et de l’esprit ! Mais je me demande si nous ne pouvons pas, d’une certaine manière, vivre tous les jours ce repos, comme un 7e jour qui ne s’arrête pas, même au travail ou dans les tâches qui sont les nôtres, même dans les luttes parfois : nous enraciner dans le repos de Dieu.

Simplement, le matin dans la voiture ou sous la douche : « Seigneur, aujourd’hui, je te remets cette journée, mes rencontres, mes ouvrages, mes paroles et mes pensées : que ma journée entre dans tes projets, que par moi ton règne avance. »

Ou dans une situation compliquée, ponctuelle ou permanente : « Seigneur, je reconnais que tu règnes et que tu m’aimes. Je choisis de me reposer sur toi. Je choisis de te faire confiance, à toi le Créateur et sauveur. »

Conclusion

Devant les rythmes effrénés, parfois stériles, de notre vie, la semaine de création invite à un repos salutaire. Pour trouver et protéger ce repos, nous avons sûrement besoin de nous discipliner… Mais le repos que Dieu nous invite à vivre en sa présence est plus profond : c’est le repos de la foi. Le repos de celui qui n’a rien à prouver, mais qui prend joyeusement sa place, avec d’autres, dans les projets de Dieu. Le repos de celui qui sait que Dieu œuvre, aujourd’hui, comme hier et comme demain, et que sa puissance dépasse nos défaillances. Le repos de celui qui trouve sa valeur, sa vie, en Dieu, par le Christ.

 

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