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Partager le réconfort que Dieu nous offre

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Se tourner vers Noël, c’est reconnaître que Dieu nous rejoint à travers le Christ pour mettre sa lumière dans nos ténèbres, et nous conduire dans son amour. Dès aujourd’hui dans notre monde troublé, et pour l’éternité dans la présence de Dieu. Ce sont nos ténèbres intérieures, bien sûr, ce qu’on appelle le péché, ces marécages spirituels qui nous embourbent et nous empêchent de vivre pleinement dans la justice et la paix. Et ces ténèbres nous débordent, elles touchent les autres par nos actions individuelles et nos systèmes collectifs, aux retombées morales, politiques, sociales, sanitaires, écologiques…

Lorsque nous recevons ou que nous avons reçu le Christ comme lumière dans notre vie, spontanément nous aimerions qu’il dissipe entièrement et instantanément toutes ces ténèbres, qu’il nous en délivre totalement. Or la Bible affirme la patience de Dieu, qui agit en plusieurs temps : d’abord il fait briller sa lumière comme une bougie dans la nuit, d’abord il nous rejoint à travers le Christ pour nous annoncer la bonne nouvelle de son amour infaillible, il appelle à lui tous ceux qui ont soif de sa paix, et un jour, comme un soleil, il dissipera complètement les ténèbres. Nous sommes dans l’entre-deux, et la période de l’Avent qui nous tourne vers la lumière de Noël nous invite à nous rappeler cette réalité de l’entre-deux : la lumière de Dieu a brillé, et nous attendons qu’elle dissipe pleinement les ténèbres de notre monde. Comment vivre dans cet entre-deux prometteur mais inconfortable ? C’est toute la question !

Lorsque l’apôtre Paul écrit aux chrétiens de Corinthe, il évoque en partie cette question. Les Corinthiens auraient aimé vivre déjà en plein soleil, sans problème ni souffrance. Ils avaient envie de force, de triomphe, de victoire : après tout, Jésus est ressuscité ! Il a vaincu la mort ! Qu’est-ce qui peut bien lui résister ? Du coup, les Corinthiens se font influencer par des genres de gourous qui font miroiter une vie chrétienne uniquement puissante, miraculeuse, impressionnante. Et ils reprochent à l’apôtre Paul sa simplicité, son humilité, et même ses difficultés en tant que prédicateur de l’Evangile, qu’ils attribuent à sa faiblesse et peut-être à un manque de hauteur dans l’expérience spirituelle. Dans ce contexte assez tendu, Paul leur écrit pour défendre son ministère, et, surtout, pour dissiper les malentendus par rapport à ce qu’est la vie avec le Christ. Et ce faisant, il vient nous éclairer nous aussi sur la façon de vivre avec lui dans cet entre-deux.

Lecture biblique : 2e lettre de Paul aux Corinthiens 1.3-7

3 Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de tout réconfort ; 4 il nous réconforte dans toutes nos détresses, pour nous rendre capables de réconforter tous ceux qui sont en détresse, par le réconfort par lequel Dieu nous réconforte nous-mêmes. 

5 De même, en effet, que les souffrances du Christ abondent pour nous, de même, par le Christ, abonde aussi notre réconfort. 

6 Sommes-nous en difficulté ? C’est pour votre réconfort et votre salut. Sommes-nous réconfortés ? C’est pour votre réconfort qui vous fait supporter les mêmes souffrances que nous endurons nous aussi. 

7 Et notre espérance à votre égard est ferme ; nous savons que, partageant nos souffrances, vous partagez aussi notre réconfort.

          Vivre le réconfort de Dieu     

Ici, le mot-clef, c’est réconfort ! Paul ne saurait être plus clair ! Dès l’ouverture de sa lettre, qui commence comme c’est l’usage, avec une prière de remerciement envers Dieu, Paul insiste sur le réconfort que Dieu accorde.

Et ce réconfort, Paul l’a reçu dans toutes sortes de détresses. On pense bien sûr à l’opposition rencontrée pour annoncer le message du Christ : le mépris, les calomnies, les arrestations, les emprisonnements, les sévices physiques, mais aussi les trahisons de certains collaborateurs, les conflits, les accidents sur son parcours (p. ex. le naufrage à Malte en route vers Rome), la pauvreté quand il a manqué de soutien financier pour la mission… Tout cela prend du sens parce qu’il le fait pour que d’autres puissent découvrir l’amour du Christ. Au-delà même, on sait que Paul a eu des problèmes de santé ou a souffert de voir ses collaborateurs malades : pas besoin d’être missionnaire pour vivre ce genre d’épreuves !

Dans toutes ces détresses, plus ou moins liées à sa mission de prédicateur, Paul reconnaît le parallèle avec ce que le Christ a souffert lui-même, jusque dans la mort. Ces détresses ne sont pas un échec dans la mission, mais le chemin qui se trace dans un monde abîmé, souffrant et violent : le Christ a plongé la tête la première dans cette détresse, pour ressortir, de l’autre côté, vivant, ressuscité, porteur d’espoir. Le Christ n’est pas passé directement au triomphe, mais il enduré la mort sur la croix avant de revenir à la vie.

Dans cette proximité avec le Christ, Paul reçoit le réconfort de Dieu. A partir de l’original (paraklèsis en grec), on pourrait dire réconfort, encouragement, consolation. C’est le soutien de quelqu’un qui vient à nos côtés pour nous relever. Il y a à la fois une présence attentive, qui fait qu’on n’est plus seul à traverser la difficulté, et un courage renouvelé, comme un tonus ou un ressort qui permet de se relever pour avancer. Et ça, Paul l’expérimente avec Dieu.

Si on glane dans ses lettres, on comprend que parfois Dieu a parlé directement pour l’éclairer ou le rassurer : nous aussi, Dieu peut nous parler par des versets, des paroles d’autrui bien inspirées, des images, ou simplement une idée qui nous percute. Dans d’autres cas, Dieu intervient dans une situation et montre ainsi qu’il est bien présent : combien c’est motivant pour nous de le voir à l’œuvre ! Et puis, parfois, c’est un simple sentiment, diffus : la paix, la sensation d’être protégé ou aimé ou porté…

Pour Paul, les difficultés de vie ne sont donc pas une preuve d’échec (sinon le Christ a échoué aussi !) mais l’occasion de découvrir une nouvelle facette de la miséricorde de Dieu, de son amour. On le dit de nos amis : c’est dans la difficulté, la pauvreté, qu’on découvre ses vrais amis. Et si vos proches se sont montrés fidèles dans le malheur, vous avez tissé des liens uniques, forts, qui vous tiennent encore par la suite. L’épreuve de vie est terrible, mais Dieu s’y révèle comme un véritable ami, en nous apportant un réconfort qu’on n’aurait jamais pu connaître dans le bonheur, parce qu’on n’en avait pas besoin.  Pour le dire autrement, c’est quand on a les mains vides qu’on peut recevoir de nouvelles grâces…

Remarquez que Paul ne se demande pas « pourquoi » il passe par les détresses, mais qu’il se concentre sur « pour quoi ». Il n’est pas focalisé sur la cause, dans le passé, mais sur l’impact de ce qu’il vit, dans l’avenir. Sans justifier les horreurs vécues (à aucun moment il ne minimise la souffrance endurée ou la responsabilité de ses tortionnaires), mais de façon pragmatique, il cherche le bien qui pourrait en sortir malgré tout : ce qu’il peut recevoir de la part de Dieu et ce qu’il peut partager à son tour.

Il y a une béatitude qui ne vient pas de la Bible mais qui colle bien avec l’idée de Paul : « Heureux les fêlés car ils laisseront passer la lumière » (Michel Audiard). Lorsqu’on voit nos propres fêlures, ce qui a été brisé en nous, les séquelles de nos épreuves, on peut se lamenter de notre faiblesse ou de notre souffrance, mais Paul a expérimenté que c’est dans la faiblesse qu’il a reçu la force de Dieu (2 Co 12.10 c’est quand je suis faible que je suis fort). Et cette force, il la rappelle à d’autres.

Témoigner de la lumière de Dieu en partageant son réconfort

Alors, avec qui partager ce réconfort, et comment ?

Déjà, avec ceux qui partagent notre foi, comme Paul avec les chrétiens de Corinthe. Nous pouvons témoigner du réconfort en Christ à ceux qui marchent (et souffrent) avec le Christ.

Est-ce si simple ? Pour celui qui a besoin de réconfort comme pour celui qui réconforte, il faut assumer sa vulnérabilité, accepter de briser l’image lisse qu’on renvoie pour dévoiler ce qui nous a brisés ou montrer nos cicatrices. Et cela exige de se connaître et de se faire confiance. Se dire bonjour le dimanche matin ne suffit pas ! Il faut une relation assez intime pour se dévoiler. Alors pas besoin d’être intime avec tous – c’est impossible – mais avoir une ou deux personnes avec qui on peut parler de ce que l’on vit, de ce qui nous met mal à l’aise, et chercher ensemble le réconfort de Dieu. Pour connaître ne serait-ce qu’une ou deux personnes, il faut s’engager un minimum, rester un peu à la fin du culte, rester à un repas, participer à une activité, rejoindre un groupe : pas pour faire plaisir au pasteur ! Mais pour rencontrer d’autres avec qui on pourra échanger, recevoir et donner le réconfort de Dieu.

Rappelons-le, sur le terrain de l’encouragement, l’humilité est indispensable. Aucun parcours n’est le même, Dieu a mille façons de réconforter, et on ne peut pas/ on ne doit pas ! imaginer que ce qui nous a consolés est la recette qui vaut pour tous. Mais avec tact et humilité, on peut toujours écouter (déjà ça c’est énorme ! le nombre de fois où l’on se dévoile et l’autre panique, renvoie une réponse maladroite pour couper court au malaise, et s’en va ! rien que d’être entendu et d’avoir l’impression de ne pas porter seul ce fardeau, c’est énorme !) donc écouter, chercher à comprendre, chercher à soutenir, et rappeler que Dieu est fidèle et fiable. Et, comme un exemple de réconfort reçu, évoquer, si l’autre est réceptif, notre expérience particulière.

Faut-il s’arrêter au cercle chrétien ? Je ne crois pas. Tout le monde passe par des difficultés, tous ont besoin d’encouragement. Notre société est en manque terrible de consolation : bien des ados sont en détresse, bien des employés souffrent du surmenage, sans parler des situations de trauma, isolement, harcèlement, dépression, angoisse… Christophe André, un psychiatre plein de bon sens, a publié cette année un livre consacré à la consolation et ça fait un tabac, parce qu’un grand nombre en a terriblement besoin !

Dans notre façon de parler avec notre entourage, nous pouvons témoigner du réconfort que Dieu nous apporte. Le témoignage ce n’est pas que parler de sa conversion ! On peut évoquer simplement l’effet de la présence de Dieu dans telle ou telle situation, la réalité de son amour, la force de l’espérance qu’il nous donne. Ca demande un effort pour se dévoiler, surtout si on est pudique comme moi, mais ça peut être un petit lien, une petite ouverture, pour montrer la présence de ce Dieu qui nous réconforte.

Et avec nos paroles, par nos actes, nous pouvons puiser au réconfort reçu pour encourager les autres. Montrer de la patience à un collègue débutant, envoyer un mail ou dire un petit mot d’appréciation à une chef de service qui gère surtout les problèmes, proposer à un voisin éprouvé d’aller boire un café (ou une bière), etc.

Alors pour certains, c’est plus naturel, mais peu importe d’où on part, tous, quel que soit notre âge, notre état de santé, notre niveau de vie ou nos capacités intellectuelles, tous nous pouvons encourager, au nom du réconfort et de l’espérance que Dieu nous offre en Christ, au nom de son amour qui nous rejoint pour ne plus nous lâcher. Si nous avons expérimenté l’amour et l’encouragement de Dieu en Christ, même si c’est juste une toute petite flamme, nous avons un trésor à partager ! A Noël, on court partout pour les cadeaux, mais l’encouragement, c’est un cadeau inestimable !

Au début, je posais la question de la vie dans l’entre-deux, dans la nuit qui précède le jour. La lumière de Dieu nous rejoint, à travers le Christ. Aujourd’hui, il allume des petites bougies dans ce que nous traversons : alors qu’il nous aide à partager cette lumière, que rien ne peut épuiser !