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Elie au palais d’Achab : un Dieu juste (Elie 4/4)

Depuis début juillet, nous suivons le prophète Elie… croyant fidèle à une époque où le gouvernement entraîne le peuple loin de Dieu, il s’insurge contre le roi Achab, un peu plus de 800 ans avant J.-C. Elie veut montrer que les idoles, ces dieux de substitution, sont impuissantes et inutiles. Plus que ça, par Elie, Dieu va faire des miracles impressionnants, pour montrer à tous qu’il est Dieu et qu’on peut lui faire confiance.

Pour terminer notre série sur Elie, je vous invite à aborder un autre épisode – ce n’est pas la mort d’Elie ! – où Elie et Achab croisent le fer une dernière fois. Depuis le début de la série, Elie et Achab sont face à face, parfois dans l’opposition, parfois dans la même direction (en tout cas, c’est ce que croyait le prophète). Et dans le texte d’aujourd’hui, c’est Achab qui passe au premier plan. Au niveau du contexte, depuis que nous l’avons laissé, Achab a remporté des victoires militaires importantes, qui l’ont galvanisé.

Lecture biblique: 1 Rois 21.1-16

1 Après ces événements, voici ce qui arriva : Il y avait à Jizréel un homme appelé Naboth ; il possédait dans cette ville une vigne, tout près d’un palais appartenant à Achab, roi de Samarie. 

2 Un jour, Achab dit à Naboth : « Cède-moi ta vigne, pour que je m’en fasse un jardin potager, puisqu’elle est juste à côté de mon palais ; en échange, je te donnerai une vigne meilleure, ou si tu préfères, je t’en payerai le prix. » 

3Mais Naboth lui répondit : « Je n’ai pas le droit devant le Seigneur de te céder la vigne que j’ai héritée de mes ancêtres ! »

4Achab s’en retourna chez lui, amer et furieux à cause de cette réponse de Naboth : « Je ne te céderai pas ce que j’ai hérité de mes ancêtres. » Il se coucha sur son lit, se tourna contre le mur et ne voulut plus rien manger. 

5Sa femme Jézabel vint le trouver et lui demanda : « Pourquoi es-tu de mauvaise humeur ? Pourquoi ne veux-tu rien manger ? » – 

6« J’ai parlé à Naboth, de Jizréel, répondit-il ; je lui ai dit : “Cède-moi ta vigne contre de l’argent, ou si tu préfères, je te donnerai une autre vigne en échange”, mais il m’a répondu : “Je ne te céderai pas ma vigne.” » 

7Jézabel lui dit alors : « Vraiment, tu oublies que tu es le roi d’Israël ! Relève-toi ! Mange et réjouis-toi ! C’est moi qui te donnerai la vigne de Naboth, de Jizréel. »

8Elle écrivit des lettres au nom du roi Achab, elle les marqua avec le cachet royal, et elle les fit porter aux anciens et aux autorités de la ville où habitait Naboth. 

9Dans ces lettres, elle avait écrit ceci : « Convoquez la population à une cérémonie de jeûne, et demandez à Naboth de présider cette assemblée. 

10En face de lui, placez deux vauriens, qui l’accuseront d’avoir maudit Dieu et le roi. Ensuite conduisez-le hors de la ville, et qu’on lui jette des pierres jusqu’à ce qu’il meure ! »

11Les anciens et les autorités de la ville de Naboth firent ce que Jézabel leur avait ordonné dans ses lettres. 

12Ils convoquèrent la population à une cérémonie de jeûne et ils demandèrent à Naboth de présider cette assemblée. 

13Les deux vauriens vinrent se placer en face de Naboth et ils se mirent à l’accuser devant tout le monde en disant : « Naboth a maudit Dieu et le roi ! »

On le conduisit hors de la ville, et on lui jeta des pierres jusqu’à ce qu’il meure. 

14On envoya un messager informer Jézabel que Naboth avait été exécuté et qu’il était mort. 

15Lorsque Jézabel apprit cela, elle dit à Achab : « Va prendre possession de la vigne que Naboth, de Jizréel, refusait de te vendre : il est mort ! » 

16À cette nouvelle, Achab se rendit à la vigne de Naboth et il en prit possession.

« Alors là, c’est le monde à l’envers ! » Combien de fois avons-nous entendu cette phrase ? Combien de fois l’avons-nous prononcée ? Devant tant de scandales quotidiens, on se demande parfois s’il y a une justice en ce bas monde ! Indignés et impuissants, nous cherchons pourquoi tant d’hommes sont méprisés, oubliés, bafoués… et nous levons les yeux au ciel, dans l’attente que Dieu fasse enfin cesser les crimes que certains commettent sans scrupules…

Au sein d’une société décalée, pétrie d’inégalité et de violence, nos propres vies sont marquées par cette injustice. Tour à tour Naboth et Achab, l’injustice que nous subissons nous entraîne dans un cercle qui nous éloigne peu à peu de Dieu et de la justice, quand pour diverses raisons je défends mes propres intérêts, devenant sourd et aveugle à ceux qui m’entourent. Parce que l’inégalité et le mépris se cachent parfois dans la complexité de nos vies, l’histoire d’Achab et Naboth, cette histoire d’un autre temps, nous met en face de ce monde renversé et nous donne aussi la réponse de Dieu.

Commentaire sur l’épisode

Revenons d’un peu plus près à cette sombre histoire, où l’on nous décrit comment le roi Achab a obtenu le jardin qu’il désirait tant. Ce roi qui possède déjà plusieurs palais, ce roi en veut encore… Le nœud de l’intrigue vient du propriétaire de la vigne, Naboth, qui ose refuser la proposition, pourtant honnête, du roi. Naboth connait en effet la loi de Dieu, qui interdit de transmettre son patrimoine à quelqu’un d’une autre tribu, parce que chaque tribu d’Israël a son propre territoire, comme l’indique le livre des Nombres. Ce n’est pas que Naboth se cramponne à son terrain, mais il respecte la loi donnée par le Seigneur, ce qui suffit à le faire passer pour un original, en ces temps troublés où l’idolâtrie règne sur Israël depuis plusieurs générations.

Le refus de Naboth jette Achab dans la déprime. Devant cette crise, sa femme, la reine Jézabel, décide de prendre les choses en main pour résoudre la crise. Aucun scrupule ne l’arrête quand elle choisit purement et simplement d’éliminer Naboth. Elle va jusqu’à prendre l’autorité du roi pour créer un complot : en utilisant le tampon d’authenticité royale, le sceau, elle envoie de fausses lettres, et commande d’organiser un faux procès où Naboth sera faussement accusé de blasphème, ce qui lui vaudra la peine de mort. Aucun membre du gouvernement local ne réagit et tous sans exception rentrent dans cette mascarade, cette justice en trompe-l’œil. Quant au chef d’accusation, il est aussi bancal que le procès : le blasphème concerne Dieu, bien sûr, et le roi, ce qui est une nouveauté… une nouveauté qui en dit long sur l’état d’esprit de Jézabel : fille d’un roi syrien, fervente adoratrice de Baal, elle considère que le roi possède l’autorité suprême. C’est pour cela qu’elle ne comprend pas la réaction d’Achab au v. 7 : le roi a tous pouvoirs, il est au-dessus de tous : oser lui dire non, c’est un crime ! car le roi a tous les droits…

L’auteur biblique braque les projecteurs sur Achab, le roi capricieux, déprimé sur son lit. Il boude et rumine le refus de Naboth, qui revient déjà trois fois dans notre récit. Lui, le roi, a perdu goût à la vie, il est en deuil parce qu’il ne pourra pas agrandir son jardin.

Alors on hésite entre stupéfaction et indignation devant cet enfant gâté qui se laisserait presque mourir parce qu’on lui a dit NON. Et la réaction du roi nous montre que l’enjeu dépasse le simple problème de la convoitise. Bien sûr, nous savons tous que la convoitise cause en elle-même d’énormes dégâts, lorsque toute la saveur de la vie dépend de ce qu’on a ou de ce qu’on fait, de ce qu’on montre – c’est un engrenage dans le « toujours plus ». Derrière la convoitise, l’auteur biblique met aussi en valeur l’égoïsme du roi, qui ne tolère pas la résistance, qui veut qu’on lui obéisse coûte que coûte, quitte à écraser les autres.

Que nous soyons du côté des coupables ou des victimes, d’ailleurs cela varie selon les situations, nous nous demandons souvent ce que Dieu fait. Est-il seulement au courant de nos malheurs, de la crise que je traverse, que la société traverse, est-il au courant des aberrations d’un monde qui ne tourne plus rond ?…

je vais maintenant lire la suite du texte, qui rapporte l’oracle du prophète Elie, c’est-à-dire la réponse que Dieu vient donner à cette situation.

Lecture 1 Rois 21.17-29

17Alors la parole du Seigneur fut adressée au prophète Élie, de Tichebé : 

18« Rends-toi auprès d’Achab, le roi d’Israël qui réside à Samarie, lui dit-il. Il se trouve dans la vigne de Naboth, où il est allé pour en prendre possession. 

19Va lui dire : Voici ce que déclare le Seigneur : “Ainsi, tu as assassiné quelqu’un, et tu viens maintenant prendre possession de ses biens !” Puis tu ajouteras : Voici ce que déclare encore le Seigneur : “À l’endroit même où les chiens ont léché le sang de Naboth, les chiens lécheront aussi ton propre sang !” »

20Élie alla porter ce message à Achab, qui lui dit : « Eh bien, mon ennemi, tu m’as retrouvé ! » – « Oui, je t’ai retrouvé, dit Élie. Et puisque tu consacres ton énergie à faire ce qui est mal aux yeux du Seigneur, 

21voici ce qu’il déclare : “Je vais envoyer le malheur sur toi ; je te ferai disparaître, j’exterminerai d’Israël tous les hommes de ta parenté, sans exception. 

22Je traiterai ta famille comme j’ai traité celle de Jéroboam, fils de Nebath, et celle de Bacha, fils d’Ahia, parce que tu m’as grandement offensé, et que tu as poussé le peuple d’Israël à pécher.” 

23Et, ajouta Élie, le Seigneur a aussi parlé contre Jézabel en déclarant : “Les chiens dévoreront Jézabel au pied de la muraille de Jizréel.” 

24De plus, roi Achab, tout membre de ta famille qui mourra dans la ville sera dévoré par les chiens, et celui qui mourra dans la campagne sera déchiqueté par les vautours. »

25On n’a certainement jamais vu personne consacrer autant d’énergie que le roi Achab à faire ce qui est mal aux yeux du Seigneur ; c’est qu’il y était poussé par sa femme Jézabel. 

26Il a agi d’une façon particulièrement abominable lorsqu’il adorait des idoles, tout comme les Amorites que le Seigneur avait chassés pour faire place au peuple d’Israël.

27Lorsque le roi Achab eut entendu le message du Seigneur, il déchira ses vêtements, en portant une étoffe grossière directement sur la peau et en jeûnant ; il gardait sur lui cette étoffe grossière même pour dormir, et il marchait à pas lents. 

28La parole du Seigneur fut adressée à Élie, de Tichebé : 

29« Regarde comment Achab s’est humilié devant moi, dit-il. Dans ces conditions, je n’enverrai pas le malheur sur sa famille pendant son règne, mais pendant celui de son fils.»

Dans un premier temps, la parole de Dieu met Achab en face de ses responsabilités. C’est Achab qui a tué Naboth, c’est lui qui a volé sa vigne, il ne pourra pas se cacher derrière Jézabel. Car même si c’est Jézabel qui a organisé le complot, c’est Achab, le roi, c’est lui qui porte la responsabilité de ce qui se fait sous son autorité. Sa passivité dans le complot renforcerait même sa culpabilité, d’autant qu’Achab sait pertinemment que Naboth est mort lorsqu’il prend possession de la vigne. Au verset 26, le narrateur nous rappelle l’origine de ces crimes : tout a commencé le jour où Achab a épousé une païenne, qui servait d’autres dieux, alors que le Seigneur, le Dieu unique, réclame l’exclusivité. En s’alliant intimement avec une païenne, en l’associant à son règne, il a commencé à s’écarter du chemin de la relation avec Dieu, à choisir d’autres dieux pour gouverner sa vie – comme les Amorites, comme les païens qui habitaient Canaan avant l’arrivée du peuple d’Israel, ces peuples dont les pratiques dégoûtaient Dieu au point qu’il avait fini par sévir.

Achab a adoré Baal, le dieu de Jézabel, mais aussi des idoles sans statue : la réussite politique, que permettait l’alliance avec le roi syrien, la réussite avec son luxe et son pouvoir, la réputation d’être un grand roi. Ces désirs de femme, d’autorité, de terres l’ont conduit Achab à violer les règles de base que Dieu avait données. Il s’est pris pour le seul maître, et en a oublié les autres : Dieu… et son prochain. Le prophète démasque les vraies racines du scandale : il y a un lien étroit entre idolâtrie et crimes sociaux. Oublier Dieu conduit à oublier les autres.

Le meurtre de Naboth représente l’apogée des crimes d’Achab, qui laisse tout pouvoir à une païenne, pour commettre un assassinat à cause d’un caprice. Ce méfait déclenche la condamnation, symétrique au mal commis. La mort de Naboth conduira à la mort de son assassin, avec une correspondance exacte. Jézabel reçoit aussi le châtiment qu’elle mérite pour avoir organisé le complot. Par ailleurs, Achab a oublié d’où il tirait son pouvoir comme il a oublié son rôle : se prenant pour son propre maître, il opprime le peuple au lieu d’en prendre soin. Dieu enlève donc à Achab et à sa famille le pouvoir de régner, puisqu’ils n’en ont pas été dignes. La justice existe, que nous l’attendions avec soulagement ou que nous la craignions. La justice existe, et Dieu y veille.

À l’annonce de ces châtiments, Achab prend le deuil. Même s’il lui ressemble, ce n’est plus le deuil capricieux que nous avons vu tout à l’heure : c’est la prise de conscience d’une vie menée de travers. Et devant sa repentance, Dieu maintient le châtiment, car justice doit être faite, mais il fait grâce à Achab en atténuant sa peine. Cela paraît dur par rapport à son fils, qui écope de la peine, mais en réalité il était déjà concerné (puisque la dynastie allait disparaître) et puis, de lui-même, il ne fera pas mieux que son père, et il méritera amplement la peine encourue.

Dans notre histoire, Achab avait un but : posséder un jardin de plus. Quand Dieu prend la parole, nous découvrons qu’Il a deux mobiles : réparer le mal commis et redresser le coupable. La grâce finale – qui n’est pas une amnistie – montre que le Dieu juge est aussi un Dieu d’amour, qui se préoccupe des victimes et des coupables.

Quelques enseignements pour aujourd’hui

À travers ce récit des crimes d’Achab, la Bible met l’accent sur 3 éléments qui gardent toute leur actualité.

D’abord, le meurtre de Naboth met en évidence le renversement qui dirige la vie d’Achab : loin de protéger son peuple, il l’opprime pour satisfaire ses envies. L’égoïsme et l’orgueil l’ont conduit à négliger la volonté de Dieu, son rôle et le respect de l’autre. Notre monde, aussi marqué par le mal et le rejet de Dieu, vit dans le même renversement, qui se cristallise souvent autour des questions de possession. La jalousie, l’orgueil et la consommation effrénée prennent souvent le pas dans nos vies, quand des familles se déchirent pour un héritage, quand la vie d’un enfant dépend de son utilité sociale ou quand des problèmes réels et urgents suscitent des solutions cyniques (mais rentables !) (les questions d’environnement sont évidemment en plein dans ces dysfonctionnements).

Ensuite, bien avant la Déclaration des droits de l’homme, le châtiment d’Achab rétablit l’égalité de tous les êtres humains. La place de roi ne donne pas tous les droits. Dieu accorde la même valeur au chef du peuple et au citoyen lambda, et oserais-je sortir du contexte des Rois pour dire que la même valeur est accordée au riche et au pauvre, au bien-portant comme au malade, au citoyen comme au sans-papier… la liste est longue, car Dieu considère chaque individu qu’il a créé, comme précieux, et le châtiment d’Achab nous encourage à croire avec assurance que Dieu est présent et qu’Il veille avec justice, même si nous n’en sommes pas toujours conscients.

Le dernier élément que j’aimerais souligner ce matin, c’est la grâce que Dieu offre aux coupables. Quelle que soit la distance que nous avons parcourue loin de Lui, petite ou grande, il est toujours possible de reconnaître que nous vivons de travers, il est toujours possible de revenir vers Lui, avec humilité. Le Seigneur lui-même nous assure qu’il n’y a pas de point de non-retour qui nous empêcherait de revenir auprès de Lui.

Conclusion

En somme, l’histoire d’Achab et Naboth avec les principes qui en ressortent : le renversement qui déforme notre existence, l’égalité de toute vie et la nécessité de la justice, et puis la grâce qui accueille le pécheur repentant, ces principes annoncent en creux la venue d’un autre roi, quelques siècles plus tard. À la différence d’Achab, ce roi qui tue pour prendre, Dieu le Fils, Jésus-Christ, a subi le châtiment de la mort, à notre place, pour donner la vie et réconcilier Dieu avec nous. Il est mort pour donner. Justice est faite.

Bien plus, par sa résurrection et le don du Saint-Esprit, Jésus nous offre la possibilité de recommencer à vivre à l’endroit. Ferions-nous comme Achab, ce roi à la mémoire courte, qui trois ans après notre épisode se détourne à nouveau de Dieu ? Ou tenterons-nous plutôt de relever le défi : vivre chaque jour un peu plus à l’endroit, suivre l’exemple de ce Dieu qui nous a pardonné et, avec l’aide du Saint-Esprit, apprendre à aimer comme lui nous a aimés ? Que Dieu nous fasse la grâce de témoigner dans nos vies de sa justice et de son amour.

Elie au mont Horeb: un Dieu bienveillant (Elie 3/4)

Remarque préliminaire: cette prédication a été composée sous forme de récit, du point de vue du messager de Dieu qui s’approche d’Elie.

Le texte biblique de référence est celui-ci: 1 Rois 19.1-18

Certains disent que je suis un ange… C’est une façon de voir! En fait, je fais simplement partie des messagers de Dieu. Mais pas comme les prophètes : je ne suis pas humain.

Comme d’autres messagers que vous connaissez peut-être (Michel ou Gabriel), j’ai été créé il y a très très longtemps, et les règles qui s’appliquent aux créatures terrestres ne me concernent pas : le temps, l’espace, la fatigue, je ne connais pas. Par contre, je sais beaucoup plus de choses que les humains : seul Dieu connaît toute chose, c’est vrai, mais disons que nous, les « anges », nous avons une vision panoramique des situations.

En tant que messager angélique, une de mes fonctions principales c’est de transmettre à d’autres créatures une parole, une vision, tout ce que Dieu m’envoie partager. Depuis le temps, je suis apparu à bien des personnes : aux patriarches du peuple d’Israël aussi bien qu’à des personnes en détresse – je vais là où Dieu m’envoie, comme un ambassadeur. Vous comprenez, Dieu est trop grand pour paraître devant ses créatures terrestres tel quel, sans filtre, dans toute sa gloire. Alors il nous envoie à sa place, mes collègues et moi.

Mais ce matin, je ne veux pas vous parler de moi. J’aimerais plutôt vous raconter la fois où Dieu m’a envoyé vers son prophète, Elie.

 

Quand je l’ai trouvé, c’était dans la steppe, tout au sud, au-delà des frontières d’Israël. Elie ressemblait à un homme comme celui-ci : il avançait doucement, les épaules basses, la tête courbée, comme s’il portait tout le malheur du monde sur son dos. Elie avait laissé son serviteur à Beershéba, la dernière ville habitée au sud d’Israël : tout seul, il entrait maintenant en territoire inconnu, non civilisé, un genre de zone de non-droit.

Vous vous demandez peut-être ce qu’il faisait là ? Aux dernières nouvelles, Elie avait remporté la victoire contre les prophètes païens dirigés par la perfide reine Jézabel ; sur le mont Carmel, il avait prouvé à tous – au peuple, au roi Achab… – que seul Dieu, Yahweh, est Dieu, et qu’il est le seul dieu digne d’être suivi et honoré. Elie était reparti en courant devant Achab, porté par un nouvel élan, l’espoir d’une nouvelle étape et d’un renouveau spirituel profond pour le peuple de Dieu.

Mais… Achab l’a trahi. Il a raconté tout ce qui s’était passé à sa femme Jézabel, qui a menacé Elie de le tuer dans la journée, puisqu’il avait fait éliminer les prophètes de sa religion à elle. Ce n’est pas la première fois que Jézabel veut faire tuer des prophètes de Dieu, Yahweh… Mais là, Achab a retourné sa veste, c’en est la preuve. Elie, voyant cela, est parti.

Elie s’assoit. Sous un genêt, en pleine chaleur. Le découragement pèse sur lui comme une canicule. J’aimerais savoir ce qu’il pense, mais je ne suis pas Dieu. Au bout d’un moment, Elie lève les yeux au ciel et s’adresse à Dieu : « Maintenant, Seigneur, j’en ai assez ! Reprends ma vie, je veux… Je veux mourir… » Il dit ça au Créateur ! Au Dieu vivant qui aime faire vivre ! Il ne s’agit pas de la simple baisse d’adrénaline que beaucoup expérimentent après un moment euphorique comme ce qui s’est passé au Carmel… Je sens qu’Elie est profondément dégoûté, dégoûté de la vie, désespéré devant le manque de résultats malgré l’énergie déployée.

Mais Elie n’a pas fini : « Reprends ma vie, car je ne suis pas meilleur que les prophètes qui m’ont précédé : j’y ai cru, j’ai cru que j’allais pouvoir faire revenir le peuple et le roi vers toi, mais leur obstination dans la rébellion est plus forte que mon zèle… non, je n’ai plus rien à faire ici, reprends ma vie ! »

Il se couche et s’endort, prêt à mourir.

 

 

Je m’approche de lui, je m’accroupis et, doucement, je touche son épaule : « Elie, Elie, réveille-toi ! Mange ! » A côté de lui sont apparus une cruche d’eau et des pierres chaudes sur lesquelles reposent des galettes : un pain primitif mais nourrissant. Elie ouvre les yeux, voit l’eau et le pain. Il se redresse, péniblement, lentement – quel contraste avec son énergie du Carmel ! Du bout des lèvres, il grignote une demi-galette, boit deux gorgées d’eau, et sans dire un mot, il se recouche, me tourne le dos et se rendort. Son visage n’a montré aucune surprise devant mon apparition ou celle de la nourriture : cet homme habitué aux miracles semble maintenant vide, sans élan ni vitalité. Il est complètement à plat. Son désespoir l’a rendu moribond.

Je sais que Dieu veut le convoquer au mont Horeb, l’autre nom du mont Sinaï, là où il est apparu au grand prophète Moïse, là où il a fait alliance avec son peuple après leur sortie d’Egypte. Mais Elie n’a pas l’air en état de se mettre en route… Je le contourne, je m’accroupis à nouveau et secoue son épaule : « Elie, Elie, mange et bois, car la route qui t’attend est longue ! » Il se réveille. Je le soutiens pour qu’il se relève, et j’insiste, malgré ses réticences, pour qu’il mange tout ce qu’il y a. Je sais qu’au-delà de ce pain et de cette eau, Dieu veut rassasier et désaltérer Elie pour le sortir de son désespoir.

Une fois le repas terminé, Elie semble en effet un peu requinqué. Pas vraiment débordant de vie, non, mais prêt à reprendre la route. Il se lève, et reprend sa marche vers le sud… Ma partie est finie. Au cas où, tout en restant invisible, je le suis sur sa route.

 

 

 

Il marche 40 jours, 40 nuits. Cela me fait penser aux quarante ans qu’Israel a passés dans le désert avant d’entrer dans le Pays Promis. Elie avance d’un pas régulier, machinalement, sans s’arrêter : le pain miraculeux l’a visiblement fortifié !

La montagne du Sinaï se dresse au loin. Elie s’avance, sans faiblir. Au bout de quelques jours, il finit par arriver, au crépuscule ; il grimpe jusqu’à une cavité dans laquelle il s’installe pour la nuit.

Au petit matin, une voix se fait entendre, comme un filet d’eau qui ruisselle sur le mur : « que fais-tu là, Elie ? »

Evidemment, c’est Dieu qui vient de parler ! Mais pourquoi pose-t-il la question, alors qu’il sait tout ? On dirait qu’il invite Elie à s’exprimer, à se décharger de son fardeau, à vider son sac…

Elie se redresse : « Oh, Seigneur, toi le Dieu de l’Univers… Comme toi, j’ai été rempli de passion, plein jusqu’à craquer de zèle pour te défendre ! Je ne supporte plus le comportement de ton peuple… Eux, ils ont rompu ton alliance, ils ont démoli tes autels, ils ont tué tes prophètes par l’épée. Et moi, moi, je suis resté tout seul… je me suis dressé contre leur impiété, pour les ramener à toi. Avec ton aide, j’ai fait des miracles… Je leur ai montré que tu es Dieu ! Et voilà, maintenant, ils veulent me tuer ! Pfff… Tout cela n’a servi à rien ! »

Elie est visiblement amer, déçu. Mais je ne sais pas ce qui le bouscule le plus : que le roi n’ait pas défendu Elie face à Jézabel ? Qu’il ait si vite renoncé à sa foi en Yahweh malgré le miracle spectaculaire au mont Carmel ? Ou que malgré tout ce qu’Elie a fait pour Dieu, tous les dangers encourus depuis 3 ans, Dieu n’ait pas assuré la suite ?

Je me demande comment Dieu va réagir. Dieu prend la parole, mais il répond à côté : « Elie, sors de la caverne, tiens-toi devant, car moi, le Seigneur, je vais passer devant toi. » Ha c’est comme avec Moïse ! A l’époque, Dieu avait dû cacher Moïse pour que sa présence glorieuse ne consume pas le prophète… Elie en a, de la chance : peu d’humains ont eu ce privilège… !

A ce moment-là, le vent se lève… un vent de tempête, à déraciner les arbres, un cyclone qui déchire la pierre sur son passage et décolle les rochers. Si Elie sortait maintenant, il serait emporté par ce tourbillon ! Ce vent, il dit bien la force de notre Dieu, insaisissable, libre, invisible mais tout-puissant.

Mais Dieu n’est pas dans le vent. Et le cyclone s’évapore.

Je sens alors un grondement, une vibration dans le sol : la terre tremble, se fend, tout bascule… Un être humain aurait bien du mal à tenir debout ! Face à notre Dieu, créateur du ciel et de la terre, tout tremble, même le plus minéral des sols. Lui seul est le fondement éternel sur lequel on peut s’appuyer.

Mais Dieu n’est pas dans le tremblement de terre. Et le grondement s’arrête.

Je ne comprends pas… pourquoi Dieu n’est-il pas dans ces manifestations spectaculaires qui rappellent tant sa force et sa gloire ?

Soudain, la roche devant la caverne s’embrase, et un grand feu jaillit. Comme le feu du mont Carmel, comme le feu qui appela Moïse dans le buisson ardent… Là, c’est sûr, Dieu est là ! Lumière, chaleur, pureté, objet de fascination et de crainte… Le feu nous parle si bien de Dieu !

Mais Dieu n’est pas dans le feu. Et la flamme s’éteint.

(respiration) Là, dans le silence et le vide, un murmure, un petit souffle ténu, même pas, comme la respiration d’un nourrisson qui dort. Elie comprend et il sort, en se cachant le visage devant Dieu : là, dans cette goutte d’air, là se trouve le grand Dieu des galaxies et des atomes. Je suis émerveillé : pourtant, en tant qu’ange, on pourrait croire que Dieu ne me surprend plus… mais si ! Lui, le Dieu si puissant, se révèle avec tant de délicatesse à Elie… Il lui donne ce qu’il peut recevoir, dans son découragement ; il lui donne ce qu’il a besoin de recevoir : après les grands miracles, le souffle de sa présence ordinaire, permanente, invisible et fidèle comme le souffle dans le corps.

Dans ce murmure, comme dans une bulle d’intimité, Dieu repose sa question, comme une invitation à la confidence : « que fais-tu là, Elie ? »

Mais Elie redit la même chose que tout à l’heure, mot pour mot, sur le même ton, obsédé par sa peine et sa déception – l’apparition de Dieu n’a rien changé.

 

 

 

Dieu écoute la plainte d’Elie. Il le laisse terminer. Quand il reprend la parole, ce n’est plus pour échanger, c’est pour le soulager. Il ordonne à Elie de refaire le chemin inverse, jusqu’au Nord d’Israël, pour aller consacrer Hazaël comme roi d’Aram – celui-ci vaincra Achab sur le terrain militaire, et il lui montrera que Dieu n’est plus de son côté. Elie doit aussi consacrer Jéhu comme roi d’Israël : une nouvelle dynastie remplacera celle d’Achab, peut-être un vrai nouveau départ, cette fois ! Et puisqu’Elie n’en peut plus d’être prophète, Dieu lui désigne un héritier : le jeune Elisée.

Elie n’est plus tout seul, il peut passer le flambeau, partager la charge… Il n’a plus tout sur ses épaules. Et puis, Dieu lui a montré qu’il était de son côté, que lui aussi était révolté par l’inconstance et l’ingratitude de son peuple.

Mais Dieu ajoute une remarque qui m’interpelle : il s’est gardé une part du peuple d’Israël, sept mille hommes fidèles qui n’ont jamais cédé devant Baal et qui ont persévéré dans la foi envers Yahweh. Alors qu’Elie se croyait seul, et revendiquait presque son statut de réformateur solitaire, Dieu lui rappelle que lui aussi est à l’œuvre… Qu’il a un plan et qu’il agit au niveau des autorités comme au niveau du peuple… Dans un sens, Elie avait perdu de vue l’œuvre globale de Dieu : tellement pris par son zèle, il avait négligé la foi discrète des autres et le plan global de Dieu. Et cela a ajouté au poids qui l’accablait.

Dieu élargit la vision d’Elie, et ce faisant il lui redonne une place équilibrée – et équilibrante: sa mission est importante, oui, mais tout ne dépend pas de lui – le prophète s’insère dans un plan à long terme que Dieu tient solidement dans sa main.

 

Elie repart.

Cet homme reste pour moi un mystère… Un homme excessif, passionné, provocateur et en même temps dévoué au Seigneur, capable de grandes choses, mais vulnérable à l’épuisement. Cet homme hors du commun, irrévérencieux, indomptable, Dieu l’a pris comme il est, quitte à le réorienter un peu. Quelle grâce… quelle grâce ! Notre Créateur si juste, pur et parfait, vient se mettre à la hauteur de ceux qu’il aime, il s’adapte à leur situation, avec justice et bienveillance. Non, ce n’est pas Elie le mystère, c’est Dieu ! Et j’ai l’éternité pour m’en émerveiller…

Elie au mont Carmel: un Dieu sans égal (Elie 2/4)

Pour la prédication, je vous invite à continuer la série commencée dimanche dernier, sur Elie, le prophète de l’AT qui a vécu environ 850 ans avant J.-C. à une époque où le peuple d’Israël glisse dans l’idolâtrie envers différentes divinités, sous l’influence de son roi Achab et de son épouse païenne Jézabel. Au top du panthéon, on trouve la divinité phénicienne Baal, dieu de l’eau, de la fécondité, de la réussite, et la déesse Ashera, sa femme.

Elie se dresse contre l’idolâtrie et annonce à Achab une sécheresse à durée indéterminée pour prouver que Baal est impuissant, et donc inexistant. Dans la troisième année, Dieu annonce à Elie qu’il va mettre fin à cette sécheresse, mais ça ne va pas se faire dans la discrétion car il y a beaucoup trop d’enjeux. Nous allons lire ensemble le récit de cette fin de sécheresse : le texte est assez long, trop percutant pour être coupé, donc je vais commenter au fur et à mesure, et je soulignerai brièvement deux ou trois pistes de réflexion à la fin.

Elie fait venir à lui le roi Achab.

Lecture biblique : 1 R 18.16-46

16 Achab vint à la rencontre d’Élie, 17 et dès qu’il le vit, il lui dit : « Te voilà, toi qui amènes le malheur sur le peuple d’Israël ! » 

Oui, puisque c’est Elie qui a provoqué la situation en annonçant la sécheresse 3 ans plus tôt.

18 Élie répondit : « Ce n’est pas moi qui ai amené le malheur sur Israël ; c’est toi et ta famille, parce que vous avez refusé d’obéir aux commandements du Seigneur et que vous avez adoré les dieux étrangers. 19 Mais maintenant, envoie des messagers. Qu’ils rassemblent tout le peuple d’Israël autour de moi, sur le mont Carmel, avec les 450 prophètes du dieu Baal et les 400 prophètes de la déesse Achéra, qui sont les protégés de la reine Jézabel. »

20 Achab fit convoquer toutes les tribus d’Israël, de même que les prophètes, sur le mont Carmel. Quand ils furent rassemblés, 21 Élie s’avança devant tout le peuple et dit : « Quand cesserez-vous de sautiller tantôt sur un pied, tantôt sur l’autre ? Ou bien c’est le Seigneur qui est Dieu, alors rendez un culte au Seigneur ! Ou bien c’est Baal qui est le vrai Dieu, alors rendez un culte à Baal ! » Mais personne dans le peuple ne répondit.

Le mont Carmel se situe quasiment à la frontière entre Israël et la Phénicie au Nord (Liban actuel). Symboliquement, c’est le lieu idéal pour confronter le peuple à son idolâtrie. Notez que l’idolâtrie, ce n’est pas forcément exclusif (ou bien ceci, ou bien cela) : le peuple passe de l’un à l’autre, sautille de l’un à l’autre. Il n’a pas complètement abandonné Dieu, mais il incorpore d’autres croyances, il fait sa sauce. Pourquoi c’est de l’idolâtrie ? Parce que Dieu s’engage à 100% avec son peuple, et il attend la réciproque. Dans un autre contexte, prenez une femme mariée : elle vit avec son mari, puis elle prend un amant, tout en continuant de vivre avec son mari – on est d’accord qu’elle le trompe ?! La foi pure, ce n’est pas seulement croire en Dieu, mais lui donner la place qui lui revient, sans compromis.

Le peuple ne répond pas, sûrement un aveu de culpabilité.

Plus que de les inviter à se positionner, Elie veut surtout leur prouver une fois pour toutes que seul Dieu est Dieu, que les autres ne sont que des statues insensibles et impuissantes. Et pour cela, il propose un défi.

22 Élie reprit : « Moi je reste seul comme prophète du Seigneur, tandis que les prophètes de Baal sont au nombre de 450. 23 Donnez-nous deux taureaux : les prophètes de Baal en choisiront un, qu’ils découperont et placeront sur du bois pour l’offrir en sacrifice, mais sans allumer le feu. Je préparerai l’autre, et je le placerai sur du bois, mais je n’allumerai pas non plus le feu. 24 Ils prieront leur dieu, et moi je prierai le Seigneur. Le dieu qui répondra en allumant le feu, c’est lui qui est Dieu ! »

Tout le peuple répondit : « Nous sommes d’accord ! » 

Le défi est simple : chaque camp offre un sacrifice, que son dieu doit consumer – Baal était le dieu de l’eau, mais aussi de l’orage, donc l’idée que la foudre vienne consumer l’offrande est plausible.

Elie est face à 450 + 400 prophètes païens. Il provoque les prophètes de Baal, mais les autres sont là aussi. Seul face à 850 prophètes! Elie est tellement sûr de lui, sûr de Dieu, qu’il n’hésite pas à affronter la foule, s’appuyant sur un principe formulé par Coluche : « C’est pas parce qu’ils sont nombreux à avoir tort qu’ils ont raison ». N’empêche que pour se dresser ainsi contre le nombre, les institutions, le système, il en faut, du courage, et surtout, cette conviction que Dieu en vaut la peine !

Elie est tellement sûr de lui qu’il leur donne l’avantage.

25 Élie dit aux prophètes de Baal : « Choisissez l’un des taureaux et préparez-le, vous les premiers, puisque vous êtes les plus nombreux ; ensuite priez votre dieu, mais n’allumez pas le feu. »

26 Ils prirent le taureau qu’on leur présenta, ils le préparèrent, puis ils prièrent Baal depuis le matin jusqu’à midi : « Baal, réponds-nous ! » disaient-ils, et ils dansaient en sautillant autour de l’autel qu’ils avaient construit ; mais ils ne reçurent pas un mot de réponse. 

27 Vers midi, Élie se moqua d’eux, en disant : « Criez plus fort ! Puisqu’il est un dieu, il est très occupé ; ou bien il a une obligation urgente, ou encore il est en voyage ; peut-être qu’il dort, et il faut le réveiller ! » 

28 Ils crièrent plus fort ; selon leur coutume, ils se blessèrent avec des épées et des lances, jusqu’au sang. 29 Quand midi fut passé, ils appelèrent Baal avec encore plus d’excitation, jusqu’à l’heure où l’on offre le sacrifice de l’après-midi, mais ils ne reçurent aucune réponse : ni un mot ni un signe !

Les prophètes de Baal ont beau avoir le temps, il ne se passe rien. Leur « dieu » ne répond pas. Elie les provoque, et c’est la surenchère, jusqu’à ce que ça devienne vraiment gore. Les entailles, c’était une pratique courante dans la religion de Baal : Baal était censé apporter la vie par l’eau, et ses adorateurs pensaient qu’en période de sécheresse il était mort. Du coup, rituellement, à la fin de la saison sèche, ils se blessaient pour s’identifier à sa mort et « l’aider » à revivre. Le sang qui coulait devait aussi provoquer le ruissellement de l’eau.

Le Dieu de la Bible, lui, interdit ce genre de pratique, non seulement inutile mais aussi moribonde.

C’est au tour d’Elie :

30 Alors Élie invita tout le peuple à s’approcher de lui ; quand ils se furent approchés, Élie se mit à réparer l’autel du Seigneur, qui avait été renversé. 31 Il prit douze pierres, nombre correspondant aux douze tribus des descendants de Jacob – à qui le Seigneur avait déclaré : « Tu t’appelleras désormais Israël ». 32 Avec ces pierres, il reconstruisit l’autel appartenant au Seigneur. Il creusa, tout autour de l’autel, un fossé pouvant contenir une trentaine de litres ; 33 il disposa du bois sur l’autel, puis découpa le taureau et plaça les morceaux sur le bois. 34 Il ordonna ensuite à ceux qui étaient là : « Remplissez quatre cruches d’eau, et versez-les sur le sacrifice et sur le bois. » Ils le firent. Élie reprit : « Faites-le une deuxième fois. » Ils le firent. « Faites-le une troisième fois », ajouta-t-il. Et ils le firent. 35 L’eau coula tout autour de l’autel et remplit même le fossé.

Vous remarquez : Elie s’ajoute une difficulté en versant de l’eau partout. Du côté des symboles : douze pierres, douze cruches versées – c’est comme un renouvellement de l’alliance entre Dieu et son peuple.

36 À l’heure où l’on présente à Dieu le sacrifice de l’après-midi, le prophète Élie s’avança et dit : « Seigneur, Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, montre aujourd’hui que c’est toi qui es Dieu en Israël, que je suis ton serviteur, et que c’est sur ton ordre que j’ai fait tout cela. 

37 Réponds-moi, Seigneur, réponds-moi, afin que ce peuple sache que c’est toi, Seigneur, qui es Dieu, et tu le ramèneras ainsi à sa fidélité d’autrefois ! » 

Un homme, debout. Pas de rituel particulier. Une prière simple, droit au but, centrée sur Dieu et sur le désir de le servir.

38 Le Seigneur fit alors descendre du feu, qui brûla le sacrifice, le bois, les pierres et la poussière, et qui fit évaporer l’eau du fossé.

39 Lorsque les Israélites virent cela, ils s’inclinèrent tous jusqu’à terre, puis ils se dirent : « C’est le Seigneur qui est Dieu ! C’est le Seigneur qui est Dieu ! »

Quel contraste ! Après l’échec cuisant des prophètes de Baal, Dieu révèle la puissance de son feu, de sa présence, de sa force. La victoire de Dieu dans ce défi est éclatante : au foot, ce serait un 12-0 ! Israël ne peut que reconnaître qu’entre les deux camps, aucune comparaison n’est possible : Dieu seul est vivant, fort, digne d’être reconnu et suivi. Le reste, c’est du vent.

40 Élie leur dit : « Saisissez les prophètes de Baal, qu’aucun d’entre eux ne s’échappe ! » Ils les saisirent tous, Élie les fit descendre jusqu’au bord du torrent de Quichon, et là, il les fit égorger.

Conclusion sanglante : le massacre des faux prophètes. Nous aurions sûrement préféré une version moins violente (ramener les prophètes à la frontière p. ex. ou les emprisonner). Elie ne fait pas dans la dentelle, on le voit ici : il est sûrement rempli d’adrénaline, après ce qui vient de se passer. Pour lui, c’est sûrement plus clair d’éliminer visiblement tout souvenir du culte à Baal – même s’il y a des dommages collatéraux. Et puis, n’oublions que Jézabel, la reine païenne, a elle-même voulu massacrer les prophètes juifs, qui ont dû se cacher pour survivre. Sans justifier ce débordement de violence, on sent bien qu’on est dans un environnement où la nuance et la délicatesse n’ont pas trop leur place.

Bon, Dieu a prouvé qu’il est Dieu, mais – et la sécheresse ?

41 Ensuite Élie dit à Achab : « Va manger et boire, car j’entends le bruit de la pluie. »

42 Achab alla manger et boire ; mais Élie se rendit vers le sommet du mont Carmel, où il s’inclina jusqu’à terre, le visage entre les genoux. (pour prier)

43 Il dit à son serviteur : « Monte regarder du côté de la mer. » Le serviteur monta, regarda et revint dire : « Il n’y a rien du tout. » À sept reprises, Élie l’envoya regarder. 

44 La septième fois, le serviteur déclara : « Il y a un petit nuage qui monte de la mer. Il n’est pas plus grand que la main ! » Alors Élie lui ordonna : « Va dire à Achab d’atteler ses chevaux, et de redescendre, avant que la pluie le retienne. »

45 Les cieux devinrent de plus en plus sombres à cause des nuages, le vent se leva, et une forte pluie se mit à tomber, tandis que le roi Achab, sur son char, rentrait à Jizréel. (sûrement  son palais secondaire) 46 Élie attacha sa ceinture pour partir, et, rempli de force par le Seigneur, il courut devant le char d’Achab, jusqu’à l’entrée de Jizréel. (environ 40 km)

Un triomphe pour le prophète Elie

Avec l’épisode du mont Carmel, on est au sommet de la carrière d’Elie, avec cet évènement incroyable, du grand spectacle, beaucoup d’enjeux et d’intensité : c’est comme un point de bascule, il y a un avant et un après, Dieu s’est manifesté sans ambiguïté.

Elie est tellement porté par ce qui vient de se passer, et par la présence de Dieu, qu’il termine la journée sur un marathon. On est vraiment dans la victoire, le triomphe – en contraste total avec les 3 ans où Elie a dû se cacher dans le désert et à l’étranger. Il est sur son petit nuage (ou plutôt un gros !). Tout semble possible, on repart sur de bonnes bases, avec le Seigneur : il pleut, mais l’horizon est lumineux pour Elie et le peuple.

Deux divinités

J’aimerais juste revenir sur l’opposition entre Baal et Dieu. Baal c’est l’idole-type : beaucoup de promesses, tout un système qui soutient la croyance, mais derrière c’est du vent, du non-sens. On trouve autour de nous de telles idoles, soutenues par de la publicité attractive, par un discours bien rodé, et par un système qui en profite (comme les 450 prophètes entretenus par la cour…) : autour de la (sur)consommation, de l’argent, de la sexualité, le business du développement personnel etc. Et en tombant dans le panneau, on est pris dans un engrenage qui exige plus de nous qu’il ne donne.

En face, le Dieu de la Bible, le Dieu d’Israël : réel, attentif (il ne dort pas, lui), puissant – au-delà des mots et des argumentations. Et à la différence des idoles qui nous vident de notre énergie dans une poursuite sans fin, au point qu’on se dégrade et qu’on y perd notre santé, notre âme, Dieu ne demande pas qu’on se sacrifie pour lui. C’est lui qui se sacrifie pour nous, en Christ. C’est lui qui s’identifie à notre mort, sur la Croix, pour que nous puissions recevoir sa vie, sa vie éternelle. Dieu nous montre sa puissance, pas pour nous impressionner, mais pour nous conduire dans sa vitalité.

La nécessité de faire un choix

J’ai dit que Dieu ne nous demande pas de sacrifice. Ce n’est pas tout à fait vrai (mais ce n’est pas faux !). En Christ, il se donne lui-même en sacrifice parfait. Et il nous demande de répondre en lui offrant notre vie en sacrifice – pas un sacrifice sanglant, mais en réalité une offrande, un cadeau : notre reconnaissance, notre amour sincère et pur, notre investissement dans la vie avec lui, sans compromis.

Et cette reconnaissance, cette foi, passe par le rejet des autres croyances, des compromis, des systèmes bien ficelés mais qui reposent sur du vent. Nous sommes souvent comme les Israélites : un peu doubles, à sauter d’un pied sur l’autre, à compter sur Dieu ET… notre force, notre intelligence, nos envies, nos ressources, notre réseau, notre statut… Si Dieu est Dieu, s’il est vraiment vivant et puissant et bon et impliqué, qu’est-ce qui peut se comparer à lui ? Pourtant nous sommes souvent pris dans la duplicité, le compromis, et l’interpellation d’Elie au peuple nous pique encore aujourd’hui : il faut faire un choix ! Autant de fois que c’est nécessaire… Et l’exemple d’Israël est encourageant : même si le peuple s’est gravement éloigné, Dieu est suffisamment puissant pour le rejoindre et se montrer à lui.