Remarque préliminaire : prédication à l’occasion d’un culte de baptême.
Leno nous a témoigné de la façon dont Jésus s’est manifesté à lui la première fois, et comment ça a changé sa vie. Et puis la façon dont Jésus continue de se rendre présent quand c’est compliqué, par le biais d’autres personnes par exemple, pour le ramener dans ce vécu de l’amour de Dieu.
A qui Jésus vient-il proposer l’amour de Dieu ? Quelles conditions faut-il remplir pour bénéficier de cette offre ? faut-il être né dans une famille chrétienne ? être jeune ? Faut-il avoir compris un certain nombre de choses, ou remplir certaines conditions morales ?
Je vous propose de regarder ensemble un exemple de la façon dont Jésus, lorsqu’il était sur terre il y a fort fort longtemps, a montré l’amour de Dieu.
Quelques précautions d’usage : j’ai choisi cet exemple parce qu’il est exemplaire, mais il n’est pas exhaustif – pour mieux comprendre Jésus, il vaut mieux lire l’ensemble de sa vie : un Evangile c’est court ! celui de Marc p. ex. fait 16 petits chapitres. L’autre précaution, c’est de se rappeler qu’on est à une époque particulière : Jésus est né dans l’Antiquité, au sein du peuple juif qui est à l’époque dominé par le pouvoir de l’Empire romain, avec une espèce d’allergie à l’envahisseur du coup.
Je vais donc lire avec vous un extrait de l’Evangile de Luc, ch.19, et je vais le commenter au fur et à mesure pour qu’on suive bien ce qui se passe.
Lecture biblique : Luc 19.1-10
1 Jésus entra dans Jéricho et traversait la ville.
2 Il y avait là un homme appelé Zachée ; c’était le chef des collecteurs d’impôts et il était riche.
3 Il cherchait à voir qui était Jésus, mais comme il était de petite taille, il n’y arrivait pas à cause de la foule.
On a Jésus, d’un côté, un prophète juif qui dit et accomplit des choses extraordinaires. Il est précédé par sa réputation : une foule cherche à le voir. Et puis, de l’autre côté, Zachée, lui aussi précédé par sa réputation mais pas la même !… Il est collecteur d’impôts : métier rarement apprécié, encore empiré par le fait que les impôts en question sont remis à l’empire romain. Zachée accepte donc de coopérer, collaborer, avec l’envahisseur. En plus, comme dans la plupart des métiers où on voit passer des grosses sommes d’argent, les collecteurs d’impôts sont connus pour leur corruption financière.
Zachée a beaucoup de pouvoir, et en même temps, il est peu respecté. S’il avait été apprécié, la foule lui aurait créé un chemin – sa petite taille n’est qu’un détail : le vrai problème, c’est que la foule lui tourne le dos et ne le laisse pas passer. D’un côté il fait de la peine, de l’autre on se dit qu’il y a peut-être une raison pour sa mise à l’écart.
Que va faire Zachée devant cette impasse ?
4 Il courut alors en avant et grimpa sur un arbre, un sycomore, pour voir Jésus qui devait passer par là.
Franchement ? Vous imaginez votre inspecteur des impôts, le proviseur ou l’adjoint au maire faire ça ? En plus à l’époque on ne porte pas de pantalon : Zachée est en tunique – c’est très pratique pour grimper !!!
Ce qui est fou, c’est qu’il n’hésite pas à se ridiculiser pour voir Jésus. Il court, on sent qu’il réfléchit vite, qu’il a évalué la situation, et que voir Jésus est plus important que tout. Il sort complètement des codes, pour voir Jésus.
Et il n’y a pas de mise en scène, c’est désintéressé – à part ceux qui sont vraiment à côté de lui, qui va penser qu’un homme est en haut d’un arbre ? Il n’a pas la caméra à la main : #enmodejedéfielesconventions. Il y a quelque chose de très pur, de sincère, dans sa démarche.
Pendant ce temps-là, Jésus continue d’avancer.
5 Quand Jésus arriva à cet endroit, il leva les yeux et dit à Zachée : « Dépêche-toi de descendre, Zachée, car il faut que je demeure chez toi aujourd’hui. »
6 Zachée se dépêcha de descendre et le reçut avec joie.
Retournement de situation ! Zachée a vu Jésus passer, oui, mais surtout Jésus /voit Zachée : ça, c’était inattendu. En plus, Jésus connaît son nom, et il s’invite chez lui. Zachée voulait voir Jésus, celui dont on parle tant – j’ai grandi à Cannes et ça me rappelle les foules amassées à côté du tapis rouge lors du Festival du film, pour voir ne serait-ce que la cheville de la star ! Imaginez l’acteur qui se retourne, vous fixe dans les yeux : toi, (votre prénom), n’oublie pas, j’ai réservé pour qu’on mange ensemble ce soir.
Evidemment, Zachée est tout content ! Rien ne s’est passé encore, et en même temps c’est tellement révélateur : Jésus connaît Zachée, par son nom, et Jésus recherche Zachée. A la différence de la foule qui lui tournait le dos, Jésus veut passer un temps d’amitié avec lui. Il fait plus que l’inclure dans le groupe, il lui offre une soirée VIP.
Mais…
7 En voyant cela, tous critiquaient Jésus ; ils disaient : « Cet homme est allé loger chez un pécheur ! »
Il n’y a pas de réseau social à l’époque, mais c’est le même principe ! Vous les voyez, les pouces baissés ? la désapprobation, les commentaires ? la ville s’enflamme : tous critiquent. Alors c’est vrai, Jésus est connu pour casser les codes, pour inclure ceux qui sont exclus : les femmes, les enfants, les étrangers, les malades, les marginaux… Mais un riche un peu louche ? Un collabo ? Un homme potentiellement corrompu ? Jésus cautionne, c’est ça ? Ce type d’association le discrédite complètement.
8 Zachée, debout devant le Seigneur, lui dit : « Écoute, Seigneur, je donne la moitié de mes biens aux pauvres, et si j’ai pris trop d’argent à quelqu’un, je lui rends quatre fois autant. »
Jésus n’a même pas le temps de réagir, que Zachée se défend. J’imagine qu’ils sont encore en chemin, puisqu’il a entendu les critiques. Il est debout devant Jésus : étonnant détail ! On sent qu’il s’affirme pour se défendre : il se redresse, il relève le menton…
Zachée, selon lui-même, ne mérite pas sa réputation : il est honnête, très généreux (s’il y a une erreur, il rembourse 4 fois plus). C’est peut-être vrai, et dans ce cas-là, on a un homme innocent maltraité par les rumeurs de la foule. Ou on a juste un homme qui essaie de se défendre : vous avez déjà vu un homme politique admettre sa corruption ? « oui c’est vrai, je suis coupable à 100%… »
On n’a pas de moyen de le savoir… mais ce qui est intéressant, c’est de voir comment Jésus réagit.
9 Jésus dit à son propos : « Aujourd’hui, le salut est entré dans cette maison, parce que lui aussi est un descendant d’Abraham. 10 Car le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus. »
En fait, Jésus ne réagit pas du tout à la réponse de Zachée, il ne valide pas sa défense. Si Jésus connaissait le nom de Zachée à l’avance, on peut imaginer qu’il savait aussi la réalité.
Par contre, il affirme clairement que Zachée fait partie intégrante du peuple de Dieu, un descendant d’Abraham, pas que sur le plan génétique, mais aussi sur le plan symbolique : il fait partie intégrante de ceux que Jésus veut atteindre et à qui il veut montrer l’amour de Dieu. Même si Jésus a commencé son offre dans le peuple juif, son peuple, il a été très clair sur le fait que Dieu voulait rejoindre et aimer tous !
Dieu connaît Zachée et il le recherche, peu importe son degré d’innocence – de toute façon, Zachée n’est pas complètement innocent ! Qui peut prétendre être pur ? Et Jésus montre ainsi ce qu’est l’amour véritable ! Aimer, ce n’est pas seulement quand l’autre fait des choses bien… c’est vouloir son bien même quand il fait des erreurs ou commet des fautes.
C’est l’idée derrière cette phrase « slogan » de Jésus, qu’il dit régulièrement : le Fils de l’homme (une expression du prophète Daniel pour parler du Messie) est venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus. Peu importe à quel point vous êtes perdu, ou vous vous sentez perdu, que ce soit un tout petit peu ou que vous soyez submergé, que vous soyez incompris ou franchement coupable, il y a une place pour vous dans le cœur de Dieu.
Zachée voulait voir Jésus, mais en fait c’est Jésus qui le cherchait ! parce qu’il voulait lui offrir l’amour de Dieu.
Alors qu’est-ce que signifie « sauver ce qui était perdu » ? Quelques mois après cette rencontre, Jésus va mourir. Il n’avait rien fait de mal, à part bousculer les conventions, mais il est mis à mort. En témoin martyr de la justice, en révolutionnaire spirituel, mais sa mort est aussi volontaire : il accepte d’être arrêté et d’offrir sa vie. Ses disciples ont compris qu’il avait, sur la croix, porté le poids de notre honte, de nos culpabilités, devant Dieu, comme s’il s’était sacrifié pour prendre notre place et assumer nos injustices.
Ca c’est ce qu’on comprend plus tard. Mais pour l’instant, Jésus ne rentre pas dans le détail, et il donne une image très simple du salut : le salut, c’est des retrouvailles avec Dieu. C’est partager un repas, être en amitié. Le pardon est essentiel, mais ce n’est qu’une étape pour être avec : dans vos relations, quand il y a eu un accrochage, vous vous réconciliez pour être ensemble, pour vous retrouver, pas pour le plaisir de vous réconcilier. Le salut c’est Dieu qui vient nous chercher à travers Jésus, pour être avec nous.
Dans cette rencontre, ce qui frappe c’est la façon dont Jésus discerne la recherche sincère, même non conventionnelle, de cet homme infréquentable. Et puis Jésus va au contact, il tient tête aux rumeurs, il assume – pour montrer que Dieu aime et recherche même celui que tous rejettent. Dieu aime et recherche même celui que tous rejettent. Zachée a cherché Jésus, mais il n’est pas seul dans la démarche : Jésus le cherchait aussi. Dans nos quêtes spirituelles, dans nos luttes, dans nos cheminements, on n’est pas seul à marcher – Jésus nous cherche aussi, Jésus nous cherche d’abord ! Et c’est tellement fort de se rappeler que Dieu n’attend pas qu’on le trouve, mais qu’il vient lui-même à notre rencontre, pour nous offrir son amour.
Zachée était en recherche active, Léno était en retrait actif, mais la même vérité demeure : Dieu vient à notre rencontre, à travers Jésus, pour nous offrir son amour, son amitié, la joie d’être avec lui, chaque jour et pour toujours.