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Dieu nous invite à œuvrer avec lui (Quand Dieu se révèle 3/4)

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Je poursuis ma série sur la façon dont Dieu se révèle à nous… avec des épisodes tirés de la Genèse. Aujourd’hui, j’aimerais m’attarder sur un passage de la vie de Joseph, l’un des fils de Jacob, arrière-petit-fils d’Abraham.

Joseph est aimé de Dieu, et Dieu lui prévoit une place particulière dans l’Histoire : il sera le bras droit du pharaon, gestionnaire avisé lors d’une crise économique qui aurait pu dévaster l’Egypte. Sa grande compétence, ce sera la sagesse que Dieu lui donne pour analyser les situations. Dieu annonce ce destin prestigieux à Joseph dès sa jeunesse, par des rêves prémonitoires, mais cela suscite la jalousie des frères de Joseph, qui complotent contre lui. Ca commence mal ! Alors Joseph se retrouve en Egypte, vendu comme esclave à un certain Potiphar. Dieu est avec lui, et Potiphar remarque la sagesse de Joseph, au point de lui donner certaines responsabilités. Or la femme de Potiphar, elle aussi, remarque Joseph, et elle cherche à le séduire. Joseph refuse de trahir son maître – furieuse, la femme de Potiphar accuse Joseph de la harceler. Joseph se retrouve à nouveau emprisonné, pour un crime qu’il n’a pas commis – nouvelle déception !

Lecture biblique : Genèse 39.21-40.23

Joseph se retrouva donc en prison. 

21 Pourtant, là aussi, le Seigneur fut avec lui et lui montra sa bienveillance en lui obtenant la faveur du commandant de la prison. 22 Celui-ci confia à Joseph tous les autres prisonniers qui étaient là. C’était lui qui devait diriger tous les travaux effectués par les détenus. 23 Le commandant de la prison ne s’occupait plus de rien, parce que le Seigneur était avec Joseph et faisait réussir tout ce qu’il entreprenait.

1-2 Après quelque temps, deux hauts fonctionnaires du roi d’Égypte commirent une faute contre lui. C’étaient le responsable des boissons du roi et le chef des boulangers [deux fonctionnaires importants car responsables de la nourriture – lieu sensible car empoisonnements fréquents] Le pharaon se mit en colère 3 et les fit enfermer dans la prison du chef de la garde royale, là même où Joseph était détenu. 4 Le chef de la garde les confia aux soins de Joseph, et ils furent maintenus quelque temps en prison.    

5 Une nuit, le responsable des boissons et le chef des boulangers du roi d’Égypte firent tous deux un rêve dans leur prison. Chacun de ces rêves avait sa propre interprétation [càd qu’ils ont un sens différent]

6 Le matin, quand Joseph vint les voir, ils étaient troublés. 7 Il leur demanda : « Pourquoi avez-vous l’air si triste aujourd’hui ? » – 8 « Chacun de nous a fait un rêve, répondirent-ils, et il n’y a personne ici pour l’interpréter. » Joseph leur dit : « Les interprétations n’appartiennent-elles pas à Dieu ? Racontez-moi donc ce que vous avez rêvé. »    

9 Le responsable des boissons du roi raconta son rêve : « Dans mon rêve, dit-il, il y avait un plant de vigne devant moi. 10 Ce plant portait trois rameaux. Dès qu’il eut bourgeonné, il se couvrit de fleurs, puis de grappes mûres. 11 J’avais en main la coupe du pharaon. Je cueillis alors des grappes, j’en pressai le jus dans la coupe et je la lui tendis. » 12 Joseph lui dit : «Voici ce que signifie ton rêve : les trois rameaux représentent trois jours. 13 Dans trois jours, le pharaon t’offrira une haute situation : il te rétablira dans tes fonctions. Tu lui tendras de nouveau la coupe, comme tu le faisais précédemment. 14 Essaie de ne pas m’oublier, quand tout ira bien pour toi ; sois assez bon pour parler de moi auprès du pharaon et me faire sortir de cette prison. 15 J’ai été amené de force du pays des Hébreux, et ici je n’ai rien fait qui mérite la prison. »        

16 Lorsque le chef des boulangers vit que Joseph avait donné une interprétation favorable du rêve, il lui dit : « Moi aussi j’ai fait un rêve. Dans ce rêve, je portais sur la tête trois corbeilles de gâteaux. 17 La corbeille supérieure était pleine des pâtisseries préférées du pharaon, mais des oiseaux venaient les picorer dans la corbeille, sur ma tête. » 18 Joseph lui dit : « Voici ce que signifie ton rêve : les trois corbeilles représentent trois jours. 19 Dans trois jours le pharaon t’offrira une haute situation, plus haute que tu ne voudrais : on te pendra à un arbre, et les oiseaux viendront picorer ta chair. »           

20 Trois jours après, le pharaon fêtait son anniversaire [sûrement l’anniversaire de son arrivée au pouvoir, un moment où le pharaon pouvait faire grâce à certains prisonniers] ; il offrit un banquet à toutes les personnes de son entourage. En leur présence, il offrit une haute situation au responsable des boissons et au chef des boulangers : 21 il rétablit le premier dans ses fonctions, pour qu’il lui tende de nouveau la coupe, 22 mais il fit pendre le second, selon l’interprétation que Joseph leur avait donnée. 23 Pourtant le responsable des boissons ne se souvint plus de Joseph et l’oublia.

Dieu présent avec Joseph, même en prison

Dieu est avec Joseph, même en prison. Il nous est dit que Joseph, en tout, passe 13 ans en esclavage et en prison. Après notre histoire, il faudra encore 2 ans avant que Joseph puisse sortir de prison. C’est long ! Pourtant Dieu est avec lui.

Dans les situations difficiles de notre vie, lorsque rien ne change, on peut être tenté de croire que Dieu nous a abandonnés… Joseph aurait pu avoir cette impression, lui qui espérait tant être libéré, comme il l’exprime au chef des boissons, qui le décevra en l’oubliant. Mais même si Dieu ne le libère pas encore de prison, il agit en sa faveur : Dieu ouvre des opportunités pour que Joseph puisse avoir certaines responsabilités même en prison. Il l’équipe, et le forme à la sagesse – notamment dans l’interprétation des rêves, puisque c’est par ce biais-là que Joseph pourra quitter la prison, en interprétant les rêves du Pharaon. C’est une période d’épreuve pour Joseph, mais aussi une période de formation : il apprend la gestion des personnes, il développe ses dons de discernement et de sagesse – tout cela avec l’aide de Dieu. Il apprend aussi à reconnaître que ses compétences lui viennent de Dieu. Tout cela lui sera infiniment précieux lorsqu’il sera à son tour haut fonctionnaire !

De la même façon, pour nous, dans les situations pesantes, Dieu ne révèle pas toujours sa présence en annulant le problème immédiatement. Parfois, Dieu choisit plutôt de nous former, en caractère et en dons, même si ça nous est douloureux ou frustrant. Lui seul connaît son objectif, et il a en tête de plus grands projets, que nous ne pouvons imaginer…

Une bénédiction pour les nations

Dieu équipe Joseph et il l’appelle, déjà, à être une bénédiction, dès maintenant, dans ce contexte peu favorable. Bénir les autres, bénir les nations, c’était dans la promesse de Dieu à Abraham : « À travers toi, toutes les familles de la terre seront bénies. » (Genèse 12.3) Joseph sera l’exemple modèle de cette bénédiction : grâce à ses conseils et à sa gestion, toute l’Egypte (et les immigrés qui fuiront la famine dans les pays alentour) pourra subvenir à ses besoins. Et Jésus, lui, incarnera ce désir divin de bénir le monde entier en offrant un salut large à tous ceux qui viennent à lui.

Mais revenons à Joseph : déjà en prison, il apprend à être bénédiction pour ceux qui l’entourent. Lorsqu’il interprète ces rêves, Joseph est dans une posture de service, d’aide, et aussi de témoin : il parle de la part de Dieu, pour décrypter ce que ces prisonniers ont expérimenté. C’est pour cela qu’il donne des interprétations au plus juste, même si c’est dur à entendre pour le chef des boulangers… Même en prison, il apprend à aimer Dieu et les autres !

Vu que ses interprétations sont justes, les rêves adressés aux fonctionnaires devaient bien venir de Dieu… C’est intéressant de voir qu’ici, Dieu ne parle pas seulement à ceux qui croient en lui, mais qu’il s’adresse, d’une manière ou d’une autre, à chacun. Ce n’est pas toujours par des rêves ! Mais peut-être par des prises de conscience, une expérience un peu mystique, une opportunité qui s’ouvre, un événement bousculant… Dieu s’adresse à ceux qui sont autour de nous, même si ceux-ci ne discernent pas toujours d’où vient ce qu’ils vivent ni pourquoi. Et ici, les fonctionnaires ont besoin de l’aide de Joseph pour décrypter ce qu’ils ont rêvé.

C’est aussi une façon de témoigner, lorsque nous sommes porte-parole de Dieu pour l’autre. Lorsque nous voyons Dieu à l’œuvre dans la vie de l’autre, et que simplement nous le nommons. Une jeune femme p. ex. me parlait d’un moment où elle avait touché le fond dans sa dépression, envisageant la mort, quand elle a senti une force la tirer, intérieurement, vers la vie. C’est lorsqu’elle a parlé avec un chrétien qu’elle a compris que c’était Dieu…

Bien sûr, il nous faut de la prudence ! On tombe vite dans des interprétations farfelues, plus ou moins nocives, faites au nom de Dieu. Il ne s’agit pas de dire n’importe quoi !! Pourtant, malgré tous les excès qui existent et leur danger réel, nous pouvons avoir une part dans notre entourage pour décrypter ce que Dieu est peut-être en train de faire… en toute humilité, bien sûr.

          Un peu de curiosité

Ce qui m’interpelle surtout dans l’attitude de Joseph, c’est qu’il ne commence pas par interpréter. Son premier mouvement, ce qui va déclencher tout le reste, c’est qu’il porte attention à ces prisonniers : il les remarque, il voit leur visage abattu, il s’intéresse à eux, et il leur pose cette question « Pourquoi avez-vous l’air si triste ? ». Joseph est plein d’attention, de compassion, de sollicitude. Et il continue : « racontez-moi vos rêves ». Il est curieux ! Mais une curiosité dans le bon sens du terme ! pas pour des ragots… mais dans l’attention à l’autre, un esprit de découverte et d’écoute. J’étais surprise cette année de lire que la curiosité fait partie d’une personnalité saine, ouverte sur le monde, ouverte sur l’autre. L’un des symptômes de certaines personnalités dysfonctionnelles, par exemple, c’est justement le manque de curiosité !

Cette curiosité bien comprise, c’est le premier pas pour être une bénédiction pour les autres. C’est une façon de donner une vraie place à l’autre, de ne pas anticiper les solutions avant de connaître les problèmes, de ne pas réduire l’autre à un cas, mais de le laisser déployer son expérience.

Dieu le fait avec nous ! Souvent, il commence par une question : d’où viens-tu ? Pareil, Jésus préfère les questions lorsqu’il rencontre quelqu’un, même si le problème paraît évident. Cette curiosité divine, c’est une qualité que nous pouvons développer avec ceux qui nous entourent. Lorsque nous sommes attentifs à l’autre, nous sommes déjà témoins de l’attention que Dieu lui porte. Et ça, on en est tous capables !! En plus, c’est sans risque !

Notre contribution sera peut-être moins technique ou spectaculaire que celle de Joseph. Ce sera parfois un conseil, un coup de main, un passage de relais, une présence, un soutien, tout simplement la prière… Même si c’est juste un maillon dans une chaîne, nous pouvons être ici, maintenant, dans le contexte qui est le nôtre, qu’on l’ait choisi ou pas, nous pouvons être celui ou celle par Dieu va rejoindre l’autre, à l’instant T. Tout commence par cette simple curiosité, comme une porte qui s’ouvre.

Conclusion

Dieu se révèle à nous par bien des moyens – par les circonstances, par des coïncidences, par des pensées ou même des rêves/ des visions/ des images, par la Parole, par l’autre… La curiosité de Joseph est un chemin intéressant pour découvrir Dieu et ce qu’il veut nous transmettre, une curiosité saine qui s’intéresse à l’autre, une curiosité qui s’applique aussi à notre vie, en posant très largement la question : « qu’est-ce que Dieu est en train de faire ici ? » C’est la première étape par laquelle Dieu agit !

Dieu nous transforme pour nous faire avancer (Quand Dieu se révèle 2/4)

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Dieu se révèle dans le monde qu’il a créé, par la Bible qui le décrit, par des messages personnels, par le Christ… et dans des moments-clefs. Je vous invite à une incursion dans la saga de Jacob, dans le livre de Genèse. Jacob est le petit-fils d’Abraham, le patriarche fondateur du peuple d’Israël, et nous sommes aux alentours de 1900-1800 avant JC. Jacob a un frère jumeau, de quelques minutes son aîné, Esaü. Et Jacob, depuis sa jeunesse, est un opportuniste, voire un filou. Une fois, Esaü avait faim, et Jacob lui a « vendu » à manger contre son héritage. Plus tard, à l’initiative de sa mère, il s’est déguisé en Esaü pour rafler la bénédiction de leur père Isaac. Cette bénédiction qui donne la première place à l’un des frères et qui en fait l’héritier de la promesse, voilà l’héritage pour lequel Jacob a manigancé. Evidemment, Esaü se met en colère, et Jacob doit fuir – il traverse le désert pour aller vivre chez son oncle. En chemin, il reçoit la promesse que Dieu est avec lui, malgré tout. Chez son oncle, il tombe sur un homme encore plus retors que lui, et après bien des péripéties, il décide de revenir chez lui, donc sur les terres qu’habite son frère. Des années et des années se sont passées, mais Jacob ne sait pas à quoi s’attendre de la part d’Esaü. Dans une prière, Jacob exprime à Dieu ses inquiétudes, et puis, il élabore toute une stratégie pour amadouer son frère, avec des cadeaux, des messagers etc. tout un cortège qui permet de tester le terrain et surtout de le préparer. La dernière nuit avant de rencontrer Esaü, Dieu se révèle à Jacob.

Genèse 32.23-33

23-24 Au cours de la nuit, Jacob se leva, prit ses deux femmes, ses deux servantes et ses onze enfants. Il leur fit traverser le torrent du Yabboq avec tout ce qu’il possédait. 

25 Il resta seul, et quelqu’un lutta avec lui jusqu’à l’aurore. 26 Quand ce dernier vit qu’il ne pouvait pas avoir l’avantage sur Jacob dans cette lutte, il le frappa à l’articulation de la hanche, et celle-ci se déboîta.                       

27 Il dit alors : « Laisse-moi partir, car voici l’aurore. » – « Je ne te laisserai pas partir si tu ne me bénis pas », répliqua Jacob. 

28 L’autre demanda : « Comment t’appelles-tu ? » – « Jacob », répondit-il. 

29 L’autre reprit : « On ne t’appellera plus Jacob mais Israël, car tu as lutté avec Dieu et avec des hommes, et tu as eu l’avantage. »

30 Jacob demanda : « Dis-moi donc quel est ton nom. » – « Pourquoi me demandes-tu mon nom ?» répondit-il. Là même, il bénit Jacob.                          

31 Celui-ci déclara : « J’ai vu Dieu face à face et j’ai eu la vie sauve. » C’est pourquoi il nomma cet endroit Penouel – ce qui veut dire “face de Dieu”. 

32 Le soleil se levait quand Jacob traversa le torrent de Penouel. Il boitait à cause de sa hanche. 

33 Aujourd’hui encore les Israélites ne mangent pas le muscle de la cuisse qui est à l’articulation de la hanche, parce que Jacob a été blessé à ce muscle.

Quelle scène étrange !  De nuit, Jacob, peut-être agité à l’idée de revoir son frère, entreprend de faire traverser à ses plus proches le gué d’un torrent – sans lumière ! – et alors qu’il revient, peut-être pour récupérer ses dernières affaires, un homme sorti d’on ne sait où l’attaque, là, dans l’obscurité, dans le silence. Ca ressemble presque à un cauchemar ! Comme si les craintes de Jacob prenaient forme humaine : lui qui a si peur de la haine de son frère, le voilà en train de lutter. De lutter plusieurs heures, jusqu’à l’aube ! Et quand l’aube arrive, l’homme met fin au combat en donnant un coup final à Jacob alors que jusqu’ici, ils étaient à égalité. Cette scène pose beaucoup de questions, mais nous n’avons pas d’autre clef de lecture que les maigres informations que Jacob réussit à soutirer.

L’homme veut partir, pour préserver le mystère de son identité ? Mais Jacob réclame sa bénédiction – comme dans sa jeunesse, il est prêt à tout, il s’accroche, pour recevoir la bénédiction, l’approbation de l’autre.

L’autre, cependant, le force à se regarder en face : quel est ton nom ? Jacob, ça veut dire « il talonne » en référence au fait qu’il est le 2e jumeau, né sur les talons de son frère. Mais Esaü avait vu autre chose dans son nom : celui qui usurpe, celui qui trompe, celui qui talonne au point de rafler ce qui ne lui appartient pas (Gn 27.36).

Et avant de bénir Jacob, il va le renommer : Israël, littéralement « Dieu lutte ». Mais il rattache ce nom à Jacob en soulignant sa force : « tu as lutté avec Dieu & avec les hommes et tu l’as emporté. »

Deux choses : l’homme révèle un peu de son identité – c’est un homme, mais il représente Dieu… Le prophète Osée dira que Jacob a lutté avec un ange (Osée 12.4), en tout cas quelqu’un qui représente Dieu.

Et puis, Jacob l’a emporté, vraiment ? Le coup final a été porté par l’autre ! Oui, mais Jacob a tenu bon, tout le combat, jusqu’à la fin, où il réclame la bénédiction de l’autre qui essaie de lui échapper. Il ne lâche rien, j’imagine qu’il s’agrippe à son adversaire, et l’autre finit par céder pour pouvoir partir. Sa victoire, c’est de sortir de ce combat, vivant, béni.

Lorsque l’homme disparaît, peut-être instantanément, Jacob prend conscience de ce qui vient de se passer : « j’ai vu Dieu en face ! ». Oui, c’était vraiment un face-à-face ! Jacob s’en souviendra, et toute sa descendance : le peuple issu de lui prend ce nom « Israël », et le texte mentionne une pratique juive de l’époque qui rappelle la blessure infligée à Jacob.

          Dieu nous transforme pour nous permettre d’avancer

Dans l’histoire de Jacob, c’est un moment pivot. Il a pris la décision de rentrer, mais tout dépend de l’attitude d’Esaü ! La bénédiction de Dieu est une promesse : puisque Jacob a pu tenir bon face à un représentant de Dieu, il n’a rien à craindre de son frère. Il peut y aller !

Mais au-delà de la promesse rassurante, que Dieu aurait pu communiquer de façon plus calme ( !), le texte insiste sur le changement de nom – élément crucial, puisque cela devient le nom du peuple de Dieu par la suite, Israël. Ce changement de nom symbolise un changement d’identité. Jacob n’est plus l’usurpateur, mais le persévérant, le vainqueur, le vivant. Alors que Jacob revient vers son frère, plein de bons sentiments, demandeur de réconciliation et de nouveau départ, il est nécessaire que quelque chose change. Les bons sentiments ne suffisent pas : si rien ne change, rien ne change ! Jacob, s’il veut avoir une chance de vivre autrement, de vivre chez lui dans la bénédiction de Dieu, Jacob doit changer.

C’est vrai pour nous aussi ! nous pouvons espérer tous les nouveaux départs, tous les nouveaux horizons, si rien ne change en nous, rien ne changera autour de nous. Pour nous permettre de vivre autrement, Dieu nous invite à changer, il vient nous transformer.

Dieu nous offre le salut en Christ, qui que nous soyons, où que nous soyons – mais une fois que nous avons reçu par la foi ce salut, pour commencer à le vivre concrètement, pour vivre la paix, le pardon, l’amour, la justice, la vérité… il faut changer ! La transformation est un passage, ou plutôt un processus, obligé ! Sinon, nous retombons toujours dans nos travers, dans nos cercles vicieux, dans nos vieilles habitudes.

Et cette transformation en profondeur ne vient pas de nous : nous devons l’accepter, la vouloir même, mais seul Dieu peut tout changer, peut nous changer. Seul le créateur peut recréer en nous un cœur, un état d’esprit, juste et bon. Dans le texte, c’est lui qui change le nom… Lorsque nous croyons en Jésus, Dieu nous donne un nom nouveau « ma fille, mon fils » et il nous transforme pour que ses gènes deviennent de plus en plus visibles en nous. C’est lui qui le fait… Nous le désirons, mais c’est lui qui le fait, par son Esprit. Notre part, c’est de l’accepter.

Or justement cette transformation, ou ces transformations, ne sont pas toujours faciles à accepter. Jacob repart en boitant, blessé par son combat : il y a des séquelles, peut-être pas jusqu’à sa mort, mais pour le moment il boite. De même, nos transformations, quand elles sont profondes, sont souvent coûteuses et douloureuses. Sinon, il n’y aurait aucun problème à les accepter ! Mais elles sont douloureuses parce qu’elles viennent souvent dans des crises, et puis elles nous confrontent à nous-mêmes, et ça, ça fait mal ! Nous confronter à la réalité de notre cœur, de notre orgueil, de notre manque de foi, de nos peurs, de nos blessures, de notre culpabilité ou de nos ambivalences…

Lorsque nous nous tournons vers le Christ dans la foi, la confiance s’accompagne de repentance : nous abandonnons notre vie sans Dieu, ou ce qui n’est compatible avec Dieu dans notre vie. Mais ce mouvement d’abandon, il revient dans toute notre vie de foi ! Et de manière plus intense lorsque nous traversons des crises.

Nos luttes comme des lieux de transformation

Ce qui frappe, dans ce récit, c’est que Dieu a lutté avec Jacob. A quoi joue Dieu ici ? A quoi joue Dieu dans les crises que nous traversons ? Cette rencontre entre Dieu et Jacob nous renvoie à toutes ces fois où on a l’impression de se battre avec Dieu, non ? je ne crois pas que ce soit des événements particuliers, tout le monde vit des joies et des malheurs, mais la crise c’est ce que chacun, de façon unique, va vivre suite à tel ou tel événement : la façon dont une naissance remet en question nos priorités, ou une maladie, une difficulté dans les relations, une pression difficile à gérer, une perte qui nous fait chavirer, un déménagement… Peu importe la cause !

Or cette rencontre nous montre que Dieu ne lutte pas avec nous pour nous briser, pour nous rejeter, pour nous casser, mais pour nous transformer et nous permettre d’aller plus loin, avec sa bénédiction. Dieu nous transforme pour que nous puissions avancer. Et parfois, dans ces transformations, ces crises, Dieu nous résiste. Attention, ce texte n’est le seul modèle de la façon dont Dieu nous transforme ! Mais c’est un exemple : parfois, pour nous changer, Dieu lutte avec nous. Le mot utilisé pour désigner la combat entre Jacob et l’inconnu dérive du verbe « prendre dans ses bras », comme un combat rapproché, où les adversaires se tiennent. Comme un maître en arts mariaux, en judo par exemple, qui nous pousse dans nos derniers retranchements pour que nous puissions nous dépasser. Ou un maître d’échecs, qui déjoue tous nos coups, pour nous obliger à progresser.

Quand nous avons l’impression de lutter avec Dieu, nous imaginons que Dieu est notre ennemi, ou qu’il nous rejette, ou qu’il nous punit. Mais cette rencontre jette une autre lumière sur ces luttes : Dieu nous prend à bras-le-corps pour nous transformer et nous bénir. Quand Dieu résiste, c’est pour nous pousser dans nos retranchements, dans ces lieux de vérité où il agit en profondeur. N’ayons pas peur de ces luttes, n’ayons pas honte de nos questionnements, de nos doutes, de nos réclamations… n’ayons pas peur quand ça prend du temps (Jacob a lutté toute la nuit). N’ayons pas peur de lutter, même si c’est chaotique et que ça fait un peu mal : Dieu est en train de nous transformer.

 

Quand Dieu se révèle, ce n’est pas toujours très clair, paisible ou agréable. Parfois il nous faut du temps pour comprendre qu’il est à l’œuvre, pour comprendre à quoi il veut en venir… Mais Dieu a toujours en vue de nous faire expérimenter son salut, sa bénédiction, sa paix… de nous transformer pour que nous avancions avec plus de foi et de détermination, plus de justice et d’amour – nos progrès lui font honneur, et nous en ressortons bénis, changés, plus forts avec lui.

Dieu, celui qui nous voit (Quand Dieu se révèle 1/4)

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Qui reçoit la bénédiction de Dieu ? Dans la Bible, Abraham est le modèle, l’exemple-type : Dieu accorde sa bénédiction généreusement, gracieusement, en demandant la confiance et l’obéissance. Celui ou celle qui est prêt à suivre Dieu recevra sa bénédiction. Abram est déjà vieux quand Dieu l’appelle, et il n’a pas d’enfant. Dieu promet de le bénir personnellement, mais surtout de lui donner un territoire et une descendance. Abram se met en route, Dieu lui rappelle ici et là ses promesses, mais nous voilà 10-15 ans après son départ et toujours pas d’enfant. Par la suite, Dieu renouvellera ses promesses, il les précisera en désignant Saraï comme la mère du fils promis, il changera le nom d’Abram en Abraham pour marquer l’abondance, et Saraï en Sarah pour marquer sa dignité de mère. Mais pour l’instant, ils sont toujours Abram & Saraï, sans enfant.

Genèse 16.1-6

1 Saraï, femme d’Abram, ne lui avait pas donné d’enfant. Elle avait une servante égyptienne du nom de Hagar. 

2 Saraï dit à Abram : Puisque le SEIGNEUR m’a empêchée d’avoir des enfants, va avec ma servante, je te prie ; peut-être aurai-je un fils par elle. Abram écouta Saraï. 

3 Ainsi, après qu’Abram eut habité dix ans en Canaan, Saraï, femme d’Abram, prit Hagar l’Egyptienne, sa servante, et elle la donna comme femme à Abram, son mari. 

4 Il alla avec Hagar, et elle fut enceinte. Quand elle se vit enceinte, sa maîtresse ne compta plus à ses yeux. 

5 Alors Saraï dit à Abram : Que la violence qui m’est faite retombe sur toi ! C’est moi-même qui ai placé ma servante sur ton sein ; et maintenant qu’elle se voit enceinte, je ne compte plus à ses yeux. Que le SEIGNEUR soit juge entre moi et toi ! 

6 Abram répondit à Saraï : Ta servante est entre tes mains ; agis à son égard comme il te plaira. Alors Saraï se mit à l’affliger, et Hagar s’enfuit pour lui échapper.

Au bout de 10 ans sur-place, Saraï décide de prendre les choses en main et cherche un plan B pour donner à Abram un héritier. Est-ce un manque de foi, de patience, vis-à-vis du plan de Dieu ? Pas forcément ! A l’époque, lorsqu’une femme n’arrive pas à avoir d’enfant, on a couramment recours à une servante ou une concubine dont on adopte l’enfant (on retrouve des exemples de ces pratiques dans plusieurs codes civils des pays autour d’Israël). La pratique de gestation pour autrui était bien courante à l’époque ! En plus, jusqu’ici, Dieu n’a jamais dit à Abram que son enfant naîtrait de Saraï. Donc sur le papier, ce plan B est tout à fait acceptable.

Pourtant, ce récit nous met un peu mal à l’aise. Par exemple, Abram brille par sa passivité : il obéit en silence, et quand Saraï se plaint du comportement d’Hagar il n’arbitre surtout pas, il ne donne pas son avis et ne prend pas position.

Le texte pointe aussi un certain malaise avec cette pratique : Saraï, femme d’Abram, prit Hagar l’Egyptienne, sa servante, et elle la donna comme femme à Abram, son mari (v.3) Une épouse qui donne une autre femme en épouse à son mari : le rapport sexuel n’est pas juste anecdotique, ce n’est pas un service ou un acte comme un autre, c’est une intimité qui vient modifier profondément la relation entre Abram et Hagar. Le mépris d’Hagar quand elle se découvre enceinte montre qu’elle a du mal à se situer : elle n’est plus seulement la servante de Saraï, elle est aussi sa rivale !

Saraï s’est embarquée dans une solution qui a des ramifications bien plus complexes qu’elle ne l’imaginait : c’est tout un engrenage ! Et c’est souvent le cas, quand on touche aux questions du corps, de l’intimité, de la relation… Ce récit n’a certes pas vocation à trancher dans les débats d’éthique, mais il nous invite à la prudence… Nos plans bien ficelés font facilement des victimes.

Et la victime, ici, c’est Hagar ! Pas question de consentement pour elle ! Elle, la servante-esclave étrangère, est traitée comme un objet, on la prend, on la donne, on l’utilise – jusque dans son intimité la plus profonde. Son mépris envers Saraï est une réponse, dure, à l’injustice, un signe de sa révolte et de sa blessure, même si ça ne fera qu’aggraver encore la situation.

C’est flagrant de voir, ici, comme dans l’Histoire, comme aujourd’hui, à quel point de petits aménagements, apparemment innocents, peuvent déboucher sur des dommages collatéraux imprévus et terribles. En particulier quand des personnes sont utilisées comme des moyens ou des objets, pour remplir des cases, être utilisées, sans qu’on considère leur dignité. C’est évidemment vrai sur les questions complexes autour de la sexualité ou de la bioéthique, mais aussi au niveau économique et social, quand des personnes ou des peuples deviennent des statistiques ou des « ressources » évaluées en fonction de leur utilité.

Mais ce qui est le plus intéressant dans ce texte, c’est la suite. Hagar s’est enfuie et…

          Genèse 16.7-16

7 Le messager du SEIGNEUR la trouva près d’une source dans le désert, celle qui est sur le chemin de Shour. 

8 Il dit : Hagar, servante de Saraï, d’où viens-tu et où vas-tu ? Elle répondit : Je me suis enfuie pour échapper à Saraï, ma maîtresse. 

9 Le messager du SEIGNEUR lui dit : Retourne chez ta maîtresse et laisse-toi affliger par elle. 

10 Le messager du SEIGNEUR lui dit : Je multiplierai ta descendance ; on ne pourra pas la compter, tant elle sera nombreuse. 

11 Le messager du SEIGNEUR lui dit : 

Te voici enceinte ; 

Tu vas mettre au monde un fils, 

et tu l’appelleras du nom d’Ismaël (« Dieu entend ») ; 

car le SEIGNEUR t’a entendue dans ton affliction.

12 Il sera comme un âne sauvage ; 

sa main sera contre tous, 

et la main de tous sera contre lui ; 

il établira sa demeure face à tous ses frères.

13 Elle appela le SEIGNEUR, qui lui avait parlé : « Tu es El-Roï — le Dieu qui me voit », car, dit-elle : « Ai-je vu ici après qu’il m’a vue ? » 14 C’est pourquoi on a appelé ce puits Puits Lahaï-Roï (« Au Vivant qui me voit ») ; il est entre Qadesh et Béred. 

15 Hagar donna un fils à Abram ; Abram appela du nom d’Ismaël le fils que Hagar lui avait donné. 16 Abram avait quatre-vingt-six ans lorsque Hagar donna Ismaël à Abram.

Hagar est en route pour rentrer en Egypte, quand elle rencontre le messager du Seigneur, parfois traduit « ange de l’Eternel ». Ce personnage mystérieux est porte-parole de Dieu, mais il est plus que ça, souvent mis sur le même plan que Dieu mais sans la gloire aveuglante. C’est plus qu’un messager : quand il parle, Dieu parle.

Et la toute première fois qu’il est mentionné dans la Bible, c’est ici, près de cette source, auprès de cette servante étrangère, enceinte, en fuite, à cette femme en grande précarité, en insécurité, victime d’abus et rejetée.

Le messager commence par poser des questions, même s’il est déjà au courant vu qu’il sait qui elle est – il redonne la parole à Hagar. Elle redevient sujet, elle retrouve une forme de dignité. Mais dans ce dialogue, c’est surtout Dieu qui parle, et le texte insiste à chaque fois, en précisant que c’est bien l’ange de l’Eternel lui-même qui parle à Hagar.

Et ce que Dieu lui annonce est à la fois très dur et très bon.

Dieu demande à Hagar de retourner chez Abram et Saraï, dans ce lieu de violence où elle est en danger. Qu’en penser ? Est-ce un principe de vérité générale donné à toute personne qui fuirait la violence domestique ? « Retourne sous les coups » ?! Non… Le contexte est particulier : Hagar porte l’enfant d’Abram, même si ce n’est pas le fils que Dieu avait promis. Faire revenir Hagar c’est reconnaître la place de cet enfant, qui appartient maintenant à la famille d’Abram. Cet enfant est peut-être une « erreur de parcours », mais Dieu ne le rejette pas, il l’accepte et il lui donne une place.

Je trouve ça très encourageant pour notre vie moderne. Chez nous ou chez les autres, nous voyons souvent des erreurs de parcours, des actes qui n’auraient pas dû être – pas seulement sous la forme d’un enfant ! Et on peut avoir l’impression que si on a raté la sortie, on est coincé sur une autoroute qui ne va nulle part. Mais pour Dieu, l’autoroute ne va jamais nulle part. Hagar n’a pas su dire où elle allait, peut-être qu’elle était trop désespérée pour envisager un avenir, mais Dieu lui redonne une direction et une espérance. Difficile, éprouvante : n’allons pas imaginer que les dommages sont effacés et que les conséquences disparaissent ! Ce n’est pas un conte de fées ! Mais, avec Dieu, il y a toujours un espoir !

Et puis, Dieu bénit cet enfant par avance. Dieu choisit lui-même le nom de cet enfant : Ismaël (Dieu entend), dans une scène très proche de l’annonce à Marie qu’elle portera Jésus. Dieu promet de protéger cet enfant et sa descendance, une bénédiction presque parallèle à la promesse pour Abram. Dieu annonce un homme libre et indomptable, un peu marginal, sûrement conflictuel, mais libre et fort. A cette femme terrifiée, Dieu promet la protection et la liberté pour son fils : pour une maman, c’est le plus important !

Et Dieu n’agit pas uniquement par loyauté envers Abram : c’est parce qu’il l’a vue, elle. C’est son affliction à elle qui a attiré son regard. Hagar s’exclamera : Dieu, celui qui me voit ! Elle est la première à donner à Dieu un titre… et son étonnement : « Est-ce que j’ai bien vu ce que j’ai vu ? » qui montre à quel point cette entrevue est une grâce. Elle s’émerveille moins de la bénédiction que de cette découverte : Dieu, il me voit ! Alors que personne jusqu’ici ne l’a respectée, Dieu l’honore de sa présence et de sa bénédiction.

Alors Hagar rentre, quel signe de foi ! et d’obéissance envers Dieu ! malgré tout ce qui est en jeu, elle fait confiance à Dieu. Et Dieu le lui rend : elle porte son enfant, c’est le sien – on ne parle plus de Saraï, et Abram sur les conseils d’Hagar nomme l’enfant Ismaël. Elle a changé de statut, sa voix est entendue.

 

Le Dieu qui se révèle à Hagar est déjà le Dieu de Jésus-Christ : Jésus, lui aussi, a vu – les marginaux, les malades, les pécheurs, les femmes, les enfants, les anonymes, les étrangers. Il leur a montré la même compassion, leur a offert la même espérance, leur a demandé la même confiance. Ce que Jésus révèle va plus loin, bien sûr : sur la croix, il porte tous les dommages collatéraux de nos actes, il s’associe à la fois aux victimes et aux coupables, et à ceux qui sont un peu des deux, jusqu’à la mort, la négation ultime, mais il en revient. Même cette impasse-là, il la perce ! Dans l’histoire d’Hagar comme dans l’Evangile, peu importe où nous sommes, qui nous sommes : Dieu nous voit et il nous offre son amour, son pardon, sa présence, pour nous relever, si nous lui faisons confiance.

 

Dépasser nos a priori

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Quelle est la personne que vous connaissez le mieux au monde ? Votre conjoint ? Votre meilleur ami ? Vos enfants ou vos parents ?

Pour ma part, la personne que je connais le mieux au monde, c’est ma femme. Ça fait 30 ans qu’on se connait, 28 ans de vie commune… on peut dire qu’on se connaît bien ! Mais quel chemin parcouru, dans notre connaissance mutuelle, par rapport au jour où on s’est rencontré pour la première fois ! Forcément, on se faisait une idée l’un sur l’autre, on avait certains a priori. Aujourd’hui, les masques sont tombés ! Mais ça n’a en rien entamé notre amour…

Et vous, quelle est la personne que vous connaissez le mieux au monde ? Et pourquoi est-ce que c’est la personne que vous connaissez le mieux au monde ? Parce que vous la connaissez depuis longtemps, de façon intime, que vous l’avez vue changer, que vous avez évolué avec elle… Ce n’est pas un CV ou un test de personnalité qui nous permet de connaître quelqu’un, c’est la relation qu’on va entretenir avec elle.

Il me semble que l’analogie est valable pour la foi. Avoir la foi, c’est connaître Dieu et sans cesse apprendre à le connaître, dans une forme de relation personnelle et intime avec lui. Et si on en reste à nos a priori, on ne le connaîtra jamais vraiment.

Il y a un épisode des évangiles qui peut l’illustrer. Il se trouve au chapitre 6 de l’Evangile selon Marc.

Dans les premiers chapitres de son Evangile, Marc a évoqué le début du ministère de Jésus en Judée. Il a appelé une poignée de disciples à le suivre, il allait de village en village, annonçant une bonne nouvelle, celle du Règne de Dieu désormais tout proche. Il guérissait aussi des malades. Et sa renommée a vite grandi, des foules venaient l’écouter et le voir. Et puis, Jésus décide de quitter la Judée et de se rendre dans son pays, là où il a grandi, à Nazareth, en Galilée.

Marc 6.1-6
1 Jésus quitta cet endroit et se rendit dans son pays ; ses disciples le suivaient. 2 Le jour du sabbat, il se mit à enseigner dans la synagogue. Impressionnés, de nombreux auditeurs disaient : « D’où lui vient cela ? Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée et comment ces miracles se réalisent-ils par ses mains ? 3 N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Ses sœurs ne vivent-elles pas ici parmi nous ? » Cela les empêchait de croire en lui. 4 Et Jésus leur disait : « Un prophète n’est méprisé que dans son pays, dans sa parenté et dans sa maison. » 5 Et il ne pouvait faire là aucun miracle, si ce n’est qu’il posa les mains sur quelques malades et les guérit. 6 Et il s’étonnait de leur manque de foi.

Ca ne se passe pas aussi bien pour Jésus à Nazareth qu’en Judée… Nul n’est prophète en son pays. C’est une expression qui est entrée dans le langage courant. On ne sait pas forcément que ça vient de la Bible et que Jésus est le premier à l’avoir dit !

 

La barrière des a priori

Qu’est-ce qui pose problème pour les habitants de Nazareth ? C’est qu’ils croyaient déjà connaître Jésus :

« N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Ses sœurs ne vivent-elles pas ici parmi nous ? » Cela les empêchait de croire en lui. (v.3)

Ils sont incapables de croire en Jésus parce qu’ils le connaissent trop bien. Ou plutôt ils croient le connaître. “Il est de chez nous, on connaît sa famille, on l’a vu grandir.” Ils sont incapables de voir en Jésus autre chose que ce qu’ils connaissent déjà : le charpentier, le fils de Marie. Ils sont bloqués par leurs a priori.

Est-ce que ça ne nous arrive pas à nous aussi d’être piégés par une telle attitude ? Pourtant, comment peut-on prétendre connaître quelqu’un si on en reste à notre première impression, ou pire, à nos a priori ?

Il me semble que c’est valable aussi dans le domaine de la foi… Je crois qu’un des principaux obstacles à la foi, c’est justement nos a priori. Si vous n’êtes pas croyants, je suis sûr que vous avez des a priori sur la foi, la Bible, la religion, Jésus. Et je ne vous jette pas la pierre, c’est normal. D’ailleurs, si vous êtes croyants, je suis sûr que vous avez aussi des a priori, y compris sur ce que doit être votre vie de croyant, sur l’Église voire même sur Dieu. Qui peut prétendre que sa foi est exempte de tout a priori ?

Le vrai problème, ce n’est pas tellement d’avoir des a priori… On en a tous. Le problème c’est de faire des ces a priori des certitudes. Car des a priori, on peut les remettre en cause, on peut les surmonter. Mais des certitudes, ça ne bouge pas beaucoup… Je ne dis pas que nous ne devons pas avoir des convictions, même fortes, que nous ne devons croire en rien. Bien au contraire, nous avons besoin de convictions et de valeurs qui nous animent. C’est essentiel si on veut que notre vie ait un sens. Mais nous devons nous méfier des certitudes absolues qui risquent de nous enfermer.

Si vous avez des a priori négatifs sur la Bible, la foi ou Jésus, et si vous en faites des certitudes, alors je comprends que vous n’ayez pas la foi et même que vous n’en ayez pas envie. Et si, tout en étant croyant, vous avez laissé vos a priori concernant la vie chrétienne ou la personne de Dieu devenir des certitudes absolues, alors je crains que votre cheminement spirituel ne progresse plus vraiment parce que pour progresser, il faut savoir se remettre en question.

 

Dépasser nos a priori

Comment dépasser nos a priori ? En osant la rencontre ! C’est vrai dans nos relations humaines. Si vous voulez vraiment connaître quelqu’un et dépasser vos a priori sur lui, il vous faudra prendre le temps de le rencontrer. Ca ne veut pas dire que vous deviendrez forcément des amis intimes, vous n’allez peut-être pas trouver d’atome crochu avec lui, peut-être même que vous n’allez pas l’apprécier mais au moins, vous le connaîtrez.

Dans le domaine de la foi, c’est pareil ! Laissez vos a priori et vos certitudes pour oser la rencontre !

Car il faut comprendre que la foi est avant tout une affaire de rencontre. Dans le domaine de la foi, si vous en restez à une simple croyance, en fait, vous n’êtes guère allé plus loin que les a priori. Et vous passez à côté… Choisir la foi, c’est oser la rencontre avec Dieu, c’est apprendre à lui faire confiance, apprendre à le voir agir en nous et autour de nous, apprendre à entendre sa voix, dans la prière, dans la lecture de la Bible. Au début, certes, c’est un peu un saut dans l’inconnu… mais n’est-ce pas toujours le cas quand on découvre quelqu’un qu’on ne connaît pas ? Avec Dieu aussi, osez la rencontre !

Mais j’aimerais nous adresser, à nous croyant, la même exhortation. Laissons nos certitudes pour oser la rencontre. Car tout au long de notre vie de croyant, nous pouvons nous forger des certitudes absolues et croire que nous avons tout compris. On tombe alors dans le même travers que les habitants de Nazareth avec Jésus : on croit déjà tout connaître de lui.

Or, on ne peut jamais réduire Dieu à l’image qu’on se fait de lui, ni même le réduire à notre théologie, aussi élaborée soit-elle. Pour approfondir notre foi, approfondissons notre relation avec Dieu. Osons, toujours, la rencontre, dans la prière, dans la méditation de sa Parole. Même si ça peut parfois nous remettre en question. Surtout si ça nous remet en question ! C’est comme ça qu’on grandit dans la foi.

 

Conclusion

Les a priori sont un piège. C’est vrai dans nos relations les uns aux autres. C’est vrai aussi par rapport à la foi.

Ne considérez donc pas la foi comme une simple croyance. Elle ne serait guère plus qu’une opinion voire un simple a priori.

Ne faites pas non plus de la foi une certitude inébranlable, qui vous enferme dans une posture rigide et sclérosante.

Chercher une foi vivante, fondée sur une relation vivante et structurante avec Dieu. Osez la rencontre, pour dépasser vos a priori !