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« En famille » à l’église
Si je vous dis qu’hier soir, j’ai passé une soirée où je me suis sentie « en famille », vous ne me demanderez pas forcément qui de ma famille est venu me voir mais vous comprendrez que je me suis sentie bien, à l’aise, que j’étais moi-même, dans un environnement de confiance et chaleureux. C’est ça, le sens de l’expression « en famille » : quand on se sent à sa place, reconnu, accueilli tel qu’on est, avec tout ce qu’on est. Ca arrive en famille justement, dans ces relations où on sait qu’on n’a rien à prouver, qu’on est aimé et valorisé sans avoir mérité quoi que ce soit. On a notre place.
Malheureusement, nos familles ne sont pas toujours ces lieux où nous nous sentons complètement accueillis ou en confiance… Combien de tensions avec nos parents, nos frères et sœurs, notre belle-famille ?… Pour certains, les réunions de famille relèvent plus du cauchemar auquel on se prépare 3 mois à l’avance que d’un havre de paix et d’amour ! Vous me direz, il n’y a pas qu’en famille qu’on se sent en famille ! Nous retrouvons avec certains amis proches cette liberté, cette aisance, cette simplicité dans les relations. Même là, les questions de temps, de mobilité, de loyauté, font que les liens d’amitié, même s’ils sont très forts pendant une période, peuvent se disloquer, à notre grand regret.
Tous, que nous soyons plutôt solitaires ou sociables, nous avons au fond de nous cette soif de relations profondes et authentiques où nous nous savons acceptés et aimés quoi qu’il arrive. Et même si au quotidien nous avons du mal à étancher cette soif, il n’en demeure pas moins que nous avons été créés, câblés, façonnés pour vivre des relations « en famille », des relations authentiques et pleines d’amour donné et reçu. Dans notre série « Motivés par l’essentiel » (livret), c’est le 2e essentiel de notre vie sur terre : le premier, c’est que nous avons été conçus pour le plaisir de Dieu, pour trouver notre joie en sa présence. Mais le 2e essentiel, c’est que nous avons été façonnés pour aimer.
Lecture biblique: Ephésiens 1.3-6
Dieu veut une famille nombreuse
De toute éternité, Dieu aime. Dieu est amour, on le dit souvent. Mais est-ce qu’on saisit à quel point Dieu est amour ? Est-ce qu’on saisit que l’une des caractéristiques éternelles de Dieu, bien avant la création de notre monde, c’est les relations d’amour qui existent entre le Père, le Fils et l’Esprit Saint ? C’est ce qu’on dit quand on parle de « trinité » : d’autres religions croient que le dieu ou la divinité est puissant, juste, créateur, vrai… certains vont même dire que ce dieu est bon ou plein de compassion envers nous – ça rejoint l’une des affirmations centrales de la Bible. Mais comment Dieu pourrait-il être aimant de toute éternité s’il n’avait jamais connu de relation avant nous ? Dire que Dieu est amour, ça veut dire que Dieu expérimente cet amour – et si ça fait partie de son essence, alors c’est des relations éternelles. L’image que donne la Bible, notamment ici, c’est l’image de la famille : de toute éternité, Dieu est « en famille », Dieu est une famille.
Mais il a voulu une famille nombreuse. (diapo) Non que le Fils divin ne lui suffise pas, non que l’Esprit saint le déçoive, mais l’amour de Dieu est vaste, et large, et immense, et Dieu voulait… toujours plus ! Il voulait aimer, et voir aimer ! Il nous aime, lui, mais il désire aussi pour nous des relations aimantes et bienfaisantes avec d’autres – comme en reflet de ce que lui a toujours vécu.
Et lorsque le mal s’est mis en travers, lorsqu’il a déformé notre relation avec Dieu, avec les autres, avec nous-mêmes, Dieu n’a pas supporté de nous perdre. Le Fils a tout donné, il s’est donné lui-même pour que nous puissions retrouver notre place auprès de Dieu, comme des enfants adoptés, retrouvés, près de lui, pour toujours. Grâce à ce don du Christ, Dieu nous remplit à nouveau de son Esprit, pour combler notre vie de sa présence.
Il y a de quoi chanter la grandeur de l’amour de Dieu ! Il y a de quoi célébrer le Christ ! Il y a de quoi nous réjouir de la présence du Saint Esprit ! Mais nous pouvons aussi nous réjouir de la famille que Dieu nous donne. Car oui, en devenant ses fils et ses filles bien-aimés, nous recevons des frères et sœurs dans la foi. De fait, tous ceux qui croient en Jésus-Christ et qui appellent Dieu « Père », tous ceux-là sont frères et sœurs… pour l’éternité ! Vous qui avez des frères et sœurs, comment auriez-vous pu ignorer votre fratrie à la maison ? Quand vous êtes nés, ils étaient là ! A table, ils étaient là ! Dans la voiture, en vacances, aux réunions de famille, aux anniversaires… ils étaient là ! Et tout parent vous le dira : l’amour entre les enfants compte presque autant que la relation avec les parents…
De toute éternité, Dieu désire et se prépare une famille nombreuse, avec des enfants de tous âges, et de tous styles, qui se réjouissent ensemble, se soutiennent dans les difficultés, s’entraident aux différentes étapes de la vie : tout simplement une fratrie qui s’aime, comme le Père aime ses enfants !
Vivre l’église « en famille »
L’Eglise, dans l’histoire et dans le monde, est le rassemblement visible des enfants de Dieu, disons que c’est la grande famille de Dieu. Et toutes les communautés locales, temporaires, que nous formons sont les branches de cette famille – vous savez, comme les branches que l’on trouve dans les arbres généalogiques.
A partir du moment où l’on dit que l’église est un morceau de la famille de Dieu, notre attente, légitime, c’est qu’elle soit « familiale ». Surtout dans nos églises évangéliques, où nous sommes très attachés à cette notion de fraternité, d’accueil, de chaleur fraternelle. Mais qu’entend-on par une église « familiale » ? Il y a parfois des soupirs de regrets : ah, l’église a grandi, on ne connaît plus tout le monde, c’est anonyme… Et nous ne sommes que 200 ! Imaginez les églises qui comptent plusieurs milliers de membres ! Il y a derrière ces regrets la nostalgie d’une vie d’église intense, riche, avec des relations fortes. Mais le côté « familial » ne dépend pas du nombre de membres. Vous trouverez des petites familles froides et indifférentes, avec des repas de Noël à 5 pleins de tension et de malaise, alors qu’il y a de grandes familles chaleureuses et aimantes ! Vivre l’église comme une famille ne dépend pas du nombre de membres, mais de la qualité des relations que nous avons entre nous. C’est la fraternité entre nous qui détermine à quel point notre église est « familiale ».
Si nous voulons, si vous voulez, vivre pleinement votre vie chrétienne, vous ne pouvez pas faire l’impasse sur vos frères et vos sœurs. Ils font partie intégrante de votre relation avec Dieu. Et vivre l’église en famille demande que chacun de nous investisse dans des relations fraternelles. Pas avec tout le monde, c’est impossible ! Mais si chacun d’entre nous décide de s’investir dans une relation familiale avec mettons 2 personnes (l’objectif est modéré ! c’est pour commencer…), notre église, notre vie !, ne sera plus la même.
Investir dans des relations fraternelles, c’est y passer du temps : eh oui ! vous investissez avec vos précieuses ressources – à la banque c’est l’argent, en famille c’est le temps ! si vous n’appelez jamais vos frères et sœurs ou vos parents, si vous ne passez jamais de temps ensemble, si vous ne faites rien ensemble… comment sera votre relation ? Une relation familiale demande du temps ! Du temps en petit comité, du temps pour se connaître, pour s’apprivoiser, pour s’épauler… Les activités que nous avons dans l’église ce sont des retrouvailles de famille, mais nous développons notre fraternité dans les petits groupes (de partage ou de service, organisés par l’église ou spontanés). Par exemple en invitant à manger ou proposant un café à un autre membre de l’église, en donnant de vraies nouvelles quand on vous dira à la fin du culte « ça va ? ». En rejoignant un groupe. En proposant à quelqu’un de prier avec lui, ou de lire la Bible ensemble. Réfléchissez à comment vous pourriez vivre des relations un peu plus fraternelles, juste un pas supplémentaire.
J’insiste sur le fait de vraiment se connaître les uns les autres, pour vivre une vraie fraternité. Une relation familiale, c’est une relation authentique, où chacun est lui-même, sans faux-semblants, sans chercher à se cacher ou à en imposer, avec ses points forts, ses limites, ses défauts. Et nous chrétiens, étrangement, nous avons du mal avec l’authenticité. Nous qui croyons en un Dieu de grâce qui nous prend tels que nous sommes et nous lave, nous purifie, nous transforme avec patience, quelque soit l’état de dégradation dans lequel nous étions. Nous qui affirmons et chantons que le salut par grâce est un salut immérité, que nous avons simplement à croire, en laissant Jésus porter (et emporter) notre honte et notre culpabilité. Nous qui disons avec les réformateurs Luther et Calvin que nous sommes toujours des pécheurs pardonnés, fautifs et imparfaits mais couverts par le sang du Christ – en lui nous avons l’assurance d’être aimés de Dieu.
Nous qui croyons tout cela, pourquoi avons-nous tant de mal à vivre dans l’église des relations authentiques ? Sûrement que quelque part, il y a le désir de bien faire – Dieu m’a sauvée et lavée pour que j’apprenne à mener une vie sainte, juste et belle : quand j’échoue, j’ai honte. Et puis je veux montrer aux autres mes bons côtés, mes réussites, c’est normal ! Il y a peut-être aussi la peur – la peur d’être la seule à n’avoir rien compris (le diable s’évertue toujours à nous couvrir d’accusations et c’est ainsi qu’il nous isole – de Dieu et des autres), la peur de décevoir, d’être jugée, d’être rejetée… Chacun se demande : qu’est-ce qu’ils penseraient de moi s’ils me connaissaient vraiment ? Nous avons tant d’exemples où nous avons fait confiance, en famille, en amitié, en amour, et la porte s’est refermée.
Le problème, c’est que nous n’avons pas le choix ! Soit nous aimons de vraies personnes, soit nous aimons des mirages – mais je doute que ça marche pour Dieu. Pour aimer, nous devons avoir le courage de l’authenticité, au moins avec quelques uns. Le courage d’être nous-mêmes, de confier nos joies, nos projets, nos rêves, nos doutes, nos peurs, nos échecs. Le courage de demander conseil, et la prière. Le courage de chercher Dieu ensemble.
Mais aussi le courage de regarder l’autre en frère, en sœur, même quand il me déplaît ou que je ne comprends pas. Le courage d’écouter sans rétorquer au quart de tour, en choisissant la grâce, comme Dieu l’a fait avec nous, le courage du pardon et de l’accompagnement. Le courage aussi de parler, en disant à l’autre ce qu’il n’a pas forcément envie d’entendre, mais pour le faire grandir pas pour l’écraser, sans remettre en question sa place auprès de Dieu ou parmi nous.
Vivre l’éternité aujourd’hui
Comment vivre cette véritable fraternité en église si déjà c’est difficile avec nos proches ? Je crois que si Dieu a mis tant d’énergie à se façonner une famille, depuis la création jusqu’à la croix, la résurrection, le don de l’Esprit, il va nous éduquer ! ou nous rééduquer ! Ayons confiance : Dieu donne à chacun de ses enfants le saint Esprit qui agit dans nos cœurs, qui guérit les blessures, qui arrondit les angles, qui ouvre de nouvelles possibilités. Il nous donne le Christ pour compagnon et pour modèle.
Mais ne nous leurrons pas : la fraternité dans l’église reste un défi ambitieux à relever. Nous devons faire le choix du partage, voire du pardon. Mais est-ce vraiment un choix ? Pouvons-nous ignorer les autres enfants de Dieu qui habitent la même maison que nous ? Pouvons-nous rester dans notre coin ? Pouvons-nous décréter que l’amour dans la famille du Dieu d’amour est une option ?
De toute éternité, Dieu nous a préparé une place dans sa famille. Et je ne sais pas trop à quoi ressemblera la vie dans l’éternité de Dieu, mais une chose est sûre, nous y serons ensemble ! Aujourd’hui, nous avons un avant-goût de l’éternité au sein d’une branche de la famille. Aujourd’hui, nous pouvons déjà expérimenter, goûter, tester à quoi ressemble l’amour tel que Dieu l’imagine. Aujourd’hui, nous pouvons laisser cet avant-goût de l’éternité transformer nos relations, nous éduquer à la fraternité – et peut-être même qu’ayant appris à aimer comme Dieu ici, nous pourrons mieux aimer ailleurs.
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