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L’ambition de la justice

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Quelle est notre ambition dans la vie ? quelle est votre ambition dans la vie ? Et quelle est l’ambition de Dieu pour votre vie ? Que nous soyons, sel et lumière dans le monde, de ceux qui redonnent le sourire, qui font réfléchir et grandir… Comment ? Continuons notre parcours du sermon sur la montagne, où Jésus vient nous interpeller sur ce que nous sommes.

Lecture biblique : Matthieu 5.17-37

Avec Jésus souffle un vent de liberté. Certains verront en lui un révolutionnaire, mais d’autres, un hérétique !                           Alors dès le début, Jésus met au clair ses positions : rien, dans ce que Dieu a dit, dit ou dira, n’est à jeter. Tout ce qui émane de Dieu est vrai, bon et juste. Et malheur à celui qui se permettra de relativiser une seule parole qui vient de Dieu, car c’est comme rejeter Dieu.

Mais Jésus n’est pas le seul à vouloir mettre la volonté de Dieu en pratique : les pharisiens aussi (ces religieux juifs très puristes) ont voué leur vie à respecter la volonté de Dieu. Ils ont recensé tous les commandements, toutes les interdictions, et leur quotidien consiste à rester dans l’étroit rectangle ainsi délimité, à rester purs et saints devant Dieu. Jésus renvoie à ses disciples une exigence qui dépasse encore la consécration pharisienne : chercher la justice de Dieu devrait être notre priorité. Comment dépasser les puristes ? pas en comparant les performances, mais en entrant dans une autre dynamique. C’est ce que Jésus montre, avec 6 exemples de la vie de tous les jours (j’en ai lu 4), 6 règles divines plus ou moins bien comprises dont Jésus va révéler le sens profond.

1)     Une justice qui commence à l’intérieur

Avec l’exemple du meurtre et de l’adultère, Jésus reprend deux des 10 commandements. Mais il remonte à la source : le mal ne commence pas lorsqu’il est commis, mais lorsqu’il est prémédité, médité, ressassé. Et même s’il ne se concrétise apparemment pas – on peut fantasmer sur sa collègue de bureau ou haïr son beau-frère sans jamais passer à l’acte – ce penchant intérieur est déjà terrible aux yeux de Dieu. Pourquoi ? Au moins pour deux raisons. D’une part, nos pensées préparent nos actes futurs : si toute haine ne conduit pas au meurtre, bien des meurtres naissent de la haine. Nos pensées sont parfois la première étape d’un engrenage incontrôlable (cf. David & Bathshéba). D’autre part, nos pensées influencent notre comportement aujourd’hui : la haine ou le désir vont teinter notre regard, notre attitude, nos décisions, toute la relation en fait. Demandez à votre femme si elle ne se sent pas trahie quand son mari déshabille du regard une autre femme… Et l’inverse est vrai aussi! C’est un mythe, de croire que nos pensées n’ont pas d’impact sur nos actes.

Une vie juste et bonne commence avec des bonnes pensées. Oui, mais, Jésus y va fort ! Parfois on a raison d’être en colère, d’ailleurs, Jésus lui-même s’est emporté devant l’injustice de certains ! Mais Jésus m’interpelle : contre quoi se porte ma colère ? est-ce de l’indignation devant un acte, un fait ? Ou ma colère se transforme-t-elle en haine, en mépris d’une personne ? Est-ce que cette colère vient m’aveugler, cacher l’autre à ma vue, entamer voire enterrer notre relation ?

Quant au désir, à la convoitise… Remarquer la beauté ou le charme de quelqu’un, c’est neutre. Mais c’est différent de s’y complaire, imaginer, emprunter par la pensée des chemins inappropriés à la relation existante.

Martin Luther utilise une image très parlante : tu ne peux pas empêcher l’oiseau de voler au-dessus de ta tête, mais tu peux l’empêcher d’y faire son nid. Tu n’es pas responsable de ce qui te passe par la tête, mais tu es responsable de ce que tu laisses s’enraciner en toi.

La Loi donnée par Dieu condamnait des actes répréhensibles (le meurtre, l’adultère), mais Jésus montre que l’injustice dépasse les actes. Dès que je réduis l’autre à un objet – que je peux convoiter/ posséder ou dont je veux me débarrasser – j’entre dans une dynamique destructrice et malsaine. La vraie justice implique des pensées justes.

2)     Un engagement sincère

Les deux autres exemples, sur le divorce et le serment, ne s’appuient pas sur des commandements mais plutôt sur des pratiques tolérées dans la Loi juive. A l’époque de Jésus, certains divorcent pour un oui ou pour un non : la femme samaritaine est divorcée 5 fois,  et certains rabbins déclarent « divorçable » toute femme décevante, par exemple si elle fait brûler le repas… La pratique s’est détournée du principe originel : on ne se marie pas pour divorcer ! On ne se marie pas non plus en pensant au divorce, comme on entrerait dans un CDD. On se marie pour construire un projet à deux, pour la vie. Et si Dieu a autorisé le divorce, ce n’est pas car c’est anodin, mais par réalisme, parce que parfois c’est un moindre mal. Mais l’exception ne doit pas devenir la règle ou l’habitude.

L’exemple du serment va dans le même sens : la pratique a dévié, et beaucoup des contemporains de Jésus jurent par ci, par ça. Ils en font des tonnes… Vous le savez, on se méfie de ceux qui jurent sur la tête de leur mère, de leur grand-mère, de leur arrière-grand-tante etc. A force d’en rajouter, la parole en perd sa valeur. Mais il y a un deuxième écueil : quand on rajoute des couches et des couches, des garanties à n’en plus finir, on crée des zones grises qui peuvent nous dégager de notre serment. « Oui c’est vrai je t’ai promis ça, j’ai juré sur Jérusalem, mais maintenant j’ai déménagé à Césarée, donc, tu comprends… »

En fait, le point commun des deux situations, c’est la critique d’une parole qui perd son poids et sa valeur. Un véritable engagement n’a pas d’arrière-pensées, il est sincère. Il ne prémédite pas les portes de sortie possibles. Quand on dit « je le veux » ou « oui » – ou même « non », car on a le droit de dire « non », c’est même ce qui permet de dire de vrais « oui » – quand on s’engage donc, engageons-nous avec sincérité, à faire tout notre possible pour respecter notre parole.

3)     Prendre nos responsabilités

Jésus nous renvoie à nos responsabilités. Et il est radical ! En entendant ses paroles, on a envie de nuancer : « oui, mais Jésus, quand tu parles de convoitise, ça commence quand ? Et c’est quel type de femme ? mariée, pas mariée ? Si on est tous les deux célibataires, c’est pas comme un adultère, quand même ! Et si c’est quelqu’un que je ne connais pas, dans un film par exemple ? » Et pareil pour le reste. Parfois sur internet, on voit des théories très raffinées sur ce qui est permis ou pas, dans quel cas faire ci, dans quel cas faire ça… Mais Jésus ne rentre pas dans ce jeu-là, dans ces petits calculs qui coupent les cheveux en quatre : il nous donne des principes fondamentaux, quelques exemples, et à nous d’en tirer les conséquences. A nous de voir si nous sommes dans une situation qui peut nous mettre en difficulté : un conflit, une relation ambiguë, une dette… et d’y remédier.

Jésus ne dit pas comment, mais il nous interpelle sur l’impérieuse nécessité de nous sortir de ces situations le plus vite possible : en cherchant un arrangement, en prenant l’initiative de la réconciliation, en évitant les situations de tentation, avant que ça ne devienne plus grave. Il nous réveille de notre torpeur, de ce que nous rangeons facilement dans le « normal » – non, le mal n’est pas normal, qu’il soit visible ou en germe, et il faut nous en débarrasser. L’image de l’amputation est parlante : si votre jambe malade met en danger la santé du corps entier, le médecin n’hésitera pas à vous sauver de la gangrène en vous amputant. Soyons donc vigilants, pour éviter d’être gangrénés !

J’entends aussi un encouragement dans les paroles claquantes de Jésus : si les situations les plus ordinaires peuvent conduire à l’injustice, l’inverse est vrai aussi. La justice ne concerne pas seulement les grands actes héroïques, elle se vit aussi au quotidien, dans nos pensées, nos paroles, nos relations, dans un respect délibéré de l’autre, une recherche farouche du pardon et de la paix, jour après jour.

Conclusion : L’ambition incroyable de Dieu pour notre vie

Jésus place devant nous le modèle d’une vie entièrement juste, des actes, aux paroles, aux relations, jusqu’aux pensées ! Cette justice parfaite n’est pas la clé pour être sauvé – ce serait impossible ! Mais Jésus est la clé. Lui qui était parfaitement juste, du témoignage de tous, a choisi de mourir pour nous afin d’échanger sa justice contre notre injustice. Par la foi en lui, nous sommes sauvés, revêtus de la justice de Jésus. Avec ce vêtement, nous recevons une identité : fils et filles du Dieu de lumière. Et avec cette identité, nous recevons une vocation : vivre dans la lumière, la justice et la bonté, comme Dieu est lumière, justice, et bonté.

Dieu a une sacrée ambition pour notre vie, comme un sommet qu’il nous invite à gravir. Que faire devant cette ambition ? La rejeter, sous prétexte que c’est impossible aujourd’hui ? L’aménager, la ramener à notre hauteur ? Seul Dieu est capable d’une telle justice ! Ca tombe bien, c’est Dieu qui s’implique à nos côtés avec le Christ, et en nous par son Esprit ! Alors devant ce haut, très haut sommet, osons demander à Dieu son aide et sa grâce pour faire un pas de plus sur le chemin de sa justice.

Sel et lumière

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Matthieu 5.13-16
13 « Vous êtes le sel de toute la terre. Mais quand le sel perd son goût, comment lui rendre son bon goût ? Il ne sert plus à rien. On le jette dehors et les gens marchent dessus.
14 « Vous êtes la lumière du monde. Quand une ville est construite sur une montagne, elle ne peut pas être cachée. 15 Et quand on allume une lampe, ce n’est pas pour la mettre sous un seau ! Au contraire, on la met bien en haut, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. 16 De la même façon, votre lumière doit briller devant tout le monde. Alors les autres verront le bien que vous faites. Ils pourront chanter la gloire de votre Père qui est dans les cieux. »

Sel de la terre ! Lumière du monde ! Rien que ça… N’est-ce pas un peu « gonflé » de se prétendre sel de la terre et lumière du monde ? Certes, c’est Jésus qui le dit mais quand même ! Imaginez d’inscrire ça sur votre profil Facebook ou Twitter !!!

Oui mais… Jésus n’est pas en train de caresser ses disciples dans le sens du poil ! Il ne leur dit pas : « Vous êtes des gens formidables, la crème de la crème ! ». Il les met plutôt face à leurs responsabilités : il parle quand même d’un risque pour le sel d’être jeté dehors et foulé aux pieds ! Car il y a des dangers : que le sel perdre son goût et que la lumière soit cachée.

C’est sur ces dangers que j’aimerais me concentrer ce matin. Vous êtes sel de la terre… Mais ne perdez pas votre goût ! Vous êtes lumière du monde… mais ne cachez pas votre lumière !

Pour que le sel ne perde pas son goût

La version Parole de Vie traduit : « Si le sel perd son goût ». Littéralement c’est « si le sel devient stupide », on pourrait traduire inutile ou inefficace. Quant à la suite de la question, « Comment lui rendre son goût », littéralement c’est « comment sera-t-il salé ? »

Comment comprendre le sens de la métaphore ? Dans l’Antiquité, on avait de nombreux usages pour le sel mais il s’agit sans doute ici d’un usage domestique. Quand le sel de la métaphore devient inutile, il est jeté dehors. C’est dire que son utilité était à l’intérieur de la maison où il était en particulier utilisé pour conserver les aliments… et aussi pour leur donner du goût.

Par ailleurs, l’expression « être jeté dehors » évoque d’autres images bibliques associées au jugement. Dans les paraboles de Jésus, c’est le sort réservé à l’invité à la noce qui n’a pas revêtu l’habit de fête, ou au serviteur inutile qui n’a pas fait fructifier ses talents.

Il y a donc bien dans ces paroles de Jésus une mise en garde à ses disciples pour qu’ils ne soient pas des serviteurs inutiles. En effet, quand il leur dit qu’ils sont le sel de la terre, il leur dit qu’il sont utiles pour le monde. Et de fait, si on regarde l’histoire de l’humanité, on voit de nombreux chrétiens avoir été utiles pour le monde, en étant à l’origine de grandes avancées sociales, au nom de l’Evangile.
Mais on voit aussi que ça n’a pas toujours été le cas, malheureusement… Parfois, l’empreinte laissée par les chrétiens dans le monde a un goût amer…

Cette métaphore du sel est la plus forte des exhortations en faveur d’une présence réelle des chrétiens dans le monde. Alors qu’il y a toujours eu la tentation de se couper du monde. Aujourd’hui encore. Comment être sel de la terre en dehors du monde ?

Pour que le sel conserve les aliments , ou pour qu’il leur donne du goût, il faut qu’il se mélange aux aliments. Il ne suffit pas de poser une salière, même pleine à ras bord, sur la table pour donner du goût à votre plat ! Or parfois l’église est comme une salière hermétiquement fermée… Parce qu’on veut garder la pureté du sel intacte !!!

Comment être sel de la terre en dehors du monde ? Comment être utile à mon prochain si je ne vais pas à sa rencontre ?

Jésus a été utile auprès des petits, des délaissés, des exclus de la société de son époque. Utile comme un médecin pour des malades. Il s’est mélangé à eux, il accueillait ceux qui venaient à lui et les guérissait, il allait manger chez ceux qui l’invitaient, y compris les pécheurs et les gens de mauvaise réputation… Ses ennemis le lui a assez reproché !

En quoi suis-je utile aux autres ? Quel goût je diffuse autour de moi ? Quelle influence j’ai sur mon prochain ? Il ne s’agit pas forcément de révolutionner notre société… mais déjà d’avoir un impact positif sur notre entourage, nos amis. Apporter de la paix, de la joie, de l’espoir, du réconfort… c’est aussi cela être sel de la terre !

Pour que la lumière ne soit pas cachée

Si le danger pour le sel était de devenir insipide, inutile, le danger pour la lumière est qu’elle soit cachée. L’accent est sur les actes plus que les paroles, sur ce que les gens voient plutôt que ce qu’ils entendent :

« votre lumière doit briller devant tout le monde. Alors les autres verront le bien que vous faites. Ils pourront chanter la gloire de votre Père qui est dans les cieux. » (Mt 5.16)

J’ai souvent interprété ces paroles de Jésus comme une exhortation à vaincre nos timidités et nos peurs, pour laisser briller l’Evangile à travers notre vie. Et je pense que ça reste une lecture possible… Mais l’insistance de Jésus sur le fait de ne pas cacher la lumière me semble orienter vers une autre interprétation. Pourquoi cacherait-on une lumière si ce n’est parce qu’on n’a pas vraiment envie que cette lumière soit vue par tous ? Peut-être parce qu’on préfère cacher certains actes peu glorieux plutôt que de s’exposer.

Et cette compréhension se confirme quand on compare ces paroles aux versions de Marc et de Luc de cette métaphore :

Marc 4.21-22
Jésus leur dit encore : « Quand quelqu’un apporte une lampe, ce n’est pas pour la mettre sous un seau ou sous un lit ! Au contraire, il la place bien en haut. Tout ce qui est caché, on pourra le voir, tout ce qui est secret, cela paraîtra en pleine lumière. »

Ici, il y a bien une formule qui évoque le jugement, où chacun aura à rendre compte de ses actes, y compris ceux qu’il a voulu cacher… Il y a, dans notre vie, des lumières qu’on est prêt à laisser briller, et d’autres qu’on préfère cacher. La question que nous devons entendre est donc : de quel genre de lumière brillons-nous ?

Il ne s’agit pas d’être une lumière aveuglante, qui cherche à en mettre plein la vue : « Regardez comme je suis spirituel, comme je suis épanoui dans ma foi, comme je suis bon et généreux envers les autres… » Ailleurs dans le évangiles, c’est exactement l’attitude superficielle que Jésus dénonce chez les Pharisiens…

Ce n’est pas ainsi que le Christ, véritable lumière du monde, est venu. Il est venu, humblement, en serviteur. Certes, il a brillé un peu plus fort lorsqu’il accomplissait des miracles, plus fort encore le jour de sa résurrection. Mais la plupart du temps, sa lumière était douce et bienfaisante.

Matthieu 11.28-30
28 « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous donnerai le repos. 29 Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes. 30 Oui, mon joug est facile à porter et mon fardeau léger. »

Nous sommes lumière du monde si notre vie reflète la lumière du Christ. Si notre lumière n’attire pas le regard sur nous mais sur le Seigneur. Car, Jésus le souligne, l’objectif de cette lumière est que ceux qui la voient glorifient Dieu. Que notre lumière soit donc douce et humble, qu’elle rassure, qu’elle réchauffe, qu’elle apaise !

Conclusion

Il n’y a qu’une manière d’avoir une vie qui donne du goût, utile aux autres, et qui rayonne de la lumière du Christ. C’est de toujours nous rapprocher du Christ, nous exposer à sa lumière et la laisser nous remplir.

« Vous êtes le sel de la terre… Vous êtes la lumière du monde ». Alors ne devenez pas insipide ! N’ayez pas honte de votre lumière ! Ou, pour le dire plus simplement encore : Soyez utiles dans ce monde et que votre vie reflète l’amour de Dieu !

C’est ainsi que nous pourrons glorifier Dieu ici-bas… et encourager ceux qui ne connaissent pas encore cette lumière à la découvrir !

Un autre bonheur

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Nous vous proposons avec Vincent une série de prédications sur le fameux discours de Jésus dans les collines – le « Sermon sur la Montagne ». Nous sommes au début de l’Evangile de Matthieu, au début du ministère de Jésus : après son baptême, il choisit quelques disciples pour le suivre, et se met à enseigner. Jésus proclame que le règne de Dieu s’est approché, il invite à changer de vie, à se tourner vers Dieu pour entrer dans cette existence nouvelle. Très vite, sa réputation le précède : de nombreuses foules viennent à lui – il prêche, il guérit, il délivre. Dans ce tumulte, Jésus fait une pause pour enseigner un peu plus en profondeur à quoi ressemble la vie avec Dieu. Il ne dit pas encore comment on y arrive, mais il décrit la vie de celui/celle qui entend l’invitation de Dieu, se tourne vers lui et change de vie. Et il commence avec un portrait.

Lecture de l’Evangile de Matthieu (ch. 5, v.1-12)

1 Jésus voit les foules qui sont venues. Il monte sur la montagne, il s’assoit et ses disciples viennent auprès de lui. 2 Jésus prend la parole et il les enseigne en disant :

3 « Ils sont heureux, ceux qui ont un cœur de pauvre, parce que le Royaume des cieux est à eux !

4 Ils sont heureux, ceux qui pleurent, parce que Dieu les consolera !

5 Ils sont heureux, ceux qui sont doux, parce qu’ils recevront la terre comme un don de Dieu !

6 Ils sont heureux, ceux qui ont faim et soif d’obéir à Dieu, parce qu’ils seront satisfaits !

7 Ils sont heureux, ceux qui sont bons pour les autres, parce que Dieu sera bon pour eux !

8 Ils sont heureux, ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu !

9 Ils sont heureux, ceux qui font la paix autour d’eux, parce que Dieu les appellera ses fils.

10 Ils sont heureux, ceux qu’on fait souffrir parce qu’ils obéissent à Dieu. Oui, le Royaume des cieux est à eux ! 11 Vous êtes heureux quand on vous insulte, quand on vous fait souffrir, quand on dit contre vous toutes sortes de mauvaises paroles et de mensonges à cause de moi. 12 Soyez dans la joie, soyez heureux, parce que Dieu vous prépare une grande récompense ! En effet, c’est ainsi qu’on a fait souffrir les prophètes qui ont vécu avant vous. »

Jésus regarde et il voit. Il voit les foules, les gens malades, pauvres, en pleurs, en souffrance. Dans la foule autour de lui, dans la foule de ce matin, il voit – ceux qui sont insatisfaits de leur vie, ou qui nagent à contre-courant. Ceux qui languissent et qui peinent, ceux qui crient et espèrent. Et Jésus saisit l’opportunité de montrer à ses disciples, et aux foules, comment Dieu regarde cette situation.

1)     Heureux ceux que Dieu voit

Le discours tout entier est bien structuré, avec le balancement : heureux ceux qui… car Dieu leur répondra. Ce qui frappe, c’est le paradoxe de ses formulations. Heureux ! Heureux, bénis, chanceux, sont… ceux qui se savent pauvres, qui pleurent, qui languissent, qui sont persécutés… Heureux ?!? Jésus prend clairement le contre-pied de nos a priori, à l’époque comme aujourd’hui. Nous avons tous reçu des vœux de bonne année, de bonne santé, de réussite et de prospérité, éventuellement de joie & d’amour… Pourtant, Jésus affirme que l’avenir appartient aux décalés, à ceux qui se retrouvent sur le côté de la route. Certains s’y retrouvent de force, marginalisés ou ralentis par la maladie, le chômage, le deuil, l’angoisse… D’autres par conviction, parce qu’ils vivent à contre-courant, qu’ils cherchent le sens de la vie ailleurs, qu’ils ne se font pas à la violence et au cynisme du monde.

Eux tous, nous tous, Jésus les voit et reconnaît leur situation. Ce que nous vivons ne passe pas inaperçu, mais nos luttes, même discrètes, ont du poids aux yeux de Dieu. Jésus rappelle les psaumes, les prophètes, qui décrivent Dieu comme le Dieu des opprimés, des veuves et des orphelins, celui qui essuie les larmes et qui dissipe le deuil de ceux qui se tournent vers lui.

Si tous ces décalés sont déclarés heureux, ce n’est pas par dolorisme ! Mais parce que. Parce que Dieu les voit et leur donne une espérance au-delà du présent : à ceux qui se tournent vers lui, Dieu offre une identité (fils de Dieu), un héritage, une place près de lui, la plénitude, la joie – pour toujours. L’avenir lumineux, éclatant, invite à ne pas se décourager, à persévérer malgré des situations bien sombres…

Nous avons peut-être particulièrement besoin de l’entendre, à notre époque. En effet, nous sommes bien souvent le nez dans le présent, sans perspective d’avenir, coincés dans le court terme sans voir la globalité de ce que Dieu prévoit. C’est vrai que dans le passé, l’écueil était inverse : les croyants regardaient tant vers l’avenir glorieux qu’ils acceptaient le présent même le plus sombre, justifiant parfois des atrocités. Cela a été dénoncé avec raison. Cela dit, de nos jours, c’est le contraire, une grande partie de notre attente – voire sa totalité – est concentrée sur le bien-être présent, comme s’il n’y avait pas de perspective plus lointaine.

Jésus présente la réalité de la vie avec Dieu autrement : l’espérance nous tourne vers l’avenir, vers les promesses, vers demain. Mais ce que Dieu promet n’est pas cantonné à un futur inaccessible ! Dès aujourd’hui, cette lumière de l’avenir vient adoucir notre présent, alléger nos peines, encourager notre cœur. Tout nous est promis, demain, mais nous en avons un avant-goût par la foi, aujourd’hui.

Jésus nous interpelle donc en montrant comment Dieu voit notre monde, nos situations : ceux qui ont les mains vides aujourd’hui, tendues vers Dieu, ne sont pas des perdants ! Dieu veille sur eux et leur réserve ses bénédictions. Quel réconfort !

Mais les béatitudes dépassent ce simple constat de fait : ces promesses ne sont pas juste le résultat de la compassion de Dieu, elles témoignent aussi des principes et des valeurs de Dieu. Qu’est-ce qui le touche dans notre vie ? Qu’est-ce qu’il valorise, qu’est-ce qu’il veut récompenser ? Au-delà du réconfort, il y a une invitation pour tous à entendre les critères de Dieu pour une bonne vie.

2)     Heureux ceux qui vivent les valeurs de Dieu

Et là c’est le clash avec les définitions habituelles – autant dans l’Antiquité qu’aujourd’hui. Jésus prend le contre-pied de notre idéal : l’homme ou la femme qui sait, fort, indépendant, pragmatique, dynamique, positif, charismatique… On a presque l’impression que Jésus fait l’apologie de l’impuissance, de la bonne poire qui se fait avoir, qui donne qui donne sans recevoir, du naïf idéaliste qui ne sait pas profiter de la vie et qui perd son temps à des causes perdues…

En fait, si on creuse, les valeurs de Dieu sont un peu différentes. Je relèverai 3 caractéristiques principales.

D’abord, Jésus met l’accent sur l’intériorité. Dieu regarde au cœur, au-delà des apparences. Tout commence avec le cœur. On peut avoir la plus belle vie qui soit, la plus pieuse ou la plus pure, si notre cœur n’est pas tourné vers Dieu, il manque l’essentiel. Dieu ne demande pas qu’on fasse nos preuves ou qu’on rentre dans les bonnes cases, mais qu’on s’ouvre à lui. Qu’on entre tout entier dans une relation profonde avec lui – et bien sûr, il y aura des fruits visibles, mais ça c’est la conséquence, pas le commencement. La bénédiction de la présence de Dieu s’offre à ceux qui se mettent à nu devant lui pour la recevoir.

Ensuite, l’humilité est centrale. Jésus invite à se reconnaître pauvre devant Dieu, devant les autres, avec nos manques, nos défaillances, nos fautes. Ce n’est pas forcément agréable ! Nous pouvons même parfois en pleurer. Mais c’est en nous plaçant devant Dieu en vérité que nous pouvons être graciés, réconfortés, transformés. Cette humilité, c’est le chemin vers la douceur et la bonté, l’empathie, la patience, la bienveillance. Pour accueillir l’autre tel qu’il est, comme Dieu m’accueille moi-même. L’humilité peut paraître assez naturelle au début, mais c’est peut-être difficile de persévérer dans l’humilité, après plusieurs ou de nombreuses années de vie chrétienne, pour redécouvrir chaque jour l’ampleur de la grâce de Dieu envers nous – et envers les autres.

Enfin, ce qui frappe dans ces béatitudes, c’est un profond courage. Le courage de voir la vérité en face, de reconnaître difficultés et souffrances sans sauter immédiatement à une joie illusoire. Le courage de s’impliquer pour le bien : prendre l’initiative du pardon, œuvrer pour la réconciliation, pour l’équité. La foi nous rend actifs ! Le courage d’obéir à Dieu, quitte à renoncer à nos partis-pris, à notre confort, à nos propres schémas. Le courage enfin de prendre des risques par fidélité envers Dieu – Jésus est réaliste : œuvrer pour la vérité, le bien et la justice dérangera forcément certains.

C’est une vie à contre-courant ! Loin d’une existence myope et sourde, centrée sur la récompense du présent, la tranquillité, le triomphe de l’ego, la joie illusoire née des divertissements, la fierté mal placée de ceux qui écrasent les autres, du pouvoir né de la domination. Soyons clairs, il y a un certain bonheur à vivre comme ça, à la force de ses bras, chacun dans son coin, bien protégé entre quatre murs, en essayant d’entasser autant que possible. Mais ce bonheur s’obtient avec combien d’efforts, de compromis, de rejets, et d’incertitudes péniblement contrées par nos calculs ? et pour combien de temps, alors que la maladie, l’accident, la mort peuvent intervenir n’importe quand ?

Jésus invite à un autre bonheur. A une autre dynamique, inspirée par un objectif éternel. A une autre paix, ancrée dans l’amour et la réconciliation. A une autre force, tirée de la confiance dans le Dieu tout-puissant. A une autre satisfaction, construite sur le bien et la justice. A une autre joie, née des promesses de Dieu.

3)     Heureux ceux qui suivent Jésus

Creusons encore un peu. Qui se dessine derrière les paroles de Jésus ? Qui a pleuré sur le mal, la violence, et même le scandale de la mort ? Qui a accueilli avec douceur hommes et femmes, citoyens et étrangers, riches et pauvres, bien portants et malades, religieux et gens de mauvaise réputation ? Jésus. Jésus s’est fait pauvre, de riche qu’il était, il s’est fait homme, de Dieu qu’il était. Il a vécu sans injustice, bien plus, avec justice, en faisant tout ce que Dieu aime. Et il a été persécuté, rejeté, condamné. Oui Jésus s’est abaissé, il s’est fait serviteur des hommes, jusqu’à la mort, la mort sur la croix, par amour, pour nous réconcilier avec Dieu. Jésus a incarné les valeurs de Dieu, et il a expérimenté la profondeur du décalage, du déchirement, de la souffrance qui peuvent en résulter – mais sa résurrection témoigne que les promesses de Dieu aux humbles, aux doux et aux courageux se sont réalisées.

Vivre les béatitudes, finalement, c’est suivre Jésus, c’est faire de lui notre modèle. Vous me direz, ce modèle est haut, exigeant, inaccessible ! Vous risquez de le penser plusieurs fois en lisant le sermon sur la montagne… C’est vrai : vivre les valeurs de Dieu est le plus haut défi que nous puissions nous fixer. Pourtant Jésus ne cherche pas à nous narguer ou à nous décourager ! Il donne un but, une direction, une orientation à notre vie.

En tant que personnes, nous évoluons, nous avançons – vers quoi ? Choisissons ce que Dieu aime – et nous le verrons à l’œuvre en nous, près de nous, devant nous. Cultivons en nous le caractère que Jésus avait, entraînons-nous à la paix et à la justice, apprenons les valeurs de Dieu – car c’est elles qui auront cours dans l’éternité. Et n’ayons pas peur, même si nous avançons à contre-vent, à contre-courant : si nous nous ouvrons à Dieu, si nous nous risquons à le suivre et à vivre avec lui, il nous conduira lui-même sur le chemin du véritable bonheur, par son Esprit.

L’adoration des mages

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Matthieu 2.1-12
1 Jésus naît à Bethléem, en Judée, au moment où Hérode le Grand est roi. Alors, des sages viennent de l’est et arrivent à Jérusalem. 2 Ils demandent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile se lever à l’est, et nous sommes venus l’adorer. » 3 Quand le roi Hérode apprend cela, il est troublé, et tous les habitants de Jérusalem aussi. 4 Le roi réunit tous les chefs des prêtres de son peuple avec les maîtres de la loi. Il leur demande : « À quel endroit est-ce que le Messie doit naître ? » 5 Ils lui répondent : « Le Messie doit naître à Bethléem, en Judée. En effet, le prophète a écrit : 6 “Et toi, Bethléem, du pays de Juda, tu n’es sûrement pas la moins importante des villes de Juda. Oui, un chef va venir de chez toi, il sera le berger de mon peuple, Israël.” » 7 Alors Hérode fait appeler les sages en secret. Il leur demande : « À quel moment est-ce que l’étoile est apparue ? » 8 Ensuite il les envoie à Bethléem en disant : « Allez vous renseigner exactement sur l’enfant. Quand vous l’aurez trouvé, venez me prévenir, et moi aussi, j’irai l’adorer. » 9 Après ces paroles du roi, les sages se mettent en route. Ils aperçoivent l’étoile qu’ils ont vue à l’est. Ils sont remplis d’une très grande joie en la voyant. L’étoile avance devant eux. Elle arrive au-dessus de l’endroit où l’enfant se trouve, et elle s’arrête là. 11 Les sages entrent dans la maison, et ils voient l’enfant avec Marie, sa mère. Ils se mettent à genoux et adorent l’enfant. Ensuite, ils ouvrent leurs bagages et ils lui offrent des cadeaux : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. 12 Après cela, Dieu les avertit dans un rêve de ne pas retourner chez Hérode. Alors ils prennent un autre chemin pour rentrer dans leur pays.
Voilà un épisode bien connu, représenté dans la traditionnelle crèche de Noël… dans laquelle d’ailleurs on mélange les récits de la Nativité de Matthieu et de Luc. Les bergers et les mages ne se sont jamais retrouvés en même temps auprès de Jésus… Chez Luc, ce sont les bergers qui viennent adorer l’enfant Jésus, le soir de Noël. Chez Matthieu, ce sont les mages, après un long périple depuis l’Orient, qui viennent adorer l’enfant Jésus. Et cela se déroule sans doute bien après la nuit de Noël. En effet, pus tard, lorsque Hérode, en colère, donnera l’ordre de tuer tous les enfants de deux ans ou moins, le texte biblique précise qu’il agit « d’après l’époque qu’il s’était fait préciser par les mages »… Même si les deux ans correspondaient au moment de l’apparition de l’étoile, qu’il faudrait alors compter le voyage et même si on peut imaginer que dans sa colère Hérode avait pris de la marge… on est bien plusieurs mois après la naissance de Jésus dans notre récit.

Chez Matthieu, pas de berger donc mais des mages d’Orient. Et d’autres personnages interviennent dans le récit : le roi Hérode et les chefs des prêtres. Je vous propose ce matin de nous arrêter sur ces différents personnages et voir en quoi leur attitude face à Jésus nous interpellent.

Hérode, le parano

Tout d’abord il y a Hérode, inquiet pour son pouvoir. Un vrai parano. Et dangereux, en plus ! Il suffit de voir la suite du récit… Et c’est bien conforme au portrait qu’en font les historiens : Hérode avait l’habitude de faire exécuter ceux qu’il considérait comme une menace, y compris trois de ses propres fils !

Pour l’instant, il mène sa petite enquête auprès des prêtres, il demande des précisions aux mages à propos de ce roi dont ils parlent. Et il élabore son plan : « Quand vous l’aurez trouvé, venez me prévenir, et moi aussi, j’irai l’adorer. » Tu parles…

Mais comment un petit enfant peut-il être une menace pour Hérode ? A la fin de sa vie, devant Pilate cette fois, Jésus dira que son Royaume n’est pas de ce monde. Ça pourrait être entendu comme l’affirmation d’une non-concurrence. Et de fait, le Nouveau Testament invite les croyants à être de bons citoyens…

Et pourtant, ce Royaume de Dieu, dont l’entrée est réservée à ceux qui sont comme des petits enfants, dans lequel l’amour pour Dieu et pour le prochain est la valeur suprême, ce Royaume est perçu comme une menace par ceux qui sont avides de pouvoir et veulent garder leur place.

Et dans l’histoire, les puissants se sont inquiétés du pouvoir de Jésus : les chefs religieux dans les évangiles se sont farouchement opposés à Jésus ; l’empire romain a persécuté les chrétiens dans le premier siècle de l’histoire de l’Eglise ; les régimes totalitaires dans l’histoire, jusqu’à aujourd’hui, persécutent encore les chrétiens.

C’est bien que ce Royaume, inauguré par Celui qui s’est fait petit enfant, dérange les puissants. Et que même si les chrétiens sont invités à être de bons citoyens, il y a forcément des situations où la fidélité à l’Evangile les place à contre-courant. Si bien que lorsque l’Eglise ne fait que se fondre dans la société où elle vit, en faisant le moins de vagues possible, en devenant presque transparente, joue-t-elle vraiment son rôle ?

Et ce n’est pas que face à des régimes totalitaires qu’il y a une voix à faire entendre, mais aussi, dans nos sociétés démocratiques, lorsque les plus fragiles sont oubliés, lorsque les réfugiés ne sont pas accueillis, lorsque les libertés sont bafouées, lorsque l’argent est roi… et l’on pourrait multiplier les exemples.

Des prêtres aveugles

Ensuite, il y a les chefs des prêtres. Au palais, ils sont des conseillers du roi. Il faut dire que c’était Hérode qui les nommait…

Quand il leur demande où le Messie doit naître, leur réponse est parfaite : A Bethléem, comme l’annonce la prophétie de Michée. Pas de problème, ils connaissent leur Bible ! Enfin, ils savent, intellectuellement, où doit naître le Messie. Mais quand ils voient arriver des personnages qui viennent de loin pour adorer le roi des Juifs qui vient de naître, eux, ils restent dans le palais d’Hérode…

Dans les Evangiles, les chefs religieux ne sont pas vraiment ménagés. Ce sont ceux à l’égard desquels Jésus a les paroles les plus dures. Ils représentent à la fois l’impasse d’une religion formelle et les dangers d’une religion où les responsables sont plus intéressés par l’exercice du pouvoir que l’obéissance à Dieu. Dans notre récit, le contraste entre leur connaissance des prophéties bibliques et l’absence d’impact dans leur vie est frappant ! Et cela doit forcément nous interpeller : quel écart y a-t-il entre la foi que nous professons et la manière dont elle impacte notre vie ?

Si, je l’espère, nous ne sommes pas aveugles spirituellement, avouons que nous sommes quand même un peu bigleux ! Notre « vue » spirituelle n’est pas toujours très perçante. On pourrait même se hasarder à des analogies… Spirituellement, on peut être myope, presbyte, astigmate ou hypermétrope !

  • Le myope, c’est celui qui ne voit clair que de près. Le nez dans sa Bible, il est capable de réciter tous les versets que vous voulez mais de là à voir au-delà du bout de son nez, c’est compliqué… Les myopes spirituels s’intéressent à leur propre vie spirituelle, leur foi, leur piété, leur épanouissement spirituel… mais très peu à leur prochain.
  • Le presbyte, à l’inverse, ne voit clair que de loin. C’est un peu l’histoire de la paille et de la poutre. On est capable de voir la paille dans l’oeil de son prochain, avec la distance, mais on est incapable de voir la poutre dans son propre œil… c’est trop près ! Les presbytes spirituels sont prompts à juger les autres et donneurs de leçons… mais jamais ils ne se remettent en question !
  • L’astigmate a une vision déformée, quelle que soit la distance. Il voit toujours les choses différemment des autres… et ce sont forcément les autres qui ont tort ! Il a souvent un réflexe de victimisation : il se dit incompris, mal-aimé, rejeté…
  • L’hypermétrope voit flou… et souffre de maux de tête. Spirituellement, il ne sait jamais où il en est. Il a tendance à se convertir 30 fois dans sa vie, se laisse emporter par les prédicateurs à la mode sur youtube, tantôt dans un sens tantôt dans l’autre… et ça finit par lui donner mal à la tête !

Bien-sûr, ces analogies ont leurs limites… Mais l’idée principale est bien que, spirituellement, nous avons tous besoin des lunettes du Saint-Esprit pour y voir clair. Nous sommes tous des bigleux !

Des mages « pas très catholiques »

Enfin, il y a les mages. Que sait-on d’eux ? Pas grand chose en réalité. C’est la tradition qui a finit par dire qu’ils étaient trois, que c’étaient des rois et on leur a même donné un nom ! Mais le texte biblique est bien plus sobre : ils viennent d’Orient. C’est vague… viennent-ils de Babylone, de Perse ? En tout cas, ça en fait clairement des païens. On sait aussi qu’ils ont scruté les étoiles et y ont vu le signe de la naissance du roi d’Israël. Ne me demandez pas comment ils ont fait ! Mais ce qui est sûr, c’est que ça fait d’eux des astrologues ! Ce n’est « pas très catholique » tout ça…

Si l’Evangile avait été écrit par un « bon chrétien », il aurait sans doute trouvé mieux, plus politiquement correct, pour venir adorer le Messie. Mais Dieu est allé chercher des païens venus d’Orient puisque les chefs religieux sont incapables de voir ce qui se passe devant leur nez…

Et il est allé les chercher sur leur terrain. Dans les étoiles ! Je ne suis pas en train de défendre l’astrologie, loin de là… Il faut juste se souvenir qu’au temps de Jésus, la distinction entre astrologie et astronomie n’existait pas vraiment… Dieu les a trouvé dans les étoiles… et il est allé cherché des hommes curieux, en recherche, prêts à entreprendre le voyage pour aller adorer le roi des Juifs !

Il y a d’autres cas dans la Bible où Dieu fait éclater les carcans et les a priori, en utilisant des hommes ou des femmes là où on ne s’y attend pas. Il y a par exemple Melchisédek qui vient de nulle part pour bénir Abraham, Job qui est exemplaire dans sa foi alors qu’il n’appartient pas au peuple d’Israël, plusieurs maximes du livre des Proverbes qui sont issues d’une sagesse en dehors du peuple d’Israël, le roi perse Cyrus que Dieu appelle son « oint » (celui qu’il a choisi, un titre messianique). Et dans les évangiles, on peut penser à plusieurs païens, comme la femme syro-phénicienne ou le centurion, dont Jésus dit que même en Israël il n’a pas trouvé d’aussi grande foi. Et puis il y a cet homme qui chasse les démons au nom de Jésus mais qui ne fait pas partie du cercle des disciples… et Jésus dit à ses disciples de ne pas l’empêcher !

Ne nous hâtons donc pas de dire comment Dieu parle et à qui il parle ou ne parle pas… Laissons-nous surprendre ! Et accueillons ceux que Dieu lui-même accueille…

Conclusion

Quelle galerie de personnages ! Un roi parano, des prêtres aveugles et des mages « pas très catholiques » ! Et au milieu de tous, l’enfant Jésus.

Chez Luc, l’adoration des bergers nous rappelait que Jésus-Christ est venu pour tous, y compris et surtout pour les humbles, les petits. Chez Matthieu, l’adoration des mages nous rappelle la dimension universelle de la venue de Jésus. La Bonne Nouvelle est pour tous et Dieu va à la rencontre de ceux qui le cherchent, où qu’ils soient, quels qu’ils soient. C’est une preuve d’aveuglement spirituel que de ne pas le voir…

C’est nous qui voulons mettre des barrières, des limites à Dieu. Mais l’apôtre Paul l’a dit avec force : « Il n’y a plus ni Juifs ni Grecs, ni esclaves ni libres, ni hommes ni femmes, car tous vous êtes un en Jésus-Christ. » (Galates 3.28)