Quelle est notre ambition dans la vie ? quelle est votre ambition dans la vie ? Et quelle est l’ambition de Dieu pour votre vie ? Que nous soyons, sel et lumière dans le monde, de ceux qui redonnent le sourire, qui font réfléchir et grandir… Comment ? Continuons notre parcours du sermon sur la montagne, où Jésus vient nous interpeller sur ce que nous sommes.
Lecture biblique : Matthieu 5.17-37
Avec Jésus souffle un vent de liberté. Certains verront en lui un révolutionnaire, mais d’autres, un hérétique ! Alors dès le début, Jésus met au clair ses positions : rien, dans ce que Dieu a dit, dit ou dira, n’est à jeter. Tout ce qui émane de Dieu est vrai, bon et juste. Et malheur à celui qui se permettra de relativiser une seule parole qui vient de Dieu, car c’est comme rejeter Dieu.
Mais Jésus n’est pas le seul à vouloir mettre la volonté de Dieu en pratique : les pharisiens aussi (ces religieux juifs très puristes) ont voué leur vie à respecter la volonté de Dieu. Ils ont recensé tous les commandements, toutes les interdictions, et leur quotidien consiste à rester dans l’étroit rectangle ainsi délimité, à rester purs et saints devant Dieu. Jésus renvoie à ses disciples une exigence qui dépasse encore la consécration pharisienne : chercher la justice de Dieu devrait être notre priorité. Comment dépasser les puristes ? pas en comparant les performances, mais en entrant dans une autre dynamique. C’est ce que Jésus montre, avec 6 exemples de la vie de tous les jours (j’en ai lu 4), 6 règles divines plus ou moins bien comprises dont Jésus va révéler le sens profond.
1) Une justice qui commence à l’intérieur
Avec l’exemple du meurtre et de l’adultère, Jésus reprend deux des 10 commandements. Mais il remonte à la source : le mal ne commence pas lorsqu’il est commis, mais lorsqu’il est prémédité, médité, ressassé. Et même s’il ne se concrétise apparemment pas – on peut fantasmer sur sa collègue de bureau ou haïr son beau-frère sans jamais passer à l’acte – ce penchant intérieur est déjà terrible aux yeux de Dieu. Pourquoi ? Au moins pour deux raisons. D’une part, nos pensées préparent nos actes futurs : si toute haine ne conduit pas au meurtre, bien des meurtres naissent de la haine. Nos pensées sont parfois la première étape d’un engrenage incontrôlable (cf. David & Bathshéba). D’autre part, nos pensées influencent notre comportement aujourd’hui : la haine ou le désir vont teinter notre regard, notre attitude, nos décisions, toute la relation en fait. Demandez à votre femme si elle ne se sent pas trahie quand son mari déshabille du regard une autre femme… Et l’inverse est vrai aussi! C’est un mythe, de croire que nos pensées n’ont pas d’impact sur nos actes.
Une vie juste et bonne commence avec des bonnes pensées. Oui, mais, Jésus y va fort ! Parfois on a raison d’être en colère, d’ailleurs, Jésus lui-même s’est emporté devant l’injustice de certains ! Mais Jésus m’interpelle : contre quoi se porte ma colère ? est-ce de l’indignation devant un acte, un fait ? Ou ma colère se transforme-t-elle en haine, en mépris d’une personne ? Est-ce que cette colère vient m’aveugler, cacher l’autre à ma vue, entamer voire enterrer notre relation ?
Quant au désir, à la convoitise… Remarquer la beauté ou le charme de quelqu’un, c’est neutre. Mais c’est différent de s’y complaire, imaginer, emprunter par la pensée des chemins inappropriés à la relation existante.
Martin Luther utilise une image très parlante : tu ne peux pas empêcher l’oiseau de voler au-dessus de ta tête, mais tu peux l’empêcher d’y faire son nid. Tu n’es pas responsable de ce qui te passe par la tête, mais tu es responsable de ce que tu laisses s’enraciner en toi.
La Loi donnée par Dieu condamnait des actes répréhensibles (le meurtre, l’adultère), mais Jésus montre que l’injustice dépasse les actes. Dès que je réduis l’autre à un objet – que je peux convoiter/ posséder ou dont je veux me débarrasser – j’entre dans une dynamique destructrice et malsaine. La vraie justice implique des pensées justes.
2) Un engagement sincère
Les deux autres exemples, sur le divorce et le serment, ne s’appuient pas sur des commandements mais plutôt sur des pratiques tolérées dans la Loi juive. A l’époque de Jésus, certains divorcent pour un oui ou pour un non : la femme samaritaine est divorcée 5 fois, et certains rabbins déclarent « divorçable » toute femme décevante, par exemple si elle fait brûler le repas… La pratique s’est détournée du principe originel : on ne se marie pas pour divorcer ! On ne se marie pas non plus en pensant au divorce, comme on entrerait dans un CDD. On se marie pour construire un projet à deux, pour la vie. Et si Dieu a autorisé le divorce, ce n’est pas car c’est anodin, mais par réalisme, parce que parfois c’est un moindre mal. Mais l’exception ne doit pas devenir la règle ou l’habitude.
L’exemple du serment va dans le même sens : la pratique a dévié, et beaucoup des contemporains de Jésus jurent par ci, par ça. Ils en font des tonnes… Vous le savez, on se méfie de ceux qui jurent sur la tête de leur mère, de leur grand-mère, de leur arrière-grand-tante etc. A force d’en rajouter, la parole en perd sa valeur. Mais il y a un deuxième écueil : quand on rajoute des couches et des couches, des garanties à n’en plus finir, on crée des zones grises qui peuvent nous dégager de notre serment. « Oui c’est vrai je t’ai promis ça, j’ai juré sur Jérusalem, mais maintenant j’ai déménagé à Césarée, donc, tu comprends… »
En fait, le point commun des deux situations, c’est la critique d’une parole qui perd son poids et sa valeur. Un véritable engagement n’a pas d’arrière-pensées, il est sincère. Il ne prémédite pas les portes de sortie possibles. Quand on dit « je le veux » ou « oui » – ou même « non », car on a le droit de dire « non », c’est même ce qui permet de dire de vrais « oui » – quand on s’engage donc, engageons-nous avec sincérité, à faire tout notre possible pour respecter notre parole.
3) Prendre nos responsabilités
Jésus nous renvoie à nos responsabilités. Et il est radical ! En entendant ses paroles, on a envie de nuancer : « oui, mais Jésus, quand tu parles de convoitise, ça commence quand ? Et c’est quel type de femme ? mariée, pas mariée ? Si on est tous les deux célibataires, c’est pas comme un adultère, quand même ! Et si c’est quelqu’un que je ne connais pas, dans un film par exemple ? » Et pareil pour le reste. Parfois sur internet, on voit des théories très raffinées sur ce qui est permis ou pas, dans quel cas faire ci, dans quel cas faire ça… Mais Jésus ne rentre pas dans ce jeu-là, dans ces petits calculs qui coupent les cheveux en quatre : il nous donne des principes fondamentaux, quelques exemples, et à nous d’en tirer les conséquences. A nous de voir si nous sommes dans une situation qui peut nous mettre en difficulté : un conflit, une relation ambiguë, une dette… et d’y remédier.
Jésus ne dit pas comment, mais il nous interpelle sur l’impérieuse nécessité de nous sortir de ces situations le plus vite possible : en cherchant un arrangement, en prenant l’initiative de la réconciliation, en évitant les situations de tentation, avant que ça ne devienne plus grave. Il nous réveille de notre torpeur, de ce que nous rangeons facilement dans le « normal » – non, le mal n’est pas normal, qu’il soit visible ou en germe, et il faut nous en débarrasser. L’image de l’amputation est parlante : si votre jambe malade met en danger la santé du corps entier, le médecin n’hésitera pas à vous sauver de la gangrène en vous amputant. Soyons donc vigilants, pour éviter d’être gangrénés !
J’entends aussi un encouragement dans les paroles claquantes de Jésus : si les situations les plus ordinaires peuvent conduire à l’injustice, l’inverse est vrai aussi. La justice ne concerne pas seulement les grands actes héroïques, elle se vit aussi au quotidien, dans nos pensées, nos paroles, nos relations, dans un respect délibéré de l’autre, une recherche farouche du pardon et de la paix, jour après jour.
Conclusion : L’ambition incroyable de Dieu pour notre vie
Jésus place devant nous le modèle d’une vie entièrement juste, des actes, aux paroles, aux relations, jusqu’aux pensées ! Cette justice parfaite n’est pas la clé pour être sauvé – ce serait impossible ! Mais Jésus est la clé. Lui qui était parfaitement juste, du témoignage de tous, a choisi de mourir pour nous afin d’échanger sa justice contre notre injustice. Par la foi en lui, nous sommes sauvés, revêtus de la justice de Jésus. Avec ce vêtement, nous recevons une identité : fils et filles du Dieu de lumière. Et avec cette identité, nous recevons une vocation : vivre dans la lumière, la justice et la bonté, comme Dieu est lumière, justice, et bonté.
Dieu a une sacrée ambition pour notre vie, comme un sommet qu’il nous invite à gravir. Que faire devant cette ambition ? La rejeter, sous prétexte que c’est impossible aujourd’hui ? L’aménager, la ramener à notre hauteur ? Seul Dieu est capable d’une telle justice ! Ca tombe bien, c’est Dieu qui s’implique à nos côtés avec le Christ, et en nous par son Esprit ! Alors devant ce haut, très haut sommet, osons demander à Dieu son aide et sa grâce pour faire un pas de plus sur le chemin de sa justice.