Archives mensuelles : octobre 2016

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Gérer sa vie

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Lecture biblique : Jacques 4.13-5.6

Sur Internet, dans les magazines, à la télévision ou la radio… partout on nous donne des conseils pour gérer notre vie. Les 10 conseils pour prendre sa vie en main, les 7 astuces pour gérer ses économies, les 4 principes pour booster sa carrière professionnelle, etc.

On nous propose partout des coachs pour notre développement personnel, des offres incontournables pour une assurance vie, des manuels pratiques pour réussir sa vie… Bref, nous apprendre à gérer notre vie est aujourd’hui un business qui rapporte !

Tout cela n’existait pas au temps de l’épître de Jacques… Mais n’est-ce pas un peu les mêmes questions qui sont posées dans ce texte ? Comment gérer sa vie ? Quels projets bâtir ? Quelles assurances se donner ?

Jacques y répond, comme à son habitude, d’une façon directe voire provocatrice…

Des sécurités illusoires

On pourrait dire qu’il pousse un double coup de gueule ! Les deux paragraphes de son propos sont introduits par la même formule d’interpellation (4.13, 5.1), qu’on pourrait traduire : « A vous, maintenant ! ». Jacques vise spécialement deux types de comportements qu’il veut condamner avec vigueur, et qui devaient être particulièrement présent parmi ses lecteurs.

Il dénonce deux sécurités illusoires. Dans le premier paragraphe, celle des projets (trop) bien ficelés et dans le deuxième paragraphe, celle des richesses amassées. L’idée commune à ce passage est celle-ci : nos projets et nos richesses sont des illusions quand ils deviennent notre sécurité. C’est même une manifestation d’orgueil spirituel : soit parce qu’on pense être seul maître de son destin, soit parce qu’on pense pouvoir se mettre à l’abri grâce à ses biens matériels.

Or, Jacques remet ceux qui tiennent de tels raisonnements à leur place :
Vous pensez être maître de votre destin ? Eh bien, aussi riche et ambitieux que vous soyez, vous n’êtes guère plus, à l’échelle de l’histoire, qu’un petit nuage qui s’évapore.
Vous pensez vous garantir un avenir radieux par les richesses que vous amassez ? Vos richesses sont éphémères, elles pourrissent et elles rouillent. Le monde va disparaître, et pourtant vous amassez les richesses alors que vous ne les emporterez pas dans la tombe…

Plus grave encore, ces sécurités illusoires leur font oublier les autres, elles les enferment dans leur égoïsme. Les ouvriers ne sont pas payés (v.4), des innocents sont condamnés et meurent (v.6).

La leçon est celle-ci : quand le but de sa vie est de se construire un petit monde sécurisé, on s’enferme dans son égoïsme. L’avertissement est valable pour chacun. S’ouvrir à l’autre, l’accueillir, l’aimer, tout simplement, comme nous y invite le Seigneur, ça peut mettre en danger notre confort et notre sécurité. Quand ma sécurité est ma préoccupation première, je ne suis pas sûr que l’amour du prochain ait beaucoup de place…

Notez d’ailleurs que ce qui est vrai à l’échelle individuel reste pertinent à l’échelle d’un peuple ou d’un pays. Quand le souci premier est la sécurité, alors les peurs de l’autre grandissent, on est dans le repli, on construit des barrières et des murs, on préfère la méfiance et la suspicion à l’accueil et l’hospitalité. Toute ressemblance avec ce qui se passe aujourd’hui en Europe n’est pas fortuite… Dans une société, quand la sécurité est érigée en valeur suprême, je ne suis pas sûr que la liberté, l’égalité et la fraternité y résistent longtemps…

Dieu voulant…

Face à ces sécurités illusoires, et notamment celle de nos projets, Jacques fait une préconisation : « Vous devez dire : ‘Si le Seigneur le veut, nous vivrons, et nous ferons ceci ou bien cela.’ » (v.15)

Ce verset biblique a donné naissance à une formule utilisée, parfois un peu à tout-va chez les chrétiens : « Dieu voulant ». J’ai même déjà vu écrit simplement DV pour le signifier… c’est dire qu’elle est bien connue ! Si je n’ai rien contre l’usage de cette formule, comme précaution de langage, je me méfie un peu de l’usage systématique. Le Dieu voulant devenant un peu le Inch Allah évangélique !

Du coup, je me permets une petite parenthèse sur ce qu’on pourrait appeler les « formules magiques » évangéliques. Ces formules sont, à la base, bibliques. Il n’y a donc pas lieu de les proscrire. Mais attention à l’usage quasi magique qui peut en être fait. Comme s’il ne fallait pas bâtir le moindre projet sans, explicitement, dire « Dieu voulant ». Comme si on ne devait pas prononcer une seule prière, surtout d’intercession, sans la conclure par la formule « au nom de Jésus » (et si on peut répéter la formule au cours de la prière, c’est plus efficace). Comme si le secret de la plénitude dans la louange, c’est de dire Alléluia comme un mantra ! Et si on arrive à placer d’autres mots en hébreu, voire en araméen, c’est encore mieux (même si on ne connaît pas trop leur signification…) : Maranatha, Hosanna, Abba…

Mais revenons à notre épître de Jacques. Derrière la formule, il y a la reconnaissance de notre dépendance de Dieu. Jacques veut nous situer à notre juste place ici-bas, que nous soyons lucides quant à notre condition humaine. Non, nous ne sommes pas maîtres de notre destin, même si nous sommes responsables de nos choix et de nos projets !

Bien gérer sa vie, devant Dieu, c’est subordonner tous ses projets à la volonté de Dieu. Non pas s’attendre à ce que la feuille de route nous tombe comme par magie du ciel et que nous n’ayons plus qu’à la suivre, sans réfléchir. Mais, dans tout ce que nous faisons, dans tous nos projets restons attentifs à la voix de Dieu. Restons sensibles à sa main qui pourrait nous conduire ailleurs que ce que nous avions prévu.

« Si le Seigneur le veut, nous vivrons, et nous ferons ceci ou bien cela. »

Laisser de la place à l’imprévu

Cela nous conduit à notre troisième point. Si nous ne sommes pas maîtres de notre destin et que Dieu, lui, est souverain, alors nous devons laisser de la place dans la gestion de notre vie, pour de l’imprévu.

Cela éclaire peut-être l’usage que fait Jaques d’une formule sans doute connue à son époque et que l’on retrouve au verset 17 : « Celui qui sait faire le bien et ne le fait pas, se rend coupable d’un péché. »

Certes, cette formule peut, simplement, accentuer l’importance de ce qu’il dit. « Maintenant, vous savez, et si vous n’agissez pas en conséquence, vous en serez responsable ». Mais ne peut-on pas y voir aussi, en lien avec le contexte, une invitation à saisir les occasions de faire le bien quand elle se présentent… y compris quand elles n’entrent pas dans les projets que nous avions prévus ?

On ne peut pas planifier à l’avance les occasions que nous aurons de faire le bien ! Dire « demain, nous ferons ceci ou cela » de façon absolue c’est s’interdire de faire autre chose si les circonstances le demandent. Des projets trop ficelés, qui ne laissent aucune place à l’improvisation et l’adaptation, peuvent empêcher de voir les occasions de faire le bien qui se présentent. Ne se préoccuper que de sa propre sécurité nous empêche de voir les occasions que Dieu met sur notre route.

Jacques ne nous invite-t-il pas à laisser de la place à l’imprévu dans nos vies ? Car notre imprévu, c’est peut-être le prévu de Dieu ! Et on risque de passer à côté parce que ce n’était pas dans le projet initial, parce que ça nous détourne de notre feuille de route, ou parce que ça met en péril ce que nous pensions construire pour notre avenir…

Si notre sécurité est dans nos projets ou dans nos richesses (quelles qu’elles soient), alors elle est illusoire. Mais si notre sécurité est en Dieu, le tout-puissant souverain, alors les imprévus de notre vie ne doivent pas nous faire peur. Avoir confiance en Dieu, c’est aussi accueillir l’imprévu comme une chance de découvrir des projets de Dieu surprenants, des découvertes étonnantes, des rencontres inattendues.

Conclusion

Gérer sa vie. C’est, indéniablement, un défi. Et je ne suis pas sûr que les multiples offres, conseils et astuces qu’on nous propose soient toujours de bon conseil.

L’erreur est de croire que Dieu ne serait qu’un spectateur de notre vie et que c’est à nous de tout planifier et de tout assurer. En réalité, ce que sous-entend Jacques, c’est qu’on ne peut pas gérer correctement sa vie sans laisser Dieu en prendre les rennes. Ca ne nous rend pas à notre tour spectateur de notre vie, nous en restons les acteurs… mais aux côtés de Dieu. Et il pourrait bien parfois nous emmener sur des chemins que nous n’avions pas prévus.

Du coup, je vous propose une autre formule en conclusion : Celui qui sait faire place à l’imprévu, dans la confiance en Dieu, se verra emmener sur des chemins de bénédictions qu’il n’avait pas prévu !

Frustrés !

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Lecture biblique : Jacques 4.1-12

Jacques ne fait pas dans la dentelle ! On a même un peu l’impression qu’il exagère… En réalité, il force peut-être un peu le trait mais c’est pour souligner les enjeux. D’une certaine façon, il propose une dissection spirituelle de notre cœur… et ce n’est pas joli joli !

Il y trouve un cœur partagé, traversé de motivations ambiguës. Il y voit les racines de tensions et de disputes entre frères et sœurs dans la foi. Il y discerne surtout des frustrations : vous voulez quelque chose et vous ne pouvez pas l’avoir… vous demandez et vous ne recevez pas…

Nous connaissons tous, à différents niveaux, des frustrations, parfois difficiles à gérer. Et c’est le cas bien-sûr dans notre vie spirituelle. Jacques, ici, veut nous aider à les comprendre et à les surmonter.

Comprendre nos frustrations

Dans son propos, Jacques évoque deux sources possibles de nos frustrations spirituelles :
– La comparaison avec les autres
– La duplicité de notre cœur

La comparaison avec les autres

« Vous voulez quelque chose et vous ne pouvez pas l’avoir ? Alors vous êtes prêts à tuer. Vous êtes jaloux et vous ne pouvez pas obtenir ce que vous désirez ? Alors vous luttez et vous vous battez. » (v.2)

La convoitise et la jalousie, qui sont soulignées ici par Jacques, ont pour racine la comparaison avec les autres. Bien-sûr, ici on pense d’abord aux convoitises pour les biens matériels. Mais cela reste valable pour tout type de convoitise.

Dès le moment où on se laisse aller à la comparaison, alors naît la frustration. Parce qu’il y a toujours cette impression tenace que l’herbe est plus verte dans le pré du voisin… Sauf, bien-sûr, si vous vous pensez tellement supérieur qu’il ne vous manque rien et que la comparaison avec les autres vous conforte dans votre sentiment de supériorité. Là, votre problème est différent. Sautez directement au verset 6 : « Dieu résiste aux orgueilleux. Il est bon pour les petits. » et entendez le conseil du verset 10 : « Faites-vous petits devant le Seigneur, et il vous honorera. »

Mais pour les autres, entendons ce que Jacques indique ici : arrêtons de nous comparer les uns aux autres. C’est ce qui crée frustrations, dissensions et disputes, qui peuvent parfois aller très loin. Arrêtons de comparer nos situations sociales ou familiales, arrêtons de comparer nos dons et nos ministères, arrêtons de comparer nos spiritualités ou nos cheminements spirituels. Notre modèle, notre horizon, notre référence, c’est le Christ, et lui seul.

La duplicité de notre coeur

Une deuxième source de frustration se manifeste dans la prière. Et il faut avouer que le non-exaucement de nos prières peut parfois être une source douloureuse de frustration spirituelle. Je demande à Dieu de m’exaucer et il ne le fait pas ! Je lui demande de me donner ceci ou cela et il ne me le donne pas ! Je lui demande de me délivrer de ce penchant ou de cette addiction mais il ne le fait pas !

Pour expliquer cette frustration, Jacques pointe du doigt notre cœur : « Vous demandez et vous ne recevez rien ? C’est que vous demandez mal ! Vous demandez seulement pour satisfaire vos désirs mauvais. » (v.3)

Pour Jacques, demander mal, c’est demander avec de mauvaises motivations, « pour satisfaire vos désirs mauvais ». Et il le fait avec des termes extrêmement sévères en traitant ses lecteurs d’adultères (c’est bien le sens du mot grec au début du verset 4) et de gens faux (« avec l’âme partagée », au verset 8).

Cette duplicité du cœur, c’est notre ambiguïté à être attirés à la fois par Dieu et par le monde. Le monde, ici, c’est tout ce qui est contraire à Dieu. On ne peut être l’ami des deux à la fois ! Le problème, c’est que nous sommes l’hôte des deux à la fois… D’où nos frustrations ! D’où aussi la nécessaire prise de conscience que nous aurons toujours cette lutte intérieure, ce combat à mener en nous-mêmes. Le chemin de la sanctification, c’est aussi apprendre à gérer et surmonter nos frustrations spirituelles

Surmonter nos frustrations

Même s’il utilise un langage direct et sévère, Jacques ne veut pas nous laisser perdu dans nos frustrations. Il donne des clés pour apprendre à les surmonter. Nous pouvons en discerner trois :

1° Choisir son maître et s’y attacher

« Obéissez à Dieu, mais résistez à l’esprit du mal, et il va fuir loin de vous. » (v.7)

Par cette exhortation, Jacques nous dit que la résistance paye. La victoire est possible ! La duplicité de notre cœur peut petit à petit s’estomper.

Le mouvement est double : obéir à Dieu et résister au diable. Il y a une dynamique positive qui nous fait avance, qui repose sur l’obéissance à Dieu, sur le fait d’entrer dans ses projets, de nous accorder à sa volonté. Il s’agit donc sans cesse d’apprendre à mieux connaître ce que Dieu veut. Et là, il n’y a pas 36 solutions : il faut lire la Bible !

Mais il y a aussi une dynamique négative contre laquelle résister, un force qui nous écrase, nous détruit, nous égare, celle de la volonté du diable. Autrement dit : cette volonté, qui devient nôtre, de mettre en doute ou rester sourd à la voix de Dieu. Comme dans le jardin d’Eden lorsque la voix du Serpent a su insinuer le doute au sujet de la parole de Dieu.

Pour surmonter nos frustrations, il y a une décision ferme à prendre : choisissons Dieu comme maître et restons-lui attaché. Refusons le diable comme maître et résistons-lui.

2° Cultiver la proximité avec Dieu

Le deuxième conseil est lié au premier : « Approchez-vous de Dieu, il s’approchera de vous. » (v.8a) Jacques nous invite à cultiver la proximité avec Dieu. Elle est réciproque, vécue dans une relation authentique. Et cela permet de comprendre que Dieu n’est pas un maître distant et lointain mais un Père proche et aimant.

Mettre à part des temps d’intimité avec Dieu est vital ! Et ça ne se fait pas tout seul, il faut le vouloir. A cause de nos emplois du temps minutés, à cause des sollicitations incessantes de notre société de consommation, à cause du bruit constant d’un monde où le silence n’a plus de place, parce que nous sommes toujours connectés, dérangés, alertés… et nos frustrations sont alimentées !

Sachons dire stop. Et cultiver la proximité avec Dieu, pour nous ouvrir à la plénitude de sa présence. Et nos frustrations s’envoleront. Dans la plénitude de la présence de Dieu, les frustrations disparaissent complètement ! De quoi aurions-nous besoin d’autre que de la présence du Dieu infini, tout-puissant, éternel ?

3° Faire le ménage

« Purifiez-vous, vous qui êtes pécheurs ! Nettoyez vos cœurs, vous qui êtes faux ! Soyez tristes, mettez des habits de deuil, pleurez ! Changez vos rires en larmes et votre joie en tristesse ! Faites-vous petits devant le Seigneur, et il vous honorera. » (v.8b-10)

Il faut, régulièrement, faire le ménage dans notre cœur. Chez vous, j’imagine que vous faites régulièrement le ménage, en passant l’aspirateur, la serpillière, etc. Et quelques fois dans l’année, vous faites un grand ménage. Et c’est là, en général, que vous retombez sur les clés que vous aviez perdues depuis plusieurs semaines ou que vous découvrez que certains coins cachés de votre maison sont infestés de bestioles désagréables.

Nous avons aussi besoin de faire le ménage dans notre cœur, dans nos aspirations et nos motivations profondes. Prendre le temps de nous écouter et de prendre du recul sur nous-mêmes. On peut le faire régulièrement, comme une hygiène de vie spirituelle : y passer l’aspirateur. Et de temps en temps, notre cœur a besoin d’un grand ménage, plus en profondeur, par une retraite spirituelle ou avec l’aide de quelqu’un d’autre par exemple.

Conclusion

Nous avons tous des frustrations, de différents ordres, à gérer dans notre vie. Et si nous en manquons, notre société est là pour nous en fournir… Ces frustrations, lorsqu’elles sont alimentées, pourrissent notre vie et nos relations aux autres. Surtout quand elles trouvent racine dans la comparaison avec notre prochain.

En Christ, nous ne sommes pas appelés à la frustration mais à la plénitude :

« Que (Dieu) fasse habiter le Christ en vos cœurs par la foi ; enracinés et fondés dans l’amour, vous aurez ainsi la force de comprendre, avec tous les saints, ce qu’est la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur… et de connaître l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance, afin que vous soyez comblés jusqu’à recevoir toute la plénitude de Dieu. (Ephésiens 3.17-19 – version TOB)

C’est cette plénitude de Dieu en Christ qui nous pouvons connaître, dans la communion avec Dieu, pour vaincre nos frustrations et vivre dans le contentement et la reconnaissance. De quoi aurions besoin d’autre que toute la plénitude de Dieu ?

Vraie et fausse sagesse

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Lecture biblique: Jacques 3.13-18

On retrouve Jacques et ses défis. Tu dis que tu as la foi ? prouve-le ! tu dis que tu es intelligent ? prouve-le ! Plus tôt, Jacques a montré que la foi, c’est plus qu’une simple conviction sur Dieu : c’est une relation avec Dieu, marquée par la confiance, qui influence la vie entière. Maintenant Jacques s’attaque à la sagesse, à l’intelligence, à la façon dont nous définissons la maturité chrétienne. De même que la relation spirituelle que nous avons avec Dieu influence et transforme notre caractère et notre comportement, de même, notre maturité de chrétiens se mesure sur le plan des connaissances tout autant que sur le plan du caractère et du comportement.

En effet, Jacques met les choses au clair : la vraie sagesse, qui vient de la relation de foi que nous avons avec Dieu, touche tous les domaines de notre vie. Il disqualifie ainsi une certaine conception de la sagesse, qui se définirait par le savoir (intellectuel) ou éventuellement le savoir-faire (compétences pratiques, expertise, expérience) mais qui négligerait le savoir-être. La sagesse, dans la Bible, c’est d’abord un savoir-être, qui touche toute notre vie.

1)      Non à une demi-sagesse

C’est sur cette base que Jacques interpelle ses interlocuteurs et particulièrement ceux qui se considèrent sages : peut-être exercent-ils des responsabilités dans l’église, peut-être ont-ils de l’expérience dans la foi, peut-être connaissent-ils les Écritures saintes sur le bout des doigts, ou sont-ils capables de former de plus jeunes chrétiens… Toujours est-il que cela ne suffit pas pour définir la maturité chrétienne. C’est comme un arbre qui grandit : il doit développer son tronc et ses branches, pour pouvoir porter du fruit, mais aussi ses racines – on dit d’ailleurs qu’il y autant de racines souterraines que de branches visibles. Ici, Jacques dénonce une sagesse à plusieurs vitesses, incohérente, qui fait les choses à moitié et se trompe en fait complètement de chemin. Suivre Dieu, c’est le suivre de tout notre cœur – en tout cas, vouloir le suivre de tout notre cœur. Jacques ne parle pas de ceux qui échouent – on est malheureusement tous dans ce cas – mais de ceux qui renoncent à essayer, de ceux qui se contentent de l’apparence de la sagesse sans la chercher de tout leur cœur : une sagesse hypocrite, qui repose sur un masque, la réputation, l’ancienneté, les connaissances, mais qui ne touche pas le cœur. Car la vraie sagesse n’est pas seulement dans la tête : comme l’arbre développe racines, branches et tronc, le sage est celui qui grandit en sagesse dans ses connaissances, dans son caractère et son comportement.

Jacques évoque un élément en particulier : le problème de l’ambition personnelle et des rivalités avec les autres. En effet, les communautés auxquelles il écrit sont traversées par des conflits de personnes qui sabotent la vie communautaire. Jacques touche donc à la racine de ces conflits : l’ambition personnelle, la jalousie, la comparaison, la rivalité. Cependant, Jacques n’est pas le seul à évoquer les problèmes de l’ego : Paul adresse les mêmes reproches aux Philippiens par exemple, en les exhortant à l’humilité, et on voit déjà les disciples demander à Jésus : qui est le plus grand ? qui sera à ta droite, Seigneur ?

Pourquoi cette question de l’ambition personnelle ? des rivalités ? de la comparaison ? du désir de pouvoir, de grandeur, de supériorité ? Peut-être parce qu’au début de la vie chrétienne, on s’attache à éviter les péchés évidents : l’addiction, une vie sexuelle déréglée, le vol, le mensonge, l’infidélité… mais ensuite il reste, et ce n’est pas le moindre, le péché caché, tapi au fond de nous, invisible aux autres mais visible à Dieu : l’orgueil qui est en nous, et qui nous pousse à chercher la première place, à nous comparer, à juger avec rancune, amertume, mépris. Ce vieil orgueil qui voulait nous faire prendre la place de Dieu, au jardin d’Eden, et qui a opposé Adam à Eve, dans l’accusation et le reproche. Cet orgueil est incompatible avec la vraie sagesse, car il influence notre comportement et le pollue : il n’y a donc pas de quoi se vanter ! Plus encore, et là je crois que Jacques nous titille dans notre mauvaise foi, le demi-sage ne doit pas justifier son manque de sagesse !

Bien sûr, nous sommes tous pleins de bonne volonté, et personne ne veut être hypocrite ou orgeuilleux ! Et pourtant, parfois, nous cédons à la tentation de la facilité, du compromis avec notre péché. Parfois nous arrêtons de lutter contre nous-mêmes, contre notre arrogance, contre nos motivations douteuses, contre ce mépris de l’autre. Et le danger, quand nous arrêtons de lutter, c’est de le justifier : « ah mais je suis comme ça ! Je me suis mis en colère contre lui, mais enfin, je ne pouvais pas le laisser parler de Dieu/de l’église/ de moi comme ça ! » Jacques répond : « tu te crois sage parce que tu as rétabli la vérité ? mais la vraie sagesse ne fait pas l’impasse du respect de l’autre. » Avec ce texte, Jacques nous empêche de réarranger la sagesse à notre sauce, selon nos points forts ou nos progrès : la sagesse au rabais ne vaut pas mieux que celle d’un incroyant ou même d’un démon !

2)      La sagesse des humbles

Quelle est alors la vraie sagesse, celle qui transforme toute la personne, esprit, cœur, et corps ?

On peut être étonné de voir que Jacques définit surtout la sagesse par la douceur et le pacifisme, dans les motivations comme dans les actions : le sage est doux, humble, pacifique, cherche la justice avant ses propres intérêts, sert les autres. C’est le modèle que propose aussi Pierre, qui décrit la vie chrétienne comme une vie marquée par l’honnêteté, la maîtrise de soi, la patience, la fidélité, l’amitié et l’amour envers les autres (2 Pierre 1.5-7). C’est ce que dit Paul : le fruit de l’Esprit de Dieu qui travaille en vous, c’est : amour, joie, paix, patience, bonté, service, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi (Galates 5.22-23). Et tous ces apôtres ne font que reformuler ce que disait Jésus : heureux ceux qui se savent pauvres en eux-mêmes, les doux, les assoiffés de justice, ceux qui œuvrent à la paix, ceux qui ont le cœur pur, ceux qui sont compatissants (Matthieu 5.3-8). Voilà le portrait de l’homme sage, et qui est-il sinon le Christ lui-même, lui qui a dit : « venez à moi, car je suis doux et humble de cœur » (Matthieu 11.28-29) ? Ce portrait c’est celui de Jésus, lui-même, lui qui a renoncé à tous ses privilèges pour se faire le plus petit des hommes, pour servir, lui qui a donné sa vie pour réconcilier les hommes avec Dieu et entre eux !

Notre modèle de sagesse n’est rien moins que le Christ lui-même : c’est lui, notre vocation ! lui qui ne sépare pas la vérité de l’amour, la justice du pacifisme. En Jésus-Christ, Dieu nous a accordé le pardon et le salut – mais dans quel but ? que nous recevions cette grâce et que nous la vivions pour être de plus en plus à l’image de Dieu, pleins de grâce et de vérité, fidèles et justes, riches en bonté et lents à la colère – à l’exemple du Christ qui révélait Dieu avec perfection. En Christ, nous apprenons que la fin ne justifie jamais les moyens, que la victoire ne passe pas par le sacrifice de l’autre, mais par le sacrifice de soi, par la générosité, le service, l’abaissement, l’amour.

En regardant le Christ, qui peut se targuer d’être sage ? qui peut se vanter d’avoir compris ? qui peut se croire supérieur au plus petit d’entre nous ? Jacques nous force à redescendre de notre piédestal illusoire : en réalité nous sommes encore loin de ressembler au Christ, même les pasteurs, même les responsables, les plus anciens, ou les plus pieux, nous sommes encore loin de ressembler au Christ. Avec ce constat, Jacques nous pousse à l’honnêteté et à l’humilité, à la repentance, à scruter notre cœur pour débusquer ce qui déforme encore l’image de Dieu que nous sommes appelés à refléter.

Jacques ne veut pas que nous nous arrêtions au triste constat de ce que nous sommes, mais que nous regardions au Christ pour tendre vers lui, pour grandir vers lui, pour nous rapprocher de lui. Au début de sa lettre, il nous rappelle cette promesse : « Si quelqu’un parmi vous manque de sagesse ( !), qu’il la demande à Dieu, et Dieu lui donnera cette sagesse. En effet, Dieu donne à tous, généreusement, sans faire de reproches. » (Jacques 1.5) Dieu veut que nous lui ressemblions, et il nous donne un modèle : le Christ, il nous donne aussi l’Esprit qui nous transforme intérieurement, qui fait l’essentiel d’ailleurs du travail ! Notre part, c’est de le lui demander, de chercher de tout cœur à ressembler au Christ ! à faire de la douceur et de la paix, de la justice et de la bienveillance notre objectif de développement personnel !

Que la douceur et la paix soient notre objectif de développement personnel, mais aussi communautaire ! Qu’elles président à nos projets, à nos ambitions, à nos relations… Qu’elles nous impressionnent, plus que les discours brillants, les diplômes élaborés ou les années d’expérience. Que la douceur et la paix deviennent notre priorité, même dans les désaccords ou les tensions : que nous ne cherchions pas à faire ou à savoir avant d’être, être à l’image du Christ, qui s’est donné pour nous.

Conclusion

Jacques nous encourage à être exigeants, à chercher de toutes nos forces à grandir en Dieu – dans les mots de Paul : « Je ne veux pas dire que j’ai déjà atteint le but, ou que je suis parfait ! mais je continue à courir pour saisir le prix, parce que le Christ Jésus m’a déjà saisi. […] J’oublie la route qui est derrière moi, je suis tendu en avant et je fais la seule chose importante : courir vers le but. » (Philippiens 3.12-14)

Pourquoi ? parce que le Christ nous a fait renaître, par son Esprit, à une vie nouvelle. Il s’est donné lui-même pour nous arracher aux tentacules du mal, du péché, du mépris, de la jalousie, de la rivalité, pour faire de nous les enfants de Dieu, pour faire de nous des frères et des sœurs, témoins de l’amour de Dieu dans le monde. Alors demandons, demandons sans cesse, que Dieu nous fasse croître, petits et grands, dans sa sagesse, la sagesse du Christ.

La langue, un organe petit mais costaud !

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Lecture biblique : Jacques 3.1-12

En Français, il y a pas mal d’expressions avec le mot langue. Mais peu ont un sens vraiment positif : ne pas tenir sa langue, être mauvaise langue, avoir une langue de vipère, avoir la langue bien pendue, ne pas avoir la langue dans sa poche, avoir la langue qui fourche, tourner sept fois sa langue dans la bouche avant de parler…

Et Jacques, dans notre texte, ne va pas vraiment redorer le blason de ce petit organe ! Son argumentation repose sur un langage très imagé. C’est peut-être la plus grande concentration de métaphores dans la Bible ! Ainsi, la langue est comme un mors dans la bouche des chevaux, comme un gouvernail sur un bateau, comme une petite flamme qui met le feu à toute une forêt, comme un animal indomptable, comme une source qui donnerait de l’eau douce et de l’eau salée, comme un figuier qui donnerait des olives ou une vigne qui donnerait des figues.

Toutes ces métaphores, qui soutiennent le raisonnement de Jacques, peuvent être classée en trois catégories :

  • Les trois premières soulignent la puissance de ce petit organe : la langue, c’est petit mais costaud !
  • La quatrième souligne son caractère incontrôlable : la langue est un animal indomptable.
  • Avec les trois dernières, on passe du constat à l’exhortation : il faut que ça change !

 

Petit mais costaud !

La première étape de l’argumentation de Jacques est de souligner la force qui réside dans ce petit organe de la parole qu’est la langue. La langue, c’est petit… mais c’est costaud !

Les deux premières images sont plutôt positives : le mors dans la bouche du cheval ou le gouvernail, c’est très bien. Ça permet de voyager, de diriger un cheval ou un bateau. La troisième image par contre est beaucoup plus négative… et c’est celle que Jacques développe le plus. Une petite flamme peut à elle seule mettre le feu à toute une forêt. On sait qu’un simple mégot de cigarette peut être à l’origine de terribles incendies. De même, une seule parole peut avoir un effet dévastateur…

Ces métaphores soulignent la force des paroles, leur véritable puissance de vie ou de mort. Qu’est-ce qu’une parole ? Une combinaison de quelques sons, quelques ondes émises par notre bouche. Ce n’est rien… et pourtant quelle puissance potentielle !

On ne doit pas négliger la force d’une parole d’encouragement pour retrouver de l’assurance, d’une parole de réconfort pour être consolé, d’une parole sage pour conseiller dans une prise de décision. Ces paroles-là peuvent marquer une vie.

Mais on doit aussi être conscient de la puissance destructrice d’autres paroles. Une insulte ou une moquerie qui ridiculise en public peut blesser profondément. Une parole humiliante peut laisser des traces toute une vie : « tu n’arriveras jamais à rien ! ». Une rumeur qu’on propage peut salir une réputation pour longtemps. Voilà autant de petites flammes qui peuvent embraser toute la forêt d’une vie…

C’est pourquoi Jacques se concentre sur les dangers des paroles destructrices. Est-ce parce qu’il est plus facile de faire du mal que de faire du bien avec nos paroles ? En tout cas, la puissance destructrice des paroles est soulignée de façon saisissante dans le verset 6. Cela ressort bien dans la version de la TOB : « La langue aussi est un feu, le monde du mal ; la langue est installée parmi nos membres, elle qui souille le corps entier, qui embrase le cycle de la nature, qui est elle-même embrasée par la géhenne. »

C’est terrible ! Mais Jésus n’a-t-il pas dit dans le Sermon sur la Montagne que le commandement « tu ne tueras point » concerne jusqu’à nos paroles de haine et de colère ? Oui, une parole peut blesser, voire même tuer !

 

Un animal indomptable

La quatrième métaphore est indirecte : les êtres humains sont capables de dompter tous les animaux mais la langue, elle, personne ne peut la dompter. L’image prolonge celle du feu destructeur. Mais l’insistance ici n’est pas sur la puissance inversement proportionnelle à la taille de la langue mais sur le caractère incontrôlable de la parole, ou peut-être plus précisément de ses conséquences.

La langue est un animal indomptable, et c’est bien regrettable parce que, en plus, c’est un animal venimeux ! Jacques parle d’un poison mortel qu’elle distille.

En quoi la langue est-elle indomptable ? D’abord, sans doute, parce qu’il nous arrive à tous de nous laisser piéger par notre langue. Qui n’a jamais dit une parole qu’il regrette aussitôt qu’il l’a prononcée ? D’ailleurs, Jacques dit que si quelqu’un arrive à toujours contrôler sa langue, il est parfait !

Il y a peut-être une autre raison pour laquelle la langue est indomptable. Lorsqu’une parole est dite, elle est donnée, elle nous échappe complètement. Une parole dite est indomptable, les conséquences de cette parole sont incontrôlables. Et on ne soupçonne pas les effets que peuvent produire telle ou telle parole !

Vous avez sans doute comme moi des exemples à l’esprit. Je pense à des personnes qui m’ont dit : « un jour tu as dit cela, dans un entretien, dans une prédication, et ça a été un déclic pour ma vie ». Ou, à l’inverse, « un jour, dans cette circonstance, tu as dit cela et je ne l’ai toujours pas avalé, ça m’a blessé ». Et dans un cas ou l’autre, je ne me souviens pas forcément de l’avoir dit…

Ce sont des expériences que l’on vit, dans notre famille, avec nos amis, dans l’Église… Prenons conscience qu’aucune parole n’est anodine. Et que les conséquences nous échappent… pour le meilleur ou pour le pire.

 

Il faut que ça change !

Les trois dernières métaphores sont l’occasion pour Jacques de passer du constat et de la mise en garde à l’exhortation : « Bénédiction et malédiction sortent de la même bouche ! Mes frères et mes sœurs, cela ne va pas ! » (v.10) On pourrait dire : il faut que ça change !

Les métaphores sont issues de la nature. Une source est soit d’eau douce soit d’eau salée. Un figuier donne des figues, pas des olives. Un vigne donne des raisins, pas des figues. Ce sont des évidences… alors comment peut-on accepter qu’une même bouche chante les louanges de Dieu d’une part, et maudisse des être humains créés à l’image de Dieu d’autre part ? Il faut que ça change.

Mais il y a un problème : si on ne peut pas dompter sa langue, que faire ? La métaphore de la source pointe vers l’intériorité, vers le cœur. La langue ne peut pas être domptée, mais la source peut être purifiée. Et on peut penser ici à l’enseignement de Jésus sur ce qui souille l’être humain, non pas ce qui y entre mais ce qui en sort :

“Mais ce qui sort de la bouche vient du cœur. Voilà ce qui rend une personne impure. En effet, les mauvaises pensées sortent du cœur. Alors les gens tuent les autres, ils commettent l’adultère, ils ont une vie immorale, ils volent. Ils mentent devant le tribunal et ils disent du mal des autres.” (Matthieu 15.18-19)

La source, c’est notre cœur. C’est là qu’il faut travailler, pas sur la langue. Il faut purifier le cœur plutôt que brider la langue ! Ou plutôt laisser Dieu purifier notre cœur, en laissant sa Parole prendre racine dans notre cœur, en laissant agir son Esprit en profondeur, en cultivant l’intimité avec Dieu.

Une promesse de Jésus, en lien avec le Saint-Esprit, me paraît essentielle ici :

“Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive ! Celui qui met sa foi en moi, — comme dit l’Ecriture — des fleuves d’eau vive couleront de son sein.” (Jean 7.37b-38)

La voilà, la source dont nous avons besoin ! Elle transforme notre cœur en source d’eau vive, celle du Saint-Esprit. C’est une promesse de Jésus. Par l’œuvre en nous de l’Esprit de Dieu, il peut sortir de notre cœur, et donc de notre bouche, non plus un feu destructeur mais une eau vive rafraîchissante. Cette langue indomptable peut devenir un instrument de bénédiction dans les mains de Dieu. Ce n’est pas nous qui bridons notre langue, c’est Dieu qui l’utilise, en faisant couler des fleuves d’eau vive de notre cœur habité par son Esprit.

 

Conclusion

Le problème, c’est la langue. La solution, c’est le cœur. Et justement, c’est là que Dieu veut faire sa demeure en nous, par son Esprit. Laissons-le s’installer, laissons-le purifier notre source, laissons-le y faire jaillir des fleuves d’eau vive.

Le jour de la Pentecôte, où le Saint-Esprit a été donné aux croyants rassemblées à Jérusalem, des langues de feu sont apparues sur les disciples et ces langues-là les ont poussé à proclamer les merveilles de Dieu.

Alors, par ce même Esprit, nous pouvons répondre aux paroles de haine, aux mauvaises langues et aux langues de vipères, par des paroles d’amour, de grâce et de pardon, qui peuvent éteindre bien des incendies.