Gérer sa vie

 

Lecture biblique : Jacques 4.13-5.6

Sur Internet, dans les magazines, à la télévision ou la radio… partout on nous donne des conseils pour gérer notre vie. Les 10 conseils pour prendre sa vie en main, les 7 astuces pour gérer ses économies, les 4 principes pour booster sa carrière professionnelle, etc.

On nous propose partout des coachs pour notre développement personnel, des offres incontournables pour une assurance vie, des manuels pratiques pour réussir sa vie… Bref, nous apprendre à gérer notre vie est aujourd’hui un business qui rapporte !

Tout cela n’existait pas au temps de l’épître de Jacques… Mais n’est-ce pas un peu les mêmes questions qui sont posées dans ce texte ? Comment gérer sa vie ? Quels projets bâtir ? Quelles assurances se donner ?

Jacques y répond, comme à son habitude, d’une façon directe voire provocatrice…

Des sécurités illusoires

On pourrait dire qu’il pousse un double coup de gueule ! Les deux paragraphes de son propos sont introduits par la même formule d’interpellation (4.13, 5.1), qu’on pourrait traduire : « A vous, maintenant ! ». Jacques vise spécialement deux types de comportements qu’il veut condamner avec vigueur, et qui devaient être particulièrement présent parmi ses lecteurs.

Il dénonce deux sécurités illusoires. Dans le premier paragraphe, celle des projets (trop) bien ficelés et dans le deuxième paragraphe, celle des richesses amassées. L’idée commune à ce passage est celle-ci : nos projets et nos richesses sont des illusions quand ils deviennent notre sécurité. C’est même une manifestation d’orgueil spirituel : soit parce qu’on pense être seul maître de son destin, soit parce qu’on pense pouvoir se mettre à l’abri grâce à ses biens matériels.

Or, Jacques remet ceux qui tiennent de tels raisonnements à leur place :
Vous pensez être maître de votre destin ? Eh bien, aussi riche et ambitieux que vous soyez, vous n’êtes guère plus, à l’échelle de l’histoire, qu’un petit nuage qui s’évapore.
Vous pensez vous garantir un avenir radieux par les richesses que vous amassez ? Vos richesses sont éphémères, elles pourrissent et elles rouillent. Le monde va disparaître, et pourtant vous amassez les richesses alors que vous ne les emporterez pas dans la tombe…

Plus grave encore, ces sécurités illusoires leur font oublier les autres, elles les enferment dans leur égoïsme. Les ouvriers ne sont pas payés (v.4), des innocents sont condamnés et meurent (v.6).

La leçon est celle-ci : quand le but de sa vie est de se construire un petit monde sécurisé, on s’enferme dans son égoïsme. L’avertissement est valable pour chacun. S’ouvrir à l’autre, l’accueillir, l’aimer, tout simplement, comme nous y invite le Seigneur, ça peut mettre en danger notre confort et notre sécurité. Quand ma sécurité est ma préoccupation première, je ne suis pas sûr que l’amour du prochain ait beaucoup de place…

Notez d’ailleurs que ce qui est vrai à l’échelle individuel reste pertinent à l’échelle d’un peuple ou d’un pays. Quand le souci premier est la sécurité, alors les peurs de l’autre grandissent, on est dans le repli, on construit des barrières et des murs, on préfère la méfiance et la suspicion à l’accueil et l’hospitalité. Toute ressemblance avec ce qui se passe aujourd’hui en Europe n’est pas fortuite… Dans une société, quand la sécurité est érigée en valeur suprême, je ne suis pas sûr que la liberté, l’égalité et la fraternité y résistent longtemps…

Dieu voulant…

Face à ces sécurités illusoires, et notamment celle de nos projets, Jacques fait une préconisation : « Vous devez dire : ‘Si le Seigneur le veut, nous vivrons, et nous ferons ceci ou bien cela.’ » (v.15)

Ce verset biblique a donné naissance à une formule utilisée, parfois un peu à tout-va chez les chrétiens : « Dieu voulant ». J’ai même déjà vu écrit simplement DV pour le signifier… c’est dire qu’elle est bien connue ! Si je n’ai rien contre l’usage de cette formule, comme précaution de langage, je me méfie un peu de l’usage systématique. Le Dieu voulant devenant un peu le Inch Allah évangélique !

Du coup, je me permets une petite parenthèse sur ce qu’on pourrait appeler les « formules magiques » évangéliques. Ces formules sont, à la base, bibliques. Il n’y a donc pas lieu de les proscrire. Mais attention à l’usage quasi magique qui peut en être fait. Comme s’il ne fallait pas bâtir le moindre projet sans, explicitement, dire « Dieu voulant ». Comme si on ne devait pas prononcer une seule prière, surtout d’intercession, sans la conclure par la formule « au nom de Jésus » (et si on peut répéter la formule au cours de la prière, c’est plus efficace). Comme si le secret de la plénitude dans la louange, c’est de dire Alléluia comme un mantra ! Et si on arrive à placer d’autres mots en hébreu, voire en araméen, c’est encore mieux (même si on ne connaît pas trop leur signification…) : Maranatha, Hosanna, Abba…

Mais revenons à notre épître de Jacques. Derrière la formule, il y a la reconnaissance de notre dépendance de Dieu. Jacques veut nous situer à notre juste place ici-bas, que nous soyons lucides quant à notre condition humaine. Non, nous ne sommes pas maîtres de notre destin, même si nous sommes responsables de nos choix et de nos projets !

Bien gérer sa vie, devant Dieu, c’est subordonner tous ses projets à la volonté de Dieu. Non pas s’attendre à ce que la feuille de route nous tombe comme par magie du ciel et que nous n’ayons plus qu’à la suivre, sans réfléchir. Mais, dans tout ce que nous faisons, dans tous nos projets restons attentifs à la voix de Dieu. Restons sensibles à sa main qui pourrait nous conduire ailleurs que ce que nous avions prévu.

« Si le Seigneur le veut, nous vivrons, et nous ferons ceci ou bien cela. »

Laisser de la place à l’imprévu

Cela nous conduit à notre troisième point. Si nous ne sommes pas maîtres de notre destin et que Dieu, lui, est souverain, alors nous devons laisser de la place dans la gestion de notre vie, pour de l’imprévu.

Cela éclaire peut-être l’usage que fait Jaques d’une formule sans doute connue à son époque et que l’on retrouve au verset 17 : « Celui qui sait faire le bien et ne le fait pas, se rend coupable d’un péché. »

Certes, cette formule peut, simplement, accentuer l’importance de ce qu’il dit. « Maintenant, vous savez, et si vous n’agissez pas en conséquence, vous en serez responsable ». Mais ne peut-on pas y voir aussi, en lien avec le contexte, une invitation à saisir les occasions de faire le bien quand elle se présentent… y compris quand elles n’entrent pas dans les projets que nous avions prévus ?

On ne peut pas planifier à l’avance les occasions que nous aurons de faire le bien ! Dire « demain, nous ferons ceci ou cela » de façon absolue c’est s’interdire de faire autre chose si les circonstances le demandent. Des projets trop ficelés, qui ne laissent aucune place à l’improvisation et l’adaptation, peuvent empêcher de voir les occasions de faire le bien qui se présentent. Ne se préoccuper que de sa propre sécurité nous empêche de voir les occasions que Dieu met sur notre route.

Jacques ne nous invite-t-il pas à laisser de la place à l’imprévu dans nos vies ? Car notre imprévu, c’est peut-être le prévu de Dieu ! Et on risque de passer à côté parce que ce n’était pas dans le projet initial, parce que ça nous détourne de notre feuille de route, ou parce que ça met en péril ce que nous pensions construire pour notre avenir…

Si notre sécurité est dans nos projets ou dans nos richesses (quelles qu’elles soient), alors elle est illusoire. Mais si notre sécurité est en Dieu, le tout-puissant souverain, alors les imprévus de notre vie ne doivent pas nous faire peur. Avoir confiance en Dieu, c’est aussi accueillir l’imprévu comme une chance de découvrir des projets de Dieu surprenants, des découvertes étonnantes, des rencontres inattendues.

Conclusion

Gérer sa vie. C’est, indéniablement, un défi. Et je ne suis pas sûr que les multiples offres, conseils et astuces qu’on nous propose soient toujours de bon conseil.

L’erreur est de croire que Dieu ne serait qu’un spectateur de notre vie et que c’est à nous de tout planifier et de tout assurer. En réalité, ce que sous-entend Jacques, c’est qu’on ne peut pas gérer correctement sa vie sans laisser Dieu en prendre les rennes. Ca ne nous rend pas à notre tour spectateur de notre vie, nous en restons les acteurs… mais aux côtés de Dieu. Et il pourrait bien parfois nous emmener sur des chemins que nous n’avions pas prévus.

Du coup, je vous propose une autre formule en conclusion : Celui qui sait faire place à l’imprévu, dans la confiance en Dieu, se verra emmener sur des chemins de bénédictions qu’il n’avait pas prévu !