Critère Vitalité n°8
Lecture biblique: Romains 12.1-8
« Je vous invite donc, frères… » Donc. L’apôtre Paul a consacré les 11 premiers chapitres de sa lettre aux questions théologiques liées au salut : qui est sauvé, de quoi, comment, sur quels critères, pour combien de temps etc. Après avoir exposé les grandes lignes de l’évangile, bonne nouvelle d’un salut offert gracieusement à toute personne qui ose croire en Jésus-Christ, Paul s’attache à partir de maintenant à dégager les implications pratiques, concrètes, du salut que nous recevons en Jésus-Christ. Il affirme d’abord un principe très général, puis montre comment ce principe s’applique aux différents domaines de notre vie – en commençant par la vie communautaire, en église. Je vous propose de simplement suivre les étapes du texte qui nous exhortent à une vie généreuse, caractérisée par le don de soi.
1) S’offrir à Dieu par gratitude
Commençons par le commencement : le principe général de la vie chrétienne (diapo). Paul nous appelle à nous offrir à Dieu, comme un sacrifice. Cette expression résonne de manière étrange à nos oreilles : s’agirait-il de se sacrifier pour Dieu ? Non, bien sûr. C’est le Christ qui s’est sacrifié pour nous !
Mais alors de quoi Paul parle-t-il ? Il utilise le vocabulaire du sacrifice parce que c’est l’élément religieux qui domine à son époque : quand on pense relation avec Dieu, foi, religion, on pense systématiquement sacrifice. Paul s’adresse donc aux Romains dans cette ligne de pensée : si la relation avec Dieu équivaut à des sacrifices d’animaux, quelle est la nouveauté que l’Evangile apporte ? La nouveauté, c’est qu’il est désormais inutile d’offrir quelque chose à Dieu pour demander pardon : le Christ a porté nos fautes et obtenu le pardon en notre faveur. Par contre, une forme de sacrifice, que nous oublions souvent, mais très présente dans l’A.T., c’est l’offrande, le sacrifice de reconnaissance, le cadeau que l’on offre à Dieu avec adoration et gratitude. Et ce type de « sacrifices » reste valable aujourd’hui : manifester notre amour à Dieu par un cadeau, par l’offrande.
Que faut-il offrir en cadeau ? Un beau mouton ? Un parfum de luxe ? Une voiture ? Bien plus et bien mieux : nous-mêmes ! Nous-mêmes, dans toutes nos dimensions : notre corps et notre esprit. Notre corps ne veut pas dire nos cellules, notre ADN, notre chair – il s’agit plutôt de ce qui est visible, concret, en relation avec l’extérieur. C’est nos mains, dans ce qu’elles font, nos yeux dans le regard qu’ils portent, nos pieds, avec les directions que nous empruntons, notre bouche et nos paroles, nos oreilles et l’attention que nous apportons aux autres. C’est la dimension concrète, ordinaire, triviale : voilà ce que Dieu désire comme cadeau, une vie quotidienne qui lui fasse honneur. C’est ça le culte authentique, dit Paul, un culte qui s’exprime de manière particulière dans nos rassemblements communautaires, mais qui doit surtout se vivre au quotidien, chaque jour, chaque heure : des gestes d’amour, des paroles vraies et justes, un regard bienveillant, voilà la meilleure manière d’exprimer à Dieu notre amour pour lui.
Sauf que notre manière de vivre ne vient pas de nulle part, mais de ce petit monde invisible où s’entremêlent les désirs, volontés, valeurs, convictions, doutes, pensées, qui vont déboucher sur des paroles et des actes concrets. Les fruits beaux et bons et sains que nous offrons à Dieu, demandent que les racines de l’arbre que nous sommes soient elles aussi belles, et bonnes, et saines. Mais si nous sommes honnêtes, nous reconnaissons que les racines de nos pensées, de nos sentiments, font rarement honneur à Dieu – à cause du mal qui nous corrompt de l’intérieur et nous influence de l’extérieur. D’où la nécessité de se tourner résolument vers Dieu pour qu’il nous libère peu à peu de ces mauvaises influences, qu’il nous renouvelle en profondeur afin que nous devenions capables de lui offrir le meilleur de nous-mêmes.
Jésus-Christ, Dieu devenu homme, s’est donné pour nous sauver – c’est la grâce, l’amour généreux de Dieu qui nous accueille sans que nous ne méritions quoi que ce soit. Notre réponse, c’est la gratitude : nous offrons à Dieu cette nouvelle vie qu’il nous a donnée, pour qu’il y fasse grandir ce qui est bon, agréable, et parfait.
2) Appelés à nous bénir les uns les autres
Dieu est généreux envers nous, et il nous appelle à être nous-mêmes généreux envers ceux qui nous entourent – dès la Création, Dieu nous veut pleins d’amour pour lui et pour les autres. Il est du coup très logique que Paul passe du principe général de la vie chrétienne – s’offrir à Dieu – à la vie communautaire – la générosité envers les autres. Un des aspects de notre vocation humaine, c’est de nous faire du bien les uns aux autres, de nous bénir les uns les autres (diapo). Dieu nous donne des ressources, des talents, des possibilités, des dons, pas seulement pour nous épanouir ou réaliser notre potentiel, mais aussi et surtout pour faire du bien aux autres.
Nous avons tous cette vocation à bénir les autres. Tous, nous recevons de Dieu de quoi aimer concrètement, bénir, ceux qui nous entourent. Comme dans un corps où chaque membre est utile aux autres, à l’échelle locale ou universelle, chacun a sa place et ses dons pour faire du bien à d’autres membres. C’est peut-être une qualité d’écoute, qui conduira à faire des visites, prier, s’investir dans des aumôneries, encourager et conseiller ; c’est peut-être une facilité à tisser des liens, qui conduira à l’hospitalité, l’accueil, l’animation ; c’est peut-être des connaissances qui pousseront à enseigner – au culte, aux enfants, dans les groupes ; ce sont aussi des savoir-faire qui aideront l’église à fonctionner de manière très concrète – un culte sans sono, un local sale, ou des offrandes mal gérées, et la vie d’église s’enraye très vite ! Ce peut être aussi une disponibilité, une attention envers les autres, qui poussera à simplement rendre service par de petits gestes qui changent tout !
Tous nous avons quelque chose à donner aux autres – peut-être qu’on peut imaginer les dons de Dieu non pas uniquement comme des choses qu’il nous donne, mais comme des choses qu’il nous appelle à donner aux autres : de cette manière il nous implique, il nous rend partenaires de sa grâce et de sa générosité.
Parfois, on cumule des dons, parfois aussi on change ! Tout n’est pas figé ! Avec le temps, l’expérience, l’évolution de notre personnalité, nos ressources changent et nous pouvons servir les autres de manière différente…
De ce fait, une église saine, c’est une église qui accueille les différents dons et sait être patiente… Patiente pour aider chacun à discerner comment il peut servir – car la liste de nos ressources ne s’imprime pas magiquement lorsque nous devenons croyants ; patiente aussi pour tolérer les flottements inévitables dans ce discernement : en effet, pour discerner il faut parfois tester et parfois on se rend compte que tel rôle n’est vraiment pas fait pour nous ! D’ailleurs, même pour les services qui correspondent à nos dons, il faudra un temps d’apprentissage – ça paraît évident, mais notre peur de l’échec ou de déshonorer Dieu avec un service mal rendu nous fait parfois reculer et tout arrêter, alors qu’avec un peu de persévérance, les erreurs de débutant se seraient vite estompées !
Comment considérer ces dons, ces services, ces rôles ? Paul donne une recommandation qui peut surprendre : ne soyez pas prétentieux, mais tendez à une sage appréciation de vous-mêmes. Il s’agit de s’évaluer soi-même avec sagesse, à la mesure de la foi – ce qu’on peut comprendre par : à la mesure de l’évangile dans lequel nous croyons, qui dit que nous sommes tous également bénéficiaires de la même grâce de Dieu, égaux devant lui. Du coup, nos dons ne jouent pas sur notre valeur, comme si nous étions mieux les uns que les autres, mais nous sommes tous bénéficiaires de la même grâce qui va ensuite se manifester de différentes façons, toutes désirées et voulues par Dieu.
3) Le don de soi : de multiples dons, une même consécration
Passons donc aux exemples de dons que Paul cite. Dans le N.T., plusieurs « listes » de dons apparaissent, mais sans se recouper exactement. Chacune a sa particularité sans être exhaustive. Ici, Paul se concentre sur la prophétie, prise de parole au nom de Dieu pour les gens aujourd’hui – sous la forme d’une révélation, ou simplement d’un conseil, parfois dans une présidence ou une prédication… C’est différent de l’enseignement, qui pourrait être le même partout et qui restitue les données bibliques ; différent aussi de l’encouragement qui ne révèle pas nécessairement quelque chose mais qui console, réconforte, ranime celui à qui nous parlons. Ce sont les dons de la parole ; Paul cite aussi et surtout les dons liés au service mutuel dans l’église : la libéralité financière, la prise de responsabilités, l’entraide…
Ces dons ont deux points communs. Le premier, c’est qu’ils demandent de la générosité, en particulier dans les deux biens qui sont précieux aujourd’hui : l’argent et le temps. Venir en aide à ceux qui se trouvent dans le besoin, soutenir les projets (parcours Alpha, activités des jeunes, musique…), demandent des ressources financières, mais aussi du temps ! Tout comme animer le culte, préparer les groupes d’enfants, venir en semaine faire le ménage, siéger au conseil ou se former pour mieux servir. Certains ont à cœur de partager leurs richesses, donnant de ce que Dieu leur a donné – et c’est une grâce ! D’autres auront du temps : je pense à nos retraités qui sont souvent bien actifs ! Mais aussi aux temps de repos forcé : grand âge, maladie, chômage… Ce temps subitement disponible peut momentanément permettre de s’investir – j’entendais un pasteur prier avec reconnaissance pour les personnes âgées qui ne se déplacent plus mais qui prient pour l’église, pour les jeunes : c’est une magnifique façon de bénir les autres !
L’autre point commun de ces dons, c’est la consécration, le sérieux et la joie. Peu importe le don ou le service, pourvu que ce soit d’une manière qui honore Dieu ! Si chacun contribue à l’ensemble du corps, il est essentiel que chaque membre, chaque cellule du corps, fonctionne bien. Dans ce domaine, ce qui nous motive, ce n’est pas l’appréciation d’autrui, mais la joie de Dieu lorsqu’il nous voit participer à ses projets bienfaisants.
Conclusion
La boucle est bouclée : l’évangile nous proclame l’amour de Dieu – notre réponse, c’est la gratitude, le don de nous-mêmes. La générosité est incontournable dans la vie chrétienne, parce que Dieu a été généreux envers nous. Sa générosité est notre raison d’être, la source et le modèle de notre vie nouvelle. Tous, nous sommes concernés par cet appel à la générosité : d’abord dans notre attitude d’amour et de patience, de bienveillance, ensuite par nos ressources (offrande de nos biens, de nos talents, de notre temps…), parce que Dieu nous rend – quel honneur ! – partenaires de son œuvre de bénédiction, partenaires de sa grâce.