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Lecture biblique: 2 Corinthiens 9
Je vous invite à méditer le texte du jour, en 2 Co 9, un texte qui traite lui aussi d’offrande de solidarité, de la part des églises de Grèce (notamment de Corinthe, au sud de la Grèce, c.à.d. l’Achaïe, à qui l’apôtre Paul écrit depuis la Macédoine, au nord) en faveur des églises de Jérusalem et de ses alentours. Paul a déjà consacré l’ensemble du chapitre 8 à ce sujet pour exhorter les Corinthiens à bien mener cette collecte, eux qui étaient à l’initiative de la proposition de venir en aide aux chrétiens de Jérusalem, frappés par la famine et la pauvreté. Il ajoute maintenant un autre long passage pour insister et approfondir sa réflexion.
« C’est inutile de vous écrire au sujet de l’aide à apporter aux chrétiens de Jérusalem ». N’empêche que Paul y consacre deux chapitres entiers de sa lettre : c’est que ce n’est pas si inutile ! On voit que cette collecte de solidarité en faveur des églises de Jérusalem est un sujet important, d’ailleurs Paul en parle dans d’autres lettres, voire un sujet un peu épineux. Dans les 1ers versets de notre chapitre, il explique qu’il écrit à l’avance pour prévenir de l’arrivée d’une petite délégation qui viendra encourager au bon déroulement de la collecte, avant que Paul et quelques Macédoniens ne passent récolter l’offrande en allant vers Jérusalem. Paul prend donc des précautions particulières sur ce sujet, veillant notamment à ce que toutes les personnes impliquées soient irréprochables. C’est que l’enjeu est grand : les chrétiens d’origine non-juive, païenne, étaient au début un peu méprisés par les chrétiens d’origine juive, et c’est ces chrétiens grecs qui vont maintenant venir en aide à l’église juive, en besoin. L’enjeu n’est donc pas seulement matériel, avec la question toujours épineuse de l’argent, quelle que soit l’époque, mais touche aussi à la communion entre églises.
Ce qui m’a frappée, c’est que tout au long de son exhortation, Paul revient sans cesse au thème de la générosité : vous avez promis des dons généreux, il faut qu’on voie que vous donnez de bon cœur, Dieu aime celui qui donne avec joie, Dieu donne en abondance toutes sortes de bienfaits, etc. etc. Cet appel à la générosité, j’aimerais que nous puissions, vous et moi, l’entendre à nouveau ce matin.
1) Appelés à la générosité
Nous sommes appelés à être généreux – dans ce texte, c’est au sujet de l’offrande sonnante et trébuchante, mais on peut à mon avis étendre la générosité à tout type de don sans s’écarter de la pensée de l’apôtre.
Paul nous appelle à être généreux pour le bien de nos frères, pour leur venir en aide, par solidarité. Cela dit, il me semble que Paul va au-delà de l’idée de solidarité classique, en soulignant le rôle de Dieu dans l’offrande. Tout ce que nous avons est un don de Dieu, c’est une grâce – même ce qui nous paraît le plus évident est le fruit de la bienveillance de Dieu à notre égard. Ces biens qu’il nous donne, il les prévoit pour nous, pour nos besoins, mais Paul rappelle que Dieu a aussi en vue de nous donner pour que nous puissions donner à notre tour aux autres. D’une certaine manière, ce que nous recevons est appelé à être donné à nouveau – c’est un des moyens par lesquels Dieu prend soin de nous et des autres, en passant par la générosité des frères. Le but de l’argent ou des biens matériels n’est donc pas d’être possédé, pour soi, mais d’être un moyen que Dieu utilise pour faire du bien à nous et à ceux qui nous entourent. En étant généreux, nous ne faisons rien de moins que participer au projet de bienfaisance de Dieu, à sa providence, à ses bénédictions aux autres. Comme toujours, Dieu aurait pu s’occuper tout seul de prendre soin de chaque homme, mais étonnamment, il choisit de nous impliquer profondément dans ce processus, de sorte que nous ne sommes pas des petits oisillons attendant chacun, passivement, la becquée, mais des frères et des sœurs partageant ce que le Père nous a donné.
Petite remarque. On pourrait se dire avec pragmatisme : seuls ceux qui reçoivent beaucoup sont appelés à être généreux. Pas forcément, il y avait des pauvres à Corinthe. La pauvreté n’empêche pas d’être généreux, bien au contraire – qu’on se rappelle l’offrande de la veuve avec ses deux sous ou un ami démuni qui n’hésite pas à partager le peu qu’il a. Nous sommes tous appelés à être généreux, chacun selon sa situation – et c’est peut-être pour ça que Paul ne donne pas d’ordre de grandeur mais appelle à une générosité authentique : il ne s’agit pas de donner la dîme comme on s’acquitte d’un impôt, avec plus ou moins de réticence, mais de donner avec le cœur, en entrant joyeusement dans cette chaîne de transmission des bienfaits de Dieu. Cela dit, même si elle se nourrit du don des individus, la collecte pour Jérusalem n’est pas un acte individuel, mais un projet communautaire où chacun peut s’impliquer d’une manière ou d’une autre. Je pense que c’est aussi une manière très positive de vivre le don pour les autres, dans un projet qui nous implique en tant que communauté.
2) Une générosité ancrée dans la foi
Pour Paul, si nous sommes appelés à être généreux, c’est que la générosité n’est pas un simple trait de personnalité, mais une vertu ancrée dans la foi. C’est au nom de notre foi que nous sommes généreux, peu importe notre condition, notre caractère ou les habitudes reçues dans notre enfance.
Ce que Paul développe particulièrement dans ce chapitre, c’est que la générosité est un signe de foi. Donner généreusement, c’est reconnaître qu’on a tout reçu, sans mérite. C’est dire : oui, ce que j’ai vient de Dieu, et si c’est Dieu qui me le donne, alors il a sûrement une intention par rapport à ce don. En quoi puis-je utiliser ce qu’il m’a donné pour le bien ? pour mon bien, celui de ma famille, celui d’autrui… Si nous voulons, à cause de notre foi, vivre selon la volonté de Dieu, et que Dieu donne largement pour que nous puissions avoir assez pour donner à notre tour, alors la foi nous conduit à être généreux. Nous souhaitons honorer Dieu en faisant sa volonté dans tous les domaines de notre vie, en utilisant tout ce qu’il nous donne de la meilleure manière – notre corps, nos pensées, nos dons, mais aussi notre argent et nos biens.
Donner, c’est un signe de foi, de consécration à Dieu, mais aussi un geste de confiance. Paul insiste : Dieu vous donnera largement, de sorte que vous aurez toujours ce qu’il vous faut et un surplus à offrir à votre tour. On a toujours peur de ne pas avoir assez, de perdre, d’être sans ressources le lendemain ; mais comme Jésus appelle à demander le pain d’aujourd’hui et à avoir confiance que Dieu s’occupe du pain de demain, comme Dieu empêche le peuple d’Israël dans le désert de se faire des réserves de manne, Paul nous invite à faire confiance, à laisser Dieu prendre soin de nous. Il nous appelle à accepter d’être dépendants – dépendants de Dieu pour demain, dépendants des autres – dépendants par confiance, pas par paresse ou par imprudence, pas pour forcer Dieu ou le tester, mais à vivre avec confiance dans le Dieu qui nous aime et qui prend soin de nous.
Paul évoque une autre raison, dans le chapitre précédent c’est vrai, mais c’est tellement central dans son développement que je vais simplement vous lire le verset ch.8, v.9 : « En effet, vous connaissez le don généreux de notre Seigneur Jésus-Christ. Il était riche, mais pour vous il s’est fait pauvre, afin de vous rendre riches par sa pauvreté ». Nous sommes appelés à être généreux car notre sauveur et notre seigneur, celui en qui nous avons droit à un nouveau départ et qui nous montre le chemin à suivre, Jésus-Christ, a accepté de tout perdre, de tout subir, pour que nous recevions un héritage extraordinaire et immérité : la vie avec Dieu, pour l’éternité, dans l’abondance de son amour, dans la gloire de sa présence rayonnante, dans l’éclat de sa justice. Pour nous qui n’avions rien et qui ne méritions rien, le Fils de Dieu s’est donné pour que nous recevions tout ce qu’il y a de plus précieux. Cet exemple de générosité gratuite, pleinement consentie, motivée par l’amour, c’est le fondement de l’évangile et de notre foi.
3) Être généreux pour devenir vraiment riches
Paul utilise encore un argument qui peut paraître étrange : celui qui sème peu reçoit peu, celui qui sème beaucoup reçoit beaucoup. Est-ce à dire que la générosité est encore le meilleur investissement, la meilleure technique pour gagner de l’argent rapidement ? Ce serait se méprendre. Que récolte-t-on lorsque l’on sème ? On récolte la joie de ceux qui ont reçu, leur louange à Dieu pour sa sagesse et sa providence, et leur reconnaissance pour notre don, qui les conduit à prier pour nous par amour fraternel. Un des fruits de la générosité, c’est les relations qu’on a les uns avec les autres. Pourquoi Dieu ne donne-t-il pas séparément à chacun ce dont il a besoin, point ? On lui adresserait les mêmes louanges ! Pourquoi nous fait-il participer à sa générosité ? Pourquoi passer par des intermédiaires qui, comme chacun sait, ne sont pas toujours très fiables ? Pour tisser entre nous des relations d’échange. Dieu ne se contente pas d’avoir des relations avec chacun de nous, il veut que nous nous aimions les uns les autres, que nous vivions entre nous des relations aussi riches que ce que nous vivons avec lui.
Cela nous conduit à un autre regard sur la richesse : est riche celui qui donne et reçoit l’amitié, la prière, la joie d’un frère dans le besoin. Est riche celui qui marche sur le chemin de Dieu, parsemée de rencontres et d’échanges. Notre richesse ne se tient pas dans notre compte en banque, mais dans notre vie avec Dieu, une vie ancrée dans l’amour de Dieu pour nous et ouverte aux autres. Même si dans notre société de surconsommation excessive, nous entendons régulièrement le message que nous sommes ce que nous avons, que notre valeur correspond au poids de nos possessions, l’évangile nous rappelle que chacun, nous sommes précieux aux yeux de Dieu, que c’est lui qui donne du sens, du contenu, du poids à notre vie, parce qu’il est notre Père, qu’il nous aime et qu’il nous invite à entrer dans son œuvre.
Conclusion
L’appel de Dieu à la générosité nous invite à prendre du recul par rapport à nos possessions : l’argent est un moyen de faire ce qui est bon, de mettre en œuvre la volonté de Dieu pour nous et pour les autres. Nous sommes appelés, du coup, à prendre nos distances, à regarder avec discernement ce que nous avons – qu’est-ce qui est nécessaire, essentiel, qu’est-ce qui peut être partagé ? Cela nous poussera sûrement à faire le tri dans nos habitudes, mais en choisissant de vivre avec sobriété et générosité, nous témoignons que notre richesse c’est le Christ, que nous avons tout en lui et que nous voulons vivre comme lui, avec joie et confiance en Dieu. Qu’Il nous aide à progresser dans la foi, dans la reconnaissance, dans l’amour, pour mener une vie qui témoigne de tout ce qu’il a fait pour nous !