Lecture biblique : 1 Pierre 3.15-17
Cette lettre de Pierre est Ă©crite dans un contexte hostile : les premiers lecteurs de l’Ă©pĂ®tre subissaient la persĂ©cution Ă cause de leur foi. Ça donne un relief particulier Ă ces paroles. Quand il s’agit de rendre compte de leur espĂ©rance, pour les premiers lecteurs de l’Ă©pĂ®tre, c’Ă©tait devant les tribunaux ! Notre contexte est diffĂ©rent, mais nous sommes aussi confrontĂ©s Ă une certaine hostilitĂ© parfois, des rĂ©actions qui peuvent nous mettre dans des situations inconfortables.
Et nous sommes forcĂ©ment amenĂ©s Ă nous interroger sur notre tĂ©moignage en tant que chrĂ©tien. Que dire ? Quand ? Comment ? Ce texte va nous donner quelques clĂ©s…
Le coeur et l’esprit
Tout commence dans le coeur mais on ne doit pas en rester lĂ . Un tĂ©moignage Ă©quilibrĂ© repose sur une foi Ă©quilibrĂ©e, qui se nourrit du coeur et de l’esprit.
Dans le coeur
Tout commence dans le coeur ! La traduction du verset 15 en français n’est pas très aisĂ©e. La version « Parole de Vie », recourt Ă une pĂ©riphrase : « Reconnaissez dans vos coeurs que le Christ seul est saint, il est votre Seigneur. ». Mais la formule originelle est plus lapidaire, et surtout elle bouleverse l’ordre de la phrase pour mettre en Ă©vidence le mot Seigneur, en dĂ©but de phrase. LittĂ©ralement, ça donne : « Seigneur, le Christ, sanctifiez dans votre coeur »
On est obligĂ© de le formuler diffĂ©remment en français… Mais l’insistance tombe bien sur le Christ reconnu comme Seigneur dans notre coeur. On pourrait traduire : « Sanctifiez dans votre coeur le Christ Seigneur. »
Ça reste encore une formule très « patois de Canaan »… Il faut la dĂ©crypter. Sanctifier, c’est consacrer, rĂ©server la place qui est due. Et le coeur, c’est nous-mĂŞmes, en particulier notre volontĂ©, non pas tellement nos Ă©motions mais le siège de nos dĂ©cisions. Il s’agit donc de rĂ©server au Christ la place centrale qui doit lui revenir dans notre vie. C’est lui le Seigneur, le maĂ®tre de notre vie. Nos dĂ©cisions, nos projets, nos intentions, lui sont soumis.
Il ne peut pas y avoir de tĂ©moignage efficace sans une communion personnelle avec le Christ. C’est essentiel, tant au niveau du contenu du tĂ©moignage que nous serons appelĂ©s Ă donner qu’au niveau de l’attitude, la façon d’apporter ce tĂ©moignage.
C’est un rappel salutaire que toutes les techniques oratoires, les trucs et astuces pour ĂŞtre un bon tĂ©moin efficace ne servent Ă rien sans une consĂ©cration personnelle au Seigneur. ĂŠtre tĂ©moin de l’Évangile, ce n’est pas seulement ĂŞtre un VRP de l’Évangile, oĂą il suffirait d’utiliser des techniques de vente pour que ça fonctionne ! On ne vend pas un produit quand on tĂ©moigne de l’Évangile. On transmet on message de vie dont on a fait soi-mĂŞme l’expĂ©rience.
Dans l’esprit
Tout commence dans le coeur… Mais ça ne doit pas en rester lĂ ! Pour que notre foi grandisse et s’affermisse, pour que notre tĂ©moignage soit efficace, il faut que le coeur soit reliĂ© Ă l’esprit. Une foi Ă©quilibrĂ©e est autant ancrĂ©e dans le coeur que dans l’esprit.
En effet, il s’agit d’ĂŞtre prĂŞt Ă rendre compte de notre espĂ©rance, ou donner des explications comme le traduit « Parole de Vie ». Le terme grec, apologia, est utilisĂ© pour dĂ©signer la dĂ©fense qu’on est appelĂ© Ă donner en rĂ©ponse Ă une attaque. Il implique une argumentation solide. Le terme a donnĂ© le mot apologĂ©tique qui dĂ©signe en thĂ©ologie la dĂ©fense de la foi, et implique une argumentation solide et cohĂ©rente, faisant appel Ă des arguments rationnels.
Il s’agit donc d’ĂŞtre prĂŞt Ă donner une telle rĂ©ponse… Il faut s’y prĂ©parer. Nous avons besoin de rĂ©flĂ©chir notre foi. On ne peut pas se contenter de dire : « Je suis devenu chrĂ©tien, c’est super ! » C’est un peu court… Les gens attendent d’autres rĂ©ponses… Pourquoi est-ce que vous croyez ? Qu’est-ce qui vous prouve que Dieu existe ? Que JĂ©sus est ressuscitĂ© ? Pourquoi vous auriez raison et pas les autres religions ? Etc…
Quelle place accordons-nous, dans notre vie de chrĂ©tien, Ă l’approfondissement de notre foi ? Quel temps consacrons-nous Ă la lecture de la Bible et d’ouvrage chrĂ©tiens, Ă la frĂ©quentation d’Ă©tudes bibliques, Ă la participation Ă des sĂ©minaires ou des formations bibliques et thĂ©ologiques ?
La douceur et la crainte
La douceur devant les hommes est en contraste avec leur hostilitĂ© possible. La crainte devant Dieu rappelle qu’on est Ă la fois tĂ©moin devant les hommes et devant Dieu.
La douceur
ĂŠtre prĂŞt, c’est bien. Mais il faut encore faire attention Ă la façon dont nous portons notre tĂ©moignage. Pierre qualifie l’attitude requise par deux termes : la douceur et la crainte.
La douceur tranche avec le contexte d’hostilitĂ©. Il s’agit de rĂ©pondre Ă des attaques, mais de le faire avec douceur. Et ce n’est pas une faiblesse mais une force, parce qu’elle naĂ®t de la paix de Dieu. La douceur implique le respect de l’autre, le refus de vouloir passer en force, d’user d’agressivitĂ© et d’intrusion.
Il est sans doute utile de souligner qu’ici comme ailleurs sans doute, le tĂ©moignage est de l’ordre de la rĂ©ponse. Ce n’est pas un tĂ©moignage qui s’impose par la force, c’est un tĂ©moignage qui rĂ©pond aux questions. Des questions suscitĂ©es par notre attitude, notre façon de vivre. Des questions qui surgissent naturellement de nos relations avec notre prochain. Il ne s’agit pas alors de contredire nos paroles par nos actes, ou inversement. C’est sans doute cela, la « conscience pure » dont parle Pierre ici…
La crainte
Quant au respect, c’est le mot grec phobos qui est utilisĂ©. Celui qu’on traduit souvent par « crainte » et qui traduit notre attitude de respect devant Dieu. Si la douceur concernait notre attitude devant les hommes, le respect pourrait bien concerner notre attitude devant Dieu. Et dans ce cas, il vaut mieux sans doute le traduire par « crainte ».
La crainte de Dieu, faut-il le rappeler, n’est pas la peur bleue d’un Dieu tyrannique. C’est le profond respect que Dieu inspire quand on a conscience de qui il est… et de ce que nous sommes devant lui. Elle ne nous fait pas fuir Dieu, elle ne fait que renforcer notre Ă©merveillement devant son amour et sa grâce !
En tout cas, la mention de la crainte en lien avec le tĂ©moignage est très intĂ©ressante. Elle permet de dire que notre tĂ©moignage nous place non seulement devant notre prochain mais aussi devant Dieu. Il ne s’agit donc pas simplement de nous interroger sur l’efficacitĂ© de notre tĂ©moignage auprès des hommes, mais aussi du respect de Dieu qu’il manifeste. Dans le tĂ©moignage, la fin ne justifie pas les moyens !
Un tĂ©moignage fidèle, raisonnable, rĂ©flĂ©chi, et dit dans la douceur, respecte le Seigneur. Parce qu’il reflète sa nature patiente et bienveillante. Par contre, il y a des tĂ©moignages agressifs, malhonnĂŞtes, irrĂ©flĂ©chis, manipulateurs, qui ne respectent pas le Seigneur. Nous devons aussi rĂ©flĂ©chir et rester vigilant quant Ă notre façon de tĂ©moigner de l’Évangile, tant individuellement qu’en Église !
Conclusion
Ce texte ne nous prĂ©sente pas une mĂ©thode infaillible pour un tĂ©moignage efficace. De toute façon, ça n’existe pas… Il rappelle quelques principes de base incontournables.
A commencer par le fait que nous sommes appelĂ©s Ă le rendre avec le coeur et l’esprit. Avec le coeur pour qu’il soit authentique et vrai, fondĂ© sur notre communion avec le Christ. Avec l’esprit pour qu’il soit pertinent et qu’il honore le Seigneur.
Car si nous sommes appelés à être témoins de l’Évangile devant les hommes, nous le sommes aussi, de fait, devant Dieu. Notre témoignage doit à la fois être pertinent pour notre prochain et être à la gloire de Dieu.
Voilà pourquoi nous devons nous y préparer, sérieusement. Dans la prière et dans la réflexion.