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Alléger notre fardeau

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Notre vie ressemble parfois à celle du bousier… Et encore, lui il trimbale sa boule d’excréments pour une raison bien précise : il y pondra ses oeufs ou il en tirera les nutriments dont il a besoin pour se nourrir. Nous, parfois, on ne sait plus trop pourquoi on la trimbale…

Cette boule qu’on pousse ou qu’on tire, elle est faite des blessures et des remords liés au passé, des doutes d’aujourd’hui, des peurs pour demain. Elle est faite des habitudes voire des addictions qui nous rongent, elle est remplie de culpabilité, de honte, de tristesse ou de lassitude… Cette boule, elle nous pèse, elle nous fatigue.

Il y a justement une belle parole de Jésus, dans l’Evangile selon Matthieu, qui peut répondre à cette fatigue et cette lassitude :

Matthieu 11.28-30
28 Venez à moi vous tous qui êtes fatigués de porter un lourd fardeau et je vous donnerai le repos. 29 Prenez sur vous mon joug et laissez-moi vous instruire, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour tout votre être. 30 Le joug que je vous invite à prendre est bienfaisant et le fardeau que je vous propose est léger.

Ici il n’est pas question de bousier… mais bel et bien d’une charge que nous portons et qui nous fatigue. Jésus utilise des métaphores ouvrières et agricoles :

  • Même si c’est devenu un mot au sens figuré pour parler d’une chose pénible à supporter, le fardeau, c’est d’abord une charge pesante que l’ouvrier doit transporter.
  • Le joug, c’est une pièce de bois qu’on place sur la tête ou le cou des animaux de trait pour les atteler et tirer le meilleur profit de leur force de traction.

Les deux métaphores évoquent une charge que l’on porte, un poids qui provoque de la fatigue et de la lassitude dans notre vie. Et Jésus propose de nous donner du repos.

Un fardeau léger

Tout commence par un appel que Jésus nous adresse : “Venez à moi vous tous qui êtes fatigués de porter un lourd fardeau”. La réponse à cet appel, c’est la réponse de la foi : accepter ce que le Christ nous offre. C’est dire : j’accepte, à la place de mon fardeau, de porter le joug que tu me proposes. Or, le joug dont Jésus parle, ce sont ses instructions, son enseignement. Mais il précise bien que ce joug est bienfaisant. Il y a certes un fardeau mais il est léger.

Suivre le Christ, dans une démarche de foi, c’est un choix qui engage. Cela a des implications importantes pour nous, au niveau de notre vision du monde, de nos priorités dans la vie, de notre comportement… C’est bien une charge que nous acceptons. Mais si cela représente pour nous un fardeau insupportable, c’est qu’il y a un problème.

Car on peut se tromper de joug et prendre sur nos épaules ce que Dieu ne nous demande pas ! Parfois, on se met la pression pour être un croyant parfait, on cherche à mériter la faveur de Dieu, à être à la hauteur. Et le fardeau léger de l’amour et de la grâce de Dieu devient un fardeau lourd de nos efforts, de nos frustrations, de nos échecs.

Le joug que le Christ nous offre, celui de ses instructions, ne nous écrase pas sous des obligations et des interdits, il nous libère et nous allège de notre culpabilité, de notre honte et de nos remords. Par son amour et sa grâce, il nous offre le pardon et le renouvellement. Voilà qui est source de repos pour nous.

La foi : une béquille ? Pourquoi pas !

On entend dire parfois, avec un ton de mépris ou de suffisance : “la foi, c’est une béquille pour les faibles !” Eh bien c’est peut-être vrai. Mais attention : vous vous pensez inébranlable, inatteignable, suffisamment fort pour affronter toutes les épreuves ? Si c’est le cas, vous n’avez sans doute pas besoin de la foi… mais j’ai peur que vous tombiez de haut un jour ! Et ce même danger concerne aussi les croyants. On peut, parfois, penser que puisqu’on a la foi, on est inébranlable, rien ne peut nous arriver. Si c’est ce que vous pensez… c’est que vous n’avez plus besoin du Christ, et que vous avez peut-être plus foi en vous-mêmes que foi en Jésus-Christ. Mais là aussi, un jour vous tomberez de haut !

Cette belle parole de Jésus nous invite à reconnaître notre fatigue… Assumons nos faiblesses, nos coups de mou et nos failles. Ne nous prenons pas pour des super-héros, avec ou sans la foi ! Notre force c’est aussi de reconnaître nos faiblesses. Et notre faiblesse serait de croire que nous n’en avons pas…

Pas besoin d’être fort pour suivre Jésus. Pas besoin d’être inébranlable pour être un bon chrétien. Reconnaissons que nous boitons tous, d’une manière ou d’une autre, et que la foi peut être une béquille qui nous aide à avancer… et grâce à laquelle nous trouvons du repos dans nos vies plus ou moins brinquebalantes et cabossées.

L’important, c’est celui en qui on croit

Finalement, ce qui est important, c’est moins notre foi que celui en qui on croit. C’est Jésus, qui nous appelle à venir à lui, et qui est “doux et humble de coeur”. Le contraire d’un maître dominateur.

Notre vision de Dieu, de Jésus-Christ, détermine énormément la façon de vivre notre foi. Devant un maître intraitable ou un juge impitoyable, on se tait et on obéit. Mais devant un maître doux et humble de coeur, qui sait se mettre à notre hauteur et qui nous comprend, on se sent libre d’être soi-même.

La foi authentique, c’est être soi-même devant Dieu, dans la confiance et la reconnaissance. Parce qu’elle repose sur l’assurance de l’amour de Dieu pour nous. Parce qu’elle se construit dans une relation avec le Christ qui est présent, tout proche de nous.

Si votre foi vous conduit à une vie chrétienne qui est un poids lourd à porter, un fardeau insupportable, c’est que vous avez sans doute une vision faussée de Dieu. Car Jésus le dit : ”Le joug que je vous invite à prendre est bienfaisant et le fardeau que je vous propose est léger.” En réalité, c’est nous qui ajoutons du poids à ce fardeau léger, c’est nous qui le rendons lourd…

Conclusion

Notre vie ressemble parfois à celle du bousier… mais nous ne sommes pas aussi forts que le bousier. Savez-vous qu’il est capable de pousser 1141 fois son poids ? Pour un homme ça équivaudrait à pousser 6 bus double-étage remplis de passagers !

Alors à travers cette belle parole de l’Evangile ce matin, Jésus nous dit d’abandonner cette boule qu’on pousse ou qu’on tire, faite de blessures et de remords, de doute et de peur, d’habitudes voire d’addictions qui nous rongent, cette boule pleine de culpabilité, de honte, de tristesse ou de lassitude… Par sa grâce, il veut alléger notre fardeau et il nous offre de prendre à la place son joug bienfaisant et son fardeau léger.

Sa présence à nos côtés chaque jour, sa bonté et sa fidélité qui nous accompagnent, la foi qui nous relie à lui, sont source de paix et de repos. Laissons-le donc alléger notre fardeau !

Reconnaître l’autorité de Jésus

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Ce n’est pas toujours simple de respecter l’autorité de quelqu’un d’autre… Si certains sont vraiment à l’aise pour entrer dans le moule et suivre les instructions, sans trop se poser de questions, d’autres se méfieront toujours de ce qu’on leur impose. C’est vrai dès l’enfance, où obéir est difficile ! Mais ensuite, le problème demeure : en famille, où les rapports d’autorité peuvent conduire à des conflits ou des ruptures ; dans les études, quand on remet en cause les profs et la pertinence de ce qu’ils nous demandent ; et bien sûr au travail, où les rapports d’autorité peuvent très bien se passer mais peuvent aussi ressembler à une croix qu’on porte jour après jour, si notre n+1 est incompétent voire injuste et malveillant.

Evidemment, en France, patrie des révolutionnaires, l’autorité passe mal, d’autant plus à une époque où les hiérarchies se sont nettement assouplies : les droits de chacun sont davantage mis en avant, on se réclame de l’égalité. Dans ce contexte, l’autorité est douteuse – ne va-t-on pas me voler ma liberté ? Me forcer à faire ce que je ne veux pas ? Et puis, Untel, qu’il soit ministre ou chef d’équipe, ne restera peut-être pas à son poste indéfiniment – donc faut-il vraiment lui obéir ?

En tant que chrétiens, le virage vers la soumission à Dieu est raide. Que nous soyons brebis dociles ou moutons noirs, il y a forcément quelque chose qui coince, tout simplement parce que reconnaître que je ne suis pas le maître du monde, ou juste le maître de ma vie, vient heurter mes aspirations, mes désirs voire mes délires. Le péché originel, fondamental, n’est-ce pas un couple qui décide de faire fi des demandes de Dieu, et de décider pour lui-même ce qui est le mieux ?

Le sujet est vaste, sûrement à nuancer selon les personnalités et les cultures, mais le texte qui nous est proposé aujourd’hui dans la liste des lectures bibliques vient nous interpeller. Nous sommes dans l’Evangile de Matthieu, plutôt au début des 3 ans où Jésus parcourt le pays d’Israël en apportant enseignements et guérisons. Il commence à être connu, mais peu se doutent de qui il est vraiment.

Lecture biblique : Matthieu 8.5-13

5 Au moment où Jésus entrait dans Capharnaüm, un centurion (du grade de sergent à peu près, commandant une troupe de plusieurs dizaines d’hommes – dans le monde du travail, ce serait un chef d’équipe sur le terrain) un centurion s’approcha et le supplia :

6 « Seigneur, mon serviteur est couché à la maison, il est paralysé et souffre terriblement. »

7 Jésus lui dit : « Moi je viendrai le guérir. »

8 Mais le centurion répondit : « Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit. Mais dis seulement un mot et mon jeune serviteur sera guéri !

9 Car je suis moi-même soumis à mes supérieurs et j’ai des soldats sous mes ordres. Si je dis à l’un : “Va !”, il va ; si je dis à un autre : “Viens !”, il vient ; et si je dis à mon serviteur : “Fais ceci !”, il le fait. »

10 Quand Jésus entendit ces mots, il fut dans l’admiration et dit à ceux qui le suivaient : « Je vous le déclare, c’est la vérité : je n’ai trouvé une telle foi chez personne en Israël.

11 Je vous le dis, beaucoup viendront de l’est et de l’ouest et prendront place à table dans le royaume des cieux avec Abraham, Isaac et Jacob. 12 Mais ceux qui appartenaient au royaume seront jetés dehors, dans l’obscurité, où ils pleureront et grinceront des dents. »

13 Puis Jésus dit au centurion : « Retourne chez toi, que tout se passe pour toi selon ta foi ! » Et le serviteur du centurion fut guéri à ce moment même.

         

Un récit de miracle : au-delà des frontières

Alors que Jésus rentre au village de Capharnaüm, un de ses QG, un centurion s’approche de lui, avec une demande voilée : son serviteur (manifestement estimé) est malade – sous-entendu, est-ce que Jésus peut faire quelque chose pour lui ? La réaction de Jésus est immédiate : « j’arrive ! » Il voit quelqu’un en détresse, et il accourt. Cette rencontre nous en dit long sur la disponibilité de Jésus, sur son empressement à faire du bien. C’est le même Jésus qui vit encore aujourd’hui, avec qui nous sommes en relation.

Son empressement est d’autant plus remarquable que ce centurion est le premier non-Juif à l’approcher, mais ce n’est pas un simple étranger, un touriste ou un frontalier : il appartient aux forces d’occupation romaines qui ont Israël en leur pouvoir, avec un degré de popularité que vous pouvez imaginer ! Alors, l’Evangile de Luc précise que ce centurion-là était plutôt bien vu, mais il reste un ennemi, au niveau politique. Dans ce chapitre, le disciple de Jésus, Matthieu, nous présente trois histoires de guérisons, trois histoires toutes simples mais révolutionnaires : Jésus guérit un lépreux (donc un Juif malade, impur, mis en quarantaine), le serviteur d’un officier romain, et une femme, la belle-mère de Pierre.

Trois catégories de personnes qui étaient souvent mises de côté dans la société juive. Jésus abat les frontières : sa compassion est pour tout le monde. Par lui, l’amour de Dieu rejoint toutes les catégories de personnes – et c’est encore vrai aujourd’hui ! Jésus veut encore apporter l’amour de Dieu à tous, qu’ils soient bien ou mal vus, qu’ils soient respectables ou méprisés… Pour lui, quelles que soient nos catégories, il y a juste des personnes à rencontrer et à aimer.

Cette rencontre met en avant la puissance de Jésus qui guérit, qui n’a d’égale que sa bonté et son amour. Si l’échange s’était arrêté là entre le centurion et Jésus, c’est la leçon principale qu’on retiendrait. Mais la réaction du centurion romain introduit un rebondissement dans l’histoire qui déplace notre attention de Jésus au centurion lui-même comme un projecteur qui viendrait l’éclairer plus fort.

          Une foi étonnante

Le centurion refuse la venue de Jésus chez lui ! Vous imaginez ? « Viens ! non, pas trop près ! » C’est étrange ! Bon, le centurion était sûrement au courant qu’un Juif pieux n’avait pas vraiment le droit d’aller chez un étranger, parce que ça transgressait les règles de pureté et ça le mettait en difficulté pour participer aux rites juifs. Donc il y a sûrement le respect des traditions juives dans sa réaction. Mais pas seulement !

La raison que le centurion donne, c’est qu’il reconnaît l’autorité de Jésus. Il reconnaît sa puissance, ou plus précisément la puissance de sa parole et de ses pensées. Lui, il a l’habitude de la hiérarchie, de voir des ordres se réaliser, d’obéir et d’être obéi. Et il comprend que les miracles de Jésus ne relèvent pas de la magie ou d’une compétence particulière, mais qu’ils découlent de l’identité de Jésus. Identité mystérieuse, mais sous-jacente : qui d’autre que le créateur peut parler et la chose arrive (comme dit le psaume 33) ? qui d’autre que Dieu pense – et sa pensée se réalise, sans aucun intermédiaire ? Jésus a l’autorité du Créateur.

La foi du centurion touche à la vérité de qui est Jésus, avec un discernement d’une clarté époustouflante. Et Jésus en est époustouflé. D’habitude, dans les Evangiles, ce sont ceux qui entourent Jésus qui sont époustouflés : ses disciples, les foules, même ses opposants. Jésus bouleverse leur vision du monde ! Mais cette rencontre avec le centurion est la seule fois, dans les Evangiles, où Jésus est bouleversé, époustouflé, admiratif. La seule.

Il en est tellement retourné qu’il en tire un commentaire : cet étranger est un digne héritier du croyant Abraham, qui avait tout quitté à cause d’une promesse folle de Dieu. Sa foi le fait entrer dans la grande famille de Dieu, autour de cette table de réjouissance, de communion, de fraternité qui réunit ceux qui aiment Dieu, peu importe leur origine. Mais Jésus donne aussi un avertissement : ceux qui s’imaginent avoir leur place attitrée auprès de Dieu à cause de leur origine, de leurs œuvres, de leurs traditions ou de leurs valeurs, ceux-là se trompent. Toutes ces choses-là sont dérisoires devant Dieu. Seule la foi, seul le cœur qui reconnaît ses failles et ses fautes pour demander secours à Jésus, seule cette confiance a du poids. Parce qu’elle laisse Dieu être Dieu, et agir.

          La place de l’autorité

Qu’y-a-t-il de particulier chez ce centurion ? Il a confiance en Jésus ? bien des malades guéris aussi ! Il est humble ? il n’est pas le seul ! Plusieurs approcheront Jésus avec respect pour le Maître, le Rabbi. Ce qui semble unique chez cet homme, c’est qu’il reconnaît l’autorité suprême de Jésus. Au-delà de ce que Jésus peut faire, le centurion voit qui Jésus est. Il n’a pas foi en quelque chose, mais en quelqu’un.

Quelqu’un qui possède la puissance du Créateur, mais aussi sa bonté. N’est-il pas plus facile de suivre un chef compétent qui ne veut que notre bien ? que notre salut ? qui nous aime du plus profond de son cœur ? Le centurion ne le sait pas, mais quelques mois plus tard, ce Créateur devenu homme, il va mourir pour nous libérer du poids de nos fautes. Ce n’est pas un chef qui écrase ou qui domine, mais qui bénit et qui relève, à l’autorité douce.

D’ailleurs, le centurion, aussi respectueux soit-il, n’a pas hésité à venir à Jésus, il lui a confié sa demande, il a osé ! Respecter Jésus comme sauveur et comme Seigneur, ce n’est pas se taire à tout jamais ou ne rien demander. C’est choisir de mettre en avant sa puissance et sa bonté. Peut-être que parfois, sous couvert de soumission, nous ne confions pas assez notre vie à Jésus, parce que nous avons une image trop petite de lui. Paradoxalement, reconnaître l’autorité de Jésus, c’est venir à lui librement.

Soyons clairs : les diverses rencontres racontées dans les Evangiles nous montrent que Jésus ne mesure pas la foi avant d’y répondre. Il n’attend pas un certain taux de foi pour accéder aux requêtes ! un simple mouvement vers lui est déjà pris en compte, et Jésus répand largement ses bénédictions. Pour que Jésus vous écoute, vous n’avez pas besoin de passer un certain niveau, d’avoir un diplôme de foi. Votre simple cri vers lui, même sans mots articulés, même sans savoir trop qui il est, votre simple cri est entendu.

Il n’empêche que la foi du centurion nous invite à ne pas rester à une foi première, rudimentaire, viscérale, mais à discerner de plus en plus l’autorité du Christ, son identité divine et sa dignité, sa gloire, que nous sommes appelés à respecter. Je vais prendre un exemple.

Imaginez des parents, assis dans le salon. Ils entendent un cri dans la chambre, leur fils adolescent les appelle car il est tombé en allant chercher un carton en haut du placard. Il s’est sûrement cassé quelque chose et il souffre terriblement. A priori, les parents vont l’emmener aux urgences. Il n’y pas vraiment de suspense ! Mais la situation se vivra complètement différemment si leur fils les insulte ou s’il leur parle avec respect et confiance. La relation parents-enfant n’en ressortira pas pareil. L’amour des parents ne changera pas, mais la qualité de leur relation vécue ne sera pas la même.

Jésus n’attend pas notre respect et notre reconnaissance pour nous aimer et nous répondre. Mais nous avons tout à gagner à grandir dans ce respect, à devenir pas seulement des croyants, mais aussi des disciples, qui reconnaissent son identité divine, sa puissance et sa bonté – parce que c’est là que notre relation avec lui accueillera les plus belles bénédictions.

Ne pas passer à côté de l’Eglise

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J’imagine que vous avez reçu des cartes de voeux en ce début d’année… Il arrive encore qu’on en reçoive par la poste, même si c’est bien plus souvent maintenant par mail ou simplement par SMS. J’avoue que quand je reçois une carte de voeux, je la lis un peu rapidement… Et je passe volontiers sur les formules traditionnelles qu’on trouve au début ou à la fin. Vous savez, du genre : “bonne année, et surtout la santé !”

On retrouve un peu la même chose dans les courriers en général, surtout s’ils ont un caractère officiel. Il y a toujours des formules qu’on utilise, au début ou en fin de lettre, et bien souvent, on ne les lit même pas. On va directement au corps de la lettre.

Toute une partie du Nouveau Testament est justement constituée de lettres, notamment écrites par l’apôtre Paul, adressées à des Églises ou des collaborateurs. Comme dans toute lettre, on y trouve aussi des formules de salutation, en introduction et en conclusion.. Et on peut facilement passer un peu vite sur ces formules. On se dit que ce n’est pas très important et qu’il vaut mieux aller tout de suite au développement qui suit.

Mais si on considère que toute la Bible est la Parole de Dieu, alors ces formules aussi sont importantes, non ? Il est légitime de s’y arrêter.

Ce matin, c’est justement les tout premiers versets d’une lettre de Paul qui nous sont proposés comme l’un des textes bibliques du jour. Au premier abord, ça peut paraître surprenant… mais c’est l’occasion de découvrir les richesses qui se cachent dans ces paroles qu’on pourrait laisser de côté trop vite.

1 Corinthiens 1.1-3
1 De la part de Paul, qui par la volonté de Dieu a été appelé à être apôtre de Jésus Christ, et de la part de Sosthène, notre frère.
2 À l’Église de Dieu qui est à Corinthe, à ceux qui, là-bas, appartiennent à Dieu par l’union avec Jésus Christ, et qui sont appelés à vivre pour lui, avec tous ceux qui, partout, font appel au nom de notre Seigneur Jésus Christ, leur Seigneur et le nôtre : 3 Que Dieu notre Père et le Seigneur Jésus Christ vous donnent la grâce et la paix !

Les versets 1-3 forment une seule longue phrase, en grec. La première partie (verset 1) indique l’auteur de la lettre, la deuxième partie (verset 2) indique les destinataires. Ces derniers sont désignés de façon courte par une première proposition : “A l’Eglise de Dieu qui est à Corinthe”. Ensuite, il y a deux propositions relatives qui vont préciser ce que Paul entend par cette Eglise. Ce sont “ceux qui appartiennent à Dieu par l’union avec Jésus Christ” et, dit autrement et de façon encore plus précise : ceux “qui sont appelés à vivre pour lui, avec tous ceux qui, partout, font appel au nom de notre Seigneur Jésus Christ, leur Seigneur et le nôtre.”

Les formules sont, certes, un peu longues… mais elles sont aussi riches théologiquement. Au-delà de simplement désigner les destinataires de sa lettre, Paul nous dit ici quelque chose de ce qu’est l’Eglise aux yeux de Dieu. Arrêtons-nous plus en détail sur chacune des trois propositions.

“L’Eglise de Dieu qui est à Corinthe”

La formulation mérite qu’on s’y arrête. L’apôtre parle de l’Eglise de Dieu. Pas celle de Paul ou d’un autre apôtre, pas celle des responsables de l’Eglise. C’est l’Eglise de Dieu. Ca peut paraître évident, mais c’est important de le rappeler. Trop souvent l’histoire de l’Eglise, et l’histoire des Églises, est marquée par des jeux de pouvoir, des stratégies d’influence, la recherche de prestige, où tel ou tel s’approprie “son“ Eglise, ou en devient le gourou, le maître absolu.

Toute Eglise demeure l’Eglise de Dieu. Aucun être humain, aussi instruit, aussi spirituel, aussi charismatique soit-il ne peut se l’approprier.

“Ceux qui appartiennent à Dieu par l’union avec Jésus Christ”

Ou, plus littéralement, “ceux qui ont été consacrés en Jésus-Christ”. L’Eglise n’est évidemment pas d’abord un bâtiment, mais il n’est pas non plus d’abord une structure, une organisation ou une institution. Elle est d’abord le rassemblement des croyants, de ceux qui, par leur foi en Jésus-Christ, appartiennent à Dieu.

Une Eglise, ce sont des hommes et des femmes. Une réalité humaine. C’est ce qui en constitue les limites, voire même la faiblesse. C’est ce qui explique en tout cas son imperfection… Mais c’est aussi ce qui est fait sa beauté et sa richesse. Une Eglise est d’abord une communauté de croyants, un lieu de relations, de rencontres, d’enrichissement mutuel… et pas une institution à notre disposition pour répondre à nos attentes et nos besoins.

“Ceux qui sont appelés à vivre pour lui, avec tous ceux qui, partout, font appel au nom de notre Seigneur Jésus Christ, leur Seigneur et le nôtre”

Cette deuxième proposition relative est elle-même constituée de propositions relatives, ce qui en fait une formule un peu complexe. On y trouve la mention d’un appel, partagé avec d’autres. L’appel est celui d’être consacré, attaché à Dieu. Et il est partagé avec tous ceux qui ont eux-mêmes répondu à cet appel. Pas seulement à Corinthe mais partout. Et Paul précise encore, s’il le fallait, que le Christ est leur Seigneur comme le nôtre.

En d’autres termes, Paul souligne qu’une Eglise ne peut pas se comprendre comme Eglise toute seule. Et un chrétien encore moins. Le repli sectaire, quand on prétend être seul à être fidèle, à détenir la vérité ou incarner la seule façon correcte d’être une Eglise, ce repli est contraire à l’Evangile.

Voilà une précision particulièrement appropriée en ce dimanche qui se situe entre la semaine universelle de prière de l’Alliance Evangélique et la semaine de prière pour l’unité des chrétiens ! C’est un rappel utile à l’humilité…

Ne pas passer à côté de l’Eglise

Ce que Paul dit ici de l’Eglise, il pourrait le dire de toutes les Églises. Vous pouvez remplacer “Corinthe” par n’importe quel nom de ville ou de village. Lorsqu’il parle de l’Eglise, il parle de l’Eglise de Dieu, constituée des croyants qui appartiennent à Jésus-Christ, avec tous les autres croyants qui partagent le même appel.

Mais on passe à côté de l’Eglise quand on oublie que c’est l’Eglise de Dieu et qu’on se l’approprie, ou qu’on laisse quelqu’un se l’approprier. Le danger ici vise en particulier ici les responsables de l’Église, les pasteurs ou les fondateurs de l’Eglise.

On passe à côté de l’Eglise quand on oublie qu’elle est avant tout le rassemblement des croyants et pas une institution à faire tourner ou une entreprise à faire prospérer. C’est pour cela que toute “méthode” de croissance, de développement ou de gestion de l’Eglise doit être relativisée. Aucune méthode ne sera pertinente si on oublie que l’Eglise est d’abord affaire de relations, les uns avec les autres, et évidemment avec Dieu.

On passe à côté de l’Eglise quand on oublie qu’elle partage un même appel avec les autres Églises, semblables ou différentes d’elle-même. L’isolationnisme, que ce soit par orgueil spirituel ou par crainte, n’est jamais une solution pour une Eglise. Par définition, elle doit être ouverte, parce qu’elle doit avoir conscience de n’être qu’une toute petite partie de l’Eglise de Jésus-Christ.

En fait, on passe à côté de l’Eglise quand on pense qu’elle est une fin en soi. Ce n’est pas l’Eglise qui compte, ce qui compte c’est Dieu qui l’appelle. Découvrir une Eglise, c’est bien. Y rencontrer des croyants, des gens sympathiques avec qui partager sa foi, c’est bien. Mais la raison d’être de l’Eglise, c’est Jésus-Christ.

Celui qu’on vient rencontrer avant tout c’est Dieu, car c’est son Eglise. Celui qu’on vient écouter d’abord, c’est Jésus-Christ, car c’est lui qui nous appelle. Est-ce bien dans cet état d’esprit que nous venons ?

Nous devons être conscients de la responsabilité et du défi que cela représente. Comment perçoit-on notre Eglise ? Voit-on notre Eglise comme un lieu privilégié pour rencontrer non pas seulement des chrétiens mais le Christ lui-même ?

La responsabilité peut nous paraître bien lourde… mais en réalité, elle ne dépend pas vraiment de nous. De notre côté, il s’agit surtout de ne pas faire obstacle au Christ, de le laisser agir, parler, se manifester. C’est une grâce, celle de voir Jésus-Christ vivre en nous, se manifester dans nos relations les uns avec les autres, l’entendre nous parler. Parce que, dans l’Eglise, c’est Lui que nous voulons honorer, c’est Lui que nous voulons proclamer, c’est Lui que nous voulons aimer parce qu’il nous a aimé le premier.

Conclusion

Les salutations de l’apôtre Paul au début de sa lettre aux Corinthiens sont donc bien plus que de simples formules toutes faites. Ce serait dommage de passer à côté !

Elles nous invite à comprendre ce qu’est l’Eglise, et quelle est sa raison d’être : Jésus-Christ. Elle est l’Eglise de Dieu, constituée des croyants qui appartiennent à Jésus-Christ, avec tous les autres croyants qui partagent le même appel.

L’Eglise n’est pas là pour ses responsables ou pour ses membres, elle est là pour manifester Jésus-Christ, pour permettre à chacun de connaître et de rencontrer le Christ vivant.

Voir le Messie

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Avez-vous vu le Messie ? Moi oui ! En réalité, je parle d’une série, sortie récemment sur Netflix et intitulée Messiah (Le Messie, en anglais). Elle imagine le retour, de nos jours, du Messie, ou du moins de quelqu’un qui se prétend être le Messie, et qui est accueilli comme tel par beaucoup, quelqu’un à qui on attribue des miracles, qui parle au nom de Dieu et qui semble tout connaître des personnes qu’il rencontre. Bien sûr c’est une fiction… mais c’est très intéressant de voir comment on peut imaginer la venue de Jésus, dans le contexte géopolitique actuel, dans la peau d’un migrant anonyme venant de Syrie, à l’heure des chaînes d’info continue et des réseaux sociaux !

On peut évidemment discuter la vision de Jésus qui ressort de cette série… une vision qui, personnellement, ne me convient pas vraiment sur plusieurs points ! Mais il y a un élément que je trouve intéressant : c’est seulement lorsqu’ils rencontrent personnellement ce “Jésus” que les personnages de la série sont vraiment interpellés, voire transformés. Et c’est là que se manifeste ou non leur foi…

Pour nous, c’est sans doute de cette façon que nous devons envisager notre lien à Jésus (et là je ne parle plus de la série !). C’est dans une rencontre personnelle avec lui, par la foi, que nous serons transformés. Et la façon dont les évangiles nous présentent la personne de Jésus nous invite à chercher cette rencontre et pas simplement se faire un avis sur le personnage Jésus.

Lisons le texte de l’Evangile de ce dimanche dans cette perspective :

Matthieu 3.13-17
13 À ce moment-là Jésus vient de la Galilée au Jourdain ; il arrive auprès de Jean pour être baptisé par lui. 14 Jean s’y opposait et lui disait : « C’est moi qui devrais être baptisé par toi et c’est toi qui viens à moi ! » 15 Mais Jésus lui répondit : « Accepte qu’il en soit ainsi pour le moment. Car il convient que nous accomplissions ainsi ce que Dieu demande. » Et Jean accepta. 16 Dès que Jésus fut baptisé, il remonta de l’eau. Au même moment les cieux s’ouvrirent pour lui : il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. 17 Et une voix venant des cieux dit : « Celui-ci est mon fils bien-aimé ; en lui je trouve toute ma joie. »

“À ce moment-là Jésus vient de la Galilée au Jourdain” Cette simple indication géographique en dit plus qu’on le croit au premier abord. La Galilée, c’était loin. Et c’était un territoire un peu méprisé. On entendra, dans les évangiles, cette formule : “Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth ?” (Jean 1.46) Forcément, en Galilée, Jésus ne pouvait être qu’un incognito… Mais tout le monde venait de Jérusalem, la capitale, et de toute la région de Judée pour voir et entendre Jean le prophète, au bord du Jourdain. Pour Jésus, venir de Galilée au Jourdain, c’était entrer dans la vie publique. Avant, personne ne le connaissait, sauf ses proches. A partir de ce jour, il va commencer son ministère publique et sa réputation va rapidement grandir.

Mais on peut se dire que Jésus a une drôle de façon d’entrer dans son ministère publique. S’il avait eu des conseillers en communication, je doute qu’ils lui auraient conseillé de faire ça ! Ca aurait été plus prestigieux, plus porteur, d’aller à Jérusalem, la capitale, peut-être même au temple. Là aussi il y a du monde !

Mais Jésus choisit d’aller au bord du Jourdain, et demander le baptême à Jean. Or, le baptême de Jean, c’est un baptême de repentance, pour changer de vie et se préparer à la venue du Messie. Jésus a-t-il besoin de repentance ? Non ! Doit-il se préparer à la venue du Messie ? Non, il est lui-même le Messie !

Il se soumet donc à quelque chose dont il n’avait pas besoin. Pourquoi ? Jean lui-même ne le comprends pas. « C’est moi qui devrais être baptisé par toi et c’est toi qui viens à moi ! » Des paroles qui rappellent étrangement celles de Pierre, dans l’évangile selon Jean, lorsque Jésus lui lave les pieds. Il réagit de façon plus radicale encore : « Non, tu ne me laveras jamais les pieds ! »
(Jn 13.8)

Pierre ne comprend pas plus que Jean ce que Jésus veut faire. Et dans les deux cas, Jésus ne leur demande pas de comprendre mais d’accepter de s’y soumettre :
A Jean il dit : « Accepte qu’il en soit ainsi pour le moment. Car il convient que nous accomplissions ainsi ce que Dieu demande. »
A Pierre il dit : « Tu ne saisis pas maintenant ce que je fais, mais tu comprendras plus tard. » (Jean 13.7)

Jean va finalement accepter de baptiser Jésus, et Pierre va finalement accepter de se laisser laver les pieds par Jésus… Mais je doute fort que l’un et l’autre aient compris pourquoi !

Avec le recul, et la mise en perspective dans les évangiles, nous comprenons mieux. Et la mise en regard de notre épisode avec celui du lavement des pieds nous permet de mieux comprendre la portée du baptême de Jésus.

C’est le serviteur, l’esclave, qui lavait les pieds des invités lorsqu’ils arrivaient dans la maison, les sandales pleines de terre et de poussière. Or ici, le maître se fait serviteur. Il n’a pas à le faire… mais il choisit de le faire malgré tout. Il y a une sorte d’humiliation, un abaissement volontaire : pour laver les pieds de quelqu’un, il faut se mettre à genou devant lui. On comprend alors la réaction de Pierre !

En venant dans le Jourdain demander à Jean de le baptiser, Jésus a la même démarche d’humiliation. Lui, le Fils de Dieu, le Messie, il se soumet au même baptême de repentance que tous ceux qui venaient à Jean. Il prend la posture du pécheur qui a besoin de repentance.

L’un et l’autre de ces épisodes étonnants illustrent la démarche humiliante de l’incarnation. Le Fils de Dieu devient un homme, et non pas un homme hors-sol, protégé, à l’écart des épreuves des humains. Il devient comme les humains, dans leur condition de pécheur, et tout ce que cela implique d’épreuves, de tentations, de souffrances… Une démarche d’humiliation qui conduira, nécessairement, à la mort, la mort sur la croix. C’est ce que Paul dira dans le fameux hymne christologique de Philippiens 2 :

Philippiens 2.6-8
Il possédait depuis toujours la condition divine,
mais il n’a pas voulu demeurer à l’égal de Dieu.
Au contraire, il a de lui-même renoncé à tout ce qu’il avait
et il a pris la condition de serviteur.
Il est devenu un être humain parmi les êtres humains,
il a été reconnu comme un homme ;
il a accepté d’être humilié et il s’est montré obéissant
jusqu’à la mort, la mort sur une croix.

Loin d’être un épisode anodin, le baptême de Jésus est donc un signe fort de la mission et de l’oeuvre de Jésus-Christ, le Fils de Dieu devenu homme, pour sauver les humains. Il est le Messie serviteur, pleinement solidaire de ses frères humains, jusqu’à la mort.

C’est pourquoi l’épisode est couronné par une théophanie, une manifestation du Dieu trinitaire où au Fils vient se joindre le Saint-Esprit, sous la forme d’une colombe descendant sur lui, ainsi que le Père, à travers la voix qui se fait entendre du ciel : « Celui-ci est mon fils bien-aimé ; en lui je trouve toute ma joie. »

Trois leçons pour notre relation avec Jésus

Que peut-on retirer pour nous, aujourd’hui, de cet épisode ? Il nous révèle la personne et l’oeuvre de Jésus, nous pouvons en tirer des leçons pour notre relation à lui, par la foi, aujourd’hui. Résumons-les en trois mots :

Proximité

D’abord, cet épisode du baptême de Jésus et ce qu’il signifie doit nous conduire à un émerveillement sans cesse renouvelé pour le miracle de l’incarnation. Le Fils de Dieu devient un être humain. Et ça signifie une proximité incroyable du Créateur avec ses créatures.

L’amour de Dieu pour nous est si grand qu’il a accepté, en son Fils, de devenir comme nous. Impossible de nous être plus proche. Impossible de mieux nous connaître. Il s’abaisse à devenir notre égal pour nouer une relation d’intimité avec nous.

Le Dieu tout-puissant, Créateur de l’univers, est devenu notre frère. Ce Dieu infini, éternel, devient notre ami le plus proche. Il est celui qui nous connaît mieux que nous-mêmes, celui à qui on peut tout dire, celui dont la fidélité ne se démentira jamais. C’est à lui que nous parlons lorsque nous prions !

Surprise

Ensuite, Jean, et plus tard Pierre, et d’autres encore, ont eu du mal à comprendre Jésus au premier abord. Ils ont été surpris, parce qu’il n’agissait pas comme ils pensaient que le Messie devrait agir.

Si on enferme Dieu, ou Jésus-Christ, dans notre doctrine, il n’y aura plus de surprise. Mais il n’y aura peut-être plus de rencontre ou de relation authentique non plus… Laissons toujours une place à la surprise dans notre relation à Dieu. Soyons disposés à être surpris par lui.

Parfois il viendra nous rencontrer à travers des personnes que nous n’imaginions même pas, parfois il nous parlera au travers de circonstances que nous ne pouvions absolument pas prévoir. Et si nous n’y sommes pas prêts, nous risquons de manquer les rendez-vous que le Seigneur nous fixe.

Confiance

Le troisième mot est confiance. Il est intéressant de voir que même si Jean, et Pierre, ne comprennent pas vraiment ce que Jésus leur demande, ils acceptent. Ils lui font confiance.

Nous non plus, nous n’avons pas besoin de tout comprendre pour obéir à ce que Dieu nous demande de faire. On se retrouve parfois dans des circonstances qui nous paraissent incompréhensibles, qui nous échappent… on ne comprend pas mais on fait confiance à Dieu. Il sait, lui, ce qu’il fait.

On comprendra, peut-être, plus tard. En attendant, la foi, ce n’est pas tout comprendre et avoir réponse à tout, c’est d’abord faire confiance à Dieu. Y compris, et surtout, quand on ne comprend pas tout…

Conclusion

Avez-vous vu le Messie ? Et là je ne parle pas de la série. Avez-vous vous le Messie, Jésus-Christ, agir dans votre vie ? L’avez-vous vu venir à votre rencontre à travers telle personne qu’il a mise sur votre route ? L’avez-vous vu vous parler à travers telle parole lue ou entendue ?

Est-il votre ami, votre confident, autant que votre Seigneur et votre Sauveur ?

Quand on en reste à une foi surtout intellectuelle, on peut voir en Jésus-Christ le Fils de Dieu devenu homme, on peut même affirmer le reconnaître comme notre Sauveur. On aura bien compris le message de l’Evangile… Mais quand notre foi développe aussi sa dimension relationnelle, à travers la prière, la méditation… alors Jésus devient aussi notre ami, notre confident, celui qui nous est le plus proche.

Ainsi il nous est possible de dire que, par la foi, dans notre vie, nous avons vu le Messie !

Eloge du bon sens

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C’est la fin de l’année, le temps des bilans et des projets. On se demande souvent en quoi l’année écoulée a été bonne ou mauvaise. Quand on est croyant on en fait un sujet de reconnaissance ou de prière. On prend parfois de bonnes résolutions pour l’année qui vient… quitte à oublier que les bonnes résolutions prises une année auparavant ne sont souvent restée que de belles intentions !

Je ne vous propose pas ce matin de prendre des bonnes résolutions mais quand même d’écouter quelques conseils. Ils ne viennent pas de moi mais de la Bible… Et plus précisément d’un livre qui a pour objet de parler de sagesse, une sagesse pratique qui nous rejoint dans notre quotidien : le livre des Proverbes.

Dans le passage qui nous est proposé pour ce matin, le texte est écrit sous la forme de conseils qu’un père donne à son enfant pour que ce dernier se conduise avec sagesse dans la vie.

Proverbes 23.15-26
15 Mon enfant, si ton cœur s’attache à la sagesse, j’en aurai une grande joie. 16 Je serai profondément heureux si tu parles avec droiture.
17 N’envie pas intérieurement les pécheurs, mais respecte constamment le Seigneur. 18 Alors tu auras un avenir, ton espérance ne sera pas déçue.
19 Toi, mon enfant, écoute-moi et tu deviendras sage, tu iras droit ton chemin. 20 Ne fréquente pas les gens qui s’enivrent de vin et se gavent de viande. 21 Car les buveurs et les gloutons seront réduits à la misère, à force de somnoler ils n’auront plus que des vêtements en loques à se mettre.
22 Écoute ton père, car tu lui dois la vie ; ne méprise pas ta mère lorsqu’elle a vieilli. 23 Apprends à être véridique, sage, discipliné et intelligent, et ne renonce pas à ces qualités. 24 Le plus grand bonheur d’un père est d’avoir donné la vie à un enfant juste et sage. 25 Donne cette joie à ton père et à ta mère, ce bonheur à celle qui t’a mis au monde.
26 Mon enfant, fais-moi confiance, prends plaisir à suivre mon exemple.

A part l’appel à respecter le Seigneur, au verset 17, ces conseils n’ont rien de spécifiquement “croyants”. C’est le cas, d’ailleurs, de presque tout le livre des Proverbes… Bien-sûr, on y parle parfois de Dieu, qui est considéré comme la référence ultime : “Reconnaître l’autorité du Seigneur est le commencement de la sagesse.” (Pr 1.7) Mais les Proverbes ne disent pas grand chose de la personne et de l’oeuvre de Dieu, et presque rien en rapport avec l’histoire du salut et le projet de Dieu pour les humains. A la rigueur, il n’y aurait pas besoin d’être croyant pour les suivre, ni même pour les formuler. D’ailleurs, plusieurs des proverbes bibliques sont explicitement issus de sages d’autres peuples que le peuple d’Israël !

On l’a dit, la sagesse dont parle le livre des Proverbes est une sagesse pratique. Elle se base sur l’expérience de la vie et l’observation du monde des humains, pour en tirer des leçons liées au comportements, aux relations, aux priorités à se donner dans la vie. La démarche et les objectifs des Proverbes sont d’ailleurs clairement décrits au début de l’ouvrage :

Proverbes 1.2-5
2 Ces proverbes apprennent à se conduire avec sagesse et à accepter les avertissements. Ils permettent de comprendre des paroles pleines de sens. 3 Ils enseignent à vivre de façon intelligente, en se comportant de manière juste, équitable et droite. 4 Ils donnent des exemples de bon sens aux ignorants, des connaissances et des sujets de réflexion aux jeunes gens. 5 Même les sages les consulteront avec profit, même les personnes intelligentes y trouveront des directives.

La présence même de ce livre dans la Bible est significative. Elle souligne l’importance du bon sens pour le croyant. Or, parfois, à être trop spirituels, j’ai l’impression que les croyants en arrivent à perdre leur bon sens !

Il ne s’agit pas, évidemment, de remplacer la foi par le bon sens… Il y a sans doute des croyants qui manquent d’audace dans leur foi, qui sont trop prudents, trop sages. Mais je suis persuadé qu’il y en a d’autres qui manquent de bon sens. La foi ne peut pas être un prétexte pour faire n’importe quoi et agir de manière irréfléchie !

Dans l’Eglise, on valorise en général les hommes et les femmes de foi, dans leur audace voire leur folie parfois. Et c’est bien. Mais on devrait aussi valoriser les hommes et les femmes de bon sens, qui font preuve d’une sagesse pratique. C’est moins spectaculaire… mais c’est tout aussi important. Une vie chrétienne équilibrée arrive à intégrer les deux : la foi et le bon sens, l’audace et la sagesse.

Un principe de bon sens

Quels sont donc ces principes de bon sens que l’on trouve dans notre texte ? Peut-être faudra-t-il un peu les reformuler mais quelle est leur pertinence aujourd’hui ?

Le premier conseil, on l’entend à travers cet appel répété d’un père qui demande à son enfant de l’écouter pour devenir sage. C’est pour son bien et pour le bonheur de ses parents. Et je comprends très bien cela ! J’ai le privilège d’être papa de deux filles devenues adultes. Les voir aujourd’hui mener leur barque, en étant attachées à des valeurs que nous nous sommes efforcés de leur transmettre en tant que parents, et le faire à leur propre façon, c’est incontestablement une de mes plus grandes joies !

On pourrait reformuler ce premier principe de bon sens ainsi : être à l’écoute des anciens, ou apprendre de l’expérience des autres. La sagesse non seulement s’acquiert mais elle se transmet.

Il ne s’agit pas simplement de reproduire ce qu’ont fait ses parents. Vous savez comme moi qu’il y a toujours plein de choses que nous ne voulons ni ne devons faire comme nos parents, et que nos enfants ne doivent pas faire comme nous ! Mais même si chacun doit prendre sa vie en main, nous ne partons pas de zéro. On ne se fait pas tout seul. Jamais. On ne construit pas son identité, ses valeurs tout seul, on ne mène pas sa vie tout seul. On est précédé par des anciens, dont les premiers sont nos parents, mais ils ne sont pas les seuls. Et le bon sens veut qu’on les écoute et qu’on apprenne de leurs exemples. C’est vrai dans tous les domaines de notre vie, y compris dans sa dimension spirituelle évidemment.

Deux conseils de bon sens

On peut encore souligner deux conseils plus spécifiques dans notre texte. Le premier apparaît au verset 17 :

17 N’envie pas intérieurement les pécheurs, mais respecte constamment le Seigneur. 18 Alors tu auras un avenir, ton espérance ne sera pas déçue.

C’est ici la seule parole qui intègre le Seigneur. Le danger souligné est celui de l’envie, de la jalousie, mais aussi celui des frustrations et de l’insatisfaction. Le pécheur, c’est celui qui se conduit mal. Le danger souligné ici, c’est de mettre le bien-être personnel, ou la réussite, avant les valeurs morales. Pourquoi envier le pécheur ? Parce que, malgré voire à cause de son comportement condamnable, il semble aller bien, il réussit, il prospère. Alors pourquoi ne pas agir comme lui ?

C’est une vision à court terme… qui vaudra bien des déconvenues à ceux qui s’y limitent. La vision à long terme met les valeurs morales en premier, d’où le respect du Seigneur. Sans cette vision à long terme, il n’y a pas d’espérance possible.

Le deuxième conseil est au verset 20 :

20 Ne fréquente pas les gens qui s’enivrent de vin et se gavent de viande. 21 Car les buveurs et les gloutons seront réduits à la misère, à force de somnoler ils n’auront plus que des vêtements en loques à se mettre.

Le conseil peut résonner de façon particulière en cette période de fêtes, où on se laisse plus facilement aller aux plaisir de la table… En fait, la mise en garde concerne surtout ceux qui mettent le plaisir avant le devoir ou la responsabilité, la fête avant le travail.

Dit de la sorte, ça fait un peu rabat-joie… En réalité, c’est un conseil de bon sens. La vie facile, sans contrainte, où on estime que tout nous est dû, est une illusion. Tôt ou tard, ça se retournera contre nous. Ce que veut dire le proverbe ici, c’est qu’on n’a rien sans rien !

Je trouve que ces deux conseils de bon sens gardent toute leur pertinence aujourd’hui.
C’est particulièrement vrai dans notre monde hyper-connecté, où tout est à portée de clic, en une fraction de seconde. On est formaté à vouloir tout tout de suite, à rechercher le plaisir immédiat, à ne s’intéresser finalement qu’au court terme.

Et il existe des versions “spirituelles” de ce formatage. On les trouve dans les théologies de la prospérité qui promettent aux croyants la prospérité physique et matérielle ici et maintenant, en réponse à leur foi. Tout et tout de suite ! On les trouve aussi dans les réponses toutes faites, qui font l’économie de la réflexion pour proposer des solutions simplistes : “il suffit de prier”, “il suffit de se repentir”…

Voilà des attitudes qui manquent, pour le moins, de bon sens ! Et qui, du coup, ne sont pas spirituellement pertinentes non plus !

Conclusion

Les paroles de bon sens du sage qui s’expriment dans notre texte de ce matin sont pertinentes pour nous aujourd’hui. Elles sont de bon conseil sur la façon d’envisager notre quotidien.

On peut même en faire une lecture spirituelle et y voir une invitation à privilégier une vision à long terme, qui nourrit l’espérance, plutôt qu’une vision à court terme, qui nourrit l’immaturité spirituelle.

Et si c’était une bonne résolution à prendre pour la nouvelle année ? Privilégier une vision à long terme, pour nourrir notre espérance !