image_pdfimage_print

Dieu, celui qui nous voit (Quand Dieu se révèle 1/4)

image_pdfimage_print

Regarder ici

Qui reçoit la bénédiction de Dieu ? Dans la Bible, Abraham est le modèle, l’exemple-type : Dieu accorde sa bénédiction généreusement, gracieusement, en demandant la confiance et l’obéissance. Celui ou celle qui est prêt à suivre Dieu recevra sa bénédiction. Abram est déjà vieux quand Dieu l’appelle, et il n’a pas d’enfant. Dieu promet de le bénir personnellement, mais surtout de lui donner un territoire et une descendance. Abram se met en route, Dieu lui rappelle ici et là ses promesses, mais nous voilà 10-15 ans après son départ et toujours pas d’enfant. Par la suite, Dieu renouvellera ses promesses, il les précisera en désignant Saraï comme la mère du fils promis, il changera le nom d’Abram en Abraham pour marquer l’abondance, et Saraï en Sarah pour marquer sa dignité de mère. Mais pour l’instant, ils sont toujours Abram & Saraï, sans enfant.

Genèse 16.1-6

1 Saraï, femme d’Abram, ne lui avait pas donné d’enfant. Elle avait une servante égyptienne du nom de Hagar. 

2 Saraï dit à Abram : Puisque le SEIGNEUR m’a empêchée d’avoir des enfants, va avec ma servante, je te prie ; peut-être aurai-je un fils par elle. Abram écouta Saraï. 

3 Ainsi, après qu’Abram eut habité dix ans en Canaan, Saraï, femme d’Abram, prit Hagar l’Egyptienne, sa servante, et elle la donna comme femme à Abram, son mari. 

4 Il alla avec Hagar, et elle fut enceinte. Quand elle se vit enceinte, sa maîtresse ne compta plus à ses yeux. 

5 Alors Saraï dit à Abram : Que la violence qui m’est faite retombe sur toi ! C’est moi-même qui ai placé ma servante sur ton sein ; et maintenant qu’elle se voit enceinte, je ne compte plus à ses yeux. Que le SEIGNEUR soit juge entre moi et toi ! 

6 Abram répondit à Saraï : Ta servante est entre tes mains ; agis à son égard comme il te plaira. Alors Saraï se mit à l’affliger, et Hagar s’enfuit pour lui échapper.

Au bout de 10 ans sur-place, Saraï décide de prendre les choses en main et cherche un plan B pour donner à Abram un héritier. Est-ce un manque de foi, de patience, vis-à-vis du plan de Dieu ? Pas forcément ! A l’époque, lorsqu’une femme n’arrive pas à avoir d’enfant, on a couramment recours à une servante ou une concubine dont on adopte l’enfant (on retrouve des exemples de ces pratiques dans plusieurs codes civils des pays autour d’Israël). La pratique de gestation pour autrui était bien courante à l’époque ! En plus, jusqu’ici, Dieu n’a jamais dit à Abram que son enfant naîtrait de Saraï. Donc sur le papier, ce plan B est tout à fait acceptable.

Pourtant, ce récit nous met un peu mal à l’aise. Par exemple, Abram brille par sa passivité : il obéit en silence, et quand Saraï se plaint du comportement d’Hagar il n’arbitre surtout pas, il ne donne pas son avis et ne prend pas position.

Le texte pointe aussi un certain malaise avec cette pratique : Saraï, femme d’Abram, prit Hagar l’Egyptienne, sa servante, et elle la donna comme femme à Abram, son mari (v.3) Une épouse qui donne une autre femme en épouse à son mari : le rapport sexuel n’est pas juste anecdotique, ce n’est pas un service ou un acte comme un autre, c’est une intimité qui vient modifier profondément la relation entre Abram et Hagar. Le mépris d’Hagar quand elle se découvre enceinte montre qu’elle a du mal à se situer : elle n’est plus seulement la servante de Saraï, elle est aussi sa rivale !

Saraï s’est embarquée dans une solution qui a des ramifications bien plus complexes qu’elle ne l’imaginait : c’est tout un engrenage ! Et c’est souvent le cas, quand on touche aux questions du corps, de l’intimité, de la relation… Ce récit n’a certes pas vocation à trancher dans les débats d’éthique, mais il nous invite à la prudence… Nos plans bien ficelés font facilement des victimes.

Et la victime, ici, c’est Hagar ! Pas question de consentement pour elle ! Elle, la servante-esclave étrangère, est traitée comme un objet, on la prend, on la donne, on l’utilise – jusque dans son intimité la plus profonde. Son mépris envers Saraï est une réponse, dure, à l’injustice, un signe de sa révolte et de sa blessure, même si ça ne fera qu’aggraver encore la situation.

C’est flagrant de voir, ici, comme dans l’Histoire, comme aujourd’hui, à quel point de petits aménagements, apparemment innocents, peuvent déboucher sur des dommages collatéraux imprévus et terribles. En particulier quand des personnes sont utilisées comme des moyens ou des objets, pour remplir des cases, être utilisées, sans qu’on considère leur dignité. C’est évidemment vrai sur les questions complexes autour de la sexualité ou de la bioéthique, mais aussi au niveau économique et social, quand des personnes ou des peuples deviennent des statistiques ou des « ressources » évaluées en fonction de leur utilité.

Mais ce qui est le plus intéressant dans ce texte, c’est la suite. Hagar s’est enfuie et…

          Genèse 16.7-16

7 Le messager du SEIGNEUR la trouva près d’une source dans le désert, celle qui est sur le chemin de Shour. 

8 Il dit : Hagar, servante de Saraï, d’où viens-tu et où vas-tu ? Elle répondit : Je me suis enfuie pour échapper à Saraï, ma maîtresse. 

9 Le messager du SEIGNEUR lui dit : Retourne chez ta maîtresse et laisse-toi affliger par elle. 

10 Le messager du SEIGNEUR lui dit : Je multiplierai ta descendance ; on ne pourra pas la compter, tant elle sera nombreuse. 

11 Le messager du SEIGNEUR lui dit : 

Te voici enceinte ; 

Tu vas mettre au monde un fils, 

et tu l’appelleras du nom d’Ismaël (« Dieu entend ») ; 

car le SEIGNEUR t’a entendue dans ton affliction.

12 Il sera comme un âne sauvage ; 

sa main sera contre tous, 

et la main de tous sera contre lui ; 

il établira sa demeure face à tous ses frères.

13 Elle appela le SEIGNEUR, qui lui avait parlé : « Tu es El-Roï — le Dieu qui me voit », car, dit-elle : « Ai-je vu ici après qu’il m’a vue ? » 14 C’est pourquoi on a appelé ce puits Puits Lahaï-Roï (« Au Vivant qui me voit ») ; il est entre Qadesh et Béred. 

15 Hagar donna un fils à Abram ; Abram appela du nom d’Ismaël le fils que Hagar lui avait donné. 16 Abram avait quatre-vingt-six ans lorsque Hagar donna Ismaël à Abram.

Hagar est en route pour rentrer en Egypte, quand elle rencontre le messager du Seigneur, parfois traduit « ange de l’Eternel ». Ce personnage mystérieux est porte-parole de Dieu, mais il est plus que ça, souvent mis sur le même plan que Dieu mais sans la gloire aveuglante. C’est plus qu’un messager : quand il parle, Dieu parle.

Et la toute première fois qu’il est mentionné dans la Bible, c’est ici, près de cette source, auprès de cette servante étrangère, enceinte, en fuite, à cette femme en grande précarité, en insécurité, victime d’abus et rejetée.

Le messager commence par poser des questions, même s’il est déjà au courant vu qu’il sait qui elle est – il redonne la parole à Hagar. Elle redevient sujet, elle retrouve une forme de dignité. Mais dans ce dialogue, c’est surtout Dieu qui parle, et le texte insiste à chaque fois, en précisant que c’est bien l’ange de l’Eternel lui-même qui parle à Hagar.

Et ce que Dieu lui annonce est à la fois très dur et très bon.

Dieu demande à Hagar de retourner chez Abram et Saraï, dans ce lieu de violence où elle est en danger. Qu’en penser ? Est-ce un principe de vérité générale donné à toute personne qui fuirait la violence domestique ? « Retourne sous les coups » ?! Non… Le contexte est particulier : Hagar porte l’enfant d’Abram, même si ce n’est pas le fils que Dieu avait promis. Faire revenir Hagar c’est reconnaître la place de cet enfant, qui appartient maintenant à la famille d’Abram. Cet enfant est peut-être une « erreur de parcours », mais Dieu ne le rejette pas, il l’accepte et il lui donne une place.

Je trouve ça très encourageant pour notre vie moderne. Chez nous ou chez les autres, nous voyons souvent des erreurs de parcours, des actes qui n’auraient pas dû être – pas seulement sous la forme d’un enfant ! Et on peut avoir l’impression que si on a raté la sortie, on est coincé sur une autoroute qui ne va nulle part. Mais pour Dieu, l’autoroute ne va jamais nulle part. Hagar n’a pas su dire où elle allait, peut-être qu’elle était trop désespérée pour envisager un avenir, mais Dieu lui redonne une direction et une espérance. Difficile, éprouvante : n’allons pas imaginer que les dommages sont effacés et que les conséquences disparaissent ! Ce n’est pas un conte de fées ! Mais, avec Dieu, il y a toujours un espoir !

Et puis, Dieu bénit cet enfant par avance. Dieu choisit lui-même le nom de cet enfant : Ismaël (Dieu entend), dans une scène très proche de l’annonce à Marie qu’elle portera Jésus. Dieu promet de protéger cet enfant et sa descendance, une bénédiction presque parallèle à la promesse pour Abram. Dieu annonce un homme libre et indomptable, un peu marginal, sûrement conflictuel, mais libre et fort. A cette femme terrifiée, Dieu promet la protection et la liberté pour son fils : pour une maman, c’est le plus important !

Et Dieu n’agit pas uniquement par loyauté envers Abram : c’est parce qu’il l’a vue, elle. C’est son affliction à elle qui a attiré son regard. Hagar s’exclamera : Dieu, celui qui me voit ! Elle est la première à donner à Dieu un titre… et son étonnement : « Est-ce que j’ai bien vu ce que j’ai vu ? » qui montre à quel point cette entrevue est une grâce. Elle s’émerveille moins de la bénédiction que de cette découverte : Dieu, il me voit ! Alors que personne jusqu’ici ne l’a respectée, Dieu l’honore de sa présence et de sa bénédiction.

Alors Hagar rentre, quel signe de foi ! et d’obéissance envers Dieu ! malgré tout ce qui est en jeu, elle fait confiance à Dieu. Et Dieu le lui rend : elle porte son enfant, c’est le sien – on ne parle plus de Saraï, et Abram sur les conseils d’Hagar nomme l’enfant Ismaël. Elle a changé de statut, sa voix est entendue.

 

Le Dieu qui se révèle à Hagar est déjà le Dieu de Jésus-Christ : Jésus, lui aussi, a vu – les marginaux, les malades, les pécheurs, les femmes, les enfants, les anonymes, les étrangers. Il leur a montré la même compassion, leur a offert la même espérance, leur a demandé la même confiance. Ce que Jésus révèle va plus loin, bien sûr : sur la croix, il porte tous les dommages collatéraux de nos actes, il s’associe à la fois aux victimes et aux coupables, et à ceux qui sont un peu des deux, jusqu’à la mort, la négation ultime, mais il en revient. Même cette impasse-là, il la perce ! Dans l’histoire d’Hagar comme dans l’Evangile, peu importe où nous sommes, qui nous sommes : Dieu nous voit et il nous offre son amour, son pardon, sa présence, pour nous relever, si nous lui faisons confiance.

 

Dépasser nos a priori

image_pdfimage_print

 Regarder la vidéo

Quelle est la personne que vous connaissez le mieux au monde ? Votre conjoint ? Votre meilleur ami ? Vos enfants ou vos parents ?

Pour ma part, la personne que je connais le mieux au monde, c’est ma femme. Ça fait 30 ans qu’on se connait, 28 ans de vie commune… on peut dire qu’on se connaît bien ! Mais quel chemin parcouru, dans notre connaissance mutuelle, par rapport au jour où on s’est rencontré pour la première fois ! Forcément, on se faisait une idée l’un sur l’autre, on avait certains a priori. Aujourd’hui, les masques sont tombés ! Mais ça n’a en rien entamé notre amour…

Et vous, quelle est la personne que vous connaissez le mieux au monde ? Et pourquoi est-ce que c’est la personne que vous connaissez le mieux au monde ? Parce que vous la connaissez depuis longtemps, de façon intime, que vous l’avez vue changer, que vous avez évolué avec elle… Ce n’est pas un CV ou un test de personnalité qui nous permet de connaître quelqu’un, c’est la relation qu’on va entretenir avec elle.

Il me semble que l’analogie est valable pour la foi. Avoir la foi, c’est connaître Dieu et sans cesse apprendre à le connaître, dans une forme de relation personnelle et intime avec lui. Et si on en reste à nos a priori, on ne le connaîtra jamais vraiment.

Il y a un épisode des évangiles qui peut l’illustrer. Il se trouve au chapitre 6 de l’Evangile selon Marc.

Dans les premiers chapitres de son Evangile, Marc a évoqué le début du ministère de Jésus en Judée. Il a appelé une poignée de disciples à le suivre, il allait de village en village, annonçant une bonne nouvelle, celle du Règne de Dieu désormais tout proche. Il guérissait aussi des malades. Et sa renommée a vite grandi, des foules venaient l’écouter et le voir. Et puis, Jésus décide de quitter la Judée et de se rendre dans son pays, là où il a grandi, à Nazareth, en Galilée.

Marc 6.1-6
1 Jésus quitta cet endroit et se rendit dans son pays ; ses disciples le suivaient. 2 Le jour du sabbat, il se mit à enseigner dans la synagogue. Impressionnés, de nombreux auditeurs disaient : « D’où lui vient cela ? Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée et comment ces miracles se réalisent-ils par ses mains ? 3 N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Ses sœurs ne vivent-elles pas ici parmi nous ? » Cela les empêchait de croire en lui. 4 Et Jésus leur disait : « Un prophète n’est méprisé que dans son pays, dans sa parenté et dans sa maison. » 5 Et il ne pouvait faire là aucun miracle, si ce n’est qu’il posa les mains sur quelques malades et les guérit. 6 Et il s’étonnait de leur manque de foi.

Ca ne se passe pas aussi bien pour Jésus à Nazareth qu’en Judée… Nul n’est prophète en son pays. C’est une expression qui est entrée dans le langage courant. On ne sait pas forcément que ça vient de la Bible et que Jésus est le premier à l’avoir dit !

 

La barrière des a priori

Qu’est-ce qui pose problème pour les habitants de Nazareth ? C’est qu’ils croyaient déjà connaître Jésus :

« N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Ses sœurs ne vivent-elles pas ici parmi nous ? » Cela les empêchait de croire en lui. (v.3)

Ils sont incapables de croire en Jésus parce qu’ils le connaissent trop bien. Ou plutôt ils croient le connaître. “Il est de chez nous, on connaît sa famille, on l’a vu grandir.” Ils sont incapables de voir en Jésus autre chose que ce qu’ils connaissent déjà : le charpentier, le fils de Marie. Ils sont bloqués par leurs a priori.

Est-ce que ça ne nous arrive pas à nous aussi d’être piégés par une telle attitude ? Pourtant, comment peut-on prétendre connaître quelqu’un si on en reste à notre première impression, ou pire, à nos a priori ?

Il me semble que c’est valable aussi dans le domaine de la foi… Je crois qu’un des principaux obstacles à la foi, c’est justement nos a priori. Si vous n’êtes pas croyants, je suis sûr que vous avez des a priori sur la foi, la Bible, la religion, Jésus. Et je ne vous jette pas la pierre, c’est normal. D’ailleurs, si vous êtes croyants, je suis sûr que vous avez aussi des a priori, y compris sur ce que doit être votre vie de croyant, sur l’Église voire même sur Dieu. Qui peut prétendre que sa foi est exempte de tout a priori ?

Le vrai problème, ce n’est pas tellement d’avoir des a priori… On en a tous. Le problème c’est de faire des ces a priori des certitudes. Car des a priori, on peut les remettre en cause, on peut les surmonter. Mais des certitudes, ça ne bouge pas beaucoup… Je ne dis pas que nous ne devons pas avoir des convictions, même fortes, que nous ne devons croire en rien. Bien au contraire, nous avons besoin de convictions et de valeurs qui nous animent. C’est essentiel si on veut que notre vie ait un sens. Mais nous devons nous méfier des certitudes absolues qui risquent de nous enfermer.

Si vous avez des a priori négatifs sur la Bible, la foi ou Jésus, et si vous en faites des certitudes, alors je comprends que vous n’ayez pas la foi et même que vous n’en ayez pas envie. Et si, tout en étant croyant, vous avez laissé vos a priori concernant la vie chrétienne ou la personne de Dieu devenir des certitudes absolues, alors je crains que votre cheminement spirituel ne progresse plus vraiment parce que pour progresser, il faut savoir se remettre en question.

 

Dépasser nos a priori

Comment dépasser nos a priori ? En osant la rencontre ! C’est vrai dans nos relations humaines. Si vous voulez vraiment connaître quelqu’un et dépasser vos a priori sur lui, il vous faudra prendre le temps de le rencontrer. Ca ne veut pas dire que vous deviendrez forcément des amis intimes, vous n’allez peut-être pas trouver d’atome crochu avec lui, peut-être même que vous n’allez pas l’apprécier mais au moins, vous le connaîtrez.

Dans le domaine de la foi, c’est pareil ! Laissez vos a priori et vos certitudes pour oser la rencontre !

Car il faut comprendre que la foi est avant tout une affaire de rencontre. Dans le domaine de la foi, si vous en restez à une simple croyance, en fait, vous n’êtes guère allé plus loin que les a priori. Et vous passez à côté… Choisir la foi, c’est oser la rencontre avec Dieu, c’est apprendre à lui faire confiance, apprendre à le voir agir en nous et autour de nous, apprendre à entendre sa voix, dans la prière, dans la lecture de la Bible. Au début, certes, c’est un peu un saut dans l’inconnu… mais n’est-ce pas toujours le cas quand on découvre quelqu’un qu’on ne connaît pas ? Avec Dieu aussi, osez la rencontre !

Mais j’aimerais nous adresser, à nous croyant, la même exhortation. Laissons nos certitudes pour oser la rencontre. Car tout au long de notre vie de croyant, nous pouvons nous forger des certitudes absolues et croire que nous avons tout compris. On tombe alors dans le même travers que les habitants de Nazareth avec Jésus : on croit déjà tout connaître de lui.

Or, on ne peut jamais réduire Dieu à l’image qu’on se fait de lui, ni même le réduire à notre théologie, aussi élaborée soit-elle. Pour approfondir notre foi, approfondissons notre relation avec Dieu. Osons, toujours, la rencontre, dans la prière, dans la méditation de sa Parole. Même si ça peut parfois nous remettre en question. Surtout si ça nous remet en question ! C’est comme ça qu’on grandit dans la foi.

 

Conclusion

Les a priori sont un piège. C’est vrai dans nos relations les uns aux autres. C’est vrai aussi par rapport à la foi.

Ne considérez donc pas la foi comme une simple croyance. Elle ne serait guère plus qu’une opinion voire un simple a priori.

Ne faites pas non plus de la foi une certitude inébranlable, qui vous enferme dans une posture rigide et sclérosante.

Chercher une foi vivante, fondée sur une relation vivante et structurante avec Dieu. Osez la rencontre, pour dépasser vos a priori !

Face à l’ennemi

image_pdfimage_print

Regarder la vidéo

1 Pierre 5.8-14
8 Soyez lucides, veillez ! Car votre ennemi, le diable, rôde comme un lion rugissant, cherchant quelqu’un à dévorer. 9 Résistez-lui en demeurant fermes dans la foi. Rappelez-vous que vos frères et vos sœurs, dans le monde entier, endurent les mêmes souffrances. 10 Vous aurez à souffrir encore un peu de temps. Mais Dieu, source de toute grâce, vous a appelés à participer à sa gloire éternelle dans l’union avec Jésus Christ ; lui-même vous perfectionnera, vous affermira, vous fortifiera et vous établira sur de solides fondations. 11 À lui soit la puissance pour toujours ! Amen.
12 Je vous ai écrit cette courte lettre avec l’aide de Sylvain que je considère comme un frère fidèle. Je l’ai fait pour vous encourager et pour attester que c’est à la véritable grâce de Dieu que vous êtes attachés.
13 La communauté qui est ici, à Babylone, et que Dieu a choisie comme vous, vous adresse ses salutations, ainsi que Marc, mon enfant. 14 Saluez-vous les uns les autres avec affection, comme des frères et des sœurs.
Que la paix vous soit donnée à vous tous qui appartenez au Christ !

Avant les formules traditionnelles de salutation, à la toute fin de l’épître, Pierre veut adresser à ses lecteurs une dernière exhortation. Rappelons-nous que le contexte global de cette épître, c’est l’hostilité à laquelle les chrétiens devaient faire face, qui pouvait aller jusqu’à la persécution à cause de leur foi. Pierre dit à ses lecteurs qu’ils ne doivent pas s’étonner de cela, c’est le lot de tous les croyants, hier comme aujourd’hui. Même si les sociétés changent et les formes d’opposition aussi.

L’exhortation ultime de son épître reste donc vraie pour nous aujourd’hui. Même si, pour en souligner l’importance, il l’affirme avec force, en usant d’une métaphore… qui peut faire peur !

1 Pierre 5.8-9
8 Soyez lucides, veillez ! Car votre ennemi, le diable, rôde comme un lion rugissant, cherchant quelqu’un à dévorer. 9 Résistez-lui en demeurant fermes dans la foi.

 

Un double impératif

Mais avant la métaphore, Pierre adresse un double impératif à ses lecteurs, qui ont d’ailleurs aussi une certaine dimension imagée : “Soyez lucides, veillez !”

“Soyez lucides”.
On pourrait traduire, comme le font certaines versions, “Soyez sobres”. Le verbe désigne en effet celui qui reste lucide parce qu’il n’a pas bu d’alcool, parce qu’il est resté sobre. On sait que l’alcoolisation altère la vigilance… ce n’est pas pour rien qu’on ne doit pas conduire quand on a bu !

“Veillez”.
Il ne s’agit pas seulement de ne pas dormir et de rester réveillé, il s’agit d’une veille active, celle des gardes qui restent éveillés la nuit pour s’assurer qu’aucun ennemi n’attaque. Il s’agit donc de monter la garde, de rester en alerte.

La juxtaposition de ces deux impératifs opère un effet d’accentuation et doit éveiller notre esprit. Oui, il y a des dangers et il faut rester vigilant. Mais chacun des deux impératifs a une connotation propre.

Le premier nous met en garde contre l’insouciance ou la suffisance. “Moi oui, bien-sûr que je peux prendre le volant, je résiste à l’alcool !” Il s’agit de faire un travail sur soi pour rester sur ses gardes. Je pense à cette parole de l’apôtre Paul : “Que celui qui pense être debout prenne garde de ne pas tomber.” (1 Corinthiens 10.12)

Le second nous met en garde contre la naïveté. Celle qui nous empêche de voir les dangers autour de nous, et chez les autres. Je pense ici à la fameuse parole de Jésus, quand il envoie ses disciples : “Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups…” (Matthieu 10.16)

Evidemment, il ne faut pas tomber dans la paranoïa et le complexe de persécution. Mais il faut aussi être conscient qu’il y a bien certains dangers propres à la vie chrétienne. Et par ces deux impératifs brefs et cinglants, Pierre nous met en garde, d’une part contre l’insouciance et la suffisance, et d’autre part contre la naïveté. L’un et l’autre de ces écueils nous guettent, si nous n’y prenons pas garde.

 

Une métaphore

L’ennemi

Mais alors quel est le danger ? Qui est cet ennemi dont il faut se méfier ? Pierre l’évoque par le biais d’une métaphore saisissante : “Votre ennemi, le diable, rôde comme un lion rugissant, cherchant quelqu’un à dévorer.”

L’image est parlante… et effrayante. Peu d’entre nous aimerait croiser un lion affamé sur son chemin ! Pierre nous dit : “N’oubliez pas qu’il y a autour de vous des gens mal intentionnés qui vous veulent du mal.” Et même plus que des gens : le diable.

Le diabolos, en grec, c’est celui qui accuse, qui sépare et désunit. Il y a bien une réalité spirituelle qui cherche à s’opposer à Dieu et ceux qui lui appartiennent. Même si c’est une réalité qui nous reste bien mystérieuse, et pour laquelle il faut être prudent en évitant la fascination ou des conclusions hâtives, ce serait une grave erreur de nier son existence… Pierre le rappelle : “Votre ennemi, le diable, rôde comme un lion rugissant’.

Mais convoquer la figure du diable, ce n’est pas se dédouaner de ses responsabilités et spiritualiser à l’excès les problèmes que nous pouvons rencontrer. Il ne faudrait pas oublier que le diable, ça peut être vous ou moi lorsque nous accusons ou que nous divisons. Celui qui accuse et qui divise fait l’oeuvre du diable, le diabolos, l’accusateur. Jésus n’a-t-il pas dit à Pierre, qui voulait écarter Jésus de sa mission qui le mènerait jusqu’à la croix : “Arrière de moi, Satan !” ?

Face à l’ennemi

Une fois l’ennemi identifié, la métaphore se poursuit en évoquant l’attitude à tenir face à lui : “Résistez-lui en demeurant fermes dans la foi.” Le verbe grec signifie littéralement “Se tenir devant ou contre”. Et stereos, utilisé ensuite, signifie solide, ferme. C’est l’image de quelqu’un qui reste debout, planté devant le lion et ne bouge pas .

C’est Gandalf devant le Balrog, dans le Seigneur des Anneaux : “Tu ne passeras pas !”

Face à l’ennemi qui cherche à nous faire du mal, nous pouvons dire, par la foi : “Tu ne passeras pas !” C’est l’exhortation de Pierre : Tenez-vous devant lui, ferme dans la foi ! Il ne s’agit pas de l’attaquer de front ou de chercher à le maîtriser. En utilisant le même verbe grec, Jacques dit dans son épître : “Résistez au diable et il fuira loin de vous” (Jacques 4.7)

Il s’agit donc de tenir debout, ferme et solidement ancré dans notre foi. Ce n’est pas notre foi en elle-même qui compte, c’est celui en qui nous avons placé notre foi. C’est lui qui nous rend ferme et solide, qui nous permet de tenir debout devant les attaques du diable. Et même si le lion cherche à nous dévorer, il s’y cassera les dents !

On entend dire, parfois, que la foi c’est pour les faibles, que c’est une béquille pour ceux qui n’arrivent pas à affronter les difficultés. Je crois que c’est le contraire. La foi n’est pas une béquille artificielle pour les faibles, elle nous rend fort. Elle nous permet de rester debout et ferme.

La foi est une force incroyable face à l’adversité, dans les épreuves et les difficultés. Parce qu’elle permet de voir que nous ne sommes jamais seuls. Le Christ vivant, ressuscité d’entre les morts, est là avec nous, tous les jours, selon sa promesse. Et puis il y a les frères et les sœurs dans la foi qui sont à nos côtés, dans la même foi, qui prient avec nous et pour nous.

Oui, la foi nous rend fort. Parce qu’elle sait que notre force ne repose pas sur nos propres capacités, notre sagesse ou notre expérience. Mais elle repose sur Celui qui nous appelle et nous accompagne. Et lui, il a déjà vaincu la bête, il a dompté le lion, il a terrassé le dragon, par sa mort et sa résurrection.

 

Conclusion

La vie est un combat, une lutte parfois âpre et douloureuse. C’est vrai aussi de la vie chrétienne, le croyant devant faire face à des adversaires spécifiques. Il doit rester lucide et vigilant, et tenir ferme dans la foi.

Mais l’issue du combat n’est pas incertaine. Car le Christ a déjà remporté la victoire, par sa mort et sa résurrection. C’est d’ailleurs avec une promesse que Pierre termine son propos, avant les salutations finales. Et je terminerai simplement en citant ces versets 10-11 :

“Mais Dieu, source de toute grâce, vous a appelés à participer à sa gloire éternelle dans l’union avec Jésus Christ ; lui-même vous perfectionnera, vous affermira, vous fortifiera et vous établira sur de solides fondations. À lui soit la puissance pour toujours ! Amen.”

Réjouissez-vous, même dans l’épreuve!

image_pdfimage_print

Voir la vidéo ici

Cela vous est sûrement déjà arrivé, comme conducteur ou passager : vous êtes en voiture, en route vers une destination précise mais inconnue, et vous suivez un itinéraire. Parfois, le GPS nous fait passer par un itinéraire « plus court » complètement contre-intuitif (du type, à l’opposé des panneaux indicateurs…) qui vous fait hésiter à chaque carrefour : je suis le GPS ou le panneau/ mon orientation ?… D’autres fois, la carte du GPS n’est pas à jour, ou le lieu indiqué n’est pas très bien référencé (pas de rue, pas de numéro, pas de panneau). Votre hôte vous a peut-être donné des indications précises du genre : après la maison jaune aux volets bleus, au 3e talus, tu prends le chemin sur ta gauche puis tu tournes à 47° jusqu’au grand arbre, et ensuite, à droite, etc. Heureusement, de plus en plus, ça se résout ainsi : « appelle-moi quand tu es devant la mairie et je viens te chercher » !

Dans ces moments d’incertitude, la tension monte très très vite. On se demande si on va finir par arriver, combien de temps ça va durer, comment on va se sortir de ce pétrin… on refait mille fois dans sa tête le chemin parcouru en se demandant ce qu’on a raté, tout en étant hyper-vigilant pour se repérer dans cet environnement inconnu.

En tant que chrétien, quand on avance dans la vie et qu’on rencontre des obstacles, on peut ressentir le même genre de confusion. Se dire : « je ne comprends pas, comment puis-je passer par là alors que Dieu m’a sauvé ? alors qu’il dit qu’’il m’aime et qu’il veut mon bonheur ? » On a l’impression que notre chemin ne correspond pas à la destination prévue, et ce décalage pousse au doute.

Le doute fait partie intégrante de la foi chrétienne, en particulier quand on se sent perdu. Il peut concerner Dieu : « Comment, Seigneur, pourquoi tu permets cela ? » mais parfois on doute de soi : « qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? j’ai dû me tromper quelque part ! ah c’est peut-être à cause de la fois où… de telle posture… ou alors je ne suis pas assez ceci ou cela… »

Dans sa première lettre, l’apôtre Pierre écrit beaucoup sur la souffrance, parce que les chrétiens qu’il connaît souffrent pour leur foi. Il les exhorte à tenir bon, à s’accrocher à Dieu, à résister aux pressions… Mais il sait aussi que la souffrance et l’injustice peuvent nous déstabiliser et nous faire douter. Et c’est sur ce point qu’il attire maintenant notre attention, tout en reprenant des thèmes déjà abordés (mais rien de tel que la souffrance pour nous faire oublier l’évidence !).

Lecture biblique : 1 Pierre 4.12-19

12 Très chers amis, ne trouvez pas étrange d’être en plein feu de l’épreuve, comme s’il vous arrivait quelque chose d’étrange. 

13 Réjouissez-vous plutôt d’avoir part aux souffrances du Christ, afin que, quand il révélera sa gloire, vous débordiez également de joie. 14 Si l’on vous insulte à cause du nom du Christ, heureux êtes-vous, car l’Esprit de Dieu à qui appartient la gloire repose sur vous. 15 Qu’aucun d’entre vous n’ait à souffrir comme meurtrier, voleur ou malfaiteur, ou pour s’être mêlé des affaires d’autrui. 16 Mais si quelqu’un souffre parce qu’il est chrétien qu’il n’en ait pas honte ; qu’il remercie plutôt Dieu de pouvoir porter ce nom.

17 Le moment est arrivé où le jugement commence, et ceux qui appartiennent à la maison de Dieu sont jugés d’abord. Or, si le jugement débute par nous, comment sera-ce à la fin, lorsqu’il frappera ceux qui résistent à la bonne nouvelle de Dieu ? 

18 Comme l’Écriture le déclare :

« Si le juste n’est sauvé que difficilement, qu’en sera-t-il du méchant et du pécheur ? »

19 Ainsi, que ceux qui souffrent selon la volonté de Dieu se remettent eux-mêmes entre les mains du créateur, lui qui est fidèle, tout en continuant à faire le bien.

 

Un itinéraire paradoxal, mais valide !

Pour ces chrétiens qui souffrent, et qui peut-être se demandent si c’est de leur faute, s’ils ont raté quelque chose ou s’ils ont mal suivi Dieu, Pierre se veut rassurant : Vous êtes sur le bon itinéraire ! Vous ne vous êtes pas trompés ! ne vous inquiétez pas, ne trouvez pas le chemin étrange… Jésus l’avait annoncé : le chemin du salut est un chemin étroit ! (Mt 7.14) il avait aussi dit : heureux ceux qui sont persécutés à cause de leur appartenance au Christ (Mt 5.11) !

La persécution, c’est quand on souffre au nom de sa foi. Toutes nos difficultés dans la vie ne sont pas des attaques ou de la persécution : si vous vous comportez mal, c’est logique que la situation se retourne contre vous. La persécution, c’est quand on n’a rien fait de mal, et que la seule raison du rejet que l’on subit, c’est notre foi.

Et la persécution fait partie du paysage de la foi, parce que nous suivons le Christ, qui a été lui-même rejeté et persécuté. La persécution est normale ! Pas systématique, mais normale, probable, et cohérente avec le chemin pris, même si c’est injuste.

La joie dans l’épreuve

Comme Jésus, Pierre reconnaît que la persécution est possible et il y voit une occasion de joie. Pierre écrit à des personnes en souffrance, dans la confusion, et il invite à la joie. Cette joie dans l’épreuve ne vient pas toute seule : on n’est pas automatiquement joyeux quand on est persécuté ! Cette joie se cherche intentionnellement, et elle se trouve, dans l’épreuve, quand on prend du recul pour voir ce que Dieu fait. Comme la lumière peut percer les nuages, elle vient percer notre épreuve.

  • Pierre parle du passé : le Christ a souffert, injustement, quand il a été persécuté par les religieux de son époque. Lorsque nous sommes rejetés à cause de lui, comme lui, c’est un signe que nous sommes bien de son côté.
  • Pierre parle du futur : si nous souffrons comme Jésus aujourd’hui, nous recevrons aussi la vie triomphante de la résurrection comme lui, avec lui, en lui. L’allégresse que nous vivrons dans la pleine présence de Dieu, pour l’éternité, brille comme un phare lorsque nous sommes dans la tempête.
  • Et la joie s’invite aussi aujourd’hui. L’équation biblique n’est pas : souffrez aujourd’hui, soyez heureux demain (un demain un peu lointain). C’est une caricature. L’espérance biblique, c’est un salut dans l’éternité, qui commence aujourd’hui, sans être encore pleinement déployé. C’est une rose, mais en bouton ; un oranger qui pousse, dont les feuilles et les fleurs odorantes parfument notre vie, mais dont les fruits ne sont pas là.

Demain a déjà commencé, aujourd’hui c’est déjà un peu demain, et nous pouvons sentir un peu de cette allégresse éternelle. Si on va plus loin, demain a déjà commencé, et il a commencé… hier ! Lorsque le Christ est mort, et ressuscité, lorsqu’il a ouvert un nouveau chemin vers Dieu, une nouvelle étape.

A quoi ressemble le parfum de la joie aujourd’hui ? C’est la présence de l’Esprit de Dieu dans notre vie. Pierre parle de l’Esprit de gloire : pour un Juif, la gloire c’est le poids de la présence de Dieu, de sa majesté, c’est sa lumière, sa « rayonnance » comme dit un ami. Aujourd’hui, Dieu nous soutient par son Esprit, il nous inspire, nous transforme, nous fortifie, nous réconforte, il nous accorde sa paix même quand rien n’est paisible autour de nous. On se demande toujours comment on réagirait si… et les témoignages des chrétiens persécutés nous encouragent : au moment voulu, Dieu les a soutenus.

Se réjouir parce que le jugement a commencé

Pierre ajoute une 4e raison pour trouver la joie dans l’épreuve, une raison qui peut nous surprendre : le jugement de Dieu a commencé. Ce passage est difficile à comprendre, d’ailleurs je ne suis pas sûre d’avoir tout saisi ! Je vous propose quelques éléments pour interpréter cet argument.

3 points principaux ressortent :

  1. Le jugement de Dieu a commencé, c’est-à-dire que nous sommes dans les derniers temps – demain a commencé ! pour la joie, mais aussi pour le jugement. Dans la Bible, le jugement de Dieu va avec l’instauration du règne de justice, et une image courante chez les prophètes, c’est les douleurs de l’accouchement qui prépare à la joie de la naissance. Le jugement c’est les douleurs, et les douleurs commencent bien avant l’arrivée de la vie.
  2. Le jugement suit un ordre, et touche le peuple de Dieu avant de toucher le monde entier. Les prophètes juifs ont déjà exprimé cette notion, mais dans un autre contexte : Ezechiel (9.6) par exemple dit que Dieu va purifier son peuple avant les autres peuples – mais attention, à l’époque, son peuple fait n’importe quoi, et Ezechiel le dénonce ! Les chrétiens persécutés pour leur foi ne sont pas tout à fait sur le même registre : ils ne sont pas punis pour leur souillure morale ou spirituelle, mais ils subissent la violence de ceux qui rejettent le Christ. Le point commun entre les deux situations, c’est que le peuple de Dieu n’est pas exempté du jugement qui s’abat sur ce monde, mais qu’il en souffre aussi, avec le monde, même si les croyants ne souffriront pas toutes les conséquences éternelles de ce jugement, grâce au pardon reçu en Christ. De cela, le croyant qui souffre aujourd’hui peut tirer un réconfort.
  3. Alors en quoi consiste ce jugement ? On peut y voir déjà le jugement-discernement, une lumière qui révèle la vérité – et c’est ça le jugement ultime : c’est la révélation de la profonde réalité, dans sa vérité objective – la persécution révèle qui suit le Christ, et qui le rejette. Elle révèle aussi en nous nos motivations, nos ambiguïtés ou la force de notre foi. Toute difficulté, d’ailleurs, même hors persécution, agit comme révélateur dans notre cœur. Que ce soit un deuil, une maladie, un accident, une injustice sociale ou professionnelle, ces épreuves vécues avec Dieu viennent mettre en lumière des rêves cachés, des idolâtries inconscientes, des questionnements profonds… Et dans l’épreuve, Dieu nous invite à renouveler notre attachement à lui, pour en sortir plus forts dans la foi.

Conclusion : confiance et persévérance

C’est justement avec ça que Pierre termine, et moi aussi. Notre recours, dans l’épreuve, la persécution mais aussi toute épreuve, notre recours c’est Dieu, le créateur qui s’est fait notre Père, qui nous accompagne jour après jour et qui fait avancer son règne. Même lorsque nous avons l’impression d’être impuissants devant la difficulté, nous pouvons toujours mettre en Dieu notre confiance, parce qu’il est Dieu, puissant, juste, aimant. Cette foi, elle se montre concrètement, lorsque nous tenons fermement notre cap, que nous avançons un pas après l’autre en communion avec Dieu.


 

S’armer de détermination

image_pdfimage_print

Voir la vidéo ici.

L’apôtre Pierre écrit à des chrétiens harassés, harcelés, en souffrance. Leur connexion au Christ, leur entrée dans le cercle de Dieu, les a conduits à être rejetés des autres cercles, les cercles habituels, les cercles du quotidien : au travail, en famille, au niveau social, politique… Au fur et à mesure qu’on avance dans sa lettre, on remarque que plusieurs thèmes reviennent comme des refrains ; et notamment, la souffrance des chrétiens en décalage avec le monde qui les entoure. Des chrétiens qui se retrouvent comme « exilés » dans leur quotidien, parce que toute leur vie a basculé lorsqu’ils ont fait de Jésus la pierre angulaire de leur existence. Tenir ferme sur Jésus, parfois contre vents et marées, est difficile et coûteux. Pierre revient sur cette expérience pour aborder un aspect particulier : la pression que les autres exercent sur nous pour que nous rentrions dans leur moule.

Lecture biblique : 1 Pierre 4.1-6 (TOB)

1 Ainsi, puisque le Christ a souffert dans la chair, vous aussi armez-vous de la même conviction : celui qui a souffert dans la chair a rompu avec le péché, 2 pour vivre le temps qui lui reste à passer dans la chair, non plus selon les convoitises des hommes, mais selon la volonté de Dieu. 

3 C’est bien assez, en effet, d’avoir accompli dans le passé la volonté des païens, en vivant dans la débauche, les convoitises, l’ivrognerie, les orgies, les beuveries et les idolâtries infâmes. 4 A ce propos, ils trouvent étrange que vous ne couriez plus avec eux vers la même débauche effrénée, et ils vous outragent. 5 Mais ils en rendront compte à celui qui est prêt à juger les vivants et les morts. 

6 C’est pour cela, en effet, que même aux morts la bonne nouvelle a été annoncée, afin que, jugés selon les hommes dans la chair, ils vivent selon Dieu par l’Esprit.

          La pression des pairs

Quand on se tourne vers le Christ, il y a un avant et un après. Pour des chrétiens d’origine païenne, c’est très visible : entre participer à des sacrifices à Isis ou une autre divinité dont les rituels s’accompagnent de beuveries, substances diverses, tout ce qui peut conduire à un délire mystique et tout ce qui peut suivre un délire mystique ! et puis considérer que notre vrai culte c’est d’honorer Dieu dans tout ce que nous sommes et dans tout ce que nous faisons, en visant l’amour et la justice, vous imaginez le fossé !

Pour ceux qui grandissent dans une famille chrétienne, ou dont le parcours est plus long, moins radicalement dramatique, il y a aussi un avant et un après, même si le point de bascule correspond peut-être à une quinzaine d’années. L’après, c’est la foi en Christ qui conduit à un engagement personnel, c’est la détermination à mettre Jésus au centre de notre vie.

Peu importe la radicalité du changement, il y a forcément une part (variable selon les contextes !) de décalage entre le chrétien qui s’attache à suivre la volonté de Dieu, et la vie de ceux qui ne s’alignent pas sur Dieu. Et même dans une société laïque, ce décalage peut conduire à une pression de la part des autres, voire au clash, lorsque à cause de notre foi, nous ne suivons pas le mouvement.

Alors attention, qui dit « non-chrétien » ne dit pas « affreuse personne qu’il faut éviter comme la peste et qui est en train de détruire le monde » – pas du tout ! Lorsque notre entourage, non chrétien, nous invite à l’amour, l’entraide, l’honnêteté, le respect,… c’est très bien! Moi je veux bien que mes amis non chrétiens me mettent la pression pour être plus aimante et plus respectueuse ! Aucun problème ! Bon, on n’a pas toujours les mêmes motivations, ou les mêmes définitions, mais quand on est à peu près en phase, c’est déjà énorme !

Mais ce ne sont pas ces cas-là, de pression vers les bonnes choses que nous reconnaissons comme alignées sur la volonté de Dieu, ce ne sont pas ces cas-là qui nous font vaciller, qui nous poussent au compromis ou qui nous font souffrir… Pierre parle ici des pressions à participer à des activités qui nous détournent du projet que Dieu a pour notre vie. Les pressions pour boire jusqu’à l’ivresse, pour assouvir nos désirs sans restriction, pour faire tout ce qu’on veut, comme on veut, quand on veut. Pierre évoque des tentations basiques, mais tellement répandues ! Il n’y a pas que les ados et les étudiants en soirée qui font face à ce genre de pressions ! Les scandales médiatiques autour des figures politiques ou religieuses nous montrent que les excès du boire, manger, prendre du plaisir, ne sont jamais très loin.

Cela dit, d’autres pressions peuvent s’exercer, plus subtiles mais tout aussi embarrassantes : pour négocier un contrat en jouant sur les rapports de force, sans respect pour l’interlocuteur, pour gérer notre frustration par la critique en douce, la calomnie, les rumeurs…, pour trafiquer des résultats scientifiques qui permettront d’avoir telle bourse ou tel accord, etc. Vous voyez sûrement ce que vous ressentez comme une pression dans votre vie. [pause] C’est ce que « tout le monde fait » mais qui vous met en décalage avec ce que Dieu désire.

Pierre prend ces pressions très au sérieux : elles sont réelles, douloureuses, même si elles ne vont pas jusqu’à la violence physique. La moquerie, le mépris, le rejet, l’agressivité, tout ce qui déstabilise et qui blesse, même juste « ah voilà le rabat-joie de service » ou une fête entre collègues où vous n’êtes pas invité… Pierre l’a expérimenté, quand il a renié Jésus par peur d’être associé à un condamné.

Renouveler notre détermination

Alors comment résister ? Pierre nous invite à renouveler notre détermination : « Armez-vous de la même conviction que le Christ » (v.1) Recentrez-vous sur le Christ ! et Pierre développe deux perspectives.

1/ Changer de vie pour suivre le Christ, pour s’aligner sur la volonté de Dieu dans un monde qui ignore Dieu, a un coût. Il nous faut accepter l’idée que suivre Jésus coûte. Pierre parle de souffrance dans la chair et prend l’exemple du Christ lui-même : gardant le cap sur la justice et l’amour de Dieu, il a souffert le rejet au point d’être mis à mort. C’est vrai, sa mort a aussi une valeur symbolique puisqu’il se substitue à nous devant Dieu pour endurer les conséquences de nos indignités. Mais Jésus était conscient que ses disciples devraient porter leur croix, que la vie alignée sur Dieu dérange ceux qui refusent Dieu et que leur réaction peut aller très loin. Il disait même aux aspirants disciples : réfléchissez bien ! C’est extraordinaire, de vivre avec Dieu, mais il y a un coût.

Quand vous partez en rando, vous savez que vous risquez de souffrir. Peut-être qu’au bout de 3 heures, vous aurez mal aux cuisses, ou vous aurez soif, ou vous aurez une ampoule, ou vous serez découragés parce qu’il reste encore 3h pour rentrer  et que vous n’avez plus la force ! Le savoir à l’avance n’empêche pas les problèmes, mais cela vous permet d’anticiper : bouteille d’eau, pansements, barre énergétique, des endroits pour une pause, éventuellement des personnes qui sauront vous remotiver… Et puis quand ça arrive, même si vous n’avez pas de solution toute prête, vous n’êtes pas surpris : ça fait partie du chemin !

2/ Pierre ajoute une autre perspective, qui court dans toute la lettre : l’espérance. L’héritage impérissable dont il parlait au début. Cette promesse de Dieu d’une vie avec lui qui s’expérimente dès aujourd’hui, mais qui n’épanouira son potentiel que dans l’éternité. On accepte le coût parce qu’on espère dans une joie plus grande.

Cela nous conduit à regarder notre quotidien autrement : certes, nous pouvons nous sentir « perdants » parce que rejetés, humiliés,… à cause de notre foi, certes, nous pouvons être révoltés ou envieux envers ceux qui nous mettent la pression et qui semblent être en position de force. Mais nous avons établi notre vie sur le bon fondement, le fondement solide, éternel, vivant et porteur de vie pour l’éternité : Jésus. Vous vous rappelez la parabole de la maison bâtie sur le sable et celle sur le roc : la maison sur le sable était peut-être construite plus vite, mais elle n’a pas résisté à la tempête. Le seul moyen de durer, même après la mort, c’est de s’appuyer sur Jésus, le Ressuscité, le roc éternel.

Ceux qui paraissent forts aujourd’hui en nous mettant la pression ne sont pas établis pour durer : ils ne tiendront pas sous le regard de Dieu. Pierre trouve un grand réconfort dans la notion de jugement : oui, le jugement de Dieu révèlera ce qui est juste et bon. Les pratiques « que tout le monde fait » mais qui sont injustes ou destructrices, seront éradiquées. Tandis que, même si vous êtes un « perdant », un « rabat-joie », aux yeux de certains, pour Dieu vous êtes un fidèle serviteur, un disciple convaincu, un enfant loyal. Et ça dure pour toujours ! Le jugement de Dieu, c’est la révélation, comme un renversement, de ce qui dure ou pas lorsque Dieu fait son audit du monde.

Bien sûr, ce qui nous sauve, c’est le Christ ! pas nos œuvres ! Mais notre responsabilité, en tant que disciple, c’est de rester attaché au Christ, quoi qu’il arrive – de ne pas le lâcher, quelle que soit la tempête ou les pressions.

Pierre évoque ceux qui ont accepté l’Evangile autrefois, et qui sont morts aujourd’hui : ceux qui sont morts persécutés, insultés, lynchés, incompris, sont promis à la vie de Dieu, pour toujours. Les « perdants » qui ont misé sur le Christ sont vainqueurs ! Ca ne se voit pas forcément au cours de notre vie terrestre, mais la résurrection nous donne le gage que la victoire est acquise à ceux qui lui font confiance.

Conclusion

Quand nous sommes sous pression, recentrons-nous sur le Christ. Rappelons-nous tout ce qu’il a fait pour nous, dans le passé. Regardons à tout ce qu’il nous promet, et qu’il garantit par sa résurrection et son Esprit qu’il nous donne. Armons-nous pour résister et tenir ferme sur ce roc qui est le seul fondement stable, solide, pour une vie qui dire toujours.