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Vivre la fraternité (1) Aimer nos frères, pourquoi?

église papier

Liberté, égalité, … fraternité ! La fraternité. Ce n’est pas juste un mot, c’est une des valeurs de notre République, et c’est aussi une valeur essentielle dans l’Eglise. La fraternité… Nous voulons la vivre ! Et dans l’église, nous avons cette ambition d’être comme une famille. Nous en avons envie, mais pas toujours le temps ! Parfois même, comme dans nos familles d’origine, des brouilles nous divisent, et la fraternité devient plus compliquée. Ou alors on ne se comprend pas. Ou certains prennent toute la place et d’autres doivent rester dans leur coin.

Et puis nous ne venons pas forcément dans cette église à cause des gens la composent ! Pourquoi venez-vous dans cette église ? Parce que vous connaissez quelqu’un ? Que vous aimez bien le culte ? Ou simplement parce que c’est à côté de chez vous ?… Peu importe les raisons, nous sommes rassemblés dans le même lieu. Mais cela veut-il dire que l’on se doit quelque chose  les uns aux autres ?

Avec Vincent, nous avons décidé de commencer une série de prédications sur la fraternité, dans l’église d’abord mais aussi au-delà. N’ayez pas peur, on ne s’est pas dit : il y a un vrai problème dans cette église, on doit absolument en parler. Rassurez-vous ! Cela signifie-t-il que vous n’avez pas besoin d’écouter ?… Non !! La fraternité, l’amour pour l’autre, reste toujours un défi. Dans le récit biblique que nous avons choisi pour notre église l’an dernier, la rencontre entre Pierre et Corneille (Actes 10-11), nous avons reconnu comme nôtre le défi de la fraternité, comme quelque chose qu’on vit mais qu’on veut encore mieux vivre, toujours mieux toujours plus, parce qu’on ne peut pas trop aimer.

C’est un défi qui se pose à toute église, quand on se connaît trop peu ou trop bien… mais c’est un défi qui s’est posé dès le début. Et dès les débuts de l’église, l’apôtre Jean, un disciple de Jésus, écrit aux églises qu’il a fondées pour rappeler l’essentiel de la foi chrétienne. Et il consacre un temps non négligeable au type de relations que nous devons entretenir dans l’église.

Lecture biblique : 1 Jean 3.1, 16-24

1 Voyez : (Dieu) le Père nous aime tellement qu’il nous appelle ses enfants, et c’est vrai, nous sommes ses enfants ! Mais le monde (extérieur) ne nous connaît pas, parce qu’il n’a pas connu Dieu.

16 Aimer, qu’est-ce que c’est ? Maintenant, nous le savons : Jésus a donné sa vie pour nous. Donc, nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères et nos sœurs. 17 Voici un exemple : quelqu’un est riche. Il voit un frère ou une sœur qui est dans le besoin et il ferme son cœur. Est-ce qu’on peut dire qu’il aime Dieu ?

18 Mes enfants, n’aimons pas avec des paroles et avec de beaux discours, mais avec des actes. Ces actes montrent que notre amour est vrai. 19 Par là, nous saurons que nous appartenons à la vérité, et devant Dieu, nous rendrons la paix à notre cœur. 20 En effet, si notre cœur nous accuse, nous le savons, Dieu est plus grand que notre cœur et il connaît tout.

21 Amis très chers, si notre cœur ne nous accuse pas, nous sommes pleins de confiance devant Dieu 22 et nous recevons de lui tout ce que nous demandons. Pourquoi ? Parce que nous obéissons à ses commandements et nous faisons ce qui lui plaît.

23 Voici ce que Dieu commande : nous devons croire au nom de son Fils, Jésus-Christ, et nous aimer les uns les autres, comme le Christ l’a commandé.

24 Celui qui obéit aux commandements de Dieu, il vit en Dieu et Dieu vit en lui. Oui, Dieu vit en nous, à cause de l’Esprit Saint qu’il nous a donné.

  1. Vraiment frères ?

C’est quoi l’amour ? C’est Jésus qui donne sa vie pour nous. Voilà la définition de l’amour véritable. Dooonc, si nous aimons, nous devons aimer comme Jésus, c’est-à-dire donner notre vie, nous aussi, pour nos frères.

L’enjeu est de taille ! Mais vérifions, du coup : sommes-nous vraiment frères et sœurs, nous chrétiens ? C’est un grand mot, quand même ! Ne sommes-nous pas juste des compagnons de route, engagés sur un bout de chemin ensemble ? Des gens qui partagent les mêmes convictions, comme dans n’importe quelle association après tout.

Non. Dieu a tout fait pour que nous soyons réconciliés avec lui, et que nous puissions l’appeler « Père ». Et, sur la base de l’œuvre de Jésus, nous pouvons dire, fièrement et avec assurance : je suis la fille, le fils, de Dieu ! Mais nous ne sommes pas fils uniques : Dieu nous appelle à vivre avec ses autres enfants, comme quand vous êtes nés dans votre fratrie. Comme n’importe quel parent, Dieu rêve de voir ses enfants développer une relation horizontale riche et profonde.

Pourquoi une telle importance à la communauté ? À la fraternité ? Il y a un indice dans le texte, même si Jean ne le développe pas : Dieu – Père, Fils, Saint-Esprit. Un Dieu unique, en trois personnes. Même si on ne comprend pas tout de l’être intime de Dieu, la Trinité dit au moins que Dieu est un être de relations. Dès avant la création du monde, Dieu, en lui-même, aime. Il n’est pas juste amour, il aime. Au plus profond de son essence, il y a ce réseau d’amour qui le fait vibrer. Quand Dieu crée l’homme, il y a bien bien longtemps, le récit biblique dit que son intention est de créer un être qui lui ressemble – et il crée un être de relation, l’être humain, version homme et version femme. L’humain à la ressemblance de Dieu : il crée, il est responsable, il parle… et il aime ! Il va au-delà de l’attirance, de l’instinct, de la connivence : il entre dans une relation profonde où donner est plus beau que recevoir, où l’autre devient plus important que lui (pas pour préserver la race, non, pas parce que l’autre est plus fort, non, mais parce qu’il a du prix à nos yeux). Lorsque nous aimons, nous ressemblons à Dieu. Nous sommes à son image.

  1. Un Père avec ses fils

Dieu va plus loin : aimer notre frère fait partie intégrante de notre amour pour Dieu. Il n’y a pas la foi et l’amour, il y a l’amour dans la foi. Sans amour, la foi est amputée, bancale, à trous.

Pour Jésus, le plus important des commandements, c’est : aime ton Dieu de toutes tes forces, et aime ton prochain comme toi-même. Ce sont les deux faces d’une même pièce. La qualité de nos relations fraternelles joue sur notre relation avec Dieu – et c’est Dieu qui en a décidé ainsi. Ce n’est ni anecdotique ni optionnel. C’est un commandement. Il n’y a qu’un commandement, et il a deux faces : aimer Dieu, aimer son prochain. Nous attacher à Dieu par Jésus-Christ, et nous aimer les uns les autres.

Se détourner d’un frère, c’est un peu se détourner du Père.

Vous connaissez ces parents : si tu n’acceptes pas mes enfants, je ne viens pas. Mes enfants, c’est moi. Là où je vais, ils sont les bienvenus, sinon, je ne me sens pas bienvenu non plus. C’est avec eux ou sans moi. Est-ce qu’il y a de cette radicalité viscérale dans l’amour paternel de Dieu ? Est-ce qu’il aime ses enfants au point de dire à tous ceux qui l’approchent : c’est avec eux ou sans moi ?

Peut-on imaginer que Dieu, qui a donné ce qu’il avait de plus cher pour nous, est prêt à ne plus se définir sans nous ? que Dieu se présente ainsi : « Bonjour, je suis Dieu, créateur du monde, juge parfait, maître de l’univers, et père de 1 293 456 754 enfants. Laissez-moi vous les présenter ! » (s’il sort toutes les photos de naissance, on n’a pas fini !) Et le Fils : « Je suis Jésus, Dieu le Fils devenu homme. Je vais vous parler de mes frères et sœurs, je les aime tellement ! Ils font presque partie de moi ! »

Se détourner d’un frère, c’est un peu se détourner du Père.

Nous ne pourrons être en pleine paix devant Dieu que si nous cherchons vraiment à aimer nos frères. Etre en paix avec Dieu, c’est s’approcher de lui avec assurance, avec le cœur tranquille. Ca ne veut pas dire qu’on est parfait ou qu’on a tout compris, mais qu’on est sur la même longueur d’onde, qu’on est sur le bon chemin, le chemin de la foi et de l’amour – alors quand on prie, le cœur voulant ce que Dieu veut, on ne peut que demander ce que Dieu veut donner, et Dieu répond.

Quand nous aimons, Dieu vit en nous et nous en Dieu : nous sommes plus qu’une image, nous entrons dans le cœur de Dieu et nous déversons son amour à ceux qui nous entourent, comme des ruisseaux qui partent de la source et irriguent la terre.

  1. Comment aimer ?

Alors concrètement, qu’est-ce que ça veut dire, aimer nos frères ? Jésus a donné sa vie pour nous, nous devons donner notre vie pour nos frères.

Nos frères sont importants, mais quand même : donner sa vie ? Pour tous nos frères ? Ce n’est pas possible !

Quand on entend « sacrifier sa vie », on pense héros, martyr, et on se dit « très peu pour moi ! Je ne suis pas un saint, juste un chrétien ordinaire ». Et puis, il y a trop de gens à aimer, si je me mets à aider ne serait-ce que tous les gens de cette église, je ne vais pas m’en sortir ! L’ampleur de la tâche impressionne, comme dans une randonnée où on regarde le sommet, on prend peur, et on se dit (si on a un niveau moyen), « je n’y arriverai jamais ! Je reste en bas. » Combien de fois l’ambition de Dieu nous a fait frémir, battre en retraite, quitte à utiliser les idéaux de Dieu comme excuse pour ne pas lui obéir : « Non je n’aime pas, parce que ton idée de l’amour est beaucoup trop ambitieuse, Seigneur ! Ce que tu demandes, c’est pas réaliste ! »

Mais pour avancer en randonnée, on regarde le sommet et on se fixe des étapes, comme autant de défis raisonnables qui nous font avancer vers le but. Et Jean nous donne un défi raisonnable : si quelqu’un voit un frère dans le besoin… Pas tout le monde, juste un ! On ne devient pas Jésus en un jour, on apprend. Si tous, nous décidons de traiter en frère ou en sœur 1 personne, vraiment, pour commencer, vous imaginez ce que l’église peut devenir ? Commençons chacun à faire pour un ce que nous aimerions, devrions, faire pour tous, et déjà nos relations fraternelles changeront !

Et parlons du sacrifice : c’est pareil, ça fait bondir ! Mais Jésus n’a donné sa vie qu’une fois, à la croix, et c’était l’ultime sacrifice. Mais si c’était le plus grand, et le dernier, des sacrifices, ce n’était pas le seul ! Jésus a renoncé à sa gloire divine, pour naître parmi les hommes. Il a pris du temps pour former des disciples. Il a pris la peine d’expliquer, inlassablement, ce qui pour lui était une évidence. Il s’est laissé déranger – et combien de fois ? Pour guérir, nourrir, accueillir… Jésus avait un esprit radicalement généreux, un cœur radicalement tourné vers l’autre – et ça l’a finalement conduit à la Croix. Même si nous, sur notre chemin, nous n’imaginons pas un jour mourir pour quelqu’un, nous pouvons juste avancer d’un pas, un pas de plus dans les empreintes de Jésus faire un effort qui coûte/ qui pique, mais qui nous entraîne un peu plus sur la voie de la fraternité généreuse dont Jésus est l’exemple.

Il y a toutes sortes de dons qui nous sont des sacrifices, moins forts que la Croix mais déjà trop coûteux, en argent ou en temps (je ne sais pas de quoi nous manquons le plus ?…) : une soirée pour inviter untel qui vit seul, un samedi après-midi pour aider à déménager, une heure le dimanche matin alors qu’on aurait pu dormir pour aller chercher une sœur qui ne conduit plus et l’amener au culte, un coup de fil pour prendre des nouvelles, le budget d’une prochaine sortie en famille pour aider à payer une facture ou parrainer un enfant en détresse… Il s’agit bien là d’actes concrets, au-delà des émotions, des paroles et des sourires (qui sont bien aussi !) qui traduisent la réalité de l’amour fraternel, tout comme Dieu a exprimé son amour envers nous par des actes concrets, en Jésus-Christ.

 

Il y a mille façons d’être frères, mais Dieu nous demande de commencer quelque part, ou de faire le pas qui est devant nous. Lui dont nous célébrons l’amour, il désire que nous aimions, nous-mêmes, comme lui. Alors prions, prions Dieu non pas pour être plus aimés, mais pour lui demander un cœur un peu plus large, d’aimer un peu plus comme lui, d’entrer un peu plus dans la générosité radicale du Christ – Dieu nous répondra ! Demandons, et nous recevrons ! L’amour c’est la seule chose où plus on en donne, plus on en a. Demandons, demandons à Dieu un cœur et des mains pour aimer comme lui, en actes, en vérité. Pour que son amour devienne un peu plus une réalité en nous, entre nous, autour de nous. Oui, Seigneur, que ton règne vienne ! Que ton règne d’amour et de foi vienne dans notre cœur, dans nos relations, dans notre monde !

De scandale en scandale

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Qui est le bienvenu ici ? Tout le monde ! Tout le monde, bien sûr ! Nous voulons accueillir chaleureusement tous ceux qui s’approchent de Dieu, parce que Dieu lui-même les accueille chaleureusement. Oui, tout le monde est le bienvenu. Enfin… Nous avons des limites : tout le monde peut entrer, mais certains vont nous faire tiquer. Ca peut être un motard avec de gros tatouages et une boucle d’oreille qui entre dans l’église, un couple d’hommes, quelqu’un qui sent l’alcool à plein nez ou encore une femme qui serait plus à sa place dans une boîte de nuit. Je ne les mets pas tous dans le même panier, je parle juste de ce qui nous fait tiquer. Parce qu’on a des limites : ceux qui sont différents de nous nous interpellent. Ils accrochent notre regard. Ils suscitent en nous, au minimum des questions, au maximum des jugements. Pas besoin d’être à l’église, c’est déjà vrai dans le métro : involontairement, nous scannons ceux qui nous entourent – acceptable ou pas acceptable ? Comme moi ou étrange ? Mais à l’église, en plus, nous sommes rassemblés autour du Dieu saint – c’est-à-dire parfait, juste, intègre, d’une pureté morale éclatante. Et ceux qui nous choquent, on se dit qu’ils doivent aussi choquer Dieu.

Vous voulez un petit test sur nos limites ? Est-ce-que vous seriez prêts à inviter, sans craindre les regards qu’on va porter sur eux, n’importe lequel de vos collègues, voisins, amis? Votre cousin éloigné, celui dont on ne parle plus sans hausser les sourcils ?

Et imaginez que ces visiteurs différents n’aient même pas la décence de faire profil bas pendant le culte… Imaginez qu’ils prient pendant un temps de silence, qu’ils s’avancent pour distribuer la cène, qu’ils se lèvent au milieu de la prédication pour dire quelle est leur vision de Dieu, qu’ils se jettent en pleurs au pied de la croix pendant un chant. Rien de mortel, mais on serait nombreux à se trémousser sur notre chaise…

Plus que nous ne le voudrions, nous sommes prompts à nous choquer – et nous ne sommes pas les seuls ! Ni les premiers ! Le texte tiré de l’Evangile de ce matin nous plonge au cœur d’un repas au parfum de scandale…

Lecture biblique : Luc 7.36-50

36 Un Pharisien [c.-à-d. un religieux juif de l’époque de Jésus, un croyant bien sous tous rapports, connu pour sa foi et son engagement pour Dieu, son désir de vivre le plus possible comme Dieu le voudrait] invita Jésus à prendre un repas avec lui. Jésus se rendit chez cet homme et se mit à table. [c’était sûrement un grand repas, comme on organiserait une soirée chez soi avec un invité d’honneur]

37 Il y avait dans cette ville une femme de mauvaise réputation. Lorsqu’elle apprit que Jésus était à table chez le Pharisien, elle apporta un flacon d’albâtre (un genre de marbre fin qui était assez cher) plein de parfum 38 et se tint derrière Jésus, à ses pieds [Jésus, à la mode romaine, était couché sur le côté, la table était en U]. Elle pleurait et se mit à mouiller de ses larmes les pieds de Jésus ; puis elle les essuya avec ses cheveux, les embrassa et répandit le parfum sur eux. 

39 Quand le Pharisien qui avait invité Jésus vit cela, il se dit en lui-même : « Si cet homme était vraiment un prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche et ce qu’elle est : une femme de mauvaise réputation. » 

40 Jésus prit alors la parole et dit au Pharisien : « Simon, j’ai quelque chose à te dire. » Simon répondit : « Parle, Maître. » 

41 Et Jésus dit : « Deux hommes devaient de l’argent à un prêteur. L’un lui devait cinq cents pièces d’argent [environ 2 ans de salaire : disons 25000 euros] et l’autre cinquante [environ 2 mois de salaire : disons 2000, 2500 euros]. 42 Comme ni l’un ni l’autre ne pouvaient le rembourser, il leur fit grâce de leur dette à tous deux. Lequel des deux l’aimera le plus ? » 

43 Simon lui répondit : « Je pense que c’est celui auquel il a fait grâce de la plus grosse somme. » Jésus lui dit : « Tu as raison. »

44 Puis il se tourna vers la femme et dit à Simon : « Tu vois cette femme ? Je suis entré chez toi et tu ne m’as pas donné d’eau pour mes pieds ; mais elle m’a lavé les pieds de ses larmes et les a essuyés avec ses cheveux. 45 Tu ne m’as pas reçu en m’embrassant ; mais elle n’a pas cessé de m’embrasser les pieds depuis que je suis entré. 46 Tu n’as pas répandu d’huile sur ma tête ; mais elle a répandu du parfum sur mes pieds. 47 C’est pourquoi, je te le déclare : le grand amour qu’elle a manifesté prouve que ses nombreux péchés ont été pardonnés. Mais celui à qui l’on a peu pardonné ne manifeste que peu d’amour. » 

48 Jésus dit alors à la femme : « Tes péchés sont pardonnés. » 

49 Ceux qui étaient à table avec lui se mirent à dire en eux-mêmes : « Qui est cet homme qui ose même pardonner les péchés ? » 

50 Mais Jésus dit à la femme : « Ta foi t’a sauvée : va en paix. »

1)     Un parfum de scandale

Simon le pharisien est choqué, mais il ne sait pas qui le choque le plus : la femme ou Jésus ? Cette femme, on ne sait pas qui elle est, elle restera anonyme, mais sa réputation la précède, et ça se voit dans son style, son maquillage, sa façon de se tenir… Dès qu’elle arrive, elle est cataloguée. Cette femme, Simon accepte qu’elle vienne écouter Jésus, mais bon, ce serait bien qu’elle reste dans un coin ou près du couloir – mais elle a l’audace de venir au milieu de la pièce, juste derrière l’invité d’honneur, et de se mettre à faire son cinéma – de toute façon, qu’est-ce qu’on pourrait attendre de ce genre de femme ? Elle  sanglote, prostrée aux pieds de Jésus – tous les regards sont braqués sur elle. Puis elle les essuie avec ses cheveux, les parfume… Ca devient ambigu, tout ça ! C’est comme si elle s’était mise à le masser, à lui embrasser la nuque, les joues – c’est inconvenant ! Et puis le parfum… A l’époque, ce n’est pas comme aujourd’hui, c’est du parfum pur qui coûte très cher. Alors tout dépend de la taille du flacon, mais ça pouvait représenter jusqu’à un an de travail d’un ouvrier – on sait pas comment elle a gagné l’argent pour s’acheter ce parfum, mais en tout cas, ça vaut très cher, et elle le vide pour parfumer les pieds de Jésus… Maintenant, non seulement on la remarque, mais on sent aussi !

Et Jésus, dans tout ça, reste impassible ! Comme s’il n’y avait rien de gênant…

Simon est choqué, sûrement déçu : on disait tant de bien de Jésus, de ses discours, de ses conférences théologiques, de ses sermons – il l’a invité pour en savoir plus, mais finalement Jésus n’a pas l’air de valoir grand-chose.

2)     Un message scandaleux

Avec une bonne dose d’ironie prophétique, Jésus interpelle Simon, non pas sur la femme (qu’il a très bien cernée), mais sur les pensées du pharisien. Jusque là, on a deux personnages, chacun avec son étiquette : la femme sulfureuse et le religieux bien-pensant. Mais pour Jésus, ce n’est pas juste un pharisien, une pécheresse – c’est Simon, c’est cette femme, avec leur parcours, leurs attentes, leurs questions, leurs déceptions. Jésus ne s’arrête pas aux apparences ni aux catégories : il regarde la personne.

Alors Jésus raconte une histoire : deux dettes, deux hommes dans la panade – et un prêteur généreux qui efface l’ardoise. Vu sa position sociale, Simon devait sûrement lui-même prêter de l’argent à différentes personnes – il n’y avait pas de banque – donc il comprend très bien. Si un jour il en venait à effacer de telles dettes (mais il regarde autour de lui en espérant que personne dans la salle ne va se faire des idées), il attendrait une belle dose de reconnaissance ! Et plus la dette est grande, plus on attend de gratitude !

Avec cette parabole sur l’argent, Jésus parle du cœur de l’Evangile : nous devons tous quelque chose à Dieu. Notre naissance, notre souffle, notre vie, ça vient de lui, c’est à lui. Dès que nous abîmons ou que nous dégradons notre vie, notre corps, nos pensées, nos relations, nous sommes en dette. Le problème de Simon, c’est qu’il est rentré dans le calcul : lui, il pense qu’il n’a pas beaucoup de dettes envers Dieu – il ne ment pas, ne jure pas, ne se saoule pas, il travaille honnêtement, il est fidèle à sa femme, n’a jamais un mot plus haut que l’autre. Mais cette femme, là, on ne sait pas jusqu’où elle est allée ! Quel fond sordide elle a touché ! Quand même, devant Dieu, c’est pas pareil !

Et c’est là que Jésus est choquant : l’histoire ne se concentre pas sur ça, mais il faut le rappeler – Dieu efface les deux dettes. Les deux. Aucune dette n’est si grosse que Dieu ne puisse l’annuler. Et comment il le fait ? En payant lui-même la dette – en la personne de Jésus, au compte en justice bien rempli, qui vide ses caisses pour payer nos factures, qui se donne lui-même pour nous permettre de vivre. Jésus plus tard se tourne vers la femme : « tes dettes sont effacées, tes fautes sordides sont lavées, relève la tête, Dieu te regarde avec amour et fierté. » La femme l’a compris, et sa réaction inconvenante, scandaleuse, pas spécialement recommandable, c’est la réaction au scandale du salut, au scandale du pardon : à travers Jésus, elle découvre un Dieu qui a tout pour juger, mais qui choisit de pardonner. Non mais nulle part on ne voit ça, la vie ne fait pas de cadeau ! Mais Dieu, si : le cadeau d’une vie nouvelle. La femme n’en sait pas plus, elle connaît à peine Jésus, elle a peut-être juste entendu une bribe de ses discours, mais elle a compris que Jésus parle d’un Dieu d’amour, alors elle donne tout, tout ce qu’elle a de précieux.

3)     Ce qui choque Jésus

Mais Jésus n’est pas satisfait : il veut que Simon aussi comprenne qui Dieu est. Il veut renverser ses petits calculs. Il n’est pas en train de dire que tout se vaut et que rien n’est grave, ou qu’on peut détruire notre vie ou notre monde sans scrupules. Mais si on veut parler de ce qui choque Dieu, c’est pas la reconnaissance maladroite de cette femme. Non, c’est Simon. Occupé à regarder les autres pour se rassurer sur son statut de croyant modèle, à compter les points vers la pureté, à franchir les marches de son escalier spirituel, Simon en est venu à penser que finalement, lui, c’est un bon, il n’a pas vraiment besoin de pardon.

Ce qui choque Jésus, c’est Simon, Simon au cœur dur qui se moque de voir quelqu’un retrouver l’espoir, retrouver un sens à sa vie, tellement il est coincé dans ses règles et ses principes. Comment Simon peut-il ne pas voir le potentiel : oui cette femme part de loin, mais elle se jette toute entière dans les bras de Dieu – et tout est possible à celui qui fait confiance à Dieu, tout peut arriver. Dieu est tellement heureux quand une nouvelle personne lui ouvre son cœur… Dieu sait tout ce qu’il va faire pour la relever, la guérir, la conduire, la bénir.

Simon a oublié que Dieu est le Dieu de la vie, de la vie nouvelle, une vie qui jaillit de façon parfois étonnante et chaotique. Dans sa vie bien rangée, il n’y a plus de place pour les surprises de Dieu, pour les révolutions et les irruptions de la vie avec Dieu, pour l’amour même de Dieu. Mais l’amour de Dieu nous dérange, nous bouscule. Parce que Dieu appelle « mon fils, ma fille » des gens avec qui parfois on ne voudrait même pas prendre un café. Tout le monde est hors limites pour Dieu, mais il a choisi d’ouvrir les bras pour accueillir ceux qui se tournent vers lui, sur un seul critère : la foi, et le désir de laisser Dieu transformer notre vie pour en faire une vie belle et bienfaisante.

Alors pour revenir à nos limites, mais ça va plus loin que ça : Jésus nous appelle à regarder au-delà des étiquettes, à nous laisser déranger par le potentiel de ceux qui sont percutés par le pardon de Dieu, à élargir notre cœur en aimant comme Dieu. Il nous appelle à accueillir l’autre avec ses chaos, ses tentatives, ses maladresses – pas pour les cautionner, mais parce que Dieu nous travaille dans le chaos de notre vie.

Peut-être que le remède, pour nous, c’est le même que pour Simon : sans cesse recentrer notre regard sur Dieu. Oui, il est saint – et pourtant il m’aime, c’est incroyable ! Il m’appelle son ami, son enfant, quelle folie ! S’il m’a fait une place dans sa vie alors que je n’en valais vraiment pas la peine, alors il y a une place pour les autres aussi. Revenir sans cesse à Dieu, redécouvrir sans cesse les dimensions scandaleuses de son pardon, le potentiel incroyable d’une vie avec lui – c’est la base de ce que Dieu attend de nous, la base de notre amour pour lui, la base de notre amour pour les autres.

Epiphanie

 

https://soundcloud.com/eel-toulouse/epiphanie

Savez-vous quelle fête nous célébrons aujourd’hui, 6 janvier ? L’épiphanie. Et qu’est-ce que l’épiphanie ? Le mot, transcription du grec, signifie apparition, manifestation. L’épiphanie est la commémoration de l’épisode biblique de la visite des mages à Jésus alors qu’il était enfant.

C’est aussi le moment où on mange la galette des rois… Une tradition qui n’a rien de biblique mais qui vient sans doute d’une fête païenne romaine : les Saturnales. Pendant sept jours la hiérarchie sociale pouvait être critiquée voire tournée en dérision. Par exemple, les soldats tiraient au sort, grâce à une fève, un condamné à mort qui devenait “roi” le temps des réjouissances… avant d’être exécuté à la fin de la fête !

Ceci dit, dans la fête de l’épiphanie, il n’y a pas que la tradition de la galette des rois qui s’éloigne de la Bible ! Avec la représentation du récit de la visite des mages, on est souvent dans le folklore, assez éloigné de la sobriété du récit biblique. Regardez cette image de crèche… et cherchez les erreurs !

Crèche

  • Dans la Bible, on ne parle jamais de rois pour les mages
  • On ne sait pas combien ils étaient
  • On connaît encore moins leurs noms ! Melchior, Gaspard et Balthazar, c’est du folklore !
  • L’épisode a eu lieu au moins plusieurs mois après la naissance de Jésus (cf. le massacre des enfants jusqu’à deux ans par Hérode “d’après l’époque précisée par les mages”), les bergers n’étaient donc plus là depuis longtemps… et il est très probale qu’on n’était plus dans une étable.

Mais même nettoyé de tous les ajouts de la tradition et du folklore, le récit biblique reste assez mystérieux, au point qu’on pourrait se demander s’il ne faudrait pas le considérer comme une fable, une jolie histoire mais rien de plus…

Matthieu 2.1-12
1 Jésus naît à Bethléem, en Judée, au moment où Hérode le Grand est roi. Alors, des sages viennent de l’est et arrivent à Jérusalem. 2 Ils demandent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile se lever à l’est, et nous sommes venus l’adorer. »
3 Quand le roi Hérode apprend cela, il est troublé, et tous les habitants de Jérusalem aussi. 4 Le roi réunit tous les chefs des prêtres de son peuple avec les maîtres de la loi. Il leur demande : « À quel endroit est-ce que le Messie doit naître ? » 5Ils lui répondent : « Le Messie doit naître à Bethléem, en Judée. En effet, le prophète a écrit :
6 “Et toi, Bethléem, du pays de Juda,
tu n’es sûrement pas
la moins importante des villes de Juda.
Oui, un chef va venir de chez toi,
il sera le berger
de mon peuple, Israël.” »
7 Alors Hérode fait appeler les sages en secret. Il leur demande : « À quel moment est-ce que l’étoile est apparue ? » 8 Ensuite il les envoie à Bethléem en disant : « Allez vous renseigner exactement sur l’enfant. Quand vous l’aurez trouvé, venez me prévenir, et moi aussi, j’irai l’adorer. »
9-10 Après ces paroles du roi, les sages se mettent en route. Ils aperçoivent l’étoile qu’ils ont vue à l’est. Ils sont remplis d’une très grande joie en la voyant. L’étoile avance devant eux. Elle arrive au-dessus de l’endroit où l’enfant se trouve, et elle s’arrête là. 11 Les sages entrent dans la maison, et ils voient l’enfant avec Marie, sa mère. Ils se mettent à genoux et adorent l’enfant. Ensuite, ils ouvrent leurs bagages et ils lui offrent des cadeaux : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. 12 Après cela, Dieu les avertit dans un rêve de ne pas retourner chez Hérode. Alors ils prennent un autre chemin pour rentrer dans leur pays.

Enquête sur les mages

Un évangile n’est certes pas à lire comme un rapport de police qui relaterait froidement les faits, ni même comme un ouvrage d’histoire au sens moderne. Il y a toujours une intention dans un évangile : le message est toujours le plus important. Une fois qu’on aurait démontré l’historicité d’un évènement, si c’était possible, on n’en aurait pas forcément compris la portée. Et on passerait à côté de l’essentiel… Mais ce n’est pas une raison pour refuser toute vraisemblance à un récit dès le moment où il contient une part de mystérieux ou de miraculeux.

Pour ce récit de la visite des mages, j’aimerais donc juste souligner quelques éléments de vraisemblance de l’histoire. Il ne s’agit pas pour moi de vouloir prouver l’historicité du récit. C’est impossible. Et pas très utile. Mais le fait qu’il soit vraisemblable en bien des aspects nous invite déjà à le prendre au sérieux.

Ce qu’on sait de la personnalité d’Hérode

Ce que le récit dit d’Hérode correspond à ce que l’on sait du personnage, même dans la suite du récit, lorsqu’il ordonnera le massacre des enfants à Bethléem. Véritable tyran parano, il était jaloux de son pouvoir. On sait qu’il s’est rendu coupable d’autres massacres que celui dont parle l’évangile, à commencer par le meurtre de ses propres fils, de peur qu’ils ne lui prennent le pouvoir…

Ce qu’on sait des mages

Qui pouvaient être ces mages venus d’Orient ? Le mot grec magos qui a donné mage en français, semble venir du vieux persan et désignait à l’origine des prêtres de Zoroastre. Ici, le terme semble utilisé dans un sens plus large. Visiblement, ce ne sont pas des magiciens mais plutôt des observateurs des étoiles. Sans doute des savants comme il y en avait dans l’Antiquité en Orient. Aujourd’hui, on les qualifierait plus d’astrologues que d’astronomes… ils cherchaient donc bien des signes dans les étoiles !

En passant, je trouve assez savoureux de voir que Dieu se révèle à ces savants venus d’Orient par l’astrologie qu’il condamne par ailleurs dans la Bible ! Le Dieu de grâce fait éclater les cadres… et emprunte parfois des chemins surprenant pour nous rejoindre !

Ce qu’on peut penser de l’étoile

Quant à l’étoile, les astronomes s’y sont beaucoup intéressés et ont essayé de comprendre à quel phénomène astronomique cela pourrait faire référence. On a pensé à une comète mais ça ne fonctionne pas. On évoque aujourd’hui un alignement de planètes ou une supernova (implosion d’une étoile). Ainsi, on sait qu’en 7 avant Jésus-Christ, une conjonction très rare s’est produite dans le ciel : Jupiter et Saturne se sont rapprochées trois fois de suite dans l’année, en juin, septembre et décembre. Elle apparaissait dans la constellation du Poisson, qui désignait, entre autre, la Palestine… On a aussi retrouvé dans les écrits d’astrologues chinois l’évocation d’une étoile très brillante, probablement une supernova, qui est apparue en mars/avril de l’an 5 avant Jésus-Christ. Comme on sait par ailleurs que Jésus n’est pas né en l’an 1 (le calcul était erroné au moment de l’établissement du calendrier chrétien) mais quelques années plus tôt, ça pourrait coller !

La conjonction de planètes, observée par les mages, aurait pu les mettre en alerte, et l’apparition de l’étoile brillante, moins de deux ans après, aurait pu les encourager à prendre la route…

Faire le chemin avec les mages

Tout ceci ne prouve évidemment pas l’historicité de l’événement mais ces éléments de vraisemblance nous invitent à prendre le texte au sérieux. Et le prendre au sérieux, c’est aussi se laisser interpeller par lui. Et si Matthieu nous invitait à rejoindre les mages sur leur chemin, à nous laisser inspirer par leur voyage, pour notre voyage de foi ?

Entreprendre un voyage

Comme il a rejoint les mages dans leur observation des étoiles, Dieu nous rejoint là où nous sommes et nous invite à nous mettre en marche, à entreprendre un voyage. La foi est un voyage. Il faut se lancer. Accepter une part de risque, d’inconnu… Sinon on reste simplement à observer les étoiles… ou les années qui passent !

Ne pas s’arrêter en chemin

Ce que les mages ont compris de leur observation des étoiles les a conduit à Jérusalem. Là ils apprennent que la ville où doit naître celui qu’ils cherchent est Bethléem. Ils sont près du but… mais ils n’y sont pas encore. Le danger, c’est de s’arrêter en route, de se contenter de ses acquis. Le danger pour la foi, c’est de se contenter de connaissances, d’une simple croyance, comme les maîtres de la Loi dans le récit. Alors que la foi, c’est la rencontre.

Rencontrer Jésus

Les mages vont donc jusqu’à Bethléem et rencontrent celui qu’ils cherchent. Alors ils l’adorent. Jésus n’est qu’un enfant, mais ils l’adorent comme un roi. La foi, c’est la rencontre, c’est aussi la confiance, comme celle des mages qui voient au-delà du petit enfant. Au début de notre cheminement de foi, Jésus que nous rencontrons n’est encore qu’un enfant : nous connaissons encore très peu de lui. Et il va grandir au fur et à mesure de notre cheminement, de notre rencontre avec lui.

Repartir par un autre chemin

Si les mages repartent par un autre chemin, c’est pour ne pas retourner à Jérusalem vers Hérode. Mais l’expression peut avoir aussi valeur de métaphore du changement opéré dans leur coeur. Ils repartent différent après leur rencontre avec Jésus. La foi, qui naît d’une rencontre avec Jésus-Christ, nous transforme !

Conclusion

Nous sommes invités à aller à la rencontre de Jésus, comme les mages. Et comme eux, repartir par un autre chemin… transformés par la rencontre avec le Christ vivant.

Finalement, tout chemin de foi est une épiphanie : Dieu se révèle à nous. Si nous sommes prêt à entreprendre le voyage et à ne pas nous arrêter en chemin – nous contentant de nos acquis – nous le rencontrerons ! Sa rencontre nous tranformera et nous repartirons par un autre chemin. Et sur cet autre chemin que nous emprunterons, ils se révelera encore à nous. Et il nous transformera encore. Voilà le chemin de la foi, qui ne s’arrête jamais et se renouvelle sans cesse.

Que cette nouvelle année soit donc faite pour nous de nombreuses épiphanies !

Quand l’espérance répond à nos peurs

 

https://soundcloud.com/eel-toulouse/quand-lesperance-repond-a-nos

Ne trouvez-vous pas que le temps de l’Avent est un peu étrange cette année ? Le climat social en France, avec en plus l’attentat de Strasbourg, tout cela fait qu’on n’a pas forcément le coeur pour les fêtes…

Il y a, aujourd’hui, beaucoup de craintes et d’inquiétudes qui s’expriment. Elles nourrissent des angoisses ou des colères qui transparaissent dans les mouvements sociaux qui agitent notre actualité.

  • Aujourd’hui, on a peur du lendemain, des fins de mois difficiles. On entend cette formule choc sur les rond-points : “La fin du monde, c’est la fin du mois !” On a peur du spectre du chômage, on craint de ne plus pouvoir nourrir sa famille…
  • Aujourd’hui, on a peur de l’étranger, de celui qui est différent et qui vient d’une autre culture, d’une autre religion, d’un autre pays. Et c’est une peur qui conduit à la désignation de boucs émissaires, et qui réveille la bête xénophobe et raciste.
  • Aujourd’hui, on a peur pour l’avenir de notre planète, on s’inquiète du dérèglement climatique. C’est très présent chez les jeunes générations : avez-vous vu cette impressionnante vidéo de la jeune Greta Thunberg, une adolescente suédoise de 15 ans, qui a pris la parole devant la COP 24 pour interpeller les dirigeants des pays de l’ONU quant à leur inaction pour la justice climatique ?

Et pourtant, chaque dimanche depuis le 2 décembre, on célèbre le temps de l’Avent, on parle d’attente et d’espérance… Mais en quoi l’espérance chrétienne peut-elle être une réponse à toutes ces craintes ?

En quête d’espérance

Le texte de l’Ancien Testament de ce dimanche nous parle d’espérance. Il contient un verset qui est cité dans un récit de Noël, celui de la visite des mages d’Orient. C’est la réponse que les maîtres de la loi leur donnent quand ils demandent où doit naître le roi des Juifs : « Et toi, Bethléem Ephrata, toi qui es petite parmi les phratries de Juda, de toi sortira pour moi celui qui dominera sur Israël…”

Le prophète Michée annonce donc le lieu de naissance du Messie : Bethléem. Et c’est en général tout ce qu’on lit de Michée : le verset 1 du chapitre 5. Et encore, pas jusqu’au bout du verset… Alors on va en lire un peu plus ce matin. Mais avant de lire le texte, je vous propose un voyage dans le temps !

Replongeons-nous dans le contexte de l’époque. Nous sommes au VIIIe siècle avant Jésus-Christ. Le royaume d’Israël s’est scindé en deux royaumes, Israël au nord et Juda au sud. Ça s’est passé plusieurs siècles auparavant, après le règne de Salomon. Originaire du petit village de Morécheth, Michée est un prophète influent. Il a reçu de Dieu des messages à transmettre pour les deux royaumes.

Il faut dire que toute la région est fébrile parce que l’ogre Assyrien dévore tout sur son passage. Rien ne semble pouvoir arrêter l’expansion de cet empire qui est désormais aux portes d’Israël. Il règne dans le pays comme un parfum de fin du monde…

D’autant qu’il n’y a pas seulement les dangers qui viennent de l’extérieur. La situation sociale et spirituelle des deux royaumes est mauvaise. La gloire d’antan, au temps de Salomon, est bien lointaine. L’injustice règne dans le pays, et Michée le dénonce avec force. Au nom du Seigneur, il mène un réquisitoire contre les riches et contre les classes dirigeantes. Il dénonce les riches propriétaires qui accaparent les terres, qui recourent à la fraude et la violence pour arriver à leur fin, dans leur appétit de posséder qui est sans limite. Bref, les riches deviennent de plus en plus riche, et les pauvres de plus en plus pauvre… Il dénonce aussi la complaisance des classes dirigeantes, les magistrats et les prophètes, des responsables sensés donner l’exemple, et qui pourtant cèdent à la corruption et font preuve de favoritisme.

Tout ça ne vous rappelle rien ? Je ne sais pas si Michée aurait porté un gilet jaune… mais son réquisitoire trouve d’étonnants échos aujourd’hui. Dans leurs dénonciations, les prophètes bibliques gardent, malheureusement, un cruelle actualité, parce que le coeur de l’homme n’a pas changé. Mais ne gardent-ils pas aussi une pertinence quand ils parlent d’espérance, comme c’est le cas de Michée dans le chapitre 5 de son livre, d’où est tirée la parole dite aux mages dans l’évangile et que je vous invite maintenant à lire, dans son contexte :

Michée 5.1-5
1 Le SEIGNEUR dit :
« Et toi, Bethléem Éfrata,
tu es un petit village parmi ceux des clans de Juda.
Pourtant, celui qui doit gouverner Israël,
je le ferai sortir de chez toi.
Il appartient à une famille très ancienne. »
2 Le SEIGNEUR va abandonner son peuple pendant un certain temps.
Ensuite, le jour viendra où la femme qui doit accoucher aura un fils.
Ceux qui seront encore en vie après l’exil viendront rejoindre les autres Israélites.
3 Et lui, le chef annoncé, il se lèvera et il sera leur berger
par la puissance du SEIGNEUR, par la présence glorieuse du SEIGNEUR son Dieu.
Les gens de son peuple vivront en sécurité.
En effet, sa puissance s’étendra jusqu’au bout du monde.
4 C’est lui qui donnera la paix.
« Si les Assyriens entrent dans notre pays et s’ils pénètrent dans nos palais,
nous enverrons contre eux des chefs très nombreux.
5 Avec leurs armes, ils conquerront l’Assyrie, le pays de Nemrod, et ils le domineront.
« Le chef promis nous délivrera des Assyriens s’ils passent nos frontières et s’ils entrent dans notre pays. »

L’espérance de Michée

Lu dans son contexte, la parole citée aux mages de l’évangile prend un relief différent. Il est frappant de voir combien la prophétie de Michée est liée au contexte de son époque. On ne s’en rend pas compte en ne lisant que le verset 1… mais dans ce texte on perçoit explicitement la peur face à l’envahisseur Assyrien, et même la perspective d’un exil qui semble inéluctable : on dit que le Seigneur va abandonner son peuple pour un temps.

Mais on perçoit aussi l’espérance d’une délivrance du Seigneur, l’aspiration à une restauration, à une paix retrouvée. Une espérance qui se focalise sur un enfant, issu d’une famille ancienne, et qui naîtra à Bethléem. Cet enfant deviendra le berger du peuple. Pour un connaisseur de la Bible, la mention de cette famille ancienne de Bethléem ne peut faire référence qu’à la lignée de David, le grand roi, d’où doit être issu le Messie, le libérateur choisi par Dieu.

Quel était donc la signification de ce texte pour les contemporains de Michée ? Le malheur vient, l’exil est inéluctable. Mais un espoir demeure, au-delà de l’exil. Dieu suscitera de la lignée de David un libérateur pour son peuple. Pour le petit nombre resté fidèle à Dieu, il y avait là une source d’espérance au milieu d’une grande détresse.

Les années ont passé après cette prophétie, il n’y a jamais eu vraiment de retour de l’exil en Assyrie… il y en a bien eu un de l’exil de Juda à Babylone, quelques décennies plus tard. Mais la gloire d’antan n’a jamais été retrouvée. L’attente d’un libérateur est restée… D’ailleurs, on sent bien dans le texte de Michée que la perspective déborde le contexte de son époque, notamment à cause de sa dimension universelle.

Alors au temps de Jésus, un texte comme celui de Michée exprimait l’attente messianique. Le contexte socio-politique avait changé. Ce n’était plus les Assyriens ou les Babyloniens qui faisaient peur mais l’occupant Romain. Les soupçons de corruption et de collusion avec l’envahisseur étaient forts, la méfiance à l’égard des classes dirigeantes alimentait la grogne du peuple. L’attente d’un libérateur était importante.

Les évangiles voient dans la naissance de Jésus le véritable accomplissement de la prophétie de Michée. Mais contrairement à l’attente de beaucoup, Jésus n’est pas venu en libérateur politique mais en libérateur spirituel. Peu nombreux sont ceux qui reconnaîtront en Jésus le berger dont parle Michée. Les chefs religieux le combattront, le peuple appellera à le crucifier. Quelques-uns y ont cru, non sans difficulté. Mais de ce petit groupe de disciples est né l’Eglise, et la bonne nouvelle s’est répandue, de génération en génération, jusqu’à nous.

Quand l’espérance rencontre nos peurs

De ce texte et de sa mise en perspective, je relève que l’espérance du croyant rencontre nos peurs. Pour les croyants au temps de Michée, les peurs se nommaient Assyrie, exil, guerre… Leur espérance était alors celle d’un libérateur, d’un rétablissement, d’une paix retrouvée.

D’ailleurs, peut-on concevoir notre espérance en dehors de nos peurs ? Bien-sûr, l’espérance chrétienne est plus grande que nos craintes. Il ne s’agit pas de se construire chacun une petite espérance à soi pour calmer nos craintes personnelles. Mais elle est bien aussi pertinente pour répondre à nos peurs d’aujourd’hui.

Au coeur du message de Noël, il y a l’affirmation d’un Dieu qui se fait proche de nous, qui devient l’un des nôtres et partage notre condition. Au coeur de l’espérance chrétienne se trouve la personne et l’oeuve de Jésus-Christ : sa vie, sa mort et sa résurrection. L’espérance qui rencontre nos peurs, c’est le Christ qui nous rejoint dans nos détresses. Il s’est fait pauvre, il a accepté d’être rejeté, il s’est rendu solidaire de l’humanité.

J’ai la conviction que l’Evangile a des réponses à proposer aux peurs de nos contemporains, qui peuvent aussi être les nôtres.

Sur la peur du lendemain, des fins de mois difficiles, je ne vais évidemment pas dire que Jésus va remplir votre compte en banque ! Même si, malheureusement, certaines théologies de la prospérité le prétendent… Mais l’Evangile montre bien que Dieu ne se soucie pas que de notre âme ! L’incarnation – Dieu qui prend chair – en est la preuve ! Et l’espérance de la “résurrection de la chair” en est une autre ! Comme dans la prière que Jésus a enseigné, où la première demande qui nous concerne dit “Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.” Si on choisit un mode de vie simple, dans l’esprit de l’Evangile, qui n’oublie pas la générosité, on peut faire confiance à Dieu pour tous les domaines de notre vie, y compris matériel.

Face à la peur de l’étranger, de celui qui est différent, l’Evangile nous apprend que la peur et la haine ne sont jamais une solution. La solution est dans l’amour : Jésus va même jusqu’à nous inviter à aimer nos ennemis… comme il l’a fait lui-même. Il est venu pour tous, il est mort pour tous. “Dieu a voulu tout réconcilier avec lui, par son Fils et pour son Fils.” (Colossiens 1.20) L’espérance de la réconciliation nous conduit sur des chemins de paix et de pardon.

Quant à la peur pour l’avenir de notre planète, on peut évidemment se référer à la doctrine de la Création qui doit nous inciter à respecter et protéger l’oeuvre du Créateur. Mais l’espérance chrétienne a aussi quelque chose à nous dire sur le sujet. On oublie parfois que l’espérance de la résurrection, c’est pour toute la création ! La création aussi “sera libérée de l’esclavage de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu.” (Romains 8.21) Cette perspective conduit à la fois à respecter et préserver cette terre destinée aussi au salut, et à éviter toute idolâtrie de la nature, qu’on retrouve dans certaines postures écologistes extrêmes.

Conclusion

Oui, l’espérance chrétienne est pertinente aujourd’hui. Laissons-la nous rejoindre… et nous surprendre !

Mais quand l’espérance chrétienne est réduite à un ensemble de doctrines ou à un schéma eschatologique, elle n’est plus capable de nous surprendre. Dans la perspective biblique, l’espérance est une personne. C’est l’enfant et le berger dont parle Michée. C’est Jésus-Christ dont parle les évangiles.

Se laisser surprendre par notre espérance, c’est laisser le Seigneur nous rejoindre sur notre chemin, comme il l’entend… et non comme nous le voudrions. Car sinon, on risque bien de manquer les rendez-vous que le Seigneur nous fixe, comme tant de contemporains de Jésus qui n’ont pas su voir devant leurs yeux s’accomplir leur espérance.

Oui, l’espérance chrétienne est pertinente aujourd’hui. Et ce temps de Noël est propice à le rappeler, particulièrement dans le contexte agité qui est le nôtre.

Se préparer à l’action de Dieu

Le temps de l’Avent, c’est le temps de l’attente. Attente des vacances, attente des fêtes, parfois avec appréhension, comme le rappelait Vincent dimanche dernier. Mais il y aussi une autre dimension : en nous préparant à fêter la venue de Dieu parmi les hommes, en Christ, il y a plus de 2000 ans, nous nous rappelons que Dieu n’est pas au bout de son œuvre et que nous sommes encore dans l’attente. Encore aujourd’hui, nous attendons que Dieu nous restaure, qu’il agisse dans notre vie, et, plus loin, qu’il bâtisse ce monde juste et paisible qu’il s’est fixé comme but. Nous attendons que Dieu révèle son salut. Car il n’y a que Dieu qui peut sauver, relever, guérir profondément.

Vincent nous rappelait que même dans cette attente intérieure, Dieu est actif. Par son Esprit en nous, il nous prépare et nous inspire. Mais quelle est notre part ? Le texte proposé aujourd’hui nous permet de zoomer sur cette part qui est la nôtre. C’est un extrait de l’Evangile de Luc, c’est-à-dire la biographie que Luc écrit sur Jésus, et après avoir raconté la naissance de Jean (le cousin de Jésus) et de Jésus, il nous transmet la prédication de Jean le Baptiste qui à sa façon prépare le moment où Jésus va parcourir les routes et annoncer le salut de Dieu.

Texte biblique: Luc 3.1-6

1 C’était la quinzième année du règne de l’empereur Tibère ; Ponce-Pilate était gouverneur de Judée, Hérode régnait sur la Galilée et son frère Philippe sur le territoire de l’Iturée et de la Trachonitide, Lysanias régnait sur l’Abilène, 2 Hanne et Caïphe étaient grands-prêtres.

La parole de Dieu se fit alors entendre à Jean, fils de Zacharie, dans le désert. 

On voit l’historien méthodique ! Luc nous donne tout le contexte politique et religieux du moment où Jean a reçu ce qu’il devait transmettre au nom de Dieu. Tibère, c’est l’empereur romain de l’époque, un empereur qui frise la cruauté dans ses dernières années. Ponce-Pilate est son émissaire à Jérusalem et sa région, tandis que les autres régions d’Israël sont gouvernées par des Juifs acoquinés avec le pouvoir romain. Israël est sous domination étrangère : le contexte paraît peu favorable à ce que Dieu agisse. C’est même un contexte d’opposition : Hérode fera tuer Jean, Ponce-Pilate & les grands-prêtres juifs feront condamner et crucifier Jésus quelques années plus tard.

Pour nous la situation est différente, mais nous paraît aussi peu favorable pour que Dieu agisse. Que ce soit sur le plan politique, spirituel, économique, moral, dans l’ambiance de peur actuelle ou de scepticisme global, nous pouvons avoir l’impression qu’il y a des murs devant nous, devant Dieu, et que Dieu aura du mal à se frayer un chemin dans notre société.

Et pourtant, Dieu se révèle dans ce temps-là. C’est à ce moment-là qu’il adresse sa parole à Jean, une parole que Jean est appelé à relayer largement, à claironner à qui veut l’entendre, une parole qui prépare les gens à accueillir Jésus. Et c’est dans ce contexte-là que Jésus va commencer à parler de Dieu, à enseigner, à guérir, à sauver…

Mais remarquez où se trouve Jean lorsque Dieu lui adresse la parole : dans le désert. Le désert est un endroit où Dieu aime parler – un endroit où il y a peu de distractions, où généralement on se tient prêt à écouter Dieu. C’est dans le désert que Dieu a donné sa loi à Moïse par exemple. Mais ce qui compte c’est moins le lieu que l’attitude de celui qui écoute : Jean dans le désert s’est rendu disponible à Dieu.

Dans le brouhaha qui nous entoure, dans notre brouhaha intérieur – nos préoccupations, nos activités – comment nous rendons-nous disponibles à Dieu ? Nous aurons du mal à aller au désert… mais au quotidien, comment créons-nous l’espace pour nous mettre à l’écoute de Dieu ? Est-ce que c’est un temps de prière après le petit-déjeuner ? Ou dans la voiture ? Une lecture biblique avec le café ou la tisane ? Comment nous préparons-nous à écouter Dieu ?

3 Jean se mit à parcourir toute la région voisine de la rivière, le Jourdain. Il lançait cet appel : « Changez de comportement, faites-vous baptiser et Dieu pardonnera vos péchés. »

4 Ainsi arriva ce que le prophète Ésaïe avait écrit dans son livre : « Un homme crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, faites-lui des sentiers bien droits ! 5 Toute vallée sera comblée, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les courbes de la route seront redressées, les chemins en mauvais état seront égalisés.

6 Et tout le monde verra le salut accordé par Dieu. »

Dieu n’a pas seulement parlé à Jean pour lui-même mais il l’envoie proclamer le besoin de se préparer à l’action de Dieu. Qu’annonce donc Jean ? Changez de comportement (parfois traduit par « Repentez-vous / Convertissez-vous ») et faites-vous baptiser – alors Dieu vous pardonnera vos péchés. La citation du prophète Esaie vient en renfort : faites des sentiers bien droits, et tout le monde verra le salut de Dieu. Quand on parle de pardon des péchés, de salut, quelle réalité est derrière ? Ce n’est pas seulement une absolution ! Mais une réconciliation. Ce que Dieu désire, c’est nous appeler ses enfants. Mais le mal que nous commettons, nos erreurs, nos fautes, nos mensonges, nos déviations, tout cela nous éloigne de lui et nous empêche de vivre librement avec lui.

Quand quelqu’un vous a blessé, ou que vous avez blessé quelqu’un, même si vous regrettez le froid qui s’ensuit, votre relation ne pourra pas être restaurée tant que celui qui a blessé l’autre ne demande pas pardon. Alors souvent, demander pardon ne nous demande pas grand-chose, à part de passer sur notre orgueil. Mais imaginez que vous avez brûlé la maison de quelqu’un, ou que vous avez renversé son enfant… Il faudra payer des dommages & intérêts ! La Bible nous dit que c’est Jésus qui paie nos dommages et intérêts envers Dieu, pour que la seule part qui nous reste ce soit de demander pardon. De nous tourner vers Dieu.

A ce moment-là, Jean-Baptiste ne sait pas que c’est son cousin, Jésus, qui portera notre salut, ni comment il le rendra possible. Mais il sait que Dieu veut nous sauver et nous pardonner. Et il sait que nous devons nous tourner vers lui pour que ce soit possible.

« Changez de comportement / convertissez-vous / repentez-vous » : ce n’est pas le changement pour le changement. Ce n’est pas non plus passer son temps à s’auto-flageller ! Non, c’est se tourner vers Dieu, nous rendre humblement disponible, mettre de côté notre orgueil et notre fierté pour recevoir une nouvelle chance.

Et dans ce mouvement, quand nous nous tournons vers Dieu, nous nous détournons forcément de quelque chose. Pour accueillir, nous abandonnons forcément autre chose. C’est le mouvement de la conversion : en croyant en Jésus, nous abandonnons d’autres croyances – l’athéisme, le matérialisme, certaines images de la divinité, certaines images de notre façon d’être aimé de Dieu, certaines conceptions du bonheur [cf. tém blabla Taizé ?]. Nous abandonnons certaines pratiques parce que nous nous rendons compte qu’elles ne sont pas compatibles avec ce que Dieu veut vivre avec nous – des fausses libertés, des addictions, des comportements qui nous avilissent… Nous faisons de la place en nous et dans notre vie, pour que Dieu agisse.

Mais que fait-on après ? Est-ce que c’est fini ? Dans plusieurs de ses lettres aux églises, l’apôtre Paul suggère que ce mouvement, ce changement, cette transformation, implique constamment de notre part un abandon et un accueil (Rm 12.1-2, Ep 4.22-24, Col 3.9-10) – l’abandon de ce qui nous éloigne de Dieu, l’accueil de ce que Dieu désire pour nous. Constamment, nous sommes appelés à faire de la place – comme à la maison ! Pour garder une maison où l’on peut circuler agréablement et inviter facilement, il faut régulièrement trier, jeter, ranger, remplacer. Le grand ménage de l’emménagement ne suffit pas ! Dans notre vie aussi, pour accueillir Dieu, le ménage nous attend ! Il y a les déchets encombrants : la débauche, la malhonnêteté, le vol… Mais il y a aussi les vêtements jetés sur la chaise, les anciennes clefs éparpillées, les papiers qui s’accumulent : rien de grave en soi, mais l’accumulation et la confusion. Qu’est-ce que ce serait dans notre vie ? L’immaturité ? L’indifférence ? l’orgueil, le jugement, le mépris, la dureté de cœur et le refus de pardonner (souvent pour des raisons qu’on trouve très bonnes, mais qui devant Jésus ne tiendraient pas forcément….), la paresse, l’amertume…

Comment faisons-nous le point ? Est-ce que nous osons regarder en face les sentiers tordus de notre cœur – bien souvent nous sentons là où ça coince dans notre vie : est-ce que nous fuyons ou est-ce que nous remettons à Dieu ? Et quand nous n’avons aucune idée de ce qui nous encombre, est-ce que nous osons demander à Dieu de nous montrer ce qui cloche ?

Jean invite à poser un geste d’engagement, à ne pas s’arrêter aux bonnes intentions : pour lui c’est le bain du baptême – avec un sens partiel par rapport au baptême demandé par Jésus. Pour Jean, c’est un geste qui montre concrètement que nous voulons laisser Dieu agir en nous et nous sauver, un appel à l’action pour ne pas en rester aux vœux pieux… Si vous voulez davantage lire la Bible, quelle est votre stratégie ? Un moment bien défini, une alarme, une application ? Si vous voulez renoncer au jugement, comment allez-vous le mettre en pratique ? S’il reste des conflits dans votre vie, à qui irez-vous demander pardon ?

Ces décisions, ces gestes, ça ne veut pas dire que nous allons nous sauver nous-mêmes ! Mais que nous nous ouvrons à l’action de Dieu dans notre vie, avec humilité, conscients que nous avons toujours besoin de lui pour devenir l’homme ou la femme qu’il veut que nous soyons. Parce qu’après tout, c’est Dieu qui comble les vallées de nos blessures, qui abaisse les montagnes de notre suffisance, qui redresse les courbes de nos fonctionnements tordus, qui égalise les chemins que nous prenons, afin que nous puissions marcher avec assurance et joie dans sa présence. Alors dans la conviction que Dieu peut agir dans toutes les situations, dans l’espérance du salut qu’il a accompli en Christ, tournons-nous humblement vers Dieu et laissons-le nous transformer. Il le fera !