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Le Dieu de grâce

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Lecture biblique : Exode 34.1-9

Le Dieu de l’Ancien Testament est-il différent du Dieu du Nouveau Testament ? C’est ce qu’on entend parfois… Celui de l’Ancien Testament serait sévère, à la justice implacable, un Dieu saint qu’il faut craindre. Celui du Nouveau Testament serait grâce, bonté, patience, un Dieu que l’on peut aimer.

Avouons que parfois on porte un regard distant et critique sur l’Ancien Testament. On a en tête les paroles du prologue de l’évangile selon Jean : « La loi a été donnée par Moïse, mais la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ » (Jean 1.17). On pense à Paul, dans ses épîtres, qui oppose la loi et la grâce. Mais on oublie qu’il le fait en argumentant à partir de l’Ancien Testament, et de l’exemple d’Abraham en particulier.

Non, le Dieu de l’Ancien Testament n’est pas différent du Dieu du Nouveau Testament ! Le SEIGNEUR, dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament, est le Dieu de grâce. La preuve ici : « Je suis le SEIGNEUR. Oui, je suis un Dieu de pitié et de tendresse. Je suis patient, plein d’amour et de fidélité. » (v.6) Certes, la justice de Dieu se manifeste dans ce texte… mais c’est bien une justice marquée par la grâce !

La grâce accorde toujours une nouvelle chance

La grâce de Dieu se manifeste dès la première parole du Seigneur dans notre texte : « Taille deux tablettes de pierre, comme celles que tu as cassées. J’écrirai sur elles les paroles qui étaient sur les premières. »

Dieu accorde un nouvelle chance au peuple d’Israël. Les tablettes sur lesquels il avait inscrit ses 10 paroles ont déjà été gravées une fois… mais elles avaient été brisées par Moïse, suite à l’épisode du veau d’or. Impatient et ne voyant pas Moïse redescendre de la montagne où il était aller rencontrer Dieu, le peuple d’Israël avait alors fondu tout l’or qu’ils avaient pu récolter et avait façonné un veau en or en disant : « Voici ton Dieu qui t’a fait sortir d’Egypte » ! En voyant cela, en colère, Moïse brisa les tablettes de pierre.

Ça aurait pu être la fin de l’alliance de Dieu avec son peuple. Il n’en est rien. Le Seigneur redonne une chance au peuple d’Israël. Il demande à Moïse de retailler des tablettes et il écrira à nouveau ses 10 paroles, la charte de l’alliance.

Dieu est bien plus patient que le peuple d’Israël ! Il est bien plus patient que Moïse ! « Je supporte les fautes, les révoltes et les péchés. » (v.7) La patience est une des premières marques de la grâce. Et l’on voit bien, tout au long de l’histoire biblique, combien Dieu s’est montré patient avec son peuple, malgré ses errances, ses infidélités. Un peuple à la tête dure, comme le dit Moïse ! Et combien il se montre encore patient avec nous, je n’en doute pas… nous qui, aussi, avons souvent la tête dure.

Que se passerait-il si Dieu ne nous laissait jamais de nouvelle chance ? S’il n’avait aucune patience envers nous ? Si la moindre faute était immédiatement sanctionnée… Nul doute que cette église serait vide !

Et nous qui sommes au bénéfice de la grâce et la patience de Dieu, de quelle patience faisons-nous preuve envers nos prochains ? Savons-nous leur donner une nouvelle chance ou les enfermons-nous dans une sanction, un jugement ? Quelle est la mesure de grâce dans notre vie, nos relations ?

La grâce prend le péché au sérieux

Dans ses paroles adressées à Moïse, Dieu se présente comme un Dieu plein de grâce et de patience… Pourtant, il parle aussi du péché et du coupable qu’il ne déclare pas innocent. Mais la grâce prend au sérieux le péché. D’ailleurs, s’il n’y a pas de péché, il n’y a pas besoin de grâce !

« Je supporte les fautes, les révoltes et les péchés. Mais le coupable, je ne le déclare pas innocent. J’agis contre celui qui a péché, contre ses enfants jusqu’à la troisième ou la quatrième génération. »

La formule peut étonner, voire choquer. Mais il y a d’abord ici une question de proportion. 3 ou 4 générations contre 1000 ! Une génération, c’est quoi, 25 ans ? 3 ou 4 générations, c’est de l’ordre d’un siècle… Mais 1000 générations, ça fait 25000 ans. L’histoire de Moïse date de moins de 4000 ans par rapport à aujourd’hui… ça nous laisse 21000 ans de marge !!!

Evidemment, ce ne sont pas des nombres à prendre de façon littérale ! Mon petit calcul veut juste souligner que la bienveillance et la grâce de Dieu dépassent infiniment son jugement. On retrouve un peu ici ce que Paul appelle la surabondance de la grâce de Dieu, qui couvre le péché : « Là où le péché a proliféré, la grâce a surabondé ». (Romains 5.20)

Mais le péché lui-même doit être pris au sérieux : « le coupable, je ne le déclare pas innocent. » Il a des conséquences, qui s’étendent parfois sur plusieurs générations. Pas besoin ici de tomber dans l’écueil du péché des ancêtres dont il faudrait se repentir… Il s’agit probablement de considérer l’impact, les conséquences du péché au-delà de celui qui les commet. Et lorsque notre texte parle de trois ou quatre générations, il souligne la gravité possible de cet impact. Ce que je fais, mes choix de vie, mes actions, ne me concernent pas seulement moi mais affectent aussi ceux qui m’entourent, parfois au-delà de ce que j’imagine.

Il faut prendre le péché au sérieux pour prendre la grâce au sérieux ! Dieu ne nous aime pas parce que nous sommes aimables… Il nous aime malgré le fait que nous ne le sommes pas ! Il nous aime parce qu’il nous a créé. Il nous aime malgré notre péché, notre infidélité, malgré notre tête dure ! Et il vient à notre rencontre même si nous nous éloignons de lui. C’est cela la grâce.

Il demande à Moïse de refaire les tablettes de pierre. Il fait revenir Juda de son exil à Babylone. Il envoie son Fils dans un monde qui le rejette et le crucifie. Il vient à notre rencontre et nous appelle. Il continue de cheminer avec nous, malgré les détours et les impasses dans lesquelles nous nous engageons.

La grâce répond à nos besoins

Ce qui est aussi intéressant dans notre texte, c’est la réaction de Moïse.

« Seigneur, puisque tu te montres bon pour moi, je t’en prie, viens avec nous ! Je le sais, ces gens ont la tête dure. Mais pardonne nos fautes et nos péchés, et considère-nous comme ton peuple ! » (v.8-9)

Il a compris ce qu’est la bonté de Dieu. Et il la reçoit d’abord pour lui-même : « tu te montres bon pour moi. » Il est aussi conscient des limites de son peuple et en est solidaire. Il dit que le peuple a la tête dure mais il demande aussi à Dieu : « pardonne NOS fautes et NOS péchés… » En réalité, cette dernière phrase pourrait aussi être traduite au futur, c’est ce que font la plupart des versions françaises, comme une affirmation de foi : « Tu pardonneras nos fautes et nos péchés, et tu nous considéreras comme ton peuple. »

C’est comme si Moïse disait ici au SEIGNEUR : c’est bien d’un Dieu comme toi dont nous avons besoin. Parce que nous avons la tête dure, nous avons besoin d’un Dieu qui pardonne et qui fait grâce ! La version Parole de Vie traduit « ces gens ont la tête dure », mais littéralement, c’est un peuple « à la nuque raide ». Autrement dit, un peuple qui ne veut pas baisser la tête, qui refuse de se soumettre. Un peuple qui n’en fait qu’à sa tête… même s’il fonce droit dans le mur.

La grâce de Dieu est bien ce dont nous avons besoin ! Parce que nous avons aussi souvent la nuque raide. C’est une grâce par laquelle Dieu nous promet le pardon, et par laquelle il nous considère comme ses enfants. Une grâce aussi par laquelle il pourra, petit à petit, nous transformer. Assouplir notre nuque. Changer notre cœur. Nous rendre à notre tour plein de grâce pour les autres.

Conclusion

Il faut le dire clairement : le Dieu de l’Ancien Testament n’est pas différent du Dieu du Nouveau Testament ! C’est le même Dieu de grâce qui veut nous sauver, toujours prêt à nous donner une nouvelle chance. Sa grâce est bien ce dont nous avons besoin, aujourd’hui comme hier, et pour demain encore. Elle seule nous garantit le pardon de Dieu et peut transformer notre vie pour que nous soyons aussi des artisans de grâce au quotidien.

Le chemin, la vérité et la vie

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Lecture biblique : Jean 14.1-11

Au cœur de ce texte nous trouvons une des paroles les plus connues de Jésus : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. » Une affirmation massive, absolue, fondatrice. Mais qui pourrait sonner à nos oreilles comme plutôt intolérante voire extrémiste ! Est-ce le cas ?

Comme toujours, il est important de ne pas isoler une parole de son contexte. Les chapitres 14-17 constituent les dernières paroles de Jésus à ses disciples, avant son arrestation. Elles ont une importance particulière et se terminent avec sa grande prière dite « sacerdotale ». Jésus sait que la séparation approche et que ce sera un moment difficile pour ses disciples. Alors il se veut rassurant : « Ne soyez pas inquiets… ». Et il évoque sa mort prochaine de façon imagée, en parlant de maison, de chambres, de chemin. Il s’en va mais il va leur préparer une place auprès de Dieu.

Mais deux disciples vont s’exprimer et témoigner du désarroi de l’ensemble du groupe, de leur difficulté à comprendre ce que Jésus leur dit. C’est d’abord Thomas qui dit à Jésus : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment est-ce que nous pourrions connaître le chemin ? » C’est ensuite Philippe qui dit à Jésus : « Montre-nous le Père ». Et là, une pointe d’agacement semble marquer la réponse de Jésus : « Philippe, je suis avec vous depuis si longtemps, et tu ne me connais pas ? Celui qui m’a vu a vu le Père. »

Et au milieu, il y a cette fameuse parole de Jésus. Aux deux questions des disciples, il y a une seule réponse de Jésus : « Je suis le chemin, la vérité et la vie ».

Ce ne sont pas trois affirmations différentes mais bien une seule. Jésus est le chemin parce qu’il est la vérité et la vie. Il est lui-même le chemin qui mène à Dieu, parce qu’il est l’incarnation de la vérité de Dieu, Dieu fait homme, et par lui la vie même de Dieu est offerte à tous.

Le chemin

Au début, quand Jésus évoque le chemin par lequel il doit passer, il pense à sa mort et sa résurrection. C’est ce chemin-là qu’il s’apprête à emprunter, et c’est par ce chemin-là qu’il peut nous préparer une place auprès de Dieu. On sait que plusieurs fois Jésus en a parlé à ses disciples, et on sait aussi qu’ils avaient du mal à le comprendre.

Mais dans un deuxième temps, quand Jésus dit « Je suis le chemin » il ne parle plus seulement du chemin qu’il va emprunter mais celui qu’il incarne, et c’est toujours lié à sa mort et sa résurrection. Jésus est pour nous le chemin parce que sa mort et sa résurrection est notre chemin de salut.

D’une certaine façon, on pourrait dire tout simplement que le chemin dont parle Jésus, c’est le salut. Notre salut, c’est Jésus-Christ, par sa mort et sa résurrection ! C’est par lui que nous pouvons être sauvé, c’est dans la communion avec sa mort et sa résurrection que nous avons une place auprès de Dieu. Il est d’ailleurs intéressant de noter que dans le livre des Actes (19.9), l’Evangile prêché par Paul est appelé « la voie » (ou le chemin, c’est le même mot grec que dans Jean 14.6).

L’image du chemin pour évoquer le salut est parlante pour des disciples qui se mettent en marche à la suite du Christ. On peut souligner au moins trois aspects de la métaphore :

Il y a d’abord la mise en marche, le choix de s’engager sur le chemin. On peut très bien refuser de le faire et rester sur le bord du chemin, regarder passer les autres… Ou alors on se lance, on répond à l’appel du Christ et on démarre l’aventure de la foi. On n’est pas d’office sur le chemin… il faut le vouloir.

Il y a ensuite le cheminement. Depuis Abraham, le croyant est un nomade, toujours en mouvement. Comme les disciples qui suivaient Jésus. Le danger de la vie chrétienne, c’est la sédentarité spirituelle. Je ne parle pas de l’attachement à une Eglise locale, qui est tout à fait légitime et même important. Je pense plutôt au danger de s’installer, du confort de nos habitudes, de notre routine, de nos amis chrétiens qui pensent comme nous… On se fabrique un petit cocon confortable qui nous enferme et nous endort alors que nous devons restés ouverts et éveillés !

Il y a enfin l’objectif. Le chemin mène quelque part, il y a une destination. On ne part pas à l’aventure dans la jungle, à l’aveugle en terrain inconnu. Il y a une espérance qui nous guide. Et elle est bien fondée sur le Christ, qui a lui-même emprunté pour nous le chemin de la mort et de la résurrection.

La vérité

Jésus est aussi la vérité. Il est l’incarnation de la vérité de Dieu, il est Dieu fait homme : « Je vis dans le Père, et le Père vit en moi. »

L’idée était déjà présente dans le prologue de l’évangile selon Jean :

14 La Parole est devenue un homme, et il a habité parmi nous. Nous avons vu sa gloire. Cette gloire, il la reçoit du Père. C’est la gloire du Fils unique, plein d’amour et de vérité.
(…)
17 Dieu nous a donné la loi par Moïse, mais l’amour et la vérité sont venus par Jésus-Christ. 18 Personne n’a jamais vu Dieu. Mais le Fils unique, qui est Dieu et qui vit auprès du Père, nous l’a fait connaître.

Lorsque Jésus dit qu’il est la vérité, c’est une affirmation absolue quant à lui mais relative quant à nous.

Elle est absolue quant à lui parce qu’il est le Fils de Dieu. Jésus-Christ n’est pas une vérité parmi d’autres. Il est la vérité. Parce qu’il est Dieu et Dieu est, par définition, absolu ! Bien-sûr, une telle affirmation peut déranger voire choquer. Elle peut paraître intolérante… mais elle est bien au cœur de l’Evangile et nous l’accueillons dans la foi.

Ceci dit, nous ajoutons tout de suite que cette vérité est relative quant à nous parce que nous n’en sommes que les témoins, pas les détenteurs. La vérité n’est pas une doctrine ou une confession de foi. Elle est une personne : Jésus-Christ. Nos doctrines et nos confessions de foi s’efforcent de mettre des mots sur la vérité du Christ, et le Seigneur nous y aide par sa Parole. Mais ce ne sont que des vérités relatives à la vérité absolue du Christ.

Personne ne peut prétendre être détenteur de la vérité ! On ne peut pas mettre la main sur la vérité parce qu’on ne peut pas mettre la main sur le Christ ! Et il me semble que notre posture de disciple du Christ doit être moins celle de défenseurs de la vérité que de chercheurs de la vérité. Notre quête de vérité ne peut être assouvie que dans la relation avec le Christ, une relation vivante et sans cesse renouvelée.

La vie

On comprends donc pourquoi Jésus dit enfin qu’il est la vie. La vie, c’est la conséquence de tout ce qui précède, c’est parce qu’il est le chemin et la vérité qu’il est aussi la vie. Parce qu’il est celui qui nous conduit à Dieu et qu’il est Dieu lui-même, Jésus-Christ nous fait partager la vie même de Dieu. Cela aussi était déjà dans le prologue de l’Evangile selon Jean :

« A ceux qui croient, la Parole a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. Et ils sont devenus enfants de Dieu en naissant non par la volonté d’un homme et d’une femme, mais de Dieu. » (Jean 1.13-14)

Il faut donc bien le comprendre, Jésus ne promet pas simplement à ses disciples la vie après la mort. La vie éternelle dont par l’Evangile, c’est bien plus que cela ! C’est la vie de Dieu, que nous partageons dès aujourd’hui, une vie nouvelle qui découle de la relation avec Dieu, par le Christ. La vie éternelle, ce n’est pas seulement une garantie face au jugement à venir, une promesse pour demain, ou après-demain. C’est une assurance pour aujourd’hui, celle de l’amour de Dieu qui nous accompagne.

Cette vie-là, elle découle de notre relation avec Dieu. Elle ne peut pas provenir d’un chemin qui serait une tradition ou un rite, ni d’une vérité qui serait un doctrine. Elle vient du Saint-Esprit qui vient habiter en nous, ce « fleuve d’eau vive » dont parle Jésus en Jean 7. Les traditions, les rites, les doctrines, les théologies, la Bible elle-même, tout cela ne sont que des outils au service d’une relation vivante et authentique, par la foi, avec le Christ. C’est là que se trouve la vie !

Conclusion

« Je suis le chemin, la vérité et la vie ». Cette parole est-elle trop absolue et intolérante ? Pas si on la comprend bien…

Jésus est le chemin, par sa mort et sa résurrection. Mais c’est à nous de nous engager aujourd’hui sur ce chemin par la foi.

Jésus est la vérité, parce qu’il est Dieu fait homme. Mais c’est à nous de sans cesse chercher cette vérité, la (re)découvrir, sans jamais prétendre la détenir.

Jésus est la vie, parce qu’il nous remplit de son Esprit vivifiant. Mais c’est à nous de le laisser nous remplir en nous abreuvant sans cesse à la source de son amour.

Ainsi, cette parole forte et absolue de Jésus-Christ est avant tout une invitation à la rencontre, à répondre à son appel et le suivre, dès aujourd’hui. Car c’est aujourd’hui déjà, et pas seulement demain ou après-demain, que nous pouvons expérimenter qu’il est pour nous, le chemin, la vérité et la vie.

Faire route avec Jésus

 

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Lecture biblique : Luc 24.13-35

Mais que faisaient donc ces deux disciples sur le chemin d’Emmaüs ? Pourquoi ne sont-ils pas avec les autres, qui sont à Jérusalem, et qu’ils retrouveront d’ailleurs à la fin du récit ? Tout ce qu’on sait c’est qu’ils parlaient, en chemin, de tout ce qui s’était passé à propos de Jésus. A propos de sa mort, évidemment. Leur situation, isolés sur le chemin, traduit peut-être leur désarroi. Ils sont un peu perdus…

En tout cas, on ne connaît presque rien d’eux. On ne donne le nom que de l’un d’entre eux, Cléopas. On sait qu’ils ne faisaient pas partie des Onze mais appartenaient au cercle plus large des disciples. Ce n’est pas un hasard si Luc ne nous en dit pas plus. Nous pouvons ainsi nous identifier à eux… Ces disciples, ça peut être vous, ou moi. Sur le chemin de notre vie. Peut-être dans la doute, le désarroi, l’interrogation… Jésus vient et fait route avec nous !

1. Jésus fait route avec nous… mais on ne s’en rend pas toujours compte

Au cœur de ce récit, il y a un paradoxe : les deux disciples se lamentent de la mort de Jésus… mais c’est devant Jésus lui-même qu’il le font. Ils sont dans le désarroi, voire le désespoir, parce que Jésus est mort : ça fait trois jours que leur maître, en qui ils espéraient tant, a été crucifié ! Alors ils s’en ouvrent à cet homme qu’ils croisent sur le chemin et qui semble ne pas connaître la nouvelle qui pourtant fait le buzz, comme on dirait aujourd’hui. Alors ils évoquent leur maître, la puissance de son enseignement, les miracles qu’il a accompli. Et puis ils parlent du complot fomenté par les chefs religieux contre lui, qui a conduit à sa mort sur une croix. Et enfin, ils lui font part de leur désarroi aujourd’hui, leurs espoirs déçus… Même si quelques femmes de leur groupe ont eu des paroles étranges, prétendant avoir vu que le corps de Jésus avait disparu et des anges leur dire que Jésus était ressuscité. Mais personne ne les croit vraiment… Sans doute leur émotion les a égaré.

Cette discussion, sur le chemin, a dû prendre du temps. Ils parlent à cet homme… et ils ne se rendent pas compte que c’est justement celui dont ils pleurent la mort qui marche avec eux. Leur désarroi pourrait se changer en formidable espérance si seulement ils réalisaient à qui ils sont en train de parler… mais ils ne le comprennent pas. Ils voient Jésus mais quelque chose les empêche de le reconnaître.

Qu’est-ce que ce « quelque chose » ? Leur tristesse ? Leur désespoir ? Leur manque de foi ? Ou bien est-ce Jésus qui a changé d’apparence ?

Toujours est-il que Jésus fait route avec eux… et ils ne s’en rendent pas compte. Et c’est là que nous pouvons, d’une certaine manière, nous retrouver dans ces deux disciples. Ne sommes-nous pas, parfois, voire souvent, dans la même situation qu’eux ? Ne peut-on pas dire que Jésus fait route avec nous… et que nous ne nous en rendons pas toujours compte ?

Alors qu’est-ce qui nous empêche, aujourd’hui, de voir Jésus ? Ça peut être, parfois, nos tristesses et nos désarrois, nos épreuves et nos doutes. C’est peut-être aussi parfois le fait que Jésus n’est pas là où nous croyons qu’il devrait être. Nos certitudes ou nos a priori aussi nous empêchent de le voir.

2. Jésus est compris à travers les Écritures

Pour répondre au désarroi des deux disciples, Jésus leur explique alors les Écritures. Il leur montre comment la Bible, de Moïse aux prophètes, annonçait les souffrances et la gloire du Messie. Autrement dit, sa mort et sa résurrection. Il faut cet éclairage biblique pour comprendre que Jésus est le Messie, et pour que ces deux disciples arrivent à sortir de leur désarroi et reconnaître leur maître.

« Oui, il y avait comme un feu dans notre cœur, pendant qu’il nous parlait sur la route et nous expliquait les Livres Saints ! » (v.32)

Ce que Luc veut nous dire ici, c’est que Jésus peut être compris à travers les Écritures. La Bible éclaire la personne et l’oeuvre de Jésus. Elle en fait plus qu’un personnage de l’histoire, crucifié en Palestine il y a deux mille ans. Elle le désigne comme le Messie, le Sauveur du monde.

Il y a un projet de Dieu pour les humains, qui se révèle petit à petit dans la Bible. Un grand mouvement qui part d’Abraham, passe par Moïse, puis David. Un projet qui est précisé et développé dans les écrits des prophètes. Tout l’Ancien Testament conduit au Messie. Et tout le Nouveau Testament rend témoignage à Jésus comme le Christ, le Messie. Il y a une cohérence globale, une révélation qui alimente notre foi.

Cela signifie que les Écritures sont incontournables pour notre foi. Il ne faut pas croire que nous pouvons faire l’économie de la méditation de la Bible dans notre vie chrétienne. Lorsque Jésus lui-même a voulu expliquer ce qui le concernait, il a lu les Écritures ! Comment pourrions-nous nous en dispenser ?

Alors je sais, tout le monde n’aime pas lire… et on dit qu’on lit de moins en moins. Mais est-ce vraiment le cas ? Une enquête récente sur les Français et la lecture1 révèle que 90% des Français sont des lecteurs, au moins un peu. Et 48% lisent tous les jours ou presque. Bien-sûr, on parle de tous les supports, papier ou numérique, et de tous les contextes, y compris les lectures « obligatoires » pour les études ou le travail. Il n’empêche… la lecture reste une activité largement partagée.

Alors la question est toujours légitime : quelle place la lecture de la Bible a-t-elle dans notre vie ? Car, nous pouvons le dire, un chrétien qui perd contact avec la Bible est un chrétien qui perd contact avec le Christ.

3. Jésus se révèle… mais reste insaisissable

Finalement, les deux disciples vont reconnaître Jésus. C’est au moment où ce dernier rompt le pain et le partage avec eux que leurs yeux s’ouvrent. Alors qu’il sont assis, à table, pour le repas. Dans l’intimité. Après qu’ils aient pu dire leur désarroi, vidé leur sac. Après qu’ils aient entendu Jésus leur expliquer les Écritures à son sujet. Mais, dès qu’ils le reconnaissent, il disparaît.

Les deux disciples sont toutefois transformés. Aussitôt, ils repartent pour Jérusalem, annoncer la bonne nouvelle aux autres. Une bonne nouvelle qui, d’ailleurs, les a précédé ! Les témoignages se succèdent. Peu importe s’il est tard, peu importe le chemin déjà parcouru dans la journée. Peu importe que Jésus ait disparu devant leurs yeux. Ils savent désormais que Jésus est ressuscité.

Il me semble que nous pouvons tirer une double leçon de ce dénouement du récit. D’abord, c’est dans l’intimité que Jésus se révèle, de façon personnelle. Et cette révélation nous transforme profondément. Si la Bible nous permet de comprendre qui est Jésus, il faut encore franchir une étape supplémentaire. Celle de la foi, qui est une expérience personnelle et intime, et qui se nourrit de l’intimité avec le Christ.

Mais la révélation personnelle de Jésus ne signifie pas que nous le possédions. Il échappe à notre contrôle. Il reste insaisissable. Mais ce n’est pas parce qu’on ne le voit pas qu’il n’est pas vivant. Jésus-Christ est ressuscité et il continue à faire route avec nous. Nous ne sommes plus jamais seuls sur notre chemin. Mais nous avons sans cesse à le chercher, à l’accueillir dans notre intimité, à nous laisser surprendre par lui sur notre chemin.

Conclusion

Où que vous soyez dans votre cheminement spirituel, Jésus s’approche et fait route avec vous. Peut-être en avez-vous pleinement conscience et êtes-vous animés de la même joie que celle des disciples courant à Jérusalem annoncer à tous la bonne nouvelle. Peut-être êtes-vous plutôt comme les disciples au début du récit, incapable de voir Jésus à côté de vous, pour différentes raisons. Cela ne l’empêche pas d’être là…

Car Jésus fait route avec nous. Il a toujours la patience de nous écouter, le souci de se révéler à nous. A nous de prendre le temps de l’accueillir à notre table, d’apprendre à le voir par la foi.

Être une bonne pâte

 

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Lecture biblique : 1 Corinthiens 5.6-8

Quelques mots d’abord sur le contexte de ce passage, essentiel pour bien le comprendre. Ces versets arrivent après des remontrances sévères de l’apôtre Paul à l’encontre des chrétiens de Corinthe. Il leur reproche de tolérer en leur sein des comportements inacceptables pour des chrétiens : « On entend dire partout que, chez vous, certains ont une vie immorale. Et leur façon de vivre est si mauvaise qu’on ne la trouve même pas chez ceux qui ne connaissent pas Dieu ! » (v.1). En l’occurrence, les reproches de Paul concernent surtout des questions de mœurs. Et le pire, c’est que non seulement ils s’en accommodent mais ils en viennent presque à en être fiers ! Ils ne sont sans doute pas fiers des comportements eux-mêmes mais de leur soi-disant liberté, de leur grande « spiritualité » qui les placent bien au-dessus de tout cela… Du coup, j’aime bien la façon dont la NBS traduit le verset 6 : « Il n’y a pas de quoi être fiers ! »

Dans la suite du chapitre, Paul précise une recommandation qu’il avait déjà faite dans une lettre précédente et qui, visiblement, avait été mal comprise. Il ne s’attend pas bien-sûr à ce que l’Église de Corinthe, comme n’importe quelle Église d’ailleurs, deviennent une communauté de purs, coupés du monde. Paul ne veut surtout pas que l’Église sorte du monde, sinon comment les croyants pourront-ils être témoins du Christ ? Il veut simplement qu’il y ait une cohérence entre leur foi et leur vie. On ne peut pas justifier ou tolérer n’importe quoi dans l’Église : « N’ayez pas de contact avec celui qui porte le nom de chrétien et qui a une vie immorale. » (v.11)

Venons-en maintenant à notre texte. En arrière-plan de l’argumentation de Paul, il y a des références à l’Ancien Testament qu’il faut bien comprendre. Il évoque la fête juive de la Pâque, qui commémorait la sortie d’Egypte pour le peuple d’Israël, suite à la 10e plaie (la mort des premiers-nés). Au cours de cette fête, et pendant sept jours ensuite, on mange du pain sans levain, en souvenir du départ précipité des Hébreux. On consomme également de l’agneau qui rappelle celui que les Hébreux ont dû sacrifier pour se protéger du jugement de Dieu qui tombait sur l’Egypte, tuant tous les premiers-nés dans les maisons où le sang n’avait pas été répandu sur les portes.

Paul réinterprète ces éléments pour ses lecteurs chrétiens et leur donne un sens symbolique nouveau. Les pains sans levain deviennent l’image d’une vie débarrassée du péché. L’agneau pascal, c’est Jésus-Christ offert en sacrifice. La Pâque que Paul veut que nous fêtions, c’est celle du Christ, celle que célébrons aujourd’hui : la mort et la résurrection de Jésus-Christ. En gardant en vue les conséquences pour notre vie de disciples du Christ.

Dans le prolongement des exhortations de l’apôtre Paul, nous pourrions dire alors que notre vocation de chrétien, c’est d’être une bonne pâte !

Un produit non-fini

D’une certaine façon, l’apôtre Paul nous compare à de la pâte. Et je trouve cette comparaison intéressante ! Une pâte, c’est un matériau à préparer, à malaxer, à travailler… et c’est un produit non-fini. Elle doit être encore cuite pour devenir du pain. Or nous sommes, en tant que croyants, des « produits non-finis », qui devons encore être travaillés par le Seigneur.

La conversion à Jésus-Christ n’agit pas comme un coup de baguette magique qui règle tous nos problèmes, change notre nature profonde et fait apparaître une auréole de sainteté au-dessus de notre tête. Être chrétien, ce n’est pas du tout cuit ! Nous restons une pâte à travailler… et à purifier. Et si nous l’oublions, nous allons être dans le pétrin !

En effet, Paul le souligne, pour être une bonne pâte, il faut d’abord nous débarrasser d’un corps étranger qui pollue toute la pâte : « Enlevez le vieux levain du péché pour devenir purs. Alors, vous serez comme une pâte nouvelle et sans levain, ce que vous êtes déjà. » (v.7)

On comprend bien ce que l’apôtre Paul veut dire en parlant d’enlever le vieux levain. Il parle du chemin vers la sainteté, par lequel nous nous débarrassons petit à petit de tout ce qui nous éloigne de Dieu. C’est ce qu’on appelle parfois la sanctification. Car le « vieux levain » est toujours là. Nos pensées, nos tentations, nos habitudes qui nous éloignent de Dieu, elles sont encore là… Ce n’est pas parce qu’on devient croyant qu’instantanément le péché disparaît en nous !

Il est essentiel que nous soyons conscients d’être des « produits non finis »… Et nous ne pouvons pas nous satisfaire ou nous accommoder de la présence du « vieux levain » en nous. C’est pour cela que Paul fait ses remontrances aux Corinthiens.

Il y a pour nous une exigence de cohérence. Comme le dit Paul au verset 8, on ne peut pas fêter la Pâque avec du pain au vieux levain ! Il ne s’agit pas bien-sûr d’être parfaits et purs, ce serait illusoire… mais d’être engagés sur un chemin de sainteté. D’être en marche à la suite du Christ, et conscient du chemin qui nous reste à parcourir. C’est comme cela que, petit à petit, avec l’aide du Seigneur, nous deviendrons une bonne pâte…

Une nouvelle recette

Il faut donc changer les ingrédients pour devenir une pâte nouvelle, sans levain. C’est une nouvelle recette ! Mais comment faire pour se débarrasser de ce « vieux levain » ? Vous avez déjà essayé de séparer la levure ou le levain de la farine dans une pâte ? C’est impossible ! Aussi impossible que de naître de nouveau… et pourtant c’est bien ce à quoi Jésus appelle Nicodème. C’est impossible pour nous… mais rien n’est impossible à Dieu !

La solution n’est donc pas de nous concentrer sur le « vieux levain » pour essayer de nous en débarrasser. C’est impossible… Il s’agit plutôt de nous tourner vers celui qui nous en délivre. «  Alors, vous serez comme une pâte nouvelle et sans levain, ce que vous êtes déjà. En effet, le Christ a été offert en sacrifice, comme notre agneau de Pâque. » (v.7).

Le Christ est celui qui nous transforme et nous façonne selon une nouvelle recette. Il est en train de le faire. Car voici ce que Paul dit, en substance : Devenez ce que vous êtes déjà ! Et ce que vous êtes déjà, c’est ce que vous êtes grâce à l’oeuvre accomplie par le Christ pour vous. Se débarrasser du « vieux levain » du péché, c’est devenir de plus en plus ce que nous sommes déjà en Christ. C’est vivre la puissance de la résurrection aujourd’hui.

Ainsi, pour nous débarrasser du péché, il ne faut pas nous centrer sur nous-mêmes, sur nos péchés, nos défauts, nos tentations ou nos habitudes. Même si c’est pour les combattre… Il faut nous centrer sur le Christ. Essayer d’extraire par nous-mêmes le levain de la pâte, lutter par nos propres forces contre le mal qui est en nous, c’est se soumettre à des efforts illusoires. Et ça peut même entretenir une fascination morbide et alimenter un sentiment de culpabilité.

Il faut, certes, être conscient de notre péché et de notre besoin de la grâce de Dieu, mais il ne faut pas en être obsédé. Jésus-Christ n’est pas resté sur la croix ou dans le tombeau ! Il est ressuscité. Il a remporté la victoire sur la mort et nous offre une vie nouvelle, faite de grâce et d’espérance.

Devenons donc ce que nous sommes déjà en Christ ! Centrons-sous sur le Christ, sa mort et sa résurrection, son œuvre en nous, sa grâce. Et c’est lui qui ôtera le vieux levain de la pâte, c’est lui qui nous purifiera de tout mal, c’est lui qui travaillera la pâte que nous sommes et nous façonnera à son image.

Le Christ est comme un aimant particulier qui extrait le « vieux levain » de notre pâte. Plus nous nous approcherons de lui, plus nous cultiverons notre intimité avec lui, plus il extraira le levain de notre pâte, le péché de notre vie.

Conclusion

« Fêtons donc la Pâque avec du pain sans levain, avec un cœur pur et sincère. »

Pour nous aujourd’hui, célébrer la Pâque, c’est célébrer le Christ. La Pâque juive, c’est la célébration d’une libération. La fête chrétienne de Pâques, c’est aussi la célébration d’une libération, celle du péché et de la mort, par la résurrection de Jésus-Christ.

Notre responsabilité de disciples du Christ, au quotidien, c’est de le laisser inscrire toujours plus profondément cette libération dans notre vie. C’est le laisser faire de nous de bonnes pâtes, débarrassées du « vieux levain » du péché. Une pâte qu’il pourra travailler et façonner selon son projet, selon la nouvelle recette du Royaume de Dieu.

« Fêtons donc la Pâque avec du pain sans levain, avec un cœur pur et sincère. »

La foi de Marthe

 

https://soundcloud.com/eel-toulouse/la-foi-de-marthe

Le récit de la résurrection de Lazare est extrêmement riche et passionnant. Mais il est un peu long aussi. Je propose donc de nous concentrer sur un moment de ce récit : le dialogue entre Jésus et Marthe, une des sœurs de Lazare.

Mais résumons d’abord en quelques mots l’ensemble de l’épisode. Des messagers viennent avertir Jésus que son ami Lazare est gravement malade. Mais il ne semble pas s’en inquiéter particulièrement : « La maladie de Lazare ne va pas le faire mourir… ». Et il s’attarde encore deux jours. Puis il décide de partir pour la Judée, même si ses disciples s’en inquiètent : la dernière fois, on a voulu le tuer à coup de pierres…

Lorsqu’il arrive à Béthanie, ça fait déjà quatre jours que Lazare est mort et dans le tombeau. Marthe vient à la rencontre de Jésus en dehors de la ville et c’est là qu’elle a un dialogue avec lui que nous lirons et méditerons tout à l’heure. Ce sera ensuite Marie, sa sœur, qui viendra à la rencontre de Jésus. Toutes les deux lui font la même remarque : « Si tu avais été là, notre frère ne serait pas mort ! ».

Alors Jésus, profondément touché, va vers la tombe, demande qu’on enlève la pierre et prie son Père à voix haute. Ensuite il crie : « Lazare, sors de là ! » Et Lazare sort de la tombe, vivant !

Lisons donc le dialogue entre Jésus et Marthe, au milieu de notre récit, lorsque Jésus arrive à Béthanie :

Jean 11.20-27 :
20 Marthe apprend que Jésus arrive et elle part à sa rencontre. Marie reste assise à la maison. 21 Marthe dit à Jésus : « Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort. 22 Mais, même maintenant, Dieu te donnera tout ce que tu lui demanderas, j’en suis sûre. » 23 Jésus lui dit : « Ton frère se relèvera de la mort. » 24 Marthe lui répond : « Oui, je le sais, il se relèvera de la mort quand tous les morts se relèveront, le dernier jour. » 25 Jésus lui dit : « Celui qui relève de la mort, c’est moi. La vie, c’est moi. Celui qui croit en moi aura la vie, même s’il meurt. 26 Et tous ceux qui vivent et qui croient en moi ne mourront jamais. Est-ce que tu crois cela ? » 27 Marthe répond à Jésus : « Oui, Seigneur, je crois que tu es le Messie, le Fils de Dieu, celui qui devait venir dans le monde. »

Ce dialogue a une importance particulière dans la récit de la résurrection de Lazare parce qu’il aboutit à une confession de foi christologique, qui entre en écho avec l’ensemble du récit. En effet, au début du récit, Jésus dit à ses disciples : « La maladie de Lazare ne va pas le faire mourir, mais elle va servir à montrer la gloire de Dieu. Ainsi elle donnera de la gloire au Fils de Dieu. ». Et à la fin du récit, dans sa prière au moment de faire sortir Lazare de la tombe, Jésus dit : « Père, je te dis merci, parce que tu m’as écouté. Tu m’écoutes toujours, je le sais. Mais je dis cela à cause des gens qui sont autour de moi. Ainsi, ils pourront croire que tu m’as envoyé. »

L’enjeu de ce récit est donc de révéler la personne de Jésus, Fils de Dieu, Messie. Et c’est Marthe qui le confesse de manière explicite. Une affirmation de foi qui, pourtant avait commencé dans l’hésitation… La foi de Marthe, comme la nôtre, connais des hauts et des bas !

1. Hésitante

C’est Marthe qui prend l’initiative du dialogue, et elle s’adresse à Jésus avec un ton de regret, voire de reproche : « si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort… » N’oublions pas que Marthe et Marie avaient fait avertir Jésus de la maladie de leur frère… et qu’il n’avait pas estimé urgent de venir tout de suite. Mais en même temps, elle veut garder foi et espoir dans l’impossible : « même maintenant, Dieu te donnera tout ce que tu lui demanderas. »

Le croit-elle vraiment ? Difficile à dire… En tout cas, quand Jésus lui dit que son frère va se relever de la mort, Marthe n’imagine pas que ce ça puisse être tout de suite mais elle pense que Jésus parle de la résurrection à la fin des temps. Ce n’est pas facile d’avoir toujours une foi cohérente et ferme. Surtout au cœur de l’épreuve comme c’est le cas de Marthe. Elle vient de perdre son frère… et elle ne comprend pas pourquoi Jésus n’est pas venu plus tôt.

Pourtant il y a quelque chose d’authentique et vrai, et même de beau, dans cette foi hésitante de Marthe. Ca me rappelle un peu cette phrase étonnante, dans un autre évangile, d’un père dont l’enfant était durement tourmenté et qui implorait Jésus de le guérir. A l’affirmation de Jésus « tout est possible à celui qui croit », le père a répondu : « Je crois ! Viens au secours de mon incrédulité ! »

Il y a un peu la même tension chez Marthe dans notre récit. Et il me semble que cette tension est le lot de tous les croyants. Il y a toujours un certain inconfort dans la foi, une tension entre assurance et doute, entre espérance et découragement. Ce n’est jamais évident. En matière de foi et de vie chrétienne, je me méfie du triomphalisme… de ceux qui donnent l’impression d’être toujours au top, insensible aux épreuves et imperméables aux doutes. Comme le disait Paul aux Corinthiens : « Que celui qui est debout prenne garde de ne pas tomber… » (1 Co 10.12).

Si vous suivez le calendrier de lecture « La Bible en 6 ans », toute cette semaine nous avons lu dans les Lamentations de Jérémie. C’est incroyable qu’un tel livre soit dans la Bible, où l’auteur exprime librement devant Dieu son désespoir, ses interrogations profondes. Voyez aussi les Psaumes, ces prières dans lesquelles si souvent se glissent des questions, des interpellations à Dieu et des doutes. Même l’apôtre Paul, dans certaines de ses épîtres, ne cache pas ses luttes spirituelles intimes et profondes.

La vie de foi n’est pas un long fleuve tranquille…

2. En décalage

Revenons au dialogue entre Jésus et Marthe. Sa foi hésitante la met dans une situation où elle ne comprend pas ce que Jésus veut lui dire. Ainsi, lorsque Jésus lui dit que Lazare se relèvera de la mort, Marthe récite son catéchisme ! « Oui, je le sais, il se relèvera de la mort quand tous les morts se relèveront, le dernier jour. »

Mais ce n’est pas ce que Jésus veut dire ! Il ne parle pas du dernier jour, il parle d’aujourd’hui. Et pour le faire comprendre à Marthe, il recentre son attention sur lui : « la résurrection, c’est moi ! » On n’est plus dans la confession de foi seulement… On ne parle pas de demain mais d’aujourd’hui !

Ce que Marthe dit est vrai théologiquement. Mais c’est impersonnel, désincarné, éloigné de ce qu’elle vit. La connaissance biblique, l’éducation religieuse, le catéchisme… tout cela est important. Mais ce n’est pas cela qui va nous sauver. Il faut aller au-delà de la foi du catéchisme.

Ça me rappelle un peu ceux qui, en toute circonstance, citent des versets bibliques comme des réponses toute faites, des recettes spirituelles prêtes à l’emploi. Vous savez, un peu comme ces soupes instantanées où il suffit de verser de l’eau chaude… Ce n’est pas la vraie soupe qui a mijoté longtemps !

La foi véritable et authentique n’est pas une affaire de récitations du catéchisme ou de versets bibliques…

3. Vers la confiance

Jésus va donc orienter la foi de Marthe non pas vers le catéchisme mais vers sa personne : « La résurrection, c’est moi ! La vie, c’est moi ! Celui qui croit en moi aura la vie, même s’il meurt. Et tous ceux qui vivent et qui croient en moi ne mourront jamais. Est-ce que tu crois cela ? »

La question de Jésus ne porte pas sur un article de confession de foi ou un chapitre de catéchisme. Elle porte sur sa personne. Et d’ailleurs, la réponse de Marthe est christologique. Elle ne dit pas : « oui je crois que tu peux ressusciter les morts » Elle dit :
« Oui, Seigneur, je crois que tu es le Messie, le Fils de Dieu, celui qui devait venir dans le monde. »

On est passé de ce que Jésus fait, ou peut faire, à ce que Jésus est. Marthe a-t-elle compris toutes les implications de ce qu’elle disait ? Pas forcément… on le voit dans son attitude par la suite. Mais elle a compris que sa foi devait s’orienter vers la confiance plus que la croyance. Et elle nous y invite aussi.

Nous pouvons nous aussi nous tromper en confondant foi personnelle et contenu de la foi. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de contenu à notre foi. Il est juste et bon de réfléchir notre foi, d’approfondir ce que nous croyons. Mais nous ne devons jamais oublier que, fondamentalement, la foi chrétienne est la confiance placée en la personne de Jésus-Christ. Aujourd’hui, pas demain. Pour ce monde-ci déjà, pas seulement pour le monde à venir. Comme la vie qu’il offre n’est pas seulement pour demain mais pour aujourd’hui. « Je suis la résurrection et la vie ». Pas « Je serai… ». Et « tous ceux qui vivent et qui croient en moi ne mourront jamais. » On ne parle pas seulement de vie après la mort. Ou de résurrection des morts au dernier jour. On parle de la vie en Jésus-Christ, aujourd’hui.

Quand Jésus demande à Marthe : « crois-tu cela ? » Il ne lui demande pas de se prononcer sur une confession de foi mais de s’interroger sur sa relation à Jésus-Christ. Crois-tu que la résurrection et la vie, c’est moi ? Crois-tu que si tu places ta confiance en moi, tu vis et tu vivras. Et que même la mort ne t’ôtera pas cette vie !

L’appel à la foi, c’est un appel à la relation. Une relation vivante avec le Christ vivant. Il est notre résurrection et notre vie.

Conclusion

La foi de Marthe, telle qu’elle se révèle dans son dialogue avec Jésus, nous rejoint dans notre cheminement spirituel. Nous aussi nous connaissons des tensions et des hésitations, nous aussi nous sommes parfois en décalage, dans le flou…

C’est pourquoi nous devons toujours recentrer notre foi sur la personne de Jésus-Christ. Toujours comprendre la foi prioritairement en termes de relation et non de croyance.

Jésus-Christ est la résurrection et la vie. Aujourd’hui. Pour tous ceux qui croient. Placer sa confiance en lui aujourd’hui, c’est avoir l’assurance que la vie du Christ en nous ne s’arrêtera jamais. Même la mort n’y mettra pas un terme !