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Voir le Messie

 

Avez-vous vu le Messie ? Moi oui ! En réalité, je parle d’une série, sortie récemment sur Netflix et intitulée Messiah (Le Messie, en anglais). Elle imagine le retour, de nos jours, du Messie, ou du moins de quelqu’un qui se prétend être le Messie, et qui est accueilli comme tel par beaucoup, quelqu’un à qui on attribue des miracles, qui parle au nom de Dieu et qui semble tout connaître des personnes qu’il rencontre. Bien sûr c’est une fiction… mais c’est très intéressant de voir comment on peut imaginer la venue de Jésus, dans le contexte géopolitique actuel, dans la peau d’un migrant anonyme venant de Syrie, à l’heure des chaînes d’info continue et des réseaux sociaux !

On peut évidemment discuter la vision de Jésus qui ressort de cette série… une vision qui, personnellement, ne me convient pas vraiment sur plusieurs points ! Mais il y a un élément que je trouve intéressant : c’est seulement lorsqu’ils rencontrent personnellement ce “Jésus” que les personnages de la série sont vraiment interpellés, voire transformés. Et c’est là que se manifeste ou non leur foi…

Pour nous, c’est sans doute de cette façon que nous devons envisager notre lien à Jésus (et là je ne parle plus de la série !). C’est dans une rencontre personnelle avec lui, par la foi, que nous serons transformés. Et la façon dont les évangiles nous présentent la personne de Jésus nous invite à chercher cette rencontre et pas simplement se faire un avis sur le personnage Jésus.

Lisons le texte de l’Evangile de ce dimanche dans cette perspective :

Matthieu 3.13-17
13 À ce moment-là Jésus vient de la Galilée au Jourdain ; il arrive auprès de Jean pour être baptisé par lui. 14 Jean s’y opposait et lui disait : « C’est moi qui devrais être baptisé par toi et c’est toi qui viens à moi ! » 15 Mais Jésus lui répondit : « Accepte qu’il en soit ainsi pour le moment. Car il convient que nous accomplissions ainsi ce que Dieu demande. » Et Jean accepta. 16 Dès que Jésus fut baptisé, il remonta de l’eau. Au même moment les cieux s’ouvrirent pour lui : il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. 17 Et une voix venant des cieux dit : « Celui-ci est mon fils bien-aimé ; en lui je trouve toute ma joie. »

“À ce moment-là Jésus vient de la Galilée au Jourdain” Cette simple indication géographique en dit plus qu’on le croit au premier abord. La Galilée, c’était loin. Et c’était un territoire un peu méprisé. On entendra, dans les évangiles, cette formule : “Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth ?” (Jean 1.46) Forcément, en Galilée, Jésus ne pouvait être qu’un incognito… Mais tout le monde venait de Jérusalem, la capitale, et de toute la région de Judée pour voir et entendre Jean le prophète, au bord du Jourdain. Pour Jésus, venir de Galilée au Jourdain, c’était entrer dans la vie publique. Avant, personne ne le connaissait, sauf ses proches. A partir de ce jour, il va commencer son ministère publique et sa réputation va rapidement grandir.

Mais on peut se dire que Jésus a une drôle de façon d’entrer dans son ministère publique. S’il avait eu des conseillers en communication, je doute qu’ils lui auraient conseillé de faire ça ! Ca aurait été plus prestigieux, plus porteur, d’aller à Jérusalem, la capitale, peut-être même au temple. Là aussi il y a du monde !

Mais Jésus choisit d’aller au bord du Jourdain, et demander le baptême à Jean. Or, le baptême de Jean, c’est un baptême de repentance, pour changer de vie et se préparer à la venue du Messie. Jésus a-t-il besoin de repentance ? Non ! Doit-il se préparer à la venue du Messie ? Non, il est lui-même le Messie !

Il se soumet donc à quelque chose dont il n’avait pas besoin. Pourquoi ? Jean lui-même ne le comprends pas. « C’est moi qui devrais être baptisé par toi et c’est toi qui viens à moi ! » Des paroles qui rappellent étrangement celles de Pierre, dans l’évangile selon Jean, lorsque Jésus lui lave les pieds. Il réagit de façon plus radicale encore : « Non, tu ne me laveras jamais les pieds ! »
(Jn 13.8)

Pierre ne comprend pas plus que Jean ce que Jésus veut faire. Et dans les deux cas, Jésus ne leur demande pas de comprendre mais d’accepter de s’y soumettre :
A Jean il dit : « Accepte qu’il en soit ainsi pour le moment. Car il convient que nous accomplissions ainsi ce que Dieu demande. »
A Pierre il dit : « Tu ne saisis pas maintenant ce que je fais, mais tu comprendras plus tard. » (Jean 13.7)

Jean va finalement accepter de baptiser Jésus, et Pierre va finalement accepter de se laisser laver les pieds par Jésus… Mais je doute fort que l’un et l’autre aient compris pourquoi !

Avec le recul, et la mise en perspective dans les évangiles, nous comprenons mieux. Et la mise en regard de notre épisode avec celui du lavement des pieds nous permet de mieux comprendre la portée du baptême de Jésus.

C’est le serviteur, l’esclave, qui lavait les pieds des invités lorsqu’ils arrivaient dans la maison, les sandales pleines de terre et de poussière. Or ici, le maître se fait serviteur. Il n’a pas à le faire… mais il choisit de le faire malgré tout. Il y a une sorte d’humiliation, un abaissement volontaire : pour laver les pieds de quelqu’un, il faut se mettre à genou devant lui. On comprend alors la réaction de Pierre !

En venant dans le Jourdain demander à Jean de le baptiser, Jésus a la même démarche d’humiliation. Lui, le Fils de Dieu, le Messie, il se soumet au même baptême de repentance que tous ceux qui venaient à Jean. Il prend la posture du pécheur qui a besoin de repentance.

L’un et l’autre de ces épisodes étonnants illustrent la démarche humiliante de l’incarnation. Le Fils de Dieu devient un homme, et non pas un homme hors-sol, protégé, à l’écart des épreuves des humains. Il devient comme les humains, dans leur condition de pécheur, et tout ce que cela implique d’épreuves, de tentations, de souffrances… Une démarche d’humiliation qui conduira, nécessairement, à la mort, la mort sur la croix. C’est ce que Paul dira dans le fameux hymne christologique de Philippiens 2 :

Philippiens 2.6-8
Il possédait depuis toujours la condition divine,
mais il n’a pas voulu demeurer à l’égal de Dieu.
Au contraire, il a de lui-même renoncé à tout ce qu’il avait
et il a pris la condition de serviteur.
Il est devenu un être humain parmi les êtres humains,
il a été reconnu comme un homme ;
il a accepté d’être humilié et il s’est montré obéissant
jusqu’à la mort, la mort sur une croix.

Loin d’être un épisode anodin, le baptême de Jésus est donc un signe fort de la mission et de l’oeuvre de Jésus-Christ, le Fils de Dieu devenu homme, pour sauver les humains. Il est le Messie serviteur, pleinement solidaire de ses frères humains, jusqu’à la mort.

C’est pourquoi l’épisode est couronné par une théophanie, une manifestation du Dieu trinitaire où au Fils vient se joindre le Saint-Esprit, sous la forme d’une colombe descendant sur lui, ainsi que le Père, à travers la voix qui se fait entendre du ciel : « Celui-ci est mon fils bien-aimé ; en lui je trouve toute ma joie. »

Trois leçons pour notre relation avec Jésus

Que peut-on retirer pour nous, aujourd’hui, de cet épisode ? Il nous révèle la personne et l’oeuvre de Jésus, nous pouvons en tirer des leçons pour notre relation à lui, par la foi, aujourd’hui. Résumons-les en trois mots :

Proximité

D’abord, cet épisode du baptême de Jésus et ce qu’il signifie doit nous conduire à un émerveillement sans cesse renouvelé pour le miracle de l’incarnation. Le Fils de Dieu devient un être humain. Et ça signifie une proximité incroyable du Créateur avec ses créatures.

L’amour de Dieu pour nous est si grand qu’il a accepté, en son Fils, de devenir comme nous. Impossible de nous être plus proche. Impossible de mieux nous connaître. Il s’abaisse à devenir notre égal pour nouer une relation d’intimité avec nous.

Le Dieu tout-puissant, Créateur de l’univers, est devenu notre frère. Ce Dieu infini, éternel, devient notre ami le plus proche. Il est celui qui nous connaît mieux que nous-mêmes, celui à qui on peut tout dire, celui dont la fidélité ne se démentira jamais. C’est à lui que nous parlons lorsque nous prions !

Surprise

Ensuite, Jean, et plus tard Pierre, et d’autres encore, ont eu du mal à comprendre Jésus au premier abord. Ils ont été surpris, parce qu’il n’agissait pas comme ils pensaient que le Messie devrait agir.

Si on enferme Dieu, ou Jésus-Christ, dans notre doctrine, il n’y aura plus de surprise. Mais il n’y aura peut-être plus de rencontre ou de relation authentique non plus… Laissons toujours une place à la surprise dans notre relation à Dieu. Soyons disposés à être surpris par lui.

Parfois il viendra nous rencontrer à travers des personnes que nous n’imaginions même pas, parfois il nous parlera au travers de circonstances que nous ne pouvions absolument pas prévoir. Et si nous n’y sommes pas prêts, nous risquons de manquer les rendez-vous que le Seigneur nous fixe.

Confiance

Le troisième mot est confiance. Il est intéressant de voir que même si Jean, et Pierre, ne comprennent pas vraiment ce que Jésus leur demande, ils acceptent. Ils lui font confiance.

Nous non plus, nous n’avons pas besoin de tout comprendre pour obéir à ce que Dieu nous demande de faire. On se retrouve parfois dans des circonstances qui nous paraissent incompréhensibles, qui nous échappent… on ne comprend pas mais on fait confiance à Dieu. Il sait, lui, ce qu’il fait.

On comprendra, peut-être, plus tard. En attendant, la foi, ce n’est pas tout comprendre et avoir réponse à tout, c’est d’abord faire confiance à Dieu. Y compris, et surtout, quand on ne comprend pas tout…

Conclusion

Avez-vous vu le Messie ? Et là je ne parle pas de la série. Avez-vous vous le Messie, Jésus-Christ, agir dans votre vie ? L’avez-vous vu venir à votre rencontre à travers telle personne qu’il a mise sur votre route ? L’avez-vous vu vous parler à travers telle parole lue ou entendue ?

Est-il votre ami, votre confident, autant que votre Seigneur et votre Sauveur ?

Quand on en reste à une foi surtout intellectuelle, on peut voir en Jésus-Christ le Fils de Dieu devenu homme, on peut même affirmer le reconnaître comme notre Sauveur. On aura bien compris le message de l’Evangile… Mais quand notre foi développe aussi sa dimension relationnelle, à travers la prière, la méditation… alors Jésus devient aussi notre ami, notre confident, celui qui nous est le plus proche.

Ainsi il nous est possible de dire que, par la foi, dans notre vie, nous avons vu le Messie !

Eloge du bon sens

 

C’est la fin de l’année, le temps des bilans et des projets. On se demande souvent en quoi l’année écoulée a été bonne ou mauvaise. Quand on est croyant on en fait un sujet de reconnaissance ou de prière. On prend parfois de bonnes résolutions pour l’année qui vient… quitte à oublier que les bonnes résolutions prises une année auparavant ne sont souvent restée que de belles intentions !

Je ne vous propose pas ce matin de prendre des bonnes résolutions mais quand même d’écouter quelques conseils. Ils ne viennent pas de moi mais de la Bible… Et plus précisément d’un livre qui a pour objet de parler de sagesse, une sagesse pratique qui nous rejoint dans notre quotidien : le livre des Proverbes.

Dans le passage qui nous est proposé pour ce matin, le texte est écrit sous la forme de conseils qu’un père donne à son enfant pour que ce dernier se conduise avec sagesse dans la vie.

Proverbes 23.15-26
15 Mon enfant, si ton cœur s’attache à la sagesse, j’en aurai une grande joie. 16 Je serai profondément heureux si tu parles avec droiture.
17 N’envie pas intérieurement les pécheurs, mais respecte constamment le Seigneur. 18 Alors tu auras un avenir, ton espérance ne sera pas déçue.
19 Toi, mon enfant, écoute-moi et tu deviendras sage, tu iras droit ton chemin. 20 Ne fréquente pas les gens qui s’enivrent de vin et se gavent de viande. 21 Car les buveurs et les gloutons seront réduits à la misère, à force de somnoler ils n’auront plus que des vêtements en loques à se mettre.
22 Écoute ton père, car tu lui dois la vie ; ne méprise pas ta mère lorsqu’elle a vieilli. 23 Apprends à être véridique, sage, discipliné et intelligent, et ne renonce pas à ces qualités. 24 Le plus grand bonheur d’un père est d’avoir donné la vie à un enfant juste et sage. 25 Donne cette joie à ton père et à ta mère, ce bonheur à celle qui t’a mis au monde.
26 Mon enfant, fais-moi confiance, prends plaisir à suivre mon exemple.

A part l’appel à respecter le Seigneur, au verset 17, ces conseils n’ont rien de spécifiquement “croyants”. C’est le cas, d’ailleurs, de presque tout le livre des Proverbes… Bien-sûr, on y parle parfois de Dieu, qui est considéré comme la référence ultime : “Reconnaître l’autorité du Seigneur est le commencement de la sagesse.” (Pr 1.7) Mais les Proverbes ne disent pas grand chose de la personne et de l’oeuvre de Dieu, et presque rien en rapport avec l’histoire du salut et le projet de Dieu pour les humains. A la rigueur, il n’y aurait pas besoin d’être croyant pour les suivre, ni même pour les formuler. D’ailleurs, plusieurs des proverbes bibliques sont explicitement issus de sages d’autres peuples que le peuple d’Israël !

On l’a dit, la sagesse dont parle le livre des Proverbes est une sagesse pratique. Elle se base sur l’expérience de la vie et l’observation du monde des humains, pour en tirer des leçons liées au comportements, aux relations, aux priorités à se donner dans la vie. La démarche et les objectifs des Proverbes sont d’ailleurs clairement décrits au début de l’ouvrage :

Proverbes 1.2-5
2 Ces proverbes apprennent à se conduire avec sagesse et à accepter les avertissements. Ils permettent de comprendre des paroles pleines de sens. 3 Ils enseignent à vivre de façon intelligente, en se comportant de manière juste, équitable et droite. 4 Ils donnent des exemples de bon sens aux ignorants, des connaissances et des sujets de réflexion aux jeunes gens. 5 Même les sages les consulteront avec profit, même les personnes intelligentes y trouveront des directives.

La présence même de ce livre dans la Bible est significative. Elle souligne l’importance du bon sens pour le croyant. Or, parfois, à être trop spirituels, j’ai l’impression que les croyants en arrivent à perdre leur bon sens !

Il ne s’agit pas, évidemment, de remplacer la foi par le bon sens… Il y a sans doute des croyants qui manquent d’audace dans leur foi, qui sont trop prudents, trop sages. Mais je suis persuadé qu’il y en a d’autres qui manquent de bon sens. La foi ne peut pas être un prétexte pour faire n’importe quoi et agir de manière irréfléchie !

Dans l’Eglise, on valorise en général les hommes et les femmes de foi, dans leur audace voire leur folie parfois. Et c’est bien. Mais on devrait aussi valoriser les hommes et les femmes de bon sens, qui font preuve d’une sagesse pratique. C’est moins spectaculaire… mais c’est tout aussi important. Une vie chrétienne équilibrée arrive à intégrer les deux : la foi et le bon sens, l’audace et la sagesse.

Un principe de bon sens

Quels sont donc ces principes de bon sens que l’on trouve dans notre texte ? Peut-être faudra-t-il un peu les reformuler mais quelle est leur pertinence aujourd’hui ?

Le premier conseil, on l’entend à travers cet appel répété d’un père qui demande à son enfant de l’écouter pour devenir sage. C’est pour son bien et pour le bonheur de ses parents. Et je comprends très bien cela ! J’ai le privilège d’être papa de deux filles devenues adultes. Les voir aujourd’hui mener leur barque, en étant attachées à des valeurs que nous nous sommes efforcés de leur transmettre en tant que parents, et le faire à leur propre façon, c’est incontestablement une de mes plus grandes joies !

On pourrait reformuler ce premier principe de bon sens ainsi : être à l’écoute des anciens, ou apprendre de l’expérience des autres. La sagesse non seulement s’acquiert mais elle se transmet.

Il ne s’agit pas simplement de reproduire ce qu’ont fait ses parents. Vous savez comme moi qu’il y a toujours plein de choses que nous ne voulons ni ne devons faire comme nos parents, et que nos enfants ne doivent pas faire comme nous ! Mais même si chacun doit prendre sa vie en main, nous ne partons pas de zéro. On ne se fait pas tout seul. Jamais. On ne construit pas son identité, ses valeurs tout seul, on ne mène pas sa vie tout seul. On est précédé par des anciens, dont les premiers sont nos parents, mais ils ne sont pas les seuls. Et le bon sens veut qu’on les écoute et qu’on apprenne de leurs exemples. C’est vrai dans tous les domaines de notre vie, y compris dans sa dimension spirituelle évidemment.

Deux conseils de bon sens

On peut encore souligner deux conseils plus spécifiques dans notre texte. Le premier apparaît au verset 17 :

17 N’envie pas intérieurement les pécheurs, mais respecte constamment le Seigneur. 18 Alors tu auras un avenir, ton espérance ne sera pas déçue.

C’est ici la seule parole qui intègre le Seigneur. Le danger souligné est celui de l’envie, de la jalousie, mais aussi celui des frustrations et de l’insatisfaction. Le pécheur, c’est celui qui se conduit mal. Le danger souligné ici, c’est de mettre le bien-être personnel, ou la réussite, avant les valeurs morales. Pourquoi envier le pécheur ? Parce que, malgré voire à cause de son comportement condamnable, il semble aller bien, il réussit, il prospère. Alors pourquoi ne pas agir comme lui ?

C’est une vision à court terme… qui vaudra bien des déconvenues à ceux qui s’y limitent. La vision à long terme met les valeurs morales en premier, d’où le respect du Seigneur. Sans cette vision à long terme, il n’y a pas d’espérance possible.

Le deuxième conseil est au verset 20 :

20 Ne fréquente pas les gens qui s’enivrent de vin et se gavent de viande. 21 Car les buveurs et les gloutons seront réduits à la misère, à force de somnoler ils n’auront plus que des vêtements en loques à se mettre.

Le conseil peut résonner de façon particulière en cette période de fêtes, où on se laisse plus facilement aller aux plaisir de la table… En fait, la mise en garde concerne surtout ceux qui mettent le plaisir avant le devoir ou la responsabilité, la fête avant le travail.

Dit de la sorte, ça fait un peu rabat-joie… En réalité, c’est un conseil de bon sens. La vie facile, sans contrainte, où on estime que tout nous est dû, est une illusion. Tôt ou tard, ça se retournera contre nous. Ce que veut dire le proverbe ici, c’est qu’on n’a rien sans rien !

Je trouve que ces deux conseils de bon sens gardent toute leur pertinence aujourd’hui.
C’est particulièrement vrai dans notre monde hyper-connecté, où tout est à portée de clic, en une fraction de seconde. On est formaté à vouloir tout tout de suite, à rechercher le plaisir immédiat, à ne s’intéresser finalement qu’au court terme.

Et il existe des versions “spirituelles” de ce formatage. On les trouve dans les théologies de la prospérité qui promettent aux croyants la prospérité physique et matérielle ici et maintenant, en réponse à leur foi. Tout et tout de suite ! On les trouve aussi dans les réponses toutes faites, qui font l’économie de la réflexion pour proposer des solutions simplistes : “il suffit de prier”, “il suffit de se repentir”…

Voilà des attitudes qui manquent, pour le moins, de bon sens ! Et qui, du coup, ne sont pas spirituellement pertinentes non plus !

Conclusion

Les paroles de bon sens du sage qui s’expriment dans notre texte de ce matin sont pertinentes pour nous aujourd’hui. Elles sont de bon conseil sur la façon d’envisager notre quotidien.

On peut même en faire une lecture spirituelle et y voir une invitation à privilégier une vision à long terme, qui nourrit l’espérance, plutôt qu’une vision à court terme, qui nourrit l’immaturité spirituelle.

Et si c’était une bonne résolution à prendre pour la nouvelle année ? Privilégier une vision à long terme, pour nourrir notre espérance !

La preuve par les actes

 

Samedi dernier, j’ai vu, j’ai entendu un prophète ! C’est vraiment le sentiment que j’ai eu en assistant à la conférence du Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018, et fils de pasteur évangélique. Il était invité par la Fédération Protestante de France à l’occasion du colloque sur les églises évangéliques membres de la FPF. Il a pendant 45 minutes raconté son parcours, son engagement et ses convictions. Et c’était vraiment impressionnant. “L’homme qui répare les femmes” (c’est le le surnom qu’on lui a donné) s’efforce de restaurer, de réparer, les femmes de tous âges (jusqu’aux bébés !) victimes de violences et notamment des viols utilisés comme armes de guerre, au Congo.

Assister à sa conférence a été une expérience dont je me souviendrai très longtemps. J’étais bouleversé, au bord des larmes, par le récit des horreurs dont il a été témoin, et qui n’ont fait qu’affermir sa détermination. J’étais secoué par ses questions et ses interpellations adressées en particulier aux Églises, aux chrétiens. Je suis admiratif pour son courage face aux menaces qui pèsent sur lui (plusieurs de ses collaborateurs ont été assassinés).

Avec le recul, je me suis demandé : qu’est-ce qui fait que ses paroles touchent autant au coeur ? Ca va bien au-delà de l’éloquence… il y a bien-sûr sa conviction profonde mais, surtout, le fait qu’il ait une vie en plein accord avec ses paroles. Ce qu’il dit, il le fait. Quand le Dr Mukwege nous interpelle sur le silence complice et l’inaction dans l’aide envers les victimes de toute violence, les délaissés, les laissés pour compte… on l’écoute. Quand il nous invite à interpeller nos théologies et nos pratiques, parfois misogynes, jusque dans les églises… on l’écoute. Parce qu’on sait ce qu’il fait dans ces domaines, l’aide qu’il apporte, le plaidoyer qu’il porte.

Il y a des hommes, ou des femmes, dont la parole porte plus que d’autres. Des personnalités exceptionnelles qui bouleversent. En un mot : des prophètes. Et la question, pour nous, est de savoir comment nous les écoutons… et qu’est-ce que ça change dans notre vie, notre comportement.

Des prophètes, évidemment, on en rencontre dans la Bible. Et il en est un dont on lit le récit chaque année, dans le temps de l’Avent. C’est Jean le baptiste. Un grand prophète, un homme au message sans concession, qui vivait comme un ermite au bord du Jourdain et que les foules venaient écouter. C’est la lecture biblique qui nous est proposée pour ce deuxième dimanche de l’Avent.

Matthieu 3. 1-12
1 En ce temps-là paraît Jean le baptiste qui se met à proclamer dans le désert de Judée : 2 « Changez de vie, car le royaume des cieux est tout proche ! » 3 Jean est celui dont le prophète Ésaïe a parlé lorsqu’il a dit :
« C’est la voix d’un homme qui crie dans le désert :
Préparez le chemin du Seigneur,
faites-lui des sentiers bien droits ! »
4 Jean avait un vêtement fait de poils de chameau et une ceinture de cuir autour de la taille ; il mangeait des sauterelles et du miel sauvage. 5 Les habitants de Jérusalem, de toute la Judée et de toute la région voisine de la rivière du Jourdain venaient à sa rencontre. 6 Ils reconnaissaient publiquement leurs péchés et Jean les baptisait dans le Jourdain.
7 Jean vit que beaucoup de pharisiens et de sadducéens venaient à lui pour être baptisés ; il leur dit : « Espèce de vipères ! Qui vous a appris à échapper à la colère de Dieu qui vient ? 8 Montrez par des actes que vous avez changé de vie 9 et ne pensez pas qu’il suffit de dire en vous-mêmes : “Abraham est notre père !” Car je vous dis que Dieu peut utiliser les pierres que voici pour en faire des enfants d’Abraham ! 10 La hache est déjà prête à couper les arbres à la racine : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu.
11 Moi, je vous baptise dans l’eau pour que vous changiez de vie ; mais celui qui vient après moi vous baptisera dans l’Esprit saint et dans le feu. Il est plus fort que moi : je ne suis pas digne d’enlever ses sandales. 12 Il tient en sa main la pelle à vanner et séparera le grain de la paille. Il amassera son grain dans le grenier, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s’éteint jamais. »

Ca devait être quelque chose d’entendre Jean le baptiste haranguer les foules ! Dans son vêtement sommaire en poils de chameaux, le corps émacié par son régime alimentaire frugal, un ermite solitaire dans le désert de Judée… Quel regard avait-il ? Quelle voix ? En tout cas on venait de toute la région pour l’écouter, fasciné par son discours sans concession. Beaucoup répondaient à son appel et se faisaient baptiser. D’autres étaient sceptiques, d’autres, sans doute, le critiquaient.

Un changement de coeur

Au coeur de son discours, il y avait cette interpellation radicale : “Montrez par des actes que vous avez changé de vie” (v.8) Les versions anciennes traduisaient “Produisez donc du fruit digne de la repentance” Mais le terme grec traduit traditionnellement par “repentance” implique un changement radical, en profondeur. C’est beaucoup plus que du regret ou du remord. Quant au fruit, c’est ce qui est produit par l’arbre. L’image est utilisée aussi par Jésus : on reconnaît un arbre à ses fruits. Un “fruit digne de la repentance”, c’est donc une vie qui témoigne d’un changement en profondeur. Si le fruit n’a pas changé, c’est que l’arbre n’a pas changé…

Voilà pourquoi la traduction de la Bible “Nouvelle Français Courant” est très bonne : “Montrez par des actes que vous avez changé de vie” !

Et l’interpellation demeure pertinente pour nous aujourd’hui. La repentance devrait faire partie du quotidien du croyant, comme une discipline de vie. Je ne parle pas ici d’une confession mécanique pour recevoir l’absolution, ou d’une simple prière de demande de pardon pour effacer l’ardoise… et recommencer jusqu’à la prochaine demande de pardon.

La repentance comme discipline de vie du croyant, c’est le fait de laisser Dieu continuer de changer notre coeur. C’est reconnaître que nous avons besoin d’être transformé, changé en profondeur, refaçonné en image de Dieu. La repentance commence par une prise de conscience de nous-mêmes, nos limites, nos failles, nos incohérences. Elle commence aussi par une prise de conscience de l’amour et de la grâce de Dieu, qui veut nous transformer.

L’arbre d’abord, les fruits ensuite

Le problème, quand on parle de repentance, c’est de se limiter aux fruits et d’oublier l’arbre. On coupe les fruits qui ne sont pas bons mais l’arbre reste le même. Or la repentance concerne moins les fruits que l’arbre, elle concerne moins les actes que le coeur. Car si le coeur change, les actes changeront aussi.

La repentance, ce n’est pas d’abord demander pardon à Dieu pour tel acte, tel péché commis. C’est demander à Dieu de changer notre coeur. Dans l’appel de Jean le baptiste : “Montrez par des actes que vous avez changé de vie” ce qui compte d’abord c’est le changement de vie pas les actes. Les actes ne sont que la manifestation du changement de coeur.

Dans la repentance, si on se concentre sur les fruits, alors on dresse plus ou moins consciemment une liste de péchés, d’actes à ne pas commettre, de comportements condamnables… et on risque facilement de devenir le juge de son frère ou sa soeur, autant que de soi-même.

Mais si on se concentre sur le coeur, alors on regarde d’abord à soi car qui peut connaître le coeur de son prochain ? Qui peut connaître ses intentions, ses motivations et ses aspirations profondes ?

La repentance, ce n’est pas tellement regretter nos actes, c’est comprendre que notre coeur doit changer.

Changer pour avoir une parole audible

La mission de Jean le baptiste était de préparer à la venue du Messie, puis de s’effacer lorsqu’il paraîtrait. Et c’est bien ce qu’il a fait. Il a même payé de sa vie l’audace de sa prédication…

A notre tour, nous sommes appelés à prendre la posture du prophète, car nous avons une Bonne Nouvelle à annoncer ! Et comme pour Jean, ce qui compte ce n’est pas nous, notre Eglise, mais celui qui est venu : Jésus-Christ.

Mais ce n’est certainement pas avec des discours creux, même agrémentés de belles paroles évangéliques, que nous accomplirons la mission. Et surtout pas avec des paroles contredites par nos actes et notre vie ! Mais seulement avec des paroles incarnées dans des actes, avec un discours qui se traduit dans nos vies. Sinon, nous serons inaudibles !

Qui a vraiment incarné ses paroles jusqu’au bout, en parfaite adéquation entre ce qu’il disait et ce qu’il faisait ? Encore bien plus que Denis Mukwege ou Jean le Baptiste… C’est Jésus-Christ, évidemment. Sa vie démontrait son amour pour les petits, les rejetés, les délaissés… Il est venu pour nous sauver de la mort, alors il a donné sa vie. Il s’est fait serviteur, lui, le Fils de Dieu, jusqu’à la mort infâme sur une croix. Lui, l’innocent, condamné et crucifié comme un vulgaire brigand.

Conclusion

Comment pourrions-nous annoncer l’amour de Dieu si nous n’aimons pas notre prochain ? Comment proclamer la grâce si nous nous positionnons en juge de notre frère ou notre soeur ? Comment parler de réconciliation avec Dieu si nous sommes incapables de pardonner ?

Oui, notre coeur doit changer. Dieu doit nous transformer, si nous voulons montrer par des actes que nous avons changé de vie !

Vivre à contre-courant

 

“Êtes-vous prêts à vivre à contre-courant ?” La vidéo nous laisse avec cette question… Une question qui prend une dimension toute particulière quand on entend ces témoignages, quand le fait de vivre à contre-courant conduit à la prison et la persécution pour sa foi. Mais la question demeure pertinente pour nous, aujourd’hui, dans notre contexte. Même si nous ne risquons pas la prison…

C’est une question qui s’est d’ailleurs posée très vite dans l’histoire de l’Eglise, dès le chapitre 4 du livre des Actes. Dans le contexte de cet épisode biblique, ce qui a déclenché le problème, c’est la guérison miraculeuse d’un infirme ! Et aussi, évidemment, la discussion qui a suivi où Pierre en a profité pour expliquer qu’ils avaient agi au nom de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, mort et ressuscité.

Ce discours et ce miracle embarrassaient les chefs religieux. Les apôtres étaient devenus gênants, il fallait les faire taire. C’est tout de même étonnant : les apôtres étaient gênants… parce qu’ils faisaient le bien et annonçaient une bonne nouvelle ! Les raisons de leur emprisonnement étaient donc profondément injustes. Exactement comme dans la vidéo, avec le témoignage de Mojtaba.

Certes, il arrive que l’Evangile soit détourné ou instrumentalisé ! Et c’est évidemment condamnable. Il arrive aussi que les chrétiens tendent le bâton pour se faire battre, par leur attitude ou leur discours… Mais quand l’Evangile est simplement partagé, qu’il est véritablement vécu, et que c’est ça qui est perçu comme un risque de trouble à l’ordre publique, alors il y a un problème…

Portes Ouvertes nous fait part du témoignage du pasteur Wang Yi, en Chine. Lui, son épouse et d’autres responsables de leur église de 750 membres s’attendaient à être arrêtés un jour ou l’autre. Et c’est ce qui s’est passé le 9 décembre 2018 à Chengdu dans la province du Sichuan. Ce dimanche soir, plus d’une centaine de fidèles ont été interpellés à l’église, à leur domicile ou dans la rue. S’ils ont la plupart d’entre eux ont été libérés après avoir été interrogés, Wang Yi et 10 responsables sont restés en détention. Il encourt une peine de 15 ans de prison pour “incitation à la subversion contre le pouvoir de l’État.”

Quelques semaines avant d’être arrêté, le pasteur Wang Yi a rédigé sa « déclaration de désobéissance fidèle.» En voici un extrait :
« La Bible nous dit de respecter les autorités, mais elle ne nous dit pas d’aller à l’encontre de notre conscience ou du message de l’Évangile. L’Église utilise donc des moyens pacifiques pour manifester sa foi et répandre l’Évangile. En tant que pasteur, ma désobéissance fait partie du mandat de l’Évangile. Le Grand Mandat du Christ exige de nous une grande désobéissance. Le but de la désobéissance n’est pas de changer le monde, mais de témoigner d’un autre monde. »

Le témoignage du pasteur Wang Yi fait écho aux paroles prononcées par les apôtres Pierre et Jean, devant le conseil religieux, à la fin de l’épisode du livre des Actes des apôtres :

Actes 4.18-20
18 (Les membres du conseil) rappelèrent (les apôtres) et leur interdirent catégoriquement de prononcer ou d’enseigner le nom de Jésus. 19 Mais Pierre et Jean leur répondirent : « Jugez vous-mêmes s’il est juste devant Dieu de vous obéir à vous plutôt qu’à Dieu. 20 Quant à nous, nous ne pouvons pas renoncer à parler de ce que nous avons vu et entendu. »

L’attitude des apôtres, comme celle de nos frères et soeurs qui font face à la persécution, nous interpelle. Arrêtons-nous donc sur les paroles de Pierre et Jean.

Soyons à contre-courant mais pour de bonnes raisons !

“Jugez vous-mêmes s’il est juste devant Dieu de vous obéir à vous plutôt qu’à Dieu.”

Être à contre-courant n’est pas une valeur en soi. C’est une conséquence possible de l’impératif de fidélité à Dieu. On peut se retrouver légitimement à contre-courant quand on est dans une situation où il faut choisir entre obéir aux hommes ou obéir à Dieu. Ce n’est pas toujours le cas… mais parfois c’est nécessaire.

Alors soyons à contre-courant mais pour de bonnes raisons ! Soyons à contre-courant parce que nous faisons le bien, et parce que nous témoignons de notre foi.

On pensera sans doute en premier, aujourd’hui, à l’évolution des moeurs, celle des normes éthiques et sociétales, qui peuvent nous donner l’impression d’être à contre-courant. Et il me paraît légitime d’assumer nos convictions dans ces domaines, pour autant que nous les argumentions sérieusement d’un point de vue biblique et théologique, et que nous n’en restions pas à des discours simplistes. Et même si ce n’est pas le coeur de l’Evangile qui est touché, nous devons sans doute accepter d’être en décalage dans ces questions qui touchent à la famille, au mariage, à la sexualité… quitte parfois à être taxé de réactionnaires et de rétrogrades !

Mais il ne faudrait pas penser que ce sont les seules questions où nous devrions être à contre-courant ! Nous devons interroger nos comportements du quotidien… là où l’Evangile a aussi quelque chose à nous dire. Être à contre-courant, c’est peut-être aussi refuser les petites magouilles du quotidien “que tout le monde s’autorise”, ne pas cautionner “ce que tout le monde pense tout bas” pour désigner des boucs émissaires (les immigrés, les musulmans…), ne pas se laisser enfermer dans le moule consumériste, égocentrique, compétitif. véhiculé par la publicité, les médias sociaux… Dans toutes ces petites questions du quotidien, nous pouvons facilement nous laisser emporter par le courant !

Soyons donc à contre-courant mais pour de bonnes raisons !

Assumons-le et osons le dire !

“Quant à nous, nous ne pouvons pas renoncer à parler de ce que nous avons vu et entendu.”

Les apôtres assument ouvertement leur désobéissance ! Ils ne peuvent pas se résoudre à se taire en ce qui concerne “ce qu’ils ont vu et entendu”. Cette formule sera reprise par Jean au début de sa première épître :

1 Jean 1.1-3
1 La parole qui donne la vie existe depuis le commencement. Nous l’avons entendue. Nous l’avons vue de nos propres yeux. Nous l’avons observée. Et nos mains l’ont touchée. 2 Cette vie s’est manifestée et nous l’avons vue ! Nous en sommes témoins et nous vous annonçons la vie éternelle qui était auprès du Père et qui s’est manifestée à nous. 3 Ce que nous avons vu et entendu, c’est à vous que nous l’annonçons aussi ; ainsi vous serez comme nous dans la communion que nous avons avec le Père et avec son Fils Jésus Christ.

Ce que les apôtres ne peuvent pas garder sous silence, c’est le témoignage à propos de la personne et de l’oeuvre de Jésus. Ca, on ne peut pas le taire. C’est le coeur de notre foi, ce qui a changé notre vie, c’est la même bonne nouvelle qui est pour tous. Comment ne pas en parler ?

C’est une vraie interpellation pour nous, aujourd’hui, dans un contexte où on veut de plus en plus enfermer la foi dans la sphère privée. Et qu’on le veuille ou non, je pense que nous sommes influencés, conditionnés par cela. Est-ce que, si on en parle, ça va nous conduire à être persécuté ? Non. Pas en France. Mais être incompris, rejeté, moqué, oui, peut-être… Et on n’en a sans doute pas envie ! Alors on s’auto-censure. On arrive presque à avoir honte d’être chrétien, et pour éviter les ennuis, on ne le dit pas, on se tait…

En réalité, dire notre foi publiquement, même affirmer que les religions doivent avoir pleinement leur place dans le débat publique… c’est déjà presque vivre à contre-courant aujourd’hui !

Conclusion

Les apôtres Pierre et Paul devant le conseil religieux, Mojtaba en Iran, le pasteur Wang Yi en Chine… autant de chrétiens persécutés à cause de leur foi qui nous interpellent.

Ce n’est pas parce que nous ne risquons pas la persécution qu’il n’y a pas d’enjeu pour nous. Car le Seigneur nous appelle à être des témoins de la Bonne Nouvelle. Et il y a plein de raisons qui pourraient nous pousser à nous taire. Mais comme le dit l’apôtre Paul dans sa lettre aux Romains :

Romains 10.14
Comment feront-ils appel (au Seigneur) sans avoir mis leur foi en lui ? Et comment mettraient-ils leur foi en lui sans en avoir entendu parler ? Et comment en entendront-ils parler si personne ne l’annonce ?

Et tant pis si on répondant à cet appel, nous nous nous retrouvons à contre-courant…

Faux débats et vraies questions

 

J’ai de plus en plus de mal à regarder à la télévision les émissions de débat politique ou sociétal, en particulier sur les chaînes d’information continue… On nous y abreuve de débats qui attisent la suspicion, les peurs voire la haine. Ces derniers temps, c’est à propos du voile et des soi-disant signes extérieurs de radicalisation… J’ai vu que sur une chaîne de télévision, on a quand même débattu sur la différence entre une barbe innocente et une barbe signifiante ou préoccupante !

Et puis il est de bon ton, depuis quelque temps, pour ne pas être taxé d’islamophobie, de mettre dans le même sac les islamistes et les évangélistes (sic!). Ca c’est nous… décrits comme de dangereux obscurantistes rétrogrades, des prosélytes qui bafouent la laïcité. Bonjour les clichés et les amalgames !

Ceci dit, ce n’est pas nouveau. De tout temps, il y a eu des faux débats qui occultaient les vraies questions. Même dans l’Eglise… N’est-il pas arrivé, et n’arrive-t-il pas encore parfois, que des questions secondaires prennent tellement d’importance qu’on en vient à oublier l’essentiel ? Certains doivent se souvenir qu’il y a quelques années, dans le milieu évangélique, on se jetait mutuellement l’anathème pour des questions de chronologie des événements liés à la fin des temps ! Il peut même arriver encore que des Églises se déchirent pour des questions de choix de cantiques ou de tenues vestimentaires !

Bref, hier comme aujourd’hui, il y a des faux débats qui peuvent occulter les vraies questions, et faire oublier ce qui est vraiment important. Le texte de l’Evangile de ce matin nous en donne un exemple édifiant :

Luc 20.27-40
27 Quelques sadducéens vinrent auprès de Jésus. Ce sont eux qui affirment qu’il n’y a pas de résurrection. Ils l’interrogèrent 28 de la façon suivante : « Maître, Moïse a écrit pour nous : “Si un homme a un frère qui meurt en laissant une femme sans enfant, il doit épouser la veuve pour donner une descendance à celui qui est mort.” 29 Or, il y avait sept frères. Le premier se maria et mourut sans laisser de descendance. 30 Le deuxième épousa la veuve, 31 puis le troisième. Il en fut de même pour tous les sept, qui moururent sans laisser de descendance. 32 Finalement, la femme mourut à son tour. 33 À la résurrection des morts, de qui sera-t-elle l’épouse ? Car tous les sept l’ont eue comme épouse ! » 34 Jésus leur répondit : « Les hommes et les femmes de ce monde-ci se marient ; 35 mais les hommes et les femmes qui sont jugés dignes de ressusciter d’entre les morts et de vivre dans le monde à venir ne se marient pas. 36 Ils ne peuvent plus mourir, ils sont pareils aux anges. Ils sont enfants de Dieu, car il les a ressuscités. 37 Moïse indique clairement que les morts doivent ressusciter. Dans le passage qui parle du buisson, il appelle le Seigneur “le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob” 38 Dieu n’est pas le Dieu des morts mais des vivants, car tous sont vivants pour lui. » 39 Quelques spécialistes des Écritures prirent alors la parole et dirent : « Tu as bien parlé, maître. » 40 Et ils n’osaient plus lui poser d’autres questions.

Les Sadducéens étaient un parti religieux important au temps de Jésus, différent des Pharisiens. En fait, les deux partis n’étaient pas vraiment amis, ils s’opposaient même souvent quant à la façon de comprendre la Bible ! Luc précise ici un point important, essentiel même pour comprendre la question qu’ils vont poser à Jésus : ils affirmaient qu’il n’y a pas de résurrection. Or, la foi en une résurrection finale était largement répandue parmi les Juifs du temps de Jésus. Les Pharisiens le croyaient par exemple. Mais pas les Sadducéens…

Quelques membres de ce parti religieux viennent donc poser une question à Jésus, en se référant à la loi de Moïse, qui faisait autorité pour tous. Et, justement, la question qu’ils posent est liée à la résurrection ! On peut donc déjà s’interroger sur la sincérité de leur question, eux qui n’y croyaient pas… Et puis leur question est quand même assez tarabiscotée. Évidemment, le cas qu’ils évoquent est théoriquement possible. On peut imaginer une femme être veuve sept fois, de sept frères successivement ! Même si, d’ailleurs, la question pourrait se poser à partir de deux mariages successifs, pas besoin d’aller jusqu’à sept…

La réponse de Jésus a fait couler beaucoup d’encre. Et je vous avoue que je ne suis pas sûr de bien tout comprendre. Jésus affirme-t-il que les liens tissés dans ce monde-ci ne compteront plus après la résurrection ? Que signifie l’expression désignant les hommes et les femmes ressuscités comme étant “pareils aux anges” ? C’est une phrase qui a pu alimenter un vieux débat, pendant le Moyen- ge, sur le sexe des anges ! C’est fou quand même : alors que Jésus répond à une question tarabiscotée, les chrétiens ont trouvé dans la réponse de Jésus une occasion de débattre sur une autre question tarabiscotée !

Comment faut-il donc comprendre la réponse de Jésus ? Je me demande s’il ne reste pas volontairement mystérieux dans sa réponse, pour nous dire qu’on ne peut pas vraiment comprendre. On ne peut pas comparer notre situation ici-bas à celle qui nous est réservée dans l’éternité, après notre résurrection. C’est comme vouloir se comparer aux anges… Se perdre dans des hypothèses ou des élucubrations sur le sujet est une perte de temps.

Parce que finalement, le point important est ailleurs. On le voit apparaître à la fin de la réponse de Jésus, lorsqu’il affirme explicitement quelque chose de clair et sans ambiguïté : “Moïse indique clairement que les morts doivent ressusciter.” (v.37) En réalité, Jésus répond donc à la question que les Sadducéens ne lui ont pas posée… celle de la réalité ou non de la résurrection à venir. Pour Jésus, c’est clair, il y aura bien une résurrection, parce que Dieu n’est pas le Dieu des morts mais le Dieu des vivants. Essayons de comprendre l’argument de Jésus.

Il fait référence à l’épisode du buisson ardent, lorsque le Seigneur s’est révélé à Moïse et qu’il lui dit : “Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob.” (Exode 3.6) Plus loin il l’enverra vers le Pharaon pour délivrer son peuple de l’esclavage. C’est alors que Moïse demanda à Dieu de lui révéler son nom. Et Dieu lui répondit par une phrase un peu énigmatique que l’on peut traduire par “Je suis qui je suis”, ou “je serai qui je serai”. Et il ajoute : ”Voici donc ce que tu diras aux Israélites : “‘Je serai’ m’a envoyé vers vous”. (Exode 3.14).

Dieu est et il sera. Il est éternel, sans commencement ni fin. Et pour Jésus c’est à cause de la personne et de la nature même de Dieu qu’il peut affirmer qu’il y aura une résurrection. Parce que ce Dieu “qui est et qui sera” a choisi, depuis Abraham et même avant, de se révéler aux humains et de les sauver. “Je suis le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob” : Comment ce Dieu-là pourrait-il laisser se perdre dans la mort ceux avec qui il fait alliance ? D’ailleurs, Jésus l’affirme avec force : “Dieu n’est pas le Dieu des morts mais des vivants, car tous sont vivants pour lui.”

De plus, ce que personne alors, ni les Sadducéens ni les disciples, ne pouvait savoir, c’est que Jésus lui-même allait en donner la preuve la plus éclatante par sa résurrection !

La vraie question n’est donc pas seulement de savoir s’il y aura ou non une résurrection d’entre les morts, mais de savoir si on connaît vraiment aujourd’hui le Dieu des vivants. Ce n’est pas une question théologique abstraite, c’est une question existentielle et relationnelle ! Voilà ce qui est vraiment important et qu’aucun faux débat ne devrait occulter !

C’était vrai pour les Sadducéens… ça reste vrai pour nous aujourd’hui !

Une question de curseur

Quels sont, aujourd’hui, les faux débats qui peuvent nous faire oublier ce qui est vraiment important ? Ou peut-être pourrait-on poser d’abord la question de façon positive : qu’est-ce qui est vraiment important ? Quel est le coeur du message que nous proclamons et que nous nous efforçons de vivre ?

Quelques éléments de réponse possibles : l’amour de Dieu ; la personne et l’oeuvre de Jésus ; comprendre comment dire cette bonne nouvelle aujourd’hui pour être compris ; aimer notre prochain, concrètement ; approfondir notre connaissance de Dieu, être transformé par lui…

Là on touche à l’essentiel. Et tout le reste n’est pas sans importance… mais doit avoir une importance relative. Et c’est important de le reconnaître. Nous devons accepter une certaine hiérarchisation dans la foi. Tout, dans la foi chrétienne, dans la vie chrétienne, tout n’a pas la même importance. Sinon, plus rien n’a d’importance… on nivelle toujours par le bas !

Nous devons accepter qu’il y ait des choses importantes et d’autres moins. Accepter qu’on puisse ne pas être d’accord sur la compréhension de certains textes bibliques, sur la façon de prier, sur certaines convictions doctrinales, sur des positionnements éthiques… et pour autant s’aimer, se respecter, se reconnaître comme frères et soeurs. Sinon aucune Église n’est possible… ou alors comme un groupement sectaire !

Tout est ici une question de curseur. Toutes les questions peuvent être intéressantes… dans la mesure où on y consacre le temps et l’énergie appropriés.

Il y a des questions vraiment secondaires. Là, le curseur est tout en bas. Pourtant elles peuvent prendre parfois une importance démesurée. Ce sont des questions de goût, de sensibilité personnelle. Je me souviens (pas dans cette Église !) du temps que nous avons consacré à choisir la couleur des nouveaux rideaux et des nouvelles chaises ! Incroyable ! Sur la question des cantiques et des tenues vestimentaires, évoquées en introduction, je suis sûr qu’on trouverait des versets bibliques pour alimenter le débat. Et c’est pareil pour plein d’autres questions… par exemple, en vrac, la longueur des cheveux, ou celle des jupes pour les jeunes filles, les tatouages, le fait de boire ou non de l’alcool, de fumer…

Je ne dis pas qu’on n’a rien à dire sur toutes ces questions. Je dis simplement qu’on peut facilement se perdre dans des débats stériles, faire de ces questions somme toute secondaires, des sujets de dispute, parfois même de division !

Je pousse un peu le curseur, avec des questions plus polémiques… mais qui peuvent aussi prendre trop de place ! Le fait de parler en langues ou pas, la compréhension du Millénium, le ministère pastoral féminin, la Création et l’évolution…

Allez, je monte encore un peu le curseur ? On se rapproche de la zone rouge… ça commence à devenir chaud ! L’interprétation des prophéties bibliques, la défense du modèle familial traditionnel, notre attitude face aux revendications LGBT…

Vous me direz que là, quand même, ce sont des questions importantes. C’est vrai… Mais ne sont-elles pas moins importantes que celles qui sont au coeur de l’Evangile, et qui doivent être notre motivation première ? Les questions pour lesquelles nous devons consacrer le plus de temps et d’énergie ?

Je les rappelle ? L’amour de Dieu ; la personne et l’oeuvre de Jésus ; comprendre comment dire cette bonne nouvelle aujourd’hui pour être compris ; aimer notre prochain, concrètement ; approfondir notre connaissance de Dieu, être transformé par lui…

Conclusion

Ne laissons pas des questions secondaires, ou moins importantes, nous faire passer à côté de l’essentiel. Soyons bien au clair sur ce qui constitue le coeur de notre foi. Nous pourrons toujours discuter des autres questions, sans y mettre trop d’énergie… et surtout sans perdre de vue le plus important : le Dieu vivant qui nous aime et qui nous sauve !