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Tous les articles par Florence VANCOILLIE

Florence VANCOILLIE

A propos Florence VANCOILLIE

Pasteur de l'Eglise évangélique libre de Toulouse depuis 2013, membre de la Commission synodale de l'UEEL.

Le salut par la foi, dès le début (Elisée II)

https://soundcloud.com/eel-toulouse/sons-de-dimanche-matin-3

Lecture biblique: 2 Rois 5.1-19

1 Le chef de l’armée du roi de Syrie s’appelle Naaman. C’est quelqu’un d’important pour son maître le roi, qui est très bon pour lui. En effet, c’est par lui que le SEIGNEUR a donné la victoire aux Syriens. Mais ce combattant courageux est lépreux. 
2 Or, des bandes de Syriens qui sont entrés en Israël ont fait prisonnière une petite fille. Celle-ci est devenue la servante de la femme de Naaman. 3 Un jour, la petite fille dit à sa maîtresse : « Ah ! si mon maître pouvait aller voir le prophète qui est à Samarie ! Il le guérirait de sa lèpre. » 4 Naaman va trouver le roi. Il lui raconte ce que la jeune Israélite a dit.  5 Le roi lui répond : « Va là-bas ! Je vais te donner une lettre pour le roi d’Israël. » Alors Naaman part. Il emporte à peu près 300 kilos d’argent, 60 kilos d’or et 10 habits de fête. 
6 Il remet la lettre de son roi au roi d’Israël. Voici ce que le roi de Syrie a écrit : « Avec cette lettre, je t’envoie le chef de mon armée, Naaman, pour que tu le guérisses de sa lèpre. »  7 Quand le roi a fini de lire la lettre, il déchire ses vêtements et dit : « Est-ce que je suis Dieu, moi ? Est-ce que je peux faire vivre les gens et les faire mourir ? Le roi de Syrie m’envoie un homme pour que je le guérisse de sa lèpre ! Vous le voyez : il me cherche querelle ! » 8 Élisée, l’homme de Dieu, apprend que le roi d’Israël a déchiré ses vêtements. Il lui fait dire : « Tu as déchiré tes vêtements. Pourquoi donc ? Naaman n’a qu’à venir me voir. Il saura qu’il y a un prophète en Israël. »
9 Naaman arrive avec son char et ses chevaux et il s’arrête à l’entrée de la maison d’Élisée. 10 Élisée envoie un messager pour lui dire : « Va te laver sept fois dans le fleuve Jourdain. Alors tu seras guéri et tu deviendras pur. » 11 Naaman se met en colère. Il part en disant : « Je pensais : le prophète va sûrement sortir de chez lui. Il se présentera devant moi. Il priera le SEIGNEUR son Dieu. Il passera sa main sur l’endroit malade et il me guérira de ma lèpre. 12 Est-ce que les fleuves de Damas, l’Abana et le Parpar, ne valent pas mieux que toute l’eau d’Israël ? Je pouvais bien me laver en Syrie pour devenir pur. » Naaman repart donc. Il est très en colère. 13 Mais ses serviteurs s’approchent de lui et lui disent : « Maître, si le prophète te commandait une chose difficile, est-ce que tu refuserais ? Eh bien, quand il te dit de te laver pour devenir pur, écoute-le ! » 
14 Alors Naaman descend dans le Jourdain. Il plonge sept fois dans l’eau, comme Élisée l’a commandé. Sa peau est de nouveau comme celle d’un petit enfant, et il devient pur.  15 Naaman retourne chez l’homme de Dieu avec tous ceux qui sont avec lui. Il se tient devant lui et dit : « Maintenant, je le sais, sur toute la terre, il n’y a aucun Dieu, sinon celui d’Israël. Je t’en prie, accepte le cadeau que je t’offre. » 16 Élisée répond : « Par le SEIGNEUR vivant que je sers, je n’accepterai rien. » Naaman insiste encore, mais Élisée refuse. 17 Alors Naaman dit : « Puisque tu refuses tout cadeau, permets-moi au moins d’emporter de la terre de ce pays. J’en ferai charger deux mulets. En effet, j’offrirai des sacrifices complets et des sacrifices de communion seulement au SEIGNEUR, et non plus à d’autres dieux.    18 Mais je demande pardon au SEIGNEUR pour ceci : quand mon maître, le roi de Syrie, entre dans le temple de son dieu Rimmon, pour prier, il s’appuie sur mon bras. Alors moi aussi, je dois me mettre à genoux. Que le SEIGNEUR accepte de me pardonner ce geste ! » 
19Élisée lui répond : « Tu peux partir en paix. » Et Naaman s’en va.

Il avait tout : la réussite, le prestige, le statut, l’argent… C’était sûrement l’homme le plus respecté du royaume de Syrie, après le roi bien sûr. Et pourtant, Naaman souffrait. C’était l’arrière-plan de tout ce qu’il vivait, ce qu’il ne pouvait jamais oublier, comme une cage ; lui l’homme fort, puissant et reconnu, lui qui dominait les armées et les peuples, était prisonnier de cette souffrance. Vous savez, comme le mal de dos ou l’arthrose : on vit, bien sûr, mais tout est déformé par cette douleur lancinante.

Mais le récit biblique s’attarde peu sur sa souffrance ou son soulagement, sur la puissance de Dieu qui fait des miracles – non, l’auteur se concentre surtout sur l’attitude de Naaman, et de ceux qui l’entourent : la jeune esclave juive qui conseille d’aller voir le prophète d’Israël, l’épouse qui transmet le conseil, le roi syrien qui fait tout pour faciliter la tâche à Naaman en le recommandant au roi d’Israël, et en envoyant une très belle somme en signe de paix… le roi d’Israël qui se vexe, tellement loin de Dieu qu’il ne comprend rien ; le prophète Elisée, qui sauve la mise mais sans être compris par Naaman ; les esclaves de Naaman qui l’aident à réfléchir posément à la situation. Au-delà du miracle, c’est toutes ces personnes qui attirent notre attention et nous aident à comprendre ce qu’est la foi.

1)   Croire, simplement

Ce miracle se caractérise par sa simplicité, par son côté presque trop facile. Cet homme souffre depuis des années, et il lui suffirait de se baigner pour être délivré ? Vraiment ? Alors que tous les médecins de Syrie, avec tous leurs remèdes et leurs rites, n’ont rien pu faire pour lui ? Naaman, le grand Naaman, l’impressionnant Naaman (vous l’imaginez avec ses chars et ses chevaux devant la petite maison d’Elisée ?), a l’impression d’être pris pour un imbécile. Après tout ce voyage, rempli d’espoir, il attendait quelque chose de plus et pas quelque chose de moins…

Au-delà de la surprise, ce qui est dur pour Naaman, c’est de renoncer à ses attentes, à ses hypothèses personnelles, à sa façon de voir les choses, pour laisser Dieu le conduire sur un nouveau chemin. Quand on raconte cette histoire aux enfants, on insiste souvent sur la cuirasse que Naaman doit enlever, élément par élément, pour se baigner dans le Jourdain, pour se mettre à nu. Cette mise à nu physique illustre bien l’abandon, le « lâcher-prise », que Naaman doit vivre intérieurement pour pouvoir être sauvé.

La foi est souvent comparée à un saut dans le vide, mais parfois, faire confiance à Dieu est moins spectaculaire, c’est enlever nos masques, nos résistances, peut-être notre vision de nous, c’est se dépouiller pour recevoir ce que Dieu veut nous donner. Oui, perdre pour recevoir. Dans l’Evangile, on utilise une autre expression : « mourir », pour vivre mieux, pour vivre vraiment.

C’est vrai pour notre conversion, quand nous comprenons que nos efforts ne peuvent pas mériter le salut, et que nous faisons confiance aux efforts de Jésus en notre faveur, mais n’est-ce pas vrai aussi au quotidien ? Aujourd’hui, si je veux avancer léger sur le chemin du salut, de quel poids, de quelle cuirasse, dois-je me débarrasser ? En communauté, ensemble, quel fardeau, quel poids, quels malentendus, quels conflits, et peut-être même quelles convictions Dieu nous demande-t-il de laisser sur la rive, pour avancer un peu plus loin avec lui, pour plonger plus profondément dans les eaux du salut ?

C’est terriblement dur d’abandonner ce qui nous définit, ce qui nous rassure, ce que nous désirons, en particulier face à l’inconnu. La colère de Naaman fait écho à notre propre désarroi, à nos résistances devant le changement, à nos craintes : qui suis-je sans ma cuirasse ? sans mon statut ? que va-t-il m’arriver quand je serai faible et nu en plein milieu du Jourdain ?

C’est terriblement dur, mais c’est vital ! Car qu’est-ce qui vaut plus que la santé ? Et je ne parle pas de santé physique ! Quelle cuirasse fait le poids face à la possibilité, même infime, d’être débarrassé de ce qui nous pèse, de ce qui nous mine ?

Naaman doit se faire petit devant Dieu, descendre de son cheval, abandonner son prestige, et se présenter simplement à lui – il doit redevenir un simple homme, tout comme ses serviteurs ou sa servante, se faire pauvre devant Dieu, pour recevoir les richesses de Dieu. Et alors, Dieu répond. Et il répond au-delà de la guérison, puisque dans le Jourdain, Naaman comprend que Dieu est Dieu, que Dieu existe, que les idoles qu’il adorait jusque là sont vaines et mortes, et que, s’il vit, c’est grâce au Dieu vivant !

2)   Croire au Dieu de grâce

Au cadeau qu’il veut offrir, Elisée oppose un refus : le salut est gratuit. Gratuit. On ne paie pas le miracle, même avec de bonnes intentions ; on ne s’acquitte pas du salut – le salut est gratuit. C’est d’autant plus mis en valeur que le serviteur d’Elisée, dans la suite du texte, va courir après Naaman et lui soutirer quelques kilos d’argent avec un mensonge – Elisée, le prenant sur le fait, annonce que Dieu le punira pour avoir cherché à profiter du miracle, et Guéhazi, qui voulait tant l’argent de Naaman, se retrouve porteur de sa lèpre.

Le salut est gratuit : c’était vrai à l’époque, et ça l’est toujours. C’est toujours le même Dieu de grâce, d’Abraham à Jésus-Christ, en passant par Naaman, et y toucher, en tirer avantage, c’est salir ce don extraordinaire que Dieu fait. Je suis tombée par hasard sur une église, il y a peu, dont le numéro de téléphone est payant… Dans ces cas-là, on ne sert plus le Dieu de grâce… On se sert soi-même ! Non, le salut est gratuit, car il vient de Dieu.

Attention, ce qui est gratuit ne vaut pas rien. Le salut est gratuit parce qu’il n’a pas de prix : quelle valeur donneriez-vous à la vie ? C’est bien plus que ce que nous pourrions payer ! En fait, nous ne pouvons pas le payer, seul Dieu le peut, et il l’a fait, plus tard, en Jésus-Christ. Le prix est payé : et ce cadeau inestimable (la vie du Fils de Dieu), nous n’avons qu’à le saisir – c’est la foi.

Mais si Dieu ne demande ni or ni argent, la réponse à cette vie nouvelle que nous recevons, c’est de vivre pleinement pour Dieu. C’est bien la résolution de Naaman, qui repart, prêt à abandonner ses vieilles idoles, et à n’adorer que Dieu seul. Elisée le comprend bien, et c’est sûrement pour cette raison qu’il donne sa bénédiction à Naaman : ce dernier va faire de son mieux pour respecter et adorer Dieu, dans son contexte.

Entre parenthèses, on pourrait considérer sa demande de pardon pour la prosternation comme un compromis, mais Naaman est clairement sincère, prêt à faire tout ce qu’il peut pour adorer Dieu. Et puis c’est un jeune converti, et peut-être qu’Elisée choisit de valoriser tous les changements qui ont déjà eu lieu en Naaman, et pas ce qu’il reste à faire, faisant confiance à Dieu pour guider Naaman dorénavant. Cette sagesse vaut aussi aujourd’hui, dans notre attitude face aux nouveaux chrétiens : reconnaître ce qui change, et encourager avec patience, sans attendre d’eux la perfection que nous n’avons pas nous-mêmes. Faire confiance au Dieu de grâce qui a sauvé, et qui continue de transformer.

3)   Croire, partout

Le dernier élément que je relèverai, c’est la souveraineté universelle de Dieu. Il est frappant de voir que Dieu agit par Naaman, même avant qu’il ne le sache : ses victoires sont clairement attribuées à Dieu. Le détour par Israël permet à Naaman de rencontrer Dieu et de repartir en croyant. L’ironie est forte ! Le « païen » repart avec la foi, tandis que, à part Elisée, les membres du peuple élu (le roi, le serviteur Guéhazi) ne reconnaissent pas l’action de Dieu. C’est un sacré avertissement pour ceux qui se croient « spirituels » et qui peuvent se révéler bien aveugles…

Naaman demande un peu de terre pour se construire un autel consacré à Dieu, un lieu de culte dans un pays où personne ne croit en ce Dieu-là. Cette terre qu’il prend est plus qu’un souvenir, ce n’est pas un magnet, ou une tasse, ce n’est pas non plus magique, c’est la conscience que là où il va, Dieu est là.

Nous sommes à l’aise dans l’église, avec des chrétiens qui partagent notre foi, avec nos codes et nos habitudes, mais comment décrypter la présence de Dieu au-dehors ? Dans le monde où Dieu nous envoie ? En vacances ou hors vacances, comment emmener Dieu avec nous ? Comment nous rendre attentifs à sa présence ? Dans les rencontres de famille parfois tendues, comment l’inviter à côté de nous, à table, dans le salon ? Au travail, comment servir Dieu ? même si personne ne comprend, même dans les tâches peut-être prosaïques du quotidien, dans les rencontres, les discussions à la machine à café ? Dans les transports, au marché, pendant le sport : comment adorer Dieu partout où nous sommes ? C’est notre défi de croyants : vivre avec Dieu en tous lieux. Et j’aime cette image de la terre qu’on prend avec soi, comme une manière concrète de se rappeler que Dieu est là. Peu importe le lieu, le contexte ou les gens : Dieu est là, et nous pouvons tout vivre avec lui.

Conclusion

Dès le départ, le salut que l’on trouve auprès de Dieu est un salut qui demande la foi, qui demande non pas de faire, mais de lâcher, pour recevoir avec confiance ce que nos mains n’auraient pas pu attraper. Un salut gratuit, d’une valeur inestimable, que seul le Christ peut nous obtenir. Un salut total, qui bouleverse toute notre vie, qui transfigure nos chemins, nos rencontres, nos activités, un salut qui nous emmène sur des lieux inconnus, où la grâce abondante de Dieu se révèle.

Recevoir les miracles

https://soundcloud.com/eel-toulouse/croire-au-miracle

« J’ai 35 ans, mais j’ai l’impression d’en avoir le double. Ma vie est terriblement difficile en ce moment ! Il y a quatre jours, mon mari est mort, et il m’a laissée avec une maison et deux petits à gérer. Vous savez, je ne travaille pas, ma famille est loin, je suis franchement démunie. Au milieu de ma peine, j’ai tellement de soucis ! Et ce matin, j’ai reçu une visite qui m’a glacé le sang : l’an dernier, nous avons eu une mauvaise récolte, et du coup nous avons dû emprunter de l’argent pour nous nourrir. Nous pensions rembourser cette année, si le climat était propice, mais les fortes chaleurs nous ont obligé à emprunter une deuxième fois, à un commerçant qui n’était pas touché par la sécheresse. Mais maintenant que mon mari est mort, il réclame le paiement de mes dettes ! il a même menacé de prendre mes deux garçons, mes deux petits, pour les faire travailler et rembourser notre dette. Je suis désespérée… Au fond du trou. Il me reste peut-être un recours : je vais aller voir Elisée, le prophète qui était dans le même groupe que mon mari. Il était proche du grand prophète Elie, peut-être qu’il pourra m’aider. »

Lecture biblique: 2 Rois 4.1-7 

1Un jour, une veuve vient trouver Élisée. Son mari faisait partie d’un groupe de prophètes. Elle supplie Élisée en disant : « Mon mari est mort. Tu le sais, il respectait le SEIGNEUR. Or, l’homme à qui nous avons emprunté de l’argent est venu me demander mes deux enfants. Il veut en faire ses esclaves. » 
2Élisée lui dit : « Qu’est-ce que je peux faire pour toi ? Dis-moi ce que tu as chez toi. » La femme répond : « Je n’ai rien du tout. Il me reste seulement un peu d’huile pour me parfumer. » 
3Élisée lui dit : « Va donc demander des récipients vides chez tes voisines. Tu en demanderas beaucoup. 
4Quand tu seras rentrée chez toi avec tes enfants, ferme bien la porte. Ensuite, tu verseras de l’huile dans tous ces récipients et tu mettras de côté ceux qui seront pleins. »
5La femme quitte Élisée. Quand elle est chez elle avec ses enfants, elle ferme la porte. Ses fils lui présentent les récipients, et elle les remplit. 
6Quand les récipients sont pleins, elle dit à l’un de ses enfants : « Donne-moi encore un récipient. » Mais il répond : « Il n’y en a plus. » Alors l’huile s’arrête de couler. 
7La femme va raconter à Élisée ce qui vient d’arriver. Le prophète lui dit : « Va vendre cette huile et rembourse ta dette. L’argent qui te restera vous permettra de vivre, toi et tes fils. »

En ce début de mois de juillet, je commence une série, comme nous avons l’habitude de le faire pendant l’été, consacrée cette année à des épisodes autour du prophète Elisée, que l’on trouve dans le deuxième livre des Rois (2 R 2-13). Elisée, comme Elie, son prédécesseur et maître, exerce son ministère dans un contexte très dur. Nous sommes aux environs de 850-800 av. JC, et ça fait un peu plus d’un siècle que le royaume d’Israël s’est divisé en 2, au nord et au sud. Depuis, il y a une sorte d’engrenage, avec des rois de plus en plus sourds à Dieu, en particulier au Nord, là où Elie puis Elisée exercent. Dans un pays où sur le plan politique – les rois – et sur le plan religieux – les prêtres – tous sont corrompus, et trahissent allègrement leur alliance avec Dieu, comment Dieu peut-il montrer sa fidélité, sa présence ? Il le fait en passant par les quelques prophètes qui lui sont encore fidèles, et qui vont devenir les catalyseurs de l’action de Dieu. D’où l’importance d’Elie et Elisée dans ces annales sur les rois d’Israël.

1)   La foi, au jour le jour

Evidemment, ce qui est au centre de ce récit, c’est le miracle ! La puissance de Dieu qui vient au secours des plus démunis. A l’époque, les veuves, les orphelins, sont parmi les plus fragiles sur le plan social, et il n’est pas étonnant qu’ils soient vite dans l’impasse. Par l’intermédiaire d’Elisée, cette veuve et ses enfants échappent à la perte de leurs biens voire de la liberté, avec l’esclavage, mais en plus ils reçoivent de quoi vivre longtemps.

Mais arrêtons-nous sur la foi de la veuve. Est-ce que vous avez remarqué sa docilité ? Elle présente sa situation désespérée à Elisée, dans l’urgence, et lui, il lui demande d’aller chercher des récipients. Il lui donne des instructions précises, qu’elle respecte scrupuleusement et sans poser de question. C’est d’autant plus étonnant qu’Elisée n’est pas responsable depuis longtemps, et qu’il est encore en train de prouver qu’il est vraiment prophète de l’Eternel, du vrai Dieu. Nous, à sa place, on aurait quand même demandé des précisions, mais elle, elle y va. Je ne dis pas qu’il faille obéir sans réfléchir à ce que dit le pasteur ( !), mais cette femme nous donne un exemple de ce que peut être la foi.

Manifestement, elle reconnaît dans les paroles d’Elisée quelque chose qui vient de Dieu, et elle s’y accroche. Elle s’y accroche maintenant, sans savoir de quoi sera fait demain, sans savoir où ça va l’emmener. Quand elle expose sa situation à Elisée, on ne sait pas ce qu’elle attend : une offrande/ aumône, qu’un des prophètes aille parler avec le créancier pour négocier la dette ?… mais probablement pas un miracle ! Donc une foi exemplaire, qui avance pas à pas, sans savoir de quoi l’avenir sera fait – et cette qualité-là est essentielle dans la foi. Faire confiance, à Dieu, c’est accepter de ne pas tout savoir, mais de croire que sur notre chemin, encore inconnu, Dieu sera présent et agira.

Et Dieu a agi ! Il a multiplié, il a fait déborder sa grâce – ici de manière miraculeuse, spectaculaire, mais bien souvent dans notre vie, de manière discrète mais décisive : une offre d’emploi, une guérison, une rencontre, ou encore la paix dans la difficulté ! la réconciliation au milieu du conflit ! Dieu fait déborder sa grâce, aujourd’hui, comme hier, et c’est ça qui motive notre confiance aujourd’hui, au jour le jour.

2)   Dieu agit pour et avec nous

Dans ce miracle (ailleurs ça peut être différent), Dieu utilise ce que la veuve possède « Qu’est-ce que tu as ? Un reste de parfum ». On est tous d’accord que le miracle ne dépend pas de ce qui est là, mais de celui qui fait – le miracle ne vient pas du reste de parfum mais de Dieu ! Cela dit, je comprends ce fond de parfum comme un rappel que Dieu agit la plupart du temps avec ce qu’on a, aussi petit soit-il. Il n’intervient pas sans nous, comme si nous étions passifs, spectateurs, récepteurs anesthésiés – non, il nous implique !

Quand Jésus a nourri des milliers de gens, il a utilisé le peu qui était là, 5 pains, 2 poissons. Dieu nous implique dans son miracle, personnellement, avec ce que nous sommes. On retrouve la même dynamique dans le salut, non plus seulement du corps, mais total, que Jésus nous offre : il prend notre culpabilité en mourant sur la croix, il ressuscite, victorieux, innocent et juste, triomphant du mal, prince du salut – mais si nous n’apportons pas notre petit et faible « oui, je crois », rien ne se passe. Quand Jésus envoie ensuite son Esprit dans le croyant pour le remplir de sa vie et le transformer, si nous n’apportons notre petit et faible « s’il te plaît, change-moi », peu se passe. Les miracles ne dépendent pas de ce que nous avons, l’action de Dieu ne repose pas sur notre puissance – et pourtant, Dieu nous implique // parce qu’il veut être en relation avec nous. Dieu n’agit pas que pour nous, il agit avec nous, il nous rend partenaires de son salut (quelle dignité !) partenaires de son salut, pour le grand salut de l’âme, avec notre faible « oui » comme pour les portes qui s’ouvrent au quotidien, avec notre faible prière ou notre engagement parfois minime. Mais Dieu agit avec nous, parce qu’il nous aime et nous respecte.

3)   Notre rôle dans le miracle

Cette histoire nous parle de Dieu, de ses miracles, d’Elisée qui se montre fiable dans ses prophéties puisqu’elles s’accomplissent, de la foi de la veuve, sa confiance même quand elle ne maîtrise pas tout. Mais je trouve autre chose dans ce récit : un exemple de fraternité. La fraternité, c’est une des marques de l’église, mais nous sommes parfois démunis dans ce domaine, côté matériel mais aussi moral, spirituel. Comment vivre à plusieurs le miracle ? Le texte nous donne trois repères.

1) La veuve expose sa situation. Elle en parle ! On a le droit de parler de ses problèmes ! Personne n’est censé être le grand vainqueur qui réussit tout sans jamais faillir ou douter. On a le droit de demander de l’aide, ou du soutien.

Mais remarquez que la veuve reste assez sobre : elle dit ce qu’elle vit, mais elle n’impose pas à Elisée de faire telle ou telle chose. Elle parle, puis elle passe la parole [image ballon qu’on passe] et elle écoute de ce qu’Elisée va dire. Elle est vraiment dans l’équilibre – ni « je serre les dents, je ronge mon frein, et dans 5 ans j’ai un ulcère », ni « j’ai ce problème, c’est le tien maintenant, résous-le ». Parfois on a peur de s’exprimer parce qu’on craint de trop faire peser sur l’autre, mais la veuve a trouvé le bon positionnement : confier sans écraser.

2) En réponse, Elisée la responsabilise. Vous avez remarqué qu’il ne fait rien ! Il donne deux-trois consignes et c’est tout. C’est elle qui est responsable de sa vie, et ce n’est pas à Elisée de résoudre ses problèmes ou de gérer sa vie. Elle n’est pas un bébé, mais une adulte, et c’est à elle de décider ce qu’elle va mettre en pratique.

C’est central pour nous : souvent, quand quelqu’un nous confie ses problèmes, on est tentés de régler sa vie, mais ce n’est pas notre place. On peut vite s’épuiser, voire se perdre, si on essaye de « sauver » l’autre, de gérer sa vie à sa place.

3) Cela dit, Elisée ne la laisse pas toute seule. Déjà il donne des conseils, et il recommande qu’elle s’appuie sur ses voisines. Alors prêter un récipient, ça nous paraît peu, mais à l’époque les gens avaient moins de matériel domestique !  Il ne faut pas surinterpréter le texte, mais je suis frappée qu’Elisée l’encourage à solliciter les autres même si ce n’est pas grand-chose.

Nous ne sauverons pas les autres – Dieu seul le peut, et il le fait en partenariat avec la personne, dans le secret d’une chambre fermée. Mais, nous pouvons quand même être solidaires : donner de notre temps, écouter, prier, accompagner, éventuellement aider, donner. Nous aussi, nous pouvons participer aux miracles que vivent les autres, à notre place, par fraternité.

Conclusion

En conclusion, j’aimerais vous laisser une image qui illustre comment Dieu a agi pour la veuve. Elle était en train de se noyer… et Dieu l’a sauvée ! Il est descendu de son hélicoptère, a lancé une corde pour la remonter. Mais ce n’est pas tout : la veuve a tendu les bras, avant même de voir la corde, elle a tendu les bras vers Dieu. Mais ce n’est pas tout : ceux qui l’entouraient ont appelé Dieu à l’aide, ils ont lancé des bouées, peut-être des encouragements…

Alors ce texte n’est pas le modèle d’action de Dieu par excellence, ce n’est qu’un exemple de la manière dont Dieu a agi pour cette femme – parfois, il agit autrement. Mais ce récit nous rappelle une vérité inébranlable : Dieu prend soin de nous. Dieu nous aime. Dieu veut intervenir pour nous, et avec nous. Il nous implique dans ses miracles, par la prière et l’action, que ce soit en notre faveur ou en faveur des autres. Il nous fait passer dans les coulisses de son amour, de sa puissance, et nous rend partenaires de son action dans le monde. Alors osons approcher Dieu avec le peu que nous sommes, le peu que nous avons, osons approcher avec foi, en sachant qu’il fera des miracles !

Pentecôte à Samarie

Même si nous ne fêterons l’Ascension, la montée du Christ au ciel et la Pentecôte, don du SE à l’Église, que les prochains dimanches, je vous propose de sauter quelques étapes et de lire un passage du livre des Actes. A Jérusalem, les apôtres ont déjà reçu le SE, d’une manière spectaculaire, qui a montré qu’une nouvelle ère s’ouvrait pour le peuple de Dieu. Les apôtres parlent de Jésus, et les Juifs présents dans la ville se convertissent en masse. Assez rapidement, l’église rencontre la persécution des responsables religieux juifs – les croyants se dispersent alors, et ce qui aurait dû être un coup d’arrêt pour les disciples de Jésus devient un formidable tremplin pour annoncer la bonne nouvelle du salut en JC à d’autres, toujours plus loin.

Lecture biblique: Actes 8.4-25
4 Les croyants qui sont partis de tous les côtés vont d’un endroit à l’autre, en annonçant la Bonne Nouvelle.
5 Philippe va dans une ville de Samarie, et là, il annonce le Messie.
6 D’un commun accord, les habitants viennent en foule, et ils écoutent avec attention ce qu’il dit. En effet, ils entendent parler des choses extraordinaires qu’il fait et ils les voient. 7 Des esprits mauvais sortent de nombreux malades, en poussant de grands cris, beaucoup de paralysés et d’infirmes sont guéris.
8 Alors la joie est grande dans cette ville.
9 Un homme appelé Simon habite dans cette ville depuis un certain temps. Il pratique la magie et il étonne beaucoup les gens de Samarie. Il dit qu’il est quelqu’un d’important, 10 et tous, les plus jeunes comme les plus vieux, l’écoutent avec attention. On dit : « Cet homme, c’est la puissance de Dieu, celle qu’on appelle la “Grande Puissance” ! » 11 Depuis longtemps, Simon étonne beaucoup les gens avec sa magie, c’est pourquoi ils l’écoutent avec attention. 12 Mais maintenant, Philippe leur annonce la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ et du Royaume de Dieu. Tous ceux qui le croient, des hommes et des femmes, se font baptiser. 13 Même Simon devient croyant, il se fait baptiser et il ne quitte plus Philippe. En voyant les miracles et les choses extraordinaires qui arrivent, c’est lui qui est très étonné !
14 À Jérusalem, les apôtres apprennent que les gens de Samarie ont reçu la parole de Dieu, ils leur envoient donc Pierre et Jean. 15 Quand les deux apôtres arrivent en Samarie, ils prient pour que les croyants reçoivent l’Esprit Saint. 16 En effet, l’Esprit Saint n’est encore descendu sur personne parmi eux. Ils ont seulement été baptisés au nom du Seigneur Jésus 17 Alors Pierre et Jean posent les mains sur leur tête, et ils reçoivent l’Esprit Saint.
18 Simon voit que les croyants reçoivent l’Esprit Saint quand les apôtres posent les mains sur leur tête. C’est pourquoi il offre de l’argent à Pierre et à Jean 19 en leur disant : « Donnez-moi ce pouvoir, à moi aussi. De cette façon, quand je poserai les mains sur la tête de quelqu’un, cette personne recevra l’Esprit Saint. » 20 Mais Pierre lui répond : « Que ton argent soit détruit, et toi aussi ! Tu as cru que tu pouvais acheter avec de l’argent ce que Dieu donne gratuitement. 21 Ce qui se passe ici n’est pas pour toi, tu n’as pas le droit d’y participer ! En effet, pour Dieu, ton intention est mauvaise. 22 Ce que tu as fait est mal, reconnais cela et prie le Seigneur. Il va peut-être pardonner ces mauvaises pensées. 23 Oui, je le vois, tu es rempli d’envie et prisonnier du péché ! » 24 Simon répond à Pierre et à Jean : « Priez vous-mêmes le Seigneur pour moi, alors rien de ce que vous avez dit ne pourra m’arriver. »
25 Les deux apôtres rendent témoignage en annonçant la parole du Seigneur, puis ils retournent à Jérusalem. En chemin, ils font connaître la Bonne Nouvelle dans beaucoup de villages de Samarie.

Ce récit du début de l’Eglise entremêle deux fils, deux histoires. D’un côté, nous avons le plan large, avec Philippe qui prêche aux foules, qui guérit, délivre, et fait des choses extraordinaires, les foules qui se convertissent, les apôtres qui viennent rencontrer les habitants, et repartent en traversant les villages de Samarie. Et d’un autre côté, en parallèle, Luc focalise notre attention sur un personnage en particulier, Simon, le magicien, en relief par rapport aux autres. Je suivrai ces deux fils, pour voir comment ce texte nous enseigne et nous encourage aujourd’hui.

1) La foi des Samaritains : l’Évangile ouvre les frontières
Il était une fois un breton qui croyait que Jésus donnait le salut, et le disait à qui voulait l’entendre. Persécuté par ses proches, il prit son baluchon et partit prêcher… en Normandie ! Selon votre lieu d’origine, vous pouvez remplacer par : un Aveyronnais qui va dans le Tarn, ou un Alsacien qui part en Lorraine. Plus sérieusement, par un citoyen actuel d’Israël qui irait dans la bande de Gaza. On le sait, les pires ennemis sont souvent les plus proches, les faux frères. Les Juifs et les Samaritains étaient de ces faux frères-là : issus du même peuple, les aléas de l’Histoire ont conduit une branche des Juifs à se mélanger aux peuples païens locaux, lorsqu’Israël a été déporté aux 8e et 6e s. avant JC. Non contents de s’unir à ces peuples, ceux qui sont devenus les Samaritains ont adopté certains éléments de leur religion païenne, se faisant une foi à leur sauce, avec des éléments bibliques et des éléments qui n’avaient rien à voir. Ainsi débute la longue hostilité entre Juifs « purs » et Samaritains « bâtards ».
Et voilà que Philippe prend sur lui d’aller dans une ville de Samarie prêcher le salut, comme Jésus l’avait fait quelques années plus tôt. Sa prédication impressionne, Dieu authentifie ses paroles par des miracles, et les gens croient en Jésus, et ils reçoivent le baptême. Philippe a compris que Jésus veut offrir le salut à tous, et pas seulement aux descendants d’Abraham, de Moïse et de David. En s’adressant à des « demi-Juifs », il amorce un mouvement qui s’élargira ensuite aux non-Juifs, lorsque Corneille le païen sera à son tour considéré comme un frère, en Christ. Cet épisode, c’est le début d’une Eglise sans frontières.
C’est bien pour cela que les apôtres Pierre et Jean se déplacent de Jérusalem, ravis d’entendre que d’autres ont reconnu le Christ comme leur sauveur. C’est pour cela aussi qu’ils prient pour eux de manière spécifique, demandant le Saint Esprit. Alors c’est vrai que normalement, selon les enseignements des apôtres, lorsque quelqu’un croit en Jésus, il reçoit automatiquement l’Esprit de Jésus qui le relie à Dieu et lui permet de recevoir le pardon, l’amour et la vie de Dieu, avant de demander le baptême. Mais là nous sommes dans une situation particulière, avec des questions de préjugés que vous pouvez bien imaginer… Une des façons de comprendre ce qui se passe là, c’est que Pierre et Jean ont voulu marquer le coup, en étendant leurs mains en signe de solidarité et de communion, et en priant pour le don du SE qui authentifie le fait que, oui, les Samaritains, même eux, lorsqu’ils croient en Jésus, font partie du même peuple que les autres, et ont le même statut qu’eux – la preuve : ils reçoivent l’Esprit dans les mêmes conditions spectaculaires que les Juifs à la Pentecôte. On retrouvera la même situation plus tard, avec une mini Pentecôte des païens : Juifs, non-Juifs, demi-Juifs, peu importe, car tous sont sauvés par le même Christ. Luc prend soin de noter la joie qui se répand dans la ville – quelle joie en effet pour cette communauté qui trouve en Jésus le salut mais aussi l’unité et la réconciliation.

2) Simon, ou la tentation du pouvoir
En contrepoint, Luc évoque Simon. Magicien, manifestement compétent, il a un impact extraordinaire sur les gens, à cause de ses actes impressionnants. Mais à l’arrivée de Philippe, la foule le quitte pour aller vers ce rival plus puissant, ce plus grand « magicien ». Simon, impressionné, suit le mouvement de foule, confesse sa foi, reçoit le baptême et commence à suivre Philippe partout. Lorsque Pierre et Jean arrivent et prient pour le don du Saint-Esprit aux Samaritains, Simon n’en croit pas ses yeux – il faut imaginer une manifestation visible de l’Esprit, comme les langues de feu à la Pentecôte – et demande à Pierre d’avoir lui aussi ce pouvoir de donner le SE : il reçoit en retour une volée de bois vert.
La description de Simon souligne l’importance du pouvoir chez lui : en effet, il dit de lui-même qu’il est un grand, et il accepte qu’on le considère comme une « puissance » divine. Sa demande est du même cru : le désir de posséder un pouvoir inédit, peut-être pour retrouver son ancienne influence sur les foules. Est-ce que Simon a feint de croire en Jésus pour découvrir les « secrets » des miracles chrétiens ? Ou est-ce seulement la force de l’habitude ? On ne le sait pas, mais Simon annonce tous ces chrétiens, à divers niveaux d’autorité, qui garderont dans l’Histoire cette tentation du pouvoir, et chercheront, jusqu’à aujourd’hui, à instrumentaliser la puissance de Dieu dans leur intérêt propre. Beaucoup, aujourd’hui, dans les églises ou sur internet, promettent la guérison, la délivrance, la réussite, si on se met sous leur coupe… C’est d’ailleurs là la grande différence entre Simon et Philippe : Philippe prêche Jésus, tandis que Simon se prêche lui-même, lui, la « Grande Puissance ». Pendant les vacances, nous sommes passés devant une église protestante, et sur le panneau d’informations en façade, il n’y avait que des photos du pasteur, en train de prêcher, dans des bains de foule etc. Une autre église protestante, toute proche, montrait elle une vidéo sur le sens du salut (geste deux poids deux mesures). Tous ceux qui font des miracles ou qui prêchent avec conviction ne doivent pas forcément être suivis ! C’est Jésus qui sauve ! Donc, chacun d’entre nous doit exercer son sens critique : est-ce que ce que je vois ou j’entends me rapproche de Jésus, ou du prédicateur ? La tentation du pouvoir, de l’argent, est peut-être le problème que la Bible dénonce le plus, et qui garde malheureusement toute son actualité, hors de l’église mais dedans.
Que Simon soit syncrétiste ou simplement immoral, Pierre l’avertit que sa cupidité et sa mégalomanie le détruiront. C’est un esclavage, qui retient Simon dans l’amertume. Mais à ses paroles dures, Pierre ajoute une offre : repens-toi (litt. Change de mentalité), détourne-toi de ce mal, et prie pour le pardon. C’est le message de l’Evangile : ce qui nous détruit est mauvais, mais en Dieu, nous avons une chance de salut, si nous nous tournons sincèrement vers lui.
Simon demande à Pierre de prier pour lui : est-ce par une humilité toute nouvelle, ou par désintérêt (geste mise à distance) ? Difficile à dire ! Et Luc ne nous en dira pas davantage. Tout du long, Simon sera resté ambigu, ambivalent – peut-être un exemple des dérives qui ponctuent la croissance de l’église.

Conclusion
Ce récit nous montre la joie de l’Evangile qui se répand, les frontières, personnelles et communautaires, qui tombent, l’annonce généreuse de l’Evangile à tous, l’ouverture généreuse de l’Eglise à tous. Mais il nous montre aussi les franges, les risques, et nous invite, non à la fermeture et à la méfiance mais à la sagesse et à la prudence. Etre chrétien, aimant, accueillant, ne veut pas dire être naïf ! Nous sommes donc appelés, nous aussi, à ouvrir nos portes, à annoncer largement l’Evangile, à accueillir tout aussi largement, mais en gardant comme boussole le Christ, et le Christ seul.

Fiers en Christ

debout

Note: à cause d’un problème technique, la version audio n’est pas disponible.

Lecture biblique: Romains 5.1-11 (TOB)

1 Ainsi donc, justifiés par la foi, nous sommes en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ ; 2 par lui nous avons accès, par la foi, à cette grâce en laquelle nous sommes établis et nous mettons notre fierté dans l’espérance de la gloire de Dieu.

3 Bien plus, nous mettons notre fierté dans nos détresses mêmes, sachant que la détresse produit la persévérance, 4 la persévérance la fidélité éprouvée, la fidélité éprouvée l’espérance ; 5 et l’espérance ne trompe pas, car l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné.

6 Oui, quand nous étions encore sans force, Christ, au temps fixé, est mort pour des impies. 7 C’est à peine si quelqu’un voudrait mourir pour un juste ; peut-être pour un homme de bien accepterait-on de mourir. // 8 Mais en ceci Dieu prouve son amour envers nous : Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs.

9 Et puisque maintenant nous sommes justifiés par son sang, à plus forte raison serons-nous sauvés par lui de la colère. 10 Si en effet, quand nous étions ennemis de Dieu, nous avons été réconciliés avec lui par la mort de son Fils, à plus forte raison, réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie.

11 Bien plus, nous mettons notre fierté en Dieu par notre Seigneur Jésus Christ par qui, maintenant, nous avons reçu la réconciliation.

Dans sa lettre à l’église de Rome, Paul développe comme dans un traité les nuances de la foi chrétienne. Il a déjà expliqué ce que veut dire être « justifié par la foi » : dans un monde où nous sommes tous coupables à des degrés divers devant les autres et devant Dieu, le Christ lui n’a jamais commis le mal. Totalement innocent, il s’est livré à Dieu, assumant notre culpabilité pour nous offrir en échange son innocence. Lorsque nous croyons cela, nous sommes déclarés justes, acquittés, libérés de toute culpabilité et de toute condamnation, car tout a été payé par le Christ, Dieu devenu homme pour sauver le monde. Maintenant, Paul essaie développer les conséquences de cette affirmation : quel impact cela a-t-il sur nous ?

  • Pleins d’assurance

Paul met d’abord l’accent sur toutes les certitudes que nous avons, sur l’assurance que Dieu nous donne en Christ. Nous sommes sauvés, et c’est sûr, à 100 %. Il a utilisé l’image du procès : en Christ, nous sommes déclarés justes, acquittés de toute condamnation que nous mériterions. Ensuite, l’image de la relation – nous sommes réconciliés avec Dieu : ce n’est plus la guerre ! Nous ne sommes plus en rébellion, et Dieu n’est plus en colère contre nous. Mais ce n’est pas le statu quo : nous vivons maintenant une relation où chacun, nous pouvons être pleinement avec Dieu, dans la paix et dans l’amour. Enfin, nous avons changé de bord : eh oui, grâce au Christ, nous avons eu accès à la grâce de Dieu, et maintenant nous y habitons, nous y sommes debout, nous y sommes chez nous. La grâce de Dieu, c’est chez nous ! Nous sommes des résidents, des citoyens, de l’amour de Dieu.

Paul, c’est très clair, met l’accent ici sur ce que nous sommes, devant Dieu et avec Dieu, grâce au don du Christ. Ce que nous sommes ! La vie chrétienne, c’est d’abord une question d’identité, d’être, de relation avec Dieu – être chrétien, c’est, par la foi, être déclaré juste, être en paix avec Dieu, avoir accès à son amour et pouvoir y demeurer. Cela aura bien sûr un impact sur nos valeurs, nos attitudes et nos habitudes, notre caractère et nos actions, mais tout cela, c’est la conséquence de ce que nous sommes en Christ. Ce qui est premier, c’est ce que nous sommes – et d’ailleurs, dans sa lettre aux Romains, Paul va consacrer 11 chapitres à décrire ce que nous sommes, et 4 chapitres à décrire ce que ça implique, concrètement, dans notre vie quotidienne. Dans notre rapport à la foi, dans le regard que nous portons sur les autres et sur nous-mêmes, cette priorité de l’être est essentielle – d’autant qu’elle nous rappelle que ce n’est pas par nos propres efforts que nous sommes devenus différentes, mais nous avons reçu en cadeau une nouvelle identité, que nous apprenons à concrétiser. Si nous mettons l’accent d’abord sur nos pratiques – être chrétien, c’est : ne pas fumer, ne pas sortir, attendre avant le mariage… – alors nous glissons vers un salut par nos actes ou nos mérites, et pas sur l’identité profonde que nous recevons, gratuitement, grâce au Christ.

  • Pleins d’espérance

Notre assurance concerne aussi notre avenir : nous avons l’espérance de vivre la gloire de Dieu. Sans décrire l’indescriptible, disons que c’est la promesse d’une vie débordant de la plénitude de Dieu. Et là, Paul développe un peu plus, car l’espérance peut bien ressembler à une illusion ; autant des affirmations quant au présent peuvent passer – après tout, c’est le présent, c’est concret – autant affirmer quelque chose sur l’avenir, et l’avenir on ne sait pas quand/ on ne sait pas où/ on ne sait pas comment, l’avenir donc incertain, ça paraît farfelu. Donc Paul développe un peu : le Christ s’est donné pour nous offrir la vie, il a vaincu la mort pour détruire cet obstacle qui barrait notre horizon – il nous a ouvert le ciel.

Et nous avons deux preuves de cette vie avec Dieu qui nous est offerte, pour toujours : l’amour de Dieu répandu dans notre cœur (notre expérience intérieure), et l’événement historique de la Croix, un événement objectif, concret, avec des témoins oculaires. Les deux sont essentiels : l’expérience intérieure de l’amour de Dieu nous permet de voir que l’acte de Jésus à la Croix me concerne, vous concerne, personnellement, mais l’événement objectif prouve que cette relation intime avec Dieu n’est pas un délire, car elle est ancrée dans le réel.

Reste le dernier maillon : le lien entre notre expérience présente et l’espérance à venir. L’argument de Paul, c’est : qui peut le plus peut le moins. Je m’explique : lorsque Dieu nous a déclarés justes, nous étions coupables. Lorsqu’il a fait la paix avec nous, nous étions ennemis. Lorsqu’il nous a relevés et établis dans son amour, nous étions faibles et impuissants. C’est logique ! Maintenant, donc, que nous sommes déclarés justes, en paix, fortifiés par son amour, il ne reste plus grand-chose pour nous sauver totalement du mal qui nous colle encore à la peau ! Le pas le plus dur, le plus grand, le plus improbable, Dieu l’a déjà accompli, lorsqu’il a envoyé son Fils pour nous sauver. C’est comme si nous étions des terroristes, et que Jésus nous avait offert la nationalité du pays que nous attaquions : maintenant, nous avons les papiers, et même une offre d’emploi, une adresse, une lettre de recommandation du Roi – il ne reste que le transport, mais franchement, ce n’est pas le plus dur ! Nous avons les preuves, dans notre cœur et dans l’Histoire, que les promesses de Dieu vont se réaliser, et que nous allons pouvoir vivre avec lui, pour toujours dans son amour.

  • Toujours joyeux

Ainsi, entre ce que nous avons aujourd’hui et les promesses certaines pour l’avenir, nous avons de quoi être pleins d’assurance, et de joie. Et ce, même dans les difficultés, dans les épreuves. On voit là que Paul n’a pas que la tête dans les étoiles : il a aussi les pieds sur terre, et il sait bien que la vie chrétienne, malgré toutes les merveilles que Dieu nous offre, est parfois loin d’être rose. Mais bien loin de contredire notre salut et notre espérance, bien loin de suggérer que Dieu nous a abandonnés, l’épreuve nous permet de tester notre confiance et notre espérance. Dans le pire, parfois mieux que dans le meilleur, nous pouvons redécouvrir tout ce que Dieu nous a donné et que personne ne peut nous enlever, et alors nous pouvons grandir dans la foi et dans l’espérance (cf. autres prédications sur le thème de l’épreuve).

Du coup, dans le meilleur comme dans le pire, nous pouvons être fiers. Fiers de Dieu, grâce au Christ. // Oui, fiers ! Paul nous invite à la fierté ! Même en grec, le mot est étrange, et désigne bien la « vantardise », la vraie fierté, ce qui ne pouvait pas manquer de choquer les chrétiens de Rome, comme nous. Sauf que cette fierté-là est bien particulière.

Il ne s’agit pas d’être des chrétiens fiers, orgueilleux, condescendants vis-à-vis de ceux qui ne partagent pas notre foi – et c’est malheureusement bien souvent notre attitude. Parfois même envers les « autres » chrétiens, ou telle assemblée, parce qu’ils n’agissent pas comme nous ou qu’ils commettent à nos yeux des erreurs. Non, Paul ne nous encourage pas au mépris ou à la suffisance ! Mais à la fierté, en Christ. Il s’agit de vivre la tête haute, pas pour regarder les autres de haut, mais parce que le Christ nous a relevés, nous a libérés de la honte et de la culpabilité, pour nous donner une identité nouvelle, inébranlable, et une espérance certaine. Nous pouvons vivre debout, la tête haute, fiers de ce Dieu qui a tout fait, fiers de sa générosité, de son amour inédit, de sa puissance. Nous pouvons admirer Dieu, ce Dieu merveilleux que nous avons chanté, nous pouvons nous réjouir de ce qu’il est et de ce qu’il fait pour nous, et nous pouvons placer en lui notre confiance, notre assurance, notre espérance.

Conclusion

Cette fierté, cette joie, cette assurance, c’est ce qui permet à Paul de parler inlassablement du Christ : l’Evangile, bonne nouvelle, est la meilleure nouvelle qu’il ait reçu de sa vie, c’est sa plus grande source de joie, c’est sa certitude profonde, encore plus basique que 2+2=4, c’est sa raison d’espérer, c’est le sens qu’il donne à sa vie. Quoi qu’il arrive, par tempête ou par beau temps, il se tient fermement debout, ancré dans l’amour de Dieu que rien ne peut renverser.

Jésus, serviteur de Dieu

https://soundcloud.com/eel-toulouse/sons-de-dimanche-matin-2

Lecture biblique: Esaïe 50.4-11

Ce matin je vous invite à lire un passage tiré du livre du prophète Esaïe. Quelques mots pour resituer le contexte du livre. Environ 800 ans avant JC, le prophète confronte le peuple au mal qui le ronge, et annonce les conséquences de ce qu’ils vivent depuis plusieurs siècles. Mais au-delà du jugement, Esaie apporte aussi une espérance. Lorsque le peuple aura tout perdu, notamment ses illusions et son orgueil, Dieu les rejoindra, et les conduira sur le chemin du salut. C’est effectivement ce qui arrive : au 6e siècle, le peuple est déporté, mais le siècle suivant, il retrouve son pays et un semblant d’autonomie. Sauf que le salut qu’avait décrit Esaie dépasse largement ce que vit Israël à son retour : en fait, le prophète annonce un salut global et profond, apporté par un homme, un personnage mystérieux, qu’il appelle « Serviteur de l’Eternel » – c’est une figure du Messie, du Sauveur. Le passage que je vais lire, dans Es 50, est un de ces « chants du Serviteur » qui annoncent le Christ.

4 Le Seigneur DIEU m’a donné le langage des disciples, pour que je sache soutenir par une parole celui qui est épuisé ; chaque matin, il éveille, il éveille mon oreille, pour que j’écoute à la manière des disciples.
5 Le Seigneur DIEU m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas rebellé et je ne me suis pas dérobé.

6 J’ai livré mon dos à ceux qui me frappaient et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe ; je ne me suis pas détourné des insultes et des crachats.
7 Mais le Seigneur DIEU m’a secouru ; c’est pourquoi je n’ai pas été confus, c’est pourquoi j’ai rendu mon visage semblable à du granit, sachant que je n’aurais pas honte.
8 Celui qui me justifie est proche : qui veut m’accuser ? Comparaissons ensemble ! Qui s’oppose à mon droit ? Qu’il s’avance vers moi !
9 Le Seigneur DIEU viendra à mon secours : qui me condamnera ? Ils tomberont tous en lambeaux comme un vêtement, les mites les dévoreront.
10 Qui parmi vous craint le SEIGNEUR, en écoutant son serviteur ? Quiconque marche dans les ténèbres et manque de clarté, qu’il mette sa confiance dans le nom du SEIGNEUR et qu’il s’appuie sur son Dieu !
11 Vous tous qui allumez un feu, vous qui vous armez de projectiles incendiaires, allez dans votre feu, dans la fournaise, avec les projectiles incendiaires que vous avez enflammés ! C’est par ma main que cela vous est arrivé ; c’est pour la souffrance que vous vous coucherez !

En ce dimanche des Rameaux, nous nous rappelons l’entrée de Jésus à Jérusalem, une semaine avant Pâques, une semaine à l’intensité maximale, car si la situation paraît favorable lorsque Jésus entre à Jérusalem sous les « vivat » de la foule, nous savons qu’elle va se retourner de façon dramatique, et que dans quelques jours, la foule criera à Pilate : « crucifie-le ! ». Jésus sera accusé, jugé, mis à mort. Nous le savons, car nous connaissons l’histoire, mais Jésus le savait aussi : en entrant à Jérusalem, il marche résolument vers la Croix.

Dans cette semaine qui nous mène jusqu’à Pâques, je vous invite à laisser le prophète Esaie conduire notre méditation, avec le regard particulier qu’il porte sur Jésus, des siècles à l’avance.

  • A l’écoute de Dieu 

« Le Seigneur m’a donné le langage des disciples, chaque matin il éveille mon oreille pour que j’écoute à la manière des disciples. » (v. 4) Le Sauveur est d’abord un élève, il est d’abord celui qui écoute Dieu. Chaque matin, chaque matin, le Messie est à l’écoute de son Dieu, il puise auprès de lui les paroles, les gestes, les attitudes qui vont le diriger. Dans ces moments-là, il se laisse former, façonner, pour devenir celui qu’il est appelé à être, pour apprendre de Dieu comment remplir sa mission. Quelle est sa mission ? Soutenir par la parole celui qui est épuisé.

Donc le Sauveur est d’abord un élève à l’écoute de Dieu : celui qui va relever les autres commence par s’agenouiller devant Dieu dans la prière et la méditation de la Parole de Dieu. Sans orgueil, sans prétention, il n’avance pas en roulant des mécaniques pour montrer sa force, mais il avance humblement, comme un simple croyant, sans se mettre en avant : tout ce qu’il donne, il l’a puisé auprès de Dieu, tout ce qu’il dit, il l’a entendu, tout ce qu’il fait, il l’a appris. Jésus priait, chaque nuit, Jésus se ressourçait auprès de Dieu, pour être sûr de tout vivre droitement, de dire les paroles divines, les paroles qui donnent la vie, qui donnent du sens, à ceux qui l’entouraient. Jésus, le meilleur des hommes, parfait, saint, juste : Jésus est d’abord un disciple, le disciple de Dieu. Lui le plus grand, le plus puissant, était petit devant son Père, humble, attentif, désireux d’apprendre. C’est ce qui fait de lui un serviteur fiable : il ne transmet que les pensées de Dieu ! C’est ce qui fait qu’on peut croire ce qu’il dit, et le suivre avec confiance. Mais il nous donne aussi un modèle : chaque matin (ou soir, ou midi), régulièrement, comme on mange et comme on boit, régulièrement, ouvrir nos oreilles à Dieu, nous mettre à son écoute, pour puiser auprès de lui ce dont nous avons besoin chaque jour. Comme on a besoin de nourriture physique, on a besoin de ce temps avec Dieu, de ce pain spirituel, quels que soient notre âge ou notre expérience, parce que même Jésus, le plus saint des hommes, en avait besoin.

  • Face à l’opposition

Alors, notre Serviteur écoute Dieu, et il lui obéit (« je ne me suis pas rebellé » v. 5). Et son obéissance le mène sur un chemin terrible, fait d’injures, d’attaques et d’accusations. C’est d’autant plus terrible que le Serviteur est innocent. D’ailleurs, il interroge ses adversaires : pourquoi l’accuser ? en quoi a-t-il mérité cette haine, cet acharnement, lui qui obéit simplement à Dieu ? Dans cette espèce de procès, le Serviteur est condamné alors qu’il est innocent – Esaïe ne dit pas encore pourquoi le Serviteur doit passer par ce chemin, on le saura quelques chapitres plus tard : « Ce sont nos souffrances qu’il a portées, c’est de nos douleurs qu’il s’est chargé. Nous le pensions frappé par Dieu (coupable), mais il était transpercé à cause de nos transgressions, écrasé à cause de nos fautes » (Es 53.4-5). Il a accepté de porter la condamnation que nous méritons, pour que nous soyons déclarés justes par la foi, et que nous puissions vivre avec Dieu.

Mais tout en sachant quel destin l’attend, le Serviteur avance, avec détermination. Le Serviteur affronte son épreuve, déterminé à aller au bout, parce qu’il veut suivre Dieu plus que tout. « Je ne me suis pas rebellé, je ne me suis pas dérobé, j’ai livré mon dos, j’ai livré mes joues, je ne me suis pas détourné, j’ai rendu mon visage semblable à du granit » : il n’est pas passif, il n’avance pas sur ce chemin à reculons, mais il y va sans réserves, il se donne tout entier.

Luc dit que quand Jésus a décidé d’aller à Jérusalem, sachant ce qu’il allait y trouver, il a durci son visage (Lc 9.51), il a pris une ferme résolution : combien de fois Jésus aurait-il pu échapper à son destin ? Pourtant il avance. Quand les soldats le giflent, il tend la joue gauche. Quand ils l’insultent, il pardonne. Jésus, sur son âne le dimanche des Rameaux, n’avait peut-être pas l’air très détendu… Peut-être avait-il ce visage dur, ferme, résolu, déterminé à aller au bout de ce chemin de souffrance, d’injustice et de mort.

Comment peut-il avancer ainsi ? Comment peut-il aller au-devant de l’injustice et de la souffrance ? Parce que Dieu est son secours. Dieu est près de lui, proche, prêt à le défendre, à proclamer sa justice. Et si Dieu est pour lui, qui sera contre lui ? Si Dieu, le Juge, le Créateur, le Roi, déclare que son serviteur est juste, quelle accusation pourra tenir ? Jésus, le jour des Rameaux, discerne la Croix qui l’attend au bout du chemin. Mais au-delà, il discerne la résurrection, la preuve que Dieu apportera de son innocence et de sa justice.

  • Dans l’épreuve, faire confiance

Le texte se termine en interpellant deux catégories de gens : ceux qui l’accusent, et contre qui va se retourner leur propre violence, et ceux qui cherchent à écouter Dieu et qui ont compris que le Serviteur les conduira au salut. « Qui, parmi vous, respecte Dieu en écoutant son Envoyé ? Quiconque marche dans les ténèbres et manque de clarté, qu’il mette sa confiance dans le nom du Seigneur et s’appuie sur son Dieu ! » Cette phrase est surprenante. Elle ne dit pas : « Celui qui est dans les ténèbres, qu’il respecte Dieu, et la lumière brillera pour lui ! ». On associe pourtant plus naturellement la vie avec Dieu à la lumière, sans ténèbres, mais le texte biblique nous invite à la nuance et au réalisme : celui qui croit, qui est fidèle, qui fait tout pour suivre Dieu, peut se retrouver dans les ténèbres.

Même si le chemin que Jésus a emprunté est unique – c’est un chemin de rédemption –, en suivant Jésus pour mieux connaître Dieu, nous pouvons nous retrouver sur un chemin semblable. « Que celui qui veut venir après moi se charge de sa croix » (Mc 8.34). Que ce soit la persécution, l’épreuve, la tentation, le croyant passe par des ténèbres, extérieures ou intérieures – et Dieu ne les dissipe pas forcément tout de suite. Le Serviteur ne donne pas d’explications, seulement un témoignage : tenez bon, appuyez-vous sur Dieu – sous-entendu : Dieu vous portera secours comme il le fait avec moi. La seule « recette » dans les ténèbres, c’est de lever les yeux vers Dieu, sans se décourager. Dans la difficulté, on s’imagine parfois que Dieu nous a laissé tomber, qu’il est indifférent ou impuissant, alors on est tenté d’abandonner, de s’asseoir sur le bord du chemin ou de choisir carrément un autre chemin. Mais le texte nous invite à voir nos ténèbres autrement : Dieu est proche, il est tout près, il marche avec nous dans nos ténèbres, et il nous donne la vie, si nous persévérons sur son chemin. Dieu ne dissipe pas toutes les ténèbres, mais il vient les traverser avec nous pour nous conduire à la vie. Voici un témoignage de Steven C. Chapman, chanteur de louange américain, qui décrit comment il a réagi au décès de sa fille adoptive, de 5 ans :

« Comment ta femme et toi avez réagi à la mort de votre fille, Maria ? »

– Mon épouse et moi avons eu beaucoup de moments difficiles. On en pouvait s’empêcher de penser : « Est-ce qu’on a raté quelque chose ? Est-ce qu’on a eu tort de l’adopter ? Si on ne l’avait pas fait, est-ce qu’elle vivrait encore ? On a vraiment essayé de faire les choses bien, et maintenant voilà ce qui nous arrive. Est-ce qu’on ne devrait pas avoir un meilleur sort ? »

Mais quand je me penche sur la situation du monde, je vois que la souffrance fait vraiment partie de l’expérience humaine. Grâce à mon travail, j’ai pu beaucoup voyager et découvrir différente cultures. Nous vivons dans une culture qui peut être très isolée de la large souffrance qu’expérimente autrui, et avec ça vient le sentiment que tout nous est dû. Nous disons : « Hé, Dieu, j’ai fait toutes ces bonnes choses. Est-ce que je ne pourrais pas avoir un meilleur sort ? »

Mais Jésus nous dit : « dans ce monde, vous allez avoir des problèmes. » mais ensuite il dit : « mais prenez courage. J’ai vaincu le monde. » Il dit qu’il y a une autre histoire en train de s’écrire en parallèle, et si je ne croyais pas ça, je serais un homme en colère et extrêmement amer. La mort de Maria a souligné et cristallisé ce que je savais et ce que je croyais, et cela l’a rendu plus réel. Quand il n’y avait plus rien d’autre à quoi m’accrocher, je me suis entendu dire : « Dieu, je vais te faire confiance et te louer, et ce n’est pas parce qu’il y a une audience qui m’écoute. Je vais bénir ton nom, que tu donnes ou que tu reprennes. »

Auparavant, j’étais déjà descendu à 20 mètres sous le niveau de la mer, et j’avais pensé qu’il faisait noir là-dessous, mais que Dieu était avec moi. Une fois que j’ai été poussé à 20 000 mètres sous le niveau de l’eau, là où il faisait plus noir que je ne pouvais l’imaginer, j’ai découvert que c’était encore vrai. (publié dans Christianity Today, mars 2017, p. 60).

Si nous tenons malgré les difficultés, si nous nous appuyons sur Dieu en suivant Jésus malgré tout, alors cette assurance qu’avait le Serviteur devient la nôtre :

31 Que dire de plus ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?

32 Même à son Fils, Dieu n’a pas évité la souffrance, mais il l’a livré pour nous tous. Alors, avec son Fils, il va tout nous donner gratuitement.

33 Qui peut accuser ceux que Dieu a choisis ? Personne ! En effet, Dieu les rend justes.

34 Qui peut les condamner ? Personne ! En effet, le Christ Jésus est mort, de plus, il s’est réveillé de la mort : il est à la droite de Dieu et il prie pour nous.

35 Qui peut nous séparer de l’amour du Christ ? Est-ce que c’est le malheur ? ou l’inquiétude ? la souffrance venant des autres ? ou bien la faim, la pauvreté ? les dangers ou la mort ?

37 Mais dans tout ce qui nous arrive, nous sommes les grands vainqueurs par celui qui nous a aimés. 38 Oui, j’en suis sûr, rien ne pourra nous séparer de l’amour que Dieu nous a montré dans le Christ Jésus, notre Seigneur.                     (Romains 8.31-39).