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Florence VANCOILLIE

A propos Florence VANCOILLIE

Pasteur de l'Eglise évangélique libre de Toulouse depuis 2013, membre de la Commission synodale de l'UEEL.

Vivre la fraternité (3) Jusqu’au bout

Jusqu’où ? Quelle est la limite ? Sous quelles conditions ? Quelles sont les petites lettres en bas du contrat, ou les pages cachées derrière le lien « en cliquant sur cette case, vous acceptez  les conditions générales d’utilisation/ les conditions générales de vente et d’achat… » ? Dès qu’on souscrit à un contrat, qu’on accepte une responsabilité, qu’on signe un papier, la question c’est : jusqu’où ? Qu’est-ce que ça va me coûter ? Quelles sont les limites de notre, ou de leur, engagement ?

Depuis deux semaines, avec Vincent on vous parle d’amour. De fraternité. C’est un des leitmotivs de Dieu, de Jésus, de la Bible : aimez-vous. A peu près tout le monde, chrétien ou pas, prône l’amour – mais jusqu’où ? Jusqu’où aimer ? Jusqu’où pardonner ? A quoi nous engage cette fameuse fraternité ? Cet amour dont parle Jésus ? Est-ce que je dois aimer la personne qui m’agace ? Qui me blesse ? Qui m’ignore ? Qui me choque ? Qui me veut du mal ? On parle de fraternité dans l’église, mais jusqu’où ?

Il y a deux semaines, un texte de l’apôtre Jean définissait notre condition : par notre foi partagée, en Christ, nous sommes frères, car enfants du même Dieu. Dimanche dernier, Vincent a abordé un défi particulier : la diversité – comment être frères quand on est différents, quand on ne se comprend pas ? Et aujourd’hui : comment être frères quand on s’est fait mal ? Quand on est en désaccord – pas un simple malentendu, mais qu’on est blessé, déçu, choqué ? Dans bien des fratries, la fraternité rencontre des couacs ; dans l’église aussi ! Que fait-on quand ça frotte, quand ça se déchire ?

Inspiré par Dieu, l’apôtre Paul, disciple de Jésus, nous apporte une réponse, souvent lue dans les mariages (vous allez peut-être reconnaître). Mais il n’écrit pas pour des couples ! Il écrit à une église marquée par les divisions, les rivalités, les frottements, et il les exhorte à aimer – pas comme un beau sentiment enrobé de barbe à papa, mais dans le concret des relations réelles, avec leur passif.

Lecture biblique : 1 Corinthiens 13.4-8

4 L’amour est patient, l’amour rend service. Il n’est pas jaloux, il ne se vante pas, il ne se gonfle pas d’orgueil. 5 L’amour ne fait rien de honteux. Il ne cherche pas son intérêt, il ne se met pas en colère, il ne se souvient pas du mal. 6 Il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il se réjouit de la vérité. 7 L’amour excuse tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout.

8 L’amour ne disparaît jamais.

Alors, cet amour ! L’amour que Paul décrit n’est pas le sentiment passionné que nous pouvons ressentir pour nos enfants, notre conjoint, nos familles. Si je retraduis, il s’agit de patience, de serviabilité, d’humilité. De bienveillance et d’encouragement, d’honnêteté, de confiance. Paul décrit en fait une posture, une attitude, un caractère qui se manifeste dans toutes nos actions, dans toutes nos relations, un genre de réglage par défaut qui s’applique quelle que soit la personne. Celui qui aime, c’est celui qui ne se met pas en avant mais qui fait une place à l’autre pour lui faire du bien.

Un amour jusque-boutiste

Le problème c’est ce petit mot : « tout ». « L’amour excuse tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout ». Alors je pourrais vous rassurer, me rassurer, en relativisant, en donnant des définitions subtiles, en rappelant les exceptions possibles, en faisant appel au bon sens pour bloquer ce qui est intolérable. Mais ce n’est pas ce que fait Paul ! Il ne dit pas que tout est excusable, mais que celui qui aime doit être prêt à tout pardonner. A offrir une nouvelle chance quoi qu’il arrive. A accepter l’autre tel qu’il est, même quand il nous fait bondir. Il est fou, Paul ou quoi ? Il y a des limites, quand même ! Non, dit Paul : l’amour va jusqu’au bout.

Bon, Jésus disait la même chose : aime ton ennemi, quand tu demandes pardon à Dieu rappelle-toi de pardonner toi aussi, aimez-vous comme je vous ai aimés… Oui mais c’est Jésus, c’est facile pour lui, il est parfait ! (c’est ce qu’on se dit, non ?) Mais Paul… Paul a connu les mêmes églises que nous, avec les mêmes chrétiens que nous : des gens qui se chamaillent (Ph 4), immoraux, tricheurs, menteurs, colériques, violents, paresseux, profiteurs, orgueilleux, cupides… Paul n’a pas fréquenté des chrétiens modèles, non, c’était les mêmes que vous et moi ! Il s’en est pris plein la figure, il a été trahi, attaqué, traîné dans la boue. Et c’est ce même Paul qui dit : l’amour pardonne tout. L’amour n’a pas de conditions. Celui qui aime n’a pas de limites.

L’amour chrétien n’est pas une vague bienveillance béate, souriante et aseptisée, avec des petites fleurs dans les cheveux et un pendentif de licorne. L’amour que Dieu nous appelle à vivre est un amour extrême, radical, jusque boutiste. Un amour qui sera testé, et re-testé, et re-testé, par ceux qui nous entourent. Un amour ambitieux.

En fait, Dieu nous demande d’avoir pour les autres le même amour que lui a pour nous : un amour têtu, obstiné, qui choisit l’espoir à chaque impasse. Dieu a aimé des gens décevants, blessants, usants – peut-être qu’on ne se définit pas nous-mêmes comme ça, mais c’est ce qu’on est : je blesse autant que je suis blessée ! Je fatigue autant qu’on me fatigue ! L’enfer, ce n’est pas que les autres, c’est moi aussi – mais Dieu nous a aimés ! Avec notre mesquinerie, notre bêtise, notre vanité, nos déviances et notre indifférence. Il s’est donné pour des gens comme nous. Nous ne sommes peut-être pas les pires qui puissent exister, mais nous pouvons facilement nous rendre insupportables. Pourtant Dieu nous supporte, il nous aime, il est patient, serviable, il dépasse sa colère et ses frustrations, il cherche ce qui est bon pour nous, il met de côté nos erreurs et nos fautes, il croit tout, il excuse tout, il espère tout, il supporte tout.

Jésus a dit : aime ton ennemi, tout le monde peut aimer ses amis. Aime ton frère. Mais quand un frère ou une sœur de l’église nous blesse, ou nous déçoit, qu’est-ce qu’on fait ? Il n’y a pas de catégorie entre « frère avec qui je m’entends bien » et « ennemi », une zone au milieu où on n’aurait pas à aimer : c’est depuis le frère jusqu’à l’ennemi. Et quand mon frère se rapproche de l’ennemi, me trahit ou me casse, Jésus nous dit là aussi : aime-le.

citation CS Lewis : « Il est plus facile d’être enthousiaste pour l’Humanité [ou l’Eglise en général !] que pour des individus exaspérants, dépravés, ou peu attirants d’une manière ou d’une autre »

Un défi impossible

Aimer jusqu’au bout, c’est impossible ! C’est inhumain ! Même dans l’église.

L’église, comme toute famille, est un lieu formidable & terrible. Formidable car nous y avons une même référence, le Christ, une même énergie, l’Esprit, une même espérance. Nous nous sentons chez nous. Mais terrible car nous y avons tant d’attentes : que ce soit comme notre famille naturelle, ou bien mieux. Que tout s’y passe bien, que tout coule, car on se rassemble autour de Dieu – mais la diversité de nos attentes, nos cultures, nos caractères conduit fréquemment à des déceptions, des malentendus, des blessures et des conflits. Que faire dans ces cas-là ? Etre chrétien ne signifie pas qu’il n’y aura jamais de problèmes : je lutte avec mon péché, mes défauts, mes failles, comme chacun d’entre nous !

Nos stratégies habituelles : amertume, rancune, ragots, clans, ou alors se renfermer, mettre de la distance, ignorer l’autre (après tout l’église est grande). Éventuellement quitter l’église (on peut comme ça faire toutes les églises de Toulouse, en partant au moindre conflit), éventuellement renoncer aux églises. Mais la vraie fraternité n’est pas cet univers aseptisé où on se sourit sans se connaître, où on ne dit rien jusqu’au jour où on part. Non, on peut aimer et discuter, parfois avec ardeur, on peut critiquer – mais l’amour ne détruit pas, il construit. Celui qui aime ne crie pas plus fort que les autres, après avoir parlé il écoute de bon cœur. Celui qui aime accorde le bénéfice du doute à l’autre, avec humilité il se remet en question.

Un défi qui nous met à genoux

Franchement, c’est difficile. Et souvent impossible, tant les déchirures peuvent être profondes. C’est impossible, oui, mais impossible à qui ? A nous, mais pas à Dieu ! (diapo)

L’ambition de Dieu pour nous, elle nous met à genoux. Elle nous plonge dans la prière. Ce défi nous donne soif, soif de son Esprit : « O Dieu, je n’ai pas le cœur pour aimer comme toi. Mais toi tu changes les cœurs. Alors, viens au secours de mon manque de foi. Transforme-moi par ton Esprit »

Et Dieu donne ce qu’il ordonne, disait déjà Saint Augustin au 5e siècle. Dieu donne ce qu’il ordonne. Dieu ne nous demande rien qu’il ne soit prêt à nous aider à vivre ! Dieu nous met des défis impossibles ? Des défis de fou ? Il nous donne son Esprit ! Mais je dois lui demander. Je dois aller puiser, pour boire. Si je ne prie pas pour que Dieu me donne un cœur humble, qu’il me donne de pardonner, ça n’arrivera pas tout seul. Si je ne réclame pas à Dieu son aide, je ne m’en sortirai pas. Mais pourquoi nous acharner à vivre les défis de Dieu sans Dieu ? Pourquoi rapetisser notre vocation – parce qu’on a peur de lui demander ? Bien sûr qu’aimer est difficile, bien sûr que pardonner demande du temps – je ne dis pas le contraire ! Mais ce texte nous pose la question : quelles limites mettons-nous à ce que Dieu nous demande ? Quelles limites mettons-nous à nos prières ? Celui qui demande peu reçoit peu – peu d’amour, peu de patience, peu de pardon. Mais celui qui demande beaucoup recevra beaucoup ! Devant des personnes blessantes, rageantes, désespérantes, vers quelle source d’amour nous tournons-nous ? La nôtre ? On sera vite à sec !

Oui, Dieu nous appelle à l’impossible : dépasser nos peurs pour ouvrir notre cœur et tendre notre main. Mais Dieu s’épanouit dans l’impossible : dans le désert, il met des vignes. Dans les pleurs, il met le chant. Dans la mort, il met la vie. Dans la haine, ne mettra-t-il pas le pardon ? Dans la douleur, la guérison ?

Conclusion 

Les histoires d’amitié, de fraternité, de réconciliation, sont magiques. Dans un film ou un témoignage, elles font bondir notre cœur. Quand on entend que deux frères se sont réconciliés après trente ans, ou qu’une femme a pardonné au meurtrier de son fils, on a le vertige, le vertige de l’espoir. C’est impossible, mais c’est arrivé ! Dieu est intervenu, il a débloqué des freins, ouvert des portes, bâti des passerelles. C’est dans les défis impossibles que Dieu se révèle, que l’on voit la marque de sa main, que l’on sent le souffle de sa voix. Certains peuvent se contenter d’une fraternité de surface, sage et creuse – vous pouvez mais ce n’est pas ce que Dieu a en tête. Le Dieu incroyable dont nous sommes si fiers est un Dieu qui transforme, pas après pas, pardon après pardon, prière après prière, un Dieu qui nous entraîne dans le sillage de son amour impossible mais bien réel.

Vivre la fraternité (1) Aimer nos frères, pourquoi?

église papier

Liberté, égalité, … fraternité ! La fraternité. Ce n’est pas juste un mot, c’est une des valeurs de notre République, et c’est aussi une valeur essentielle dans l’Eglise. La fraternité… Nous voulons la vivre ! Et dans l’église, nous avons cette ambition d’être comme une famille. Nous en avons envie, mais pas toujours le temps ! Parfois même, comme dans nos familles d’origine, des brouilles nous divisent, et la fraternité devient plus compliquée. Ou alors on ne se comprend pas. Ou certains prennent toute la place et d’autres doivent rester dans leur coin.

Et puis nous ne venons pas forcément dans cette église à cause des gens la composent ! Pourquoi venez-vous dans cette église ? Parce que vous connaissez quelqu’un ? Que vous aimez bien le culte ? Ou simplement parce que c’est à côté de chez vous ?… Peu importe les raisons, nous sommes rassemblés dans le même lieu. Mais cela veut-il dire que l’on se doit quelque chose  les uns aux autres ?

Avec Vincent, nous avons décidé de commencer une série de prédications sur la fraternité, dans l’église d’abord mais aussi au-delà. N’ayez pas peur, on ne s’est pas dit : il y a un vrai problème dans cette église, on doit absolument en parler. Rassurez-vous ! Cela signifie-t-il que vous n’avez pas besoin d’écouter ?… Non !! La fraternité, l’amour pour l’autre, reste toujours un défi. Dans le récit biblique que nous avons choisi pour notre église l’an dernier, la rencontre entre Pierre et Corneille (Actes 10-11), nous avons reconnu comme nôtre le défi de la fraternité, comme quelque chose qu’on vit mais qu’on veut encore mieux vivre, toujours mieux toujours plus, parce qu’on ne peut pas trop aimer.

C’est un défi qui se pose à toute église, quand on se connaît trop peu ou trop bien… mais c’est un défi qui s’est posé dès le début. Et dès les débuts de l’église, l’apôtre Jean, un disciple de Jésus, écrit aux églises qu’il a fondées pour rappeler l’essentiel de la foi chrétienne. Et il consacre un temps non négligeable au type de relations que nous devons entretenir dans l’église.

Lecture biblique : 1 Jean 3.1, 16-24

1 Voyez : (Dieu) le Père nous aime tellement qu’il nous appelle ses enfants, et c’est vrai, nous sommes ses enfants ! Mais le monde (extérieur) ne nous connaît pas, parce qu’il n’a pas connu Dieu.

16 Aimer, qu’est-ce que c’est ? Maintenant, nous le savons : Jésus a donné sa vie pour nous. Donc, nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères et nos sœurs. 17 Voici un exemple : quelqu’un est riche. Il voit un frère ou une sœur qui est dans le besoin et il ferme son cœur. Est-ce qu’on peut dire qu’il aime Dieu ?

18 Mes enfants, n’aimons pas avec des paroles et avec de beaux discours, mais avec des actes. Ces actes montrent que notre amour est vrai. 19 Par là, nous saurons que nous appartenons à la vérité, et devant Dieu, nous rendrons la paix à notre cœur. 20 En effet, si notre cœur nous accuse, nous le savons, Dieu est plus grand que notre cœur et il connaît tout.

21 Amis très chers, si notre cœur ne nous accuse pas, nous sommes pleins de confiance devant Dieu 22 et nous recevons de lui tout ce que nous demandons. Pourquoi ? Parce que nous obéissons à ses commandements et nous faisons ce qui lui plaît.

23 Voici ce que Dieu commande : nous devons croire au nom de son Fils, Jésus-Christ, et nous aimer les uns les autres, comme le Christ l’a commandé.

24 Celui qui obéit aux commandements de Dieu, il vit en Dieu et Dieu vit en lui. Oui, Dieu vit en nous, à cause de l’Esprit Saint qu’il nous a donné.

  1. Vraiment frères ?

C’est quoi l’amour ? C’est Jésus qui donne sa vie pour nous. Voilà la définition de l’amour véritable. Dooonc, si nous aimons, nous devons aimer comme Jésus, c’est-à-dire donner notre vie, nous aussi, pour nos frères.

L’enjeu est de taille ! Mais vérifions, du coup : sommes-nous vraiment frères et sœurs, nous chrétiens ? C’est un grand mot, quand même ! Ne sommes-nous pas juste des compagnons de route, engagés sur un bout de chemin ensemble ? Des gens qui partagent les mêmes convictions, comme dans n’importe quelle association après tout.

Non. Dieu a tout fait pour que nous soyons réconciliés avec lui, et que nous puissions l’appeler « Père ». Et, sur la base de l’œuvre de Jésus, nous pouvons dire, fièrement et avec assurance : je suis la fille, le fils, de Dieu ! Mais nous ne sommes pas fils uniques : Dieu nous appelle à vivre avec ses autres enfants, comme quand vous êtes nés dans votre fratrie. Comme n’importe quel parent, Dieu rêve de voir ses enfants développer une relation horizontale riche et profonde.

Pourquoi une telle importance à la communauté ? À la fraternité ? Il y a un indice dans le texte, même si Jean ne le développe pas : Dieu – Père, Fils, Saint-Esprit. Un Dieu unique, en trois personnes. Même si on ne comprend pas tout de l’être intime de Dieu, la Trinité dit au moins que Dieu est un être de relations. Dès avant la création du monde, Dieu, en lui-même, aime. Il n’est pas juste amour, il aime. Au plus profond de son essence, il y a ce réseau d’amour qui le fait vibrer. Quand Dieu crée l’homme, il y a bien bien longtemps, le récit biblique dit que son intention est de créer un être qui lui ressemble – et il crée un être de relation, l’être humain, version homme et version femme. L’humain à la ressemblance de Dieu : il crée, il est responsable, il parle… et il aime ! Il va au-delà de l’attirance, de l’instinct, de la connivence : il entre dans une relation profonde où donner est plus beau que recevoir, où l’autre devient plus important que lui (pas pour préserver la race, non, pas parce que l’autre est plus fort, non, mais parce qu’il a du prix à nos yeux). Lorsque nous aimons, nous ressemblons à Dieu. Nous sommes à son image.

  1. Un Père avec ses fils

Dieu va plus loin : aimer notre frère fait partie intégrante de notre amour pour Dieu. Il n’y a pas la foi et l’amour, il y a l’amour dans la foi. Sans amour, la foi est amputée, bancale, à trous.

Pour Jésus, le plus important des commandements, c’est : aime ton Dieu de toutes tes forces, et aime ton prochain comme toi-même. Ce sont les deux faces d’une même pièce. La qualité de nos relations fraternelles joue sur notre relation avec Dieu – et c’est Dieu qui en a décidé ainsi. Ce n’est ni anecdotique ni optionnel. C’est un commandement. Il n’y a qu’un commandement, et il a deux faces : aimer Dieu, aimer son prochain. Nous attacher à Dieu par Jésus-Christ, et nous aimer les uns les autres.

Se détourner d’un frère, c’est un peu se détourner du Père.

Vous connaissez ces parents : si tu n’acceptes pas mes enfants, je ne viens pas. Mes enfants, c’est moi. Là où je vais, ils sont les bienvenus, sinon, je ne me sens pas bienvenu non plus. C’est avec eux ou sans moi. Est-ce qu’il y a de cette radicalité viscérale dans l’amour paternel de Dieu ? Est-ce qu’il aime ses enfants au point de dire à tous ceux qui l’approchent : c’est avec eux ou sans moi ?

Peut-on imaginer que Dieu, qui a donné ce qu’il avait de plus cher pour nous, est prêt à ne plus se définir sans nous ? que Dieu se présente ainsi : « Bonjour, je suis Dieu, créateur du monde, juge parfait, maître de l’univers, et père de 1 293 456 754 enfants. Laissez-moi vous les présenter ! » (s’il sort toutes les photos de naissance, on n’a pas fini !) Et le Fils : « Je suis Jésus, Dieu le Fils devenu homme. Je vais vous parler de mes frères et sœurs, je les aime tellement ! Ils font presque partie de moi ! »

Se détourner d’un frère, c’est un peu se détourner du Père.

Nous ne pourrons être en pleine paix devant Dieu que si nous cherchons vraiment à aimer nos frères. Etre en paix avec Dieu, c’est s’approcher de lui avec assurance, avec le cœur tranquille. Ca ne veut pas dire qu’on est parfait ou qu’on a tout compris, mais qu’on est sur la même longueur d’onde, qu’on est sur le bon chemin, le chemin de la foi et de l’amour – alors quand on prie, le cœur voulant ce que Dieu veut, on ne peut que demander ce que Dieu veut donner, et Dieu répond.

Quand nous aimons, Dieu vit en nous et nous en Dieu : nous sommes plus qu’une image, nous entrons dans le cœur de Dieu et nous déversons son amour à ceux qui nous entourent, comme des ruisseaux qui partent de la source et irriguent la terre.

  1. Comment aimer ?

Alors concrètement, qu’est-ce que ça veut dire, aimer nos frères ? Jésus a donné sa vie pour nous, nous devons donner notre vie pour nos frères.

Nos frères sont importants, mais quand même : donner sa vie ? Pour tous nos frères ? Ce n’est pas possible !

Quand on entend « sacrifier sa vie », on pense héros, martyr, et on se dit « très peu pour moi ! Je ne suis pas un saint, juste un chrétien ordinaire ». Et puis, il y a trop de gens à aimer, si je me mets à aider ne serait-ce que tous les gens de cette église, je ne vais pas m’en sortir ! L’ampleur de la tâche impressionne, comme dans une randonnée où on regarde le sommet, on prend peur, et on se dit (si on a un niveau moyen), « je n’y arriverai jamais ! Je reste en bas. » Combien de fois l’ambition de Dieu nous a fait frémir, battre en retraite, quitte à utiliser les idéaux de Dieu comme excuse pour ne pas lui obéir : « Non je n’aime pas, parce que ton idée de l’amour est beaucoup trop ambitieuse, Seigneur ! Ce que tu demandes, c’est pas réaliste ! »

Mais pour avancer en randonnée, on regarde le sommet et on se fixe des étapes, comme autant de défis raisonnables qui nous font avancer vers le but. Et Jean nous donne un défi raisonnable : si quelqu’un voit un frère dans le besoin… Pas tout le monde, juste un ! On ne devient pas Jésus en un jour, on apprend. Si tous, nous décidons de traiter en frère ou en sœur 1 personne, vraiment, pour commencer, vous imaginez ce que l’église peut devenir ? Commençons chacun à faire pour un ce que nous aimerions, devrions, faire pour tous, et déjà nos relations fraternelles changeront !

Et parlons du sacrifice : c’est pareil, ça fait bondir ! Mais Jésus n’a donné sa vie qu’une fois, à la croix, et c’était l’ultime sacrifice. Mais si c’était le plus grand, et le dernier, des sacrifices, ce n’était pas le seul ! Jésus a renoncé à sa gloire divine, pour naître parmi les hommes. Il a pris du temps pour former des disciples. Il a pris la peine d’expliquer, inlassablement, ce qui pour lui était une évidence. Il s’est laissé déranger – et combien de fois ? Pour guérir, nourrir, accueillir… Jésus avait un esprit radicalement généreux, un cœur radicalement tourné vers l’autre – et ça l’a finalement conduit à la Croix. Même si nous, sur notre chemin, nous n’imaginons pas un jour mourir pour quelqu’un, nous pouvons juste avancer d’un pas, un pas de plus dans les empreintes de Jésus faire un effort qui coûte/ qui pique, mais qui nous entraîne un peu plus sur la voie de la fraternité généreuse dont Jésus est l’exemple.

Il y a toutes sortes de dons qui nous sont des sacrifices, moins forts que la Croix mais déjà trop coûteux, en argent ou en temps (je ne sais pas de quoi nous manquons le plus ?…) : une soirée pour inviter untel qui vit seul, un samedi après-midi pour aider à déménager, une heure le dimanche matin alors qu’on aurait pu dormir pour aller chercher une sœur qui ne conduit plus et l’amener au culte, un coup de fil pour prendre des nouvelles, le budget d’une prochaine sortie en famille pour aider à payer une facture ou parrainer un enfant en détresse… Il s’agit bien là d’actes concrets, au-delà des émotions, des paroles et des sourires (qui sont bien aussi !) qui traduisent la réalité de l’amour fraternel, tout comme Dieu a exprimé son amour envers nous par des actes concrets, en Jésus-Christ.

 

Il y a mille façons d’être frères, mais Dieu nous demande de commencer quelque part, ou de faire le pas qui est devant nous. Lui dont nous célébrons l’amour, il désire que nous aimions, nous-mêmes, comme lui. Alors prions, prions Dieu non pas pour être plus aimés, mais pour lui demander un cœur un peu plus large, d’aimer un peu plus comme lui, d’entrer un peu plus dans la générosité radicale du Christ – Dieu nous répondra ! Demandons, et nous recevrons ! L’amour c’est la seule chose où plus on en donne, plus on en a. Demandons, demandons à Dieu un cœur et des mains pour aimer comme lui, en actes, en vérité. Pour que son amour devienne un peu plus une réalité en nous, entre nous, autour de nous. Oui, Seigneur, que ton règne vienne ! Que ton règne d’amour et de foi vienne dans notre cœur, dans nos relations, dans notre monde !

De scandale en scandale

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Qui est le bienvenu ici ? Tout le monde ! Tout le monde, bien sûr ! Nous voulons accueillir chaleureusement tous ceux qui s’approchent de Dieu, parce que Dieu lui-même les accueille chaleureusement. Oui, tout le monde est le bienvenu. Enfin… Nous avons des limites : tout le monde peut entrer, mais certains vont nous faire tiquer. Ca peut être un motard avec de gros tatouages et une boucle d’oreille qui entre dans l’église, un couple d’hommes, quelqu’un qui sent l’alcool à plein nez ou encore une femme qui serait plus à sa place dans une boîte de nuit. Je ne les mets pas tous dans le même panier, je parle juste de ce qui nous fait tiquer. Parce qu’on a des limites : ceux qui sont différents de nous nous interpellent. Ils accrochent notre regard. Ils suscitent en nous, au minimum des questions, au maximum des jugements. Pas besoin d’être à l’église, c’est déjà vrai dans le métro : involontairement, nous scannons ceux qui nous entourent – acceptable ou pas acceptable ? Comme moi ou étrange ? Mais à l’église, en plus, nous sommes rassemblés autour du Dieu saint – c’est-à-dire parfait, juste, intègre, d’une pureté morale éclatante. Et ceux qui nous choquent, on se dit qu’ils doivent aussi choquer Dieu.

Vous voulez un petit test sur nos limites ? Est-ce-que vous seriez prêts à inviter, sans craindre les regards qu’on va porter sur eux, n’importe lequel de vos collègues, voisins, amis? Votre cousin éloigné, celui dont on ne parle plus sans hausser les sourcils ?

Et imaginez que ces visiteurs différents n’aient même pas la décence de faire profil bas pendant le culte… Imaginez qu’ils prient pendant un temps de silence, qu’ils s’avancent pour distribuer la cène, qu’ils se lèvent au milieu de la prédication pour dire quelle est leur vision de Dieu, qu’ils se jettent en pleurs au pied de la croix pendant un chant. Rien de mortel, mais on serait nombreux à se trémousser sur notre chaise…

Plus que nous ne le voudrions, nous sommes prompts à nous choquer – et nous ne sommes pas les seuls ! Ni les premiers ! Le texte tiré de l’Evangile de ce matin nous plonge au cœur d’un repas au parfum de scandale…

Lecture biblique : Luc 7.36-50

36 Un Pharisien [c.-à-d. un religieux juif de l’époque de Jésus, un croyant bien sous tous rapports, connu pour sa foi et son engagement pour Dieu, son désir de vivre le plus possible comme Dieu le voudrait] invita Jésus à prendre un repas avec lui. Jésus se rendit chez cet homme et se mit à table. [c’était sûrement un grand repas, comme on organiserait une soirée chez soi avec un invité d’honneur]

37 Il y avait dans cette ville une femme de mauvaise réputation. Lorsqu’elle apprit que Jésus était à table chez le Pharisien, elle apporta un flacon d’albâtre (un genre de marbre fin qui était assez cher) plein de parfum 38 et se tint derrière Jésus, à ses pieds [Jésus, à la mode romaine, était couché sur le côté, la table était en U]. Elle pleurait et se mit à mouiller de ses larmes les pieds de Jésus ; puis elle les essuya avec ses cheveux, les embrassa et répandit le parfum sur eux. 

39 Quand le Pharisien qui avait invité Jésus vit cela, il se dit en lui-même : « Si cet homme était vraiment un prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche et ce qu’elle est : une femme de mauvaise réputation. » 

40 Jésus prit alors la parole et dit au Pharisien : « Simon, j’ai quelque chose à te dire. » Simon répondit : « Parle, Maître. » 

41 Et Jésus dit : « Deux hommes devaient de l’argent à un prêteur. L’un lui devait cinq cents pièces d’argent [environ 2 ans de salaire : disons 25000 euros] et l’autre cinquante [environ 2 mois de salaire : disons 2000, 2500 euros]. 42 Comme ni l’un ni l’autre ne pouvaient le rembourser, il leur fit grâce de leur dette à tous deux. Lequel des deux l’aimera le plus ? » 

43 Simon lui répondit : « Je pense que c’est celui auquel il a fait grâce de la plus grosse somme. » Jésus lui dit : « Tu as raison. »

44 Puis il se tourna vers la femme et dit à Simon : « Tu vois cette femme ? Je suis entré chez toi et tu ne m’as pas donné d’eau pour mes pieds ; mais elle m’a lavé les pieds de ses larmes et les a essuyés avec ses cheveux. 45 Tu ne m’as pas reçu en m’embrassant ; mais elle n’a pas cessé de m’embrasser les pieds depuis que je suis entré. 46 Tu n’as pas répandu d’huile sur ma tête ; mais elle a répandu du parfum sur mes pieds. 47 C’est pourquoi, je te le déclare : le grand amour qu’elle a manifesté prouve que ses nombreux péchés ont été pardonnés. Mais celui à qui l’on a peu pardonné ne manifeste que peu d’amour. » 

48 Jésus dit alors à la femme : « Tes péchés sont pardonnés. » 

49 Ceux qui étaient à table avec lui se mirent à dire en eux-mêmes : « Qui est cet homme qui ose même pardonner les péchés ? » 

50 Mais Jésus dit à la femme : « Ta foi t’a sauvée : va en paix. »

1)     Un parfum de scandale

Simon le pharisien est choqué, mais il ne sait pas qui le choque le plus : la femme ou Jésus ? Cette femme, on ne sait pas qui elle est, elle restera anonyme, mais sa réputation la précède, et ça se voit dans son style, son maquillage, sa façon de se tenir… Dès qu’elle arrive, elle est cataloguée. Cette femme, Simon accepte qu’elle vienne écouter Jésus, mais bon, ce serait bien qu’elle reste dans un coin ou près du couloir – mais elle a l’audace de venir au milieu de la pièce, juste derrière l’invité d’honneur, et de se mettre à faire son cinéma – de toute façon, qu’est-ce qu’on pourrait attendre de ce genre de femme ? Elle  sanglote, prostrée aux pieds de Jésus – tous les regards sont braqués sur elle. Puis elle les essuie avec ses cheveux, les parfume… Ca devient ambigu, tout ça ! C’est comme si elle s’était mise à le masser, à lui embrasser la nuque, les joues – c’est inconvenant ! Et puis le parfum… A l’époque, ce n’est pas comme aujourd’hui, c’est du parfum pur qui coûte très cher. Alors tout dépend de la taille du flacon, mais ça pouvait représenter jusqu’à un an de travail d’un ouvrier – on sait pas comment elle a gagné l’argent pour s’acheter ce parfum, mais en tout cas, ça vaut très cher, et elle le vide pour parfumer les pieds de Jésus… Maintenant, non seulement on la remarque, mais on sent aussi !

Et Jésus, dans tout ça, reste impassible ! Comme s’il n’y avait rien de gênant…

Simon est choqué, sûrement déçu : on disait tant de bien de Jésus, de ses discours, de ses conférences théologiques, de ses sermons – il l’a invité pour en savoir plus, mais finalement Jésus n’a pas l’air de valoir grand-chose.

2)     Un message scandaleux

Avec une bonne dose d’ironie prophétique, Jésus interpelle Simon, non pas sur la femme (qu’il a très bien cernée), mais sur les pensées du pharisien. Jusque là, on a deux personnages, chacun avec son étiquette : la femme sulfureuse et le religieux bien-pensant. Mais pour Jésus, ce n’est pas juste un pharisien, une pécheresse – c’est Simon, c’est cette femme, avec leur parcours, leurs attentes, leurs questions, leurs déceptions. Jésus ne s’arrête pas aux apparences ni aux catégories : il regarde la personne.

Alors Jésus raconte une histoire : deux dettes, deux hommes dans la panade – et un prêteur généreux qui efface l’ardoise. Vu sa position sociale, Simon devait sûrement lui-même prêter de l’argent à différentes personnes – il n’y avait pas de banque – donc il comprend très bien. Si un jour il en venait à effacer de telles dettes (mais il regarde autour de lui en espérant que personne dans la salle ne va se faire des idées), il attendrait une belle dose de reconnaissance ! Et plus la dette est grande, plus on attend de gratitude !

Avec cette parabole sur l’argent, Jésus parle du cœur de l’Evangile : nous devons tous quelque chose à Dieu. Notre naissance, notre souffle, notre vie, ça vient de lui, c’est à lui. Dès que nous abîmons ou que nous dégradons notre vie, notre corps, nos pensées, nos relations, nous sommes en dette. Le problème de Simon, c’est qu’il est rentré dans le calcul : lui, il pense qu’il n’a pas beaucoup de dettes envers Dieu – il ne ment pas, ne jure pas, ne se saoule pas, il travaille honnêtement, il est fidèle à sa femme, n’a jamais un mot plus haut que l’autre. Mais cette femme, là, on ne sait pas jusqu’où elle est allée ! Quel fond sordide elle a touché ! Quand même, devant Dieu, c’est pas pareil !

Et c’est là que Jésus est choquant : l’histoire ne se concentre pas sur ça, mais il faut le rappeler – Dieu efface les deux dettes. Les deux. Aucune dette n’est si grosse que Dieu ne puisse l’annuler. Et comment il le fait ? En payant lui-même la dette – en la personne de Jésus, au compte en justice bien rempli, qui vide ses caisses pour payer nos factures, qui se donne lui-même pour nous permettre de vivre. Jésus plus tard se tourne vers la femme : « tes dettes sont effacées, tes fautes sordides sont lavées, relève la tête, Dieu te regarde avec amour et fierté. » La femme l’a compris, et sa réaction inconvenante, scandaleuse, pas spécialement recommandable, c’est la réaction au scandale du salut, au scandale du pardon : à travers Jésus, elle découvre un Dieu qui a tout pour juger, mais qui choisit de pardonner. Non mais nulle part on ne voit ça, la vie ne fait pas de cadeau ! Mais Dieu, si : le cadeau d’une vie nouvelle. La femme n’en sait pas plus, elle connaît à peine Jésus, elle a peut-être juste entendu une bribe de ses discours, mais elle a compris que Jésus parle d’un Dieu d’amour, alors elle donne tout, tout ce qu’elle a de précieux.

3)     Ce qui choque Jésus

Mais Jésus n’est pas satisfait : il veut que Simon aussi comprenne qui Dieu est. Il veut renverser ses petits calculs. Il n’est pas en train de dire que tout se vaut et que rien n’est grave, ou qu’on peut détruire notre vie ou notre monde sans scrupules. Mais si on veut parler de ce qui choque Dieu, c’est pas la reconnaissance maladroite de cette femme. Non, c’est Simon. Occupé à regarder les autres pour se rassurer sur son statut de croyant modèle, à compter les points vers la pureté, à franchir les marches de son escalier spirituel, Simon en est venu à penser que finalement, lui, c’est un bon, il n’a pas vraiment besoin de pardon.

Ce qui choque Jésus, c’est Simon, Simon au cœur dur qui se moque de voir quelqu’un retrouver l’espoir, retrouver un sens à sa vie, tellement il est coincé dans ses règles et ses principes. Comment Simon peut-il ne pas voir le potentiel : oui cette femme part de loin, mais elle se jette toute entière dans les bras de Dieu – et tout est possible à celui qui fait confiance à Dieu, tout peut arriver. Dieu est tellement heureux quand une nouvelle personne lui ouvre son cœur… Dieu sait tout ce qu’il va faire pour la relever, la guérir, la conduire, la bénir.

Simon a oublié que Dieu est le Dieu de la vie, de la vie nouvelle, une vie qui jaillit de façon parfois étonnante et chaotique. Dans sa vie bien rangée, il n’y a plus de place pour les surprises de Dieu, pour les révolutions et les irruptions de la vie avec Dieu, pour l’amour même de Dieu. Mais l’amour de Dieu nous dérange, nous bouscule. Parce que Dieu appelle « mon fils, ma fille » des gens avec qui parfois on ne voudrait même pas prendre un café. Tout le monde est hors limites pour Dieu, mais il a choisi d’ouvrir les bras pour accueillir ceux qui se tournent vers lui, sur un seul critère : la foi, et le désir de laisser Dieu transformer notre vie pour en faire une vie belle et bienfaisante.

Alors pour revenir à nos limites, mais ça va plus loin que ça : Jésus nous appelle à regarder au-delà des étiquettes, à nous laisser déranger par le potentiel de ceux qui sont percutés par le pardon de Dieu, à élargir notre cœur en aimant comme Dieu. Il nous appelle à accueillir l’autre avec ses chaos, ses tentatives, ses maladresses – pas pour les cautionner, mais parce que Dieu nous travaille dans le chaos de notre vie.

Peut-être que le remède, pour nous, c’est le même que pour Simon : sans cesse recentrer notre regard sur Dieu. Oui, il est saint – et pourtant il m’aime, c’est incroyable ! Il m’appelle son ami, son enfant, quelle folie ! S’il m’a fait une place dans sa vie alors que je n’en valais vraiment pas la peine, alors il y a une place pour les autres aussi. Revenir sans cesse à Dieu, redécouvrir sans cesse les dimensions scandaleuses de son pardon, le potentiel incroyable d’une vie avec lui – c’est la base de ce que Dieu attend de nous, la base de notre amour pour lui, la base de notre amour pour les autres.

Se préparer à l’action de Dieu

Le temps de l’Avent, c’est le temps de l’attente. Attente des vacances, attente des fêtes, parfois avec appréhension, comme le rappelait Vincent dimanche dernier. Mais il y aussi une autre dimension : en nous préparant à fêter la venue de Dieu parmi les hommes, en Christ, il y a plus de 2000 ans, nous nous rappelons que Dieu n’est pas au bout de son œuvre et que nous sommes encore dans l’attente. Encore aujourd’hui, nous attendons que Dieu nous restaure, qu’il agisse dans notre vie, et, plus loin, qu’il bâtisse ce monde juste et paisible qu’il s’est fixé comme but. Nous attendons que Dieu révèle son salut. Car il n’y a que Dieu qui peut sauver, relever, guérir profondément.

Vincent nous rappelait que même dans cette attente intérieure, Dieu est actif. Par son Esprit en nous, il nous prépare et nous inspire. Mais quelle est notre part ? Le texte proposé aujourd’hui nous permet de zoomer sur cette part qui est la nôtre. C’est un extrait de l’Evangile de Luc, c’est-à-dire la biographie que Luc écrit sur Jésus, et après avoir raconté la naissance de Jean (le cousin de Jésus) et de Jésus, il nous transmet la prédication de Jean le Baptiste qui à sa façon prépare le moment où Jésus va parcourir les routes et annoncer le salut de Dieu.

Texte biblique: Luc 3.1-6

1 C’était la quinzième année du règne de l’empereur Tibère ; Ponce-Pilate était gouverneur de Judée, Hérode régnait sur la Galilée et son frère Philippe sur le territoire de l’Iturée et de la Trachonitide, Lysanias régnait sur l’Abilène, 2 Hanne et Caïphe étaient grands-prêtres.

La parole de Dieu se fit alors entendre à Jean, fils de Zacharie, dans le désert. 

On voit l’historien méthodique ! Luc nous donne tout le contexte politique et religieux du moment où Jean a reçu ce qu’il devait transmettre au nom de Dieu. Tibère, c’est l’empereur romain de l’époque, un empereur qui frise la cruauté dans ses dernières années. Ponce-Pilate est son émissaire à Jérusalem et sa région, tandis que les autres régions d’Israël sont gouvernées par des Juifs acoquinés avec le pouvoir romain. Israël est sous domination étrangère : le contexte paraît peu favorable à ce que Dieu agisse. C’est même un contexte d’opposition : Hérode fera tuer Jean, Ponce-Pilate & les grands-prêtres juifs feront condamner et crucifier Jésus quelques années plus tard.

Pour nous la situation est différente, mais nous paraît aussi peu favorable pour que Dieu agisse. Que ce soit sur le plan politique, spirituel, économique, moral, dans l’ambiance de peur actuelle ou de scepticisme global, nous pouvons avoir l’impression qu’il y a des murs devant nous, devant Dieu, et que Dieu aura du mal à se frayer un chemin dans notre société.

Et pourtant, Dieu se révèle dans ce temps-là. C’est à ce moment-là qu’il adresse sa parole à Jean, une parole que Jean est appelé à relayer largement, à claironner à qui veut l’entendre, une parole qui prépare les gens à accueillir Jésus. Et c’est dans ce contexte-là que Jésus va commencer à parler de Dieu, à enseigner, à guérir, à sauver…

Mais remarquez où se trouve Jean lorsque Dieu lui adresse la parole : dans le désert. Le désert est un endroit où Dieu aime parler – un endroit où il y a peu de distractions, où généralement on se tient prêt à écouter Dieu. C’est dans le désert que Dieu a donné sa loi à Moïse par exemple. Mais ce qui compte c’est moins le lieu que l’attitude de celui qui écoute : Jean dans le désert s’est rendu disponible à Dieu.

Dans le brouhaha qui nous entoure, dans notre brouhaha intérieur – nos préoccupations, nos activités – comment nous rendons-nous disponibles à Dieu ? Nous aurons du mal à aller au désert… mais au quotidien, comment créons-nous l’espace pour nous mettre à l’écoute de Dieu ? Est-ce que c’est un temps de prière après le petit-déjeuner ? Ou dans la voiture ? Une lecture biblique avec le café ou la tisane ? Comment nous préparons-nous à écouter Dieu ?

3 Jean se mit à parcourir toute la région voisine de la rivière, le Jourdain. Il lançait cet appel : « Changez de comportement, faites-vous baptiser et Dieu pardonnera vos péchés. »

4 Ainsi arriva ce que le prophète Ésaïe avait écrit dans son livre : « Un homme crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, faites-lui des sentiers bien droits ! 5 Toute vallée sera comblée, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les courbes de la route seront redressées, les chemins en mauvais état seront égalisés.

6 Et tout le monde verra le salut accordé par Dieu. »

Dieu n’a pas seulement parlé à Jean pour lui-même mais il l’envoie proclamer le besoin de se préparer à l’action de Dieu. Qu’annonce donc Jean ? Changez de comportement (parfois traduit par « Repentez-vous / Convertissez-vous ») et faites-vous baptiser – alors Dieu vous pardonnera vos péchés. La citation du prophète Esaie vient en renfort : faites des sentiers bien droits, et tout le monde verra le salut de Dieu. Quand on parle de pardon des péchés, de salut, quelle réalité est derrière ? Ce n’est pas seulement une absolution ! Mais une réconciliation. Ce que Dieu désire, c’est nous appeler ses enfants. Mais le mal que nous commettons, nos erreurs, nos fautes, nos mensonges, nos déviations, tout cela nous éloigne de lui et nous empêche de vivre librement avec lui.

Quand quelqu’un vous a blessé, ou que vous avez blessé quelqu’un, même si vous regrettez le froid qui s’ensuit, votre relation ne pourra pas être restaurée tant que celui qui a blessé l’autre ne demande pas pardon. Alors souvent, demander pardon ne nous demande pas grand-chose, à part de passer sur notre orgueil. Mais imaginez que vous avez brûlé la maison de quelqu’un, ou que vous avez renversé son enfant… Il faudra payer des dommages & intérêts ! La Bible nous dit que c’est Jésus qui paie nos dommages et intérêts envers Dieu, pour que la seule part qui nous reste ce soit de demander pardon. De nous tourner vers Dieu.

A ce moment-là, Jean-Baptiste ne sait pas que c’est son cousin, Jésus, qui portera notre salut, ni comment il le rendra possible. Mais il sait que Dieu veut nous sauver et nous pardonner. Et il sait que nous devons nous tourner vers lui pour que ce soit possible.

« Changez de comportement / convertissez-vous / repentez-vous » : ce n’est pas le changement pour le changement. Ce n’est pas non plus passer son temps à s’auto-flageller ! Non, c’est se tourner vers Dieu, nous rendre humblement disponible, mettre de côté notre orgueil et notre fierté pour recevoir une nouvelle chance.

Et dans ce mouvement, quand nous nous tournons vers Dieu, nous nous détournons forcément de quelque chose. Pour accueillir, nous abandonnons forcément autre chose. C’est le mouvement de la conversion : en croyant en Jésus, nous abandonnons d’autres croyances – l’athéisme, le matérialisme, certaines images de la divinité, certaines images de notre façon d’être aimé de Dieu, certaines conceptions du bonheur [cf. tém blabla Taizé ?]. Nous abandonnons certaines pratiques parce que nous nous rendons compte qu’elles ne sont pas compatibles avec ce que Dieu veut vivre avec nous – des fausses libertés, des addictions, des comportements qui nous avilissent… Nous faisons de la place en nous et dans notre vie, pour que Dieu agisse.

Mais que fait-on après ? Est-ce que c’est fini ? Dans plusieurs de ses lettres aux églises, l’apôtre Paul suggère que ce mouvement, ce changement, cette transformation, implique constamment de notre part un abandon et un accueil (Rm 12.1-2, Ep 4.22-24, Col 3.9-10) – l’abandon de ce qui nous éloigne de Dieu, l’accueil de ce que Dieu désire pour nous. Constamment, nous sommes appelés à faire de la place – comme à la maison ! Pour garder une maison où l’on peut circuler agréablement et inviter facilement, il faut régulièrement trier, jeter, ranger, remplacer. Le grand ménage de l’emménagement ne suffit pas ! Dans notre vie aussi, pour accueillir Dieu, le ménage nous attend ! Il y a les déchets encombrants : la débauche, la malhonnêteté, le vol… Mais il y a aussi les vêtements jetés sur la chaise, les anciennes clefs éparpillées, les papiers qui s’accumulent : rien de grave en soi, mais l’accumulation et la confusion. Qu’est-ce que ce serait dans notre vie ? L’immaturité ? L’indifférence ? l’orgueil, le jugement, le mépris, la dureté de cœur et le refus de pardonner (souvent pour des raisons qu’on trouve très bonnes, mais qui devant Jésus ne tiendraient pas forcément….), la paresse, l’amertume…

Comment faisons-nous le point ? Est-ce que nous osons regarder en face les sentiers tordus de notre cœur – bien souvent nous sentons là où ça coince dans notre vie : est-ce que nous fuyons ou est-ce que nous remettons à Dieu ? Et quand nous n’avons aucune idée de ce qui nous encombre, est-ce que nous osons demander à Dieu de nous montrer ce qui cloche ?

Jean invite à poser un geste d’engagement, à ne pas s’arrêter aux bonnes intentions : pour lui c’est le bain du baptême – avec un sens partiel par rapport au baptême demandé par Jésus. Pour Jean, c’est un geste qui montre concrètement que nous voulons laisser Dieu agir en nous et nous sauver, un appel à l’action pour ne pas en rester aux vœux pieux… Si vous voulez davantage lire la Bible, quelle est votre stratégie ? Un moment bien défini, une alarme, une application ? Si vous voulez renoncer au jugement, comment allez-vous le mettre en pratique ? S’il reste des conflits dans votre vie, à qui irez-vous demander pardon ?

Ces décisions, ces gestes, ça ne veut pas dire que nous allons nous sauver nous-mêmes ! Mais que nous nous ouvrons à l’action de Dieu dans notre vie, avec humilité, conscients que nous avons toujours besoin de lui pour devenir l’homme ou la femme qu’il veut que nous soyons. Parce qu’après tout, c’est Dieu qui comble les vallées de nos blessures, qui abaisse les montagnes de notre suffisance, qui redresse les courbes de nos fonctionnements tordus, qui égalise les chemins que nous prenons, afin que nous puissions marcher avec assurance et joie dans sa présence. Alors dans la conviction que Dieu peut agir dans toutes les situations, dans l’espérance du salut qu’il a accompli en Christ, tournons-nous humblement vers Dieu et laissons-le nous transformer. Il le fera !

Combien j’aime ta loi !

https://soundcloud.com/eel-toulouse/combien-jaime-ta-loi

C’est l’histoire d’un homme… Un homme en grande difficulté. Peu à peu, il a tout perdu : son travail, sa position sociale, même ses amis les plus proches l’ont trahi. Sa vie a basculé et il se retrouve sans rien. La tentation est grande de tout envoyer balader, de tout lâcher, de faire comme les autres. Mais cet homme est un croyant juif d’il y a presque 3000 ans, et au milieu de l’épreuve, il se tourne vers Dieu. On dit que la difficulté révèle le vrai caractère des gens – qui nous sommes quand nous n’avons plus rien à perdre. Mais dans la difficulté, notre foi aussi se retrouve à nu. Dans la détresse, n’allons-nous pas à l’essentiel ?

Dans le livre des psaumes nous trouvons la prière de cet homme en détresse. Une prière qui se recentre sur l’essentiel au milieu des tensions et des tentations. Cette prière c’est le Ps 119, et j’en lirai un extrait.

Psaume 119.97-104

97 Ah, combien j’aime ta loi ! Elle occupe mes pensées tous les jours.

98 Ton commandement est mon bien pour toujours, il me rend plus sage que mes ennemis.

99 Plus que mes maîtres, j’ai de l’instruction, car je réfléchis longuement à tes ordres

100 Plus que les vieillards, j’ai du discernement car je prends au sérieux tes exigences.

101 J’ai refusé de suivre le chemin du mal, afin d’appliquer ce que tu as dit.

102 J’ai suivi fidèlement tes décisions, puisque c’est toi qui me les as enseignées.

103 Quand je savoure tes instructions, je leur trouve un goût plus doux que le miel.

104 Mon discernement vient de tes exigences, c’est pourquoi je déteste toutes les pratiques mensongères.

S’il y a une prière que je ne m’attendrais pas à entendre dans la bouche de quelqu’un qui souffre, c’est bien celle-là ! Combien j’aime ta loi ! Ta fidélité, ta puissance, ta patience, ta bonté, ta justice – oui ! Mais ta loi ? Tes commandements ? Quand vous cherchez le réconfort de Dieu, vous vous tournez vers sa loi ? Sans parler de détresse, dans les tensions du quotidien, à quoi regardez-vous ? Et même dans les temps de bonheur et de louange, je doute que votre adoration soit centrée sur les règles édictées par Dieu !

La loi de Dieu, avouons-le, ce n’est pas ce que nous préférons chez lui… Ce serait plutôt ce que nous tolérons dans notre lecture de la Bible : nous aimons l’Evangile, habité par un Jésus généreux et compatissant, accueillant, révolutionnaire, droit, puissant, humble et triomphant. Oui, lui nous l’aimons ! Le Dieu des Ecritures juives déjà nous paraît moins accessible. Et sa loi, quand nous arrivons à la lire, peu d’entre nous la goûtent ! La loi nous fait penser à un Dieu juge et sévère, voire accusateur. La loi… Nous préférons la grâce ! La loi évoque l’obéissance et la peur, la grâce évoque la liberté et l’amour !

Alors quoi, je déchire le psaume ? Je déclare que Jésus a annulé le psaume 119 ? Non, si cette prière est parvenue jusqu’à nous, nous chrétiens ancrés dans l’amour de Dieu, c’est qu’elle enrichit encore aujourd’hui notre relation avec Dieu.

1/ Quelle loi pour le chrétien ?

Combien j’aime ta loi ! dit cette prière. Mais est-ce que ça ne concerne pas seulement les croyants avant Jésus ? Nous, nous vivons par la grâce ! Sauf que Jésus a dit : je ne suis pas venu pour abolir la loi mais pour l’accomplir (Mt 5.17). Qu’est-ce que ça veut dire ? Déjà, quand on parle de loi, de quoi parle-t-on ? Dans la loi juive, dans l’AT, il y avait toutes sortes de règles, par exemple des règles pour s’approcher de Dieu, des protocoles sur le culte qui montraient qu’un homme coupable ne peut pas se présenter devant Dieu avec légèreté. Des règles sur les sacrifices, les aliments, les vêtements… Mais lorsque Jésus se donne, victime innocente et parfaite, pour porter le jugement de Dieu en réponse au mal que nous commettons, il remplit parfaitement ces protocoles, et les anciennes règles cultuelles ne sont plus d’actualité.

Il y a aussi les lois sociales de l’Ancien Testament. Israël était un peuple politique autant que spirituel, avec son organisation judiciaire, économique, sociale… Comment traiter l’étranger, le pauvre, le criminel, comment subvenir aux besoins communs, quels sont les devoirs d’un patron ou d’un époux ? Cette organisation est un exemple de ce qu’on peut vivre politiquement, dans un contexte donné, quand on veut appliquer les valeurs de Dieu. Lorsque Jésus envoie ses disciples dans le monde entier, lorsque l’Eglise se répand dans de nombreuses nations, les règles politiques d’Israël ne sont plus applicables telles quelles, mais les valeurs restent !

Jésus a lui-même toujours vécu selon les valeurs de Dieu, et il nous demande de rechercher la justice de Dieu, c’est-à-dire ce que Dieu trouve juste, ce qui est conforme à ses valeurs – tu aimeras Dieu, tu aimeras ton prochain, tu refuseras le mensonge et la violence, tu seras fidèle, tu ne te vengeras pas, tu choisiras la bienveillance, tu résisteras à la tentation quitte à renoncer à quelque chose qui t’est cher. Jésus reprend à son compte les principes de vie que l’on trouve déjà dans l’Ancien Testament.

Il n’y a pas de loi dans le sens où le chrétien ne compte pas sur ses bonnes actions pour obtenir l’amour de Dieu – de toute façon, nous sommes trop défaillants pour mériter  son approbation. Il n’y a pas de loi, car si nous sommes aimés de Dieu, c’est à travers le Christ, qui a mis sa vie juste et sa mort injuste à notre compte, afin que son innocence soit comptée comme la nôtre, et que nos défaillances soient comptées comme les siennes. Si Dieu nous offre son amour et la chance de vivre avec lui, c’est parce que le Christ permet cette relation libre avec lui. En cela, nous sommes sauvés par grâce, par la foi dans le don généreux de Jésus, et non par une loi que nous aurions respectée.

Mais la loi ne disparaît pas pour autant ! Être justes devant Dieu n’est plus le critère pour être aimé de lui, mais ça reste notre vocation ! Nous sommes sauvés pour vivre avec Dieu et comme Dieu, pour vivre selon ses valeurs. C’est la loi de Dieu qui s’inscrit dans notre cœur, qui devient notre vocation : être justes et bons comme Dieu.

2/ J’aime Dieu qui donne sa loi. (v.98-100)

Combien j’aime ta loi ! dit le psalmiste. Elle est plus douce que le miel, plus réconfortante que le meilleur gâteau au chocolat, plus savoureuse qu’un vieux comté, plus goûteuse qu’un steak bien grillé… Combien j’aime ta loi !

Est-ce que nous partageons cet enthousiasme pour la justice que Dieu nous appelle à vivre ? Cette justice, on peut la nommer loi, sainteté, droiture, vérité… Quel regard portons-nous sur cette justice que Dieu nous appelle à vivre ? Est-ce un regard de crainte (si je n’obéis pas, je perds mon salut) ? Est-ce un regard résigné (il faut bien le faire, il n’y a pas le choix, c’est notre devoir, notre croix) ? Est-ce un regard circonspect (on verra, on verra si ce que Dieu me demande est bien raisonnable) ?

Combien j’aime ta loi ! dit le psalmiste. J’aime ! Je ne crois pas que ce croyant était un juriste passionné de codes civils et de jurisprudence – non, je crois qu’il avait compris le sens de la loi. La loi que donne Dieu n’est pas faite pour trancher, pour casser, pour exclure, mais c’est une série de repères qui balise le chemin pour ressembler à Dieu. J’aime ta loi, dit le psalmiste, car elle me rend sage, elle m’instruit, elle me donne une orientation. J’aime ta loi, car ta loi, Seigneur, me montre comment être meilleur ! C’est un défi pour grandir selon tes valeurs !

Nous pouvons dire « J’aime ta loi » car elle nous montre les projets que Dieu a pour nous, elle nous fait entrevoir les personnes que nous pouvons devenir.

Dans la confusion, ô Dieu, j’aime ta loi qui montre tes priorités.

Quand je suis tenté par le mensonge, j’aime ta loi qui m’invite à des relations vraies.

Dans les difficultés du mariage, j’aime ta loi qui m’invite à être fidèle et persévérant.

Dans les conflits, j’aime ta loi qui m’invite à être de ceux qui répondent au mal par le bien.

Quand on m’insulte, j’aime ta loi qui m’invite au respect et au pardon.

Dans la tentation des relations faciles, j’aime ta loi qui m’invite à m’engager entièrement, pour la vie, et pas seulement pour une nuit.

Dans ma gestion de l’argent, j’aime ta loi qui m’invite à la générosité.

Au cœur de mon égoïsme, j’aime ta loi qui me pousse à servir l’autre.

Au-delà de la loi, nous aimons le Dieu qui nous presse de remplir notre vocation ! Et nous la remplirons – en comptant sur son Esprit qui nous façonne de l’intérieur à l’image de Dieu. En comptant sur sa patience lorsque nous nous trompons ou que nous échouons.

Combien je t’aime, Seigneur, car tu m’appelles au meilleur, à devenir cet être de vérité, de justice, de générosité, d’intégrité, d’amour, d’humilité, de patience… Sans cesse, à tout âge et en toutes circonstances, Dieu nous tire vers le meilleur.

3/ Et quand je n’aime pas, je choisis de croire ! (v.101-102)

J’aime Dieu qui me donne sa loi. J’aime la personne qu’il veut que je sois. Donc, j’aime le chemin qui y conduit… ou pas ! Car dans le détail, nous n’aimons pas toujours ce que Dieu nous demande de faire ou d’être. Ca varie d’ailleurs selon les gens : le jeune homme riche n’a pas aimé l’appel radical à la générosité (va et vends tout ce que tu as), l’apôtre Pierre n’a pas aimé l’appel à la paix quand les soldats ont arrêté Jésus (et il a tranché l’oreille d’un soldat), les disciples n’ont pas aimé le douloureux chemin que Jésus a emprunté (et ils ont fui devant sa mort).

Le chemin sur lequel Dieu nous appelle est un chemin qui nous élève et qui nous heurte. Un chemin de vérité qui à un moment confrontera ce qui est trouble ou faux en nous – et que nous aimerions bien garder, en le justifiant à notre façon. Pour certains, c’est le rapport à l’argent qui va coincer. Pour d’autres, la sexualité. Pour d’autres, le pouvoir. Pour d’autres, l’orgueil. Pour d’autres, la superficialité. Tous, confrontés à la personne que Dieu veut que nous devenions, tous nous nous heurtons à ce qui coince, à ces demandes divines qui appuient là où ça fait mal, ces demandes que nous ne comprenons pas ou que nous ne voulons pas.

90% du temps, nous comprenons. Nous admirons même les demandes de Dieu, les défis qu’il nous pose. Mais les 10% restants, on en fait quoi ? On déchire les pages ? On raye les demi-versets qui ne nous conviennent pas ? qui n’entrent pas dans notre éducation, notre culture, nos valeurs ?

La prière du psaume 119 dit : J’ai refusé de suivre le chemin du mal pour mettre en pratique ce que tu as dit. Je suis fidèlement tes décisions – pourquoi ? parce que c’est toi, ô Dieu qui me les a enseignées. Sur ce chemin que Dieu trace pour nous, à un moment, nous ne saurons plus où nous sommes, ou nous trouverons que son indication est peu réaliste, ou que la route est un peu cabossée – et c’est là que notre amour s’éprouve réellement, non pas pour la loi, mais pour le Dieu qui nous sauve et qui nous conduit. C’est en suivant Dieu aussi sur les chemins que nous n’aurions pas choisis, en obéissant à des demandes que nous n’aurions pas voulues, c’est là que nous marchons par la foi. C’est-à-dire, par la confiance envers celui qui nous sauve et qui nous guide, celui qui élabore des projets parfaits, celui qui dépasse nos idées nos concepts nos règles car il est Dieu.

Conclusion

Dieu trace un chemin pour chacun d’entre nous. Jésus nous le rend accessible et il nous y accompagne. Un chemin sur lequel nous ne pouvons marcher sans être transformés – transformés pour devenir meilleurs, aimants, justes et bons, des personnes bienfaisantes, des personnes qui ressemblent à Jésus et qui portent sa lumière au quotidien. Le processus peut être agréable – ou douloureux – mais osons suivre Jésus sur ce chemin – car c’est lorsque nous nous tenons auprès de Dieu, attentifs à ce qu’il nous dit, zélés pour agir comme lui, c’est là que nous vivons vraiment notre vocation, là que nous recevons vraiment sa vie abondante – et vivre avec Dieu est plus doux que tout ce que nous connaissons.