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Florence VANCOILLIE

A propos Florence VANCOILLIE

Pasteur de l'Eglise évangélique libre de Toulouse depuis 2013, membre de la Commission synodale de l'UEEL.

Devenons ce que nous sommes !

Quelle est la tendance cet été ? Quels sont les vieux vêtements que vous allez donner, parce que vous ne les aimez plus ou parce qu’ils ne vous vont plus… :s ? Comment rafraîchir votre garde-robe, votre style, renouveler votre déco ?

Rassurez-vous, pendant les vacances, je n’ai pas changé de vocation, et je ne vais pas seulement parler chiffons… Quoique !

L’objet de notre espérance (la vie pleine et entière avec Dieu) est assuré, nous sommes sûrs de l’obtenir, les jeunes nous l’ont rappelé. Et cette assurance change déjà notre façon de vivre aujourd’hui – comme en voyage, connaître notre destination et être sûrs d’y arriver change déjà notre trajectoire et notre façon de conduire, de nous conduire, ici-bas. En quoi cela consiste-t-il concrètement ? Les jeunes ont choisi un texte extrait de la lettre de l’apôtre Paul aux églises de la ville grecque de Colosses pour nous conduire dans cette réflexion.

            Lecture biblique: Col 3.1-17

1 C’est avec le Christ que vous avez été réveillés de la mort. Cherchez donc les choses d’en haut, là où le Christ se trouve, assis à la droite de Dieu. 2 Le but de votre vie est en haut et non sur la terre. 3 Oui, vous êtes passés par la mort, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu. 4 Le Christ est votre vie. Quand il paraîtra, vous aussi, vous paraîtrez avec lui et vous participerez à sa gloire.

5 C’est pourquoi, faites mourir ce qui en vous appartient à la terre : par exemple, mener une vie immorale ou impure, désirer des choses honteuses et mauvaises, chercher à avoir tout pour soi, ce qui est une façon d’adorer les faux dieux. 6 Voilà ce qui attire la colère de Dieu sur ceux qui refusent de lui obéir. 7 Autrefois, vous aussi, vous agissiez ainsi quand vous viviez de cette manière. 8 Mais maintenant, rejetez tout cela : colère, violence, méchanceté. Ne lancez plus d’insultes ni de paroles grossières ! 9 Ne vous mentez plus les uns aux autres. En effet, ce que vous étiez avant avec vos façons de vivre, vous vous en êtes débarrassés comme d’un vieux vêtement. 

10 Et, comme si vous aviez mis un vêtement neuf, vous êtes devenus une personne nouvelle. Cette personne se renouvelle sans cesse et elle ressemble de plus en plus à son Créateur. C’est ainsi que vous pourrez connaître Dieu pleinement. 11 Maintenant, il n’y a plus des non-Juifs et des Juifs, des circoncis et des non-circoncis. Il n’y a plus des étrangers, des non-civilisés. Il n’y a plus des esclaves et des personnes libres. Mais il y a le Christ : il est tout et il est en tous. 

12 Dieu vous a choisis, il veut que vous soyez à lui et il vous aime. Donc, faites-vous un cœur plein de tendresse et de pitié, un cœur simple, doux, patient. 13 Supportez-vous les uns les autres et pardonnez-vous si quelqu’un a un reproche à faire à un autre. Le Seigneur vous a pardonné, agissez comme lui ! 14 Et surtout, aimez-vous : l’amour est le lien qui unit parfaitement. 15 Que la paix du Christ dirige vos cœurs ! Dieu vous a appelés à cette paix pour former un seul corps. Dites-lui toujours merci. 

16 Que la parole du Christ habite parmi vous avec toute sa richesse. Donnez-vous des enseignements et des conseils avec toute la sagesse possible. Remerciez Dieu de tout votre cœur, en chantant des psaumes, des hymnes et des cantiques qui viennent de l’Esprit Saint. 17 Tout ce que vous pouvez dire ou faire, faites-le au nom du Seigneur Jésus, en remerciant par lui Dieu le Père.

1/ Le principe… Devenez ce que vous êtes ! (« recherchez les choses d’en haut » v.2)

Paul développe une idée, une seule : vous êtes une personne nouvelle. Votre identité est en Christ : c’est lui maintenant qui définit ce que vous êtes. Par la foi, vous êtes solidaires du Christ, unis à lui par son Esprit, et ce qui vous définit maintenant, c’est lui. Il est mort pour porter nos fautes et notre culpabilité ? Vous êtes morts ! Le mal n’est plus ce qui vous définit. Jésus est vivant, rempli de la vitalité divine, de sa joie, de sa paix, de sa justice, de son amour, pour l’éternité ? Vous êtes vivants ! Même si vous êtes dans un contexte mortel, vous recevez de lui, dès maintenant, un peu de sa vie, dans l’attente de tout recevoir lorsque Dieu renouvellera ce monde. Le Christ est votre vie !

Qu’est-ce qui peut nous définir, dans notre société ? le poids de notre passé, notre réputation, notre statut social, les réussites ou les échecs, notre argent ou notre famille, nos connaissances ou nos lacunes – pas pour Dieu ! A ses yeux, aux yeux du Créateur, pour l’éternité, ce qui nous définit, c’est le Christ ! Notre identité profonde, véritable, éternelle, c’est d’être frères et sœurs du Christ, par la foi, de partager son nom, sa fortune, sa réussite. C’est lui notre identité. D’où le fait que Paul dit qu’il n’y a plus ni Juifs ni non-Juifs, ni étrangers ni citoyens, ni riches ni pauvres, ni hommes ni femmes… Ce qui nous définit en premier, c’est le Christ. Qui que nous soyons, par la foi, nous sommes héritiers du Christ : voilà notre identité.

La conséquence est simple : Dieu nous appelle à devenir ce que nous sommes, en Christ. A laisser cette identité nouvelle s’épanouir et s’exprimer dès maintenant. Nous sommes à l’ère du bien-être, où l’accomplissement de soi, l’épanouissement / le développement personnel, sont prépondérants. Oui, accomplissez-vous, développez-vous,  épanouissez-vous… mais dans votre vraie identité ! Assumez ce que vous êtes – en Christ ! Le reste a perdu sa force lorsque vous avez cru au Crucifié, et passera bien assez tôt. Fixez vos yeux sur l’horizon, sur la vie avec Dieu qui n’a pas de limites – et laissez cette direction changer votre trajectoire.

Pour reparler chiffons : vous allez vivre pour l’éternité au ciel, dans l’entourage proche de Dieu. Suivez la mode… mais la mode du ciel ! Renouvelez votre garde-robe, oui, mais pour correspondre aux tendances célestes ! Bien sûr, je ne parle pas vraiment de vêtements ici… Quelles sont les tendances, la mode de notre société ? La culture qui nous entoure ? Dieu nous appelle à investir sur ce qui sera tendance dans l’éternité, pour toujours dans l’actualité, son actualité. Puisque vous êtes destinés au ciel, vivez déjà comme au ciel.

2/ Les vêtements à jeter (« faites mourir »… v.5)

Cela implique d’abord un tri dans notre dressing – Paul y va fort : faites mourir ce qui n’a rien à faire au ciel, ce qui appartient au monde d’ici-bas et qui n’a pas une chance de tenir dans la présence de Dieu. Il y a des choses qui seront détruites par Dieu, car elles font tache (déjà aujourd’hui, dans la semi-obscurité dans laquelle nous vivons, mais alors, imaginez dans la pleine lumière de la présence de Dieu, de la sainteté de Dieu…) Dieu nous dit : débarrassez-vous-en dès maintenant ! Ces « vêtements » ne vous vont plus, depuis que vous êtes définis par le Christ. Ils font tache ! Paul donne plein d’exemples concrets, mais il insiste sur trois domaines, ô combien d’actualité : le corps, l’argent, les relations/l’usage de notre langue.

Le corps et l’argent sont mis dans le même bateau. Ce sont de bonnes choses, en soi, données par Dieu. Mais le bât blesse lorsque le corps, ou l’argent, prennent la première place dans notre vie : le plaisir à tout prix – par une sexualité débridée, une garde-robe ( !) démesurée, une maison grandiose, des voyages à tout va, un hygiénisme rigide… Lorsque la priorité se porte sur le corps, ou sur ce que j’ai, ce que je peux faire, toute une partie de ce que nous sommes est négligée : notre âme, notre vocation à ressembler à Dieu, notre solidarité profonde avec ceux qui nous entourent… La société nous invite au « fun », à profiter, toujours plus… Ou à accumuler, dans l’espoir de plaisirs futurs… Quitte à prendre des raccourcis en négligeant d’autres réalités, comme notre besoin de relations simples, de partage, d’entraide, d’amour/ notre besoin de nous décentrer pour accueillir la présence de l’autre, la présence de Dieu… Ces raccourcis sont bien souvent des impasses.

La pression sociale est très forte sur ces sujets – dans la culture, les médias, l’imaginaire ambiant, des évidences se forment comme des vérités intemporelles (alors que bien souvent, c’est très récent : ce n’est pas parce que c’est dit que c’est vrai) – et la responsabilité de chaque chrétien, c’est de se poser la question : est-ce c’est compatible avec ma nouvelle identité en Christ ? Avec mon avenir éternel ? Le corps, le bien-être, le plaisir, l’argent, mais aussi les loisirs, la réussite, la réputation… ces choses ont une place, mais quand elles dirigent notre vie à la place de Dieu, elles nous détournent de notre réelle identité. C’est toujours un combat, pour garder l’équilibre et donner une place juste à chaque chose, en gardant la meilleure place pour Dieu et nos relations avec les autres. Cela demande, régulièrement, de demander les lumières de Dieu : où est-ce que j’en suis en ce moment ?

Autre point sur lequel Paul insiste : nos paroles ! Le mensonge (pour se justifier ? pour manipuler ? pour se cacher ?), la brutalité, la colère. Nous vivons dans une époque joyeusement grossière, où la  vulgarité et les insultes sont monnaie courante, où la parole engage peu. Ce n’est pas nouveau, mais c’est très présent. Dieu nous invite à reconsidérer le poids de nos mots, leur impact sur l’autre, et sur nous. Ca ne laisse pas indemnes, d’insulter ou de mentir ! Peut-être que la première fois, nous allons au-delà de notre pensée, mais quand nous entendons nos propres mots, cela laisse une empreinte sur nous aussi, en préparant un chemin pour nos futures pensées.

Paul décrit ici une façon de vivre où l’ego, le moi, ne se met plus de limites, et se prend lui-même comme référence, comme source et but de l’existence. Je vis par moi-même, pour moi-même, je me fais plaisir, je fais ce que je veux quand je veux comme je veux. Comment construire des relations véritables si telle est notre mentalité ?

3/ Les vêtements à porter (« faites-vous un cœur… » v.12)

Alors, le dressing céleste ? A quoi ressemble-t-il ? S’il y a des vêtements à jeter, il y en a d’autres à acquérir ! Je le rappelle : il ne s’agit pas d’abandonner et d’acquérir des choses pour devenir une bonne personne qui obtiendra les faveurs de Dieu. Non ! Il s’agit de se mettre en conformité avec ce que nous sommes déjà, avec cette identité nouvelle que nous avons reçue en Christ, une identité à assumer et à exprimer au quotidien.

Puisque nous vivons par le Christ, puisque notre identité c’est le Christ, nous avons « simplement » à ressembler au Christ. Pas physiquement ! Mais dans son caractère : douceur, simplicité/droiture, un cœur qui se laisse attendrir, et la patience (la patience !). J’insiste sur la patience, car nous sommes tous en transition, empêtrés dans des vêtements qui ne nous vont plus, en train d’essayer de nouveaux vêtements où nous ne sommes pas encore très à l’aise… La patience qui demande de supporter ce qui nous agace, parce que finalement, ce n’est pas si grave ou important. Une patience généreuse, qui conduit même à pardonner à celui qui nous blesse : ses maladresses et ses fautes ne sont-elles pas du même ordre chez moi ? Et heureusement que Dieu me pardonne ! « pardonnez-vous les uns les autres » – cela ne peut arriver que si l’un des deux, offenseur ou offensé, prend l’initiative de parler à l’autre : je voudrais te demander pardon de…, si… On n’est pas obligé d’attendre que l’autre vienne nous demander pardon, on peut aussi prendre l’initiative (surtout si l’autre ne se rend pas compte de la situation) et dire: écoute, sur tel point, j’ai été blessé de… est-ce qu’on pourrait en parler ensemble ? C’est dur ! Il est plus facile d’avoir une paix visible et polie, ou de critiquer par-derrière. Mais demandons-nous : est-ce cela l’amour qui réjouit Dieu ? L’amour qui dirige le cœur du Christ ? L’amour qui règnera dans l’éternité ? Des relations hypocrites, fausses, remplies d’amertume ?

La dimension communautaire est essentielle dans notre identité nouvelle : nous sommes ensemble, nous sommes un corps, nous sommes au pluriel ! Nous sommes reliés – à Dieu, en Christ, par l’Esprit. Aux autres aussi. Comment pourrait-il en être autrement ? Comment un Dieu d’amour nous lancerait-il dans une vie solitaire ? Quand la Bible parle d’amour, de paix, elle parle de relations ! Pas d’un sentiment vague et flottant, sans objet, zen… Avec ses beautés et ses laideurs, l’église est le lieu où nous apprenons à vivre notre identité céleste, à nous décentrer de nous pour aimer Dieu et notre prochain.

Pour vivre cela, la recette c’est de mettre sans cesse le Christ en avant. S’entraîner à se tourner sans cesse vers Dieu. Un sujet de joie ? Chantons la générosité de Dieu ! Un sujet de tristesse ? Cherchons le réconfort de Dieu ! Une idée ? Confrontons-la à la sagesse de Dieu, dans la Bible ! Un projet ? Demandons à Dieu son avis, et pas seulement sa bénédiction ! Toujours méditer un peu plus la vie, la personne, l’œuvre de Dieu, en particulier en Jésus – qui pourrait s’en lasser ? On parle de l’être le plus merveilleux, incroyable, extraordinaire qui puisse exister…

En toutes occasions, cherchons la perspective de Dieu – par exemple en apprenant à dire merci. Dire merci c’est décoller notre regard de l’évidence, de ce qui est dû, pour discerner la main paternelle qui nous porte et nous accorde tant de grâces. Nous avons de la chance ! Emerveillons-nous toujours à nouveau de pouvoir vivre avec Dieu, dans les bons et les mauvais moments – il est notre vie !

Conclusion

Paul nous invite à vivre ici-bas comme au ciel… Pas dans les nuages ! Pas dans un rêve ! Mais par anticipation, pour s’entraîner à l’éternité. Pour montrer ici, aujourd’hui, à quoi peut ressembler la vie avec Dieu.

C’est un grand défi ! Le plus grand relooking de tous les temps. Mais sur ce chemin, le Christ est notre modèle, notre motivation, et notre secours : Il nous enseigne, nous conduit, nous pardonne nos mauvais pas et nous donne la force de nous relever lorsque nous tombons.

Devenons ce que nous sommes ! Centrons-nous sur le Christ, et laissons-le nous transformer encore un peu plus à son image, pour la gloire de Dieu, pour notre joie, et pour bénir ceux qui nous entourent.

Vivants, en Christ!

Qu’est-ce que ça change de croire que Jésus est ressuscité ?  Que change la foi dans notre vie ? Des gens qui ne croient pas m’ont déjà dit : « Ah c’est bien tu crois, mais ce n’est pas pour moi. Mais je peux comprendre – ça doit t’encourager dans les moments difficiles, ça doit être bien de ne pas se sentir seul… » Quand on écoute des croyants, on entend : Je me sens en paix. J’ai trouvé un but, un sens à ma vie. Je me sens soulagée. J’ai reçu la force de pardonner. Je me sens guidé…

Et c’est vrai ! Même s’il n’y a pas que les chrétiens qui pourraient dire cela… Des philosophes, des croyants d’autres religions, des passionnés engagés sur le plan social pourraient sûrement avoir un discours qui y ressemble. La spécificité de la foi chrétienne, c’est de croire que Jésus, après avoir été mis à mort, est ressuscité : il est revenu d’entre les morts pour entrer dans une vie qui n’est pas la réincarnation mais qui est d’une autre qualité, la vie de Dieu, la vie infinie de Dieu. La résurrection : événement unique dans l’histoire des religions, événement central de la Bible, événement qui a poussé les disciples à relire leur expérience de trois ans avec Jésus et comprendre qu’il n’était pas juste un homme extraordinaire, mais qu’il venait de Dieu, qu’il était Dieu lui-même. Événement qui a fait relire la mort de Jésus pour comprendre que ce n’était pas une simple injustice, un simple martyre comme on en connaît tant. (je vais y revenir)

Quel est l’impact de cette conviction sur ceux qui croient ? Qu’est-ce que ça change, que Jésus soit ressuscité ? Un certain Paul, qui ne croyait pas, qui s’est fait percuter par Jésus ressuscité, qui en a changé sa vie radicalement au point de devenir un porte-parole du Christ, un apôtre, qui a parlé de son expérience et de sa foi de la Palestine à l’Italie, aborde ce sujet dans sa lettre aux chrétiens de Rome. Il est en train de parler du pardon, en disant, si je résume : Dieu vous a pardonné, c’est extraordinaire ! Mais le pardon est un nouveau départ, pas une excuse pour recommencer sans fin les mêmes erreurs ou les mêmes fautes. Mais Paul, dans son argumentation, va aller plus loin : il prend appui sur la foi dans le Christ ressuscité, et c’est là-dessus que je voudrais m’arrêter.

Lecture biblique: Romains 6.3-14

3 Vous le savez bien : notre baptême, en nous unissant au Christ Jésus, nous a tous unis à sa mort. 

4 Donc, par le baptême, nous avons été plongés [littéralement : ensevelis, mis dans la tombe] avec lui dans la mort. Mais la puissance glorieuse du Père (Dieu) a réveillé le Christ de la mort, pour que, nous aussi, nous vivions d’une vie nouvelle.

5 En effet, nous avons été totalement unis à lui au moment où nous sommes morts avec lui. De même, nous serons unis à lui en nous levant comme lui de la mort. 6 Comprenons bien ceci : ce que nous étions avant a été cloué sur la croix avec le Christ. Alors le péché qui fait partie de nous-mêmes est détruit, et nous ne sommes plus esclaves du péché. 

7 Oui, celui qui est mort est libéré du péché. 

8 Mais si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui. 9 Nous le savons bien : depuis que le Christ s’est réveillé de la mort, il ne doit plus mourir, la mort n’a plus de pouvoir sur lui. 10 Le Christ est mort, et sa mort l’a séparé totalement du péché, une fois pour toutes. Maintenant il est vivant, et sa vie est tout entière pour Dieu. 11 De même, vous aussi, vous devez penser ceci : vous êtes morts en étant totalement séparés du péché, mais, en étant unis à Jésus-Christ, vous êtes vivants pour Dieu.

12 Donc le péché ne doit plus avoir de pouvoir sur votre corps qui mourra un jour, et vous ne devez plus obéir aux désirs mauvais de votre corps. 13 Ne mettez plus votre corps au service du péché, comme un moyen pour faire le mal. Au contraire, mettez-vous au service de Dieu, comme des vivants revenus de la mort. Servez-vous de votre corps comme d’un moyen pour faire ce qui est juste.14 Ce n’est plus la loi qui vous commande, mais c’est l’amour de Dieu pour vous. Le péché ne peut donc plus avoir de pouvoir sur vous.  

         Vivants en Christ

Quelle est la caractéristique d’un chrétien ? Il croit ? D’autres aussi ! Il s’efforce de faire le bien ? D’autres aussi, et parfois mieux !  Pour Paul, ce qui est unique chez le chrétien, ce n’est pas qu’il est mieux que les autres, comme s’il était parfait, plus moral ou plus fort. Non, c’est qu’il est vivant. Vivant !

Pas de la vie naturelle, ça on l’est tous ! Mais vivants de la vie qui est en Dieu, vivants d’une vie qui a la qualité de la vie de Dieu. Cette vie, il nous est difficile de nous la représenter avec précision, mais j’imagine la différence entre écouter un enfant qui apprend le violon dans l’appartement d’à côté [imiter ?]– et entendre jouer un maestro de l’orchestre du Capitole. La différence entre un film Noir & Blanc et un film en couleurs, entre un appel téléphonique un jour d’orage quand le réseau vacille et une rencontre en chair et en os.

La foi en Jésus n’est pas une simple conviction, c’est une relation avec le Christ ressuscité. Le leitmotiv de Paul : vous êtes unis au Christ par la foi. Vous êtes connectés. Synchronisés, comme par bluetooth.

Nous croyons que Jésus est revenu à la vie et que, par un processus qui nous dépasse, sa vie entre en nous lorsque nous croyons. Nous croyons que Jésus est vivant, sur la base du témoignage de nombreuses personnes qui ont risqué leur vie pour partager cette nouvelle (si vous avez des questions là-dessus, je suis à votre disposition à la fin du culte). Et cela nous étonne, mais nous l’acceptons parce que nous croyons que le Dieu qui a créé le monde est capable de faire des choses extraordinaires. Et dans ces choses extraordinaires, il y a cette possibilité de recevoir la vie du Christ ressuscité en soi, simplement par la foi. J’aurais du mal à expliquer comment ça marche, mais c’est comme pour le bluetoooth : je n’ai pas besoin de comprendre le procédé scientifique mis en œuvre pour que ça marche. J’appuie sur une touche du téléphone et il se connecte à une enceinte, la musique retentit. Pour être synchronisé à Jésus, on n’appuie pas sur un bouton, mais on dit : je crois. Le procédé scientifique nous dépasse, mais ça marche : par la foi, la musique de la vie divine nous remplit…

Le baptême symbolise cette synchronisation. Il symbolise le fait que nous nous approprions la vie de Jésus. Etre unis à Jésus ce n’est pas seulement être en relation avec lui, c’est s’approprier son expérience. C’est vivre son expérience par procuration. C’est bientôt les élections européennes, peut-être que vous allez faire une procuration pour voter. Sans parler de politique (je ne suis pas là pour ça) : cette procuration atteste que vous avez voté même si vous n’étiez pas là. Par la foi, par notre synchronisation avec Jésus, nous pouvons attester que ce que Jésus a vécu compte comme si nous l’avions vécu nous-mêmes. Ca vaut pour sa mort, et ça vaut pour sa vie. Il est mort – nous sommes morts. Il est revenu à la vie, rempli d’une vie sans limites (en qualité et en quantité) – nous sommes vivants. Nous sommes ressuscités.

Ou plutôt : nous sommes en cours de résurrection – le processus est commencé, mais pas achevé. Nous attendons que Dieu finisse les derniers détails pour que la création, et nous dedans, soit entièrement remplie de cette vie qui vient de Dieu.

Morts au péché

Puisque nous sommes unis au Christ dans sa vie, par la foi, nous sommes aussi unis à lui dans sa mort. Paul dira : nous sommes morts et enterrés, en Christ ! Et ressuscités.

Morts à quoi ? à la vie sans Dieu. à une vie grinçante, marquée par la mort et la destruction. Selon les écrits bibliques, la mort commence non pas dans notre corps, mais dans notre cœur. La destruction prend racine dans notre cœur. C’est que la Bible appelle « péché » : ce mal en nous, qui nous dévore de l’intérieur et qui corrompt tout ce que nous touchons. Nous en sommes victimes, mais nous en sommes aussi responsables. A des degrés divers, avec des conséquences diverses, mais tous dans le même bateau. C’est comme être mouillé : que vous soyez trempés de la tête aux pieds ou que vous ayez simplement marché dans une flaque d’eau, en arrivant dans la maison, vous allez salir partout où vous passez avec vos chaussures.

Jésus est mort pour nos péchés : bien qu’innocent, il a décidé de se laisser détruire pour tous les processus de destruction dans lesquels nous entrons, de payer pour le mal que nous commettons, par procuration. Il l’a fait une fois, et ça suffit : sa résurrection prouve qu’il avait suffisamment de justice pour combler l’injustice humaine. Par la foi, on s’approprie sa mort, on s’approprie son acquittement. Par la foi, sa pureté devient nôtre.

Par la foi, nous aussi, nous sommes morts. C’est fini, tout ça ! c’est fini ! Nous sommes morts à une vie mortifère ! C’est mort entre le péché & nous, les liens sont déchirés, la rupture est consommée !

Le mal n’a plus de pouvoir sur nous, comme il n’en a plus sur Jésus.  Jésus a payé notre amende (et devant la loi divine, nous sommes déclarés justes en nous appuyant sur la procuration de Jésus). Il a payé la rançon car notre cœur, laissé à lui-même, avec ses engrenages de destruction, notre cœur est en prison. Et Jésus nous en fait sortir. Nous ne sommes plus en prison, le péché n’a plus d’emprise sur nous. Maintenant, nous vivons avec Dieu, par Dieu, pour Dieu.

Mais le péché est mort aussi pour nous : il n’a plus d’intérêt ! Je ne parle pas des “péchés mignons” (moi aussi j’aime le chocolat ^^). Non, de ces réalités sordides et mesquines que nous justifions par mauvaise foi, que nous habillons d’illusions, mais qui sont vides de sens, vides de vie. Le péché est mort pour nous : nous ne pouvons plus le vivre. Enfin, nous ne pouvons plus… Nous pouvons, mais ça n’a pas de sens. Est-ce qu’un homme ou une femme marié(e) peut se comporter en célibataire, comme avant ? Oui, il peut. Ca n’a aucun sens, mais il peut. Est-ce qu’un chrétien, vivant en Christ, peut pécher ? Oui, il peut, mais ça n’a aucun sens ! Paul ne joue pas sur le registre de la culpabilité : c’est pas bien… On le sait. Si on est honnête, on le sait. Non, Paul parle de notre identité : qui êtes-vous ? de quoi êtes-vous remplis ? Dans quelle dynamique êtes-vous ? La logique de Dieu, une logique de vie, de justice, de recherche du bien, de vérité, de paix ? Ou la logique de vos intérêts, des calculs à court terme qui finissent par détruire et corrompre l’ensemble de notre vie ?

Paul reste réaliste : le péché malheureusement demeure en partie dans notre vie, mais comme des fautes, des erreurs, que nous cherchons à éviter – et non pas comme un style de vie. La résurrection est en cours : toute notre vie, nous apprenons à la vivre dans tel ou tel domaine.

Je vais oser le dire : parfois dans notre vie chrétienne, nous ressemblons plus à des morts vivants qu’à des ressuscités. Parfois il est dur de discerner dans notre existence que nous sommes vraiment habités, remplis de la vie du Dieu vivant. La recette de Paul, c’est de nous rappeler qui nous sommes. Quelle est notre identité, en Christ. Nous sommes morts et ressuscités. Et tout comme l’alliance à notre main rappelle que nous sommes mariés, le baptême nous rappelle que nous sommes morts, et ressuscités, avec et en Christ. De cette conviction, découle le reste : si je suis ressuscitée, habitée par la vie qui coule d’un Dieu juste, bon, sage, aimant, patient et bienfaisant, beau et pur, qu’ai-je à faire avec des images, des paroles ou des comportements grisâtres voire ténébreux ?

Conclusion

Je voudrais vous laisser avec une question : est-ce que vous êtes vraiment vivants ? En couleur, en haute définition, en chair et en âme ? Est-ce que cette vie, cette vitalité divine, rejaillit sur votre quotidien, sur votre caractère, sur vos relations, sur vos habitudes, sur vos paroles et vos gestes ?

Si vous ne vous définissez pas comme croyants mais que vous avez envie d’expérimenter cette vie divine, le bluetooth est simple : dans votre cœur, ça peut être juste maintenant, dites à Jésus « viens, viens remplir ma vie. Je ne veux plus être dans mes prisons intérieures, je veux vivre. Unis-moi à toi » – croyez-moi, Dieu répond à ce genre de prière !

Et si vous êtes déjà connectés au Christ, il vous invite à renouveler sans cesse cette connexion. A vous rapprocher de lui pour vous débarrasser des interférences. A lui confier ce qui est encore moribond en vous : Dieu donne la vie, en Christ. Si nous venons à lui, qui que nous soyons, où que nous en soyons, il nous remplira de cette vie autre, transformée, étonnante, cette vie de ressuscité !

Accueillir Jésus

Jésus arrive à Jérusalem, la capitale. Il est déjà venu, mais là, c’est la dernière fois. Il le sait : ça fait des mois que la tension monte avec les autorités religieuses. Plusieurs fois il a échappé de justesse à ceux qui voulaient l’éliminer. Il va mourir – dans quelques semaines ? quelques jours ? Jusque là, sa sagesse, sa puissance, sa bonté ont bouleversé les foules. Mais en avançant vers sa mort, il devient plus clair sur son identité et sa mission.

Alors il reprend ce code du roi pacifique, monté sur un ânon, plein d’une autorité bienveillante. Certains l’acclament, d’autres sont indifférents, d’autres encore s’offusquent : pour qui se prend-il ? pour le roi ? Plus Jésus est clair sur ce qu’il est, plus il est difficile d’être vaguement indifférent. Il faut prendre parti. Plus son identité est claire, plus la façon de l’accueillir doit être adaptée : on n’accueille pas chez soi de la même façon un vendeur qui fait du porte-à-porte ou son propriétaire, ou bien un artisan venu faire des réparations ou son frère. En tant que chrétien, notre foi est centrée sur Jésus, mais qu’est-ce que ça implique ?

Je vous propose de méditer la suite de l’entrée de Jésus à Jérusalem : il continue son parcours, jusqu’au cœur de la capitale, le temple.

Lecture biblique: Luc 19.41-48 (Traduction Œcuménique de la Bible) 

41 Quand il [Jésus] approcha de la ville et qu’il l’aperçut, il pleura sur elle. 

42 Il disait : « Si toi aussi tu avais su, en ce jour, comment trouver la paix… ! Mais hélas ! cela a été caché à tes yeux ! 

43 Oui, pour toi des jours vont venir où tes ennemis établiront contre toi des ouvrages de siège ; ils t’encercleront et te serreront de toutes parts ; 44 ils t’écraseront, toi et tes enfants au milieu de toi ; et ils ne laisseront pas en toi pierre sur pierre, parce que tu n’as pas reconnu le temps où tu as été visitée. »

45 Puis Jésus entra dans le temple et se mit à chasser ceux qui vendaient. 46 Il leur disait : « Il est écrit : Ma maison sera une maison de prière ; mais vous, vous en avez fait une caverne de bandits. » 

47 Il était chaque jour à enseigner dans le temple. Les grands prêtres et les scribes cherchaient à le faire périr, et aussi les chefs du peuple ; 48 mais ils ne trouvaient pas ce qu’ils pourraient faire, car tout le peuple, suspendu à ses lèvres, l’écoutait.

Jésus le prophète

Jésus finit sa procession royale, comme tout bon roi, au temple. Normalement, le roi y offre un sacrifice à Dieu, un sacrifice de reconnaissance, mais on voit que Jésus est dans une autre démarche. Mais avant d’entrer vraiment à Jérusalem, il fait une pause, pour regarder cette ville, qui représente tout un peuple, tout un projet de la part de Dieu. L’historien Luc est le seul à mentionner cette pause, et elle nous en dit long sur la façon d’accueillir Jésus.

Il faut savoir que depuis des siècles, le peuple juif attend une visite de Dieu – pas une visite de courtoisie ! Une intervention, une rencontre qui leur apportera la paix véritable, la libération politique mais aussi intérieure, spirituelle, la libération du mal. Et quand Dieu, en Jésus, donc en tant qu’homme, vient les visiter, ils ne le voient pas ! Ils le rejettent ! Alors Jésus en tire les conséquences, à la manière d’un prophète – d’ailleurs il va citer des prophètes juifs pour parler de l’aveuglement du peuple et de ses terribles conséquences : la ruine de Jérusalem, la destruction du pays.

Jésus décrit en fait la prise de Jérusalem, assiégée et dévastée, qui aura lieu en 70 après JC, quand l’empereur romain Titus détruira la ville et le temple. Ca a déjà eu lieu par le passé (avec une première destruction de Jérusalem par les Babyloniens presque 600 ans plus tôt, en 586 avant JC), parce que le peuple avait abandonné Dieu : ça va se reproduire. Ce n’est pas juste un événement historique, ici, c’est vraiment la conséquence d’un éloignement de Dieu.

On peut se sentir décontenancé devant des paroles si dures. Le Dieu juge, on l’imagine cantonné aux jours guerriers de l’Ancien Testament, pas en Jésus ! Normalement, lui, il est doux et humble de cœur !… Jésus nous révèle Dieu : à ce titre, il est juge lui aussi. Mais il nous révèle aussi comment Dieu est juge (ça marche dans les deux sens) – peut-être en remettant en question notre façon de nous représenter le juge.

D’abord, la sanction découle directement de l’attitude du peuple : c’est la terrible conséquence de notre liberté humaine. On veut le choix ? Il faut assumer… D’ailleurs, ces paroles veulent aussi faire prendre conscience des conséquences qu’il y a à rejeter Dieu, comme un électrochoc pour inviter à revenir à lui. Cette prophétie est logique : si Dieu est source de vie, si c’est sérieux cette histoire, qu’est-ce qu’on peut attendre hors de lui ? Si c’est lui qui donne l’amour, le pardon, la paix, que peut-on attendre en s’écartant de lui ? Si vous conduisez de nuit et que vous éteignez vos phares, que va-t-il se passer ? Vous ne verrez plus rien, vous risquez de vous prendre un mur, de tomber dans un ravin, de rentrer dans une voiture, peut-être de mourir. Hors du Dieu vivant, de sa lumière, que peut-on attendre ?

Mais Jésus le dit en pleurant… Dans les Evangiles, on ne voit Jésus pleurer que deux fois. Quelques jours plus tôt, lorsque son ami Lazare est enterré, et que Jésus contemple l’abîme de la mort dans lequel il va lui-même entrer bientôt. Et devant Jérusalem : Dieu, en Jésus, a tout mis en place pour accorder la paix. Il prend tout à sa charge – il n’y a qu’à accueillir ! Vincent évoquait la semaine dernière cette promesse de Jésus : « Voici, je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je mangerai avec lui et lui avec moi » (Apocalypse 3.20). Dieu fait tout le chemin jusqu’à notre porte. Il se fait homme, du début à la fin, il offre sa justice et porte notre violence, nos fautes, le mal, dans sa mort. Avec un seul but : nous faire entrer dans sa vie, dans sa paix, dans sa joie ! Comme s’il venait avec des valises entières de billets pour payer toutes nos dettes, pour rénover notre maison, pour organiser un festin – quelle tristesse quand la porte reste fermée ! Ce n’est pas étonnant que Jésus pleure.

Jésus le prêtre

Puis il arrive au temple, et c’est le même constat : l’aveuglement et la surdité à Dieu. Le Temple, ce lieu de la rencontre avec Dieu, ce lieu sacré qui symbolise la présence de Dieu sur terre, ce Temple qui est le titre de gloire du peuple d’Israël… Quand on y entre, on est assailli par les stands, les étalages, les comptoirs pour changer la monnaie, le bruit des bêtes qu’on peut acheter pour les sacrifices… C’est la cohue – et Jésus ne le supporte pas : il renverse les tables et vire les marchands. Son geste est violent, mais il est plus symbolique qu’autre chose : le temple ne remplit plus son rôle. On ne peut plus se recentrer sur Dieu – au-delà du temple, c’est toute l’institution de l’époque qui a dévié. Vu l’enchaînement des textes, on peut se demander si ce n’est pas la raison pour laquelle le peuple, la ville, les autorités, sont incapables de saisir la paix que Jésus vient offrir, incapables d’entendre ce Dieu qui se tient à leur porte et qui frappe. C’est la cohue, et ils n’entendent plus rien.

Que penser de ce temple parasité ? Les stands et les étalages s’étaient installés là pour le côté pratique : pour des gens qui viennent de loin, trouver les « fournitures » du culte sur place, c’est l’idéal ! Mais de là à s’installer dans le temple… Ils auraient pu rester devant l’entrée ! Ce qui nous parasite, ce n’est pas forcément des mauvaises choses – c’est parfois de bonnes choses mais qui ne sont pas au bon endroit. C’est pratique d’avoir une voiture, mais vous ne la garez dans votre cuisine ou votre chambre ! C’est bon de faire du sport, mais pas au point de négliger votre couple ou de vous ruiner ! C’est pratique un téléphone, mais si ça devient la balise incontournable de chaque instant, on peut se poser des questions… C’est vrai aussi pour l’église : on aime tel chant, tel style de culte (ok) mais au point de ne pas pouvoir chanter Dieu si ce n’est pas notre répertoire (récent ou ancien d’ailleurs)… qu’est-ce qui prime ? Dans notre façon de vivre sous le regard de Dieu, seul ou en église,  posons-nous la question : est-ce qu’il y a des priorités qui se sont embrouillées ? des choses qui ont pris trop d’importance, au détriment de l’essentiel ? des points sur lesquels on devrait laisser couler mais qui nous divisent ? Des chevaux de bataille, des grands chevaux sur lesquels nous montons : quel contraste avec l’âne de la paix où s’assoit Jésus…

En faisant le ménage dans le temple, Jésus agit, non pas comme un croyant ordinaire, mais comme un prêtre, comme celui qui est responsable du temple ! D’où la rage des autorités religieuses : pour qui se prend-il ? Il n’est même pas de la bonne tribu ! C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. C’est décidé, il faut s’en débarrasser.

Jésus est entré à Jérusalem comme un roi, un prophète, un prêtre. Dans la société juive, les trois fonctions étaient bien distinctes, et ceux qui ont essayé le mélange des genres en ont subi les conséquences. Seul Jésus peut prétendre à toutes ces fonctions en même temps, comme Envoyé de Dieu qui vient établir un royaume nouveau (sur d’autres bases), qui vient révéler pleinement le projet de Dieu, qui vient offrir une nouvelle façon de s’approcher de Dieu, non plus par les sacrifices d’animaux mais en s’appuyant sur son sacrifice à lui. Jésus est un homme, comme nous, et tellement plus qu’un homme : il est Dieu.

            Faire de la place pour accueillir Jésus

Si c’est vrai, on ne peut pas l’accueillir n’importe comment ! Si c’est vrai, on ne peut pas l’accueillir n’importe comment… Dans une semaine, c’est Pâques. Nous célébrerons le Roi qui triomphe du pire ennemi qui soit (la mort), le Prophète dont les paroles se sont réalisées, le Prêtre qui s’est donné lui-même. Mais il ne suffit pas de le célébrer, il faut l’accueillir.

Peut-être pour la première fois, si vous n’avez jamais fait ce pas : ouvrir la porte à Jésus [geste qui frappe] ce n’est pas forcément très compliqué. On peut juste lui dire (comme il est Dieu, comme il est vivant, il nous entend) : « viens dans ma vie. Viens dans ma vie. Je veux recevoir ce cadeau de ton pardon, de ta paix, de ta joie. » Par contre, je vous préviens : quand Jésus arrive, ça déménage ! Il y a des choses dont il va se débarrasser parce que c’est toxique, d’autres qu’il va ranger parce que ce n’est pas à la bonne place – mais qu’est-ce que c’est bon d’entrer dans une vie propre, aérée, qui sent bon !

Mais ce n’est pas parce qu’on a reçu Jésus dans sa vie, par la foi, qu’il n’y a plus jamais de ménage à faire… Il y a le grand ménage de l’installation, mais ensuite le ménage courant, le ménage de printemps… Ce n’est pas parce qu’on est chrétien qu’on ne peut pas devenir sourd à Dieu, qu’on ne peut pas s’éloigner ou se laisser parasiter… Qu’est-ce qui s’est incrusté dans notre église, notre vie, notre cœur ?  des petits mensonges ? des graines d’amertume ? de la colère ? une certaine tiédeur ? Cette semaine de Pâques c’est l’occasion de faire le point, et demander à Dieu d’enlever de notre vie ce qui nous encombre, ce qui nous parasite, ce qui nous rend sourds à lui.

            Conclusion

Ce que Jésus veut nous donner, c’est exceptionnel. Unique. Inouï. Parce qu’il est lui-même inouï : il est dieu, venu parmi les hommes. Devenu un homme. Pour nous offrir la possibilité d’être enfants de Dieu, connectés au Créateur, remplis de sa vie et de sa paix. Mais pour l’accueillir vraiment, il faut faire du ménage. Et la bonne nouvelle, c’est que nous ne faisons pas le ménage tout seuls : Jésus le fait en nous, par son Esprit. Tout ce que nous avons à faire, c’est l’inviter à aller plus loin. Le laisser prendre les devants et le suivre. Faisons place à Jésus dans notre vie, lui le Roi, le prophète de la Vérité, Celui qui nous garantit l’amour de Dieu… Alors, alors, la paix de Dieu débordera dans nos mains…

Une foi aux mille nuances

 

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Dans trois semaines, nous fêterons Pâques. Nous proclamerons la mort et la résurrection de Jésus, Dieu fait homme.

Si Jésus est mort, c’est pour nous délivrer de nos chaînes, de nos esclavages, de nos blessures – celles que nous portons, et celles que nous imposons aux autres. C’est pour nous rapprocher du Dieu dont nous étions déconnectés en portant sur lui tout ce qui en nous fait horreur à Dieu (ce que la Bible appelle péché). Par sa mort, nous sommes pardonnés, libérés de toute honte et de toute culpabilité devant Dieu – Jésus a tout assumé.

Mais Jésus ne nous donne pas seulement une nouvelle chance, la possibilité d’un nouveau départ, en effaçant l’ardoise de nos dettes. Il nous invite à une vie nouvelle, dont sa résurrection est le gage : il est vivant, d’une vie divine qui transperce même la mort. Cette vie, par la foi, nous pouvons la recevoir, comme nous avons reçu le pardon de Dieu par la foi. La caractéristique de cette vie, c’est que nous sommes maintenant connectés à Dieu. Directement, sans problème de réseau : nous pouvons recevoir de Dieu et lui donner, lui parler, lui demander, avec la liberté d’un enfant qui se confie à son père.

Mais ce n’est pas toujours facile de savoir comment se tenir devant Dieu. Comment être en relation avec lui. Dans notre enfance, nous avons appris que dans nos relations avec les autres, nous pouvons avoir différentes attitudes. Vous ne vous comportez pas de la même façon envers le maire de votre village ou votre beau-frère, votre conjoint ou votre mère, envers un inconnu ou un voisin. On s’adapte : le vocabulaire n’est pas le même, ni les sujets de conversation, ou encore le degré de confidence. Et le critère c’est l’identité de l’autre, qui détermine ma relation avec lui.

Le problème dans notre relation avec Dieu, c’est qu’on ne le voit pas. On l’entend rarement. Quelle attitude avoir envers lui ? Cette question, on ne peut y répondre qu’en méditant sur qui est Dieu. Tout dépend de qui est ce Dieu qui nous sauve, ce Dieu qui nous réconcilie avec lui.

Pour nourrir notre méditation, et nous aider à mieux être en relation avec Dieu, je vous propose un texte de l’AT, dans le livre de l’Exode, il y a quelques 3500 ans. Nous sommes à une époque difficile. Depuis plusieurs siècles, les descendants d’Abrahm, son fils Isaac et son petit-fils Jacob habitent en Egypte, où avec le temps ils sont devenus esclaves. L’oppression est de plus en plus dure. Il y a quelques années, un Juif a bien essayé de soulager leur misère, mais dans son ardeur il a tué un Egyptien et il a fui le pays. Cet homme c’est Moïse. Nous le retrouvons quarante ans plus tard…

Lecture biblique : Exode 3. 1-15

1 Moïse garde les moutons et les chèvres de Jéthro, son beau-père, le prêtre de Madian. Un jour, Moïse conduit le troupeau au-delà du désert et il arrive à l’Horeb, la montagne de Dieu.

2 Là, l’ange du SEIGNEUR lui apparaît dans une flamme, au milieu d’un buisson. Moïse regarde : le buisson est en feu, mais le feu ne détruit pas le buisson. 

3 Moïse se dit : « Je vais faire un détour pour voir cette chose étonnante. Le buisson n’est pas brûlé. Pourquoi donc ? » 

4 Le SEIGNEUR voit que Moïse fait un détour pour regarder. Alors Dieu l’appelle du milieu du buisson : « Moïse ! Moïse ! » Moïse répond : « Je suis là ! » 

5 Le SEIGNEUR dit : « N’approche pas du buisson ! Enlève tes sandales parce que cet endroit est saint. 6 Je suis le Dieu de tes ancêtres, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. » Moïse se cache le visage parce qu’il a peur de regarder Dieu.

Piqué par la curiosité devant un buisson qui ne brûle pas, Moïse s’avance. Au milieu de ce buisson, la voix de Dieu.

C’est l’ange du Seigneur, ange au sens de messager. On retrouve bien souvent cet « ange du Seigneur » dans l’AT, un messager qui s’exprime au nom de Dieu, avec l’autorité divine, au point que quand il parle on peut dire que Dieu parle. Là où il est, on peut dire que Dieu est présent d’une manière spéciale. On ne voit pas Dieu tel qu’il est, mais ce messager porte un peu du poids divin.

Dieu appelle Moïse deux fois, avec affection, c’est lui qui prend l’initiative, mais il le repousse juste après : « N’avance pas trop près ! Garde tes distances ! Et enlève tes chaussures, comme on le fait quand on entre chez un supérieur. » A d’autres époques, on ferait la révérence, on s’inclinerait.

Dieu révèle à Moïse, dès les premiers mots de leur échange, sa sainteté en premier. Qu’est-ce que cela signifie ? Dieu est pur : rien de mal en lui, rien d’imparfait qui puisse l’approcher sous peine de se consumer, de s’auto-détruire, comme on se brûle en touchant une flamme. Mais dans la pureté de Dieu, il y a aussi de la puissance, quelque chose de majestueux et d’impressionnant comme un éclair ou un sommet enneigé. Dieu est roi.

La sainteté de Dieu va être au cœur de ce que Dieu veut apprendre au peuple d’Israël par la suite : on ne s’approche pas de lui n’importe comment, sous peine de se brûler. Dieu demandera un temple avec des étapes, des sas, des restrictions, pour le souligner : on ne s’approche pas n’importe comment du Créateur, du Roi pur et puissant.

7 Le SEIGNEUR continue : « J’ai vu la misère de mon peuple en Égypte. Je l’ai entendu crier sous les coups de ses chefs égyptiens. Oui, je connais ses souffrances. 8 Je suis donc descendu pour le délivrer du pouvoir des Égyptiens. Je veux l’emmener d’Égypte dans un pays beau et grand qui déborde de lait et de miel. C’est le pays des Cananéens, des Hittites, des Amorites, des Perizites, des Hivites et des Jébusites. [en évoquant les peuples, il dessine le contour des régions qui formeront le pays] 9 En effet, les cris des Israélites sont montés jusqu’à moi, et j’ai vu aussi comment les Égyptiens les écrasent. 10 Alors maintenant, je t’envoie vers le roi d’Égypte. Va et fais sortir de son pays les Israélites, mon peuple. »

Dieu ne s’étend pas sur sa sainteté, et il montre vite sa compassion. Il voit, il entend, il connaît les souffrances de son peuple – alors il va agir (il va « descendre »), et il va agir par l’intermédiaire de Moïse.

Il va libérer Israël de l’esclavage, pour le faire entrer dans un pays où le peuple pourra être souverain, et vivre librement sa relation avec Dieu. C’est un projet d’abondance que Dieu a : abondance visible, matérielle (le lait et le miel symbolisent la richesse des terres), mais aussi abondance spirituelle (la liberté, la joie, la justice, la paix…).

C’est un projet qui en annonce un autre, plus global : le salut en Jésus. Toute sa vie, et jusque dans sa mort, il œuvrera pour libérer de l’esclavage, et du pire qui soit : l’esclavage du péché, ce mal en nous qui nous empêche de vivre vraiment, dans la présence de Dieu. Le salut, c’est cette vie abondante dans la présence de Dieu, que nous commençons à vivre par la foi, mais dont nous attendons le plein accomplissement, lorsque Dieu aura instauré justice et paix dans ce monde.

Dieu intervient, non pas parce qu’Israël est un peuple particulièrement attendrissant, mais parce qu’il y a plusieurs siècles, Dieu a fait une promesse. Une promesse à Abraham, Isaac, et Jacob. La promesse d’un pays, la promesse de la vie avec lui. Il a fallu du temps pour accomplir cette promesse pour des raisons qui nous échappent. Mais maintenant, Dieu se montre fidèle à sa promesse, à sa parole, à l’alliance conclue avec les ancêtres de Moïse.

11 Moïse répond à Dieu : « Moi ? Est-ce que je suis capable d’aller trouver le roi d’Égypte pour faire sortir les Israélites de son pays ? » 

12 Dieu lui dit : « Je serai avec toi. C’est moi qui t’envoie. Voici la preuve : quand tu auras fait sortir d’Égypte le peuple d’Israël, vous me servirez sur cette montagne. » 

13 Moïse dit à Dieu : « Bon ! Je vais donc aller trouver les Israélites. Je leur dirai : “Le Dieu de vos ancêtres m’envoie vers vous.” Mais ils vont me demander ton nom. Qu’est-ce que je dois répondre ? » 

14 Dieu dit à Moïse : « JE SUIS QUI JE SUIS. Voici ce que tu diras aux Israélites : “JE SUIS m’a envoyé vers vous.”  » 15 « Puis tu leur diras encore : “Celui qui m’a envoyé vers vous s’appelle LE SEIGNEUR. Il est le Dieu de vos ancêtres, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob.” C’est mon nom pour toujours. C’est le nom par lequel vous pourrez faire appel à moi de génération en génération. »

Moïse va jouer un rôle clef dans le projet de libération que Dieu a élaboré. Mais il doute, moitié par politesse (oh non, c’est trop d’honneur… qui suis-je ?…), moitié parce qu’il n’est pas le héros idéal ! Déjà avancé en âge, exilé depuis quarante ans, meurtrier (un meurtre n’a pas vraiment de délai de prescription !), il n’est pas à la hauteur.

Dieu répond avec une promesse : je t’accompagne, et un signe : tu vas y arriver, et quand tu auras accompli cette mission, tu seras avec le peuple, sur cette montagne-même où nous parlons, et vous inaugurez votre liberté avec une célébration qui sera le début d’une nouvelle ère.

Pour rassurer encore Moïse, Dieu précise son nom : Je suis. La forme utilisée dans le texte est ambiguë : ça peut vouloir dire « je suis » ou « je fais être, je crée ». Pour Dieu, qui est la source de toute vie, les deux marchent ! Puisqu’il est, puisqu’il crée, aucun obstacle n’est définitif. Dieu appelle ainsi Moïse au courage et à la confiance : allez ! on y va !

Moïse ne dira pas « je suis » aux Israélites, il dira « il est » avec les lettres qui forment le mot « yahvé », qu’on reprend parfois pour désigner Dieu. Dans ce nom, on sent la majesté de Dieu – il est. Il est saint, Il est compatissant, Il est avec nous.

            Une foi aux mille nuances

C’est ce Dieu-là que nous révèle Jésus : un Dieu impressionnant, un Dieu au cœur ardent, un Dieu très haut qui se fait très proche. Il a la vision panoramique du monde entier, avec ses univers qui nous restent inconnus, et en même temps, il nous entend et nous connaît. Et c’est avec ce Dieu-là que Jésus nous invite à vivre. Un Dieu dont la justice colore l’amour, dont la compassion fait vibrer la sainteté, un Dieu riche et profond. Comme la lumière blanche où se conjuguent les nuances des couleurs que nous connaissons, révélées dans un arc-en-ciel…

Nous sommes souvent touchés plutôt par un aspect de Dieu (Dieu est saint, Dieu est amour, Dieu est la vérité, Il est juste, artisan de paix…), parfois au détriment des autres. Mais le risque c’est de passer à côté du reste, et de rétrécir Dieu, comme on rétrécirait un arc-en-ciel à une seule couleur. Dieu est riche en nuances ; du coup, notre relation avec lui doit refléter ces différentes nuances pour être riche et authentique.

Par exemple, nous disons souvent « Dieu est amour ». C’est vrai. Mais parfois nous finissons par dire : « Dieu n’est qu’amour » – or il est aussi le Dieu saint, juste et vrai. Sa sainteté appelle notre crainte et notre respect, car nous sommes indignes, indignes de nous approcher du Créateur ! Mais Jésus a assumé cette indignité, et lorsque nous croyons en lui, nous pouvons utiliser son nom pour approcher Dieu, comme avec un laissez-passer : je connais le fils du patron ! Mieux, je suis son frère adoptif !  Mais Dieu reste le même, il est saint. On ne s’approche pas de lui comme d’un copain, ou d’un égal, même s’il nous aime. Il n’est pas à notre service, même s’il vient à notre secours. Et venir à lui, dans la prière, c’est dire d’abord : que ta volonté soit faite. Passe en premier. Qu’il n’y ait dans ma bouche aucune parole qui te déplaise, par mes mains aucun geste indigne, dans mes pensées aucun vice ni mensonge. Que ce qui doit brûler en t’approchant se détruise… Ce n’est pas une crainte peureuse qui nous habite, mais un respect admiratif, impressionné, humble devant la grandeur de Dieu…

Cela dit, n’insister que sur la sainteté de Dieu, c’est négliger les trésors de patience qui l’habitent. Négliger sa compassion et sa grâce : Il a pris l’initiative de nous sauver sans autre raison que son amour pour nous, sans que nos « mérites » y soient pour quelque chose. Et il continue ! Nous vivons dans la grâce de Dieu. Chaque jour, il renouvelle son pardon, et il œuvre pour nous transformer, par son Esprit qui habite en nous.

Voilà juste quelques couleurs sur l’arc-en-ciel de Dieu, mais rien que ces qualités-là interrogent : comment va votre relation avec Dieu en ce moment ? Y a-t-il une dimension de Dieu que vous avez oubliée récemment, ou des textes bibliques que vous évitez parce qu’ils vous mettent mal à l’aise ? Qu’avez-vous besoin de redécouvrir dans votre relation avec Dieu ? Sa justice, sa patience ? Sa sainteté, sa compassion ? Sa grandeur, sa présence ? Prenons un moment de silence pour demander à Dieu de nous éclairer, et nous conduire dans une relation plus riche et plus profonde avec lui.

Vivre la fraternité (5) L’amour sans frontières

En Christ, nous sommes frères, et sœurs, par la foi. Un même Père, Dieu, un même Sauveur, Jésus, un même Esprit dans notre cœur, une même espérance – voilà de quoi fonder notre lien fraternel, au-delà des affinités, des accrocs du temps ou des malentendus. En Christ, nous sommes frères et sœurs, appelés à vivre entre nous l’amour qui vient de notre Dieu. Ca fait un mois que nous explorons quelques implications de cette affirmation.

Mais la richesse de ce que nous pouvons vivre dans cette « famille » qu’est l’Eglise pose indirectement une autre question. Que faire envers ceux qui ne sont pas des nôtres ? Qui ne sont pas de notre famille ? C’est magnifique de voir une famille unie, mais vous l’avez peut-être déjà vu, certaines familles très unies sont aussi des clans impénétrables, où ils se serrent tellement les coudes qu’ils tournent le dos à ceux de l’extérieur.

C’est vrai pour tous les groupes, mais dans l’église particulièrement. Plus on partage de points communs ensemble, plus c’est difficile de s’ouvrir à ceux qui ne nous ressemblent pas. Exalter nos liens fraternels peut nous conduire à poser la question : mais au fait, quel lien – et y a-t-il un lien ? – avons-nous avec les autres ? Ceux qui ne nous ressemblent pas, ceux qui ne partagent pas notre essentiel, ceux qui parfois nous choquent ou nous heurtent dans ce que nous avons de plus précieux !

Cette question, on se la posait déjà à l’époque de Jésus…

Lecture biblique : Luc 10.25-37

25 Alors (un juif) un maître de la loi arrive. Il veut tendre un piège à Jésus et lui demande : « Maître, qu’est-ce que je dois faire pour recevoir la vie avec Dieu pour toujours ? » [= pour être sauvé]

26 Jésus lui dit : « Qu’est-ce qui est écrit dans la loi ? Comment est-ce que tu le comprends ? » 27 L’homme répond : « Tu dois aimer le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être, de toute ta force et de toute ton intelligence. (Deutéronome 6.5) Et tu dois aimer ton prochain comme toi-même. (Lévitique 19.18) » 28 Jésus lui dit : « Tu as bien répondu. Fais cela et tu vivras. » (à une autre occasion, racontée dans l’évangile de Matthieu, Jésus donne quasiment la même réponse)

29 Mais le maître de la loi veut montrer que sa question est juste. Il demande à Jésus : « Et qui est mon prochain ? » 

Le maître de la loi, cet érudit, cet expert en droit religieux juif, avec sa question rejoint ce que nous évoquions tout à l’heure : qui dois-je aimer ? Sous-entendu : qui puis-je ne pas aimer ? Il ne s’agit pas de haïr ou de faire du mal, mais n’y a-t-il pas des groupes que je pourrais laisser de côté ? Depuis plusieurs siècles avant Jésus, on se donnait des limites : tu dois aimer ton prochain, mais ton prochain c’est le Juif. Celui qui ne te ressemble pas, celui qui t’envahit (Israël est à l’époque sous domination étrangère, romaine) ou celui qui menace ton identité personnelle ou communautaire – celui-là, ne te sens pas obligé de l’aimer !

Même si nous ne vivons plus dans le même contexte, il nous arrive d’avoir nos critères pour délimiter une définition acceptable du « prochain » à aimer. Pour certains, ce sera un critère religieux : ceux qui croient comme nous ; ou un critère ethnique (ça s’est fait ! le racisme n’est malheureusement pas loin de nous !) ; ou un critère social (on évite ceux qui sont « en-dessous » de nous, ou ceux qui sont très au-dessus) ; ou encore un critère éthique, en fonction des choix de vie que font les uns et les autres et qui peuvent être en opposition radicale avec nos valeurs.

30 Jésus répond (par une histoire): « Un homme descend de Jérusalem à Jéricho. Des bandits l’attaquent. Ils lui prennent ses vêtements, ils le frappent et ils s’en vont en le laissant à moitié mort. 31 Par hasard, un prêtre descend aussi sur cette route. Quand il voit l’homme, il passe de l’autre côté de la route et continue son chemin. 32 Un lévite (chargé d’assister les prêtres, au culte) fait la même chose. Il arrive à cet endroit, il voit l’homme, il passe de l’autre côté de la route et continue son chemin.

Un homme est sur le bas-côté : Jésus choisit une victime non identifiée, dont on ne saura pas si, aux yeux de l’expert juif, elle est éligible comme prochain.

Passent deux hommes, qui ont la même réaction : ils voient la victime à moitié morte et changent de trottoir. On a pu justifier leur attitude à cause de leur fonction religieuse et de leur service au Temple : comme toucher un cadavre (et de loin, la victime y ressemble) empêche de servir au Temple pour cause d’impureté (on ne touche pas un mort avant d’aller prier le Dieu de la vie), le prêtre et le lévite auraient eu une raison de passer leur chemin.

En fait, dans la tradition juive, un prêtre pouvait, exceptionnellement, prendre soin d’un cadavre qui aurait été abandonné sans se rendre impur. De toute façon, Jésus ne donne pas d’explication – et ça ouvre la porte à nos bonnes excuses : « oui, mais la route est dangereuse. Je n’ai pas le temps. Clairement cette personne l’a cherché – elle a bu, elle est droguée, court vêtue… »

33 Mais un Samaritain en voyage arrive près de l’homme. Il le voit, et son cœur est plein de pitié pour lui. 34 Il s’approche, il verse de l’huile et du vin sur ses blessures et il lui met des bandes de tissu. Ensuite, il le fait monter sur sa bête, il l’emmène dans une maison pour les voyageurs et il s’occupe de lui. 35 Le jour suivant, le Samaritain sort deux pièces d’argent, il les donne au propriétaire de la maison, et il lui dit : “Occupe-toi de cet homme. Ce que tu dépenseras en plus pour lui, je le rembourserai moi-même quand je reviendrai par ici.”  »

Un Samaritain… Pour nous, c’est le bon samaritain. La bonne pâte. Mais pour ce maître de la loi, Jésus évoque un faux frère. Les Samaritains sont un peuple aux origines mi-juives mi-païennes, aux croyances mixtes, des hérétiques et des bâtards que les Juifs détestaient. Ils évitaient même de traverser leur territoire ! Jésus met en contraste d’un côté la quintessence du bon Juif (prêtre, lévite, ceux que tous admirent, les prochains par excellence !) et un Samaritain, le dernier de ceux qu’un Juif inviterait chez lui. Un homme qui suscite le recul et le dégoût… Qui ce serait pour vous ?

Et c’est ce Samaritain que Jésus donne en exemple : il n’y a plus frontières. Il vient en aide au blessé, apporte les premiers secours et l’emmène se faire soigner, tous frais payés.

36 Et Jésus demande : « À ton avis, lequel des trois voyageurs a été le prochain de l’homme attaqué par les bandits ? » 37 Le maître de la loi répond : « C’est celui qui a été bon pour lui. » Alors Jésus lui dit : « Va, et toi aussi, fais la même chose ! »

Pour conclure la discussion, Jésus revient à la question du prochain, mais il la renverse : ce n’est plus « qui est (éligible pour être) mon prochain, pour que je l’aime ? » mais « qui aime vraiment ? Qui est le prochain de la victime ? » Il ne s’agit plus de mettre des frontières, de définir des degrés de proximité avec un barème d’aide dégressif, mais de se mettre au service de celui que l’on croise. Pour Jésus, l’amour est sans frontières.

Devenir un prochain qui aime

Qu’est-ce qui caractérise ce Samaritain ? Qu’est-ce qui fait de lui un prochain ?

Le point clef, là où tout commence, c’est dans son cœur : il est pris de pitié. Le terme exact, c’est : il est pris aux tripes, une expression qui évoque la compassion. Pas la condescendance ! Mais il se laisse toucher, bouleverser par la situation. Quand le cœur est convaincu, la faisabilité de l’opération n’est plus un problème. Tout commence par le cœur.

Cette compassion viscérale, dans les Evangiles, on ne la trouve que chez Jésus ou dans des histoires qui parlent de Dieu (le père du fils prodigue p. ex.) – c’est une qualité divine par excellence ! Jésus ému de compassion devant les foules affamées et désorientées… Emu de compassion devant nous, au point de donner plus que les premiers secours, plus qu’un séjour en maison de repos : Jésus porte nos maladies, nos blessures, notre mort dans sa mort, afin de nous donner la vie.

Comment être le prochain qui aime comme Dieu aime ? D’abord en laissant Dieu nous remplir de sa compassion pour ceux qui nous entourent. En demandant à Dieu de modeler notre cœur, nos tripes, par son Esprit. Dans la prière : « Seigneur, quand je ne vois pas mon prochain, donne-moi ton regard. Quand je suis tentée de passer mon chemin, donne-moi ton cœur. » Et le Saint Esprit de Dieu en nous travaille, travaille, pour que nous devenions semblables à Dieu au plus profond de nous, et que ça imprègne tout ce que nous faisons.

Etre le prochain de ceux qui nous entourent : vous remarquez que le Samaritain ne toque pas à toutes les portes pour proposer ses services ! Mais quand le cas se présente, il ne se défile pas. Il se rend disponible. Bien sûr nous pouvons croiser des centaines de gens dans la même journée, mais statistiquement, la personne qui a vraiment besoin de votre aide dans votre entourage, ça n’arrive pas toutes les deux minutes ! Et le critère pour venir en aide à l’autre, ce n’est pas qui il est, mais son besoin. Et là encore, c’est la prière : Seigneur, je veux me rendre disponible à ce que tu veux faire de bien dans mon entourage. Que je sois tes mains et ta voix.

Enfin, l’action ! L’amour dont parle Jésus est un amour concret, un amour de service, qui vient en aide à l’autre. Et cet amour-là, on peut le donner à tous, peu importe ce qui pourrait nous diviser. L’exemple du Samaritain montre un service qui va jusqu’au bout du besoin de la victime : ne nous mettons pas de limites d’avance ! Laissons-nous guider par Dieu et par le besoin de l’autre, osons une vraie rencontre, une vraie écoute. Cela dit, le Samaritain gère aussi ses priorités, il ne reste pas jusqu’au bout, il assume un certain retard mais il prévoit aussi un relais. Il n’y a pas  de recette, mais son exemple montre qu’aller loin dans le service n’implique pas forcément de s’y noyer. Là encore, c’est en demandant l’inspiration de Dieu qu’on trouvera le bon équilibre.

Et en église? 

La question que posait le scribe concernait l’attitude individuelle du croyant. Mais c’est aussi une question d’église : si les communautés de croyants sont appelées à manifester le caractère du Christ dans ce monde, alors sa compassion sans frontières est incontournable. En quoi notre communauté reflète-t-elle la compassion de Dieu pour ce monde ? Ce n’est pas vraiment notre point fort… C’est sûrement un point où nous devons grandir en priorité. Et ça commence dans la prière : Saint Esprit, travaille notre communauté ! Travaille notre cœur, bouleverse-nous comme le Christ s’est laissé bouleverser !

Et encore dans la prière : montre-nous, montre-nous qui sont nos prochains ici. Est-ce que c’est des membres de notre communauté qui traversent des difficultés – financières, personnelles, physiques ? Où dans notre quartier pourrions-nous être utiles ? Vers Jolimont, Marengo, Bonnefoy, la Roseraie ? Y a-t-il des associations où nous pouvons nous investir ?

Tout le monde ne prendra pas forcément l’initiative, mais il suffit de quelques uns qui imaginent des projets où nous pouvons ensuite largement nous investir, pour refléter ensemble la compassion du Christ.

Prions. Seigneur, si nous vivons c’est grâce à ta compassion viscérale pour nous. C’est ton amour sans frontières qui nous a rejoints et sauvés, malgré ce qui nous séparait de toi. Par la foi nous t’aimons, mais nous voulons aussi te ressembler en aimant ceux que tu mets sur notre route. Et nous t’en prions : transforme-nous à ton image. Si nous manquons de compassion, si notre cœur s’est asséché, viens le transformer. Donne-nous tes priorités, tes motivations, tes tripes.Si nos yeux sont aveugles, éclaire-nous, montre-nous qui est le prochain sur le bord de notre route. Si nos mains sont fermées, viens les ouvrir pour que nous puissions ensemble te ressembler et témoigner de ton amour.