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Dans le monde sans être du monde

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Il y a quinze jours, pour la première prédication de notre campagne de rentrée, je vous avais posé une question : Suivre le Christ, est-ce vraiment si simple que ça ? En élargissant même la question, que vous soyez croyant ou non : est-ce que vous trouvez que c’est facile de vivre au quotidien en cohérence avec vos convictions et vos valeurs ?

Je pourrais poser à nouveau la même question aujourd’hui. Elle est au cœur de cette campagne de rentrée et elle pose le défi d’une vie de disciple du Christ à plein temps, 7 jours sur 7. La semaine dernière, Florence a rappelé que ce défi est celui de la mission que le Christ nous confie, son appel à être attaché à lui pour porter du fruit. C’est le défi d’avoir une vie épanouie et féconde, pas seulement pour soi mais aussi pour les autres.

Entre notre vie spirituelle et notre vie d’Eglise d’une part, et notre vie quotidienne, au contact de nos prochains, souvent très éloignés de notre foi, d’autre part, la posture à adopter n’est pas évidente. Une prière de Jésus dans l’évangile selon Jean va nous aider à y voir plus clair quant à cette posture.

L’évangile selon Jean a regroupé dans ses chapitres 14 à 17 un long discours d’adieu de Jésus à ses disciples. Il leur donne ses dernières instructions, en quelque sorte. Et ce discours se termine avec une longue prière qui constitue tout le chapitre 17. C’est une prière dense, riche et essentielle pour comprendre ce que le Seigneur attend de ses disciples.

Nous allons lire un extrait de cette prière, où Jésus évoque justement la posture des croyants dans le monde, dans des termes qui montrent que la juste posture est une question d’équilibre, qui demande finesse et discernement.

Jean 17.13-19
13 Maintenant je viens à toi et je dis ces choses pendant que je suis encore dans le monde, afin qu’ils aient en eux ma joie, une joie complète. 14 Je leur ai donné ta parole, et le monde a de la haine pour eux parce qu’ils n’appartiennent pas au monde, comme moi je n’appartiens pas au monde. 15 Je ne te prie pas de les retirer du monde, mais de les garder du Mauvais. 16 Ils n’appartiennent pas au monde, comme moi je n’appartiens pas au monde. 17 Fais qu’ils soient entièrement à toi, par le moyen de la vérité ; ta parole est la vérité. 18 Comme toi tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde. 19 Je m’offre entièrement à toi pour eux, afin qu’eux aussi soient entièrement à toi.

C’est un texte qu’on cite assez souvent en tant que croyant. Il décrit fort bien la difficile condition du disciple de Jésus dans le monde. On en tire la fameuse formule, inspirée de ce texte, disant que les chrétiens sont dans le monde sans être du monde. La formule est juste mais il est légitime de la revisiter régulièrement, pour se demander si nous l’avons bien comprise, et si nous la vivons correctement…

On cite souvent le verset 14, qui souligne la haine du monde. Et, paradoxalement, ça nous rassure parce qu’on y voit l’écho de nos difficultés à vivre au quotidien en chrétien dans un monde qui ne partage pas nos convictions. Même si ça peut nous pousser à prétendre un peu trop vite que nous sommes persécutés… Attendons le 7 novembre, où nous vivrons ensemble le culte de l’Eglise persécutée, proposé par Portes Ouvertes, pour nous souvenir que des frères et soeurs chrétiens sont vraiment persécutés à cause de leur foi dans le monde. Et ce n’est pas notre cas ici, en France !

On cite aussi souvent le verset 16 qui affirme explicitement que le croyant n’appartient pas au monde. Même si ça a pu justifier, et ça justifie encore parfois, une méfiance systématique pour tout ce qui n’est pas explicitement et clairement chrétien… ce qui me semble tout à fait excessif !

On cite aussi le verset 18, surtout si on a un coeur pour la mission. Et on se souvient, avec raison, que le Seigneur nous envoie dans le monde pour être porteurs de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ.

Mais, et je me trompe peut-être, j’ai l’impression qu’on ne cite pas si souvent que cela le verset 15… Il me semble pourtant être à la charnière de tout ce passage, essentiel pour préserver un sain équilibre de notre vie de disciple de Jésus-Christ dans le monde :

Jean 17.15
Je ne te prie pas de les retirer du monde, mais de les garder du Mauvais.

 

Ne pas se retirer du monde

Il est intéressant de noter que la première partie de la demande de Jésus est formulée de façon négative. Il aurait pu dire aussi : “Je te prie de les garder dans le monde”. Il préfère dire “Je ne te prie pas de les retirer du monde…”

C’est dire, probablement, que la tentation est forte de le faire. C’est peut-être même une tendance naturelle contre laquelle il faut lutter… d’où l’importance de demander à Dieu de ne pas nous retirer du monde.

Il me semble légitime de dire que le croyant est naturellement attiré vers un certain retrait du monde. Et ça peut s’expliquer. A force de ressentir un décalage entre ce qui nous anime, nos valeurs et aspirations profondes et celles que nous rencontrons autour de nous, il peut y avoir une fatigue légitime, une lassitude, un découragement et des frustrations. Surtout quand on doit faire face à l’incompréhension, voire aux moqueries ou au rejet de certains. Au bout d’un moment, on a peut-être envie de démissionner, de se retirer du monde pour se retrouver avec celles et ceux qui partagent notre foi et nos valeurs.

Se retirer du monde, c’est une tendance assez naturelle pour le croyant. Mais c’est une solution de facilité… en réalité, c’est même une fuite. Nous l’avons lu dans notre texte, Jésus nous envoie dans le monde ! On fuit cet appel quand on se retire du monde…

Il faut se rendre compte qu’on ne se retire pas forcément du monde de façon intentionnelle. C’est souvent un processus lent, presque imperceptible. Et parfois il est bon de s’arrêter et de se demander où nous en sommes.

Quand peut-on dire qu’on s’est retirés du monde ? On pourrait répondre sans doute qu’on s’est retiré du monde quand on ne le connaît plus sinon par nos aprioris et nos préjugés, quand nos contacts avec le monde ne sont plus que contraints par les nécessités de la vie sociale…

Voici quelques exemples concrets auxquels je pense :

  • Ne peut-on pas dire qu’on s’est retirés du monde quand notre cercle d’amis est constitué exclusivement de chrétiens ?
  • Ne peut-on pas dire qu’on s’est retirés du monde quand les seuls livres qu’on lit, les seules musiques qu’on écoute, les seuls films qu’on regarde sont des productions “chrétiennes” ?
  • Ne peut-on pas même dire d’une Église qu’elle s’est retirée du monde quand elle ne s’adresse qu’à des chrétiens et que ses préoccupations ne sont que de prendre soin de ses membres ?

On devient alors des chrétiens hors sol, déconnectés du monde qui les entoure. Comment pourrons-nous alors accomplir la mission que le Christ nous a confiée ?

La demande de Jésus doit nous tenir en éveil, et nous pouvons nous l’approprier en demandant à Dieu : “Garde-nous de nous retirer du monde !”

 

Être gardé du Mauvais

Mais pour garder une compréhension équilibrée de la posture du disciples du Christ dans le monde, il faut considérer la deuxième partie de la demande de Jésus : “Je te prie de les garder du Mauvais.” D’autres versions traduisent ici plutôt “garder du mal”, ce qui est aussi possible. En traduisant le Mauvais, on laisse entendre avec justesse que le mal n’est pas simplement un concept abstrait et philosophique, mais qu’il est un ennemi contre lequel il faut lutter, dont il faut discerner les manoeuvres et auquel il faut résister.

Il ne s’agit pas d’être naïf et de croire que nous vivons dans le monde des Bisounours ! Il y a bel et bien, dans le monde, des dangers dont il faut être gardés, des forces destructrices et aliénantes qu’il faut combattre. Mais il ne faut pas se tromper de combat. L’ennemi, ce n’est pas le monde, c’est le Mauvais.

Il serait absurde de dire que tout ce qui vient du monde est mauvais. D’abord parce que ce n’est pas faire justice au Dieu de grâce qui oeuvre aussi, dans sa souveraineté, dans notre monde. C’est ce qu’on appelle en théologie protestante la grâce commune, par laquelle Dieu veille sur sa création, il distribue aux humains des dons et des talents pour le bien de tous.

Il faut sortir d’un discours binaire et sans nuance. D’autant que dire que tout ce qui vient “du monde” est mauvais, c’est aussi oublier que le Mauvais n’est pas seulement extérieur à nous-mêmes ! Jésus dit bien que c’est ce qui sort de notre coeur qui nous souille ! Le Mauvais est aussi en chacun de nous…

Il ne s’agit pas non plus de faire une liste de ce qui serait bon et de ce qui serait mauvais, de ce qui vient de Dieu et de ce qui vient du diable. La réalité est bien plus complexe et nuancée que cela. On ne s’en sortira pas avec des listes !

C’est bien pour cela que Jésus adresse cette demande pour nous. C’est parce que la réalité du mal est complexe et qu’un travail fin de discernement est nécessaire que nous avons besoin d’être gardés du Mauvais.

Il n’est jamais superflu de s’interroger sur le bien-fondé de nos pratiques, de nos activités et de nos projets. Dans tous les domaines de notre vie. Quels en sont les impacts sur nous-mêmes, et sur ceux que nous côtoyons. Est-ce que ça élève ou ça abaisse ? Est-ce que ça libère ou ça emprisonne ? Est-ce que ça fait grandir ou ça humilie ? Est-ce que ça nous ouvre sur les autres ou ça nous enferme sur nous-mêmes ? Et on pourrait multiplier les questions…

Les réponses ne seront pas toujours simples, rarement binaires, souvent nuancées. Mais l’exercice est salutaire et doit se vivre nourri de prière et de méditation de la Parole de Dieu, pour avoir un discernement éclairé par l’Esprit de Dieu.

Car le solide fondement sur lequel s’appuyer, c’est la Parole de Dieu. C’est le verset 17 : “Fais qu’ils soient entièrement à toi, par le moyen de la vérité ; ta parole est la vérité.” A condition de ne pas chercher dans la Bible des listes et des opinions toutes faites, mais la pensée de Dieu à appliquer à notre vie, aujourd’hui.

 

Conclusion

L’expression “être dans le monde sans être du monde” exprime bien l’équilibre délicat auquel le disciple du Christ est appelé dans sa vie quotidienne. La double demande de Jésus, priant son Père de ne pas nous retirer du monde mais de nous garder du Mauvais, le souligne encore.

La formule renvoie aussi à une saine articulation, dans la vie de disciple, entre le rassemblement et la dispersion. Nous avons besoin des deux : des temps de rassemblement pour vivre pleinement en disciple du Christ les temps de dispersion. On pourrait comparer cela à un processus de respiration spirituelle, où nous avons besoin d’inspirer (dans le rassemblement) et d’expirer (dans la dispersion). Si on ne fait qu’expirer, on est à bout de souffle… Si on ne fait qu’inspirer, on hyperventile et on risque la syncope.

Le chétien respire vraiment, spirituellement, quand il trouve l’équilibre entre le rassemblement avec ses frères et soeurs croyants et la dispersion dans le monde où le Christ l’envoie. C’est aussi cela être dans le monde sans être du monde, ne pas se retirer du monde mais se préserver du Mauvais.

Portez du fruit

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Suivre la prédication en vidéo ici.

Jésus nous rejoint, il se donne, pour que nous ayons accès à Dieu à travers lui et que nous vivions, vraiment ! Et après ? Que se passe-t-il ? Qu’est-ce que ça implique pour nous ?

La semaine dernière, nous avons commencé une série sur le thème : « partout, tout le temps, suivre le Christ tout simplement » à partir du livret proposé par notre Union d’églises. Vincent nous rappelait que si nous croyons, si nous suivons Jésus comme des disciples, c’est à plein temps ! Nous sommes unis à lui, jour et nuit !

Aujourd’hui, dans cette deuxième semaine, nous nous concentrons sur la mission que Jésus nous confie, à partir d’un extrait de son dernier discours, prononcé dans la dernière nuit avant sa mort. Jésus l’a déjà fait, il se compare à des objets très concrets de la vie quotidienne pour expliquer qui il est. Je suis le pain, je suis la lumière, je suis le berger, je suis le chemin… Ici, il se compare au cep de vigne – mais il va moins parler de lui que de nous : que se passe-t-il quand nous nous attachons au Christ par la foi, quand nous ne faisons qu’un avec lui ? Jésus brode sur l’image de la vigne sans chercher à tout décrire de A à Z : il pointe différents éléments, qui forment comme une constellation et il nous donne les contours essentiels de la vie avec lui. Il y a pas mal d’étoiles dans cette constellation… je vais lire tout le passage, mais ensuite je me concentrerai particulièrement sur la mission que Jésus nous confie, en lien avec le thème du livret que nous suivons.

Lecture biblique Jean 15.1-17

1 Moi je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron. 

2 Il enlève tout sarment qui, uni à moi, ne porte pas de fruit, mais il taille, il purifie chaque sarment qui porte du fruit, afin qu’il en porte encore plus. 3 Vous, vous êtes déjà purs grâce à la parole que je vous ai dite. 

4 Demeurez unis à moi, comme je suis uni à vous. Un sarment ne peut pas porter de fruit par lui-même, sans être uni à la vigne ; de même, vous non plus vous ne pouvez pas porter de fruit si vous ne demeurez pas unis à moi. 5 Moi je suis la vigne, vous êtes les sarments. La personne qui demeure unie à moi, et à qui je suis uni, porte beaucoup de fruits, car sans moi vous ne pouvez rien faire. 6 La personne qui ne demeure pas unie à moi est jetée dehors, comme un sarment, et elle sèche ; les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu et ils brûlent. 7 Si vous demeurez unis à moi et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voulez et cela sera fait pour vous. 

8 Voici comment la gloire de mon Père se manifeste : quand vous portez beaucoup de fruits et que vous vous montrez ainsi mes disciples. 9 Tout comme le Père m’a aimé, je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour. 10 Si vous obéissez à mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, tout comme j’ai obéi aux commandements de mon Père et que je demeure dans son amour. 11 Je vous ai dit cela afin que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète. 

12 Voici mon commandement : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. 13 Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. 14 Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande. 15 Je ne vous appelle plus serviteurs, parce qu’un serviteur ne sait pas ce que fait son maître. Je vous appelle amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j’ai appris de mon Père. 16 Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis ; je vous ai donné une mission afin que vous alliez, que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure. Alors, le Père vous donnera tout ce que vous lui demanderez en mon nom. 17 Ce que je vous commande, donc, c’est de vous aimer les uns les autres.

 Les conséquences de l’union avec le Christ : porter du fruit

Pour décrire la vie avec lui, Jésus utilise une image : nous sommes appelés à porter du fruit, comme un sarment qui sort d’un cep de vigne. Avant de préciser les contours et le goût de ce fruit que portent ses disciples, Jésus commence par une mise en garde : la personne qui est unie au Christ par la foi doit porter du fruit. C’est la priorité du vigneron, c’est-à-dire Dieu, qui soigne sa vigne, son peuple, en faisant tout pour que la vigne produise un fruit bon et beau. Et comme tout bon jardinier ou agriculteur, il taille la plante lorsque les branches inutiles ou malades empêchent la sève de circuler avec vigueur pour donner du fruit.

Et si le sarment ne porte pas de fruit ? Au bout d’un moment, le vigneron s’en occupe, le taille etc. mais si ça dure, que le sarment reste sec, ça veut dire qu’il n’est pas vraiment rattaché au cep… alors le vigneron finit par le couper et le jeter. C’est violent comme image, quand on pense que le sarment, c’est nous ! « Portez du fruit, sinon… »

Est-ce que Jésus voudrait nous faire peur, ici ? Oui, un peu. Il insiste sur la nécessité de porter du fruit : le but du sarment n’est pas d’être attaché au cep, c’est de porter du fruit. Le but du vigneron n’est pas d’occuper le plus de place possible avec des sarments… c’est d’avoir une belle récolte de fruits.

Il ne faut pas trop tirer sur l’image, mais Jésus insiste ici : porter du fruit n’est pas optionnel. Ca fait partie de la vie avec lui. Si on est son disciple, il doit en sortir quelque chose. La foi ne s’arrête pas à l’intériorité secrète de notre cœur : c’est une connexion à la vie de Dieu, à travers le Christ, qui doit rejaillir dans notre existence.

Un appel à la fécondité

On pourrait dire que lorsqu’on vit avec Jésus, il y a exigence de résultat.

Mais. Mais ce résultat, quel est-il ? Jésus parle beaucoup du fruit, il évoque l’obéissance à ses commandements, l’amour, le fait que le fruit honore Dieu. Et voilà !

Jésus en a déjà parlé ailleurs : le fruit, c’est aimer Dieu, l’honorer par une vie intègre, par une confiance grandissante, et aimer l’autre par un regard pur, une main tendue, une parole saine. Il invite ses disciples à être témoins de l’amour de Dieu, auprès de chacun, en parole et en acte. Paul, disciple de Jésus, reprendra l’image du fruit pour parler du caractère que Jésus, par son esprit (sa sève) produit en nous : amour, douceur, maîtrise de soi, bienveillance, esprit de service…

Ce qui est très beau, dans l’image du fruit, c’est que c’est organique : le fruit exprime la nature de la plante. La plante n’est pas appelée à faire semblant, à se travestir. Ce n’est pas un fardeau, de porter du fruit : c’est s’épanouir. Mais là où la culture d’aujourd’hui nous encourage à nous développer, à nous épanouir, à grandir coûte que coûte, l’image du fruit nous rappelle que nous développer n’est pas un projet qui ne concerne que nous, au mépris des autres : lorsque nous sommes vraiment épanouis, tout le monde en profite !

Si on regarde bien, depuis la création, Dieu a comme objectif que nous portions du fruit : multipliez-vous, croissez, soyez féconds… Avoir des enfants, c’est porter du fruit ! Mais au-delà, porter du fruit c’est vivre dans la justice et la vérité, construire la paix, choisir la générosité et l’amour… Être fécond, c’est ressembler à Dieu sur cette terre, Dieu le créateur de l’abondance, Dieu l’innovant, Dieu le généreux. Lorsque nous portons du fruit, nous sommes vraiment nous-mêmes, tels que Dieu nous rêve depuis la création du monde.

C’est tellement large ! Et impressionnant… Pourtant, Jésus n’insiste pas sur les critères de réussite. Ce qui compte, c’est que du fruit soit porté. Il n’y a pas de compétition ou de performance : ce qui compte, c’est que la vie de Dieu rejaillisse. Que sa vitalité ait un impact sur nous et autour de nous. Mais on peut imaginer que selon le contexte, et là je sors de l’image, le fruit n’ait pas toujours exactement la même couleur ou le même goût…

Quelles conditions météo? 

Alors, en bonne Française, j’ai envie de dire « oui, mais… » Oui, mais, ce n’est pas toujours évident de porter du fruit ! Parfois les conditions ne sont pas réunies : trop chaud, trop froid, trop sec, trop humide, il gèle trop tôt, ou trop tard… sans compter les parasites, les maladies,… On se donne ce genre d’excuses, non ? « Non, mais là, je ne pouvais pas, mais c’est pas ma faute, c’est le climat qui convenait pas ». Comme s’il fallait que les conditions extérieures soient optimales pour porter du fruit.

Jésus est très clair : la seule condition qui compte, pour porter du fruit, c’est d’être attaché à lui. Peu importe la météo, si nous sommes remplis de la vie de Dieu par le Christ, cela rejaillira d’une façon ou d’une autre.

Alors ça nous prive d’excuses : si nous ne portons pas de fruit, ce n’est pas la faute du monde qui nous entoure, mais peut-être qu’il faut revoir la vigueur de notre attachement au Christ, éventuellement laisser Dieu tailler les branches malades qui nous gangrènent ou les branches mortes qui bloquent la circulation de la sève… (là j’improvise sur l’image !)

Mais c’est aussi tellement encourageant de savoir que Jésus seul est la condition pour que nous portions du fruit : peu importe le contexte (chez vous, au travail, dans les transports, dans une réunion zoom, sur les réseaux, dans un devoir ou un dossier à rendre, quand vous faites des courses ou des démarches administratives), peu importe votre statut (jeune ou âgé ; bien portant ou non ; pauvre ou riche ; écolier, actif, retraité), peu importe votre personnalité (un peu ours ou… dauphin) – peu importe ! Le Christ vit en vous par la foi, et c’est lui qui nourrit le fruit que vous portez… Peu importe quel sarment vous êtes, tant que vous êtes attaché au Christ vivant, tout-puissant, débordant d’amour, vous avez tout ce dont vous avez besoin pour porter du fruit…

Comment être attaché ?

          La stratégie de Dieu pour que nous portions du fruit, c’est le Christ. C’est une tactique indirecte, par un travail sur nos racines. Aucune plante ne produit du fruit quand on tire sur la branche ! Porter du fruit, c’est le but, mais c’est un processus que nous ne contrôlons pas. La seule chose que nous puissions faire, c’est puiser notre sève à la source, dans le vrai et bon cep de vigne, le Christ.

Pourquoi ? Parce que Jésus-Christ et Dieu sont totalement imbriqués : nous rapprocher de Jésus, c’est nous rapprocher de Dieu lui-même. Le péché, c’est cette rupture avec Dieu qui nous coupe de la vie dans toute son abondance, qui nous fait goûter à la mort et au morbide. Or Jésus nous tend la main de la part de Dieu, il enjambe le fossé de la séparation et rouvre un accès à Dieu.

Dieu demeure en Jésus qui vient lui-même demeurer en nous par son Esprit lorsque nous croyons, et cette cascade de vie, d’amour, déborde tout autour de nous. Il y a une espèce d’alignement sur Dieu qui conduit à l’abondance. Et je crois que c’est dans ce sens qu’il faut comprendre que nos prières sont exaucées : lorsque nous nous alignons sur Dieu, ses projets deviennent nos priorités, notre prière.

Comment faire pour nous attacher au Christ de façon vivifiante ? Jésus évoque deux pistes : mettez en pratique mes commandements et aimez comme je vous ai aimés. Les deux vont ensemble, d’ailleurs le commandement principal que Jésus donne, c’est d’aimer. Mais ce n’est pas un amour éthéré, spirituel, idéal : non, c’est un amour concret. L’amour, le vrai, a un contenu : l’amour pardonne, l’amour relève l’autre, l’amour rend service, l’amour se réjouit de la vérité et de la justice, l’amour cherche ce qui est beau et bon, l’amour est patient…

Bon ben, y a plus qu’à… ! Être attaché au Christ, c’est un processus, pas un acte ponctuel. C’est une dynamique qui se renouvelle constamment : fréquenter le Christ, et Dieu en lui, à travers les Ecritures, apprendre toujours plus à le connaître pour qu’il nous inspire de mieux en mieux. Nous recentrer sur Dieu dans la prière, dans la proximité, ressentir sa présence aujourd’hui en nous. Nous encourager les uns les autres quand nous sommes démunis ou le nez dans le guidon…

 

Les méditations cette semaine nous conduiront à explorer tel ou tel aspect du fruit que Jésus nous appelle à porter, aujourd’hui, dans notre vie. Mais rappelons-nous : notre seule stratégie, c’est de nous rapprocher du Christ, de demeurer en lui pour que sa vie déborde en nous.

Livret de méditations “Partout, tout le temps, suivre le Christ tout simplement” à télécharger ici, (c) UEEL

Disciples à plein temps ?

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Ce matin, nous commençons la campagne de rentrée proposée par notre Union d’Églises sur le thème : “Partout et tout le temps, suivre le Christ tout simplement”. J’ai participé à la formulation de cette thématique, et je l’assume. Mais je me dis quand même que c’est facile à dire et bien plus difficile à faire !

Suivre le Christ, est-ce vraiment si simple que ça ? Est-ce que vous trouvez que c’est facile de vivre en chrétien aujourd’hui ? On pourrait d’ailleurs élargir la question, que vous soyez croyant ou non : est-ce que vous trouvez que c’est facile de vivre au quotidien en cohérence avec vos convictions et vos valeurs ?

On a sans doute tous des convictions et des valeurs qui nous animent. J’espère que c’est votre cas ! C’est ce qui donne du sens à notre existence. Mais sans doute que, plus ces convictions sont fortes et plus ces valeurs sont élevées, plus il est difficile de les vivre et de les mettre en pratique. Parce que nos idéaux rencontrent la réalité, la réalité de notre monde et de ceux qui le composent, et il faut bien l’avouer aussi, la réalité de notre coeur, de notre volonté, pas toujours à la hauteur.

Évidemment, ce serait plus facile de vivre seulement avec ceux qui partagent nos convictions et nos valeurs. En l’occurrence, suivre le Christ serait déjà plus facile si ce n’était pas partout et tout le temps… Si on pouvait choisir les jours, les circonstances et les personnes avec qui suivre le Christ. Plus largement, si on pouvait côtoyer seulement ceux qui partagent nos valeurs et discuter seulement avec ceux qui ont les mêmes idées que nous, la vie serait tranquille !

Apprendre à vivre parfois en décalage voire à contre-courant, avec les frustrations, voire les souffrances que cela implique, faire face à la contradiction voire à l’opposition, ce n’est, certes, pas confortable… mais c’est incontournable, sauf à se retirer complètement du monde et vivre dans sa bulle. Et c’est une option que le croyant ne peut pas choisir, puisque le Christ envoie explicitement ses disciples dans le monde, pour être témoin de leur Seigneur.

Eh oui, nous sommes bel et bien appelés à suivre le Christ, partout et tout le temps.

C’est dans cette perspective que l’apôtre Pierre écrit à des croyants d’Asie Mineure. Et dans son adresse, il les désigne avec des termes qui peuvent surprendre au premier abord. Mais s’ils sont bien compris, ils restent pertinents pour nous aujourd’hui. Ils permettent même de dire comment nous sommes appelés à suivre le Christ, tout simplement.

1 Pierre 1.1-2
1 De la part de Pierre, apôtre de Jésus Christ.
À ceux que Dieu a choisis et qui vivent en immigrés, dispersés dans les provinces du Pont, de la Galatie, de la Cappadoce, de l’Asie et de la Bithynie. 2 Dieu, le Père, vous a choisis d’avance selon un projet qui est le sien ; il vous fait vivre pour Dieu, grâce à l’Esprit saint, pour que vous obéissiez à Jésus Christ et que vous soyez purifiés par le sang qu’il a versé.
Que la grâce et la paix vous soient données en abondance !
Les termes utilisés par Pierre pour décrire la situation des destinataires de sa lettre évoquent plutôt la précarité : ils sont immigrés et dispersés. Mais c’est pourtant ainsi que Dieu les a choisis (c’est affirmé deux fois dans le texte !), selon son projet.

Immigrés

Être immigré, c’est être dans une situation de précarité, qui peut certes s’améliorer avec les années, grâce à une intégration réussie, mais qui est souvent synonyme de difficultés multiples, d’incompréhension, de frustrations, voire de souffrance et de rejet…

On en parle souvent dans la Bible. Abraham et les patriarches étaient des migrants nomades. Et puis il y a eu l’Exode, avec la sortie d’Egypte et l’errance de 40 ans dans le désert, et aussi l’Exil, avec les 70 ans passées par les habitants de Juda en exil à Babylone.

Cet omniprésence du motif de l’immigration fonde les appels répétés à accueillir et aimer les immigrés, comme par exemple :

Deutéronome 10.19
Vous donc aussi, aimez l’immigré car vous avez été immigrés en Égypte.

Et s’il y a cet appel répété à aimer l’immigré, c’est que ce n’est pas forcément naturel… Hier comme aujourd’hui, le statut d’immigré est un statut précaire. Dans le Nouveau Testament, le motif est repris et compris de façon spirituelle : le croyant est un immigré ici-bas, il est seulement de passage sur Terre, en chemin vers sa patrie céleste.

Et c’est parfois aussi synonyme de difficultés multiples, d’incompréhension, de frustrations, voire de souffrance et de rejet…

Dispersés

Les destinataires de la lettre de Pierre sont non seulement immigrés mais aussi dispersés. Les provinces mentionnées ici étaient situées en Asie Mineure, la Turquie actuelle. Elles désignent sans doute des destinataires multiples d’une lettre appelée à circuler dans plusieurs Églises d’une même région. Bien que dispersés, ils reçoivent la même lettre, qui les désignent tous de la même manière : “ceux que Dieu a choisis” (dans les versions plus anciennes ont traduisait “les élus”)

On pourrait comprendre cette dispersion comme une faiblesse… Mais en y réfléchissant, j’ai pensé à une parabole de Jésus : la parabole du Semeur.

Luc 8.5-8
5 « Le semeur sortit pour semer du grain. Comme il semait, une partie des grains tomba au bord du chemin : on marcha dessus et les oiseaux les mangèrent. 6 Une autre partie tomba sur un sol pierreux : dès que les plantes poussèrent, elles se desséchèrent parce qu’elles manquaient d’humidité. 7 Une autre partie tomba dans les ronces qui poussèrent en même temps que les bonnes plantes et les étouffèrent. 8 Mais une autre partie tomba dans la bonne terre ; les plantes poussèrent et produisirent des épis : chacun portait cent grains. » Et Jésus ajouta : « Celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende ! »

Certes, quand Jésus explique cette parabole, il dit bien que la semence c’est la Parole de Dieu et que les différents terrains représentent les différentes façons d’accueillir ou non cette Parole. Mais qui sont les porteurs de la Parole du Christ aujourd’hui sinon ceux qu’il envoie, ses disciples ? Qui sont-ils sinon, au temps de l’apôtre Pierre, ces croyants dispersés dans les différentes provinces d’Asie Mineure ? Ils sont comme autant de graines que le Semeur jette et qui tombent dans différents terrains.

Cette dispersion peut donc aussi être perçue comme une chance d’être présent partout, “dans tous les terrains”. Dans notre contexte, on peut l’entendre sans doute comme le fait d’être dispersés sur nos lieux de vie, dans nos familles, sur nos lieux de travail ou d’engagement. Là où nous sommes dispersés, du lundi au samedi… Car c’est bien ce que nous sommes la plupart de notre temps. C’est une exception, et une exception heureuse, lorsque nous sommes rassemblés, comme ce matin. Mais la plupart du temps, nous sommes dispersés… et ce n’est pas un problème. C’est même tout à fait normal.

On peut même dire que dans une perspective biblique, on n’est pas dispersés par hasard ni même par nécessité. On y est envoyés par Dieu, pour y vivre en disciples du Christ !

Choisis

Le problème n’est pas d’être dispersés, c’est d’être isolé. Quand la dispersion résulte de l’éclatement ou du chacun pour soi, alors c’est difficile à vivre. C’est pour cela qu’il est essentiel de comprendre que nous sommes envoyés par Dieu sur nos lieux de vie. Ce n’est pas un éclatement subi, c’est ce que Dieu veut. Et on n’y est pas seulement pour soi mais pour les autres.

Car on peut être dispersés sans être isolés. On peut être dispersés et connectés ! Connectés les uns aux autres. Et on a plein de moyens de le faire aujourd’hui ! Et surtout connectés, ensemble, au même Dieu, qui est avec nous et qui nous unit dans un même appel.

C’est ce que Pierre souligne. Il y a bien une réalité qui unit tous ces croyants dispersés, c’est d’avoir été choisis selon le projet de Dieu. Il ne s’agit pas, ici, pour Dieu, de seulement connaître par avance ce qui va se passer. Dieu n’est pas un spectateur passif de l’histoire, même par avance… il est pleinement actif dans son projet. Et Pierre le souligne avec une formulation trinitaire : le projet du Père, l’oeuvre accomplie par le Fils à la croix et par le Saint-Esprit en nous. Dieu est tout entier, Père, Fils et Saint-Esprit, engagé dans la réalisation de son projet.

Le projet de Dieu, c’est nous !

Immigrés… nous sommes de passage sur cette Terre. Notre horizon s’étend au-delà de ce monde, au-delà de cette vie.

Dispersés… nous sommes envoyés par Dieu sur nos lieux de vie. Nous n’y sommes pas par hasard ou par nécessité mais parce que Dieu nous y envoie.

Choisis… nous sommes unis à Dieu et les uns aux autres. Bien que dispersés, nous ne sommes pas seuls.

En fait, pour faire encore plus court, on pourrait dire que le projet de Dieu, c’est nous ! Dans notre quotidien, nous sommes autant de graines semées par Dieu sur tous types de terrain, pour y porter la semence du Royaume de Dieu.

Et nous ne sommes pas dispersés seulement pour “prêcher la bonne parole”… mais pour vivre la Bonne Nouvelle. Cette Bonne Nouvelle, c’est Jésus-Christ mort et ressuscité. C’est Jésus-Christ vivant, pour toujours avec nous.

Bien-sûr, il s’agit aussi de dire cette Bonne Nouvelle, quand c’est le moment approprié. Mais avant tout, il s’agit de la mettre en pratique, à la maison, au bureau, sur les bancs de l’amphi, sur le terrain de sport… Il s’agit de la manifester concrètement, en laissant transparaître ce que produit l’Esprit de Dieu en nous et dont l’apôtre Paul cite une liste non exhaustive : l’amour, la joie, la paix, la patience, la bienveillance, la bonté, la fidélité, la douceur, la maîtrise de soi (cf. Galates 5.22)… Voilà une façon toute concrète d’être disciple du Christ au quotidien, partout et tout le temps !

Car être disciple de Jésus-Christ, ce n’est pas venir au culte le dimanche matin. Ou en tout cas pas seulement… C’est marcher avec le Christ vivant sur les chemins de notre vie, car il nous accompagne du lundi au samedi aussi. Car c’est alors que nous verrons si nous nous conduisons en disciples du Christ… Bref, si nous suivons le Christ, tout simplement.

Jésus dans nos tempêtes

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Regarder la vidéo ici.

La rentrée n’est pas toujours facile à vivre ! Après les vacances, on a besoin d’un petit temps pour se remettre dans le bain « en douceur », progressivement, sinon, on se retrouve submergé, angoissé, en panique…

Sans parler de la rentrée, il y a bien des situations qui peuvent nous submerger : quand notre santé, physique ou mentale, défaille ; quand il y a des conflits ; quand la charge professionnelle s’accumule ; quand l’argent manque ; que plusieurs changements ou pertes arrivent en même temps… ou quand on regarde autour de nous : les situations terribles de certains, sans parler des catastrophes ou des menaces politiques, écologiques… Et ces tempêtes sont déstabilisantes, au point parfois de déstabiliser notre foi : où est Dieu dans tout ça ? que fait-il ? que pouvons-nous attendre de lui ?

Jésus et ses disciples ont traversé bien des tempêtes, naturelles ou figurées. Je vais lire le récit d’une de ces tempêtes : c’est une histoire vécue, pas un symbole, mais avec une portée tellement forte qu’elle a du sens aussi pour nos tempêtes. Et si vous n’êtes pas dans une tempête, aujourd’hui, que vous voguez plutôt sur un lac ensoleillé, cet épisode révèle suffisamment de Jésus pour que cela puisse nourrir votre foi !

On trouve cette histoire dans l’évangile de Marc, et le récit est tellement prenant que je vais le commenter au fur et à mesure, pour ne rien perdre du suspense ! et je tirerai quelques conclusions à la fin. Jésus a passé la journée à enseigner les foules.

Lecture biblique Marc 4.35-41

35 Le soir de ce même jour, Jésus dit à ses disciples : « Passons de l’autre côté du lac. » 

36 Ils quittèrent donc la foule ; les disciples emmenèrent Jésus dans la barque où il se trouvait encore. D’autres barques l’accompagnaient. 

37 Et voilà qu’un vent violent se mit à souffler, les vagues se jetaient dans la barque, à tel point que, déjà, elle se remplissait d’eau. 

38 Jésus dormait sur un coussin, à l’arrière du bateau. Ses disciples le réveillent et lui disent : « Maître, nous allons mourir ! Cela ne te fait rien ?» 

         Cette tempête, soudaine, est terrible et dangereuse, ce qui arrivait régulièrement sur le lac de Galilée, entouré de collines qui forment comme une cuvette. Même les disciples, chez qui on trouve des pêcheurs aguerris, paniquent (« nous allons mourir ! »).

Et dans cette tempête, avec le vent qui se déchaîne, les vagues qui font bouger la barque et qui remplissent le bateau, Jésus dort. Il dort ! Certes, il était sûrement fatigué, même épuisé, par les voyages, les enseignements, les rencontres… Enfin, il faut être très fatigué pour dormir dans une barque ballottée par la tempête ! Le sommeil de Jésus à ce moment-là est assez incongru… Et les disciples sont choqués.

Ils prennent sur eux de réveiller Jésus avec ce cri de panique : « Maître, nous sommes perdus ! » – détresse – « Cela ne te fait-il rien ? »

Notez qu’ils ne réveillent pas Jésus pour lui demander de l’aide. Jésus n’est qu’un charpentier, et un guide spirituel, et oui, il a fait quelques guérisons. La tempête n’a rien à voir avec ça. Les disciples réveillent Jésus parce qu’ils sont vexés : « ça ne te fait rien ? on va mourir, et tu t’en fiches ? »

Si Jésus avait été sur le pont, gonflé d’adrénaline comme les autres, même s’il ne faisait rien de plus que d’aider à écoper – c’était déjà énorme ! Il aurait pu les encourager, les soutenir… Mais non, il dort. Il ne prie pas ! Il dort.

Combien de fois, dans nos difficultés, nous avons l’impression que Dieu est en train de dormir… Nous ne le voyons pas agir, il paraît absent, et nous avons l’impression d’être seuls dans nos galères. Et dans l’intensité de l’épreuve, comme les disciples, nous sautons vite à l’interprétation : Si Dieu ne fait rien dans cette situation, c’est que… il s’en fiche ! il ne m’aime pas ou plus ; il m’a laissé tomber ; il me punit ; je ne vaux rien à ses yeux ; il est incapable ou il tolère l’injustice ; ou absent ; peut-être, même, inexistant ?…

39 Jésus, réveillé, menaça le vent et dit au lac : « Silence ! tais-toi ! » Alors le vent tomba et il y eut un grand calme. 

Jésus a une sacrée autorité ! D’un mot, il a calmé la tempête – sans aucun effort ! C’est la première fois dans l’Evangile que sa puissance se dévoile avec une telle ampleur : c’est plus qu’une guérison, il maîtrise la nature, et la nature dangereuse !

Puissance, maîtrise sur la nature, parole… on a l’impression de se retrouver au début de la Genèse, quand Dieu crée le monde par sa Parole : Dieu dit « que la lumière soit ! » et la lumière fut (Gn 1.3). Jésus montre, ici, qu’il est plus qu’un homme doué, il a quelque chose du Créateur.

Certains, et c’est légitime, se demanderont si ça s’est vraiment passé ! Dans la vie de Jésus ou dans la Bible : le miracle est miracle parce qu’il est anormal. Mais si on considère que Dieu a créé le monde et qu’il y reste impliqué, ses interventions exceptionnelles nous impressionnent, oui, mais elles ne sont pas impossibles.

C’est un peu comme avec un logiciel : vous et moi utilisons le mode normal, de l’utilisateur, mais le concepteur du logiciel, qui a tous les codes d’origine, peut si besoin forcer quelques actions, sans remettre en question tout le fonctionnement du logiciel.

Dans son Evangile, Marc juxtapose 3 miracles à ce récit de tempête apaisée : la délivrance d’un homme possédé, la guérison d’une femme hémorragique et la résurrection de la fille du prêtre Jaïrus. Dans cette suite de miracles, Marc souligne la puissance de Jésus qui maîtrise tout : le naturel, le surnaturel, jusqu’à la mort elle-même. Et cette puissance est en faveur de la vie, une puissance libératrice, éclatante, vivifiante.

Dans la tempête, Jésus commence à montrer qui il est : homme et Dieu, Créateur parmi les créatures. C’est pour ça que depuis tout à l’heure, je mets Jésus en parallèle avec Dieu, Dieu qui dort, Dieu qui agit, et pas simplement avec un ami ou un guide.

Cet épisode dévoile l’identité de Jésus, et ses priorités : faire vivre, secourir, sauver. Ce fil se tire jusqu’à la croix, où Jésus meurt à notre place, et ressuscite, se réveille d’entre les morts, pour vaincre totalement la puissance du mal et de la mort, et nous permettre de partager sa vie, dans tout son éclat.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là !

40 Jésus dit aux disciples : « Pourquoi avez-vous peur ? N’avez-vous pas encore la foi ? » 

C’est au tour de Jésus de faire des reproches à ses disciples… Mais ! c’est normal qu’ils aient eu peur, au milieu d’une tempête ! Qu’auraient-ils dû faire ? Aller se coucher, comme Jésus ? laisser Jésus dormir ? le réveiller, mais autrement ?

De quelle peur parle Jésus : la peur face à la tempête, ou la peur que Jésus les abandonne ? Après tout, leur reproche, c’était que Jésus ne s’intéressait pas à eux.

41 Mais ils éprouvèrent une grande frayeur et ils se disaient les uns aux autres : « Qui est donc celui-ci, pour que même le vent et les flots lui obéissent ? »

Les disciples écoutent à peine Jésus, ils sont encore tétanisés de ce qu’ils viennent de voir : Jésus a grondé le vent, et la tempête s’est calmée, comme un enfant. Les disciples ont presque plus peur après que pendant la tempête. La tempête, c’est grave, mais on connaît. Un homme qui maîtrise la tempête, ça, c’est fou. Les disciples commencent à comprendre ce qu’on a vu tout à l’heure : leur maître est aussi maître de la nature, Jésus est plus qu’un homme, il a l’autorité du Créateur…

Et pour nous, dans nos tempêtes ?

Ce qui s’est passé dans cette tempête nous rejoint, nous, lorsque nous sommes ballottés par le vent, individuellement ou collectivement.

  • Reconnaître que Jésus est présent

Un premier encouragement, c’est que dans les pires situations, quand nous sommes en panique, Dieu/Jésus/ n’est pas absent. Même si on a l’impression qu’il dort, parce qu’on ne le voit pas en train d’agir, Dieu n’est pas absent, il est avec nous dans la barque. Lorsque les vagues montent, et notre peur avec, rappelons-nous que nous ne sommes pas seuls – Dieu est avec nous dans la barque.

  • Un Dieu inclassable

Mais Jésus/ Dieu/ n’est pas là où on l’attend, et il est là où on ne l’attend pas. Il dort,  minimum du minimum, et puis, il arrête la tempête, maximum du maximum. Les disciples attendaient une solution médiane, de l’intérêt, un petit coup de main, des mots d’encouragement… Mais Jésus est complètement décalé par rapport à leur attente.

Notre Dieu est hors cadre, il est inclassable. Il sort de nos définitions, il déborde de nos stratégies, avec un autre processus de résolution des problèmes. Lui, il est à un autre niveau, et il agit à un autre niveau, avec un autre rythme ! Et même si nous ne comprenons pas bien, il est proche de nous, et il est efficace.

  • Nous tourner vers lui… avec foi !

Alors, à quoi pourrait ressembler la foi dans la tempête ? Jésus n’a pas répondu, alors je me risque à une suggestion…

Reconnaître la réalité de ce qui se passe. Jésus ne nie pas la réalité ! Réveillé, il ne se retourne pas sur son coussin en disant : « laissez-moi, tranquille, c’est dans votre tête ! » Non, le problème est réel : il se lève et il le règle. Avoir la foi ne nous empêche pas de reconnaître ce qui se passe, dans toute son ampleur, ni même d’avoir peur si c’est effrayant !

Mais face à cette réalité, nous pouvons crier à Dieu. « réveiller Jésus » C’est la prière ! On peut appeler Dieu à l’aide parce qu’on a peur – si ça ce n’est pas de la foi ?! Croire que Dieu peut nous délivrer !

On peut même, voyez dans les psaumes, crier à Dieu notre ressenti, nos inquiétudes, notre lassitude (j’en peux plus…), nos questions (pourquoi tu ne fais rien ?…), notre désarroi (je ne comprends pas…) En nous rappelant que Dieu est bien plus grand, et plus aimant, que ce que nous imaginons.

L’écart avec les disciples est minime mais toute la différence est là : ils n’ont pas appelé Jésus à l’aide ! Ils ont cru qu’il les laissait tomber.

Et pourtant, malgré leur manque de foi, Jésus les a délivrés ! Alors, dans la tempête, tournez-vous vers Dieu, priez, criez à lui – allez-y, même si vous priez « mal » ou que votre foi défaille, Dieu, le Dieu tout-puissant, le Dieu tout proche qui nous aime, le Dieu que révèle Jésus, ce Dieu-là ne vous abandonnera pas !