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Des pierres vivantes !

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1 Pierre 2.4-10
4 Approchez-vous du Seigneur, la pierre vivante rejetée par les êtres humains, mais choisie et précieuse aux yeux de Dieu. 5 Laissez-vous bâtir, vous aussi, comme des pierres vivantes, pour construire un temple spirituel. Vous y formerez une communauté de prêtres appartenant à Dieu, vous lui offrirez des sacrifices spirituels, qu’il accueillera avec bienveillance par Jésus Christ. 6 Car il dit dans l’Écriture :
« Voici que je place en Sion une pierre d’angle ;
je l’ai choisie, elle est précieuse,
et celui qui met sa foi en elle ne sera jamais déçu. »
7 Cette pierre est d’une grande valeur pour vous, les croyants ; mais pour les incroyants, comme le dit l’Écriture :
« La pierre que les bâtisseurs ont rejetée
est devenue la pierre d’angle. »
8 Et ailleurs, il est dit encore :
« C’est une pierre qui fait trébucher,
un rocher qui fait tomber. »
Ces personnes trébuchent parce qu’elles refusent d’obéir à la parole de Dieu, et c’est ce qui devait leur arriver.
9 Mais vous, vous êtes la lignée choisie, la communauté royale de prêtres, la nation qui appartient à Dieu, le peuple qu’il a fait sien. Il vous a appelés à passer de l’obscurité à son admirable lumière, afin que vous alliez annoncer ses œuvres magnifiques. 10 Autrefois, vous n’étiez pas un peuple, maintenant vous êtes peuple de Dieu ; autrefois, vous étiez privés de bonté, mais maintenant la bonté de Dieu vous a été accordée.

Ce passage est très marqué par l’Ancien Testament.

  • On y trouve trois citations enchaînées (deux du prophète Esaïe, une d’un Psaume)
  • On y fait référence au temple, aux prêtres et aux sacrifices
  • On y fait aussi référence au peuple élu

En un mot, Pierre revisite des concepts propres à l’Ancien Testament pour les appliquer, d’une manière spirituelle et imagée, à l’ensemble des croyants. En Jésus-Christ, le temple est alors spirituel, tout comme le peuple, au sein duquel tous sont prêtres.

Pierre parle dans ce passage de l’Eglise. Mais on perçoit bien que dans le Nouveau Testament, l’Eglise n’est pas un bâtiment. Elle est une communauté faite d’hommes et de femmes attachés au Christ. Si elle est un bâtiment, ce n’est que de façon imagée, comme métaphore. Et les pierres qui constituent ce bâtiment sont des pierres vivantes !

 

Des pierres vivantes : le miracle de l’Eglise

Cette image de la pierre vivante est au coeur de ce passage. Attribuée à la fois au Christ, en tant que pierre d’angle, et à l’ensemble des croyants, appelés à être eux-mêmes les pierres vivantes qui forment le temple spirituel. J’aimerais m’arrêter ce matin sur cette image, bien étrange quand on y pense !

Si vous prenez une pierre, une grosse pierre comme celle qu’on trouverait dans un mur. C’est lourd, ça ne bouge pas, ça ne grandit pas, ça ne parle pas… ça n’a rien de vivant ! Si vous prenez une plante, au moins, ça vit. Certes, vous n’allez pas entretenir une longue conversation avec elle mais elle va pousser, donner des fleurs. Par contre, il n’y a rien de moins vivant qu’une pierre !

C’est pourtant l’image que l’apôtre utilise. Des pierres vivantes…

Ca me fait penser à cette parole de Jean le baptiste, dans l’Evangile de Matthieu, qui interpelle les chefs religieux venant se faire baptiser :

Matthieu 3.8-9
Montrez par des actes que vous avez changé de vie et ne pensez pas qu’il suffit de dire en vous-mêmes : “Abraham est notre père !” Car je vous dis que Dieu peut utiliser les pierres que voici pour en faire des enfants d’Abraham !

Ou celles de Jésus, lors de son entrée triomphale à Jérusalem, qui dit aux Pharisiens qui veulent faire taire la foule qui l’acclame :

Luc 19.40
Jésus répondit : « Je vous le déclare, s’ils se taisent, les pierres crieront ! »

Dieu peut donc même rendre des pierres vivantes… Et c’est, d’une certaine façon, le miracle de l’Eglise. Je ne parle pas ici ni des édifices que nous construisons ni des institutions et des confessions que notre histoire a fait naître. Je parle de cette réalité spirituelle de l’Eglise de Jésus-Christ, qui dépasse toutes les institutions et les structures humaines. Cette Église qu’on qualifie d’universelle et qui unit mystérieusement tous les croyants où qu’ils se trouvent sur la surface de la terre, et qui les unit même, qu’ils soient vivants ici-bas ou morts, désormais auprès de Dieu. Un miracle où une communauté locale est une part certes infime mais bien réelle d’un édifice spirituel qui traverse les âges.

Si vous êtes croyants, alors vous êtes une pierre vivante faisant partie de cet édifice ! Vous êtes liés à LA pierre vivante du Christ, mort et ressuscité. Liés à toutes les pierres vivantes, de génération en génération, depuis le premier cercle des disciples de Jésus. C’est extraordinaire, non ?

Il y a beaucoup à redire sur les Églises en tant qu’institution humaine, avec leurs zones d’ombre, leurs failles, leurs imperfections, leurs dysfonctionnements parfois. Il ne faut pas se voiler la face… Mais l’Eglise, c’est aussi, et c’est même d’abord, l’oeuvre de Dieu, cet édifice spirituel qui traverse les âges. Malgré nos infidélités…

Si cet édifice spirituel qu’est l’Eglise traverse les âges, il transcende aussi largement nos réalités locales. Il s’agit toujours, pour nous, d’élargir notre regard. Nous devons lutter contre une vision étriquée de l’Eglise. Prenons conscience de l’ensemble de l’édifice spirituel. Refusons l’enfermement sur soi et le sectarisme qui nous fait croire que nous serions le seul édifice véritable.

Bref, tout en restant humble et lucide, gardons intacte notre capacité d’émerveillement devant cet édifice fait de pierres vivantes, animées par l’Esprit de Dieu, s’élevant à la gloire de Dieu !

 

Entretenir la vie… et le miracle

Comment faire pour maintenir ce miracle et pleinement le vivre ? Je propose deux éléments de réponse.

Nous approcher du Seigneur, la pierre vivante

En premier lieu, n’oublions pas l’exhortation qui ouvre notre passage : “Approchez-vous du Seigneur, la pierre vivante rejetée par les êtres humains, mais choisie et précieuse aux yeux de Dieu.” (v.4)

Une Église peut avoir les prédicateurs les plus éloquents, les musiciens et chanteurs les plus doués, l’assemblée la plus nombreuse, la confession de foi la plus orthodoxe, la liturgie la plus biblique, les locaux les plus somptueux… si la personne de Jésus-Christ n’est pas au centre, si ce n’est pas lui qui est la pierre d’angle, tout l’édifice est fragilisé.

C’est de lui que vient la vie. Ce n’est que parce qu’il est LA pierre vivante que nous pouvons être des pierres vivantes. Ça veut dire que tous les projets d’une Église et toutes ses stratégies n’ont un sens que s’ils sont nourris d’une relation, personnelle et communautaire, avec le Christ vivant. Il ne faut jamais perdre de vue cette perspective incontournable.

Le but ultime d’une Église, ce n’est pas de remplir ses chaises le dimanche et de faire exploser son budget. C’est de glorifier le Seigneur, de vivre et manifester l’amour de Dieu. Ou, pour utiliser la métaphore de notre passage : c’est d’offrir à Dieu des sacrifices spirituels qu’il accueillera avec bienveillance.

Laisser de la place pour la vie !

Si les pierres sont vivantes, ça veut dire qu’il ne faut pas imaginer des cailloux inertes, ou des pierres à jamais fixées dans un mur. Une pierre vivante ne va pas rester bien sagement à sa place sans bouger. La vie, c’est le mouvement !

Mais comme elle fait partie d’un édifice, si elle n’en fait qu’à sa tête, et surtout si toutes les pierres n’en font qu’à leur tête, l’édifice s’écroulera. Il s’agit d’être en mouvement mais avec les autres, de façon cohérente et coordonnée.

Tout le défi d’un édifice vivant, constitué de pierres vivantes, c’est d’avancer ensemble, de garder la tension féconde entre la vie et la cohésion. Si on veut tout contrôler, tout maîtriser, assurer une stabilité absolue… il n’y aura plus de mouvement, et plus de vie. Si on laisse chacun faire ce qu’il veut, et surtout si chacun ne se soucie que de soi-même, de ses propres attentes, ses besoins, ses envies, sans considérer ceux des autres… alors l’édifice va se désagréger et il n’y aura plus que des pierres dispersées.

 

Conclusion

Dans notre texte, l’apôtre Pierre nous invite à considérer l’Eglise comme un miracle, celui d’un édifice spirituel, édifié par Dieu, qui traverse les âges, et qui est formé de pierres vivantes. Qui sont ces pierres vivantes ? C’est vous et moi. Et ce sont tous ceux qui, ici ou ailleurs, reconnaissent en Jésus-Christ le Seigneur. Mesurons-nous vraiment quelle chance nous avons de faire partie de ce miracle ?

Mais ce miracle est fragile si les pierres vivantes que nous sommes se coupent de la source de notre vie, le Christ vivant ! Il est fragile si nous ne laissons pas la vie de Dieu agir à travers chacune et chacun, et si nous voulons la maîtriser ou la contraindre par notre étroitesse d’esprit.

Laissons la vie de Dieu faire de l’édifice que nous formons un temple à sa gloire, qui témoigne de la bonté de Dieu pour tous.

Une espérance à vivre!

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Regarder la vidéo de la prédication ici

Stéphanie, convertie il y a quelques années, est mariée à un homme qui ne fait aucun effort pour comprendre sa démarche spirituelle. Frédéric enseigne l’économie et souffre, régulièrement, d’entendre en salle des profs ses collègues dénigrer la foi chrétienne. Elodie se sent de plus en plus mal à l’aise dans les repas de famille, où les discussions autour de l’astrologie et de la voyance heurtent ses convictions. Lucas a été choqué, hier, de voir des tags anti-chrétiens en passant devant une église. Ca lui a rappelé les derniers articles lus dans le journal qui caricaturaient la foi évangélique. A la fac, les amis d’Alexa lui mettent la pression pour qu’elle les suive dans leurs aventures, qu’elle se « libère » un petit peu ! Olivier suit de près l’actualité politique, et s’inquiète depuis plusieurs années de ce qui passe pour de la laïcité. Quant à Sophie, elle est confrontée aux dysfonctionnements de son travail, parfois aux limites de l’illégalité, et elle se demande comment suivre Jésus dans ce contexte.

Ils sont chrétiens, et comme nous, il leur arrive de ressentir ce sentiment d’étrangeté, de décalage, voire de rejet, de la part d’individus ou de la société ambiante. Oui, il y a bien pire ailleurs, beaucoup sont persécutés pour leur foi, mais il n’empêche que cette situation est inconfortable. Ils se sentent parfois comme étrangers dans leur propre pays. Dans ces moments-là, on est tenté de céder, de faire comme les autres pour avoir la paix. Ou alors de se protéger en s’enfermant dans une bulle chrétienne.

Les chrétiens d’Asie mineure (Turquie) à qui écrit l’apôtre Pierre, quelques décennies après Jésus-Christ, ressentent aussi ces tensions de l’exil  (1 Pierre 1.1):

De la part de Pierre, apôtre de Jésus Christ.

À ceux que Dieu a choisis et qui vivent en immigrés/ étrangers/ exilés, dispersés dans les provinces du Pont, de la Galatie, de la Cappadoce, de l’Asie et de la Bithynie. 

Dans des contextes différents, les difficultés se ressemblent. Pierre veut encourager à tenir bon dans cet exil. Et il commence, Vincent l’a prêché dimanche dernier, avec le rappel de l’espérance puissante, vivante, qui nous est donnée en Christ. Et Pierre insiste sur l’impact de cette espérance sur la vie quotidienne, concrète, de ceux qui croient. Il précisera plus tard à quoi ça peut ressembler dans tel ou tel contexte de vie, mais il affirme, ici, de manière générale, le principe : l’espérance vivante reçue en Christ est une espérance à vivre !

Lecture biblique : 1 Pierre 1.13-2.3

13 C’est pourquoi tenez-vous prêts à agir, gardez votre intelligence en éveil. Mettez votre espérance tout entière dans le don qui vous sera accordé quand Jésus Christ se révélera. 

14 Obéissez à Dieu et ne vous conformez pas aux mauvais désirs que vous aviez autrefois, quand vous étiez encore ignorants. 15 Mais soyez saints dans toute votre conduite, tout comme Dieu qui vous a appelés est saint. 16 En effet, l’Écriture déclare : « Vous serez saints, car je suis saint. » (Lévitique 19.2)         

17 Dans vos prières, vous donnez le nom de Père à Dieu qui juge de manière équitable, selon ce que chaque personne a fait ; c’est pourquoi, durant le temps qu’il vous reste à séjourner sur la terre [littéralement: de votre exil], que votre conduite témoigne du respect [crainte] que vous avez pour lui. 18 Vous savez, en effet, à quel prix vous avez été délivrés de la manière de vivre que vos ancêtres vous avaient transmise et qui ne menait à rien. Ce ne fut pas au moyen de choses périssables, comme l’argent ou l’or ; 19 non, vous avez été délivrés par le sang précieux du Christ, comme celui d’un agneau sans défaut et sans tache. 

20 Dieu l’avait désigné pour cela, avant même la création du monde, et c’est pour vous qu’il l’a manifesté dans ces temps qui sont les derniers. 21 Par lui, vous croyez en Dieu qui l’a ressuscité d’entre les morts et qui lui a donné la gloire ; ainsi vous pouvez placer votre foi et votre espérance en Dieu.

22 Vous vous êtes purifiés en obéissant à la vérité, pour vous aimer sans hypocrisie comme des frères et des sœurs. Aimez-vous donc ardemment les uns les autres, d’un cœur pur.  23 En effet, vous êtes nés de nouveau, non d’une semence périssable, mais grâce à une semence impérissable, grâce à la parole de Dieu qui est vivante et qui demeure à jamais. 24 Car il est écrit : « Tout être humain est comme l’herbe, et toute sa gloire comme la fleur des champs ; l‘herbe sèche et la fleur tombe, 25 mais la parole du Seigneur demeure pour toujours. » (Esaïe 40.6-8)

Or, cette parole est celle de la bonne nouvelle qui vous a été annoncée.   

2.1 Rejetez donc toute forme de méchanceté, toute ruse, ainsi que l’hypocrisie, la jalousie et les calomnies. 

2 Comme des enfants nouveau-nés, désirez avec ardeur le lait pur de la parole de Dieu, afin qu’en le buvant vous grandissiez jusqu’au salut. 3 En effet, « vous avez goûté combien le Seigneur est bon. » (cf. Psaume 34.9)

L’œuvre fondamentale de Dieu

Pierre est passé du constat à l’exhortation, de l’indicatif : vous êtes, à l’impératif : faites ! Après la description de l’espérance vient l’invitation à vivre totalement cette espérance. Et c’est très important que ce soit dans ce sens-là ! C’est parce qu’on a reçu énormément en Christ, qu’on a une responsabilité. Mais l’initiative, la base, la source – c’est l’œuvre de Dieu. C’est en réponse à son œuvre que nous sommes invités à œuvrer.

Ces indicatifs de la foi sont tellement importants que Pierre les rappelle au milieu de ses exhortations :

1.15 Dieu qui vous a appelés

1.19 vous avez été délivrés par le sang précieux du Christ, comme celui d’un agneau sans défaut et sans tache. 

1.20 Dieu avait désigné [Jésus] pour cela avant même la création du monde

1.21 Dieu qui a ressuscité [Jésus]

1.22 Vous vous êtes purifiés en obéissant à la vérité

2.1 vous êtes nés de nouveau

2.3 puisque « vous avez goûté combien le Seigneur est bon. »

C’est Dieu qui a appelé, qui a pris l’initiative, c’est lui qui a œuvré à travers Christ, mort et ressuscité, pour que nous soyons délivrés, purifiés, de nos schémas stériles et destructeurs. Pierre parle d’un prix qui a été payé, par la mort de Jésus, comme une rançon versée pour nous faire sortir de ces dysfonctionnements internes et externes qui nous tenaient en otages. Mais l’image évoque aussi les anciens sacrifices juifs, qui montraient le besoin de couvrir les fautes, de purifier les taches de notre vie.

Même sans être familier des sacrifices, la pureté nous parle ! C’est la désinfection que l’on cherche avec le sacro-saint gel hydroalcoolique ; c’est la garantie d’éliminer 100% des bactéries avec l’eau de javel ; c’est l’eau pure, potable, que l’on peut boire sans réserve une fois qu’elle a été traitée chimiquement ou de manière naturelle, avec des bactéries. Dieu nous a désinfectés, traités, assainis – et son œuvre est tellement radicale, que la recevoir c’est comme naître de nouveau !

Déterminés à être saints

Mais naître ne suffit pas : il faut grandir ! On naît pour grandir, pas pour rester nourrisson… Le projet de développement, d’éducation, de croissance, pour le chrétien se résume en un mot : la sainteté. Devenir saints, pour ressembler au Dieu qui est saint. Refléter à notre façon les couleurs qui rendent Dieu si unique et merveilleux : juste, joyeux, aimant, lumineux, fidèle, véridique, pacifique, courageux, généreux… Au lieu de chercher des influenceurs sur les réseaux sociaux, Pierre nous invite à regarder au meilleur des modèles : le Christ, image parfaite de Dieu.

Quelle pression ! Mais comme toute croissance, c’est un processus… un processus où Dieu œuvre, mais qui compte aussi sur notre détermination.

Au v.13, soyez vigilants, tenez-vous prêts à agir – littéralement, mettez une ceinture à votre intelligence : à l’époque, les vêtements étaient larges et amples, et on mettait une ceinture pour sortir. Aujourd’hui : mettez votre manteau, vos baskets, ne vous effondrez pas sur le canapé, n’allez pas vous cacher au fond du lit, mais tenez-vous prêts. Soyez prêts à faire des efforts, pour vivre à fond votre espérance. Car il y a des efforts à faire pour refléter la grâce : comme les musiciens, la plus délicate des danseuses a passé des heures, des mois, des années, à s’entraîner pour interpréter le rôle de sa vie. Nous sommes appelés à refléter Dieu – c’est notre rôle ! mais pour que la grâce se déploie, il faut que nous soyons déterminés.

L’effort fondamental et continu, c’est de se détacher des schémas anciens, des traditions surfaites, des fonctionnements vides qui conduisent à notre perte. C’est ne plus se conformer – sans pour autant vivre dans une société parallèle. Mais au milieu des autres, tenir la ligne de l’Evangile implique de faire le tri et de renoncer à certains comportements, modes de pensées, objectifs de vie, qui sont incohérents avec la grâce, qui ne sont pas sain(t)s pour nous.

Et pour nous motiver à tenir la barre en situation d’exil, Pierre rappelle que c’est sérieux ! Dieu, le grand Dieu qui nous appelle « fils » et « fille », est aussi le Juge. Pour nous les deux images ne vont pas forcément ensemble, mais dans l’Antiquité, et même jusqu’au 19e s. en France, le père de famille fonctionnait un peu comme un juge des affaires familiales. Vivre avec la crainte de Dieu, ce n’est pas avoir peur de Dieu, c’est se rappeler qu’il est passionné et exigeant, qu’il souhaite le meilleur et le plus juste en toutes circonstances, et qu’il a tout donné pour que nous vivions autrement – on ne peut pas prendre à la légère son investissement.

Vivre d’amour et de Parole 

Sur le parcours de la sainteté, deux balises aident à nous orienter : l’amour et la Parole. [clic] L’amour fraternel, dans l’église, et la Parole de Dieu, au travers des Ecritures.

L’amour de l’autre résume ce qu’est la sainteté. Mais dans ce vaste amour du prochain, que nous sommes appelés à cultiver envers tous, et Pierre y reviendra plus tard, l’amour fraternel dans l’église a une particularité : c’est une aide. L’amour fraternel n’est pas juste la convivialité (qui nous manque tant !), c’est le vis-à-vis dont nous avons besoin pour être encouragés ; c’est partager nos défis, nos questions, nos luttes, nos rêves… veiller les uns sur les autres, nous soutenir, nous conseiller. L’église, même à deux ou trois, peut nous remotiver à vivre dans l’exil qui est le nôtre quelle qu’en soit la forme. Et lorsque Pierre évoque ce qu’il faut rejeter en tant que chrétien, il prend l’exemple des mesquineries de la relation, des rumeurs, du mépris, de l’égoïsme… tout ce qui peut fragiliser les liens de la communauté et nous isoler un peu plus.

Dans cette période de distanciation physique, les relations s’étiolent aussi – alors qu’on en a besoin ! Même si on ne peut pas cultiver beaucoup de relations, peut-être choisir une ou deux personnes de confiance avec qui partager à distance pour s’entraider à tenir le cap.

Etre saint, aimer… le défi est immense ! Si nous comptons sur nos propres forces, nous retomberons dans nos travers… Nous avons besoin d’une sève nouvelle, différente, qui nous aide à vivre dans la bonté et la justice de Dieu. Cette sève, elle vient de la graine de la Parole de Dieu, plantée dans notre cœur, arrosée par le Saint Esprit. Une Parole qui nous fait voir les choses autrement, qui nous révèle les plans éternels de Dieu, son caractère, son œuvre, ses projets pour nous et avec nous… qui nourrit en nous de bonnes dynamiques, qui clarifie les objectifs, qui encourage ou qui rappelle à l’ordre pour nous garder sur le bon itinéraire. Cette parole est fiable : c’est celle de Dieu, le Dieu éternel, vrai, permanent – les principes qu’elle livre sont toujours valables, applicables différemment selon les contextes, mais toujours sensés et sûrs.

 

Puisque vous avez goûté à la bonté de Dieu, à l’extraordinaire générosité de son pardon, à la liberté qu’apporte son regard de vérité, à l’espoir que fait naître le Ressuscité, tenez bon ! Ôtez les cailloux, arrachez les mauvaises herbes, arrosez et mettez de l’engrais, bref, cultivez, auprès du Seigneur, cette plante d’espérance qui porte de si beaux fruits, même quand la météo se fait rude.

Une espérance vivante

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1 Pierre 1.1-12
1 De la part de Pierre, apôtre de Jésus Christ.
À ceux que Dieu a choisis et qui vivent en immigrés, dispersés dans les provinces du Pont, de la Galatie, de la Cappadoce, de l’Asie et de la Bithynie. 2 Dieu, le Père, vous a choisis d’avance selon un projet qui est le sien ; il vous fait vivre pour Dieu, grâce à l’Esprit saint, pour que vous obéissiez à Jésus Christ et que vous soyez purifiés par le sang qu’il a versé.
Que la grâce et la paix vous soient données en abondance !
3 Bénissons Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ ! Dans sa grande bonté, il nous a fait naître à une vie nouvelle, en ressuscitant Jésus Christ d’entre les morts. C’est pour que nous ayons une espérance vivante, 4 en attendant l’héritage que Dieu réserve aux siens. Cet héritage ne peut être ni détruit ni sali et il ne peut pas perdre son éclat. Dieu vous le réserve dans les cieux, 5 à vous que sa puissance garde par la foi, en vue du salut prêt à être révélé au moment de la fin.
6 Débordez de joie, même s’il faut que, maintenant, vous soyez attristés pour un peu de temps par des épreuves de toute sorte. 7 L’or lui-même, qui pourrait être détruit, est pourtant éprouvé par le feu ; de même votre foi, beaucoup plus précieuse que l’or, est mise à l’épreuve afin de prouver sa valeur. C’est ainsi que vous recevrez louange, gloire et honneur quand Jésus Christ se révèlera. 8 Vous l’aimez, même sans l’avoir vu ; vous mettez votre foi en lui, même sans le voir encore ; c’est pourquoi vous débordez d’une joie inexprimable, déjà glorieuse, 9 car vous atteignez le but de votre foi : le salut de votre être !
10 Les prophètes ont fait des recherches et des études sérieuses au sujet de ce salut, et ils ont prophétisé à propos du don que Dieu avait préparé pour vous. 11 Ils s’efforçaient de découvrir à quelle époque, et à quelles circonstances, se rapportaient les indications données par l’Esprit du Christ ; car cet Esprit, présent en eux, annonçait d’avance les souffrances que le Christ devait subir et la gloire qui serait la sienne ensuite. 12 Dieu révéla aux prophètes que ce n’était pas pour eux-mêmes mais pour vous qu’ils assuraient ce service. Car ces choses vous ont été annoncées maintenant par les prédicateurs de la bonne nouvelle. Ils en ont parlé avec la puissance de l’Esprit saint envoyé des cieux ; les anges eux-mêmes désirent y plonger leur regard.
La première épître de Pierre est adressée à une communauté chrétienne dispersée en Asie Mineure. Les différentes régions mentionnées au début de la lettre évoquent probablement le parcours effectué par le porteur de la lettre qui allait sans doute d’Église en Église, lire une épître qui n’était pas liée à une communauté précise mais qui revêt un caractère assez général. C’est du coup un livre biblique propre à édifier et encourager les croyants, hier comme aujourd’hui. particulièrement quand ils vivent dans un contexte peu favorable, voire hostile. C’était visiblement le cas des premiers destinataires de cette épître.

Après les formules d’usage, l’épître entre dans le vif du sujet, dès le verset 3. Pierre commence par parler d’espérance. Et il le fait avec une formule propre à cette épître, en parlant d’une “espérance vivante”. C’est sur cette belle formule que je vous propose de nous arrêter ce matin.

Notre espérance est vivante parce qu’elle naît de la vie que Dieu communique.

Il y a d’abord une raison théologique pour que Pierre parle d’espérance vivante : elle est directement liée à la résurrection du Christ, et à la vie nouvelle qui en découle : “Dans sa grande bonté, il nous a fait naître à une vie nouvelle, en ressuscitant Jésus Christ d’entre les morts.” (v.3)

Notre espérance vivante trouve son origine dans la résurrection du Christ et elle prend racine dans la vie nouvelle à laquelle Dieu nous fait naître.

Notre espérance n’est pas seulement un espoir pour l’avenir, ou même une promesse pour l’au-delà. Elle trouve son origine dans un événement du passé, un fait historique : la résurrection du Christ d’entre les morts, que nous avons encore proclamée dimanche dernier à Pâques.

Cet événement est unique, inouï, inimaginable. C’est le triomphe de la vie sur la mort ! Un séisme dont l’onde de choc se répand jusqu’à aujourd’hui, et pour l’éternité. La vie de Dieu, plus forte que tout, est la source de notre espérance vivante. Mais sans la résurrection du Christ, quelle espérance pourrions-nous avoir ?

Cette même espérance prend racine en nous par la vie nouvelle à laquelle Dieu nous fait naître. Cette vie nouvelle survient lorsque l’onde de choc de la résurrection du Christ nous atteint. C’est une expérience propre à chacun. Elle est liée pour certains à un moment précis de leur vie, à une expérience particulière, si bien qu’ils peuvent la dater, parfois à l’heure ou à la minute près. Pour d’autres, elle est plus diffuse, liée à une période de leur vie, à une prise de conscience progressive.

Peu importe le temps de la gestation spirituelle, peu importe la façon dont cette vie de Dieu nous atteint… ce qui compte, c’est que la naissance ait lieu ! Et le signe qu’elle a bien eu lieu est la présence de cette espérance vivante qui nous anime.

Notre espérance est vivante parce qu’elle est en mouvement, elle nous met en marche vers une promesse à venir.

Si elle prend bien racine dans l’histoire de l’humanité et dans notre propre histoire personnelle, l’espérance vivante dont parle Pierre se conjugue aussi au futur. Elle nous met dans l’attente d’une promesse à venir. Pour l’exprimer, Pierre utilise ici une métaphore, celle de l’héritage que Dieu réserve aux siens : “Cet héritage ne peut être ni détruit ni sali et il ne peut pas perdre son éclat. Dieu vous le réserve dans les cieux, à vous que sa puissance garde par la foi, en vue du salut prêt à être révélé au moment de la fin.” (v.4)

Cette image de l’héritage est parlante :

  • Il y a d’abord la vie nouvelle par la résurrection du Christ qui, en quelque sorte, nous donne un nom nouveau, un nom inscrit sur le testament : désormais, grâce au Christ, nous avons droit à l’héritage !
  • Il y a ensuite la garantie que cet héritage restera intact, que rien ne peut l’atteindre. Il est en sécurité, il nous est réservé et jamais Dieu ne nous déshéritera !
  • Et puis, entre les deux, il y a l’affirmation de Dieu qui nous garde, aujourd’hui, par sa puissance (ce n’est pas rien !), jusqu’au jour où nous recevrons l’héritage.

Quel est donc cet héritage ? C’est le salut pleinement révélé le jour de la révélation du Christ, pleinement accompli dans le Royaume qui vient. Avouons-le, il y a encore une part de mystère pour nous. Comment imaginer ce qui nous attend dans l’éternité avec Dieu ? Alors pour souligner la valeur inestimable de ce salut, Pierre évoque les recherches et les études des prophètes désirant ardemment connaître les merveilles que Dieu prévoyait. Et il va jusqu’à dire que “les anges eux-mêmes désirent y plonger leur regard” (v.12) Pourtant, en matière de merveilles de Dieu, ils sont bien placés !

J’ai hâte, à mon tour, de découvrir cet héritage qui nous attend… Pas vous ?

Notre espérance est vivante parce qu’elle nous rejoint dans notre vie quotidienne.

Lorsque Pierre, dans notre texte, rattache l’espérance vivante dont il parle à la vie quotidienne des croyants, ça donne un cocktail étonnant, où se côtoient joie et épreuves. Mais il ne faut pas s’en étonner. Si tout allait toujours comme sur des roulettes, si nous ne connaissions ni épreuve, ni échec, ni souffrance, ni adversité… à quoi servirait l’espérance ? Et s’il n’y avait aucune occasion de joie dans la vie chrétienne, alors pourquoi espérer et croire ?

L’espérance chrétienne est ce qui permet la balance entre les joies et les épreuves de nos vies. C’est alors qu’elle est vivante, parce qu’elle imprègne notre vie, dans son quotidien.

Mais cette espérance est morte quand elle n’est que théorique, abstraite. Quand elle est, certes, confessée dans nos déclarations de foi et nos cantiques, mais qu’elle ne nous rejoint pas dans notre quotidien, dans les temps de joie comme d’épreuve.

Elle est vivante quand elle nous fait goûter les joies et les bonheurs de la vie comme un avant-goût de l’héritage que Dieu nous réserve. Elle est aussi vivante quand elle nous donne la persévérance de traverser l’épreuve, la force de surmonter l’adversité, la confiance face à l’inconnu.

Quand la vie de Dieu imprègne notre vie, alors notre espérance est vivante !

 

Conclusion

Comment ne pas parler du besoin d’espérance dans le contexte que nous connaissons depuis une année, avec la crise du Covid et son climat anxiogène, qui fait planer comme un parfum de fin du monde ?

Or, on a parfois l’impression que pour certains croyants, leur espérance, c’est la fin du monde. Ils ont l’air de se réjouir des catastrophes et des fléaux parce que c’est le signe que la fin est proche. Mais notre espérance, ce n’est pas la fin du monde ! C’est l’avènement d’un monde nouveau. C’est comme si nous disions que notre espérance c’était la mort… Non, c’est la résurrection !

Le Royaume de Dieu qui vient est déjà là, et nous sommes appelés à le manifester aujourd’hui, par notre amour, notre solidarité, notre bienveillance. C’est aussi cela avoir une espérance vivante. L’espérance n’est pas dans la résignation. Elle n’est pas non plus dans la peur et la suspicion.

Être porteur d’une espérance vivante, aujourd’hui, c’est manifester par notre vie que le meilleur est à venir, au-delà des incertitudes et des épreuves du moment, dans le Royaume de Dieu qui vient.

L’expérience de la résurrection

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https://www.youtube.com/watch?v=MlhR9jQDGHo

La résurrection du Christ étire notre imagination au-delà de ce que nous connaissons : comment ça s’est passé ? A quoi Jésus ressemblait-il ? Comment la mort, ce point commun qui nous unit tous, peut-elle être vaincue ? Comment est-ce possible ? Par la foi, nous passons du comment ?? au comment ! Quelle victoire ! Comme il est grand !

Et notre émerveillement se nourrit de ces questions… Nous sommes émerveillés parce que nous sommes toujours un peu surpris par la résurrection, et que nous ne pouvons pas en faire le tour, en épuiser le sens, en expliquer le processus.

Or l’émerveillement n’est pas juste un instant fugace, une parenthèse annuelle ou hebdomadaire dans un quotidien ordinaire. L’impressionnante résurrection du Christ est aussi une invitation, une invitation à laisser cette réalité inimaginable s’imprimer durablement dans notre vie.

Comme Jean, Luc nous raconte la 1e rencontre entre Jésus et l’ensemble de ses disciples. C’est un texte qu’on lit finalement assez rarement… Pour remettre dans le contexte, nous en sommes à la 3e apparition du Christ ressuscité. Dimanche matin, il apparaît aux femmes venues au tombeau. Dimanche dans la journée, il va à la rencontre de deux disciples périphériques (hors des Onze, le cercle rapproché de Jésus) en route vers le village d’Emmaüs. Ceux-ci, bouleversés par leur rencontre avec Jésus, se dépêchent de revenir à Jérusalem pour tout raconter au cercle rapproché.

Lecture biblique : Luc 24.36-49

36 Ils parlaient encore, quand Jésus lui-même se présenta au milieu d’eux et leur dit : « La paix soit avec vous ! » 

37 Ils furent saisis de crainte, et même de terreur, car ils croyaient voir un fantôme. 

38 Mais Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous troublés ? Pourquoi avez-vous ces doutes dans vos cœurs ? 39 Regardez mes mains et mes pieds : c’est bien moi ! Touchez-moi et voyez, car un esprit n’a ni chair ni os, contrairement à moi, comme vous le constatez. » 

40 Il dit ces mots et leur montra ses mains et ses pieds. 

41 Comme ils n’arrivaient pas encore à croire, tellement ils étaient remplis de joie et d’étonnement, il leur demanda : « Avez-vous ici quelque chose à manger ? » 

42 Ils lui donnèrent un morceau de poisson grillé. 43 Il le prit et le mangea devant eux. 

44 Puis il leur dit : « Quand j’étais encore avec vous, voici ce que je vous ai déclaré : ce qui est écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, dans les livres des Prophètes et dans les Psaumes, tout cela devait s’accomplir. » 

45 Alors il leur ouvrit l’intelligence pour qu’ils comprennent les Écritures, 46 et il leur dit : « Voici ce qui est écrit : le Christ souffrira, et ressuscitera d’entre les morts le troisième jour, 47 et l’on proclamera son nom devant toutes les populations, en commençant par Jérusalem ; on appellera chacun à changer de vie et à recevoir le pardon des péchés. 48 Vous êtes témoins de tout cela. 49 Et j’enverrai moi-même sur vous ce que mon Père a promis. Et vous, restez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez remplis de la puissance d’en haut. »

 

La résurrection : une expérience concrète

La première partie du récit se concentre sur la rencontre entre Jésus et ses disciples.

Même s’ils savent que Jésus est ressuscité, entre l’entendre et le voir, entre l’idée de la résurrection et la réalité concrète, il y a un gouffre ! Ils croient voir un fantôme ! Tout se mélange : d’abord la peur, la terreur même, les doutes, la confusion… qui ne s’effacent pas tout de suite. Il ne suffit pas d’y croire pour avoir digéré la nouvelle ! Jésus insiste par deux fois : en montrant son corps, puis en mangeant un morceau. Il prend le temps de leur montrer que c’est vrai, oui c’est bien vrai, il est vivant !

Jésus insiste : ce n’est pas une fake news ! Il est vraiment ressuscité !

On l’éprouve (dans les deux sens !) depuis plus d’un an : la présence physique est le plus haut degré de réalité. C’est ce qui fait que les visio-conférences ou les appels téléphoniques sont bien, mais… moins que d’être ensemble. Ce sont des ersatz – dont on est reconnaissants, mais qui ne remplacent pas l’intensité de ce que l’on peut vivre ensemble, physiquement.

Jésus prend la peine d’insister sur la réalité concrète de la résurrection (touchez-moi, palpez-moi, regardez-moi mâcher ce poisson grillé) : la résurrection est complètement réelle – pas seulement sur le plan spirituel (comme si l’âme seule était concernée), ni sur le plan symbolique (comme une belle idée, l’image d’un nouveau départ). Touchez votre chaise (ou votre canapé !), touchez vos mains… Le Christ ressuscité est tout aussi réel.

Comme l’herbe au printemps perce le sol durci par l’hiver, le Christ a percé la mort pour en faire surgir une vie concrète, durable, appelée à fleurir et à porter du fruit.

 Une expérience à interpréter

Mais Jésus ne s’arrête pas à l’expérience : comme avec les disciples sur le chemin d’Emmaüs, il va « ouvrir leur intelligence » et leur montrer combien ce qu’il a vécu est en accord avec les prophéties juives. Les disciples sont perturbés par la surprise de voir Jésus vivant à nouveau, d’autant plus que sa crucufixion ressemblait un échec : condamné dans des conditions injustes, déshonoré et humilié, mis à mort comme la pire des ordures.

Jésus n’explique pas « comment », mais il rappelle pourquoi, il rappelle le sens de ce qui s’est passé. Tout ce qui est indigne de Dieu, tout ce qui est indigne de la vie pleine et entière que nous désirons au plus profond de nous, tout ce qui contrarie / tord / dévie / contredit ce que nous sommes appelés à vivre et à être – des bénédictions remplies de la bénédiction de Dieu – tout ce qui nous fait honte, nous vide, nous désoriente : la Bible appelle cela le péché, le nôtre individuellement, inscrit dans la distorsion de notre monde, qui ne tourne pas rond. Et le cœur de l’Evangile, la Bonne Nouvelle que Jésus annonce : Dieu ne nous a pas laissés écrasés par la souffrance, empêtrés dans nos travers, mais il est venu parmi les humains en plein milieu de ces situations de mort, jusque dans la mort elle-même, pour les porter à notre place. Lui, qui est digne de toute gloire, absorbe et couvre nos indignités. Par sa résurrection, il prouve qu’il a encaissé tous les coups de l’accusation, et qu’il se tient maintenant debout, victorieux. Qui d’autre pourrait nous relever et nous remettre en marche ?

La main bien réelle qu’il nous invite à toucher est une main tendue.

Mais il faut la saisir ! C’est le changement dont parle Jésus, parfois traduit « repentance », la « metanoia » / conversion/ demi-tour qui nous fait revenir vers Dieu, pour chercher auprès de lui notre salut, et non en nous ou autour de nous. Pour chercher celui qui est en haut, debout, et qui seul peut nous relever.

Dans ce mouvement, on renonce – à nos illusions, à notre orgueil mal placé, à nos pratiques toxiques – et on adopte : le Christ, sa perfection qu’il partage avec nous, sa connexion avec Dieu. La Bonne Nouvelle qu’incarne Jésus, c’est qu’il suffit de nous tourner vers Dieu pour qu’une nouvelle vie soit possible – ici-bas, et pour toujours, dans la présence et la paix de Dieu. Si nous avons la foi, la confiance en Christ, il percera tout ce qui est mortifère comme il a percé la mort au matin de Pâques. Aujourd’hui, demain, autant de fois qu’il le faut, pour que nous soyons reconnectés avec Dieu, comblés par son amour et sa paix.

Cette bonne nouvelle ne peut pas s’arrêter aux quelques disciples qui sont là ! L’humanité entière est empêtrée, écrasée, d’une façon ou d’une autre, plus ou moins, mais où que l’on regarde, aujourd’hui comme dans l’Antiquité, il y a besoin du secours de Dieu en Christ, d’un nouveau départ pour une vie nouvelle, façonnée par la justice, la vérité et l’amour (rien que ça ! mais c’est ce que Dieu promet, puisque c’est ce qu’il est !).

Alors que les disciples sont encore en train de raccorder les wagons, de digérer l’expérience et d’en saisir le sens, Jésus leur confie une mission : partager ce qu’ils ont reçu, cette promesse et cette invitation. Et pour porter ce message, il leur promet l’aide de Dieu lui-même, par son Esprit, qui leur donnera de l’intérieur sagesse et force, intuition et compassion.

Témoins ordinaires d’un Christ extraordinaire

C’est la spécificité de ce texte : Jésus envoie ses disciples comme témoins.

Qui est témoin ? Les disciples… ceux qu’on appellera apôtres, « envoyés », qui proclameront les premiers le message du Christ mort et ressuscité, celui qui accomplit les prophéties juives, celui qui répond aux besoins de tous.

Comment nous situer, nous, à leur suite ? Est-ce que seuls les pasteurs, missionnaires, évangélistes, sont témoins ? Même si les personnes qui ont ces ministères ont un rôle spécifique à jouer, tous les disciples sont appelés à être témoins. Le texte de ce matin nous donne plusieurs encouragements dans ce sens :

  • D’abord, les disciples sont normaux. Ordinaires. Sujets à la peur, au doute, à l’ambiguïté d’une joie qui se mélange aux questions. Les disciples sont des gens normaux, comme nous…
  • Et puis le champ de mission reste le même… Partout où nous allons, partout où nous vivons, nous côtoyons des personnes qui ont besoin de Dieu, et que Dieu appelle, qu’elles s’en rendent compte ou non.
  • Ce qui va nourrir leur témoignage, c’est l’expérience de la rencontre avec le Christ vivant. Même si nous n’avons pas touché Jésus ce fameux dimanche, peut-être que nous l’avons vu dans une vision ou un rêve, peut-être que nous avons été rempli de son amour immense, peut-être que nous avons été délivrés d’un poids qui écrasait nos épaules, peut-être que nous avons enfin trouvé un sens à notre vie… La façon dont Dieu communique avec nous aujourd’hui n’est peut-être pas visible, mais elle est forte et réelle.

Parfois nous hésitons à parler de notre foi, parce que nous avons peur des questions auxquelles nous n’aurions pas de réponse. Mais les premiers disciples n’ont pas réponse à tout, ils ont encore des doutes !… C’est de ce qu’ils connaissent, de ce qu’ils vivent avec Dieu grâce au Christ, qu’ils sont appelés à rendre témoignage.

  • A côté de notre expérience, deux éléments forment le trio gagnant : la Bible, qui consigne les Ecritures – les disciples seront convaincus par les Ecritures qui éclairent et donnent sens à leur expérience. On peut se méprendre sur un sentiment, un événement, une expérience : c’est la Bible qui nous aide à déchiffrer ce qui arrive.

Et puis le Saint Esprit, en nous, qui oriente, éclaire, convainc, soutient… Ce n’est pas notre force ou notre intelligence qui va bouleverser ceux qui nous entourent : c’est Dieu dans la puissance de son amour qui touchera les cœurs tourmentés…

Mais nous, nous pouvons être témoins de ce que nous avons vécu, de ce que nous avons compris grâce à la Parole de Dieu, confiants que Dieu lui-même par son Esprit nous souffle les paroles et les gestes par lesquels il veut rejoindre nos proches.

La résurrection du Christ est impressionnante… elle nous émerveille, bien plus, elle a vocation à s’imprimer en nous, sur nous, comme un tatouage lumineux qui recouvrirait peu à peu notre vie. Le support, c’est juste nous, ce que nous vivons avec Dieu – l’encre, Dieu la fournit, et le message aussi.