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Vivre la fraternité (5) L’amour sans frontières

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En Christ, nous sommes frères, et sœurs, par la foi. Un même Père, Dieu, un même Sauveur, Jésus, un même Esprit dans notre cœur, une même espérance – voilà de quoi fonder notre lien fraternel, au-delà des affinités, des accrocs du temps ou des malentendus. En Christ, nous sommes frères et sœurs, appelés à vivre entre nous l’amour qui vient de notre Dieu. Ca fait un mois que nous explorons quelques implications de cette affirmation.

Mais la richesse de ce que nous pouvons vivre dans cette « famille » qu’est l’Eglise pose indirectement une autre question. Que faire envers ceux qui ne sont pas des nôtres ? Qui ne sont pas de notre famille ? C’est magnifique de voir une famille unie, mais vous l’avez peut-être déjà vu, certaines familles très unies sont aussi des clans impénétrables, où ils se serrent tellement les coudes qu’ils tournent le dos à ceux de l’extérieur.

C’est vrai pour tous les groupes, mais dans l’église particulièrement. Plus on partage de points communs ensemble, plus c’est difficile de s’ouvrir à ceux qui ne nous ressemblent pas. Exalter nos liens fraternels peut nous conduire à poser la question : mais au fait, quel lien – et y a-t-il un lien ? – avons-nous avec les autres ? Ceux qui ne nous ressemblent pas, ceux qui ne partagent pas notre essentiel, ceux qui parfois nous choquent ou nous heurtent dans ce que nous avons de plus précieux !

Cette question, on se la posait déjà à l’époque de Jésus…

Lecture biblique : Luc 10.25-37

25 Alors (un juif) un maître de la loi arrive. Il veut tendre un piège à Jésus et lui demande : « Maître, qu’est-ce que je dois faire pour recevoir la vie avec Dieu pour toujours ? » [= pour être sauvé]

26 Jésus lui dit : « Qu’est-ce qui est écrit dans la loi ? Comment est-ce que tu le comprends ? » 27 L’homme répond : « Tu dois aimer le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être, de toute ta force et de toute ton intelligence. (Deutéronome 6.5) Et tu dois aimer ton prochain comme toi-même. (Lévitique 19.18) » 28 Jésus lui dit : « Tu as bien répondu. Fais cela et tu vivras. » (à une autre occasion, racontée dans l’évangile de Matthieu, Jésus donne quasiment la même réponse)

29 Mais le maître de la loi veut montrer que sa question est juste. Il demande à Jésus : « Et qui est mon prochain ? » 

Le maître de la loi, cet érudit, cet expert en droit religieux juif, avec sa question rejoint ce que nous évoquions tout à l’heure : qui dois-je aimer ? Sous-entendu : qui puis-je ne pas aimer ? Il ne s’agit pas de haïr ou de faire du mal, mais n’y a-t-il pas des groupes que je pourrais laisser de côté ? Depuis plusieurs siècles avant Jésus, on se donnait des limites : tu dois aimer ton prochain, mais ton prochain c’est le Juif. Celui qui ne te ressemble pas, celui qui t’envahit (Israël est à l’époque sous domination étrangère, romaine) ou celui qui menace ton identité personnelle ou communautaire – celui-là, ne te sens pas obligé de l’aimer !

Même si nous ne vivons plus dans le même contexte, il nous arrive d’avoir nos critères pour délimiter une définition acceptable du « prochain » à aimer. Pour certains, ce sera un critère religieux : ceux qui croient comme nous ; ou un critère ethnique (ça s’est fait ! le racisme n’est malheureusement pas loin de nous !) ; ou un critère social (on évite ceux qui sont « en-dessous » de nous, ou ceux qui sont très au-dessus) ; ou encore un critère éthique, en fonction des choix de vie que font les uns et les autres et qui peuvent être en opposition radicale avec nos valeurs.

30 Jésus répond (par une histoire): « Un homme descend de Jérusalem à Jéricho. Des bandits l’attaquent. Ils lui prennent ses vêtements, ils le frappent et ils s’en vont en le laissant à moitié mort. 31 Par hasard, un prêtre descend aussi sur cette route. Quand il voit l’homme, il passe de l’autre côté de la route et continue son chemin. 32 Un lévite (chargé d’assister les prêtres, au culte) fait la même chose. Il arrive à cet endroit, il voit l’homme, il passe de l’autre côté de la route et continue son chemin.

Un homme est sur le bas-côté : Jésus choisit une victime non identifiée, dont on ne saura pas si, aux yeux de l’expert juif, elle est éligible comme prochain.

Passent deux hommes, qui ont la même réaction : ils voient la victime à moitié morte et changent de trottoir. On a pu justifier leur attitude à cause de leur fonction religieuse et de leur service au Temple : comme toucher un cadavre (et de loin, la victime y ressemble) empêche de servir au Temple pour cause d’impureté (on ne touche pas un mort avant d’aller prier le Dieu de la vie), le prêtre et le lévite auraient eu une raison de passer leur chemin.

En fait, dans la tradition juive, un prêtre pouvait, exceptionnellement, prendre soin d’un cadavre qui aurait été abandonné sans se rendre impur. De toute façon, Jésus ne donne pas d’explication – et ça ouvre la porte à nos bonnes excuses : « oui, mais la route est dangereuse. Je n’ai pas le temps. Clairement cette personne l’a cherché – elle a bu, elle est droguée, court vêtue… »

33 Mais un Samaritain en voyage arrive près de l’homme. Il le voit, et son cœur est plein de pitié pour lui. 34 Il s’approche, il verse de l’huile et du vin sur ses blessures et il lui met des bandes de tissu. Ensuite, il le fait monter sur sa bête, il l’emmène dans une maison pour les voyageurs et il s’occupe de lui. 35 Le jour suivant, le Samaritain sort deux pièces d’argent, il les donne au propriétaire de la maison, et il lui dit : “Occupe-toi de cet homme. Ce que tu dépenseras en plus pour lui, je le rembourserai moi-même quand je reviendrai par ici.”  »

Un Samaritain… Pour nous, c’est le bon samaritain. La bonne pâte. Mais pour ce maître de la loi, Jésus évoque un faux frère. Les Samaritains sont un peuple aux origines mi-juives mi-païennes, aux croyances mixtes, des hérétiques et des bâtards que les Juifs détestaient. Ils évitaient même de traverser leur territoire ! Jésus met en contraste d’un côté la quintessence du bon Juif (prêtre, lévite, ceux que tous admirent, les prochains par excellence !) et un Samaritain, le dernier de ceux qu’un Juif inviterait chez lui. Un homme qui suscite le recul et le dégoût… Qui ce serait pour vous ?

Et c’est ce Samaritain que Jésus donne en exemple : il n’y a plus frontières. Il vient en aide au blessé, apporte les premiers secours et l’emmène se faire soigner, tous frais payés.

36 Et Jésus demande : « À ton avis, lequel des trois voyageurs a été le prochain de l’homme attaqué par les bandits ? » 37 Le maître de la loi répond : « C’est celui qui a été bon pour lui. » Alors Jésus lui dit : « Va, et toi aussi, fais la même chose ! »

Pour conclure la discussion, Jésus revient à la question du prochain, mais il la renverse : ce n’est plus « qui est (éligible pour être) mon prochain, pour que je l’aime ? » mais « qui aime vraiment ? Qui est le prochain de la victime ? » Il ne s’agit plus de mettre des frontières, de définir des degrés de proximité avec un barème d’aide dégressif, mais de se mettre au service de celui que l’on croise. Pour Jésus, l’amour est sans frontières.

Devenir un prochain qui aime

Qu’est-ce qui caractérise ce Samaritain ? Qu’est-ce qui fait de lui un prochain ?

Le point clef, là où tout commence, c’est dans son cœur : il est pris de pitié. Le terme exact, c’est : il est pris aux tripes, une expression qui évoque la compassion. Pas la condescendance ! Mais il se laisse toucher, bouleverser par la situation. Quand le cœur est convaincu, la faisabilité de l’opération n’est plus un problème. Tout commence par le cœur.

Cette compassion viscérale, dans les Evangiles, on ne la trouve que chez Jésus ou dans des histoires qui parlent de Dieu (le père du fils prodigue p. ex.) – c’est une qualité divine par excellence ! Jésus ému de compassion devant les foules affamées et désorientées… Emu de compassion devant nous, au point de donner plus que les premiers secours, plus qu’un séjour en maison de repos : Jésus porte nos maladies, nos blessures, notre mort dans sa mort, afin de nous donner la vie.

Comment être le prochain qui aime comme Dieu aime ? D’abord en laissant Dieu nous remplir de sa compassion pour ceux qui nous entourent. En demandant à Dieu de modeler notre cœur, nos tripes, par son Esprit. Dans la prière : « Seigneur, quand je ne vois pas mon prochain, donne-moi ton regard. Quand je suis tentée de passer mon chemin, donne-moi ton cœur. » Et le Saint Esprit de Dieu en nous travaille, travaille, pour que nous devenions semblables à Dieu au plus profond de nous, et que ça imprègne tout ce que nous faisons.

Etre le prochain de ceux qui nous entourent : vous remarquez que le Samaritain ne toque pas à toutes les portes pour proposer ses services ! Mais quand le cas se présente, il ne se défile pas. Il se rend disponible. Bien sûr nous pouvons croiser des centaines de gens dans la même journée, mais statistiquement, la personne qui a vraiment besoin de votre aide dans votre entourage, ça n’arrive pas toutes les deux minutes ! Et le critère pour venir en aide à l’autre, ce n’est pas qui il est, mais son besoin. Et là encore, c’est la prière : Seigneur, je veux me rendre disponible à ce que tu veux faire de bien dans mon entourage. Que je sois tes mains et ta voix.

Enfin, l’action ! L’amour dont parle Jésus est un amour concret, un amour de service, qui vient en aide à l’autre. Et cet amour-là, on peut le donner à tous, peu importe ce qui pourrait nous diviser. L’exemple du Samaritain montre un service qui va jusqu’au bout du besoin de la victime : ne nous mettons pas de limites d’avance ! Laissons-nous guider par Dieu et par le besoin de l’autre, osons une vraie rencontre, une vraie écoute. Cela dit, le Samaritain gère aussi ses priorités, il ne reste pas jusqu’au bout, il assume un certain retard mais il prévoit aussi un relais. Il n’y a pas  de recette, mais son exemple montre qu’aller loin dans le service n’implique pas forcément de s’y noyer. Là encore, c’est en demandant l’inspiration de Dieu qu’on trouvera le bon équilibre.

Et en église? 

La question que posait le scribe concernait l’attitude individuelle du croyant. Mais c’est aussi une question d’église : si les communautés de croyants sont appelées à manifester le caractère du Christ dans ce monde, alors sa compassion sans frontières est incontournable. En quoi notre communauté reflète-t-elle la compassion de Dieu pour ce monde ? Ce n’est pas vraiment notre point fort… C’est sûrement un point où nous devons grandir en priorité. Et ça commence dans la prière : Saint Esprit, travaille notre communauté ! Travaille notre cœur, bouleverse-nous comme le Christ s’est laissé bouleverser !

Et encore dans la prière : montre-nous, montre-nous qui sont nos prochains ici. Est-ce que c’est des membres de notre communauté qui traversent des difficultés – financières, personnelles, physiques ? Où dans notre quartier pourrions-nous être utiles ? Vers Jolimont, Marengo, Bonnefoy, la Roseraie ? Y a-t-il des associations où nous pouvons nous investir ?

Tout le monde ne prendra pas forcément l’initiative, mais il suffit de quelques uns qui imaginent des projets où nous pouvons ensuite largement nous investir, pour refléter ensemble la compassion du Christ.

Prions. Seigneur, si nous vivons c’est grâce à ta compassion viscérale pour nous. C’est ton amour sans frontières qui nous a rejoints et sauvés, malgré ce qui nous séparait de toi. Par la foi nous t’aimons, mais nous voulons aussi te ressembler en aimant ceux que tu mets sur notre route. Et nous t’en prions : transforme-nous à ton image. Si nous manquons de compassion, si notre cœur s’est asséché, viens le transformer. Donne-nous tes priorités, tes motivations, tes tripes.Si nos yeux sont aveugles, éclaire-nous, montre-nous qui est le prochain sur le bord de notre route. Si nos mains sont fermées, viens les ouvrir pour que nous puissions ensemble te ressembler et témoigner de ton amour.

 

Vivre la fraternité (4) Vivre l’unité

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https://soundcloud.com/eel-toulouse/vivre-la-fraternite-4-vivre

Il y a aujourd’hui entre 2 milliards et 2,5 milliards de chrétiens dans le monde. Tous ne sont pas pratiquants mais ça représente quand même environ un tiers de la population mondiale. Plus d’un milliard sont catholiques, 900 millions protestants, et puis il y a les orthodoxes, les orientaux, les anglicans ou d’autres…

En France, il y aurait plus de 40 millions de chrétiens (plus ou moins pratiquants), avec une très forte majorité de catholiques. Les Protestants seraient autour de 2 millions. Et pour combien d’Eglises et d’Unions d’Eglises ? Bien plus de 50 Unions d’Eglises différentes ! Certaines sont membres de la Fédération Protestante de France, d’autres du Conseil National des Evangéliques de France, certaines des deux… et d’autres encore d’aucun des deux !

En janvier, nous sortons de deux semaines de prière pour l’unité des chrétiens. Deux semaines différentes, à une semaine d’écart ! Là encore, certaines Eglises participent aux deux, d’autres à une seule, voire à aucune des deux…

Franchement, est-ce que vous trouvez ça normal ? Tout le monde se dit chrétien, disciple de Jésus-Christ, et chacun marche de son côté… quand on ne se tire pas dans les pattes les uns des autres !

Bien-sûr, vous me direz que c’est compliqué, qu’il y a des histoires différentes, des traditions et des pratiques différentes, des divergences théologiques… Il ne suffit pas de claquer des doigts pour balayer ces difficultés, et dire que finalement on est tous pareils et qu’on devrait tous se retrouver dans une seule Eglise. Ce serait irréaliste, naïf.

Mais peut-on vraiment se satisfaire de cette dispersion ? Peut-on vraiment se contenter de dire que l’unité de l’Eglise est en Jésus-Christ, qu’elle est spirituelle, qu’elle ne dépend pas de nous ? Peut-on parler de fraternité chrétienne en excluant tous ceux qui n’appartiennent pas à notre Eglise ou qui ne partagent pas nos convictions théologiques ? Ou dire que c’est mon Eglise qui est fidèle, et que l’unité passe par l’intégration à mon Eglise !

Vivre la fraternité, c’était aussi vivre l’unité ! Mais qu’est-ce qu’on entend par là ? Et comment le vivre ? Pour répondre à cette question, je vous propose de lire un extrait de la dernière prière de Jésus pour ses disciples, en Jean 17.

Cette prière clôt les discours d’adieu de Jésus à ses disciples. On y trouve ses dernières instructions : la promesse du Saint-Esprit, l’annonce de son retour, l’avertissement que ça ne sera pas toujours facile pour eux, l’importance de l’amour les uns pour les autres… Dans sa prière, il s’en remet d’abord à son Père : « Maintenant, Père, donne-moi cette gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde existe. » (v.5). Ensuite il prie pour ses disciples, pour leur mission dans le monde : « Je ne te demande pas de les retirer du monde mais je te demande de les protéger du Mauvais. » (v.15). Et puis, à la fin, il élargit sa prière, au-delà de ses disciples :
Jean 17.20-23
20 « Je ne prie pas seulement pour mes disciples. Je prie aussi pour ceux qui croiront en moi à cause de leur parole. 21 Que tous soient un ! Père, tu vis en moi et je vis en toi. De la même façon, que tous soient un en nous, ainsi le monde croira que tu m’as envoyé.
22 « Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée. Alors ils seront un, comme nous sommes un, 23 moi en eux et toi en moi, ainsi ils seront parfaitement un. Alors le monde saura que tu m’as envoyé, et que tu les aimes comme tu m’aimes.

On comprends bien qui est concerné par cette prière : « ceux qui croiront en moi à cause de leur parole. » (v.20) On peut difficilement faire plus large… Il s’agit de tous les croyants, dans toutes les générations, depuis les premiers disciples. Bref, nous sommes concernés !

Or, dans ces quatre versets, l’objet de la prière de Jésus est claire. Il le répète quatre fois : « Que tous soient un ! » (v.21), « Que tous soient un en nous » (v.21), « alors ils seront un » (v.22), « ainsi ils seront parfaitement un » (v.23) !

Si on n’a pas compris, je ne sais pas ce qu’il faut faire… Jésus prie pour l’unité de ses disciples. Et s’il insiste autant, c’est qu’il devait se douter que cette unité n’irait pas de soi. Et il ne la présente pas comme une option facultative mais comme un absolu : « que tous soient un » et l’objectif est d’être « parfaitement un ».

Jésus précise toutefois une condition qui rend possible cette unité. Au verset 21 : « Père, tu vis en moi et je vis en toi. De la même façon, que tous soient un en nous. » De même ensuite, il précise : « ils seront un, comme nous sommes un, moi en eux et toi en moi » (v.22-23).

L’unité est donc en Christ, elle est reçue de Dieu. Les hommes n’ont pas à la construire artificiellement… C’est vrai ! Mais ne peut-on pas dire aussi que ne pas la vivre, c’est refuser ce que Dieu veut donner ?

D’autant que l’enjeu est de taille, souligné deux fois par Jésus. Au verst 21 : « ainsi le monde croira que tu m’as envoyé. » et au verset 23 : « Alors le monde saura que tu m’as envoyé, et que tu les aimes comme tu m’aimes. » L’enjeu, c’est le témoignage, la gloire de Dieu. L’unité de l’Eglise est un témoignage en faveur de l’unique Christ, qui nous unit dans notre diversité. Et la division est donc forcément un contre-témoignage.

Vivre l’unité n’est pas une option facultative pour le chrétien. On ne peut pas être personnellement en communion avec le Christ sans rechercher la communion avec les autres chrétiens, parce qu’eux aussi sont en communion avec le Christ : « ils seront un, comme nous sommes un, moi en eux et toi en moi ».

Bref, ma relation aux autres chrétiens dit quelque chose de ma relation à Dieu !

Ma relation aux autres chrétiens dit quelque chose de ma relation à Dieu

Elargir/approfondir mes relations

Qu’est-ce que la vie chrétienne, sinon le fait d’approfondir sa relation avec Dieu ? Avec toutes les conséquences que ça implique pour ma vie, mon comportement, mes relations, etc… Et justement, il me semble qu’une de ces conséquences devrait être le fait d’élargir et d’approfondir mes relations avec les autres chrétiens, ceux qui appartiennent à d’autres confessions que la mienne et qui sont aussi, à leur façon, dans une relation avec le Christ.

Mais pour cela, deux qualités sont à développer : l’ouverture et la curiosité. L’ouverture pour être capable d’accueillir ce que je ne connais pas encore. Et la curiosité pour aller chercher chez l’autre des richesses nouvelles. L’ouverture et la curiosité permettent la véritable rencontre, en surmontant les a prioris et les peurs.

Il me semble d’ailleurs que l’ouverture et la curiosité sont aussi importantes dans ma relation à Dieu. C’est terrible quand on pense tout comprendre et tout connnaître de Dieu ! En réalité, on est sûr de se tromper, parce que c’est impossible ! Être ouvert à Dieu, c’est le laisser nous surprendre et ne pas l’enfermer dans un système théologique clos. Être curieux de Dieu, c’est le chercher, encore et encore, tout au long de notre vie. Avoir envie de toujours mieux le connaître.

Et si nous avions le même élan dans notre relation aux autres chrétiens ? Car c’est aussi terrible quand on pense tout comprendre et tout connaître des autres ! “Je n’ai pas besoin de les rencontrer, je les connais !”

Un chrétien qui ne cultive pas l’ouverture et la curiosité est un chrétien qui s’enferme, dans sa vision des autres et, pire, dans sa vision de Dieu !

Exercer mon discernement

Il ne s’agit pas pour autant de gommer toute différence, ni même de nier les divergences qui existent ! Ce n’est pas parce qu’on cherche à élargir ses relations qu’on perd tout esprit critique ! Être ouvert et curieux ne signifie pas être naïf. Au contraire, l’esprit critique est essentiel, dans toute relation authentique… mais pas l’esprit de jugement. Celui qui est animé d’un esprit critique écoute et interroge, il approfondit, il réfléchit, il se positionne. Celui qui est animé d’un esprit de jugement enferme, il critique sans réfléchir, et finalement il n’écoute pas.

Dans le regard que nous portons sur les autres, et en particulier les autres chrétiens, quel esprit nous anime ?

On entend dire parfois : “Si on va à la rencontre des chrétiens d’autres confessions, on risque de perdre notre identité ou de mettre en péril nos convictions !” Au contraire, je crois que le dialogue et la rencontre forgent notre identité et renforcent nos convictions, soit en les enrichissant d’autres traditions, soit en discernant chez l’autres des convictions ou des pratiques que nous ne partageons pas… mais alors on sait pourquoi.

La rencontre nous fait grandir. Elle affine notre discernement, éclairé par le Saint-Esprit. Ce même discernement qui est essentiel dans notre vie chrétienne, pour nos choix de vie, pour nos orientations… et pour notre cheminement avec Dieu.

Conclusion

Finalement, pourquoi est-ce si important de chercher à vivre l’unité ? Parce que cela me donne l’occasion de rencontrer, chez l’autre, le même Christ qui vit en moi. Je ne parle pas ici d’institution et d’Eglises d’un point de vue structurel. Je parle de chrétiens, d’hommes et de femmes, de disciples du Christ. Certes, ils peuvent avoir des traditions, des façons d’exprimer leur foi différents de moi, et qui parfois m’étonnent ou me dérangent… Bien-sûr qu’on n’est parfois en désaccord ! Mais dites-vous bien que pour eux, ma façon de dire et de vivre ma foi peut leur paraître aussi tout à fait étrange !

L’enjeu est dans la rencontre du Christ, chez l’autre. Il s’agit de se rapprocher du Christ pour se rapprocher de nos frères et sœurs… et de se rapprocher de nos frères et soeurs pour se rapprocher du Christ !

Vivre la fraternité (3) Jusqu’au bout

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Jusqu’où ? Quelle est la limite ? Sous quelles conditions ? Quelles sont les petites lettres en bas du contrat, ou les pages cachées derrière le lien « en cliquant sur cette case, vous acceptez  les conditions générales d’utilisation/ les conditions générales de vente et d’achat… » ? Dès qu’on souscrit à un contrat, qu’on accepte une responsabilité, qu’on signe un papier, la question c’est : jusqu’où ? Qu’est-ce que ça va me coûter ? Quelles sont les limites de notre, ou de leur, engagement ?

Depuis deux semaines, avec Vincent on vous parle d’amour. De fraternité. C’est un des leitmotivs de Dieu, de Jésus, de la Bible : aimez-vous. A peu près tout le monde, chrétien ou pas, prône l’amour – mais jusqu’où ? Jusqu’où aimer ? Jusqu’où pardonner ? A quoi nous engage cette fameuse fraternité ? Cet amour dont parle Jésus ? Est-ce que je dois aimer la personne qui m’agace ? Qui me blesse ? Qui m’ignore ? Qui me choque ? Qui me veut du mal ? On parle de fraternité dans l’église, mais jusqu’où ?

Il y a deux semaines, un texte de l’apôtre Jean définissait notre condition : par notre foi partagée, en Christ, nous sommes frères, car enfants du même Dieu. Dimanche dernier, Vincent a abordé un défi particulier : la diversité – comment être frères quand on est différents, quand on ne se comprend pas ? Et aujourd’hui : comment être frères quand on s’est fait mal ? Quand on est en désaccord – pas un simple malentendu, mais qu’on est blessé, déçu, choqué ? Dans bien des fratries, la fraternité rencontre des couacs ; dans l’église aussi ! Que fait-on quand ça frotte, quand ça se déchire ?

Inspiré par Dieu, l’apôtre Paul, disciple de Jésus, nous apporte une réponse, souvent lue dans les mariages (vous allez peut-être reconnaître). Mais il n’écrit pas pour des couples ! Il écrit à une église marquée par les divisions, les rivalités, les frottements, et il les exhorte à aimer – pas comme un beau sentiment enrobé de barbe à papa, mais dans le concret des relations réelles, avec leur passif.

Lecture biblique : 1 Corinthiens 13.4-8

4 L’amour est patient, l’amour rend service. Il n’est pas jaloux, il ne se vante pas, il ne se gonfle pas d’orgueil. 5 L’amour ne fait rien de honteux. Il ne cherche pas son intérêt, il ne se met pas en colère, il ne se souvient pas du mal. 6 Il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il se réjouit de la vérité. 7 L’amour excuse tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout.

8 L’amour ne disparaît jamais.

Alors, cet amour ! L’amour que Paul décrit n’est pas le sentiment passionné que nous pouvons ressentir pour nos enfants, notre conjoint, nos familles. Si je retraduis, il s’agit de patience, de serviabilité, d’humilité. De bienveillance et d’encouragement, d’honnêteté, de confiance. Paul décrit en fait une posture, une attitude, un caractère qui se manifeste dans toutes nos actions, dans toutes nos relations, un genre de réglage par défaut qui s’applique quelle que soit la personne. Celui qui aime, c’est celui qui ne se met pas en avant mais qui fait une place à l’autre pour lui faire du bien.

Un amour jusque-boutiste

Le problème c’est ce petit mot : « tout ». « L’amour excuse tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout ». Alors je pourrais vous rassurer, me rassurer, en relativisant, en donnant des définitions subtiles, en rappelant les exceptions possibles, en faisant appel au bon sens pour bloquer ce qui est intolérable. Mais ce n’est pas ce que fait Paul ! Il ne dit pas que tout est excusable, mais que celui qui aime doit être prêt à tout pardonner. A offrir une nouvelle chance quoi qu’il arrive. A accepter l’autre tel qu’il est, même quand il nous fait bondir. Il est fou, Paul ou quoi ? Il y a des limites, quand même ! Non, dit Paul : l’amour va jusqu’au bout.

Bon, Jésus disait la même chose : aime ton ennemi, quand tu demandes pardon à Dieu rappelle-toi de pardonner toi aussi, aimez-vous comme je vous ai aimés… Oui mais c’est Jésus, c’est facile pour lui, il est parfait ! (c’est ce qu’on se dit, non ?) Mais Paul… Paul a connu les mêmes églises que nous, avec les mêmes chrétiens que nous : des gens qui se chamaillent (Ph 4), immoraux, tricheurs, menteurs, colériques, violents, paresseux, profiteurs, orgueilleux, cupides… Paul n’a pas fréquenté des chrétiens modèles, non, c’était les mêmes que vous et moi ! Il s’en est pris plein la figure, il a été trahi, attaqué, traîné dans la boue. Et c’est ce même Paul qui dit : l’amour pardonne tout. L’amour n’a pas de conditions. Celui qui aime n’a pas de limites.

L’amour chrétien n’est pas une vague bienveillance béate, souriante et aseptisée, avec des petites fleurs dans les cheveux et un pendentif de licorne. L’amour que Dieu nous appelle à vivre est un amour extrême, radical, jusque boutiste. Un amour qui sera testé, et re-testé, et re-testé, par ceux qui nous entourent. Un amour ambitieux.

En fait, Dieu nous demande d’avoir pour les autres le même amour que lui a pour nous : un amour têtu, obstiné, qui choisit l’espoir à chaque impasse. Dieu a aimé des gens décevants, blessants, usants – peut-être qu’on ne se définit pas nous-mêmes comme ça, mais c’est ce qu’on est : je blesse autant que je suis blessée ! Je fatigue autant qu’on me fatigue ! L’enfer, ce n’est pas que les autres, c’est moi aussi – mais Dieu nous a aimés ! Avec notre mesquinerie, notre bêtise, notre vanité, nos déviances et notre indifférence. Il s’est donné pour des gens comme nous. Nous ne sommes peut-être pas les pires qui puissent exister, mais nous pouvons facilement nous rendre insupportables. Pourtant Dieu nous supporte, il nous aime, il est patient, serviable, il dépasse sa colère et ses frustrations, il cherche ce qui est bon pour nous, il met de côté nos erreurs et nos fautes, il croit tout, il excuse tout, il espère tout, il supporte tout.

Jésus a dit : aime ton ennemi, tout le monde peut aimer ses amis. Aime ton frère. Mais quand un frère ou une sœur de l’église nous blesse, ou nous déçoit, qu’est-ce qu’on fait ? Il n’y a pas de catégorie entre « frère avec qui je m’entends bien » et « ennemi », une zone au milieu où on n’aurait pas à aimer : c’est depuis le frère jusqu’à l’ennemi. Et quand mon frère se rapproche de l’ennemi, me trahit ou me casse, Jésus nous dit là aussi : aime-le.

citation CS Lewis : « Il est plus facile d’être enthousiaste pour l’Humanité [ou l’Eglise en général !] que pour des individus exaspérants, dépravés, ou peu attirants d’une manière ou d’une autre »

Un défi impossible

Aimer jusqu’au bout, c’est impossible ! C’est inhumain ! Même dans l’église.

L’église, comme toute famille, est un lieu formidable & terrible. Formidable car nous y avons une même référence, le Christ, une même énergie, l’Esprit, une même espérance. Nous nous sentons chez nous. Mais terrible car nous y avons tant d’attentes : que ce soit comme notre famille naturelle, ou bien mieux. Que tout s’y passe bien, que tout coule, car on se rassemble autour de Dieu – mais la diversité de nos attentes, nos cultures, nos caractères conduit fréquemment à des déceptions, des malentendus, des blessures et des conflits. Que faire dans ces cas-là ? Etre chrétien ne signifie pas qu’il n’y aura jamais de problèmes : je lutte avec mon péché, mes défauts, mes failles, comme chacun d’entre nous !

Nos stratégies habituelles : amertume, rancune, ragots, clans, ou alors se renfermer, mettre de la distance, ignorer l’autre (après tout l’église est grande). Éventuellement quitter l’église (on peut comme ça faire toutes les églises de Toulouse, en partant au moindre conflit), éventuellement renoncer aux églises. Mais la vraie fraternité n’est pas cet univers aseptisé où on se sourit sans se connaître, où on ne dit rien jusqu’au jour où on part. Non, on peut aimer et discuter, parfois avec ardeur, on peut critiquer – mais l’amour ne détruit pas, il construit. Celui qui aime ne crie pas plus fort que les autres, après avoir parlé il écoute de bon cœur. Celui qui aime accorde le bénéfice du doute à l’autre, avec humilité il se remet en question.

Un défi qui nous met à genoux

Franchement, c’est difficile. Et souvent impossible, tant les déchirures peuvent être profondes. C’est impossible, oui, mais impossible à qui ? A nous, mais pas à Dieu ! (diapo)

L’ambition de Dieu pour nous, elle nous met à genoux. Elle nous plonge dans la prière. Ce défi nous donne soif, soif de son Esprit : « O Dieu, je n’ai pas le cœur pour aimer comme toi. Mais toi tu changes les cœurs. Alors, viens au secours de mon manque de foi. Transforme-moi par ton Esprit »

Et Dieu donne ce qu’il ordonne, disait déjà Saint Augustin au 5e siècle. Dieu donne ce qu’il ordonne. Dieu ne nous demande rien qu’il ne soit prêt à nous aider à vivre ! Dieu nous met des défis impossibles ? Des défis de fou ? Il nous donne son Esprit ! Mais je dois lui demander. Je dois aller puiser, pour boire. Si je ne prie pas pour que Dieu me donne un cœur humble, qu’il me donne de pardonner, ça n’arrivera pas tout seul. Si je ne réclame pas à Dieu son aide, je ne m’en sortirai pas. Mais pourquoi nous acharner à vivre les défis de Dieu sans Dieu ? Pourquoi rapetisser notre vocation – parce qu’on a peur de lui demander ? Bien sûr qu’aimer est difficile, bien sûr que pardonner demande du temps – je ne dis pas le contraire ! Mais ce texte nous pose la question : quelles limites mettons-nous à ce que Dieu nous demande ? Quelles limites mettons-nous à nos prières ? Celui qui demande peu reçoit peu – peu d’amour, peu de patience, peu de pardon. Mais celui qui demande beaucoup recevra beaucoup ! Devant des personnes blessantes, rageantes, désespérantes, vers quelle source d’amour nous tournons-nous ? La nôtre ? On sera vite à sec !

Oui, Dieu nous appelle à l’impossible : dépasser nos peurs pour ouvrir notre cœur et tendre notre main. Mais Dieu s’épanouit dans l’impossible : dans le désert, il met des vignes. Dans les pleurs, il met le chant. Dans la mort, il met la vie. Dans la haine, ne mettra-t-il pas le pardon ? Dans la douleur, la guérison ?

Conclusion 

Les histoires d’amitié, de fraternité, de réconciliation, sont magiques. Dans un film ou un témoignage, elles font bondir notre cœur. Quand on entend que deux frères se sont réconciliés après trente ans, ou qu’une femme a pardonné au meurtrier de son fils, on a le vertige, le vertige de l’espoir. C’est impossible, mais c’est arrivé ! Dieu est intervenu, il a débloqué des freins, ouvert des portes, bâti des passerelles. C’est dans les défis impossibles que Dieu se révèle, que l’on voit la marque de sa main, que l’on sent le souffle de sa voix. Certains peuvent se contenter d’une fraternité de surface, sage et creuse – vous pouvez mais ce n’est pas ce que Dieu a en tête. Le Dieu incroyable dont nous sommes si fiers est un Dieu qui transforme, pas après pas, pardon après pardon, prière après prière, un Dieu qui nous entraîne dans le sillage de son amour impossible mais bien réel.

Vivre la fraternité (2) Le défi de la diversité

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https://soundcloud.com/eel-toulouse/vivre-la-fraternite-2-le-defi

La semaine dernière, nous avons commencé une série de prédications sur la fraternité. Florence vous a rappelé pourquoi nous sommes frères et soeurs dans l’Eglise, et pourquoi nous sommes appelés à nous aimer. C’est un des fondamentaux de la vie chrétienne. La fraternité est toujours un défi. Et une des raisons de ce défi, c’est la diversité que nous représentons. Regardez autour de vous ! Ne voyez-vous pas cette diversité ?

Dans l’Eglise, on est confronté à une diversité, parfois grande, et à plusieurs niveaux. Il y a celle qui se voit tout de suite, hommes et femmes, de couleurs de peau différentes, d’âges différents… En allant plus loin, la diversité de fait que s’accentuer : elle est culturelle, socio-économique, d’arrière-plan spirituel, elle concerne les caractères, les histoires personnelles, les cheminements de foi, etc. Et ce n’est pas toujours facile. On a beau être ensemble dans un même lieu le dimanche, des barrières d’incompréhension, voire de méfiance subsistent. Le mélange n’est pas une évidence.

On pourrait même se demander si la diversité est vraiment souhaitable dans l’Eglise ? Est-ce qu’il ne serait pas plus facile, plus efficace, de constituer une église avec des gens qui se ressemblent, de former un groupe homogène ? N’y aurait-il pas moins de conflits, moins de malentendus ?

Le récit biblique que nous avons choisi pour notre Eglise l’année dernière, la rencontre entre Pierre et Corneille (Actes 10-11), nous donne déjà une indication. La différence culturelle pouvait sembler être un obstacle insurmontable. Un Juif ne pouvait pas accepter l’hospitalité d’un non-Juif, ne serait-ce que pour les règles alimentaires : ce que les uns considéraient comme impur, les autres le considéraient différemment. Alors Dieu a donné une vision à Pierre, celle d’une grande toile dans laquelle se trouvaient tous les animaux possibles, purs et impurs selon la loi de Moïse, et une voix qui retentit, invitant Pierre à manger de tout ! La réponse de Pierre est sans appel : “En aucun cas, Seigneur ! Je n’ai jamais rien mangé de souillé ni d’impur !”

Même si le sens de cette vision est moins dans la remise en cause des interdits alimentaires que dans l’invitation à aller au-delà des blocages et des barrières culturelles, le défi était grand. On mesure sans doute mal l’effort et le courage que cela a représenté pour Pierre de briser ces barrières.

Pour aller plus loin, je vous propose de lire le récit de l’événement qu’on peut considérer comme le moment fondateur de l’histoire de l’Eglise, en de nous demander ce qu’il nous dit sur cette question de la diversité.

Actes 2.1-11
1 Quand le jour de la Pentecôte arrive, les croyants sont réunis tous ensemble au même endroit. 2 Tout à coup un bruit vient du ciel. C’est comme le souffle d’un violent coup de vent. Le bruit remplit toute la maison où ils sont assis. 3 Alors ils voient apparaître des langues, comme des langues de feu. Elles se séparent et se posent sur chacun d’eux. 4 Tous sont remplis de l’Esprit Saint et ils se mettent à parler d’autres langues. C’est l’Esprit qui leur donne de faire cela.
5 À Jérusalem, il y a des Juifs venus de tous les pays du monde. Ce sont des gens fidèles à Dieu. 6 Quand ils entendent ce bruit, ils se rassemblent en foule. Ils sont profondément surpris, parce que chacun entend les croyants parler dans sa langue. 7 Ils sont très étonnés et pleins d’admiration et ils disent : « Tous ces gens qui parlent sont bien des Galiléens. 8 Alors, comment chacun de nous peut-il les entendre parler dans la langue de ses parents ? 9 Nous venons du pays des Parthes, de Médie, d’Élam, de Mésopotamie, de Judée et de Cappadoce, du Pont et de la province d’Asie, 10 de Phrygie, de Pamphylie. Nous venons aussi d’Égypte, de la partie de la Libye qui est près de Cyrène, de Rome, 11 de Crète et d’Arabie. Parmi nous, certains sont juifs, et d’autres aussi obéissent à la loi de Moïse. Et pourtant, chacun de nous les entend annoncer dans sa langue les grandes choses que Dieu a faites. »

Pentecôte était une fête de pèlerinage pour les Juifs, qui se déplaçaient à cette occasion à Jérusalem, pour se rendre au temple. Il y avait donc dans la ville des Juifs de tout l’empire Romain, issus de la diaspora. Si la langue liturgique était l’hébreu, les Juifs de la diaspora avaient pour langue maternelle celle du pays où ils se trouvaient. On devait donc entendre toutes les langues du monde connu dans les rues de Jérusalem dans ces jours là ! D’autant qu’il n’y avait pas que des Juifs qui faisaient le déplacement mais aussi des prosélytes, des non-Juifs qui avaient embrassé la foi juive et “obéissaient à la loi de Moïse”.

C’est dans ce contexte qu’arrive l’événement étonnant qui nous est relaté dans ce chapitre du livre des Actes des apôtres. Le miracle de la Pentecôte, c’est l’Esprit de Dieu qui donne aux disciples la capacité de parler des merveilles de Dieu dans la langue maternelle de tous ceux qui étaient réunis dans la foule. C’est un signe de l’universalité de l’Evangile : une bonne nouvelle pour tous les peuples, à proclamer dans toutes les langues.

Cet épisode de la Pentecôte est l’événement fondateur de l’Eglise. Plus loin dans le texte, on parle de nombreuses conversions et du coup, de la naissance de la première Eglise, dans laquelle les prières et la proclamation de l’Evangile pouvait, dès l’origine, résonner dans toutes les langues !

La diversité est dans l’ADN de l’Eglise : elle en est une caractéristique dès l’origine. Et ce n’est pas qu’une question de langues. Ces Juifs dispersés étaient aussi imprégnés de la culture où ils vivaient. Et puis très tôt dans l’Eglise l’accueil de la diversité est devenu un vrai défi pour l’unité de l’Eglise, avec la coexistence de chrétiens d’origines juive et de chrétiens d’origine païenne.

Cette diversité n’est pas un accident. Elle est conforme au projet de Dieu pour l’Eglise. Il suffit de voir, par exemple, l’image biblique souvent utilisée du corps : il y a un seul corps mais une diversité de membres. Un projet qui atteint son apogée dans une vision de l’Apocalypse, celle d’une foule innombrable issus de “tous les pays, de toutes les tribus, de tous les peuples et de toutes les langues.” (Apocalypse 7.9).

Si elle est conforme au projet de Dieu, la diversité dans l’Eglise doit donc être valorisée, Dieu lui-même étant le garant de l’unité. On le voit dans le récit de la Pentecôte, à travers deux éléments : l’action de son Esprit et l’évocation du récit des merveilles de Dieu :
Sous la forme de langues de feu, le Saint-Esprit est répandu sur tous les disciples réunis. C’est l’Esprit de Dieu qui unit l’Eglise dans sa diversité, c’est lui qui fait de nous des enfants de Dieu, des frères et des soeurs en Christ.
Bien que parlant dans diverses langues, tous les disciples annonçaient le même message, celui du récit des merveilles de Dieu. Or quel est ce récit sinon celui qui nous est relaté dans la Bible ? C’est le socle commun que nous partageons et que nous proclamons.

Dans l’Eglise, la diversité n’est pas une valeur en soi… mais elle est le signe de l’universalité de l’Evangile.

Si quelqu’un arrive dans une église et qu’il voit des gens tous d’une même culture et/ou d’une même couleur de peau et/ou tous habillés de la même façon et/ou tous d’une même origine sociale… il se dira, à moins d’être comme eux, que ce n’est pas pour lui !

L’Evangile est pour tous et il faut que ça se voie ! La diversité n’est donc pas une option facultative pour l’Eglise. Si elle est vécue dans l’unité, elle est un signe de l’universalité de l’Evangile.

Travailler sur notre seuil de tolérance

Vivre la diversité est un défi qu’il est légitime et bon de relever. Il s’agit même d’une vocation de l’Eglise. Je pense à ce qui touche à la culture, à l’éducation, au niveau social, aux histoires et aux cheminements individuels, aux personnalités… Cette diversité là est essentielle dans l’Eglise parce qu’elle témoigne de l’universalité de l’Evangile. Dieu aime en Jésus-Christ tout homme et toute femme, c’est un message pour tous, sans discrimination. Et il faut que ça se voie dans l’Eglise !

Il y a toutefois certaines limites à la diversité. On ne peut pas non plus accepter ou justifier n’importe quoi dans l’Eglise, au nom de l’amour et de la tolérance. Il y a certaines doctrines et certaines pratiques qui sont en opposition avec le message de la Bible. Il y a des paroles ou des façons de se comporter qui contredisent l’Evangile. Accueillir la diversité, ce n’est pas accepter tout et n’importe quoi !

Mais entre ces deux repères, il y a de la place pour une diversité féconde, qui sera une source d’enrichissement mutuel. Tout le monde n’aura pas forcément le même seuil de tolérance à la diversité, et pas forcément dans les mêmes domaines. Pour certains, ce sera plus difficile d’accepter la diversité dans les convictions théologiques, pour d’autres ce sera dans des questions éthiques, pour d’autres encore dans les formes de piété… Mais j’ai la conviction que nous avons tous, au moins dans l’un ou l’autre de ces domaines, à travailler sur notre seuil de tolérance.

Ca demande un effort de discernement, pour accepter de distinguer entre ce qui est essentiel et ce qui est secondaire. Ca demande une démarche d’humilité, pour ne pas penser avoir toujours raison.

Passer de la cohabitation à la communion

Depuis toujours dans les Eglises, le beau discours sur l’accueil de la diversité se traduit trop souvent par une cohabitation seulement, alors que nous sommes appelés à la communion. Ce n’est pas nouveau : on le voyait déjà apparaître dans les Eglises du Nouveau Terstament ! On voit transparaître clairement dans les épîtres les difficultés de cohabitation entre les chrétiens d’origine juive et ceux d’origines païenne, ou entre les riches et les pauvres par exemple.

Dans une perspective de cohabitation, on accepte la différence, on veut bien partager le culte, voire un groupe de prière ou d’étude biblique, mais on se méfie surtout des risques de la diversité, des dangers potentiels, on a tendance à penser que ce sont les autres qui refusent de s’intégrer dans la communauté… et on se rassure avec ceux qui, dans l’Eglise, nous ressemblent.

Dans une perspective de communion, on se réjouit de rencontrer les autres, différents de nous. On voit la diversité comme une chance, une occasion de découverte et d’enrichissement. On ne la craint pas mais on cherche à la mettre en valeur. Plutôt que d’attendre que l’autre s’intègre, on va à sa rencontre.

Accueillir la diversité, vraiment, ce n’est pas seulement accepter dans son entourage des gens différents de nous, c’est chercher à valoriser l’autre différent de moi. Nous avons sans doute chacun à nous interroger personnellement sur la façon dont nous vivons la diversité dans nos relations. Nous avons aussi à nous interroger en tant qu’Eglise sur la façon dont nous valorisons, ou pas, la diversité dans notre communauté !

Conclusion

Vivre la fraternité dans l’Eglise, c’est aussi vivre la diversité ! Parce que l’Eglise est, dès son origine, marquée par la diversité, à tous les niveaux. Comment pourrait-il en être autrement si nous croyons à l’universalité de l’Evangile, cette bonne nouvelles pour tous les humains, quels qu’ils soient ?

Pour y arriver, essayons chacun, et tous ensemble, de relever ce double défi : travailler à notre seuil de tolérance et ne pas nous contenter d’une cohabitation pour chercher plutôt la communion.