Archives mensuelles : mai 2017

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Pentecôte à Samarie

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Même si nous ne fêterons l’Ascension, la montée du Christ au ciel et la Pentecôte, don du SE à l’Église, que les prochains dimanches, je vous propose de sauter quelques étapes et de lire un passage du livre des Actes. A Jérusalem, les apôtres ont déjà reçu le SE, d’une manière spectaculaire, qui a montré qu’une nouvelle ère s’ouvrait pour le peuple de Dieu. Les apôtres parlent de Jésus, et les Juifs présents dans la ville se convertissent en masse. Assez rapidement, l’église rencontre la persécution des responsables religieux juifs – les croyants se dispersent alors, et ce qui aurait dû être un coup d’arrêt pour les disciples de Jésus devient un formidable tremplin pour annoncer la bonne nouvelle du salut en JC à d’autres, toujours plus loin.

Lecture biblique: Actes 8.4-25
4 Les croyants qui sont partis de tous les côtés vont d’un endroit à l’autre, en annonçant la Bonne Nouvelle.
5 Philippe va dans une ville de Samarie, et là, il annonce le Messie.
6 D’un commun accord, les habitants viennent en foule, et ils écoutent avec attention ce qu’il dit. En effet, ils entendent parler des choses extraordinaires qu’il fait et ils les voient. 7 Des esprits mauvais sortent de nombreux malades, en poussant de grands cris, beaucoup de paralysés et d’infirmes sont guéris.
8 Alors la joie est grande dans cette ville.
9 Un homme appelé Simon habite dans cette ville depuis un certain temps. Il pratique la magie et il étonne beaucoup les gens de Samarie. Il dit qu’il est quelqu’un d’important, 10 et tous, les plus jeunes comme les plus vieux, l’écoutent avec attention. On dit : « Cet homme, c’est la puissance de Dieu, celle qu’on appelle la “Grande Puissance” ! » 11 Depuis longtemps, Simon étonne beaucoup les gens avec sa magie, c’est pourquoi ils l’écoutent avec attention. 12 Mais maintenant, Philippe leur annonce la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ et du Royaume de Dieu. Tous ceux qui le croient, des hommes et des femmes, se font baptiser. 13 Même Simon devient croyant, il se fait baptiser et il ne quitte plus Philippe. En voyant les miracles et les choses extraordinaires qui arrivent, c’est lui qui est très étonné !
14 À Jérusalem, les apôtres apprennent que les gens de Samarie ont reçu la parole de Dieu, ils leur envoient donc Pierre et Jean. 15 Quand les deux apôtres arrivent en Samarie, ils prient pour que les croyants reçoivent l’Esprit Saint. 16 En effet, l’Esprit Saint n’est encore descendu sur personne parmi eux. Ils ont seulement été baptisés au nom du Seigneur Jésus 17 Alors Pierre et Jean posent les mains sur leur tête, et ils reçoivent l’Esprit Saint.
18 Simon voit que les croyants reçoivent l’Esprit Saint quand les apôtres posent les mains sur leur tête. C’est pourquoi il offre de l’argent à Pierre et à Jean 19 en leur disant : « Donnez-moi ce pouvoir, à moi aussi. De cette façon, quand je poserai les mains sur la tête de quelqu’un, cette personne recevra l’Esprit Saint. » 20 Mais Pierre lui répond : « Que ton argent soit détruit, et toi aussi ! Tu as cru que tu pouvais acheter avec de l’argent ce que Dieu donne gratuitement. 21 Ce qui se passe ici n’est pas pour toi, tu n’as pas le droit d’y participer ! En effet, pour Dieu, ton intention est mauvaise. 22 Ce que tu as fait est mal, reconnais cela et prie le Seigneur. Il va peut-être pardonner ces mauvaises pensées. 23 Oui, je le vois, tu es rempli d’envie et prisonnier du péché ! » 24 Simon répond à Pierre et à Jean : « Priez vous-mêmes le Seigneur pour moi, alors rien de ce que vous avez dit ne pourra m’arriver. »
25 Les deux apôtres rendent témoignage en annonçant la parole du Seigneur, puis ils retournent à Jérusalem. En chemin, ils font connaître la Bonne Nouvelle dans beaucoup de villages de Samarie.

Ce récit du début de l’Eglise entremêle deux fils, deux histoires. D’un côté, nous avons le plan large, avec Philippe qui prêche aux foules, qui guérit, délivre, et fait des choses extraordinaires, les foules qui se convertissent, les apôtres qui viennent rencontrer les habitants, et repartent en traversant les villages de Samarie. Et d’un autre côté, en parallèle, Luc focalise notre attention sur un personnage en particulier, Simon, le magicien, en relief par rapport aux autres. Je suivrai ces deux fils, pour voir comment ce texte nous enseigne et nous encourage aujourd’hui.

1) La foi des Samaritains : l’Évangile ouvre les frontières
Il était une fois un breton qui croyait que Jésus donnait le salut, et le disait à qui voulait l’entendre. Persécuté par ses proches, il prit son baluchon et partit prêcher… en Normandie ! Selon votre lieu d’origine, vous pouvez remplacer par : un Aveyronnais qui va dans le Tarn, ou un Alsacien qui part en Lorraine. Plus sérieusement, par un citoyen actuel d’Israël qui irait dans la bande de Gaza. On le sait, les pires ennemis sont souvent les plus proches, les faux frères. Les Juifs et les Samaritains étaient de ces faux frères-là : issus du même peuple, les aléas de l’Histoire ont conduit une branche des Juifs à se mélanger aux peuples païens locaux, lorsqu’Israël a été déporté aux 8e et 6e s. avant JC. Non contents de s’unir à ces peuples, ceux qui sont devenus les Samaritains ont adopté certains éléments de leur religion païenne, se faisant une foi à leur sauce, avec des éléments bibliques et des éléments qui n’avaient rien à voir. Ainsi débute la longue hostilité entre Juifs « purs » et Samaritains « bâtards ».
Et voilà que Philippe prend sur lui d’aller dans une ville de Samarie prêcher le salut, comme Jésus l’avait fait quelques années plus tôt. Sa prédication impressionne, Dieu authentifie ses paroles par des miracles, et les gens croient en Jésus, et ils reçoivent le baptême. Philippe a compris que Jésus veut offrir le salut à tous, et pas seulement aux descendants d’Abraham, de Moïse et de David. En s’adressant à des « demi-Juifs », il amorce un mouvement qui s’élargira ensuite aux non-Juifs, lorsque Corneille le païen sera à son tour considéré comme un frère, en Christ. Cet épisode, c’est le début d’une Eglise sans frontières.
C’est bien pour cela que les apôtres Pierre et Jean se déplacent de Jérusalem, ravis d’entendre que d’autres ont reconnu le Christ comme leur sauveur. C’est pour cela aussi qu’ils prient pour eux de manière spécifique, demandant le Saint Esprit. Alors c’est vrai que normalement, selon les enseignements des apôtres, lorsque quelqu’un croit en Jésus, il reçoit automatiquement l’Esprit de Jésus qui le relie à Dieu et lui permet de recevoir le pardon, l’amour et la vie de Dieu, avant de demander le baptême. Mais là nous sommes dans une situation particulière, avec des questions de préjugés que vous pouvez bien imaginer… Une des façons de comprendre ce qui se passe là, c’est que Pierre et Jean ont voulu marquer le coup, en étendant leurs mains en signe de solidarité et de communion, et en priant pour le don du SE qui authentifie le fait que, oui, les Samaritains, même eux, lorsqu’ils croient en Jésus, font partie du même peuple que les autres, et ont le même statut qu’eux – la preuve : ils reçoivent l’Esprit dans les mêmes conditions spectaculaires que les Juifs à la Pentecôte. On retrouvera la même situation plus tard, avec une mini Pentecôte des païens : Juifs, non-Juifs, demi-Juifs, peu importe, car tous sont sauvés par le même Christ. Luc prend soin de noter la joie qui se répand dans la ville – quelle joie en effet pour cette communauté qui trouve en Jésus le salut mais aussi l’unité et la réconciliation.

2) Simon, ou la tentation du pouvoir
En contrepoint, Luc évoque Simon. Magicien, manifestement compétent, il a un impact extraordinaire sur les gens, à cause de ses actes impressionnants. Mais à l’arrivée de Philippe, la foule le quitte pour aller vers ce rival plus puissant, ce plus grand « magicien ». Simon, impressionné, suit le mouvement de foule, confesse sa foi, reçoit le baptême et commence à suivre Philippe partout. Lorsque Pierre et Jean arrivent et prient pour le don du Saint-Esprit aux Samaritains, Simon n’en croit pas ses yeux – il faut imaginer une manifestation visible de l’Esprit, comme les langues de feu à la Pentecôte – et demande à Pierre d’avoir lui aussi ce pouvoir de donner le SE : il reçoit en retour une volée de bois vert.
La description de Simon souligne l’importance du pouvoir chez lui : en effet, il dit de lui-même qu’il est un grand, et il accepte qu’on le considère comme une « puissance » divine. Sa demande est du même cru : le désir de posséder un pouvoir inédit, peut-être pour retrouver son ancienne influence sur les foules. Est-ce que Simon a feint de croire en Jésus pour découvrir les « secrets » des miracles chrétiens ? Ou est-ce seulement la force de l’habitude ? On ne le sait pas, mais Simon annonce tous ces chrétiens, à divers niveaux d’autorité, qui garderont dans l’Histoire cette tentation du pouvoir, et chercheront, jusqu’à aujourd’hui, à instrumentaliser la puissance de Dieu dans leur intérêt propre. Beaucoup, aujourd’hui, dans les églises ou sur internet, promettent la guérison, la délivrance, la réussite, si on se met sous leur coupe… C’est d’ailleurs là la grande différence entre Simon et Philippe : Philippe prêche Jésus, tandis que Simon se prêche lui-même, lui, la « Grande Puissance ». Pendant les vacances, nous sommes passés devant une église protestante, et sur le panneau d’informations en façade, il n’y avait que des photos du pasteur, en train de prêcher, dans des bains de foule etc. Une autre église protestante, toute proche, montrait elle une vidéo sur le sens du salut (geste deux poids deux mesures). Tous ceux qui font des miracles ou qui prêchent avec conviction ne doivent pas forcément être suivis ! C’est Jésus qui sauve ! Donc, chacun d’entre nous doit exercer son sens critique : est-ce que ce que je vois ou j’entends me rapproche de Jésus, ou du prédicateur ? La tentation du pouvoir, de l’argent, est peut-être le problème que la Bible dénonce le plus, et qui garde malheureusement toute son actualité, hors de l’église mais dedans.
Que Simon soit syncrétiste ou simplement immoral, Pierre l’avertit que sa cupidité et sa mégalomanie le détruiront. C’est un esclavage, qui retient Simon dans l’amertume. Mais à ses paroles dures, Pierre ajoute une offre : repens-toi (litt. Change de mentalité), détourne-toi de ce mal, et prie pour le pardon. C’est le message de l’Evangile : ce qui nous détruit est mauvais, mais en Dieu, nous avons une chance de salut, si nous nous tournons sincèrement vers lui.
Simon demande à Pierre de prier pour lui : est-ce par une humilité toute nouvelle, ou par désintérêt (geste mise à distance) ? Difficile à dire ! Et Luc ne nous en dira pas davantage. Tout du long, Simon sera resté ambigu, ambivalent – peut-être un exemple des dérives qui ponctuent la croissance de l’église.

Conclusion
Ce récit nous montre la joie de l’Evangile qui se répand, les frontières, personnelles et communautaires, qui tombent, l’annonce généreuse de l’Evangile à tous, l’ouverture généreuse de l’Eglise à tous. Mais il nous montre aussi les franges, les risques, et nous invite, non à la fermeture et à la méfiance mais à la sagesse et à la prudence. Etre chrétien, aimant, accueillant, ne veut pas dire être naïf ! Nous sommes donc appelés, nous aussi, à ouvrir nos portes, à annoncer largement l’Evangile, à accueillir tout aussi largement, mais en gardant comme boussole le Christ, et le Christ seul.

Le chemin, la vérité et la vie

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https://soundcloud.com/eel-toulouse/le-chemin-la-verite-et-la-vie

Lecture biblique : Jean 14.1-11

Au cœur de ce texte nous trouvons une des paroles les plus connues de Jésus : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. » Une affirmation massive, absolue, fondatrice. Mais qui pourrait sonner à nos oreilles comme plutôt intolérante voire extrémiste ! Est-ce le cas ?

Comme toujours, il est important de ne pas isoler une parole de son contexte. Les chapitres 14-17 constituent les dernières paroles de Jésus à ses disciples, avant son arrestation. Elles ont une importance particulière et se terminent avec sa grande prière dite « sacerdotale ». Jésus sait que la séparation approche et que ce sera un moment difficile pour ses disciples. Alors il se veut rassurant : « Ne soyez pas inquiets… ». Et il évoque sa mort prochaine de façon imagée, en parlant de maison, de chambres, de chemin. Il s’en va mais il va leur préparer une place auprès de Dieu.

Mais deux disciples vont s’exprimer et témoigner du désarroi de l’ensemble du groupe, de leur difficulté à comprendre ce que Jésus leur dit. C’est d’abord Thomas qui dit à Jésus : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment est-ce que nous pourrions connaître le chemin ? » C’est ensuite Philippe qui dit à Jésus : « Montre-nous le Père ». Et là, une pointe d’agacement semble marquer la réponse de Jésus : « Philippe, je suis avec vous depuis si longtemps, et tu ne me connais pas ? Celui qui m’a vu a vu le Père. »

Et au milieu, il y a cette fameuse parole de Jésus. Aux deux questions des disciples, il y a une seule réponse de Jésus : « Je suis le chemin, la vérité et la vie ».

Ce ne sont pas trois affirmations différentes mais bien une seule. Jésus est le chemin parce qu’il est la vérité et la vie. Il est lui-même le chemin qui mène à Dieu, parce qu’il est l’incarnation de la vérité de Dieu, Dieu fait homme, et par lui la vie même de Dieu est offerte à tous.

Le chemin

Au début, quand Jésus évoque le chemin par lequel il doit passer, il pense à sa mort et sa résurrection. C’est ce chemin-là qu’il s’apprête à emprunter, et c’est par ce chemin-là qu’il peut nous préparer une place auprès de Dieu. On sait que plusieurs fois Jésus en a parlé à ses disciples, et on sait aussi qu’ils avaient du mal à le comprendre.

Mais dans un deuxième temps, quand Jésus dit « Je suis le chemin » il ne parle plus seulement du chemin qu’il va emprunter mais celui qu’il incarne, et c’est toujours lié à sa mort et sa résurrection. Jésus est pour nous le chemin parce que sa mort et sa résurrection est notre chemin de salut.

D’une certaine façon, on pourrait dire tout simplement que le chemin dont parle Jésus, c’est le salut. Notre salut, c’est Jésus-Christ, par sa mort et sa résurrection ! C’est par lui que nous pouvons être sauvé, c’est dans la communion avec sa mort et sa résurrection que nous avons une place auprès de Dieu. Il est d’ailleurs intéressant de noter que dans le livre des Actes (19.9), l’Evangile prêché par Paul est appelé « la voie » (ou le chemin, c’est le même mot grec que dans Jean 14.6).

L’image du chemin pour évoquer le salut est parlante pour des disciples qui se mettent en marche à la suite du Christ. On peut souligner au moins trois aspects de la métaphore :

Il y a d’abord la mise en marche, le choix de s’engager sur le chemin. On peut très bien refuser de le faire et rester sur le bord du chemin, regarder passer les autres… Ou alors on se lance, on répond à l’appel du Christ et on démarre l’aventure de la foi. On n’est pas d’office sur le chemin… il faut le vouloir.

Il y a ensuite le cheminement. Depuis Abraham, le croyant est un nomade, toujours en mouvement. Comme les disciples qui suivaient Jésus. Le danger de la vie chrétienne, c’est la sédentarité spirituelle. Je ne parle pas de l’attachement à une Eglise locale, qui est tout à fait légitime et même important. Je pense plutôt au danger de s’installer, du confort de nos habitudes, de notre routine, de nos amis chrétiens qui pensent comme nous… On se fabrique un petit cocon confortable qui nous enferme et nous endort alors que nous devons restés ouverts et éveillés !

Il y a enfin l’objectif. Le chemin mène quelque part, il y a une destination. On ne part pas à l’aventure dans la jungle, à l’aveugle en terrain inconnu. Il y a une espérance qui nous guide. Et elle est bien fondée sur le Christ, qui a lui-même emprunté pour nous le chemin de la mort et de la résurrection.

La vérité

Jésus est aussi la vérité. Il est l’incarnation de la vérité de Dieu, il est Dieu fait homme : « Je vis dans le Père, et le Père vit en moi. »

L’idée était déjà présente dans le prologue de l’évangile selon Jean :

14 La Parole est devenue un homme, et il a habité parmi nous. Nous avons vu sa gloire. Cette gloire, il la reçoit du Père. C’est la gloire du Fils unique, plein d’amour et de vérité.
(…)
17 Dieu nous a donné la loi par Moïse, mais l’amour et la vérité sont venus par Jésus-Christ. 18 Personne n’a jamais vu Dieu. Mais le Fils unique, qui est Dieu et qui vit auprès du Père, nous l’a fait connaître.

Lorsque Jésus dit qu’il est la vérité, c’est une affirmation absolue quant à lui mais relative quant à nous.

Elle est absolue quant à lui parce qu’il est le Fils de Dieu. Jésus-Christ n’est pas une vérité parmi d’autres. Il est la vérité. Parce qu’il est Dieu et Dieu est, par définition, absolu ! Bien-sûr, une telle affirmation peut déranger voire choquer. Elle peut paraître intolérante… mais elle est bien au cœur de l’Evangile et nous l’accueillons dans la foi.

Ceci dit, nous ajoutons tout de suite que cette vérité est relative quant à nous parce que nous n’en sommes que les témoins, pas les détenteurs. La vérité n’est pas une doctrine ou une confession de foi. Elle est une personne : Jésus-Christ. Nos doctrines et nos confessions de foi s’efforcent de mettre des mots sur la vérité du Christ, et le Seigneur nous y aide par sa Parole. Mais ce ne sont que des vérités relatives à la vérité absolue du Christ.

Personne ne peut prétendre être détenteur de la vérité ! On ne peut pas mettre la main sur la vérité parce qu’on ne peut pas mettre la main sur le Christ ! Et il me semble que notre posture de disciple du Christ doit être moins celle de défenseurs de la vérité que de chercheurs de la vérité. Notre quête de vérité ne peut être assouvie que dans la relation avec le Christ, une relation vivante et sans cesse renouvelée.

La vie

On comprends donc pourquoi Jésus dit enfin qu’il est la vie. La vie, c’est la conséquence de tout ce qui précède, c’est parce qu’il est le chemin et la vérité qu’il est aussi la vie. Parce qu’il est celui qui nous conduit à Dieu et qu’il est Dieu lui-même, Jésus-Christ nous fait partager la vie même de Dieu. Cela aussi était déjà dans le prologue de l’Evangile selon Jean :

« A ceux qui croient, la Parole a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. Et ils sont devenus enfants de Dieu en naissant non par la volonté d’un homme et d’une femme, mais de Dieu. » (Jean 1.13-14)

Il faut donc bien le comprendre, Jésus ne promet pas simplement à ses disciples la vie après la mort. La vie éternelle dont par l’Evangile, c’est bien plus que cela ! C’est la vie de Dieu, que nous partageons dès aujourd’hui, une vie nouvelle qui découle de la relation avec Dieu, par le Christ. La vie éternelle, ce n’est pas seulement une garantie face au jugement à venir, une promesse pour demain, ou après-demain. C’est une assurance pour aujourd’hui, celle de l’amour de Dieu qui nous accompagne.

Cette vie-là, elle découle de notre relation avec Dieu. Elle ne peut pas provenir d’un chemin qui serait une tradition ou un rite, ni d’une vérité qui serait un doctrine. Elle vient du Saint-Esprit qui vient habiter en nous, ce « fleuve d’eau vive » dont parle Jésus en Jean 7. Les traditions, les rites, les doctrines, les théologies, la Bible elle-même, tout cela ne sont que des outils au service d’une relation vivante et authentique, par la foi, avec le Christ. C’est là que se trouve la vie !

Conclusion

« Je suis le chemin, la vérité et la vie ». Cette parole est-elle trop absolue et intolérante ? Pas si on la comprend bien…

Jésus est le chemin, par sa mort et sa résurrection. Mais c’est à nous de nous engager aujourd’hui sur ce chemin par la foi.

Jésus est la vérité, parce qu’il est Dieu fait homme. Mais c’est à nous de sans cesse chercher cette vérité, la (re)découvrir, sans jamais prétendre la détenir.

Jésus est la vie, parce qu’il nous remplit de son Esprit vivifiant. Mais c’est à nous de le laisser nous remplir en nous abreuvant sans cesse à la source de son amour.

Ainsi, cette parole forte et absolue de Jésus-Christ est avant tout une invitation à la rencontre, à répondre à son appel et le suivre, dès aujourd’hui. Car c’est aujourd’hui déjà, et pas seulement demain ou après-demain, que nous pouvons expérimenter qu’il est pour nous, le chemin, la vérité et la vie.

Fiers en Christ

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debout

Note: à cause d’un problème technique, la version audio n’est pas disponible.

Lecture biblique: Romains 5.1-11 (TOB)

1 Ainsi donc, justifiés par la foi, nous sommes en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ ; 2 par lui nous avons accès, par la foi, à cette grâce en laquelle nous sommes établis et nous mettons notre fierté dans l’espérance de la gloire de Dieu.

3 Bien plus, nous mettons notre fierté dans nos détresses mêmes, sachant que la détresse produit la persévérance, 4 la persévérance la fidélité éprouvée, la fidélité éprouvée l’espérance ; 5 et l’espérance ne trompe pas, car l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné.

6 Oui, quand nous étions encore sans force, Christ, au temps fixé, est mort pour des impies. 7 C’est à peine si quelqu’un voudrait mourir pour un juste ; peut-être pour un homme de bien accepterait-on de mourir. // 8 Mais en ceci Dieu prouve son amour envers nous : Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs.

9 Et puisque maintenant nous sommes justifiés par son sang, à plus forte raison serons-nous sauvés par lui de la colère. 10 Si en effet, quand nous étions ennemis de Dieu, nous avons été réconciliés avec lui par la mort de son Fils, à plus forte raison, réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie.

11 Bien plus, nous mettons notre fierté en Dieu par notre Seigneur Jésus Christ par qui, maintenant, nous avons reçu la réconciliation.

Dans sa lettre à l’église de Rome, Paul développe comme dans un traité les nuances de la foi chrétienne. Il a déjà expliqué ce que veut dire être « justifié par la foi » : dans un monde où nous sommes tous coupables à des degrés divers devant les autres et devant Dieu, le Christ lui n’a jamais commis le mal. Totalement innocent, il s’est livré à Dieu, assumant notre culpabilité pour nous offrir en échange son innocence. Lorsque nous croyons cela, nous sommes déclarés justes, acquittés, libérés de toute culpabilité et de toute condamnation, car tout a été payé par le Christ, Dieu devenu homme pour sauver le monde. Maintenant, Paul essaie développer les conséquences de cette affirmation : quel impact cela a-t-il sur nous ?

  • Pleins d’assurance

Paul met d’abord l’accent sur toutes les certitudes que nous avons, sur l’assurance que Dieu nous donne en Christ. Nous sommes sauvés, et c’est sûr, à 100 %. Il a utilisé l’image du procès : en Christ, nous sommes déclarés justes, acquittés de toute condamnation que nous mériterions. Ensuite, l’image de la relation – nous sommes réconciliés avec Dieu : ce n’est plus la guerre ! Nous ne sommes plus en rébellion, et Dieu n’est plus en colère contre nous. Mais ce n’est pas le statu quo : nous vivons maintenant une relation où chacun, nous pouvons être pleinement avec Dieu, dans la paix et dans l’amour. Enfin, nous avons changé de bord : eh oui, grâce au Christ, nous avons eu accès à la grâce de Dieu, et maintenant nous y habitons, nous y sommes debout, nous y sommes chez nous. La grâce de Dieu, c’est chez nous ! Nous sommes des résidents, des citoyens, de l’amour de Dieu.

Paul, c’est très clair, met l’accent ici sur ce que nous sommes, devant Dieu et avec Dieu, grâce au don du Christ. Ce que nous sommes ! La vie chrétienne, c’est d’abord une question d’identité, d’être, de relation avec Dieu – être chrétien, c’est, par la foi, être déclaré juste, être en paix avec Dieu, avoir accès à son amour et pouvoir y demeurer. Cela aura bien sûr un impact sur nos valeurs, nos attitudes et nos habitudes, notre caractère et nos actions, mais tout cela, c’est la conséquence de ce que nous sommes en Christ. Ce qui est premier, c’est ce que nous sommes – et d’ailleurs, dans sa lettre aux Romains, Paul va consacrer 11 chapitres à décrire ce que nous sommes, et 4 chapitres à décrire ce que ça implique, concrètement, dans notre vie quotidienne. Dans notre rapport à la foi, dans le regard que nous portons sur les autres et sur nous-mêmes, cette priorité de l’être est essentielle – d’autant qu’elle nous rappelle que ce n’est pas par nos propres efforts que nous sommes devenus différentes, mais nous avons reçu en cadeau une nouvelle identité, que nous apprenons à concrétiser. Si nous mettons l’accent d’abord sur nos pratiques – être chrétien, c’est : ne pas fumer, ne pas sortir, attendre avant le mariage… – alors nous glissons vers un salut par nos actes ou nos mérites, et pas sur l’identité profonde que nous recevons, gratuitement, grâce au Christ.

  • Pleins d’espérance

Notre assurance concerne aussi notre avenir : nous avons l’espérance de vivre la gloire de Dieu. Sans décrire l’indescriptible, disons que c’est la promesse d’une vie débordant de la plénitude de Dieu. Et là, Paul développe un peu plus, car l’espérance peut bien ressembler à une illusion ; autant des affirmations quant au présent peuvent passer – après tout, c’est le présent, c’est concret – autant affirmer quelque chose sur l’avenir, et l’avenir on ne sait pas quand/ on ne sait pas où/ on ne sait pas comment, l’avenir donc incertain, ça paraît farfelu. Donc Paul développe un peu : le Christ s’est donné pour nous offrir la vie, il a vaincu la mort pour détruire cet obstacle qui barrait notre horizon – il nous a ouvert le ciel.

Et nous avons deux preuves de cette vie avec Dieu qui nous est offerte, pour toujours : l’amour de Dieu répandu dans notre cœur (notre expérience intérieure), et l’événement historique de la Croix, un événement objectif, concret, avec des témoins oculaires. Les deux sont essentiels : l’expérience intérieure de l’amour de Dieu nous permet de voir que l’acte de Jésus à la Croix me concerne, vous concerne, personnellement, mais l’événement objectif prouve que cette relation intime avec Dieu n’est pas un délire, car elle est ancrée dans le réel.

Reste le dernier maillon : le lien entre notre expérience présente et l’espérance à venir. L’argument de Paul, c’est : qui peut le plus peut le moins. Je m’explique : lorsque Dieu nous a déclarés justes, nous étions coupables. Lorsqu’il a fait la paix avec nous, nous étions ennemis. Lorsqu’il nous a relevés et établis dans son amour, nous étions faibles et impuissants. C’est logique ! Maintenant, donc, que nous sommes déclarés justes, en paix, fortifiés par son amour, il ne reste plus grand-chose pour nous sauver totalement du mal qui nous colle encore à la peau ! Le pas le plus dur, le plus grand, le plus improbable, Dieu l’a déjà accompli, lorsqu’il a envoyé son Fils pour nous sauver. C’est comme si nous étions des terroristes, et que Jésus nous avait offert la nationalité du pays que nous attaquions : maintenant, nous avons les papiers, et même une offre d’emploi, une adresse, une lettre de recommandation du Roi – il ne reste que le transport, mais franchement, ce n’est pas le plus dur ! Nous avons les preuves, dans notre cœur et dans l’Histoire, que les promesses de Dieu vont se réaliser, et que nous allons pouvoir vivre avec lui, pour toujours dans son amour.

  • Toujours joyeux

Ainsi, entre ce que nous avons aujourd’hui et les promesses certaines pour l’avenir, nous avons de quoi être pleins d’assurance, et de joie. Et ce, même dans les difficultés, dans les épreuves. On voit là que Paul n’a pas que la tête dans les étoiles : il a aussi les pieds sur terre, et il sait bien que la vie chrétienne, malgré toutes les merveilles que Dieu nous offre, est parfois loin d’être rose. Mais bien loin de contredire notre salut et notre espérance, bien loin de suggérer que Dieu nous a abandonnés, l’épreuve nous permet de tester notre confiance et notre espérance. Dans le pire, parfois mieux que dans le meilleur, nous pouvons redécouvrir tout ce que Dieu nous a donné et que personne ne peut nous enlever, et alors nous pouvons grandir dans la foi et dans l’espérance (cf. autres prédications sur le thème de l’épreuve).

Du coup, dans le meilleur comme dans le pire, nous pouvons être fiers. Fiers de Dieu, grâce au Christ. // Oui, fiers ! Paul nous invite à la fierté ! Même en grec, le mot est étrange, et désigne bien la « vantardise », la vraie fierté, ce qui ne pouvait pas manquer de choquer les chrétiens de Rome, comme nous. Sauf que cette fierté-là est bien particulière.

Il ne s’agit pas d’être des chrétiens fiers, orgueilleux, condescendants vis-à-vis de ceux qui ne partagent pas notre foi – et c’est malheureusement bien souvent notre attitude. Parfois même envers les « autres » chrétiens, ou telle assemblée, parce qu’ils n’agissent pas comme nous ou qu’ils commettent à nos yeux des erreurs. Non, Paul ne nous encourage pas au mépris ou à la suffisance ! Mais à la fierté, en Christ. Il s’agit de vivre la tête haute, pas pour regarder les autres de haut, mais parce que le Christ nous a relevés, nous a libérés de la honte et de la culpabilité, pour nous donner une identité nouvelle, inébranlable, et une espérance certaine. Nous pouvons vivre debout, la tête haute, fiers de ce Dieu qui a tout fait, fiers de sa générosité, de son amour inédit, de sa puissance. Nous pouvons admirer Dieu, ce Dieu merveilleux que nous avons chanté, nous pouvons nous réjouir de ce qu’il est et de ce qu’il fait pour nous, et nous pouvons placer en lui notre confiance, notre assurance, notre espérance.

Conclusion

Cette fierté, cette joie, cette assurance, c’est ce qui permet à Paul de parler inlassablement du Christ : l’Evangile, bonne nouvelle, est la meilleure nouvelle qu’il ait reçu de sa vie, c’est sa plus grande source de joie, c’est sa certitude profonde, encore plus basique que 2+2=4, c’est sa raison d’espérer, c’est le sens qu’il donne à sa vie. Quoi qu’il arrive, par tempête ou par beau temps, il se tient fermement debout, ancré dans l’amour de Dieu que rien ne peut renverser.