Archives mensuelles : juin 2016

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Non à la discrimination !

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https://soundcloud.com/eel-toulouse/non-a-la-discrimination

Lecture biblique : Galates 3.26-29

L’épître aux Galates n’est pas vraiment la plus diplomatique des épîtres de l’apôtre Paul… Il parle sans détour et dénonce avec fermeté ce qui doit l’être.

La question centrale, c’était de savoir s’il était nécessaire, pour tous les chrétiens, Juifs ou non, de respecter un certain nombre de principes de la loi de Moïse, notamment la circoncision. Paul doit recadrer les choses parce que la tendance était clairement en Galatie de demander aux croyants d’origine non-juive de se faire circoncire et de respecter un certain nombre de prescriptions juives.

Or, dès Galates 1.6 il dénonce cette attitude : « Dieu vous a appelés gratuitement par le Christ, et je m’étonne que vous lui tourniez le dos si vite pour aller vers un autre Évangile. » Et il va garder ce ton très ferme tout au long de son épître.

Notre texte constitue l’aboutissement de tout le raisonnement de Paul sur le rôle de la loi, en une affirmation radicale et absolue qui porte haut les valeurs de l’Évangile : « Il n’y a donc plus de différence entre les Juifs et les non-Juifs, entre les esclaves et les personnes libres, entre les hommes et les femmes. En effet, vous êtes tous un dans le Christ Jésus. »
Dans l’Église, pas de discrimination !

Ce qui est intéressant dans la formule du verset 28, c’est que le raisonnement de Paul jusqu’ici concernait exclusivement la question des Juifs et des non-Juifs. En Jésus-Christ, il n’y a plus de distinction à faire, tous ceux qui croient sont descendants d’Abraham, qu’ils soient Juifs ou non. Il aurait pu donc dire simplement : « Il n’y a plus ni Juifs ni Grecs car tous vous êtes un dans le Christ Jésus. » Mais il en tire une conclusion plus vaste : non seulement il n’y a plus ni Juifs ni Grecs, mais il n’y a plus non plus ni esclaves ni libres, il n’y a plus ni hommes ni femmes !

Si l’apôtre Paul se permet d’élargir son propos, c’est bien parce qu’il s’agit de l’affirmation d’un principe universel ! « Vous êtes tous fils de Dieu », « Il n’y a plus de différence… vous êtes tous un dans le Christ Jésus ».

Autrement dit : il ne doit y avoir aucune différence de traitement dans l’Église, aucune discrimination. Paul nous invite à un large accueil, sur la seule base de la foi en Jésus-Christ, manifestée par le baptême. Toute Église se doit d’accueillir sur cette seule base : ceux et celles qui partagent cette foi en Christ, ceux et celles qui sont en recherche ou en chemin vers cette foi en Christ. On accueille d’abord, de façon inconditionnelle. On pourra parler de théologie, d’éthique, de vie chrétienne, ensuite… Mais on accueille d’abord !

Et ce n’est pas toujours simple… La coexistence des chrétiens d’origine juive et non-juive était bien LE grand défi de l’Église naissante au Ier siècle. Mais d’autres discriminations étaient présentes dans la société de l’époque… et elles se retrouvaient dans les Églises aussi. A Corinthe, on reproduisait dans l’Église les différences sociales : chacun mangeait dans son coin sans se mélanger. Jacques reproche un peu la même chose dans son épître en dénonçant le fait qu’on accueillait bien les riches en leur donnant une place d’honneur et qu’on négligeait les pauvres.

Paul, dans notre texte, parle de la discrimination entre esclaves et hommes libres, ou entre hommes et femmes. Il s’agissait de fractures sociales fortes au temps du Nouveau Testament et elles se retrouvaient parmi les chrétiens. Mais l’apôtre Paul, au nom du principe universel qu’il souligne, affirme qu’elles n’ont plus leur place dans l’Église !
Dans l’Église, il y a encore des fractures…

Pourtant, l’exhortation garde toute sa pertinence aujourd’hui. Des fractures, il en reste dans l’Église.

Si la fracture Juifs/non-Juifs, ou esclaves/hommes libres ne nous concerne plus directement aujourd’hui, ce n’est sans doute pas le cas de la fracture hommes/femmes. Même si les choses ont évolué, la question demeure. Peut-on vraiment dire, aujourd’hui, qu’il n’y a dans les Églises aucune différence entre les hommes et les femmes ?

Vous me direz qu’il y a bien quelques textes dans le Nouveau Testament qui semblent restreindre l’implication des femmes dans l’Église, notamment concernant l’enseignement. Mais ces textes, peu nombreux, ne devraient-ils pas être lus dans le contexte culturel de l’époque et dans les circonstances de leurs destinataires ? Alors que notre texte, avec sa portée universelle, veut justement briser les fractures culturelles !

Et surtout, quand on considère plus largement le rôle assumé par des femmes dans le Nouveau Testament, on peut légitimement s’interroger sur la pertinence de leur interdire tel ou tel ministère. Elles sont les premiers témoins du Christ ressuscité, elles prophétisent dans les Églises, plusieurs sont appelées des collaboratrices par Paul, Priscille a instruit Apollos après sa conversion, Phoebé a le titre de ministre de l’Église de Cenchrées (Rm 16.1), Junia celui d’apôtre (Rm 16.7)… et tout cela dans un contexte culturel extrêmement patriarcal !

C’est par la suite, et malheureusement rapidement, que la domination masculine a fait faire machine arrière à l’Église… et pour longtemps !

Plus largement, il ne s’agit pas bien-sûr de suivre sans réfléchir les évolutions de la société. Il faut savoir résister et dire non quand il le faut, quand l’Évangile est en cause. Mais pourquoi les Églises devraient-elles être toujours à la traîne ? Lorsque Paul dit aux chrétiens de Rome : « Ne vous conformez pas au siècle présent », il ne leur dit pas « conformez-vous au siècle dernier » ! L’Evangile est le message du Royaume de Dieu, et c’est un Royaume en marche, pas un Royaume figé dans le passé.

On mesure mal à quel point l’affirmation de l’apôtre Paul ici résonne comme un coup de tonnerre dans le contexte socio-culturel de son époque ! Il est en avance sur son temps ! Et j’ai parfois l’impression qu’au lieu d’être un poste avancé du Royaume qui vient, l’Église a trop souvent été un poste retranché sur des combats d’arrière-garde…

Nous avons, en tant qu’Eglise, la responsabilité de manifester le Royaume de Dieu. Un Royaume dans lequel « il n’y a plus de différence entre les Juifs et les non-Juifs, entre les esclaves et les personnes libres, entre les hommes et les femmes. » Un Royaume dans lequel les relations sont différentes que dans la société, à cause du Christ, parce que nous sommes « tous un dans le Christ Jésus. » !
Conclusion

Je suis fasciné par la portée de cette affirmation de l’épître aux Galates. Le coup de tonnerre continue à résonner…

Pour reprendre, et prolonger, l’exhortation de Paul aux Romains, je dirais :
Ne vous conformez pas au monde présent… mais conformez-vous au Royaume qui vient.
Vivez l’Évangile, la même bonne nouvelle de salut pour tous, Juifs et non-Juifs, esclaves et libres, hommes et femmes… et j’ajouterais riches et pauvres, petits et grands, résidents et exilés, et la liste continue…

Non, l’Église ne peut pas être un lieu de discrimination. Ce serait une trahison du Royaume de Dieu. C’est le lieu où l’Évangile est proclamé et vécu, où la promesse est rappelée : « En croyant au Christ Jésus, vous êtes tous fils de Dieu. »

Témoin dans un monde incrédule

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Lecture biblique: 1 Rois 17.17-24

Arrêtons-nous ce matin dans le premier livre des Rois, dans l’A.T., sur un épisode de la vie du prophète Elie. Quelques mots de contexte avant tout. Nous sommes aux environs de 900 avant Jésus-Christ. Le peuple d’Israël s’est divisé et ses rois, surtout au nord, se sont éloignés de Dieu. Au temps du roi Achab, très influencé par son épouse païenne Jézabel, survient le prophète Elie, qui entre en conflit ouvert avec le roi pour l’interpeller et lui rappeler qui est le vrai Dieu. Une sécheresse arrive, et c’est la famine. Elie doit se cacher et survivre, et Dieu le conduit chez une veuve à Sarepta, une ville phénicienne, en territoire païen. Cette veuve, qui doit prendre soin d’Elie, est elle-même dans une situation extrême : quand Elie arrive, elle vide son dernier pot d’huile & de farine et s’apprête à mourir de faim avec son fils. Elie lui promet la protection de Dieu si elle accepte de le prendre chez elle, ce qu’elle fait – et le miracle se réalise, la promesse de Dieu s’accomplit : le pot d’huile ne se tarit pas, le pot de farine ne désemplit pas. Je vous invite à lire ce qui arrive quelque temps plus tard, chez cette même veuve.                                         Lecture

Elie est prophète de Dieu dans un monde incrédule : en Israël, on se livre à des cultes païens, on élève des poteaux en l’honneur de divinités étrangères, on sacrifie à des statues. Une poignée de Juifs continue de croire en Dieu et de le respecter. Hors d’Israël, Dieu n’est pas connu. Une situation d’errance spirituelle, désertique et sèche, qui ne vaut pas mieux que notre époque ! Dans ce contexte, Elie se dresse comme un témoin, témoin du vrai Dieu, du Dieu vivant et source de vie, au cœur de ce monde incrédule.

1)   Témoin face au doute

Cette femme étrangère nous interpelle, par son mélange de foi et de doute. Depuis l’arrivée d’Elie, elle est au bénéfice des miracles de Dieu – en période de famine et de pénurie, ses ressources se renouvellent miraculeusement, et elle qui devait mourir de faim avec son fils peut vivre, et avec un hôte, de surcroît ! Et si ce miracle est arrivé, c’est parce qu’elle a pris le risque de suivre la procédure que proposait Elie, et qui mettait en jeu tout ce qu’elle avait. Cette femme a cru en la promesse de Dieu, et elle s’est accomplie.

Oui mais voilà, son fils tombe malade, son fils unique, ce qu’elle a de plus précieux. Et là, elle se retourne contre le prophète et l’accuse : « pourquoi tu m’as fait ça ? Est-ce que tu es venu pour faire mon malheur ? pour me condamner ? » Tout est remis en cause, les miracles, les croyances, car son fils est en danger.

Elle n’agit pas comme on l’attendrait, en bonne croyante, pleine de foi en ce Dieu qu’elle ne connaissait pas mais qui lui a donné l’abondance. Mais cette veuve n’est pas un personnage de conte de fées, lisse et prédictible : c’est un être humain, qui réagit, qui doute alors qu’elle a des signes de la présence et de l’action de Dieu, qui se débat quand la souffrance est insurmontable, qui se révolte devant l’injustice de sa vie.

Elie entend, derrière la révolte, le cri de souffrance et de détresse de cette mère qui perd son fils : pas de discours moralisateur, pas de verset prêt à l’emploi, pas d’explication toute faite ou de recette. Il écoute.

Face aux doutes de la foi naissante, face aux questions parfois agressives que nous rencontrons dans l’église et en dehors : « il est où ton Dieu – dans ma maladie, dans cette guerre, dans ce malheur ? », quelle est notre attitude ? Est-ce que nous sautons sur la première réponse venue, facile et polyvalente, ou est-ce que nous nous mettons à l’écoute de la soif, de la détresse, du besoin qui sont parfois sous-jacents ?

2)   Témoin dans la prière

Elie va plus loin encore que l’écoute : il se met au service de cette veuve, avec ce qu’il a. Malgré l’agressivité et l’incrédulité de cette femme désespérée, il se met à son service.

Il prend son fils, va dans une chambre à l’écart, et dans cette chambre il prie. Il en appelle à Dieu, il argumente (est-ce que vraiment tu vas faire du mal à cette femme qui m’a fait du bien ?), il plaide (c’est une veuve, elle perdrait tout !), il demande grâce (je t’en supplie, rends la vie à cet enfant !).

Il prie deux fois, au début et à la fin, car sans la prière rien n’est possible. Non pas que la prière soit magique et qu’il faille dire les bonnes formules au bon moment, et deux fois pour être sûr ! Non, la prière est essentielle car elle nous ouvre à l’intervention de Dieu, elle dégage l’espace où Dieu va agir. Prier c’est laisser Dieu passer devant.

Entre ces deux prières, Elie a un comportement étrange : il se couche trois fois sur l’enfant… Ce geste mystérieux, difficile à interpréter, est un geste de solidarité. J’y vois l’implication d’Elie, son implication personnelle au cœur de sa prière. Il ne reste pas détaché de la situation, mais il s’y colle, il s’engage, il joint un petit geste à une grande prière. Ce n’est pas la quantité ou l’efficacité du geste qui a compté, mais l’implication d’Elie qui ne prie pas de loin, mais qui prend à cœur, et à corps !, la détresse de cette femme pour la confier à Dieu.

Certes, des miracles aussi spectaculaires, on n’en voit pas tous les jours. Mais Dieu agit tous les jours, il intervient tous les jours, il est vivant et puissant et attentif tous les jours. Comment l’invitons-nous dans notre réalité ? quelle place lui laissons-nous ? Quand nous prions, pour nous ou pour les autres, est-ce du bout des lèvres, sans grande conviction, ou est-ce de tout notre cœur, avec la conviction que Dieu peut agir, même si ça nous dépasse ? Demander la résurrection d’un enfant, c’est aussi fou que de prier pour l’ouverture de la Corée du Nord, pour la paix au milieu des conflits, ou pour des conversions massives dans notre pays ! Il ne s’agit pas de donner des ordres à Dieu, mais de l’inviter dans notre réalité pour qu’il vienne nous transformer et nous faire vivre.

3)   Témoin du Dieu vivant

Ce jour-là, Dieu agit de manière spectaculaire : il fait revivre l’enfant. Non seulement l’enfant ressuscite, mais sa mère aussi reçoit de quoi vivre avec Dieu. Elle voit à nouveau qu’Elie est un vrai prophète, mais surtout que la parole de Dieu est vraie, que Dieu accomplit ses promesses, que Dieu est le vrai Dieu. Elie, assidu dans la prière malgré les doutes de cette mère, a tenu bon pour témoigner de Dieu, du Dieu vivant – sans avoir de garantie d’ailleurs sur le succès de sa prière.

Il peut paraître présomptueux de parler de Dieu aux autres, de proclamer que ce Dieu en qui nous croyons est le vrai Dieu, le seul et unique, celui qui fait vivre et revivre. Mais quel est ce Dieu dont nous parlons ? C’est le Dieu qui nous fait vivre, qui guérit les malades (c’est moins rare qu’on ne le pense), qui renouvelle les cœurs, qui entrelace constamment son action dans le tissu du quotidien – le Dieu de notre souffle et du printemps, du soleil et de la pluie, de l’enfant qui naît, de l’artiste qui nous percute, de l’athlète au sommet de ses capacités. C’est le Dieu créateur qui n’en finit pas de recréer, de renouveler, de raviver.

C’est le Dieu de Jésus-Christ, le Dieu qui s’est collé à nous pour nous faire revivre, qui est devenu homme, qui a pris chair et os comme nous, pour nous offrir la vie. Jésus-Christ, vainqueur de la mort et du mal, ressuscité, promesse de vie pour tous ceux qui croient. Jésus-Christ vivant aujourd’hui et pour toujours, intercédant avec nous, pour nous, collé encore à nous pour nous offrir la vie du Créateur.

Conclusion

Dans un monde incrédule, nous ne pouvons pas grand-chose, mais nous pouvons beaucoup. Nous pouvons être là, attentifs, à l’écoute de notre entourage, sans discours moralisateur ni fausse promesse. Nous pouvons servir, dans une prière qui nous engage dans notre cœur et nos actes. Nous pouvons être témoins, poteaux indicateurs, du Dieu vivant, parce que le Dieu qui nous a sauvés sauve encore aujourd’hui, et que le Dieu qui nous fait vivre veut relever ceux qui vacillent autour de nous.