Archives mensuelles : avril 2014

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Morts… mais bien vivants !

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pâquesLecture biblique : Colossiens 3.1-11

La résurrection du Christ est au cœur de notre foi. C’est un article de foi essentiel : « le troisième jour, il est ressuscité des morts » proclame le Symbole des Apôtres. Dans sa première épître aux Corinthiens, l’apôtre Paul souligne combien, sans elle, tout s’écroule. « Si le Christ ne s’est pas réveillé de la mort, votre foi est vide, et vous êtes encore dans vos péchés. » (1 Co 15.17). Nous proclamons donc en ce jour de Pâques que Jésus-Christ est vraiment ressuscité !

Mais il ne suffit pas de le proclamer comme un événement du passé. Proclamer le message de Pâques, c’est dire que le Christ est vivant aujourd’hui… et qu’il l’est dans notre vie. C’est le sens de ce texte de l’épître aux Colossiens. L’apôtre Paul ne se contente pas de dire que le Christ s’est réveillé de la mort, il affirme à ses lecteurs qu’ils se sont eux aussi réveillés de la mort avec le Christ.

Le message de Pâques n’est pas la simple commémoration d’un événement appartenant à l’histoire, c’est le témoignage d’une vie nouvelle en Christ, aujourd’hui. L’apôtre Paul pose la question de l’actualité de la résurrection. Mais pas tellement dans un débat sur son historicité ou non (elle ne fait pas de doute pour lui !). Plutôt quant à sa réalité dans notre vie de chrétien. Comment le Christ ressuscité est-il vivant, en vous et moi, aujourd’hui ?

Mourir et ressusciter avec le Christ

« C’est avec le Christ que vous avez été réveillés de la mort. » (v.1) Il n’y a pas de résurrection sans mort. C’était vrai pour Jésus il y a 2000 ans, c’est vrai pour nous aujourd’hui. D’ailleurs, l’apôtre le dit au verset 3 : « vous êtes passés par la mort ». Et c’est une bonne nouvelle ! Parce que c’est ce qui rend possible notre résurrection.

Le temps du verbe en grec désigne un événement passé et pourrait bien faire référence à la mort du Christ lui-même à laquelle nous sommes associés par la foi. Il en est de même d’ailleurs pour l’affirmation de notre résurrection avec le Christ… Mais en même temps, Paul laisse entendre que, bien que morts et ressuscités, il y a bien encore des choses à « faire mourir » en nous (v.5).

La réalité spirituelle est là : par la foi, nous sommes unis au Christ mort et ressuscité. Nous sommes passés par la mort avec lui et nous sommes sortis du tombeau avec lui : par lui, nous avons la vie éternelle. Là où il reste du boulot, c’est dans l’appropriation de cette réalité spirituelle, son application dans notre vie aujourd’hui…

Être chrétien, c’est mourir et ressusciter ! Et pas seulement une fois, au début de la vie chrétienne. C’est un processus qui doit marquer toute notre vie. La perspective ultime est glorieuse, à l’horizon du retour du Christ : « Quand il paraîtra, vous aussi, vous paraîtrez avec lui et vous participerez à sa gloire. » (v.4) En attendant, le chemin est encore long à parcourir…

Nous devons mourir à ce qui nous éloigne encore de Dieu et ressusciter à ce qui nous rapproche de lui. C’est le processus de renouvellement évoqué au verset 10, par lequel le croyant peut ressembler de plus en plus à son Créateur.

On ne peut pas renaître sans mourir. On ne peut pas faire l’économie de la repentance sur notre chemin de la foi. On ne peut pas avancer avec Dieu sans renoncer à ce qui nous éloigne de lui. Il s’agit de faire mourir dans notre vie ce qui est mortifère, ce qui nous éloigne de Dieu et abîme en nous l’image de notre Créateur. Concrètement, il s’agit de renoncer à certaines pratiques, de briser certaines habitudes, de lutter contre certaines envies…

Qu’est-ce que je dois faire mourir dans ma vie aujourd’hui ? Qu’est-ce qui m’éloigne encore de Dieu ? Qu’est-ce qui porte atteinte à l’image de mon Créateur ?

Mais mourir sans renaître n’offre aucun espoir. Or, Jésus-Christ s’est réveillé de la mort, et nous sommes ressuscités avec lui. Il faut donc, en parallèle, laisser se développer en nous la vie du Christ, ce qui nous rapproche de Dieu et restaure en nous l’image de notre Créateur. Notre modèle ici, c’est bien-sûr Jésus-Christ… et notre relation à lui par la foi, à travers la prière et la lecture de la Bible sera ici la clé.

Chercher les choses d’en haut

Pour entrer dans cette dynamique, il faut un changement de paradigme, une nouvelle vision du monde : passer des « choses de la terre » aux « choses d’en haut ». « Le but de votre vie est en haut et non sur la terre. » (v.2). Ce que la version Parole de Vie traduit, avec raison, par la périphrase « le but de votre vie » est en fait un verbe en grec, phroneo, qui désigne la façon de penser, de comprendre, de voir les choses. Il s’agit bien de ce qui nous pousse à agir, de ce qui est à la base de nos motivations, de nos convictions, le but de notre vie…

Or, nous nous trouvons ici dans une tension… Cette opposition entre les choses d’en haut et les choses sur la terre est une des nombreuses façons pour l’apôtre Paul de parler de la tension que vit tout chrétien. Entre la chair et l’Esprit, entre le déjà et le pas encore accompli, entre notre vieille nature et notre nature nouvelle, etc…

En haut, c’est « là où le Christ se trouve ». Certes, le Christ est au ciel, à la droite de Dieu. C’est le rappel de sa résurrection et de son ascension, l’affirmation de sa victoire et de sa souveraineté. Chercher les choses d’en haut, c’est donc rechercher le Christ souverain. C’est laisser Celui qui est assis à la droite de Dieu s’asseoir sur le trône de ma vie.

Et lorsque Paul évoque des exemples de ces « choses de la terre » qu’il faut faire mourir, il évoque principalement des comportements qui touchent à notre relation aux autres (v.5-9) : l’immoralité, l’envie, l’égoïsme, la colère, le mensonge… Et plus tard, quand il évoquera ce que pourraient être les choses d’en haut, il sera toujours dans le registre relationnel (v.12ss) : l’humilité, la patience, le pardon, et surtout, au cœur de ses exhortations, l’appel à l’amour « qui est le lien qui unit parfaitement » (v.14).

Pourquoi les relations ? Parce que c’est ce qui se voit ! Ce qui se passe dans notre cœur, dans notre relation personnelle avec Dieu, on ne le voit pas… Par contre, cela transparaîtra dans nos relations. C’est forcément le cas, en vertu du double commandement, indissociable selon Jésus, d’aimer Dieu de tout notre cœur et d’aimer notre prochain comme nous-mêmes.

Si notre façon d’être avec les autres est à l’image de celle du Christ, alors on aura bien là un signe de la présence dans notre vie du Christ vivant. A l’inverse, on est en droit de s’interroger sur la qualité de notre relation au Christ si notre relation à notre prochain est incapable de manifester l’amour, la patience, l’humilité, le pardon, l’absence de jugement…

En réalité, la qualité de notre vie spirituelle se mesure moins aux paroles prononcées le dimanche au culte qu’à la qualité de nos relations au quotidien. Le Christ vivant se manifeste au moins autant sur nos lieux de vie dans la semaine que dans la louange du dimanche matin.

Jésus n’a pas dit à ses disciples « je serai avec vous tous les dimanches jusqu’à la fin du monde »… mais bel et bien « je serai avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde » ! Le Christ ressuscité est vivant dans le quotidien de nos vies.

Conclusion

Jésus-Christ est ressuscité ! C’est un fait… mais est-ce vrai dans notre vie ? A quel point le Christ vivant agit-il dans notre vie ? Celui qui est assis auprès du Père, est-il aussi assis sur le trône de notre vie ? C’est la place qu’il mérite… et c’est ainsi qu’il pourra, par un processus de petites morts et de petites résurrections, renouveler sans cesse notre cœur, et nous amener à ressembler de plus en plus à l’image de notre Créateur.

Voilà l’oeuvre du Christ vivant en nous. Car Jésus-Christ est ressuscité, et nous avons été ressuscités avec lui. En lui nous sommes morts… mais bien vivants !

Un corps qui ne doit pas perdre la tête

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Lecture biblique : Colossiens 1.15-20

Ces versets constituent un hymne à la gloire du Christ. Peut-être s’agissait-il d’un texte liturgique existant par ailleurs, que Paul aurait inséré dans sa lettre, à la suite de sa prière d’action de grâce et avant une exhortation. De toute façon, ces versets forment un tout cohérent d’une grande richesse théologique.

En examinant le texte original grec, deux parties semblent apparaître clairement. La première (v.15-18a) centrée sur l’oeuvre de création associée au Christ, la deuxième (v.18b-20) centrée sur son œuvre de réconciliation.

Au cœur de cet hymne, le verset 18 apparaît presque comme un intrus, sans lien évident avec les versets précédents : « C’est lui qui est la tête du corps, c’est-à-dire de l’Église ». Mais c’est une affirmation qui se justifie pleinement, notamment pour le propos de l’apôtre. L’Église, c’est ce qui nous relie au Christ dans cet hymne. L’Église c’est nous, l’ensemble de ceux qui appartiennent au Christ, les croyants de tous les temps et de partout. Et nous sommes le corps dont le Christ est la tête. Ce qui est dit du Christ ici nous concerne en tant que corps du Christ.

Il est l’image du Dieu invisible, c’est en lui et par lui que tout a été créé, ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas, le monde matériel, le monde spirituel, l’univers entier… La tête, l’autorité, le chef de l’Église, c’est ce Christ-là ! Ça nous dit bien quelque chose de l’Église…

Et puis le Christ n’est pas seulement à l’origine de tout le monde créé, il est aussi celui par qui le monde est sauvé. Par lui, Dieu est venu parmi nous faire œuvre de réconciliation. Il est venu sauver ce monde qui s’est écarté de son Créateur. Au passage, remarquez comme Paul souligne la dimension cosmique de l’oeuvre de salut de Dieu : elle concerne l’ensemble de la création, « sur la terre et dans le ciel »… L’Église n’est, finalement, qu’une petite parcelle de cette œuvre de réconciliation.

On comprend pourquoi, par cette vision grandiose du Christ, il est essentiel que l’Église soit un corps qui ne perde pas la tête !

1. Une tête universelle

La dimension universelle du Christ et la dimension cosmique de son œuvre nous poussent à une compréhension universelle de l’Église. Dans l’Apocalypse, la vision du « peuple innombrable », sans nul doute symbole de l’Église, nous est décrit comme un peuple issu « de tous les pays, de toutes les tribus, de tous les peuples et de toutes les langues. » (Ap 7.9). Le projet de Dieu pour son Église est universel.

Cela implique, évidemment, le refus de tout replis sectaire. Comment prétendre croire à une Église universelle si nous pensons être les seuls à détenir la vérité ? Le seul fait de penser « détenir » la vérité est suspect. Du point de vue des évangiles, la vérité, c’est la personne du Christ, pas une confession de foi…

Pour avoir une vision correcte de l’Église, il faut nécessairement élargir notre regard bien au-delà de « son » Église locale ! Et pas seulement en théorie… Mais en profitant des occasions qui se présentent pour rencontrer d’autres Églises, prier avec d’autres chrétiens. C’est incohérent de dire : « Oui, je crois à l’Église universelle… mais je ne m’intéresse qu’à mon Église locale ! » L’oecuménisme, dans le sens de la communion dans la diversité de l’Église universelle n’est pas une option. Ce devrait être une composante essentielle de notre vie de chrétien.

Mais il y a aussi l’accueil de la diversité interne de l’Église, comme une expression locale de l’universalité de l’Église. Rien n’est plus contraire au projet de Dieu pour son Église qu’une communauté complètement uniforme où tout le monde marche droit, au même rythme, dans une discipline de fer. Ça, c’est l’armée. Pas l’Église…

2. La tête, c’est le chef !

La métaphore du Christ comme tête du corps affirme l’autorité suprême du Christ sur son Église. Une autorité ici magnifiée par l’ensemble de l’hymne et son évocation glorieuse de la personne du Christ.

C’est, du coup, une mise en garde contre toute autorité humaine qui voudrait un tant soit peu prendre la place de la tête… Dans l’Église, l’autorité n’appartient pas au pasteur, ou au conseil, ou aux membres les plus anciens, ou à celui qui parle le plus fort ou prie le plus longtemps. L’autorité, c’est le Christ et sa Parole. Toute autre autorité dans l’Église est relative et subordonnée au Christ. Comme il est triste que si souvent, dans les Églises, il y ait tant de jeux de pouvoirs… A force de jeux de pouvoirs, il y a des Églises qui finissent pas se couper la tête… en se coupant de l’autorité du Christ.

C’est lui, le Christ, qui est le chef ! Et ça doit se voir. Le Christ doit être omniprésent, au cœur de la vie de l’Église. Sans cette centralité du Christ, nous ne sommes plus une Église… tout au plus une association cultuelle, une amicale de chrétiens.

Comment se manifeste, concrètement, la centralité du Christ dans l’Église ? Peut-être d’abord à la place qu’il occupe dans nos motivations et nos objectifs.
Pourquoi venir au culte ou assister aux différentes réunions ? Pour rencontrer des amis ou même recharger ses batteries spirituelles ? Non.. d’abord pour rencontrer le Christ !
Pourquoi louer Dieu, chanter et prier ? Pour passer un bon moment, se faire du bien, vivre une expérience intense ? Non… pour glorifier le Christ !
Pourquoi annoncer l’Évangile ? Pour faire grandir l’Église, remplir les chaises vides, pouvoir se mesurer aux autres Églises ? Non… Pour glorifier le Christ, seul Sauveur du monde !

3. Une seule idée en tête : la réconciliation

L’accent porté, dans la deuxième moitié de notre texte, sur l’oeuvre de réconciliation du Christ a forcément une incidence sur notre compréhension de l’Église. Affirmer que le Christ est la tête de l’Église, c’est affirmer qu’il est à l’oeuvre dans son Église. Et que son objectif, la seule idée que Dieu a en tête, c’est la réconciliation. La réconciliation avec Dieu, bien-sûr, mais sans doute aussi la réconciliation les uns avec les autres.

L’Église est une communauté de rachetés, des hommes et des femmes pardonnés et déclarés justes par la mort du Christ, réconciliés avec Dieu. Une communauté d’hommes et de femmes « saints, purs et sans faute. » (v.22). Du moins aux yeux de Dieu ! Parce qu’on est assez loin de ça dans la réalité. Mais même avec nos faiblesses, nos sales caractères, nos cœurs pas toujours purs, nos motivations pas toujours saintes, nous nous présentons devant un Dieu qui nous accueille comme si nous étions saints, purs et sans faute.

Dieu ne nous voit pas tels que nous sommes vraiment mais tel que nous sommes en Christ. On pourrait dire, tel que nous serons lorsque l’oeuvre du Christ en nous sera pleinement accomplie. Il ne voit pas d’abord nos failles, nos limites et nos erreurs. Il voit notre potentiel pleinement révélé par l’oeuvre du Christ.

Du coup, je me demande : et nous ? Quel regard portons-nous les uns sur les autres ? Est-ce que nous voyons notre frères, notre sœur, tels qu’ils sont aujourd’hui ou tels qu’ils peuvent devenir en Christ ? Est-ce que nous leur donnons la chance de changer, ou plutôt d’être changés par le Christ, ou les enfermons-nous dans des cases, des chaînes, par un regard de jugement ?

Et si nous sommes une communauté de réconciliés avec Dieu, vivons-nous la réconciliation entre nous ? Ou nous accommodons-nous de vivre avec des rancœurs, des conflits, des ressentiments envers notre frère ou notre sœur ?

Conclusion

L’Église est un corps qui ne doit pas perdre la tête. Le Christ est son chef, et ça doit se voir. En ce qui concerne l’Église universelle, pas de risque : le Seigneur lui-même s’en occupe. Mais pour les Églises locales, l’exhortation doit être prise au sérieux.

D’autant que, malheureusement, l’histoire de l’Église est pleine d’exemples où les Églises ont perdu la tête, devenant un corps sans tête, ou un monstre à plusieurs têtes.

Jésus-Christ est l’unique chef de l’Église. Comment pourrait-il en être autrement :

« Il est le commencement,
celui qui, le premier, s’est levé de la mort,
pour être le premier de tous, toujours et partout. »