Vous êtes le corps du Christ (3) L’importance de l’accueil

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L’accueil est souvent une question qui préoccupe beaucoup les églises évangéliques. C’est une question qui est souvent source d’insatisfaction ou de frustration. On a presque toujours l’impression de ne pas bien le faire ou qu’on peut toujours mieux faire dans ce domaine…

Et c’est d’autant plus difficile qu’on entend souvent, pour une même Église, des gens dire qu’ils ont été très bien accueillis et d’autres qu’ils ont été très mal accueillis. Sans doute parce que les attentes, en matière d’accueil, peuvent être très différentes. Certains s’attendront à ce qu’on s’intéresse à eux et qu’on leur pose des questions sur qui ils sont, d’où ils viennent, etc. Et d’autres fuiront à la première question tellement ils auront peur qu’on veuille leur mettre le grappin dessus. Certains apprécieront avoir le temps de rester d’abord un peu incognito, d’apprivoiser la communauté, avant d’envisager d’y chercher une place. D’autres auront l’impression d’être ignorés et pas pris en considération si on ne les sollicite pas rapidement pour rejoindre un groupe ou s’intégrer dans une activité.

Et puis on ne peut pas vivre de la même façon l’accueil dans une petite église familiale avec 25 personnes au culte que dans une église qui rassemble plusieurs centaines de personnes le dimanche.

On ne va pas trouver des réponses toutes faites à ces questions dans la Bible… Mais l’apôtre Paul, dans ses exhortations finales de l’épître aux Romains, utilise une formule forte et pertinente qui me paraît utile pour souligner quelques principes de base quant à l’accueil. Elle se trouve en Romains 15.7, et nous lirons jusqu’au verset 13.

Lecture : Romains 15.7-13

7 Accueillez-vous les uns les autres, comme le Christ vous a accueillis pour la gloire de Dieu. 8 Je vous le dis, Dieu est fidèle. C’est pourquoi le Christ est devenu le serviteur des Juifs, pour accomplir les promesses faites par Dieu aux ancêtres. 9 Et les non-Juifs rendent gloire à Dieu à cause de sa bonté. En effet, les Livres Saints disent : « Pour cela, je te fêterai parmi tous les peuples et je chanterai en l’honneur de ton nom. »
10 Les Livres Saints disent encore : « Peuples, réjouissez-vous avec le peuple que Dieu a choisi. »
11 « Pays du monde entier, chantez la louange du Seigneur ! Tous les peuples, chantez la grandeur de Dieu ! »
12 Ésaïe dit aussi : « Un homme de la famille de Jessé va venir. Il se lèvera pour gouverner les autres peuples, et ces peuples mettront leur espoir en lui. »
13 Que Dieu, qui donne l’espérance, vous remplisse de paix et de joie à cause de votre foi ! Alors vous serez pleins d’espérance par la puissance de l’Esprit Saint.

Accueillez-vous les uns les autres

Les épîtres du Nouveau Testament contiennent de nombreuses exhortations avec cette formule « les uns les autres ». Elles traduisent l’impératif communautaire de l’Église, avec toutes ses facettes, dont l’accueil fait pleinement partie

S’accueillir les uns les autres, c’est d’abord considérer que l’accueil est l’affaire de tous. Ce n’est pas réservé aux spécialistes… Pas besoin d’avoir le badge officiel pour se soucier de l’accueil, aller saluer les nouveaux, aller à la rencontre de ceux qui sont isolés ou perdus, offrir une poignée de main ou un sourire.

Mais dans le contexte de l’épître aux Romains, l’enjeu derrière cette exhortation est plus profond. Il tient à l’accueil mutuel entre chrétiens d’origine juive et chrétiens d’origine païenne (cf. v.7-8). Il faut comprendre que c’était LE grand défi des premières décennies de l’histoire de l’Église. Or l’Évangile appelle autant les païens et les Juifs, et il les appelle à partager la même maison de Dieu qu’est l’Église de Jésus-Christ. Et cela a créé des tensions très rapidement, tant le fossé culturel était important. La première crise majeure de l’histoire de l’Église était liée aux différences culturelles…

Or, l’Evangile n’est pas lié à une culture. Il s’incarne dans toutes les cultures. L’horizon biblique du peuple de Dieu, c’est celui d’Apocalypse 7 : un peuple issu de tous les peuples, de toutes le langues, de toutes les cultures. Le brassage culturel est intrinsèque à l’Évangile. Il me semble qu’il est important de le rappeler aujourd’hui où les replis identitaires ont le vent en poupe…

La diversité culturelle, nous la connaissons au sein de notre Église. Mais nos cultures s’accueillent-elles vraiment mutuellement ? Se mélange-t-on vraiment ou ne faisons-nous que cohabiter ?

Comme le Christ vous a accueilli

La formule « accueillez-vous comme le Christ vous a accueilli » rappelle d’autres exhortations de Jésus lui-même :
– Aime ton prochain comme toi-même…
– Pardonnes-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés…

Des formules qui soulignent une certaine réciprocité, le fait de faire aux autres ce qu’on aimerait qu’ils fassent pour nous, ou de donner aux autres ce que Dieu nous a donné. Le Christ nous a accueilli. Tel que nous sommes. Comment pourrions-nous ne pas accueillir notre prochain alors que nous-mêmes sommes au bénéfice de l’accueil du Christ ?Comment pourrions-nous ne pas accueillir celui que le Christ lui-même accueille ?

L’autre idée derrière la formule de Paul, c’est de s’accueillir les uns les autres à la manière de Jésus, selon l’exemple d’accueil donné par le Christ. Or, les Évangiles sont pleins de récits où Jésus fait preuve d’un accueil inconditionnel. Y compris et surtout envers ceux que les autres ne voulaient pas accueillir. Les gens qu’on disait de mauvaise vie, les péagers perçus comme collaborateurs de l’occupant romain. Il a accueilli ceux que tout le monde évitait et considérait comme impur : des lépreux, une femme atteinte d’une perte de sang, une femme adultère que la foule était prête à lapider…

Mais, ajoute-t-on toute de suite, c’était parce qu’il voulait qu’ils se convertissent. Il les accueille parce que ce sont des pécheurs repentants. Mais est-ce vraiment toujours le cas ? Pensez-vous vraiment que tous ceux avec qui Jésus allait manger se sont vraiment convertis ? Il me semble que si c’était vraiment le cas, les reproches des Pharisiens n’auraient pas eu beaucoup de portée… Et d’ailleurs, on a aussi quelques exemples qui montrent que les choses ne sont pas aussi simples. Parmi les 10 Lépreux que Jésus a guéri, un seul est revenu le remercier… Le jeune homme riche venu le rencontrer est reparti triste de son entrevue avec Jésus…

A l’image de Jésus, l’accueil va de paire avec la grâce. On n’accueille pas sous conditions quand on veut accueillir comme le Christ !

Pour la gloire de Dieu

Les deux premières partie de l’exhortation de Paul suffisaient déjà à souligner l’importance de l’accueil. Sa dernière partie le souligne encore plus. Car l’enjeu est de taille : rien de moins que la gloire de Dieu !

Associer la gloire de Dieu à quelque chose d’aussi banal que l’accueil peut paraître surprenant. On penserait plutôt aux miracles, aux manifestations spectaculaires de Dieu, ou à une louange enthousiaste qui résonnerait comme un avant-goût du Ciel… Voilà où resplendit la gloire de Dieu !

Mais pour Paul, la gloire de Dieu est aussi dans l’accueil à l’image du Christ. Accueillir comme le Christ nous accueille, c’est agir à l’image de Dieu. C’est refléter quelque chose de sa gloire.

Dieu est glorifié quand son Église reflète la réconciliation entre Juif et non-Juifs au temps de l’apôtre. Il est glorifié quand elle est un lieu ouvert, accueillant, sans discrimination ni jugement. Il est glorifié quand elle est interculturelle et intergénérationnelle, une Église dans laquelle toutes barrières sociales tombent, où, selon les paroles de Paul aux Galates, « il n’y a plus ni Juifs ni Grecs, ni esclaves ni hommes libres, ni hommes ni femmes. » (Galates 3.28)

Conclusion

Nous avons raison de nous interroger sur l’accueil dans l’Église. C’est important !

D’abord, c’est l’affaire de tous : Accueillez-vous les uns les autres ! Ensuite, notre accueil doit être inspiré par le Christ : inconditionnelle expression de la grâce. Enfin, c’est une façon simple et très concrète de glorifier Dieu.

Bien-sûr, ces principes, il faut les mettre en pratique, voir comment les incarner dans notre Église, discerner ce que cela implique concrètement, voir sans cesse comment améliorer ce qui existe déjà… Mais commençons, chacun, par faire nôtre cette exhortation de l’apôtre :

« Accueillez-vous les uns les autres comme le Christ vous a accueillis pour la gloire de Dieu. »




“Vous êtes le corps du Christ!” (2) Pour une spiritualité équilibrée

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Lecture biblique: 1 Corinthiens 14.1-5 et 15-19 

Paul a beaucoup parlé du rôle et de la nature de l’église à la communauté de Corinthe, qui était pour le moins bouillonnante voire chaotique. Sûrement qu’on y trouvait à la fois le meilleur et le pire. Des expériences de Dieu très intenses et spectaculaires, mais aussi (et c’est ce que nous connaissons le mieux puisque Paul s’attache surtout à évoquer ce qui ne va pas) l’indifférence, l’orgueil, l’égoïsme qui défigurent la communauté par des rivalités, des conflits, du désordre… Face aux difficultés de cette communauté, Paul reprend comme un refrain cet ingrédient incontournable de la foi en Jésus-Christ, qu’est l’amour pour les autres. Il en parle au chapitre 13, comme de la plus remarquable et désirable performance spirituelle, rappelant que sans l’amour le reste est vide. Maintenant, Paul applique au culte ce qu’il vient de dire sur l’amour. Si l’amour pour les autres est ce qu’il y a de plus important, comme l’a commandé le Christ, quel impact cela a-t-il, notamment, sur notre façon de vivre le culte, et plus largement, la spiritualité en communauté ?

  • Le culte, un temps pour partager… 

On devine dans le texte que les cultes à Corinthe étaient désordonnés. Chacun faisait ce qu’il voulait, et le culte était loin d’être édifiant – même si certains vivaient d’intenses moments avec Dieu, et en ressortaient nourris, grandis, enthousiasmés. Dans cette adoration, les Corinthiens privilégiaient une forme en particulier, le « parler en langues », une façon de prier ou chanter avec des sons qui ne correspondent à aucune langue existante, et dans laquelle le croyant exprime son adoration à Dieu de façon très personnelle – dans une grande intimité avec Dieu, un peu mystique. C’est ce que Paul appelle prier, ou chanter, avec le cœur. En soi, cette forme est bonne et valable – Paul d’ailleurs priait de cette façon-là régulièrement, et de nos jours, encore beaucoup prient ainsi.

Le problème, c’est que le parler en langues n’a pas forcément sa place au culte communautaire. En effet, le culte a pour but de rencontrer Dieu, oui, mais en communauté, avec les autres. Du coup, Paul évoque une autre forme d’expression spirituelle : la prophétie. Il ne s’agit pas forcément de prédire l’avenir, c’est même rarement le cas, mais de s’approprier pour aujourd’hui les vérités éternelles de la foi : comment les Écritures saintes qui révèlent Dieu viennent-elles nous parler aujourd’hui ? Cela prend en compte p.ex. la prédication, mais aussi toutes les paroles que nous échangeons : prières, exhortations… – tout ce qui rend la parole de Dieu actuelle pour notre vie, pour moi mais aussi pour les autres. Comme elle est censée être compréhensible par tous, la prophétie est plus appropriée pour le culte que le parler en langues, parce qu’elle prend en compte la communauté, alors que le parler en langues touche seulement à l’individu – sauf si la prière ensuite est traduite pour que les autres puissent s’y associer. Mais dans ce cas-là, si on cherche à être compris, pourquoi ne pas prier directement de manière intelligible ?

Au-delà de la question de telle ou telle forme de prière, l’enjeu, c’est notre attitude lors du culte, à l’église : que venons-nous chercher ? un havre de paix ? une respiration dans la semaine ? une réflexion à méditer les prochains jours ? un moment de louange exaltant qui dynamise notre foi ? Ce ne sont pas de mauvaises raisons de venir au culte, mais ce ne sont pas les seules ! ce ne sont même pas les plus importantes. Le culte, selon la Bible, est d’abord une rencontre avec Dieu et avec les autres, et si je vis le culte pour moi seul, je rate tout l’intérêt de l’église, qui est de vivre l’amour de Dieu ensemble.

  • Une spiritualité équilibrée, en privé et en communauté

Si l’on ne vient pas au culte uniquement pour ce que nous allons y recevoir, mais pour vivre une rencontre avec Dieu et avec les autres, cela implique que chacun nourrisse sa vie spirituelle en dehors du culte. Paul cite sa propre expérience : quand il est seul, il vit des temps d’une extraordinaire intimité avec Dieu – dans le parler en langues, par des visions aussi…, mais quand il est en communauté, il ne cherche pas la même chose. ***

Cela paraît évident, mais parfois nous attendons du culte qu’il réponde à nos besoins, qu’il nous transporte vers Dieu, mais du coup, nous sommes parfois déçus ! parce que les chants ne nous plaisaient pas, que la prédication ne concernait pas notre situation, que nous aurions voulu tel silence, ou tel rythme, ou tel style… cela génère frustration, amertume, voire un peu de colère envers cette église qui ne répond pas à nos attentes.

Mais venir au culte, c’est comme aller manger chez des amis. Si vous jeûnez depuis une semaine, vous arrivez affamé, un peu énervé, clairement carencé, et vous sautez sur le buffet d’apéritif, vous trépignez pendant que les autres parlent, n’attendant qu’une chose : le plat principal. Et voici qu’arrive un plat que vous n’aimez pas trop… Et ainsi de suite – en rentrant, vous tempêtez contre vos amis, qui ne savent pas recevoir, qui perdent du temps, etc. En réalité, quand on va chez des amis, certes on a faim, mais raisonnablement, et on n’y va pas d’abord pour se nourrir ! on y va pour passer un bon moment ensemble, pour prendre des nouvelles, pour se confier, se soutenir ou débattre de sujets intéressants.

Venir à l’église est un peu pareil : on vient, oui, avec des attentes légitimes, mais on ne vient pas que pour soi, car le culte n’est pas pour assouvir les besoins de chacun individuellement, mais pour faire grandir l’ensemble. Cela suppose que nous avons d’autres occasions de laisser Dieu nous nourrir, dans des temps personnels de prière, de méditation biblique, de réflexion sur ce que Dieu est pour moi. Par exemple, telle personne se sentira vraiment proche de Dieu au travers de longs moments de chants, ou de musique – telle autre, en marchant dans la nature, ou dans un profond silence, ou encore en servant des repas à des personnes en besoin. Si l’on cherchait à tout faire pour tous, le culte serait vite indigeste. En fait, dans la communauté, au travers des différentes rencontres, on vise d’abord le partage : s’encourager, se consoler, et s’instruire les uns les autres. Et paradoxalement, on ne peut vraiment profiter des temps en communauté que si on soigne sa vie personnelle avec Dieu, de la  même façon qu’on profitera du repas entre amis si on a correctement mangé à midi.

Dans la solitude, nous expérimentons, de façon parfois extraordinaire, la communion avec Dieu le tout Autre qui se fait proche, le Créateur transcendant qui me tend la main – cette exaltation, on la vit assez rarement en groupe ; et ce n’est pas grave, ce n’est pas cela que nous venons chercher au culte. Parce que, ensemble, on vit autre chose, on expérimente une autre réalité de Dieu, tout aussi sublime : la relation. Dieu aime partager, et cela se reflète dans les relations avec les autres, la communion, l’amour, le service mutuel : quand on prie à deux ou trois, ou même à 200, qu’on partage ensemble, qu’on agit, on goûte alors à cette dimension d’un Dieu multiple, varié, qui s’épanouit dans l’échange et le partage – et cela on ne peut le vivre qu’avec les autres.

Conclusion

Pour vivre pleinement notre foi, nous avons besoin des temps communautaires, et de temps où nous sommes seuls avec Dieu. Mais avec quel équilibre ? J’aimerais prendre pour conclure l’image de la vie de couple. Aucun couple ne fait tout ensemble, mais à l’inverse un couple qui ne ferait rien ensemble ne serait plus vraiment un couple, mais deux individus cohabitant sous le même toit. Cela étant, chaque couple a son propre système : certains passent trois quarts de leur temps ensemble, d’autres un quart, sans que cela n’empêche d’être un couple fort, uni, solidaire, et amoureux. Cette souplesse s’applique à notre implication dans l’église : que vous veniez seulement le dimanche ou cinq fois dans la semaine, c’est selon ce qui vous convient ! Ce qui compte, c’est que vous ne viviez pas avec Dieu à moitié – soit que en communauté, avec le risque de s’affamer et de paradoxalement tomber dans le piège de l’égocentrisme en venant chercher ce dont moi j’ai absolument besoin ; soit que tout seul, en se privant alors de l’expérience de la relation, par laquelle Dieu se révèle à nous, lorsque nous nous instruisons les uns les autres, que nous nous encourageons les uns les autres et que nous nous consolons les uns les autres. Alors cherchons Dieu dans l’intimité de la solitude comme dans les relations, afin qu’il se révèle à nous dans la richesse de ce qu’il est.




“Vous êtes le corps du Christ !” (1) Le rôle du culte

 

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NB : Cette prédication est la première d’une série qui essayera de répondre aux « questions à l’apôtre Paul » posées par les participants au week-end de rentrée de l’Église évangélique libre de Toulouse. Plusieurs questions touchaient à la question du culte, et notamment la musique et les chants, la place de la confession des péchés, la liberté qui doit être laissée à l’Esprit de Dieu.

Dans la terminologie protestante, le culte désigne le rassemblement de l’Église pour prier, chanter, écouter la Parole de Dieu… Or, il y a peu de textes dans le Nouveau Testament qui donnent des instructions précises quant au culte. On sait par le livre des Actes des apôtres que, dès le lendemain de la Pentecôte, les chrétiens se réunissaient pour prier et écouter l’enseignement des apôtres. On a quelques consignes de l’apôtre Paul dans la première épître aux Corinthiens, mais dans un contexte où il fallait remettre un peu d’ordre dans le chaos qui semblait régner dans cette Église. Et puis il y a deux textes, assez proches quant à leur contenu, dans deux autres épîtres de Paul. Je vous propose de les lire et de les méditer ce matin.

Lectures bibliques : Ephésiens 5.18-20, Colossiens 3.15-17

Il y aurait beaucoup à dire à partir de ces deux textes. A commencer par le fait qu’il n’y a rien de contraignant quant à la façon de vivre un culte. On peut être fidèle à ces textes de bien des manières, avec différentes formes de spiritualité communautaire, dans différentes traditions ecclésiales. Il n’y a pas qu’une seule façon de vivre un culte qui serait conforme à la Bible…

Mais si on ne devait garder que quelques éléments incontournables du culte, j’en proposerais trois : la communauté, le Saint-Esprit et le cœur.

La communauté

On peut lire la Bible seul, on peut prier seul, on peut même chanter seul… mais ce n’est pas un culte au sens où on l’entend en général. Même si on parle parfois de « culte personnel ». Le culte, c’est une expression de piété communautaire. Et elle est importante parce que dans la perspective biblique, la foi n’est pas qu’une affaire personnelle et individuelle, elle a une dimension communautaire. On n’est pas chrétien tout seul, chacun fait partie du corps du Christ.

Alors bien-sûr, le culte est rendu à Dieu. Son but est de glorifier le Seigneur : « Quoi que vous fassiez, en parole ou en œuvre, faites tout au nom du Seigneur Jésus, en rendant grâce par lui à Dieu, le Père. » (Colossiens 3.17)

Mais quand on lit les instructions de l’apôtre Paul dans nos deux textes, l’accent tombe sur la dimension communautaire ! Il s’agit de dire ensemble des psaumes, de chanter ensemble à Dieu. Le rassemblement doit manifester la réalité que nous formons un seul corps en Christ. C’est ce qui explique que la musique, avec le chant, occupe une place centrale dans ces textes bibliques. A cause de sa dimension communautaire ! Chanter, c’est prier ensemble, en même temps, avec le mêmes paroles. C’est la voix du corps du Christ qui s’exprime.

Mais littéralement, Ephésiens 5.19 dit : « Parlez-vous les uns aux autres par des psaumes, des hymnes, etc… » Il ne s’agit donc pas seulement de prier et chanter ensemble mais de le faire les uns pour les autres.

Ca signifie donc que le choix des cantiques dans un culte est important. Ils doivent nous parler, nous édifier. Et cela tant au niveau de la musique que des paroles. Pour la musique, dans cette optique, il est nécessaire qu’il y ait un renouvellement, avec des musiques modernes, qui nous parlent culturellement. Dans le respect bien-sûr des goûts divers… Il faut aussi que les cantiques aient des paroles qui ont du sens. C’est vrai que là, on n’est pas toujours gâtés… et pas seulement avec les nouveaux chants. Des fois, ça passe parce qu’il y a la musique. Mais essayez un test redoutable : lisez les paroles d’un cantique à haute voix, sans les chanter. Et voyez ce que ça donne…

Mais l’exhortation à « se parler les uns aux autres » est valable aussi pour la prière communautaire. Certes, en priant, on parle à Dieu… mais on parle aussi à ses frères et sœurs quand on prie à haute voix en public ! Evidemment, il ne s’agit pas de régler ses comptes pendant une prière, ni de déballer sa vie privée en public. Même s’il faut aussi qu’il y ait dans nos cultes l’occasion de confesser personnellement à Dieu nos péchés, et susciter peut-être une démarche de pardon et de réconciliation à mettre en œuvre dans notre vie.

Mais n’avez-vous jamais été édifié par une prière au cours d’un culte ? Peut-être faudrait-il mieux les préparer ? Pourquoi ne prépareriez-vous pas vos prières avant de venir au culte le dimanche matin ? Pour qu’elles honorent Dieu et édifient les frères et sœurs…

La dimension communautaire du culte est donc essentielle. Et on peut très bien la manquer, y compris quand une église est pleine. Si on vit le culte chacun pour soi devant Dieu, en oubliant ses frères et sœurs autour de soi. Mais l’Église est un corps et non une banque d’organes. Les organes sont liés les uns aux autres pour former un corps vivants, pas mis les uns à côté des autres dans un même lieu. Et cela doit se voir dans le rassemblement du culte !

Le Saint-Esprit

Le deuxième incontournable du culte, c’est le Saint-Esprit. Il en est un acteur indispensable. En Ephésiens 5, tout découle du Saint-Esprit qui nous remplit. Littéralement, le texte dit : « soyez remplis du Saint-Esprit, en disant ensemble des psaumes… et chantant et psalmodiant… ». L’exhortation de base c’est d’être rempli du Saint-Esprit et toutes les autres sont des propositions relatives. Autrement dit, si on n’est pas rempli du Saint-Esprit, tout le reste n’a plus de sens… C’est pourquoi la prière d’ouverture, au début de nos cultes, est importante. Ce n’est pas juste pour la forme. Elle exprime la nécessité de la présence de Dieu, par son Esprit, au milieu de son peuple qui se réunit.

Si on est remplis du Saint-Esprit, alors nos chants, nos prières, ne seront pas seulement nos paroles mais les paroles du Saint-Esprit lui-même… D’ailleurs Colossiens 3 ne parle pas d’être rempli du Saint-Esprit mais de la parole du Christ qui doit habiter en nous dans toute sa richesse. Être rempli du Saint-Esprit, c’est être habité par la parole du Christ.

Remarquez bien qu’ici il n’est pas question d’un type de piété plus que d’un autre. Pas besoin d’être charismatique pour dire que nous devons être remplis du Saint-Esprit et que l’Esprit de Dieu doit animer et donner vie à nos cultes ! Ici se pose bien-sûr la question de la liberté de l’Esprit. Il faut sans doute laisser une part de spontanéité dans nos cultes pour la laisser pleinement s’exprimer. Mais être spontané ne signifie pas forcément être inspiré ! De même la liberté de l’Esprit c’est aussi de pouvoir agir en amont, dans la préparation.

Quoi qu’il en soit, sans le Saint-Esprit, un culte n’est qu’une réunion entre chrétiens… Mais Dieu n’est pas là. Et ce n’est plus un culte. C’est un rassemblement humain, qui peut être très sympathique voire même enthousiaste. Mais sans la présence et l’action de Dieu, ce n’est pas un culte.

Le cœur

Le troisième incontournable que j’aimerais souligner, c’est le cœur. Notre cœur. « Chantez la louange du Seigneur de tout votre cœur. » (Ep 5.19)« Remerciez Dieu de tout votre cœur » (Col 3.16)

On ne parle pas ici des sentiments et des émotions. On parle de l’implication personnelle. Ca induit aussi des émotions mais pas seulement. Vivre un culte avec le cœur, c’est le vivre avec l’esprit en éveil, une écoute active, une authenticité dans les paroles et les gestes, etc…

Quelle est notre attente, notre préparation ? Quand nous venons au culte le dimanche, nous attendons-nous à rencontrer Dieu, à entendre sa voix ? Pas seulement revoir des frères et sœurs, être portés par une louange vivante, être instruit par la prédication de la Bible. Mais rencontrer Dieu. Ou pour utiliser les expressions de nos textes, être remplis du Saint-Esprit et de la parole du Christ.

Vous aurez remarqué qu’il n’y a pratiquement que des impératifs dans nos deux textes. Donc les choses ne se font pas toute seule. Il faut y mettre du sien. Les chants peuvent être magnifiques, la prédication pertinente, l’ambiance chaleureuse… si vous n’y mettez pas chacun tout votre cœur, ça sera un culte qui ne vous concernera pas…

Si votre cœur n’est pas impliqué dans le culte, alors ce qui s’y passera vous sera extérieur. Comme si les seuls acteurs d’un culte étaient ceux qui sont sur l’estrade… Si vous n’êtes pas acteurs du culte, en y participant de tout votre cœur, alors vous en restez spectateurs.

Conclusion

La communauté, Dieu, le croyant. Le rôle du culte est de permettre l’articulation de ces trois dimensions de l’Église.

Retirez la dimension communautaire et le culte n’est alors qu’une parenthèse dans la semaine où chacun vient faire son marché et repart chez lui avec ce qu’il a trouvé… ou pas.

Retirez l’Esprit de Dieu et le culte n’est alors guère plus qu’un rassemblement humain comme un autre, comme on participe à un club ou une association.

Retirez l’implication personnelle, de tout cœur, de chacun et le culte devient juste un spectacle, avec des acteurs ou des chanteurs qui se produisent devant un public. Allez plutôt au théâtre ou au cinéma !

Vivons au contraire le culte comme l’occasion d’expérimenter l’Église comme corps du Christ. Un corps dans la diversité de ses membres, par la dimension communautaire. Un corps vivant, animé par le Saint-Esprit. Un corps où chacun a son importance, dans lequel chacun est acteur, de tout cœur.




Bénir…

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A la place (ou en complément !) des vœux traditionnels de bonne année et de bonne santé que vous avez sans doute déjà échangé depuis quelques heures (et vous allez continuer encore quelques jours…), je vous propose ce matin de nous placer les uns les autres sous la bénédiction de Dieu. Et nous pouvons le faire grâce au texte de l’Ancien Testament qui nous est proposé pour ce dimanche.

Lecture biblique : Nombres 6.22-27

Cette bénédiction sacerdotale était prononcée tous les jours par les prêtres, à la fin de leur office au temple. Et c’est une prière qui est toujours très importante dans le Judaïsme aujourd’hui. Elle est dite à la synagogue, mais aussi à la maison, par les parents, tous les vendredis soirs, pour bénir leurs enfants le jour de shabbat.

C’est d’ailleurs une formule liturgique que nous utilisons aussi souvent dans nos cultes, comme formule de bénédiction finale. D’autant que ses trois parties peuvent évoquer pour nous la dimension trinitaire…

En y regardant de près, on constate que la formule est très travaillée d’un point de vue poétique. Elle est en effet constituée de trois phrases de taille croissante. La première est faite de 3 mots pour 15 lettres, la deuxième de 5 mots pour 20 lettres, la troisième de 7 mots pour 25 lettres. Une structure qui traduit un mouvement, une dynamique d’expansion, comme la bénédiction de Dieu qui se répand et s’accroît. Elle évoque une bénédiction de Dieu qui avance inexorablement et que rien ne peut contrecarrer.

De plus, si on enlève les trois occurrences du mot SEIGNEUR (Yahwé), il reste 12 mots… comme le nombre des tribus d’Israël. Signe d’une bénédiction du Seigneur pour l’ensemble de son peuple. Personne n’est oublié.

C’est passionnant de constater que si on n’en reste qu’à la structure de cette formule, on a déjà un enseignement sur la bénédiction de Dieu. C’est une bénédiction qui se répand inexorablement pour tous ceux qui lui appartiennent. Et c’est déjà là une formidable promesse pour nous en ce début d’année !

Mais pour aller plus loin, bien-sûr, il faut nous arrêter sur le contenu de cette triple formule. Chacune des phrases a le SEIGNEUR comme sujet, suivi de deux verbes, le second précisant ou développant le sens du premier : bénir et garder, faire briller sa face et faire grâce, lever sa face et donner la paix.

Bénir et garder

La bénédiction de Dieu, dans le contexte de l’Ancien Testament, est associée en général à l’abondance, la fertilité, la prospérité à tous égards. Un peu comme dans les vœux qu’on s’échange à Nouvel An, où on se souhaite mutuellement une bonne année, une bonne santé et plein de bonheur… On pourrait en déduire, et certains le font d’ailleurs, qu’être béni c’est forcément être riche, en bonne santé et vivre dans l’abondance.

Mais le fait que le verbe bénir soit associé dès la première phrase de cette formule au verbe garder donne une tonalité plus nuancée à l’ensemble. Si le verbe bénir s’accorde aux temps d’abondance, le verbe garder convient particulièrement aux temps d’épreuves.

Plusieurs psaumes se font l’écho de cette bénédiction sacerdotale. Et notamment le Psaume 121 en ce qui concerne ce verbe garder (il est utilisé 6 fois en 8 versets). Il s’ouvre par cette question : « Je lève les yeux vers les montagnes, d’où me viendra la secours ? » Et la réponse est bien-sûr le Seigneur : « Il ne sommeille ni ne dort, celui qui garde Israël » (v.4).

Autrement dit, la bénédiction de Dieu est pour les bons et les mauvais jours : il nous bénit et il nous garde. Être gardé par Dieu, dans les temps heureux, c’est être au bénéfice de son abondance. Être gardé par Dieu, dans les temps sombres, c’est recevoir les forces pour traverser l’épreuve, la joie dans les difficultés, la paix face à l’adversité. Dans les deux cas, c’est bien une bénédiction !

Quoi que nous réserve l’année qui s’ouvre devant nous, dans la joie ou dans l’épreuve, nous pouvons fermement espérer en la bénédiction de Dieu, qui sera appropriée à ce que nous traverserons.

Bénir et faire grâce

La deuxième phrase débute par une expression figurée : « Que le SEIGNEUR fasse briller sa face sur toi. ». C’est comme si le Seigneur avait un visage éclatant et que, par sa présence, il illuminait notre vie. Ou comme si le sourire de Dieu illuminait son visage et nous rassurait quant à ses intentions envers nous. Car elles sont toute positive et pleines de bonté à notre égard. Ce que confirme le deuxième verbe de la phrase : faire grâce.

La grâce, c’est un don gratuit, immérité. Un cadeau… une notion que nous comprenons bien en ce temps de fêtes. Elle est forcément accordée par quelqu’un qui occupe une position supérieure, en faveur de quelqu’un qui n’a aucun droit à la réclamer. C’est bien notre position devant Dieu…

Et cela signifie que la bénédiction, au moins dans son sens fort, vient de Dieu seul. Jamais de nous. Nous ne sommes pas supérieurs à nos semblables ! Nous pouvons bien-sûr demander la bénédiction de Dieu pour les autres, ou même pour soi. Mais la bénédiction vient de Dieu seul. C’est un cadeau de sa grâce. Dans notre texte, quand Dieu dit à Aaron et ses fils : « c’est ainsi que vous bénirez les Israélites », il dit en fait que c’est ainsi que lui, il bénira son peuple, par l’intermédiaire de ses prêtres. C’est d’ailleurs ce que dit le verset 27 : « Ainsi ils placeront mon nom sur les Israélites, et je les bénirai. »

Je ne suis pas très à l’aise avec ces chrétiens qui bénissent les autres, comme s’ils avaient à leur disposition un dose de bénédiction qu’ils pouvaient dispenser autour d’eux. Et bien-sûr, quand il s’agit de bénir des objets ou des lieux, je suis encore plus mal à l’aise !

Il faut souligner que si la bénédiction de Dieu est une grâce, alors elle n’est pas un dû. Jamais. Ça ne veut pas dire pour autant qu’elle soit hypothétique ! Elle nous est promise, par un Dieu qui nous est favorable. C’était déjà vrai au temps de l’Ancien Testament. Ça l’est encore plus depuis la venue, la mort et la résurrection de Jésus-Christ. La lumière sur le visage de Dieu est la même qui a éclaté du tombeau vide.

Recevoir toute bénédiction de Dieu comme un cadeau et non un dû, c’est savoir accueillir les cadeaux de Dieu comme des signes de son amour. Et ça fait du bien !

Bénir et donner la paix

La troisième phrase aussi utilise une expression figurée : « Que le SEIGNEUR lève sa face vers toi. ». La TOB traduit « qu’il porte sur toit son regard. » et la version Parole de Vie propose « qu’il te regarde avec bonté. »

Cette expression imagée n’est utilisée qu’ici pour Dieu. Mais ailleurs dans l’Ancien Testament, quand Dieu « cache sa face » c’est qu’il est en colère. Il se cache, il s’en va… Ici, c’est l’inverse, il lève sa face, il se montre présent et se manifeste favorablement. Et il donne la paix…

On est bien dans le prolongement de la phrase précédente. L’insistance tombait sur l’initiative de Dieu dans la bénédiction : il fait grâce, il l’accorde comme un cadeau. L’insistance ici tombe plus sur les effets de la bénédiction de Dieu : elle procure la paix.

La paix, dans la Bible, c’est bien plus que l’absence de conflit. La paix (shalom) est une plénitude ! C’est la paix de la réconciliation (en particulier avec Dieu), la paix du repos, de la sécurité, de l’espérance, de l’harmonie, du bien-être… Elle est l’accomplissement du projet de Dieu, une des marques du Royaume qui vient : la paix est omniprésente chez les prophètes pour décrire la Création réconciliée avec Dieu, à la fin des jours.

La paix que Dieu donne est la plénitude de sa présence dans notre vie. Il lève sa face vers nous : que peut-il nous arriver ?

Conclusion

Que le SEIGNEUR te bénisse et te garde !
Que le SEIGNEUR fasse briller sa face sur toi et t’accorde sa grâce !
Que le SEIGNEUR lève sa face vers toi et te donne la paix !

Que pouvons-nous souhaiter de plus qu’une telle bénédiction de Dieu pour cette année qui s’ouvre devant nous ?

Mais posons nous une question complémentaire : comment être, en 2017, non seulement au bénéfice de la bénédiction de Dieu mais aussi des instruments de bénédiction pour les autres ?

Sans doute pouvons-nous nous inspirer de ces trois verbes pour qu’ils orientent la façon dont nous envisagerons nos relations. Prenons-le comme une bonne résolution ! Cherchons à garder, protéger et prendre soin ; soyons prêts à faire grâce, pardonner, restaurer ; poursuivons la paix, travaillons à la réconciliation.

En un mot, efforçons-nous de faire aux autres ce que Dieu a fait pour nous. Soyons en bénédiction pour les autres comme nous sommes au bénéfice de la bénédiction de Dieu.




Faire l’expérience de Dieu

https://soundcloud.com/eel-toulouse/sons-de-dimanche-matin

Lecture biblique: 1 Jean 1.1-4

Il n’en revient toujours pas. Même là, devant son bureau, après des années, des décennies, il n’en revient pas. Il l’a vu ! Entendu, touché, avec ses mains ! vu avec ses yeux ! Il l’a vu ! et il n’en revient toujours pas… malgré le temps passé depuis le départ de Jésus, malgré des années de prédications, d’implantation d’églises, de persécutions aussi, Jean est encore bouleversé par cette bonne nouvelle : la vie (la vie !), l’éternité, Dieu, l’inexprimable, l’indéfinissable, l’invisible, est entré dans le monde, et il l’a entendu, vu, touché !

Jean a expérimenté Dieu, et ça a bouleversé sa vie.

Après tant d’années, au moment de parler du Christ, Jean ressent toujours le même enthousiasme, la même joie, la même effervescence – comme tous ceux qui ont rencontré Jésus et ont compris qu’il était « plus », plus qu’un homme, plus qu’un prophète, plus qu’un sage : dès le début, Marie, Elizabeth et l’enfant dans son ventre qui tressaille d’allégresse, Joseph, les bergers et les mages, Anne la prophétesse et le vieux Siméon ; et aussi plus tard les premiers disciples (tel André à son frère Simon : Nous avons trouvé le Messie !) ou la femme samaritaine, qui court dire à tout le village qu’elle a rencontré au puits celui qui donne la vie… et les apôtres, les premiers chrétiens : la liste de ceux que l’expérience de Dieu a bouleversés est longue…

On pourrait croire que cette joie s’atténue avec le temps, que c’était l’excitation du moment, la nouveauté, le buzz, mais Jean, des décennies plus tard, loin d’être blasé, est toujours aussi bouleversé quand il parle de Jésus.

  • Témoin de l’indescriptible

Jean est bouleversé parce qu’il a été témoin de l’indescriptible : ce qui était dès le commencement, dès avant le monde, avant les étoiles et les dinosaures… ce qui était avec Dieu, ce qui est Dieu depuis toujours, ce qui est la vie – comment le décrire ? – est entré dans nos vies, dans notre tissu humain. Cela s’est manifesté, s’est présenté à nos sens. Cela est rentré dans les réalités du quotidien, irruption de l’éternel dans le temporel – Dieu n’est pas abstrait, au-dessus, loin : il s’est fait concret, chair et sang, proche, à notre hauteur…

Je dis cela, parce que Jean dit « cela » (ce que nous avons vu etc. et non pas « celui »), car en Jésus il y a plus qu’une personne humaine, il y a de l’indéfinissable, de l’éternel. Devant le Christ, homme et bien plus qu’un homme, nos cadres de pensée explosent, nos mots touchent leurs limites : l’infini est entré dans le fini, le créateur s’est fait créature, le peintre s’est fait tableau – il y a de quoi être bouleversé !

C’est impensable, et pourtant c’est réel : Jean est là pour en témoigner. Avec d’autres, il a vu le Christ marcher sur les eaux, guérir les lépreux, arrêter la tempête, multiplier les pains et transformer l’eau en vin, il l’a vu mort et vivant à nouveau, traverser les murs et s’élever dans les airs.

Ces expériences contredisent le bon sens et bousculent la logique, et pourtant elles sont là, réelles, étalées sur 3 ans, devant des centaines de témoins de toutes origines – ces expériences concrètes, Jean est bien obligé de les croire ! Et la seule explication, la seule qui tienne, c’est celle que Jésus a donné de lui-même : fils des hommes, il est aussi fils de Dieu. En lui, Dieu s’est fait homme – il est entré dans nos vies.

  • Une expérience qui se partage

On comprend bien que Jean soit bouillonnant : il a touché Dieu ! Et cela le bouleverse tellement que malgré les difficultés et le risque de persécution, Jean ne peut que proclamer, annoncer, partager ce dont il a été témoin. L’expérience de rencontrer Dieu en Jésus était si forte – est si forte ! parce que maintenant que Jésus n’est plus sur terre, Dieu ne s’est pas éloigné, Jean n’est pas abandonné mais il vit la présence de Dieu tous les jours, par la foi.

Cette expérience, Jean ne peut pas la garder pour lui – il a prêché, il a implanté des églises, et il continue, inlassablement, de transmettre ce message qui fait vivre : Dieu est accessible, il est entré dans nos vies.

La vie avec Dieu ne se garde pas pour nous, mais elle nous lance dans une dynamique, vers les autres. Autrement dit, un chrétien est forcément témoin.

C’est souvent un sujet de culpabilité pour nous, pour moi en tout cas, car on a souvent du mal à parler de cette bonne nouvelle qu’est Jésus, par peur de dire des bêtises, de passer pour un illuminé ou encore de récolter mépris et moqueries. Parfois on pense aussi que c’est une question privée.

Mais si on revient à l’essentiel, à l’énormité qu’est le Christ, cet homme à qui j’ai donné ma vie parce que je pense qu’il est Dieu, alors il vaut la peine que je partage avec d’autres cette extraordinaire nouvelle. Faire et refaire l’expérience de Dieu, par la foi, seul ou avec d’autres, en nous replongeant dans la Bible, en mettant à part du temps pour prier – comme une priorité dans nos agendas bien chargés -, en décryptant la présence de Dieu dans notre quotidien… redécouvrir Dieu dans notre vie. Nous avons tous besoin, régulièrement, de revenir à Dieu, pour être tellement remplis de sa vie et de sa présence que ça déborde – peu importe comment, par des gestes, des paroles, une attitude, mais que ça déborde.

Mais Jean donne l’impression que ça marche aussi dans l’autre sens : témoigner, à rendre compte de notre foi, de notre expérience, sans jugement ni dogmatisme, simplement ce que nous vivons avec Dieu, va nous aider à reprendre conscience de la puissance de Dieu dans notre vie. Raconter pour mieux expérimenter. Vous savez, c’est comme les couples : quand on raconte ou qu’on se redit son histoire, comment on est tombé amoureux, la fameuse demande en mariage, comment on a surmonté telle épreuve, notre amour en est renforcé, fortifié, renouvelé. Avec Dieu c’est pareil : en partageant ce que nous avons reçu, la valeur du don de Dieu se dévoile à nouveau.

Ainsi, se rapprocher de Dieu nous lance dans une dynamique de témoignage et de partage, mais partager nous rapproche aussi de Dieu : le mouvement se nourrit lui-même et nous permet d’entrer plus profondément dans la joie de Dieu.

  • De la joie à la joie

En effet, Jésus fait entrer Dieu dans nos vies pour nous faire entrer dans la joie de Dieu, qui existe depuis toujours et pour toujours.

Prenons un peu de recul : Dieu, dès le commencement, était heureux, épanoui, réjoui, il était bien. Et puis l’amour a débordé, Dieu a voulu associer d’autres à sa joie – car la joie ne se garde pas pour soi. Et il a créé le monde, pour faire entrer d’autres êtres dans sa joie. Après la création, Dieu se repose et partage sa joie avec le monde nouveau-né. Oui mais voilà, une brèche a fissuré cette harmonie, et l’homme s’est engouffré dedans, perdant tout. En Jésus, Dieu comble cette brèche et tend à nouveau la main pour ramener l’humanité et le monde dans sa joie parfaite. Il va très loin, puisqu’il scelle en lui-même, en son identité, l’alliance entre l’homme et lui – plus jamais l’homme ne pourra se dissocier de Dieu, car Dieu, en Jésus-Christ, a revêtu l’humanité, pour toujours, pour une joie éternelle.

C’est ce mouvement que suit Jean : sa joie de connaître le Christ déborde jusqu’aux autres, pour que lui et eux soient dans la même joie, la joie d’expérimenter le Dieu qui fait vivre. Certes, aujourd’hui, la joie n’est pas encore complète, il reste tant de souffrances et de difficultés, mais Dieu promet d’établir un monde entièrement gouverné par sa justice et sa paix. Pour l’instant, nous pouvons déjà vivre l’amour de Dieu qui déborde et nous tourne vers les autres – et c’est là qu’intervient l’église : nous vivons la présence de Dieu en présence des autres, nous vivons la joie de Dieu en la partageant avec d’autres. Nous vivons un avant-goût de cette joie éternelle que nous éprouverons ensemble, avec Dieu, et avec les autres.

Conclusion

Jésus, Emmanuel – Dieu avec nous, est né il y a bien 2000 ans. Il a fait exploser nos cadres, bouleversé nos vies, pour nous remplir de sa vie, une vie généreuse, joyeuse, qui déborde et inclut les autres. Que « Dieu avec nous » nous rende « avec Dieu » et « avec les autres », pour que nous fassions l’expérience, avec toujours de plus de force, de l’indescriptible amour de Dieu pour nous, qui est entré dans nos vies pour nous faire entrer dans sa joie.