Vivre la fraternité (3) Jusqu’au bout

Jusqu’où ? Quelle est la limite ? Sous quelles conditions ? Quelles sont les petites lettres en bas du contrat, ou les pages cachées derrière le lien « en cliquant sur cette case, vous acceptez  les conditions générales d’utilisation/ les conditions générales de vente et d’achat… » ? Dès qu’on souscrit à un contrat, qu’on accepte une responsabilité, qu’on signe un papier, la question c’est : jusqu’où ? Qu’est-ce que ça va me coûter ? Quelles sont les limites de notre, ou de leur, engagement ?

Depuis deux semaines, avec Vincent on vous parle d’amour. De fraternité. C’est un des leitmotivs de Dieu, de Jésus, de la Bible : aimez-vous. A peu près tout le monde, chrétien ou pas, prône l’amour – mais jusqu’où ? Jusqu’où aimer ? Jusqu’où pardonner ? A quoi nous engage cette fameuse fraternité ? Cet amour dont parle Jésus ? Est-ce que je dois aimer la personne qui m’agace ? Qui me blesse ? Qui m’ignore ? Qui me choque ? Qui me veut du mal ? On parle de fraternité dans l’église, mais jusqu’où ?

Il y a deux semaines, un texte de l’apôtre Jean définissait notre condition : par notre foi partagée, en Christ, nous sommes frères, car enfants du même Dieu. Dimanche dernier, Vincent a abordé un défi particulier : la diversité – comment être frères quand on est différents, quand on ne se comprend pas ? Et aujourd’hui : comment être frères quand on s’est fait mal ? Quand on est en désaccord – pas un simple malentendu, mais qu’on est blessé, déçu, choqué ? Dans bien des fratries, la fraternité rencontre des couacs ; dans l’église aussi ! Que fait-on quand ça frotte, quand ça se déchire ?

Inspiré par Dieu, l’apôtre Paul, disciple de Jésus, nous apporte une réponse, souvent lue dans les mariages (vous allez peut-être reconnaître). Mais il n’écrit pas pour des couples ! Il écrit à une église marquée par les divisions, les rivalités, les frottements, et il les exhorte à aimer – pas comme un beau sentiment enrobé de barbe à papa, mais dans le concret des relations réelles, avec leur passif.

Lecture biblique : 1 Corinthiens 13.4-8

4 L’amour est patient, l’amour rend service. Il n’est pas jaloux, il ne se vante pas, il ne se gonfle pas d’orgueil. 5 L’amour ne fait rien de honteux. Il ne cherche pas son intérêt, il ne se met pas en colère, il ne se souvient pas du mal. 6 Il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il se réjouit de la vérité. 7 L’amour excuse tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout.

8 L’amour ne disparaît jamais.

Alors, cet amour ! L’amour que Paul décrit n’est pas le sentiment passionné que nous pouvons ressentir pour nos enfants, notre conjoint, nos familles. Si je retraduis, il s’agit de patience, de serviabilité, d’humilité. De bienveillance et d’encouragement, d’honnêteté, de confiance. Paul décrit en fait une posture, une attitude, un caractère qui se manifeste dans toutes nos actions, dans toutes nos relations, un genre de réglage par défaut qui s’applique quelle que soit la personne. Celui qui aime, c’est celui qui ne se met pas en avant mais qui fait une place à l’autre pour lui faire du bien.

Un amour jusque-boutiste

Le problème c’est ce petit mot : « tout ». « L’amour excuse tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout ». Alors je pourrais vous rassurer, me rassurer, en relativisant, en donnant des définitions subtiles, en rappelant les exceptions possibles, en faisant appel au bon sens pour bloquer ce qui est intolérable. Mais ce n’est pas ce que fait Paul ! Il ne dit pas que tout est excusable, mais que celui qui aime doit être prêt à tout pardonner. A offrir une nouvelle chance quoi qu’il arrive. A accepter l’autre tel qu’il est, même quand il nous fait bondir. Il est fou, Paul ou quoi ? Il y a des limites, quand même ! Non, dit Paul : l’amour va jusqu’au bout.

Bon, Jésus disait la même chose : aime ton ennemi, quand tu demandes pardon à Dieu rappelle-toi de pardonner toi aussi, aimez-vous comme je vous ai aimés… Oui mais c’est Jésus, c’est facile pour lui, il est parfait ! (c’est ce qu’on se dit, non ?) Mais Paul… Paul a connu les mêmes églises que nous, avec les mêmes chrétiens que nous : des gens qui se chamaillent (Ph 4), immoraux, tricheurs, menteurs, colériques, violents, paresseux, profiteurs, orgueilleux, cupides… Paul n’a pas fréquenté des chrétiens modèles, non, c’était les mêmes que vous et moi ! Il s’en est pris plein la figure, il a été trahi, attaqué, traîné dans la boue. Et c’est ce même Paul qui dit : l’amour pardonne tout. L’amour n’a pas de conditions. Celui qui aime n’a pas de limites.

L’amour chrétien n’est pas une vague bienveillance béate, souriante et aseptisée, avec des petites fleurs dans les cheveux et un pendentif de licorne. L’amour que Dieu nous appelle à vivre est un amour extrême, radical, jusque boutiste. Un amour qui sera testé, et re-testé, et re-testé, par ceux qui nous entourent. Un amour ambitieux.

En fait, Dieu nous demande d’avoir pour les autres le même amour que lui a pour nous : un amour têtu, obstiné, qui choisit l’espoir à chaque impasse. Dieu a aimé des gens décevants, blessants, usants – peut-être qu’on ne se définit pas nous-mêmes comme ça, mais c’est ce qu’on est : je blesse autant que je suis blessée ! Je fatigue autant qu’on me fatigue ! L’enfer, ce n’est pas que les autres, c’est moi aussi – mais Dieu nous a aimés ! Avec notre mesquinerie, notre bêtise, notre vanité, nos déviances et notre indifférence. Il s’est donné pour des gens comme nous. Nous ne sommes peut-être pas les pires qui puissent exister, mais nous pouvons facilement nous rendre insupportables. Pourtant Dieu nous supporte, il nous aime, il est patient, serviable, il dépasse sa colère et ses frustrations, il cherche ce qui est bon pour nous, il met de côté nos erreurs et nos fautes, il croit tout, il excuse tout, il espère tout, il supporte tout.

Jésus a dit : aime ton ennemi, tout le monde peut aimer ses amis. Aime ton frère. Mais quand un frère ou une sœur de l’église nous blesse, ou nous déçoit, qu’est-ce qu’on fait ? Il n’y a pas de catégorie entre « frère avec qui je m’entends bien » et « ennemi », une zone au milieu où on n’aurait pas à aimer : c’est depuis le frère jusqu’à l’ennemi. Et quand mon frère se rapproche de l’ennemi, me trahit ou me casse, Jésus nous dit là aussi : aime-le.

citation CS Lewis : « Il est plus facile d’être enthousiaste pour l’Humanité [ou l’Eglise en général !] que pour des individus exaspérants, dépravés, ou peu attirants d’une manière ou d’une autre »

Un défi impossible

Aimer jusqu’au bout, c’est impossible ! C’est inhumain ! Même dans l’église.

L’église, comme toute famille, est un lieu formidable & terrible. Formidable car nous y avons une même référence, le Christ, une même énergie, l’Esprit, une même espérance. Nous nous sentons chez nous. Mais terrible car nous y avons tant d’attentes : que ce soit comme notre famille naturelle, ou bien mieux. Que tout s’y passe bien, que tout coule, car on se rassemble autour de Dieu – mais la diversité de nos attentes, nos cultures, nos caractères conduit fréquemment à des déceptions, des malentendus, des blessures et des conflits. Que faire dans ces cas-là ? Etre chrétien ne signifie pas qu’il n’y aura jamais de problèmes : je lutte avec mon péché, mes défauts, mes failles, comme chacun d’entre nous !

Nos stratégies habituelles : amertume, rancune, ragots, clans, ou alors se renfermer, mettre de la distance, ignorer l’autre (après tout l’église est grande). Éventuellement quitter l’église (on peut comme ça faire toutes les églises de Toulouse, en partant au moindre conflit), éventuellement renoncer aux églises. Mais la vraie fraternité n’est pas cet univers aseptisé où on se sourit sans se connaître, où on ne dit rien jusqu’au jour où on part. Non, on peut aimer et discuter, parfois avec ardeur, on peut critiquer – mais l’amour ne détruit pas, il construit. Celui qui aime ne crie pas plus fort que les autres, après avoir parlé il écoute de bon cœur. Celui qui aime accorde le bénéfice du doute à l’autre, avec humilité il se remet en question.

Un défi qui nous met à genoux

Franchement, c’est difficile. Et souvent impossible, tant les déchirures peuvent être profondes. C’est impossible, oui, mais impossible à qui ? A nous, mais pas à Dieu ! (diapo)

L’ambition de Dieu pour nous, elle nous met à genoux. Elle nous plonge dans la prière. Ce défi nous donne soif, soif de son Esprit : « O Dieu, je n’ai pas le cœur pour aimer comme toi. Mais toi tu changes les cœurs. Alors, viens au secours de mon manque de foi. Transforme-moi par ton Esprit »

Et Dieu donne ce qu’il ordonne, disait déjà Saint Augustin au 5e siècle. Dieu donne ce qu’il ordonne. Dieu ne nous demande rien qu’il ne soit prêt à nous aider à vivre ! Dieu nous met des défis impossibles ? Des défis de fou ? Il nous donne son Esprit ! Mais je dois lui demander. Je dois aller puiser, pour boire. Si je ne prie pas pour que Dieu me donne un cœur humble, qu’il me donne de pardonner, ça n’arrivera pas tout seul. Si je ne réclame pas à Dieu son aide, je ne m’en sortirai pas. Mais pourquoi nous acharner à vivre les défis de Dieu sans Dieu ? Pourquoi rapetisser notre vocation – parce qu’on a peur de lui demander ? Bien sûr qu’aimer est difficile, bien sûr que pardonner demande du temps – je ne dis pas le contraire ! Mais ce texte nous pose la question : quelles limites mettons-nous à ce que Dieu nous demande ? Quelles limites mettons-nous à nos prières ? Celui qui demande peu reçoit peu – peu d’amour, peu de patience, peu de pardon. Mais celui qui demande beaucoup recevra beaucoup ! Devant des personnes blessantes, rageantes, désespérantes, vers quelle source d’amour nous tournons-nous ? La nôtre ? On sera vite à sec !

Oui, Dieu nous appelle à l’impossible : dépasser nos peurs pour ouvrir notre cœur et tendre notre main. Mais Dieu s’épanouit dans l’impossible : dans le désert, il met des vignes. Dans les pleurs, il met le chant. Dans la mort, il met la vie. Dans la haine, ne mettra-t-il pas le pardon ? Dans la douleur, la guérison ?

Conclusion 

Les histoires d’amitié, de fraternité, de réconciliation, sont magiques. Dans un film ou un témoignage, elles font bondir notre cœur. Quand on entend que deux frères se sont réconciliés après trente ans, ou qu’une femme a pardonné au meurtrier de son fils, on a le vertige, le vertige de l’espoir. C’est impossible, mais c’est arrivé ! Dieu est intervenu, il a débloqué des freins, ouvert des portes, bâti des passerelles. C’est dans les défis impossibles que Dieu se révèle, que l’on voit la marque de sa main, que l’on sent le souffle de sa voix. Certains peuvent se contenter d’une fraternité de surface, sage et creuse – vous pouvez mais ce n’est pas ce que Dieu a en tête. Le Dieu incroyable dont nous sommes si fiers est un Dieu qui transforme, pas après pas, pardon après pardon, prière après prière, un Dieu qui nous entraîne dans le sillage de son amour impossible mais bien réel.




Vivre la fraternité (2) Le défi de la diversité

https://soundcloud.com/eel-toulouse/vivre-la-fraternite-2-le-defi

La semaine dernière, nous avons commencé une série de prédications sur la fraternité. Florence vous a rappelé pourquoi nous sommes frères et soeurs dans l’Eglise, et pourquoi nous sommes appelés à nous aimer. C’est un des fondamentaux de la vie chrétienne. La fraternité est toujours un défi. Et une des raisons de ce défi, c’est la diversité que nous représentons. Regardez autour de vous ! Ne voyez-vous pas cette diversité ?

Dans l’Eglise, on est confronté à une diversité, parfois grande, et à plusieurs niveaux. Il y a celle qui se voit tout de suite, hommes et femmes, de couleurs de peau différentes, d’âges différents… En allant plus loin, la diversité de fait que s’accentuer : elle est culturelle, socio-économique, d’arrière-plan spirituel, elle concerne les caractères, les histoires personnelles, les cheminements de foi, etc. Et ce n’est pas toujours facile. On a beau être ensemble dans un même lieu le dimanche, des barrières d’incompréhension, voire de méfiance subsistent. Le mélange n’est pas une évidence.

On pourrait même se demander si la diversité est vraiment souhaitable dans l’Eglise ? Est-ce qu’il ne serait pas plus facile, plus efficace, de constituer une église avec des gens qui se ressemblent, de former un groupe homogène ? N’y aurait-il pas moins de conflits, moins de malentendus ?

Le récit biblique que nous avons choisi pour notre Eglise l’année dernière, la rencontre entre Pierre et Corneille (Actes 10-11), nous donne déjà une indication. La différence culturelle pouvait sembler être un obstacle insurmontable. Un Juif ne pouvait pas accepter l’hospitalité d’un non-Juif, ne serait-ce que pour les règles alimentaires : ce que les uns considéraient comme impur, les autres le considéraient différemment. Alors Dieu a donné une vision à Pierre, celle d’une grande toile dans laquelle se trouvaient tous les animaux possibles, purs et impurs selon la loi de Moïse, et une voix qui retentit, invitant Pierre à manger de tout ! La réponse de Pierre est sans appel : “En aucun cas, Seigneur ! Je n’ai jamais rien mangé de souillé ni d’impur !”

Même si le sens de cette vision est moins dans la remise en cause des interdits alimentaires que dans l’invitation à aller au-delà des blocages et des barrières culturelles, le défi était grand. On mesure sans doute mal l’effort et le courage que cela a représenté pour Pierre de briser ces barrières.

Pour aller plus loin, je vous propose de lire le récit de l’événement qu’on peut considérer comme le moment fondateur de l’histoire de l’Eglise, en de nous demander ce qu’il nous dit sur cette question de la diversité.

Actes 2.1-11
1 Quand le jour de la Pentecôte arrive, les croyants sont réunis tous ensemble au même endroit. 2 Tout à coup un bruit vient du ciel. C’est comme le souffle d’un violent coup de vent. Le bruit remplit toute la maison où ils sont assis. 3 Alors ils voient apparaître des langues, comme des langues de feu. Elles se séparent et se posent sur chacun d’eux. 4 Tous sont remplis de l’Esprit Saint et ils se mettent à parler d’autres langues. C’est l’Esprit qui leur donne de faire cela.
5 À Jérusalem, il y a des Juifs venus de tous les pays du monde. Ce sont des gens fidèles à Dieu. 6 Quand ils entendent ce bruit, ils se rassemblent en foule. Ils sont profondément surpris, parce que chacun entend les croyants parler dans sa langue. 7 Ils sont très étonnés et pleins d’admiration et ils disent : « Tous ces gens qui parlent sont bien des Galiléens. 8 Alors, comment chacun de nous peut-il les entendre parler dans la langue de ses parents ? 9 Nous venons du pays des Parthes, de Médie, d’Élam, de Mésopotamie, de Judée et de Cappadoce, du Pont et de la province d’Asie, 10 de Phrygie, de Pamphylie. Nous venons aussi d’Égypte, de la partie de la Libye qui est près de Cyrène, de Rome, 11 de Crète et d’Arabie. Parmi nous, certains sont juifs, et d’autres aussi obéissent à la loi de Moïse. Et pourtant, chacun de nous les entend annoncer dans sa langue les grandes choses que Dieu a faites. »

Pentecôte était une fête de pèlerinage pour les Juifs, qui se déplaçaient à cette occasion à Jérusalem, pour se rendre au temple. Il y avait donc dans la ville des Juifs de tout l’empire Romain, issus de la diaspora. Si la langue liturgique était l’hébreu, les Juifs de la diaspora avaient pour langue maternelle celle du pays où ils se trouvaient. On devait donc entendre toutes les langues du monde connu dans les rues de Jérusalem dans ces jours là ! D’autant qu’il n’y avait pas que des Juifs qui faisaient le déplacement mais aussi des prosélytes, des non-Juifs qui avaient embrassé la foi juive et “obéissaient à la loi de Moïse”.

C’est dans ce contexte qu’arrive l’événement étonnant qui nous est relaté dans ce chapitre du livre des Actes des apôtres. Le miracle de la Pentecôte, c’est l’Esprit de Dieu qui donne aux disciples la capacité de parler des merveilles de Dieu dans la langue maternelle de tous ceux qui étaient réunis dans la foule. C’est un signe de l’universalité de l’Evangile : une bonne nouvelle pour tous les peuples, à proclamer dans toutes les langues.

Cet épisode de la Pentecôte est l’événement fondateur de l’Eglise. Plus loin dans le texte, on parle de nombreuses conversions et du coup, de la naissance de la première Eglise, dans laquelle les prières et la proclamation de l’Evangile pouvait, dès l’origine, résonner dans toutes les langues !

La diversité est dans l’ADN de l’Eglise : elle en est une caractéristique dès l’origine. Et ce n’est pas qu’une question de langues. Ces Juifs dispersés étaient aussi imprégnés de la culture où ils vivaient. Et puis très tôt dans l’Eglise l’accueil de la diversité est devenu un vrai défi pour l’unité de l’Eglise, avec la coexistence de chrétiens d’origines juive et de chrétiens d’origine païenne.

Cette diversité n’est pas un accident. Elle est conforme au projet de Dieu pour l’Eglise. Il suffit de voir, par exemple, l’image biblique souvent utilisée du corps : il y a un seul corps mais une diversité de membres. Un projet qui atteint son apogée dans une vision de l’Apocalypse, celle d’une foule innombrable issus de “tous les pays, de toutes les tribus, de tous les peuples et de toutes les langues.” (Apocalypse 7.9).

Si elle est conforme au projet de Dieu, la diversité dans l’Eglise doit donc être valorisée, Dieu lui-même étant le garant de l’unité. On le voit dans le récit de la Pentecôte, à travers deux éléments : l’action de son Esprit et l’évocation du récit des merveilles de Dieu :
Sous la forme de langues de feu, le Saint-Esprit est répandu sur tous les disciples réunis. C’est l’Esprit de Dieu qui unit l’Eglise dans sa diversité, c’est lui qui fait de nous des enfants de Dieu, des frères et des soeurs en Christ.
Bien que parlant dans diverses langues, tous les disciples annonçaient le même message, celui du récit des merveilles de Dieu. Or quel est ce récit sinon celui qui nous est relaté dans la Bible ? C’est le socle commun que nous partageons et que nous proclamons.

Dans l’Eglise, la diversité n’est pas une valeur en soi… mais elle est le signe de l’universalité de l’Evangile.

Si quelqu’un arrive dans une église et qu’il voit des gens tous d’une même culture et/ou d’une même couleur de peau et/ou tous habillés de la même façon et/ou tous d’une même origine sociale… il se dira, à moins d’être comme eux, que ce n’est pas pour lui !

L’Evangile est pour tous et il faut que ça se voie ! La diversité n’est donc pas une option facultative pour l’Eglise. Si elle est vécue dans l’unité, elle est un signe de l’universalité de l’Evangile.

Travailler sur notre seuil de tolérance

Vivre la diversité est un défi qu’il est légitime et bon de relever. Il s’agit même d’une vocation de l’Eglise. Je pense à ce qui touche à la culture, à l’éducation, au niveau social, aux histoires et aux cheminements individuels, aux personnalités… Cette diversité là est essentielle dans l’Eglise parce qu’elle témoigne de l’universalité de l’Evangile. Dieu aime en Jésus-Christ tout homme et toute femme, c’est un message pour tous, sans discrimination. Et il faut que ça se voie dans l’Eglise !

Il y a toutefois certaines limites à la diversité. On ne peut pas non plus accepter ou justifier n’importe quoi dans l’Eglise, au nom de l’amour et de la tolérance. Il y a certaines doctrines et certaines pratiques qui sont en opposition avec le message de la Bible. Il y a des paroles ou des façons de se comporter qui contredisent l’Evangile. Accueillir la diversité, ce n’est pas accepter tout et n’importe quoi !

Mais entre ces deux repères, il y a de la place pour une diversité féconde, qui sera une source d’enrichissement mutuel. Tout le monde n’aura pas forcément le même seuil de tolérance à la diversité, et pas forcément dans les mêmes domaines. Pour certains, ce sera plus difficile d’accepter la diversité dans les convictions théologiques, pour d’autres ce sera dans des questions éthiques, pour d’autres encore dans les formes de piété… Mais j’ai la conviction que nous avons tous, au moins dans l’un ou l’autre de ces domaines, à travailler sur notre seuil de tolérance.

Ca demande un effort de discernement, pour accepter de distinguer entre ce qui est essentiel et ce qui est secondaire. Ca demande une démarche d’humilité, pour ne pas penser avoir toujours raison.

Passer de la cohabitation à la communion

Depuis toujours dans les Eglises, le beau discours sur l’accueil de la diversité se traduit trop souvent par une cohabitation seulement, alors que nous sommes appelés à la communion. Ce n’est pas nouveau : on le voyait déjà apparaître dans les Eglises du Nouveau Terstament ! On voit transparaître clairement dans les épîtres les difficultés de cohabitation entre les chrétiens d’origine juive et ceux d’origines païenne, ou entre les riches et les pauvres par exemple.

Dans une perspective de cohabitation, on accepte la différence, on veut bien partager le culte, voire un groupe de prière ou d’étude biblique, mais on se méfie surtout des risques de la diversité, des dangers potentiels, on a tendance à penser que ce sont les autres qui refusent de s’intégrer dans la communauté… et on se rassure avec ceux qui, dans l’Eglise, nous ressemblent.

Dans une perspective de communion, on se réjouit de rencontrer les autres, différents de nous. On voit la diversité comme une chance, une occasion de découverte et d’enrichissement. On ne la craint pas mais on cherche à la mettre en valeur. Plutôt que d’attendre que l’autre s’intègre, on va à sa rencontre.

Accueillir la diversité, vraiment, ce n’est pas seulement accepter dans son entourage des gens différents de nous, c’est chercher à valoriser l’autre différent de moi. Nous avons sans doute chacun à nous interroger personnellement sur la façon dont nous vivons la diversité dans nos relations. Nous avons aussi à nous interroger en tant qu’Eglise sur la façon dont nous valorisons, ou pas, la diversité dans notre communauté !

Conclusion

Vivre la fraternité dans l’Eglise, c’est aussi vivre la diversité ! Parce que l’Eglise est, dès son origine, marquée par la diversité, à tous les niveaux. Comment pourrait-il en être autrement si nous croyons à l’universalité de l’Evangile, cette bonne nouvelles pour tous les humains, quels qu’ils soient ?

Pour y arriver, essayons chacun, et tous ensemble, de relever ce double défi : travailler à notre seuil de tolérance et ne pas nous contenter d’une cohabitation pour chercher plutôt la communion.




Vivre la fraternité (1) Aimer nos frères, pourquoi?

église papier

Liberté, égalité, … fraternité ! La fraternité. Ce n’est pas juste un mot, c’est une des valeurs de notre République, et c’est aussi une valeur essentielle dans l’Eglise. La fraternité… Nous voulons la vivre ! Et dans l’église, nous avons cette ambition d’être comme une famille. Nous en avons envie, mais pas toujours le temps ! Parfois même, comme dans nos familles d’origine, des brouilles nous divisent, et la fraternité devient plus compliquée. Ou alors on ne se comprend pas. Ou certains prennent toute la place et d’autres doivent rester dans leur coin.

Et puis nous ne venons pas forcément dans cette église à cause des gens la composent ! Pourquoi venez-vous dans cette église ? Parce que vous connaissez quelqu’un ? Que vous aimez bien le culte ? Ou simplement parce que c’est à côté de chez vous ?… Peu importe les raisons, nous sommes rassemblés dans le même lieu. Mais cela veut-il dire que l’on se doit quelque chose  les uns aux autres ?

Avec Vincent, nous avons décidé de commencer une série de prédications sur la fraternité, dans l’église d’abord mais aussi au-delà. N’ayez pas peur, on ne s’est pas dit : il y a un vrai problème dans cette église, on doit absolument en parler. Rassurez-vous ! Cela signifie-t-il que vous n’avez pas besoin d’écouter ?… Non !! La fraternité, l’amour pour l’autre, reste toujours un défi. Dans le récit biblique que nous avons choisi pour notre église l’an dernier, la rencontre entre Pierre et Corneille (Actes 10-11), nous avons reconnu comme nôtre le défi de la fraternité, comme quelque chose qu’on vit mais qu’on veut encore mieux vivre, toujours mieux toujours plus, parce qu’on ne peut pas trop aimer.

C’est un défi qui se pose à toute église, quand on se connaît trop peu ou trop bien… mais c’est un défi qui s’est posé dès le début. Et dès les débuts de l’église, l’apôtre Jean, un disciple de Jésus, écrit aux églises qu’il a fondées pour rappeler l’essentiel de la foi chrétienne. Et il consacre un temps non négligeable au type de relations que nous devons entretenir dans l’église.

Lecture biblique : 1 Jean 3.1, 16-24

1 Voyez : (Dieu) le Père nous aime tellement qu’il nous appelle ses enfants, et c’est vrai, nous sommes ses enfants ! Mais le monde (extérieur) ne nous connaît pas, parce qu’il n’a pas connu Dieu.

16 Aimer, qu’est-ce que c’est ? Maintenant, nous le savons : Jésus a donné sa vie pour nous. Donc, nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères et nos sœurs. 17 Voici un exemple : quelqu’un est riche. Il voit un frère ou une sœur qui est dans le besoin et il ferme son cœur. Est-ce qu’on peut dire qu’il aime Dieu ?

18 Mes enfants, n’aimons pas avec des paroles et avec de beaux discours, mais avec des actes. Ces actes montrent que notre amour est vrai. 19 Par là, nous saurons que nous appartenons à la vérité, et devant Dieu, nous rendrons la paix à notre cœur. 20 En effet, si notre cœur nous accuse, nous le savons, Dieu est plus grand que notre cœur et il connaît tout.

21 Amis très chers, si notre cœur ne nous accuse pas, nous sommes pleins de confiance devant Dieu 22 et nous recevons de lui tout ce que nous demandons. Pourquoi ? Parce que nous obéissons à ses commandements et nous faisons ce qui lui plaît.

23 Voici ce que Dieu commande : nous devons croire au nom de son Fils, Jésus-Christ, et nous aimer les uns les autres, comme le Christ l’a commandé.

24 Celui qui obéit aux commandements de Dieu, il vit en Dieu et Dieu vit en lui. Oui, Dieu vit en nous, à cause de l’Esprit Saint qu’il nous a donné.

  1. Vraiment frères ?

C’est quoi l’amour ? C’est Jésus qui donne sa vie pour nous. Voilà la définition de l’amour véritable. Dooonc, si nous aimons, nous devons aimer comme Jésus, c’est-à-dire donner notre vie, nous aussi, pour nos frères.

L’enjeu est de taille ! Mais vérifions, du coup : sommes-nous vraiment frères et sœurs, nous chrétiens ? C’est un grand mot, quand même ! Ne sommes-nous pas juste des compagnons de route, engagés sur un bout de chemin ensemble ? Des gens qui partagent les mêmes convictions, comme dans n’importe quelle association après tout.

Non. Dieu a tout fait pour que nous soyons réconciliés avec lui, et que nous puissions l’appeler « Père ». Et, sur la base de l’œuvre de Jésus, nous pouvons dire, fièrement et avec assurance : je suis la fille, le fils, de Dieu ! Mais nous ne sommes pas fils uniques : Dieu nous appelle à vivre avec ses autres enfants, comme quand vous êtes nés dans votre fratrie. Comme n’importe quel parent, Dieu rêve de voir ses enfants développer une relation horizontale riche et profonde.

Pourquoi une telle importance à la communauté ? À la fraternité ? Il y a un indice dans le texte, même si Jean ne le développe pas : Dieu – Père, Fils, Saint-Esprit. Un Dieu unique, en trois personnes. Même si on ne comprend pas tout de l’être intime de Dieu, la Trinité dit au moins que Dieu est un être de relations. Dès avant la création du monde, Dieu, en lui-même, aime. Il n’est pas juste amour, il aime. Au plus profond de son essence, il y a ce réseau d’amour qui le fait vibrer. Quand Dieu crée l’homme, il y a bien bien longtemps, le récit biblique dit que son intention est de créer un être qui lui ressemble – et il crée un être de relation, l’être humain, version homme et version femme. L’humain à la ressemblance de Dieu : il crée, il est responsable, il parle… et il aime ! Il va au-delà de l’attirance, de l’instinct, de la connivence : il entre dans une relation profonde où donner est plus beau que recevoir, où l’autre devient plus important que lui (pas pour préserver la race, non, pas parce que l’autre est plus fort, non, mais parce qu’il a du prix à nos yeux). Lorsque nous aimons, nous ressemblons à Dieu. Nous sommes à son image.

  1. Un Père avec ses fils

Dieu va plus loin : aimer notre frère fait partie intégrante de notre amour pour Dieu. Il n’y a pas la foi et l’amour, il y a l’amour dans la foi. Sans amour, la foi est amputée, bancale, à trous.

Pour Jésus, le plus important des commandements, c’est : aime ton Dieu de toutes tes forces, et aime ton prochain comme toi-même. Ce sont les deux faces d’une même pièce. La qualité de nos relations fraternelles joue sur notre relation avec Dieu – et c’est Dieu qui en a décidé ainsi. Ce n’est ni anecdotique ni optionnel. C’est un commandement. Il n’y a qu’un commandement, et il a deux faces : aimer Dieu, aimer son prochain. Nous attacher à Dieu par Jésus-Christ, et nous aimer les uns les autres.

Se détourner d’un frère, c’est un peu se détourner du Père.

Vous connaissez ces parents : si tu n’acceptes pas mes enfants, je ne viens pas. Mes enfants, c’est moi. Là où je vais, ils sont les bienvenus, sinon, je ne me sens pas bienvenu non plus. C’est avec eux ou sans moi. Est-ce qu’il y a de cette radicalité viscérale dans l’amour paternel de Dieu ? Est-ce qu’il aime ses enfants au point de dire à tous ceux qui l’approchent : c’est avec eux ou sans moi ?

Peut-on imaginer que Dieu, qui a donné ce qu’il avait de plus cher pour nous, est prêt à ne plus se définir sans nous ? que Dieu se présente ainsi : « Bonjour, je suis Dieu, créateur du monde, juge parfait, maître de l’univers, et père de 1 293 456 754 enfants. Laissez-moi vous les présenter ! » (s’il sort toutes les photos de naissance, on n’a pas fini !) Et le Fils : « Je suis Jésus, Dieu le Fils devenu homme. Je vais vous parler de mes frères et sœurs, je les aime tellement ! Ils font presque partie de moi ! »

Se détourner d’un frère, c’est un peu se détourner du Père.

Nous ne pourrons être en pleine paix devant Dieu que si nous cherchons vraiment à aimer nos frères. Etre en paix avec Dieu, c’est s’approcher de lui avec assurance, avec le cœur tranquille. Ca ne veut pas dire qu’on est parfait ou qu’on a tout compris, mais qu’on est sur la même longueur d’onde, qu’on est sur le bon chemin, le chemin de la foi et de l’amour – alors quand on prie, le cœur voulant ce que Dieu veut, on ne peut que demander ce que Dieu veut donner, et Dieu répond.

Quand nous aimons, Dieu vit en nous et nous en Dieu : nous sommes plus qu’une image, nous entrons dans le cœur de Dieu et nous déversons son amour à ceux qui nous entourent, comme des ruisseaux qui partent de la source et irriguent la terre.

  1. Comment aimer ?

Alors concrètement, qu’est-ce que ça veut dire, aimer nos frères ? Jésus a donné sa vie pour nous, nous devons donner notre vie pour nos frères.

Nos frères sont importants, mais quand même : donner sa vie ? Pour tous nos frères ? Ce n’est pas possible !

Quand on entend « sacrifier sa vie », on pense héros, martyr, et on se dit « très peu pour moi ! Je ne suis pas un saint, juste un chrétien ordinaire ». Et puis, il y a trop de gens à aimer, si je me mets à aider ne serait-ce que tous les gens de cette église, je ne vais pas m’en sortir ! L’ampleur de la tâche impressionne, comme dans une randonnée où on regarde le sommet, on prend peur, et on se dit (si on a un niveau moyen), « je n’y arriverai jamais ! Je reste en bas. » Combien de fois l’ambition de Dieu nous a fait frémir, battre en retraite, quitte à utiliser les idéaux de Dieu comme excuse pour ne pas lui obéir : « Non je n’aime pas, parce que ton idée de l’amour est beaucoup trop ambitieuse, Seigneur ! Ce que tu demandes, c’est pas réaliste ! »

Mais pour avancer en randonnée, on regarde le sommet et on se fixe des étapes, comme autant de défis raisonnables qui nous font avancer vers le but. Et Jean nous donne un défi raisonnable : si quelqu’un voit un frère dans le besoin… Pas tout le monde, juste un ! On ne devient pas Jésus en un jour, on apprend. Si tous, nous décidons de traiter en frère ou en sœur 1 personne, vraiment, pour commencer, vous imaginez ce que l’église peut devenir ? Commençons chacun à faire pour un ce que nous aimerions, devrions, faire pour tous, et déjà nos relations fraternelles changeront !

Et parlons du sacrifice : c’est pareil, ça fait bondir ! Mais Jésus n’a donné sa vie qu’une fois, à la croix, et c’était l’ultime sacrifice. Mais si c’était le plus grand, et le dernier, des sacrifices, ce n’était pas le seul ! Jésus a renoncé à sa gloire divine, pour naître parmi les hommes. Il a pris du temps pour former des disciples. Il a pris la peine d’expliquer, inlassablement, ce qui pour lui était une évidence. Il s’est laissé déranger – et combien de fois ? Pour guérir, nourrir, accueillir… Jésus avait un esprit radicalement généreux, un cœur radicalement tourné vers l’autre – et ça l’a finalement conduit à la Croix. Même si nous, sur notre chemin, nous n’imaginons pas un jour mourir pour quelqu’un, nous pouvons juste avancer d’un pas, un pas de plus dans les empreintes de Jésus faire un effort qui coûte/ qui pique, mais qui nous entraîne un peu plus sur la voie de la fraternité généreuse dont Jésus est l’exemple.

Il y a toutes sortes de dons qui nous sont des sacrifices, moins forts que la Croix mais déjà trop coûteux, en argent ou en temps (je ne sais pas de quoi nous manquons le plus ?…) : une soirée pour inviter untel qui vit seul, un samedi après-midi pour aider à déménager, une heure le dimanche matin alors qu’on aurait pu dormir pour aller chercher une sœur qui ne conduit plus et l’amener au culte, un coup de fil pour prendre des nouvelles, le budget d’une prochaine sortie en famille pour aider à payer une facture ou parrainer un enfant en détresse… Il s’agit bien là d’actes concrets, au-delà des émotions, des paroles et des sourires (qui sont bien aussi !) qui traduisent la réalité de l’amour fraternel, tout comme Dieu a exprimé son amour envers nous par des actes concrets, en Jésus-Christ.

 

Il y a mille façons d’être frères, mais Dieu nous demande de commencer quelque part, ou de faire le pas qui est devant nous. Lui dont nous célébrons l’amour, il désire que nous aimions, nous-mêmes, comme lui. Alors prions, prions Dieu non pas pour être plus aimés, mais pour lui demander un cœur un peu plus large, d’aimer un peu plus comme lui, d’entrer un peu plus dans la générosité radicale du Christ – Dieu nous répondra ! Demandons, et nous recevrons ! L’amour c’est la seule chose où plus on en donne, plus on en a. Demandons, demandons à Dieu un cœur et des mains pour aimer comme lui, en actes, en vérité. Pour que son amour devienne un peu plus une réalité en nous, entre nous, autour de nous. Oui, Seigneur, que ton règne vienne ! Que ton règne d’amour et de foi vienne dans notre cœur, dans nos relations, dans notre monde !




De scandale en scandale

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Qui est le bienvenu ici ? Tout le monde ! Tout le monde, bien sûr ! Nous voulons accueillir chaleureusement tous ceux qui s’approchent de Dieu, parce que Dieu lui-même les accueille chaleureusement. Oui, tout le monde est le bienvenu. Enfin… Nous avons des limites : tout le monde peut entrer, mais certains vont nous faire tiquer. Ca peut être un motard avec de gros tatouages et une boucle d’oreille qui entre dans l’église, un couple d’hommes, quelqu’un qui sent l’alcool à plein nez ou encore une femme qui serait plus à sa place dans une boîte de nuit. Je ne les mets pas tous dans le même panier, je parle juste de ce qui nous fait tiquer. Parce qu’on a des limites : ceux qui sont différents de nous nous interpellent. Ils accrochent notre regard. Ils suscitent en nous, au minimum des questions, au maximum des jugements. Pas besoin d’être à l’église, c’est déjà vrai dans le métro : involontairement, nous scannons ceux qui nous entourent – acceptable ou pas acceptable ? Comme moi ou étrange ? Mais à l’église, en plus, nous sommes rassemblés autour du Dieu saint – c’est-à-dire parfait, juste, intègre, d’une pureté morale éclatante. Et ceux qui nous choquent, on se dit qu’ils doivent aussi choquer Dieu.

Vous voulez un petit test sur nos limites ? Est-ce-que vous seriez prêts à inviter, sans craindre les regards qu’on va porter sur eux, n’importe lequel de vos collègues, voisins, amis? Votre cousin éloigné, celui dont on ne parle plus sans hausser les sourcils ?

Et imaginez que ces visiteurs différents n’aient même pas la décence de faire profil bas pendant le culte… Imaginez qu’ils prient pendant un temps de silence, qu’ils s’avancent pour distribuer la cène, qu’ils se lèvent au milieu de la prédication pour dire quelle est leur vision de Dieu, qu’ils se jettent en pleurs au pied de la croix pendant un chant. Rien de mortel, mais on serait nombreux à se trémousser sur notre chaise…

Plus que nous ne le voudrions, nous sommes prompts à nous choquer – et nous ne sommes pas les seuls ! Ni les premiers ! Le texte tiré de l’Evangile de ce matin nous plonge au cœur d’un repas au parfum de scandale…

Lecture biblique : Luc 7.36-50

36 Un Pharisien [c.-à-d. un religieux juif de l’époque de Jésus, un croyant bien sous tous rapports, connu pour sa foi et son engagement pour Dieu, son désir de vivre le plus possible comme Dieu le voudrait] invita Jésus à prendre un repas avec lui. Jésus se rendit chez cet homme et se mit à table. [c’était sûrement un grand repas, comme on organiserait une soirée chez soi avec un invité d’honneur]

37 Il y avait dans cette ville une femme de mauvaise réputation. Lorsqu’elle apprit que Jésus était à table chez le Pharisien, elle apporta un flacon d’albâtre (un genre de marbre fin qui était assez cher) plein de parfum 38 et se tint derrière Jésus, à ses pieds [Jésus, à la mode romaine, était couché sur le côté, la table était en U]. Elle pleurait et se mit à mouiller de ses larmes les pieds de Jésus ; puis elle les essuya avec ses cheveux, les embrassa et répandit le parfum sur eux. 

39 Quand le Pharisien qui avait invité Jésus vit cela, il se dit en lui-même : « Si cet homme était vraiment un prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche et ce qu’elle est : une femme de mauvaise réputation. » 

40 Jésus prit alors la parole et dit au Pharisien : « Simon, j’ai quelque chose à te dire. » Simon répondit : « Parle, Maître. » 

41 Et Jésus dit : « Deux hommes devaient de l’argent à un prêteur. L’un lui devait cinq cents pièces d’argent [environ 2 ans de salaire : disons 25000 euros] et l’autre cinquante [environ 2 mois de salaire : disons 2000, 2500 euros]. 42 Comme ni l’un ni l’autre ne pouvaient le rembourser, il leur fit grâce de leur dette à tous deux. Lequel des deux l’aimera le plus ? » 

43 Simon lui répondit : « Je pense que c’est celui auquel il a fait grâce de la plus grosse somme. » Jésus lui dit : « Tu as raison. »

44 Puis il se tourna vers la femme et dit à Simon : « Tu vois cette femme ? Je suis entré chez toi et tu ne m’as pas donné d’eau pour mes pieds ; mais elle m’a lavé les pieds de ses larmes et les a essuyés avec ses cheveux. 45 Tu ne m’as pas reçu en m’embrassant ; mais elle n’a pas cessé de m’embrasser les pieds depuis que je suis entré. 46 Tu n’as pas répandu d’huile sur ma tête ; mais elle a répandu du parfum sur mes pieds. 47 C’est pourquoi, je te le déclare : le grand amour qu’elle a manifesté prouve que ses nombreux péchés ont été pardonnés. Mais celui à qui l’on a peu pardonné ne manifeste que peu d’amour. » 

48 Jésus dit alors à la femme : « Tes péchés sont pardonnés. » 

49 Ceux qui étaient à table avec lui se mirent à dire en eux-mêmes : « Qui est cet homme qui ose même pardonner les péchés ? » 

50 Mais Jésus dit à la femme : « Ta foi t’a sauvée : va en paix. »

1)     Un parfum de scandale

Simon le pharisien est choqué, mais il ne sait pas qui le choque le plus : la femme ou Jésus ? Cette femme, on ne sait pas qui elle est, elle restera anonyme, mais sa réputation la précède, et ça se voit dans son style, son maquillage, sa façon de se tenir… Dès qu’elle arrive, elle est cataloguée. Cette femme, Simon accepte qu’elle vienne écouter Jésus, mais bon, ce serait bien qu’elle reste dans un coin ou près du couloir – mais elle a l’audace de venir au milieu de la pièce, juste derrière l’invité d’honneur, et de se mettre à faire son cinéma – de toute façon, qu’est-ce qu’on pourrait attendre de ce genre de femme ? Elle  sanglote, prostrée aux pieds de Jésus – tous les regards sont braqués sur elle. Puis elle les essuie avec ses cheveux, les parfume… Ca devient ambigu, tout ça ! C’est comme si elle s’était mise à le masser, à lui embrasser la nuque, les joues – c’est inconvenant ! Et puis le parfum… A l’époque, ce n’est pas comme aujourd’hui, c’est du parfum pur qui coûte très cher. Alors tout dépend de la taille du flacon, mais ça pouvait représenter jusqu’à un an de travail d’un ouvrier – on sait pas comment elle a gagné l’argent pour s’acheter ce parfum, mais en tout cas, ça vaut très cher, et elle le vide pour parfumer les pieds de Jésus… Maintenant, non seulement on la remarque, mais on sent aussi !

Et Jésus, dans tout ça, reste impassible ! Comme s’il n’y avait rien de gênant…

Simon est choqué, sûrement déçu : on disait tant de bien de Jésus, de ses discours, de ses conférences théologiques, de ses sermons – il l’a invité pour en savoir plus, mais finalement Jésus n’a pas l’air de valoir grand-chose.

2)     Un message scandaleux

Avec une bonne dose d’ironie prophétique, Jésus interpelle Simon, non pas sur la femme (qu’il a très bien cernée), mais sur les pensées du pharisien. Jusque là, on a deux personnages, chacun avec son étiquette : la femme sulfureuse et le religieux bien-pensant. Mais pour Jésus, ce n’est pas juste un pharisien, une pécheresse – c’est Simon, c’est cette femme, avec leur parcours, leurs attentes, leurs questions, leurs déceptions. Jésus ne s’arrête pas aux apparences ni aux catégories : il regarde la personne.

Alors Jésus raconte une histoire : deux dettes, deux hommes dans la panade – et un prêteur généreux qui efface l’ardoise. Vu sa position sociale, Simon devait sûrement lui-même prêter de l’argent à différentes personnes – il n’y avait pas de banque – donc il comprend très bien. Si un jour il en venait à effacer de telles dettes (mais il regarde autour de lui en espérant que personne dans la salle ne va se faire des idées), il attendrait une belle dose de reconnaissance ! Et plus la dette est grande, plus on attend de gratitude !

Avec cette parabole sur l’argent, Jésus parle du cœur de l’Evangile : nous devons tous quelque chose à Dieu. Notre naissance, notre souffle, notre vie, ça vient de lui, c’est à lui. Dès que nous abîmons ou que nous dégradons notre vie, notre corps, nos pensées, nos relations, nous sommes en dette. Le problème de Simon, c’est qu’il est rentré dans le calcul : lui, il pense qu’il n’a pas beaucoup de dettes envers Dieu – il ne ment pas, ne jure pas, ne se saoule pas, il travaille honnêtement, il est fidèle à sa femme, n’a jamais un mot plus haut que l’autre. Mais cette femme, là, on ne sait pas jusqu’où elle est allée ! Quel fond sordide elle a touché ! Quand même, devant Dieu, c’est pas pareil !

Et c’est là que Jésus est choquant : l’histoire ne se concentre pas sur ça, mais il faut le rappeler – Dieu efface les deux dettes. Les deux. Aucune dette n’est si grosse que Dieu ne puisse l’annuler. Et comment il le fait ? En payant lui-même la dette – en la personne de Jésus, au compte en justice bien rempli, qui vide ses caisses pour payer nos factures, qui se donne lui-même pour nous permettre de vivre. Jésus plus tard se tourne vers la femme : « tes dettes sont effacées, tes fautes sordides sont lavées, relève la tête, Dieu te regarde avec amour et fierté. » La femme l’a compris, et sa réaction inconvenante, scandaleuse, pas spécialement recommandable, c’est la réaction au scandale du salut, au scandale du pardon : à travers Jésus, elle découvre un Dieu qui a tout pour juger, mais qui choisit de pardonner. Non mais nulle part on ne voit ça, la vie ne fait pas de cadeau ! Mais Dieu, si : le cadeau d’une vie nouvelle. La femme n’en sait pas plus, elle connaît à peine Jésus, elle a peut-être juste entendu une bribe de ses discours, mais elle a compris que Jésus parle d’un Dieu d’amour, alors elle donne tout, tout ce qu’elle a de précieux.

3)     Ce qui choque Jésus

Mais Jésus n’est pas satisfait : il veut que Simon aussi comprenne qui Dieu est. Il veut renverser ses petits calculs. Il n’est pas en train de dire que tout se vaut et que rien n’est grave, ou qu’on peut détruire notre vie ou notre monde sans scrupules. Mais si on veut parler de ce qui choque Dieu, c’est pas la reconnaissance maladroite de cette femme. Non, c’est Simon. Occupé à regarder les autres pour se rassurer sur son statut de croyant modèle, à compter les points vers la pureté, à franchir les marches de son escalier spirituel, Simon en est venu à penser que finalement, lui, c’est un bon, il n’a pas vraiment besoin de pardon.

Ce qui choque Jésus, c’est Simon, Simon au cœur dur qui se moque de voir quelqu’un retrouver l’espoir, retrouver un sens à sa vie, tellement il est coincé dans ses règles et ses principes. Comment Simon peut-il ne pas voir le potentiel : oui cette femme part de loin, mais elle se jette toute entière dans les bras de Dieu – et tout est possible à celui qui fait confiance à Dieu, tout peut arriver. Dieu est tellement heureux quand une nouvelle personne lui ouvre son cœur… Dieu sait tout ce qu’il va faire pour la relever, la guérir, la conduire, la bénir.

Simon a oublié que Dieu est le Dieu de la vie, de la vie nouvelle, une vie qui jaillit de façon parfois étonnante et chaotique. Dans sa vie bien rangée, il n’y a plus de place pour les surprises de Dieu, pour les révolutions et les irruptions de la vie avec Dieu, pour l’amour même de Dieu. Mais l’amour de Dieu nous dérange, nous bouscule. Parce que Dieu appelle « mon fils, ma fille » des gens avec qui parfois on ne voudrait même pas prendre un café. Tout le monde est hors limites pour Dieu, mais il a choisi d’ouvrir les bras pour accueillir ceux qui se tournent vers lui, sur un seul critère : la foi, et le désir de laisser Dieu transformer notre vie pour en faire une vie belle et bienfaisante.

Alors pour revenir à nos limites, mais ça va plus loin que ça : Jésus nous appelle à regarder au-delà des étiquettes, à nous laisser déranger par le potentiel de ceux qui sont percutés par le pardon de Dieu, à élargir notre cœur en aimant comme Dieu. Il nous appelle à accueillir l’autre avec ses chaos, ses tentatives, ses maladresses – pas pour les cautionner, mais parce que Dieu nous travaille dans le chaos de notre vie.

Peut-être que le remède, pour nous, c’est le même que pour Simon : sans cesse recentrer notre regard sur Dieu. Oui, il est saint – et pourtant il m’aime, c’est incroyable ! Il m’appelle son ami, son enfant, quelle folie ! S’il m’a fait une place dans sa vie alors que je n’en valais vraiment pas la peine, alors il y a une place pour les autres aussi. Revenir sans cesse à Dieu, redécouvrir sans cesse les dimensions scandaleuses de son pardon, le potentiel incroyable d’une vie avec lui – c’est la base de ce que Dieu attend de nous, la base de notre amour pour lui, la base de notre amour pour les autres.




Epiphanie

 

https://soundcloud.com/eel-toulouse/epiphanie

Savez-vous quelle fête nous célébrons aujourd’hui, 6 janvier ? L’épiphanie. Et qu’est-ce que l’épiphanie ? Le mot, transcription du grec, signifie apparition, manifestation. L’épiphanie est la commémoration de l’épisode biblique de la visite des mages à Jésus alors qu’il était enfant.

C’est aussi le moment où on mange la galette des rois… Une tradition qui n’a rien de biblique mais qui vient sans doute d’une fête païenne romaine : les Saturnales. Pendant sept jours la hiérarchie sociale pouvait être critiquée voire tournée en dérision. Par exemple, les soldats tiraient au sort, grâce à une fève, un condamné à mort qui devenait “roi” le temps des réjouissances… avant d’être exécuté à la fin de la fête !

Ceci dit, dans la fête de l’épiphanie, il n’y a pas que la tradition de la galette des rois qui s’éloigne de la Bible ! Avec la représentation du récit de la visite des mages, on est souvent dans le folklore, assez éloigné de la sobriété du récit biblique. Regardez cette image de crèche… et cherchez les erreurs !

Crèche

  • Dans la Bible, on ne parle jamais de rois pour les mages
  • On ne sait pas combien ils étaient
  • On connaît encore moins leurs noms ! Melchior, Gaspard et Balthazar, c’est du folklore !
  • L’épisode a eu lieu au moins plusieurs mois après la naissance de Jésus (cf. le massacre des enfants jusqu’à deux ans par Hérode “d’après l’époque précisée par les mages”), les bergers n’étaient donc plus là depuis longtemps… et il est très probale qu’on n’était plus dans une étable.

Mais même nettoyé de tous les ajouts de la tradition et du folklore, le récit biblique reste assez mystérieux, au point qu’on pourrait se demander s’il ne faudrait pas le considérer comme une fable, une jolie histoire mais rien de plus…

Matthieu 2.1-12
1 Jésus naît à Bethléem, en Judée, au moment où Hérode le Grand est roi. Alors, des sages viennent de l’est et arrivent à Jérusalem. 2 Ils demandent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile se lever à l’est, et nous sommes venus l’adorer. »
3 Quand le roi Hérode apprend cela, il est troublé, et tous les habitants de Jérusalem aussi. 4 Le roi réunit tous les chefs des prêtres de son peuple avec les maîtres de la loi. Il leur demande : « À quel endroit est-ce que le Messie doit naître ? » 5Ils lui répondent : « Le Messie doit naître à Bethléem, en Judée. En effet, le prophète a écrit :
6 “Et toi, Bethléem, du pays de Juda,
tu n’es sûrement pas
la moins importante des villes de Juda.
Oui, un chef va venir de chez toi,
il sera le berger
de mon peuple, Israël.” »
7 Alors Hérode fait appeler les sages en secret. Il leur demande : « À quel moment est-ce que l’étoile est apparue ? » 8 Ensuite il les envoie à Bethléem en disant : « Allez vous renseigner exactement sur l’enfant. Quand vous l’aurez trouvé, venez me prévenir, et moi aussi, j’irai l’adorer. »
9-10 Après ces paroles du roi, les sages se mettent en route. Ils aperçoivent l’étoile qu’ils ont vue à l’est. Ils sont remplis d’une très grande joie en la voyant. L’étoile avance devant eux. Elle arrive au-dessus de l’endroit où l’enfant se trouve, et elle s’arrête là. 11 Les sages entrent dans la maison, et ils voient l’enfant avec Marie, sa mère. Ils se mettent à genoux et adorent l’enfant. Ensuite, ils ouvrent leurs bagages et ils lui offrent des cadeaux : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. 12 Après cela, Dieu les avertit dans un rêve de ne pas retourner chez Hérode. Alors ils prennent un autre chemin pour rentrer dans leur pays.

Enquête sur les mages

Un évangile n’est certes pas à lire comme un rapport de police qui relaterait froidement les faits, ni même comme un ouvrage d’histoire au sens moderne. Il y a toujours une intention dans un évangile : le message est toujours le plus important. Une fois qu’on aurait démontré l’historicité d’un évènement, si c’était possible, on n’en aurait pas forcément compris la portée. Et on passerait à côté de l’essentiel… Mais ce n’est pas une raison pour refuser toute vraisemblance à un récit dès le moment où il contient une part de mystérieux ou de miraculeux.

Pour ce récit de la visite des mages, j’aimerais donc juste souligner quelques éléments de vraisemblance de l’histoire. Il ne s’agit pas pour moi de vouloir prouver l’historicité du récit. C’est impossible. Et pas très utile. Mais le fait qu’il soit vraisemblable en bien des aspects nous invite déjà à le prendre au sérieux.

Ce qu’on sait de la personnalité d’Hérode

Ce que le récit dit d’Hérode correspond à ce que l’on sait du personnage, même dans la suite du récit, lorsqu’il ordonnera le massacre des enfants à Bethléem. Véritable tyran parano, il était jaloux de son pouvoir. On sait qu’il s’est rendu coupable d’autres massacres que celui dont parle l’évangile, à commencer par le meurtre de ses propres fils, de peur qu’ils ne lui prennent le pouvoir…

Ce qu’on sait des mages

Qui pouvaient être ces mages venus d’Orient ? Le mot grec magos qui a donné mage en français, semble venir du vieux persan et désignait à l’origine des prêtres de Zoroastre. Ici, le terme semble utilisé dans un sens plus large. Visiblement, ce ne sont pas des magiciens mais plutôt des observateurs des étoiles. Sans doute des savants comme il y en avait dans l’Antiquité en Orient. Aujourd’hui, on les qualifierait plus d’astrologues que d’astronomes… ils cherchaient donc bien des signes dans les étoiles !

En passant, je trouve assez savoureux de voir que Dieu se révèle à ces savants venus d’Orient par l’astrologie qu’il condamne par ailleurs dans la Bible ! Le Dieu de grâce fait éclater les cadres… et emprunte parfois des chemins surprenant pour nous rejoindre !

Ce qu’on peut penser de l’étoile

Quant à l’étoile, les astronomes s’y sont beaucoup intéressés et ont essayé de comprendre à quel phénomène astronomique cela pourrait faire référence. On a pensé à une comète mais ça ne fonctionne pas. On évoque aujourd’hui un alignement de planètes ou une supernova (implosion d’une étoile). Ainsi, on sait qu’en 7 avant Jésus-Christ, une conjonction très rare s’est produite dans le ciel : Jupiter et Saturne se sont rapprochées trois fois de suite dans l’année, en juin, septembre et décembre. Elle apparaissait dans la constellation du Poisson, qui désignait, entre autre, la Palestine… On a aussi retrouvé dans les écrits d’astrologues chinois l’évocation d’une étoile très brillante, probablement une supernova, qui est apparue en mars/avril de l’an 5 avant Jésus-Christ. Comme on sait par ailleurs que Jésus n’est pas né en l’an 1 (le calcul était erroné au moment de l’établissement du calendrier chrétien) mais quelques années plus tôt, ça pourrait coller !

La conjonction de planètes, observée par les mages, aurait pu les mettre en alerte, et l’apparition de l’étoile brillante, moins de deux ans après, aurait pu les encourager à prendre la route…

Faire le chemin avec les mages

Tout ceci ne prouve évidemment pas l’historicité de l’événement mais ces éléments de vraisemblance nous invitent à prendre le texte au sérieux. Et le prendre au sérieux, c’est aussi se laisser interpeller par lui. Et si Matthieu nous invitait à rejoindre les mages sur leur chemin, à nous laisser inspirer par leur voyage, pour notre voyage de foi ?

Entreprendre un voyage

Comme il a rejoint les mages dans leur observation des étoiles, Dieu nous rejoint là où nous sommes et nous invite à nous mettre en marche, à entreprendre un voyage. La foi est un voyage. Il faut se lancer. Accepter une part de risque, d’inconnu… Sinon on reste simplement à observer les étoiles… ou les années qui passent !

Ne pas s’arrêter en chemin

Ce que les mages ont compris de leur observation des étoiles les a conduit à Jérusalem. Là ils apprennent que la ville où doit naître celui qu’ils cherchent est Bethléem. Ils sont près du but… mais ils n’y sont pas encore. Le danger, c’est de s’arrêter en route, de se contenter de ses acquis. Le danger pour la foi, c’est de se contenter de connaissances, d’une simple croyance, comme les maîtres de la Loi dans le récit. Alors que la foi, c’est la rencontre.

Rencontrer Jésus

Les mages vont donc jusqu’à Bethléem et rencontrent celui qu’ils cherchent. Alors ils l’adorent. Jésus n’est qu’un enfant, mais ils l’adorent comme un roi. La foi, c’est la rencontre, c’est aussi la confiance, comme celle des mages qui voient au-delà du petit enfant. Au début de notre cheminement de foi, Jésus que nous rencontrons n’est encore qu’un enfant : nous connaissons encore très peu de lui. Et il va grandir au fur et à mesure de notre cheminement, de notre rencontre avec lui.

Repartir par un autre chemin

Si les mages repartent par un autre chemin, c’est pour ne pas retourner à Jérusalem vers Hérode. Mais l’expression peut avoir aussi valeur de métaphore du changement opéré dans leur coeur. Ils repartent différent après leur rencontre avec Jésus. La foi, qui naît d’une rencontre avec Jésus-Christ, nous transforme !

Conclusion

Nous sommes invités à aller à la rencontre de Jésus, comme les mages. Et comme eux, repartir par un autre chemin… transformés par la rencontre avec le Christ vivant.

Finalement, tout chemin de foi est une épiphanie : Dieu se révèle à nous. Si nous sommes prêt à entreprendre le voyage et à ne pas nous arrêter en chemin – nous contentant de nos acquis – nous le rencontrerons ! Sa rencontre nous tranformera et nous repartirons par un autre chemin. Et sur cet autre chemin que nous emprunterons, ils se révelera encore à nous. Et il nous transformera encore. Voilà le chemin de la foi, qui ne s’arrête jamais et se renouvelle sans cesse.

Que cette nouvelle année soit donc faite pour nous de nombreuses épiphanies !