Vous êtes le sel de la terre ! (1/5)

Hier soir, avec les jeunes, on a fait un petit jeu : chacun devait écrire anonymement 3 qualités et 1 défaut, ensuite, je rassemblais les informations, et on devait retrouver qui se cachait derrière la description. Evidemment, les défauts nous ont fait rire ! Mais c’est top secret ! En tout cas, une des choses que cet exercice a révélées (et je l’ai fait, je confirme !), c’est que c’est très dur de répondre. C’est comme en entretien d’embauche : c’est difficile de décrire soi-même ses propres points forts & points faibles. La modestie ou l’orgueil déforment notre perception de nous-mêmes, et puis il y a toutes ces choses auxquelles on ne pense pas, parce qu’il y a un décalage entre ce qu’on perçoit de soi-même, à l’intérieur, et ce que l’autre voit, qui est souvent très partiel et en même temps, assez révélateur.

Difficile de se définir, difficile de définir l’autre… Un seul peut vraiment nous dire qui nous sommes, et c’est celui qui connaît toutes choses, en interne et en externe. Il n’est pas seulement omniscient, il est aussi celui qui nous a façonnés – et c’est comme une œuvre d’art : qui mieux que l’artiste peut expliquer le sens de son œuvre ?

La Bible nous dévoile ainsi le regard que Dieu pose sur nous. Ce matin, j’aimerais en voir un exemple avec vous, une affirmation que Jésus pose sur ses disciples de la part de Dieu.

Lecture biblique : Matthieu 5.13  

C’est vous qui êtes le sel du monde.

Mais si le sel perd son goût, comment le rendre de nouveau salé ?

Il n’est plus bon à rien ; on le jette dehors, et les gens le piétinent.

          Cette affirmation de Jésus à ses disciples, à ses plus proches, sonne comme une vocation, proclamée avec confiance : vous êtes le sel du monde. C’est vous qui donnez du goût !

Remarquez que ce n’est pas une question, ni même une invitation : Jésus pose un constat – Vous êtes le sel de la terre. C’est vous qui donnez du goût au monde.

En cuisine, beaucoup de choses donnent du goût… Mais vous avez déjà goûté la nourriture sans sel ?… Pour certains aliments, ça passe, mais le pain sans sel, c’est vraiment pas bon ! Alors si même le sel perd son goûtplan B : on remplace par des épices ? Mais l’avertissement reste là : si les épices s’éventent, elles ne servent plus à rien… L’avertissement de Jésus souligne une grande responsabilité : rester un sel goûteux, qui assaisonne son milieu.

C’est cette affirmation qui va nous guider en cette rentrée : elle est la base du livret de méditations que nous vous proposons de suivre pendant 5 semaines, seul et en église (au culte, en petits groupes, à deux…). Alors pendant 5 semaines, on va explorer cette vocation ensemble – la méditer, la discuter, l’imaginer, la prier… Qu’est-ce que ça veut dire, pour l’église, pour chacun, être sel de la terre ?

Alors en ce début de campagne, je n’ai pas les réponses au quoi ni au comment, mais j’aimerais qu’on s’attarde sur le « pourquoi ». Pourquoi, aux yeux de Dieu, sommes-nous sel de la terre ?

          Parce que le monde en a besoin

Réponse presque automatique : parce que la terre en a besoin. L’avertissement de Jésus (un sel sans goût sera jeté) peut nous effrayer, mais il est surtout là pour nous montrer à quel point ce qu’il dit est sérieux. Cette vocation est incontournable – parce que le monde en a besoin. Être salé n’est pas facultatif pour le sel… parce que le pain en a besoin ! L’enjeu dépasse notre nombril ou nos envies… C’est un besoin mondial.

De quoi le monde a-t-il besoin ? LA question ! Paix, amour, justice,… Notre monde en dérive, secoué par des crises diverses : la crise sanitaire est peut-être la plus médiatisée, mais le moindre bulletin d’informations nous suggère tellement de souffrances & de dysfonctionnements – sur le plan économique, social, sociétal, psychologique, écologique, politique, physiologique, (pause – inspirer) et caetera… Nous le voyons à grande échelle, et sur le plan individuel aussi : nos contemporains sont malheureux – épuisés, dans un système où il faut toujours plus, être efficace, aller vite, ne faire aucune erreur (jamais), et être toujours le meilleur de soi.

Derrière ces dynamiques, le besoin de prouver notre valeur ou de trouver notre place, de savoir où on va et pourquoi. Ces questions sont légitimes, et on se les pose tous plus ou moins – mais qu’est-ce que c’est dur quand on n’a même pas un début de réponse. Quand on se raccroche à des substituts articifiels et vains… comme l’argent ou le nombre de voyages effectués, la quantité de muscles ou le tour de taille, le nombre de like sur notre réseau préféré… Il existe d’autres substituts, moins superficiels : trouver le sens de sa vie dans son activité professionnelle, dans sa famille, dans son engagement (amical, associatif ou même à l’église !) – ce sont des préoccupations légitimes mais qui se déforment quand on mise tout dessus : quand toute notre identité s’appuie sur notre performance scolaire ou sportive, sur nos amis, sur le rapport aux enfants, sur la place au travail…

Nos contemporains ont besoin d’amour, quelque soit la forme de leur recherche – nous avons besoin d’amour et de reconnaissance. D’espérance et de sens. Des soifs que seul Dieu peut étancher : lui qui aime sans limite, qui invente des nouveaux chemins, qui est infatigablement fidèle.

          Pourquoi nous ? Un sel AOC

Bon, que Dieu donne du goût au monde, ça se tient ! Que son amour soit l’ingrédient qui manque pour que le plat soit parfaitement assaisonné, ça se tient ! Mais quel rapport avec nous, les disciples de Jésus, les chrétiens ? Nous qui nous trouvons souvent dans les mêmes travers ! Etre chrétien donnerait-il la solution à tout ?

Il y a eu de ces réponses arrogantes : « nous les chrétiens nous savons, les autres se perdent. Allons les sauver par notre bonne parole. » Des siècles d’histoire de l’église ou dix minutes d’introspection nous rattrapent : non, nous ne sommes pas meilleurs ! Et Dieu le sait très bien !

Alors pourquoi Jésus dit-il que nous sommes le sel du monde, alors que c’est très clairement à travers lui que Dieu donne le salut dont nous avons tant soif ?

Parce que notre connexion à lui nous donne du goût : c’est dans la mesure où nous nous attachons à lui, où nous nous enracinons en Dieu par Jésus dans l’Esprit, que nous trouvons amour, sens et espérance. Et ce goût se partage ! mais pour qu’il soit goûteux, il faut qu’il soit AOC, d’appellation origine contrôlée. C’est l’origine qui garantit le goût ! C’est dans la mesure où nous sommes connectés à Dieu, nourris et abreuvés par lui, que nous pouvons transmettre autour de nous. Le sel ce n’est pas nous, soyons humbles : c’est ce que Dieu fait en nous et à travers nous. Son œuvre, ses transformations, sa sagesse, sa vertu, son courage, sa générosité – concrétisés dans notre vie – voilà qui peut interpeller le monde !

Alors le monde, c’est grand ! mais ce n’est pas à moi, individuellement, de saler le monde – l’Eglise dans le monde entier relève ce défi. Mais c’est un défi grandiose qui passe forcément par chacun, là où il est, à sa mesure, dans son contexte. L’Eglise mondiale est sel de la terre, l’église locale est sel de sa ville, je suis / vous êtes sel de votre réseau.

Créés pour participer

Vous êtes le sel de la terre… Jésus affirme à la fois une identité et une mission. Une identité missionnaire.

Est-ce qu’on a le choix ? est-ce qu’on peut dissocier les deux, l’identité et la mission ? oui et non. Oui, on peut être sauvé sans rayonner beaucoup. On peut en rester à une foi privée qui nous réconforte, nous encourage, nous aide à avancer. Je crois que dans sa grâce, Dieu nous sauve à travers l’œuvre de Jésus, qui vaut pour nous quand nous croyons – nos manques ne nous sépareront pas de l’amour de Dieu.

Mais c’est tellement dommage ! Parce que Dieu a un projet bien plus ambitieux ! Et ce depuis le début, avant même la chute, bien avant les dysfonctionnements et les travers de notre humanité. Dès le départ, dès la conception du projet « Terre », Dieu a décidé que l’humanité serait sel de la terre. C’est l’ingrédient secret dans sa recette cosmique. L’humanité donnerait du goût au monde – en veillant à son harmonie, à son équilibre, en partageant ce qu’elle recevrait de Dieu, en cultivant et en créant à son tour.

Dès la première minute de l’humanité, l’identité que Dieu donne s’assortit d’une mission. Adam & Eve doivent cultiver & garder le jardin. Après la chute, plan B pour rejoindre l’humanité – par le biais d’Abraham & de ses descendants, le peuple d’Israel : appelés à recevoir la bénédiction de Dieu et à être bénédiction pour les nations. Jésus est celui qui nous révèle Dieu, mais le salut qu’il nous offre ne se trouve pas seulement dans la joie de contempler Dieu : c’est par ses actions qu’il nous a bénis. Et l’Eglise, à sa suite, elle adore et sert Dieu, mais cet amour envers Dieu conduit naturellement à servir l’autre, avec générosité et compassion. Si vous ne me croyez pas, relisez les Evangiles.

Nous avons été créés pour avoir du goût et en donner. Loin de Dieu, la vie devient fade ou déséquilibrée. Lorsqu’il nous rejoint à travers Jésus, Dieu restaure cette identité missionnaire qui est la nôtre depuis toujours, indissociable : recevoir son amour et l’offrir à notre tour.

          Saler, en toutes circonstances

Un mot sur le contexte qui est le nôtre. La crise que nous traversons nous secoue, secoue nos certitudes et nos habitudes. Nous sommes perdus. Alors beaucoup ont décidé de revenir à l’essentiel, de lâcher le superflu pour se recentrer sur les fondements, le solide, sur ce qui est stable en ces temps d’incertitude. Et c’est très bien !

Mais en tant que chrétiens, si on se centre sur l’essentiel – et je prie pour qu’on se centre sur l’essentiel ! – ce ne sera pas stable. Parce que notre Dieu est un Dieu en mouvement, un Dieu qui agit, et un Dieu qui nous envoie. Qui nous fait participer à ses projets – qu’il pleuve ou qu’il vente ! La façon de faire, il faudra l’adapter. Mais le cœur de notre vocation : il reste vrai – nous sommes sel de la terre. En ces temps d’incertitude, notre vocation n’est pas incertaine : nous sommes sel de la terre.

Alors deux encouragements.

Quand Jésus ressuscité demande aux disciples de partager l’espérance qu’on trouve en Dieu, les temps ne sont pas meilleurs qu’aujourd’hui. Persécution, famine, incompréhensions… Si les disciples avaient attendu que ça se calme avant de témoigner, personne ne connaîtrait Jésus aujourd’hui.

Et comment ont-ils réussi ? Ils ont tâtonné, mais ils y sont allés. Alors comment ? Avec l’aide du Saint Esprit. Mais nous aussi, nous avons le Saint Esprit ! L’Esprit de Dieu, souverain, maître de tout, que rien ne déstabilise – c’est lui qui nous envoie et nous accompagne. Alors par nos propres forces, nous ne pouvons rien faire – en temps de covid comme en temps normal. C’est avec Dieu, enracinés en lui, nourris et inspirés par lui, que nous trouvons notre espérance, notre force, et que nous pouvons en témoigner.

L’objet de cette campagne, c’est de revenir à Dieu, ensemble. Peut-être que vous ne vous sentez pas très salés, ou que vous avez glissé loin de Dieu. Peut-être que vous vous sentez bloqués par une difficulté ou un manque. Ou peut-être que vous êtes démunis devant l’avenir. Profitons de ces quelques semaines pour nous recentrer sur Dieu et sur ce qu’il nous appelle à vivre. Laissons-nous questionner, interpeller, bousculer, inspirer, pour mieux le retrouver et mieux le suivre. Car c’est lui, notre créateur, notre sauveur, notre père, c’est lui qui nous garantit amour, espérance et joie, quoi qu’il arrive.

EEL Toulouse – Campagne de rentrée 2020




Le berger et la brebis perdue

 

Est-ce que vous aimez qu’on vous raconte une histoire ?

J’ai une fille qui est maîtresse des écoles et qui a donc fait sa rentrée cette semaine. Cette année, elle va faire des remplacements mais elle est ravie parce qu’elle commence l’année avec une classe de maternelles. Et ce qui lui plaît en particulier, c’est qu’elle va pouvoir raconter plein d’histoires à ses élèves.

Mais les histoires, ce n’est pas seulement pour les enfants ! Moi qui suis cinéphile, j’aime me laisser embarquer par l’histoire qu’un film me raconte. Et si vous aimez lire, vous devez ressentir le même plaisir.

Jésus aussi aimait raconter des histoires dans son enseignement. Il partait d’une situation de la vie de tous les jours pour en tirer une leçon spirituelle. C’est ce qu’on appelle les paraboles. Je vous propose d’en lire une ce matin :

Matthieu 18.12-14
12 Qu’en pensez-vous ? Si quelqu’un possède cent moutons et que l’un d’eux s’égare, ne laisse-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres dans la montagne pour partir à la recherche de celui qui s’est égaré ? 13 Je vous l’affirme, s’il le retrouve, il ressent plus de joie pour ce mouton que pour les quatre-vingt-dix-neuf autres qui ne se sont pas égarés. 14 De même, votre Père qui est dans les cieux ne veut pas qu’un seul de ces petits se perde.

Dans cette parabole, il y a deux personnages principaux : un berger et un mouton. Le berger nous parle de Dieu. Le mouton nous parle de nous. On peut même dire, probablement, que la parabole parle d’abord du berger (cf. la conclusion au verset 14) et ensuite du mouton.

Mais je vous propose de commencer par le mouton… parce qu’il parle de nous !

Le mouton

Tout ce qu’on sait du mouton de l’histoire, c’est qu’il est perdu. On ne sait pas dans quelles circonstances il s’est égaré, ni si c’est de sa faute ou pas… Peu importe. Il est perdu.

On a tous connu, une fois ou l’autre, ce sentiment d’être perdu. Que ce soit en randonnée parce qu’on s’est écarté des chemins balisés, à la lecture d’un mode d’emploi dont on ne comprend rien, ou face à une tâche à accomplir dont on se sent incapable… Qui n’a pas dit, un jour : “là, je suis perdu !”

Plus subtile : parfois on est perdu sans le savoir, ou en étant même persuadé qu’on a la situation bien en main… et là c’est pire ! Parce qu’on s’obstine.

Ce que notre parabole veut nous dire, et ce que la Bible dit par ailleurs à plusieurs reprises, c’est que lorsque nous vivons sans Dieu, nous sommes perdus. Qu’on en soit conscient ou non. Ça ne veut pas dire pour autant qu’on est les pires des racailles, des voyous sans foi ni loi. On peut être des gens très bien sous tout rapport… et être perdus.

Une affirmation biblique fondamentale, c’est que l’être humain a été créé à l’image de Dieu. C’est une façon de dire que nous sommes faits pour être en relation avec notre Créateur. Sans ce lien à notre Créateur, nous sommes perdus.

Et le risque de se retrouver perdu, de s’égarer, de se perdre par rapport à soi-même, nous concerne tous, croyants ou non. Une des forces de la foi, c’est de se reconnaître perdu, c’est-à-dire ayant besoin de Dieu. Et cela, on peut aussi l’oublier en tant que chrétien, et vivre sa vie comme si Dieu n’était pas là, comme si, finalement, on pouvait se débrouiller tout seul. Ce n’est plus Dieu qui compte mais notre foi, notre appartenance religieuse, nos rites et nos habitudes…

Avoir la foi, c’est être conscient de notre besoin de Dieu dans notre vie. Et avoir une foi vivante, c’est se nourrir de Sa présence au quotidien.

Le berger

Venons-en maintenant au berger de la parabole. Il y a deux choses qui me frappent, dans cette histoire, à propos du berger : d’abord le fait que chaque mouton semble l’intéresser plus que le troupeau dans son ensemble, et ensuite sa joie communicative quand il retrouve le mouton perdu.

Il me semble que nous pouvons en tirer deux leçons sur Dieu :

  • Dieu n’aime pas seulement les humains en général, il se soucie de chacun en particulier.
  • Ce que Dieu nous offre, ce n’est pas seulement de retrouver le troupeau mais de partager sa joie.

Dieu est un berger qui connaît et qui se soucie de chaque mouton en particulier. Avec lui, ce n’est pas “une de perdue, dix de retrouvées”, c’est “une de perdue, une à retrouver !”. Dieu nous cherche ! Même si, aujourd’hui, nous ne nous soucions guère de lui, il cherche à rétablir la relation avec nous.

Dieu n’est pas spectateur de notre vie. Ce n’est pas un juge ou un arbitre qui compte le bons et les mauvais points. Il est acteur de notre vie, il nous cherche et veut prendre soin de nous. Le Dieu dont nous parle la Bible n’est pas un Dieu lointain et impersonnel, c’est un Dieu proche, aimant, et personnel. Il n’est pas seulement l’architecte qui a créé l’univers et ses lois avant de laisser le monde fonctionner tout seul, il est un berger qui aime et prend soin de ses brebis.

C’est aussi pourquoi le berger ne veut pas seulement nous faire “rentrer dans le rang” et réintégrer le troupeau. Dieu ne veut pas que nous soyons des moutons de Panurge, qui suivent le mouvement sans se poser de question, sans recul, sans esprit critique… et sans enthousiasme ! Il veut que nous partagions sa joie. Sa joie de nous avoir retrouvé… et notre joie de l’avoir trouvé !

Il est important d’apprendre à voir la vie chrétienne comme l’occasion de partager la joie de Dieu. Ça ne veut pas dire que tout sera toujours merveilleux, un chemin sans embûche, sans difficulté, sans épreuve… loin de là. Un chrétien n’est pas toujours gai et sautillant !

Mais connaître Dieu, à travers Jésus-Christ, comme un berger qui nous connaît, nous aime et prend soin de nous, n’est-ce pas la source d’une joie profonde, paisible dans l’épreuve et enthousiasmante d’espérance ?

Conclusion

Dieu se réjouit ce matin, il partage notre joie en ce dimanche où nous avons assisté à un baptême. Il est rempli de la joie du berger de la parabole.

Quel que soit notre cheminement personnel, il nous invite à croire que nous sommes perdus si nous perdons le contact avec Dieu. Et ça peut nous arriver à tous, y compris si nous sommes croyant de longue date.

Mais lorsque nous nous égarons, pour une raison ou pour une autre, Dieu nous cherche toujours. Sans relâche. Il ne s’en lasse jamais. C’est la conclusion de la parabole : “votre Père qui est dans les cieux ne veut pas qu’un seul de ces petits se perde.”

Ce Dieu-là mérite qu’on se laisse trouver par lui… et que nous partagions sa joie !




Communiquer la grâce

Récemment, dans un établissement de santé, je suis tombée sur une charte de bonnes pratiques comme on en voit en milieu médical, scolaire, commercial ou au travail. A la lecture de ces chartes qui prônent respect et bienveillance, on s’imagine vivre dans une société idéale où chacun peut parler et être écouté de façon bénéfique. Un archéologue du futur qui retrouverait ces documents se dirait que notre société se préoccupe beaucoup de soutenir les relations par une communication juste et positive.

D’ailleurs, il n’aurait qu’à fouiller dans les débris du rayon « Développement personnel » d’une librairie pour retrouver un nombre incalculable de ces titres à succès, manuels de communication et de relations, qui semblent fleurir depuis quelques années.

Cela dit, nous avons une donnée supplémentaire par rapport à cet archéologue du futur : l’expérience réelle des relations… Cet été encore, j’ai été choquée de voir les réactions des uns et des autres, ne serait-ce que dans la rue ! Les insultes qui fusent entre conducteurs, à l’égard d’un vélo ou d’un commerçant qui demande à porter le masque, quand ça ne va pas plus loin malheureusement.

Les mots malheureux viennent aussi, et surtout, fragiliser nos relations importantes : un adulte qui doute de lui parce qu’à l’école, un prof a émis un jugement catégorique (« tu n’arriveras jamais à rien » ?), une vexation dans l’amitié, au travail, ou dans la famille. Et même dans l’église : même sans grossièreté, il y a des paroles cassantes, violentes, ou simplement d’une insouciance absurde, qui laissent des cicatrices. On peut être très blessant juste en citant un verset biblique… Et j’ai malheureusement bien des exemples de personnes qui ont été blessées, parfois au point de ne plus voir l’intérêt de venir en communauté. D’autres viennent, mais avec une distance de protection. Vous voyez l’importance de l’enjeu !

Est-ce nous qui sommes trop sensibles ? Je ne crois pas, car la question des paroles et de la communication revient très souvent dans la Bible, et j’aimerais lire avec vous un extrait de la lettre de Paul aux Ephésiens, où il exhorte à une communication saine. Je lirai aussi les versets avant et après, car ils donnent le ton de la réflexion.

Lecture biblique : Ephésiens 4.1-3, 21-5.2  

1 Je vous le demande donc avec insistance, moi qui suis prisonnier parce que je sers le Seigneur : vous que Dieu a appelés, conduisez-vous d’une façon digne de cet appel. 2 Soyez toujours humbles, doux et patients. Supportez-vous les uns les autres avec amour. 3 Efforcez-vous de maintenir l’unité que donne l’Esprit saint par la paix qui vous lie les uns aux autres. 

[suit une réflexion sur l’unité de l’église et une exhortation à se laisser façonner par la réalité du salut] selon la vérité qui est en Jésus, 22 renoncez à votre conduite passée, débarrassez-vous de l’être humain que vous étiez auparavant car ses désirs trompeurs mènent à la ruine. 23 Laissez-vous renouveler par l’Esprit qui agit sur votre intelligence. 24 Revêtez l’être nouveau, créé à la ressemblance de Dieu et qui se manifeste dans une vie conforme à sa volonté et digne de lui qui est inspiré par la vérité.

25 Rejetez donc le mensonge ! Que chacun dise la vérité à son prochain, car nous sommes tous membres d’un même corps. 

26 Mettez-vous en colère, mais ne péchez pas ; que votre colère s’apaise avant le coucher du soleil. 

27Ne donnez pas au diable l’occasion de vous dominer.           

28 Que la personne qui volait cesse de voler ; qu’elle se mette plutôt à travailler et qu’elle fasse le bien de ses propres mains pour avoir ainsi de quoi aider celui qui en a besoin. 

29 Qu’aucune parole mauvaise ne sorte de votre bouche ; dites seulement des paroles bienveillantes, qui répondent à un besoin et qui sont constructives, pour faire du bien à ceux qui vous entendent. 

30 N’attristez pas l’Esprit saint de Dieu ; il est pour vous la marque personnelle attestant que le jour viendra où Dieu vous délivrera complètement du mal. 

31 Chassez loin de vous tout sentiment amer, toute irritation, toute colère, ainsi que les cris et les insultes. Abstenez-vous de toute forme de méchanceté. 

32 Soyez bons et pleins d’affection les uns pour les autres ; pardonnez-vous réciproquement, comme Dieu vous a pardonné par le Christ.

5. 1 Puisque vous êtes les enfants que Dieu aime, efforcez-vous d’être comme lui. 2 Que votre façon de vivre soit inspirée par l’amour, comme le Christ aussi nous a aimés et a donné sa vie pour nous, comme une offrande et un sacrifice dont l’agréable odeur plaît à Dieu.

          Bien communiquer… ou communiquer le bien ?  

Paul parle ici plus que de communication : il nous exhorte à devenir de nouvelles personnes. Ou plutôt, à nous mettre en cohérence avec la nouveauté de vie que Dieu rend possible en Christ, par son Esprit qui nous conduit désormais. Comme il est en train de parler de l’église, il glisse vers des exhortations relationnelles, très pratiques (du style : ne vous couchez pas sur votre colère !). Il parlera plus tard de questions plus personnelles, mais pour Paul, et dans la Bible, la sainteté est autant dans nos choix de vie que dans notre façon de gérer les relations. La pureté spirituelle, c’est aussi des relations saines.

Honnêtement, les conseils de Paul ne sont pas très originaux. Il s’inspire beaucoup de l’Ancien Testament, mais même au-delà : dans la sagesse de l’époque, on trouve le même genre de conseils. Par exemple dans la communauté de Qumrân, ou, dans le monde grec, chez les stoïciens, les pythagoriciens, etc. Il faut réfléchir avant de parler, ne pas mentir, ne pas laisser les situations s’envenimer… C’est du bon sens ! pas toujours respecté, mais pertinent et efficace. D’ailleurs, si vous parcourez des livres de communication aujourd’hui, comme un manuel de communication non violente (Les mots sont des fenêtres, de M. Rosenberg) ou les Accords Toltèques, ils sont, pour la partie communication, tout à fait en phase avec les conseils de Paul.

La grande originalité biblique – et c’est là que Paul se démarque des sagesses antiques & modernes – c’est que le cadre est différent. Le chrétien ne travaille pas sa façon de communiquer par souci pragmatique – dans le cadre social, pour éviter les conflits qui fragilent les relations et la société, ou pour sa santé, pour éviter un ulcère ! Non, le chrétien change de communication parce qu’il a changé. Voyez plutôt combien Paul justifie ses exhortations de manière spirituelle.

(v.2) vous que Dieu a appelés, conduisez-vous d’une façon digne de cet appel

(23) Laissez-vous renouveler par l’Esprit qui agit sur votre intelligence

(25) nous sommes tous membres d’un même corps

(27) Ne donnez pas au diable l’occasion de vous dominer

(32) comme Dieu vous a pardonné par le Christ.

(5.1) Puisque vous êtes les enfants que Dieu aime

(2) comme le Christ aussi nous a aimés et a donné sa vie pour nous

Au début du confinement, j’ai lu un bon article de Raphaël Charrier [https://raphaelcharrier.toutpoursagloire.com/bannir-lexpression-le-plus-important-dans-couple-communication/] qui évoquait la communication dans le couple. Il rappelle que, bibliquement, l’objectif n’est pas de bien communiquer, mais de communiquer le bien. Si vous exprimez avec justesse et précision toutes vos pensées, même les plus ambivalentes et parfois destructrices, ce n’est pas un geste d’amour ni un geste constructif. S’exprimer, c’est bien, mais qu’est-ce qu’on exprime ? et comment ?

D’après Paul, le Christ est mort pour que nous soyons réconciliés avec Dieu, notre Père qui demeure en nous par son Esprit : il nous façonne et nous change, pour le bien. Il renouvelle notre identité, comme s’il l’assainissait, afin qu’il découle de nous une eau pure et rafraîchissante, et non de l’eau frelatée et nauséabonde.

          Communiquer la vérité avec amour

Paul nous livre en même temps des exhortations très précises et très générales, sur la colère, les paroles, la posture, la gestion de nos émotions,… Globalement, on peut résumer ses conseils (que je vous invite à appliquer !) par cette formule qui intervient plus tôt dans le chapitre 4 : communiquer la vérité avec amour (4.15).

Communiquer la vérité – dans notre société avide d’authenticité, ça sonne bien ! Il y a un souci d’honnêteté, de simplicité – qui s’oppose à l’hypocrisie et à la duplicité. On dit les choses comme elles sont, sans manipulation ni fausseté, pour établir des relations de confiance. Outre le fait qu’une parole fausse peut vite se retourner contre nous si la vérité éclate, ou qu’elle peut nous troubler de l’intérieur, comment se faire confiance si personne ne dit la vérité ? c’est la base de toute relation ! Au-delà, nous appartenons au Dieu de la vérité et de la justice, en qui rien n’est double ou faux. Dieu est franc, et il attend la même chose de nous.

Mais cette franchise ne dispense pas d’aimer, de parler avec douceur et bienveillance, d’être attentif à l’autre pour éviter de blesser. J’ai entendu maintes fois « Moi, je suis franche, je dis ce que je pense » façon bazooka parfois ! Leur focus est surtout sur eux et ce qu’ils pensent.

Paul invite les francs à se mettre du côté des auditeurs et à tester la douceur : ça fait quoi d’entendre ça ? Un peu de douceur n’éteindra pas la vérité. Paul et Jésus n’étaient pas des mous, pourtant ils parlaient souvent avec délicatesse et respect.

Le fléau inverse, c’est ceux qui ne disent rien pour ne pas faire de mal. En général, ils rongent leur frein jusqu’à ce qu’ils explosent ou qu’ils partent. Ce n’est pas mieux ! Car souvent, on en vient à tolérer des situations de compromis, des incohérences, des choses qui ne fonctionnent pas… et l’ensemble finit par se frelater. Pour garder des relations saines, Paul invite les doux à dire ce qu’ils pensent et à tester la vérité. A ne pas se focaliser que sur la réaction de l’autre.

Dans une relation saine, à l’église, en famille, au travail, partout, dans une relation saine, il y a de la place pour l’autre et pour moi. Le dosage peut varier selon les circonstances, mais les deux sont essentiels.

Communiquer la vérité avec amour : on est tous plutôt d’un côté ou de l’autre, mais Dieu est un Dieu de vérité et d’amour. Et depuis la création et notre re-création, notre vocation, notre projet, notre identité, c’est de devenir comme lui, à l’exemple du Christ, inspirés par l’Esprit saint !

          Un effort

Relevez l’intrus dans les exhortations de Paul… Au milieu de toutes ces exhortations de communication, pourquoi Paul vient-il nous parler du vol ? Peut-être qu’après avoir parlé du mensonge, emporté par ses souvenirs des dix commandements, il aborde le vol, et puis il revient à son premier thème : la communication. Mais je vois une autre possibilité : le voleur c’est celui qui ne participe pas. Il prend, il profite de la situation, aux dépens des autres, mais il ne donne rien en échange. Il est centré sur son intérêt, sur son nombril. Paul invite le voleur à une attitude responsable (se prendre en charge) et généreuse (venir en aide aux autres). Cette attitude est en fait très cohérente avec les questions de communication : dans la relation, nous sommes appelés à nous impliquer, nous-mêmes, tels que nous sommes, quitte à nous rendre un peu vulnérables. Et à l’implication s’ajoute la générosité, car je ne cherche pas seulement mon bien, mais aussi celui de l’autre.

La vie en communauté, les relations réelles (et je ne parle pas des réseaux sociaux qui simplifient/simplistifient beaucoup les interactions) demandent un engagement de notre part. Paul est clair là-dessus : il faut faire des efforts… Nos relations ne seront saines que si nous y mettons du nôtre – et ce n’est pas toujours agréable.

Dans une église où nous sommes si différents, les cultures, les habitudes, les tempéraments s’entrechoquent. Sans parler du fait que nous ne sommes pas toujours très agréables… Mais Dieu nous appelle à nous supporter les uns les autres – dans les deux sens ! Nous soutenir, mais aussi nous supporter, être patients, voire… nous pardonner. Pardonner les paroles malheureuses, les silences, les réactions bizarres, les incompréhensions : l’effort est dans notre cœur. Lutter inlassablement contre l’amertume, le soupçon, la rancœur… Et laisser le bénéfice du doute, être patient, plein de grâce… A choisir de regarder l’autre d’abord comme un frère dans la foi, et pas comme un ennemi.

Car Dieu nous a fait grâce en Christ, et il nous appelle à vivre ensemble pour l’éternité.

Mais même au-delà de l’église : à l’ère où la communication est si centrale dans notre société, quel témoignage si nous sommes de ceux qui communiquent la grâce, qui disent la vérité avec amour, qui sont authentiques et attentifs aux autres… Jésus, franc et doux, attirait les foules… que nous puissions lui ressembler, en public et en privé, dans l’église et en dehors, en présentiel et en virtuel, afin que la grâce de Dieu soit communiquée au plus grand nombre !




Le Retour du Roi

 

 

Nous arrivons ce matin au dernier volet d’une trilogie de prédications inspirée d’une trilogie… celle du Seigneur des Anneaux. Tolkien, l’auteur des romans, était croyant et sa foi transparaît de différentes manières dans son oeuvre.

Pour ceux qui n’auraient pas lu les livres ni vu les films, sachez seulement que l’intrigue du Seigneur des Anneaux se déroule dans un monde imaginaire, la Terre du Milieu, où de nombreuses créatures coexistent avec les humains, notamment les hobbits, un peuple pacifique. L’un d’eux, Frodon, hérite par son oncle d’un anneau magique qui est en réalité un instrument de pouvoir absolu convoité par Sauron, le Seigneur maléfique. La seule solution pour que ce dernier ne s’en empare pas est d’amener l’anneau là où il a été forgé pour le détruire. Mais cela implique de se rendre au coeur du Mordor, là où Sauron réside.

Le premier volet, La Communauté de l’Anneau, évoque la constitution de la communauté chargée de cette mission, une communauté qui va devoir apprendre à vivre ensemble et surmonter ses inimitiés ancestrales. Nous avions fait ici le parallèle avec ce que nous sommes appelés à vivre en tant qu’Église, nous-mêmes une communauté diverse qui doit apprendre à vivre ensemble pour accomplir la mission qui nous est confiée.

Le deuxième volet, Les Deux Tours, fait référence à l’alliance des deux tours du Mordor et d’Isengard, celle de Sauron et celle de Saroumane, le mage qui s’est laissé séduire par Sauron et s’est mis à son service. Ils représentent le mal absolu, en quête de pouvoir absolu. Et la communauté de l’Anneau dispersée devra y faire face et résister à leurs assauts. Nous avions alors fait le parallèle avec le combat que chacun est amené à vivre face au mal, pour tenir ferme dans la foi.

Le troisième volet s’intitule Le Retour du Roi. C’est le dénouement épique de la trilogie, alors que tout semble ne plus tenir qu’à un fil. Sauron lance toutes ses troupes dans la bataille et Frodon tente d’atteindre secrètement la montagne du Destin pour y détruire l’anneau. Le roi dont il est question, c’est celui du Gondor, qui doit régner sur un royaume unifié, et dont le retour est annoncé par des prophéties. Mais la menace de Sauron est de plus en plus pressante. Beaucoup ont perdu tout espoir, mais d’autres continuent la lutte, même si l’issue fatale peut sembler inéluctable… Tant que Frodon est en vie, il y a de l’espoir.

Vous percevez sans doute la couleur biblique que peuvent avoir ces éléments du Seigneur des Anneaux, nous qui attendons aussi le retour du Roi… ou plus précisément, comme le nomme l’Apocalypse, le retour du Roi des rois ! Il y a d’ailleurs plusieurs personnages de la trilogie qui ont, pour différentes raisons, une dimension christique : au moins Frodon, Aragorn et Gandalf…

Le troisième volet de la trilogie du Seigneur des Anneaux nous permet donc d’évoquer notre espérance. Et pour cela, je vous propose de lire deux courts textes bibliques, tirés du Nouveau Testament :

Romains 8.24-25
24 Car nous avons été sauvés, mais en espérance seulement. Si l’on voit ce que l’on espère, ce n’est plus de l’espérance : qui donc espérerait encore ce qu’il voit ? 25 Mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons avec persévérance.

Hébreux 11.1
Mettre sa foi en Dieu, c’est être sûr de ce que l’on espère, c’est être convaincu de la réalité de ce que l’on ne voit pas.

Fondamentalement, l’espérance est indissociable de la foi. L’une comme l’autre “voient l’invisible”. On pourrait dire que la foi voit ce qui est invisible, et l’espérance voit ce qu’on ne voit pas encore.

  • Dieu, on ne le voit pas. Par définition, Dieu est invisible à nos yeux et il nous faut “les yeux de la foi” pour le voir agir dans notre vie, pour discerner sa présence à nos côtés dans les circonstances de notre quotidien.
  • Et l’espérance attend la réalisation des promesses de Dieu qui, par définition, ne sont pas encore accomplies.

La foi et l’espérance se manifestent toutes deux dans la confiance. Notre foi aujourd’hui nourrit et affermit notre espérance pour demain. Toutes deux sont fondées sur les promesses de Dieu.
“Nous avons été sauvés, mais en espérance seulement.”
“Mettre sa foi en Dieu, c’est être sûr de ce que l’on espère”

Soulignons enfin que la clé de notre foi et de notre espérance se trouve en Jésus-Christ :

  • En lui, Dieu est devenu homme et il s’est rendu visible à nos yeux.
  • Par sa résurrection et son ascension, nous attendons ce que nous ne voyons pas encore : son retour et notre propre résurrection.

Quelles leçons tirer pour nous de cette espérance ?

 

Garder espoir… toujours !

Nous pourrions résumer en deux mots l’impact de notre espérance sur nous: garder espoir !

On pourrait dire la même chose pour les héros du Seigneur des Anneaux, ils gardent l’espoir, jusqu’au bout. Au fil de l’histoire, l’horizon s’assombrit de plus en plus, la puissance de Sauron semble devoir l’emporter… Certains se sont découragé, d’autres se sont impatienté. Mais Frodon et ses compagnons font preuve de courage, de persévérance…. en un mot : d’espérance !

Et c’est une espérance qui peut même paraître une folie aux yeux de certains. Comment un simple hobbit, ce semi-homme, pourrait-il échapper à la vigilance de l’oeil de Sauron et parvenir au coeur de son repère pour jeter l’anneau dans le cratère du mont du Destin ?

L’espérance chrétienne aussi peut apparaître comme une folie aux yeux de certains… particulièrement peut-être lorsque le monde traverse un temps d’inquiétude généralisé, où l’avenir semble plus qu’incertain, comme c’est le cas aujourd’hui. Comment croire que Dieu reste maître de l’histoire, que son Royaume avance et que ses promesses de résurrection et de vie vaincront ? Comment croire que Dieu prendra soin de nous quand on est au coeur de l’épreuve ? Je crois que les plus belles démonstrations de foi et d’espérance ne sont pas forcément chez ceux qui triomphent de tous les obstacles mais bien souvent chez ceux qui font preuve de confiance et d’espoir, même au coeur de l’épreuve.

 

Attendre… en agissant !

Espérer, c’est s’attendre à Dieu, c’est attendre l’accomplissement de ses promesses. Mais cette attente n’est pas passive. Il s’agit d’attendre… en agissant.

C’est une mauvaise compréhension de l’espérance qui peut rendre les croyants résignés et passifs. Nous sommes, certes, dans l’attente de l’accomplissement des promesses de Dieu. Mais cette attente est active. La véritable espérance motive à l’action, parce que Dieu nous associe à l’oeuvre de son Royaume.

Dans le Seigneur des Anneaux, lorsque les différents compagnons sont dispersés, avec comme seul espoir que Frodon atteigne le mont du Destin pour détruire l’anneau, ils ne sont pas restés inactifs mais se sont battus. Et ce qu’ils faisaient était utile, d’une manière ou d’une autre, pour aider Frodon dans sa mission.

Quand les disciples assistent à l’ascension de Jésus, le livre des Actes nous dit qu’ils restent les yeux rivés vers le ciel. Des anges se montrent alors à eux et leur disent que Jésus va bien revenir comme il est parti mais qu’en attendant ils avaient du boulot : Jésus les avait envoyé comme témoins, jusqu’aux extrémités de la terre !

Il y a deux ennemis de l’espérance : le résignation et la nostalgie. Les deux nous rendent inactifs. Les deux nous mettent en retrait du monde. Les deux nous font abandonner notre mission de témoin du Christ vivant.

Si vous êtes résignés, sur vous-mêmes, sur les autres, sur le monde… Relisez les Béatitudes ! Elles nous invitent, certes parfois dans les pleurs et l’adversité, à avoir faim et soif de justice, à être plein de bonté, à être artisans de paix… C’est l’antidote de la résignation !

Quant à la nostalgie, c’est une espérance inversée. L’espérance chrétienne nous fait regarder avec confiance et espoir vers l’avenir, et pas avec nostalgie vers le passé. Le “c’était mieux avant” ne peut pas faire partie du discours du croyant… Notre espérance nous dit même que ça sera mieux demain, même si aujourd’hui c’est difficile. Car demain les promesses de Dieu s’accompliront.

 

Conclusion

Arrivé au terme de notre trilogie, le Seigneur des Anneaux nous a permis d’évoquer trois thématiques bibliques centrales pour le chrétien : la communauté, le résistance face au mal et l’espérance.

A vrai dire, les trois sont liées. En communauté, nous sommes plus forts pour résister au mal et nous nous encourageons dans notre espérance commune. Par ailleurs, notre espérance, c’est la victoire finale sur le mal, celle de la vie sur la mort. Et cette espérance, nous ne la gardons pas jalousement, comme si elle nous appartenait. Nous voulons la partager avec tous, parce qu’elle s’offre à tous.

Or, partager cette espérance, c’est partager le Christ. Car tout est centré sur lui :

  • Ce qui nous constitue en tant que communauté, c’est notre appartenance au Christ.
  • C’est au nom du Christ vivant que nous résistons au mal, comme lui a été tenté en tout sans jamais succomber à la tentation.
  • Enfin, notre espérance prend sa source dans la mort et la résurrection du Christ.

C’est lui, le Christ vivant, que nous voulons suivre et dont nous voulons être témoin !




Les Deux Tours

 

Nous avons commencé dimanche dernier une trilogie de prédications inspirée d’une trilogie… celle du Seigneur des Anneaux.

Pour ceux qui n’auraient pas lu les livres ni vu les films, voici en quelques mots ce que vous devez savoir. L’intrigue du Seigneur des Anneaux se déroule dans un monde imaginaire, la Terre du Milieu, où de nombreuses créatures coexistent avec les humains, notamment les hobbits, un peuple pacifique appelé aussi semi-hommes. L’un d’eux, Frodon, hérite par son oncle d’un anneau magique qui est en réalité un instrument de pouvoir absolu convoité par Sauron, le Seigneur maléfique. La seule solution pour que ce dernier ne s’en empare pas est d’amener l’anneau là où il a été forgé pour le détruire. Mais cela implique de se rendre au coeur du Mordor, là où réside le terrible Sauron.

Dimanche dernier, nous avons évoqué le premier volet de la trilogie, La Communauté de l’Anneau, qui relate la constitution du groupe qui aura la mission de détruire l’anneau, une communauté diverse, qui va devoir apprendre à vivre ensemble et surmonter ses a prioris et même ses inimitiés ancestrales.

Nous avons fait le parallèle avec ce que nous vivons en tant qu’Eglise, nous-mêmes unis dans un même défi à relever, celui de vivre la communauté, avec une mission partagée : être témoin du Christ vivant, que nous soyons rassemblés ou dispersés sur nos lieux de vie.

Au début du deuxième volet de la trilogie, la Communauté de l’Anneau se retrouve séparée en plusieurs groupes. Mais l’anneau est toujours en possession de Frodon, tout est donc encore possible.

Ce deuxième volet s’intitule Les Deux Tours, en référence à l’alliance des deux tours du Mordor et d’Isengard. La tour du Mordor, c’est celle de Sauron, au sommet de laquelle son oeil scrute la Terre du Milieu à la recherche de l’anneau. La tour d’Isengard, c’est celle de Saroumane, le mage qui s’est laissé séduire par Sauron et s’est mis à son service. Ils représentent le mal absolu, en quête de pouvoir absolu. Et la communauté de l’Anneau dispersée devra y faire face et résister à leurs assauts.

Les Deux Tours, c’est la révélation des véritables ennemis. Et aussi la découverte de nouveaux ennemis… et de nouveaux amis. Les uns et les autres n’étant pas forcément ceux qu’on pourrait croire au premier abord.

Au coeur de la trilogie du Seigneur des Anneaux, il y a bien la question de la résistance face au mal. Il y a un ennemi, évident ou sournois, qui cherche à parvenir à ses fins par tous les moyens. Un ennemi face auquel il convient de rester vigilant et de résister si on veut en être vainqueur.

La résistance face au mal est bien aussi une thématique centrale dans la Bible. Le Nouveau Testament compare souvent la vie chrétienne à une lutte, un combat, qui implique parfois des souffrances, avec des victoires et des défaites. Ce combat nécessite également de bien identifier notre ennemi. Nous pouvons penser, par exemple, à cette exhortation de la première épître de Pierre, écrite dans un contexte de persécution pour les premiers chrétiens :

1 Pierre 5.8-11
8 Soyez lucides, veillez ! Car votre ennemi, le diable, rôde comme un lion rugissant, cherchant quelqu’un à dévorer. 9 Résistez-lui en demeurant fermes dans la foi. Rappelez-vous que vos frères et vos sœurs, dans le monde entier, endurent les mêmes souffrances. 10 Vous aurez à souffrir encore un peu de temps. Mais Dieu, source de toute grâce, vous a appelés à participer à sa gloire éternelle dans l’union avec Jésus Christ ; lui-même vous perfectionnera, vous affermira, vous fortifiera et vous établira sur de solides fondations. 11 À lui soit la puissance pour toujours ! Amen.

Ici, ce n’est pas l’oeil de Sauron qui scrute mais un lion rugissant qui rôde… L’image est différente, mais le danger est similaire. J’aimerais relever dans ce texte trois éléments en lien avec notre lutte face au mal, et le Seigneur des Anneaux nous servira encore de référence et d’illustration.

Identifier l’ennemi

Il s’agit d’abord de bien identifier notre ennemi : “votre ennemi, le diable, rôde comme un lion rugissant.” Parfois, il est clairement identifié. Et là, aucune compromission n’est acceptable, au risque de se perdre. Dans le Seigneur des Anneaux, l’ennemi a le visage de Sauron et sa quête de pouvoir absolu, sa volonté de domination et de soumission.

Le diable a revêtu de nombreux visages de ce type au cours de l’histoire, jusqu’à aujourd’hui. Il a les traits des tyrans, l’apparence des régimes totalitaires de l’histoire des hommes, il se cache derrières des systèmes, parfois globalisés, qui exploitent, dominent, manipulent, corrompent… Il faut être vigilant car la bête renaît souvent, elle peut se cacher derrières des discours de respectabilité, elle sait manipuler les peurs, les colères, et flatter les bas instincts.

Dans le Seigneur des Anneaux, si Sauron incarne le mal absolu, et Saroumane celui qui est complètement corrompu et séduit par le mal, les autres ennemis sont plus sournois, et la frontière entre le bien et le mal est moins évidente…

A cet égard, un personnage de la trilogie est particulièrement intéressant, il s’agit de Gollum. Il a possédé un temps l’anneau, il y a de nombreuses années. Et puis l’anneau s’est trouvé un autre propriétaire en la personne de Bilbon, l’oncle de Frodon. Maintenant que l’anneau réapparaît, il rêve de le récupérer.

Bien des années auparavant, Bilbon aurait pu tuer Gollum mais il a eu pitié de lui. Frodon le regrette… et Gandalf lui dit alors :

“Nombreux sont les vivants qui mériteraient la mort, et les morts qui mériteraient la vie. Pouvez-vous la leur rendre Frodon ? Alors ne soyez pas trop prompt à dispenser morts et jugements. Même les grands sages ne peuvent connaître toutes les fins. Mon coeur me dit que Gollum a encore un rôle à jouer, en bien ou en mal, avant que cette histoire se termine. De la pitié de Bilbon peu dépendre le sort de beaucoup.”

Il y a une sagesse assez biblique dans ces paroles de Gandalf. La non compromission avec le mal n’exclut pas la pitié et la compassion pour ceux qui ont succombé ou été séduit par le mal. Le personnage de Gollum est double, tiraillé. Il interroge les frontières du bien et du mal, y compris dans notre propre coeur.

L’ennemi ne nous est pas seulement externe, il nous est aussi intime et personnel. On le trouve même en chacun de nous.

Rester vigilant

Si on revient à la première épître de Pierre, notre texte contient une première exhortation : “Soyez lucides, veillez !”

J’aime bien la traduction de la Bible Nouvelle Français Courant : “Soyez lucides, veillez !” Le terme grec utilisé est habituellement traduit par sobre, en faisant référence au fait de ne pas boire pour ne pas avoir l’esprit embrouillé par l’alcool. L’idée est donc de garder la tête sur les épaules, de ne pas baisser la garde, bref, de rester vigilants.

Cette exhortation à être lucide dans notre lutte face au mal me paraît particulièrement appropriée car on peut facilement se nourrir de fantasmes et d’illusions. Il s’agit d’éviter deux excès : soit de voir le diable partout, soit d’oublier la réalité de l’ennemi. Car il est aussi peu lucide de vouloir tout spiritualiser que de vouloir tout rationaliser.

Certains voient des influences démoniaques et des enjeux spirituels partout et toujours, dans la moindre difficulté, la moindre contrariété rencontrée… c’est une attaque spirituelle ! Et on s’engage dans une véritable chasse aux sorcières irrationnelle. D’autres, à l’inverse, pensent que rien n’est spirituel, que tout est matériel ou psychologique, purement rationnel… se donnant l’illusion de tout pouvoir maîtriser, toujours.

Rester vigilant, c’est rester lucide, pour ne tomber ni dans un excès ni dans l’autre.

Résister

L’autre exhortation de notre texte appelle à la résistance : “Résistez-lui en demeurant fermes dans la foi.”

Je ne suis pas à l’aise avec certains discours guerriers, conquérants, utilisé parfois parmi les chrétiens. Notre appel n’est pas partir en guerre mais de résister et de tenir ferme. Quand Jésus envoie ses disciples en mission, il les envoie “comme des brebis au milieu des loups” (Matthieu 10.16)… pas comme des chasseurs armés jusqu’aux dents !

C’est en demeurant fermes dans la foi que nous résistons à l’ennemi ! La foi étant cette confiance placée en Dieu, en toutes circonstances, favorables ou non.

La foi aussi est une des thématiques du Seigneur des Anneaux. Elle prend la forme de l’audace et du courage, de l’abnégation, de la loyauté et la fidélité, de l’espoir jusqu’au bout. Elle est présente chez Frodon et d’autres personnages, mais peut-être plus encore chez Sam, le plus fidèle ami de Frodon. Sam n’est pas dans l’esbroufe, il n’a rien d’un va-t-en-guerre ! Il aspire à une vie simple et paisible… mais il est loyal et sait se montrer redoutable et déterminé quand il le faut.

Ce sont des qualités qu’on retrouve dans la foi : la fidélité, la simplicité, la détermination… S’y tenir ferme est loin d’être évident. C’est une lutte de tous les instants. C’est là notre véritable combat spirituel.

Conclusion

Comme souvent dans une trilogie, le volet central est celui de tous les dangers. La possibilité d’un accomplissement de la quête ne tient plus qu’à un fil. A la fin des Deux Tours, nous sommes dans l’expectative.

Nos luttes et nos combats, publics ou intimes, nous placent aussi parfois dans une telle expectative. Nous pouvons avoir l’impression parfois que notre vie ne tient plus qu’à un fil…

Mais ne perdons pas courage. Gardons le cap. Souvenons-nous de ces trois points : identifier l’ennemi, rester vigilant et résister. Nous ne sommes pas seuls. D’autres souffrent et luttent, comme nous. Et surtout, nous sommes au bénéfice d’un appel de grâce de la part de Dieu, en Jésus-Christ, mort et ressuscité. C’est bien ce que proclame avec force la fin de notre texte de l’épître de Pierre :

“Vous aurez à souffrir encore un peu de temps. Mais Dieu, source de toute grâce, vous a appelés à participer à sa gloire éternelle dans l’union avec Jésus Christ ; lui-même vous perfectionnera, vous affermira, vous fortifiera et vous établira sur de solides fondations. À lui soit la puissance pour toujours ! Amen.” (1 Pierre 5.10-11)