Notre vocation éternelle : honorer Dieu de tout notre être

Une question que les chrétiens se posent souvent, c’est : qu’est-ce qu’on fera « après » ? au ciel ? avec Dieu ?

La Bible nous parle assez peu de ce qui nous attend, sûrement pour éviter qu’on se perde dans des rêveries qui de toute façon seront bien inférieures ce que Dieu a prévu. Mais, parfois elle nous donne des indices sur ce que Dieu nous réserve pour l’éternité avec lui – un peu comme une bande annonce où on voit les lieux, les personnages, quelques activités, mais il nous manque la clef pour tout saisir : pour cela il faut voir le film !

Celui qui a reçu le plus d’indices, c’est l’apôtre Jean, qui a intitulé son livre « Révélation » (apocalypse d’après le grec). Je vais lire quelques versets qui plantent le décor :



Lecture biblique : Apocalypse 21.1-4

1 Alors je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre. Le premier ciel et la première terre ont disparu, et il n’y a plus de mer. 

2 Et je vis la ville sainte, la nouvelle Jérusalem, qui descendait des cieux, envoyée par Dieu, prête comme une épouse qui s’est faite belle pour son mari. 

3 J’entendis une voix forte qui venait du trône et disait : « Voici, la demeure de Dieu est parmi les êtres humains ! Il demeurera avec eux et ils seront ses peuples. Dieu lui-même sera avec eux, il sera leur Dieu. 

4 Il essuiera toute larme de leurs yeux. Il n’y aura plus de mort, il n’y aura plus ni deuil, ni lamentations, ni douleur. En effet, les choses anciennes ont disparu. »

Donc, le cadre : on repart à zéro ! Nouveau monde, nouveaux cieux, nouvelle terre ! rassurez-vous, la disparition de la mer est sûrement symbolique : a priori, c’est le côté chaotique, abyssal, dangereux, de la mer, qui serait mis de côté.

Dans ce monde nouveau, ce qu’on sait, c’est que Dieu effacera tout ce qui déforme, abîme, pèse ou écrase dans ce monde, et même toutes les traces de nos souffrances – c’est un endroit difficile à imaginer, où règne cependant la paix.

Et puis, les acteurs principaux : Dieu et la nouvelle Jérusalem. Cette ville, capitale des Juifs, représente le peuple que Dieu s’est façonné au fil de l’Histoire, ceux qui se sont tournés vers lui avec foi et qui sont devenus ses enfants pour toujours, grâce au Christ.

On sent une qualité de présence, une proximité, une relation inédite par rapport à ce qu’on ressent aujourd’hui : Dieu sera pleinement présent chez nous, et nous chez lui.

Donc, plus de mal, plus de mort, et Dieu source de vie et d’amour au centre, prêt à laisser déborder abondamment toute sa grâce !

Et alors ??… qu’est-ce qu’on fera ?…

Un peu plus loin dans le texte, d’autres indices nous sont donnés.

Lecture biblique : Apocalypse 22.3b-5

Le trône de Dieu et de l’Agneau sera dans la ville, et les serviteurs de Dieu lui rendront un culte. 

4 Ils verront sa face, et son nom sera inscrit sur leurs fronts. 

5 Il n’y aura plus de nuit, et ils n’auront besoin ni de la lumière d’une lampe, ni de celle du soleil, parce que le Seigneur Dieu répandra sur eux sa lumière. Et ils régneront pour toujours.

          Quelques confirmations de ce qui a déjà été dit : plus de ténèbres, mais tout en pleine lumière, en pleine clarté, en pleine sécurité et en pleine vérité.

Dieu est bien présent en plein milieu, proche, accompagné de l’Agneau, symbole du Christ mort en sacrifice et ressuscité – lui la source de notre salut et de notre vie !

          Que font donc les enfants de Dieu ?

Ils rendent un culte, ils louent, ils adorent ! Dieu et l’Agneau, les deux ensemble, de façon entremêlée, car Dieu le Père et le Dieu le Fils devenu homme en Jésus sont tellement unis qu’on ne peut pas se tourner vers l’un sans voir l’autre.

Les enfants de Dieu sont décrits comme des adorateurs, des gens qui louent Dieu, avec une référence au grand-prêtre de l’Ancien Testament qui portait pendant le culte une inscription sur son front : consacré au Seigneur. Propriété de Dieu ! cette référence suggère deux points :

  • Dans le culte juif, il y avait une tribu (Lévi) dont certains clans étaient serviteurs, d’autres prêtres (ils pouvaient faire les sacrifices) et un seul homme, grand-prêtre. Un seul ! Un seul qui pouvait rentrer dans le lieu caché au cœur du Temple, tout près des objets par lesquels Dieu avait fait des miracles.

Dans l’éternité, ce n’est pas un seul qui peut s’approcher de Dieu, être au cœur de sa présence, c’est tous ! Tous ses enfants ! Nous serons tous au premier rang ! (J’imagine que Dieu a prévu une gestion de l’espace adaptée 😊)

D’ailleurs l’apôtre Jean dit au début de son livre (Apocalypse 1.5-6), que nous sommes déjà tous prêtres dans la foi, c’est-à-dire, tous avec un accès personnel à Dieu, sans avoir besoin d’un autre intermédiaire que Jésus. Personne n’est au second rang : nous sommes déjà tous au premier rang. Le pasteur n’est pas prêtre, il a un rôle d’accompagnement de la conduite, ou plutôt il est prêtre comme les autres – tous au premier rang ! 

  • L’autre point, c’est que ce nom marqué sur le front souligne, surligne, encadre une vérité fondamentale qui commence dès que nous recevons l’amour de Dieu en Christ : nous sommes sa propriété ! Nous sommes à lui ! Nous portons son nom de famille ! Nous sommes adoptés, choisis, chéris – pour vivre avec lui toujours. C’est notre identité, dès aujourd’hui et pour toujours !

Jean insiste sur le fait que nous verrons Dieu face à face – jusque là, ce n’est jamais arrivé, Dieu est trop grand, il est trop pur, aujourd’hui, on ne peut pas recevoir l’intensité de sa présence (comme un produit trop pur qu’il faut diluer pour l’ingurgiter sans se faire mal). On n’en est pas capables, il y aurait des effets secondaires trop forts !

Mais dans l’éternité, débarrassés de ce qui nous affaiblit et nous abîme, Dieu nous promet que nous pourrons nous abreuver de sa pure présence, nous régaler d’être avec lui.

Lorsque nous louons Dieu aujourd’hui, lorsque nous lui rendons un culte – c’est quoi rendre un culte ? C’est dire notre admiration ! notre adoration ! concentrer toute notre énergie vers l’autre, chercher à lui faire plaisir ! Quand on parle d’un fan en disant « ah oui, cet artiste ou ce sportif, c’est vraiment son idole ! », c’est que le fan est tourné constamment vers son idole, pense à lui, cherche à l’honorer de toutes les façons possibles. C’est un peu un culte : être tourné vers Dieu, l’honorer de toutes les façons possibles !

Donc, lorsqu’aujourd’hui, même imparfaitement, nous nous tournons vers Dieu, lorsque nous cherchons à l’honorer et à lui faire plaisir, lorsque nous lui disons notre amour et notre admiration, nous vivons un avant-goût de cette exultation éternelle où nous aurons devant les yeux, sous les mains, et plein les oreilles, toutes les merveilles de Dieu déployées – je m’arrête là, parce que ça dépasse mes mots !

          Le contenu de l’éternité

          Quand j’étais plus jeune, je m’inquiétais quand même un peu de cette promesse : chanter Dieu c’est très bien, mais est-ce que ce n’est pas un peu long, quand même, de chanter toute l’éternité ? Parce que l’éternité, c’est long !… surtout vers la fin, comme dirait l’autre.

D’abord, après ce beau culte préparé par les jeunes, vous répondriez à la jeune Florence : « mais enfin, Florence, louer Dieu, c’est beaucoup plus que chanter ! C’est l’honorer de tout ton être, avec tes pensées, tes actes, tes paroles, tes relations. »

Et vous auriez raison !

Et le texte de Jean appuie sur cette notion, avec une pépite que j’ai redécouverte cette semaine et qui m’a franchement époustouflée !

          v.3b : le trône de Dieu sera en plein milieu de la ville. Autrement dit, nous serons en plein dans le royaume de Dieu, ce règne que nous attendons (Notre Père qui es aux cieux, que ton règne vienne…). Ce sera le triomphe de la paix, de la justice et de l’amour de Dieu. Dieu pleinement visible comme roi, un roi d’amour, qui n’a pas hésité à se sacrifier comme un agneau… un roi comme nous n’en connaissons pas sur terre, un roi inédit !

et à la fin du v.5, dernière parole qui décrit notre vie avec Dieu dans l’éternité : (les serviteurs de Dieu) règneront pour toujours.

ils règneront. En Jésus, Dieu le Roi s’est fait serviteur, pour que nous, ses serviteurs, nous devenions rois avec lui, pour toujours. C’est pas époustouflant ? On ne pourrait pas l’inventer, un Dieu pareil !

A quoi vous associez le fait de régner ? C’est impossible qu’il s’agisse d’une domination autoritaire ou de prendre la place de Dieu – nos dérives actuelles – ce ne sera pas possible, puisque Dieu sera là, en plein milieu, dans toute sa majesté.

Ca me fait plutôt penser à une certaine liberté de mouvement, un privilège, personne au-dessus de nous pour nous écraser, nous exploiter ou nous contraindre. Un espace de liberté, une aisance, une victoire – et un certain pouvoir.

Dieu est Dieu, et heureusement il sera toujours Dieu, toujours le Roi ! Et pourtant, même s’il est le seul à avoir la légitimité de décider et d’agir, depuis le début, depuis le récit de la création, Dieu n’a qu’un désir : être avec nous et que nous soyons ses partenaires dans ses projets.

La vocation de l’être humain, c’est quoi à la base ? Cultiver et garder la création (Genèse 2.15). Dieu pouvait le faire tout seul ! mais il se réjouissait d’avance de nous voir participer, avec tous nos neurones, notre créativité, notre énergie, nos mains nos pieds, nous voir participer à ses projets.

Aujourd’hui, encore, Dieu transmet la bonne nouvelle de son amour à travers nous – il pourrait le faire tout seul ! mais il se réjouit de nous voir grandir et nous développer en étant acteurs dans ses projets.

Et dans l’éternité, nous serons encore partenaires de ses projets, partenaires de son règne. Nous ne serons pas PDG, mais nous serons associés, les associés du Roi !

Parce que c’est le plaisir de Dieu de nous voir nous développer, nous déployer, nous épanouir avec lui et pour lui. Cette image du règne est très forte : quand Dieu est au centre, nous ne sommes pas sur le banc de touche : nous sommes au top ! Quand Dieu est au centre, nous sommes au top ! Dieu est comme un père, une mère, qui se régale d’entendre son enfant rire, qui s’émerveille de le voir fabriquer un objet, qui guette ce qu’il va devenir en se frottant à la vie. Dieu mérite d’être au centre, au centre du monde, au centre de notre vie dès aujourd’hui, c’est son dû – mais son cadeau, sa grâce, sa générosité incroyable, c’est de nous y vouloir avec lui.

          Rendre un culte à Dieu aujourd’hui, dans ce que nous sommes, ce que nous faisons, en communauté et en individuel, par nos chants, nos pensées, nos choix, nos actions, c’est goûter aujourd’hui à cette relation, à ce partenariat que Dieu désire depuis toujours et pour toujours.




La Croix : un sacrifice qui ôte notre culpabilité (La Croix 1/4)

Savez-vous ce qu’est cet objet ?

rubis brut

C’est plus reconnaissable quand c’est taillé, non ?

rubis taillé

et plus beau aussi… ! Taillé, il reflète la lumière, donne envie de l’exposer ou de le porter en bijou, petit trésor ambulant.

Comme ce rubis, nous avons nous aussi des trésors, en tant que chrétiens… mais des trésors parfois laissés à l’état brut, mat : ils sont beaux, mais s’ils étaient mieux taillés, si l’on voyait mieux leurs facettes, qu’est-ce qu’ils viendraient illuminer notre foi ! Et on aurait peut-être plus envie de les exposer ou de les porter partout avec nous…

Pour nous préparer à Pâques, je vous propose une série de prédications centrées sur la Croix où meurt Jésus. Cette croix est au centre de notre foi chrétienne, Martine l’a rappelé, au centre de notre spiritualité évangélique : nous chantons l’Agneau immolé, son sacrifice, celui qui nous libère par son sang, qui nous rachète à la croix, etc.

Jésus est mort pour nous à la croix : qu’y a-t-il vraiment derrière cet événement ? Je vous propose de tailler ensemble la pierre pour en faire ressortir quelques facettes, à l’aide des images qu’utilise la Bible pour nous aider à saisir davantage la richesse insondable de l’amour de Dieu démontré à la Croix.

Parce que dans la Bible, la Croix est vraiment un trésor aux mille facettes, avec certaines plus larges que d’autres, j’en ai retenu 4, les 4 sens les plus courants, qu’on verra sur 4 dimanches… Il se trouve que j’ai croisé en formation cette semaine un collègue, Matthieu Moury, pasteur à l’église évangélique baptiste d’Argenteuil, qui fait lui aussi une série sur les 4 sens principaux de la croix (les mêmes ), et il m’a offert ce moyen mnémotechnique des 4 R de la Croix :

Rituel (sacrifice)

Réconciliation

Rachat (ou rançon)

Reconquête (la dimension de victoire)

Autant d’images qui s’articulent pour enrichir notre compréhension de ce que Jésus a accompli pour nous. Attention, ce sont des images, forcément partielles…

Pour commencer la série, prenons le sens du Rituel, du sacrifice, avec un extrait de la lettre de Paul aux Romains – Martin Luther, un des pionniers de la Réforme protestante, disait que c’était le cœur de la lettre, et même de la Bible entière !

Lecture biblique : Lettre aux Romains 3.21-26

21 Mais maintenant, indépendamment de la loi, la justice de Dieu a été manifestée ; la loi et les prophètes lui rendent témoignage. 

22 C’est la justice de Dieu par la foi en Jésus Christ pour tous ceux qui croient, car il n’y a pas de différence : 23 tous ont péché, sont privés de la gloire de Dieu, 24 mais sont gratuitement justifiés par sa grâce, en vertu de la délivrance accomplie en Jésus Christ. 

25 C’est lui que Dieu a destiné à servir d’expiation par son sang, par le moyen de la foi, pour montrer ce qu’était la justice, du fait qu’il avait laissé impunis les péchés d’autrefois, 26 au temps de sa patience.

Il montre donc sa justice dans le temps présent, afin d’être juste tout en justifiant celui qui vit de la foi en Jésus.

Paul trace une ligne dans l’Histoire : il y a un avant et un après Jésus-Christ. Plus précisément, un avant et un après sa mort.

          La croix comme sacrifice

La Croix est ici présentée comme un sacrifice, une expiation. Dans l’Antiquité, la religion, juive ou païenne, est centrée sur le rituel de sacrifice, sur ce qu’on offre à la divinité. Le sacrifice est comme un cadeau : pour l’honorer, la remercier pour son aide ou encore pour se faire pardonner… Il est donc assez naturel de comprendre la mort de Jésus sur la croix comme un sacrifice en notre faveur pour nous pardonner. A chaque fois qu’on parle du sang de Jésus dans la Bible ou dans nos chants, on évoque le sacrifice : la crucifixion tue par asphyxie, il n’y a quasiment pas de sang versé.

Paul parle d’expiation, un type de sacrifice nécessaire au pardon dans les rituels juifs. Expier une faute, dans la loi juive, c’est encaisser la colère de Dieu face à notre injustice. Dans le rituel du sacrifice d’expiation, le croyant reconnaît qu’il mérite la colère de Dieu – et par convention entre Dieu et son peuple, on considère que l’animal qui meurt, meurt à la place du croyant, se substitue à lui pour encaisser la colère de Dieu et donner au croyant une nouvelle chance. Il y a un transfert symbolique de culpabilité. Et cela évite de tuer tous les coupables (il ne resterait plus grand monde !).

Remarque: Ne soyons pas choqués aujourd’hui de la place donnée à l’animal dans ce type de sacrifice : c’était relativement rare et une partie de l’animal était consommée. C’était aussi une occasion de manger de la viande dans une société bien plus frugale que la nôtre. Le traitement de l’animal est sûrement bien plus violent dans nos sociétés occidentales modernes qu’à l’époque. 

Dans la mort de Jésus sur la croix, les disciples reconnaissent l’équivalent de ces sacrifices. Mais à la différence d’un animal, il y a un lien, une solidarité charnelle entre Jésus et nous : Dieu s’est fait homme, humain, de notre chair, frère de chacun d’entre nous – lorsque Jésus meurt sur la croix, le transfert de notre culpabilité est bien plus naturel, et valide, que sur un animal. C’est un homme qui paie pour l’humanité. Un innocent (même ses adversaires en convenaient) qui encaisse à notre place la colère de Dieu pour nos injustices. Paul précise même que ce sacrifice en Christ est le seul à être valide : tous les sacrifices qui ont eu lieu auparavant n’étaient efficaces que parce qu’ils pointaient vers le sacrifice de Jésus – seul un humain peut encaisser pour l’humanité. Le système de sacrifices animaux, c’était le temps de la patience de Dieu, où il montrait aux croyants le besoin de payer pour le mal commis, un peu comme une simulation avant l’expérience réelle.

          L’image de la justification

Très logiquement, puisqu’on parle de colère, d’injustice et de justice, Paul glisse vers le vocabulaire juridique de la justification, c’est-à-dire le moment où le juge déclare que l’accusé est innocent, juste, en règle. Si on quitte le monde du rituel, la salle du temple, pour entrer dans une salle de tribunal, le monde du procès, on a Dieu, nous, Jésus et Satan. J’extrapole un peu par rapport au texte de Romains 3.

Dieu : fondateur de la justice, roi, maître, arbitre, juge.

Nous : créés par Dieu, désirés par Dieu, et pourtant rebelles, transgresseurs de la justice de Dieu, coupables – et condamnables.

Satan : accusateur vicieux qui fait tout pour nous séparer de Dieu – d’un côté en nous invitant au mal, de l’autre côté en nous accusant devant Dieu (“comment peux-tu les aimer, regarde-les, ils sont tous pourris, nuls… ce sont des cas désespérés, ces humains !”)

Or Dieu est justice tout autant qu’il nous aime. Même par amour, il ne peut pas aller à l’encontre de son essence : il est justice ! Il ne peut pas regarder ailleurs ! Mais il ne peut pas non plus se résoudre à nous condamner, à nous perdre, parce que son amour pour nous est tout autant enraciné dans son être.

Sa solution au dilemme : aller lui-même, en la personne de Jésus, prendre la place des accusés et subir la peine juridique qu’ils méritent – la condamnation à mort. C’est comme si le juge se dédoublait pour à la fois rester juge et prendre la place des condamnés, en encaissant tout le poids de la sentence. Il est ainsi juste tout en justifiant le coupable : c’est le résumé de l’Evangile – Dieu trouve une solution pour respecter à la fois son exigence de justice et son amour ardent envers nous : c’est lui, en devenant un être humain, qui va assumer le poids de nos fautes. C’est seulement ainsi qu’il peut être à la fois juste et miséricordieux.

Dans la salle du Temple dans le tribunal, il ne reste aux coupables qu’à croire – croire que Jésus, Dieu fait homme, est mort pour nous, c’est-à-dire en notre faveur, et même plus, à notre place – il s’est substitué à nous pour nous offrir une nouvelle chance.

Le poids du péché

Le point commun entre le sacrifice d’expiation et le procès, c’est l’idée que nous méritons la mort parce que nous avons péché : tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu, dit Paul au v.23. Être privé de la gloire de Dieu, c’est être privé de sa présence, de son amour, de sa vie – c’est être coupé de la source, condamné à une aridité morbide.

La notion de péché est assez mal perçue aujourd’hui, comprise comme “une notion archaïque inventée par les judéo-chrétiens pour maintenir les foules dans l’asservissement moral, un levier de contrôle religieux qui s’appuierait sur une vision du monde en noir et blanc : le Bien / le Mal, alors que nous modernes avons compris que nos vies – comme l’a si bien dit Jean-Jacques Goldman – sont souvent « entre gris clair et gris foncé ». Le développement de la psychologie, de l’accompagnement, nous invite plutôt à accepter nos défauts, nos limites, sans se charger d’une culpabilité qui nous entrave et nous rend malheureux. Par pragmatisme, puisque nous sommes tous imparfaits, nous sommes invités à abandonner l’idéal culpabilisant de la perfection ou de la sainteté, pour assumer nos imperfections et défricher à tâtons notre chemin dans un monde complexe. Pour beaucoup, le péché n’existe pas, ou plus. On fait ce qu’on peut, avec notre histoire, nos circonstances de vie…”

En théorie ! parce qu’en réalité, la culpabilité demeure centrale – c’est le fondement de notre système de justice, bien sollicité aujourd’hui avec des plaintes et des procès qui se multiplient. Le fondement de la lutte pour l’égalité, le respect, l’inclusion – c’est bien au nom de la justice, et contre l’injustice personnelle ou collective, que les slogans de colère sont scandés dans la rue et sur les réseaux, ou que l’on boycotte telle personnalité politique, tel artiste…

Pourquoi être pécheur nous condamne-t-il à mort ? Imaginez notre âme comme une belle nappe en lin blanc, immaculée – à chaque fois que nous commettons le mal, nous renversons de l’encre sur cette nappe. Franchement, peu importe la quantité d’encre ou sa couleur, peu importe le nombre de tâches : la nappe est fichue ! inutilisable ! laide ! Vous ne pouvez pas accueillir vos invités d’honneur avec cette nappe sur la table !

Spirituellement, nous ne pouvons pas accueillir Dieu avec une âme entachée : ça le dégoûte trop ! parce que Dieu, bien plus que nous, est attaché à la justice. A ce qui est beau et bon. Bien plus que nous, Dieu est sensible aux dégâts que nous causons – sur nous-mêmes et sur les autres. Quand on parle de colère de Dieu, c’est la colère du Père, qui ne supporte pas qu’on touche à un cheveu de ses enfants !

La notion biblique du péché nous invite à reconnaître que nous ne sommes pas que des victimes : statistiquement, 100% de victimes c’est improbable. En réalité, nous sommes tous d’une manière ou d’une autre, entachés par le péché, suscitant la colère de Dieu face aux dégâts commis. Même si dans l’épaisseur de la vie humaine, nos fautes n’ont pas le même impact ni le même ancrage, tous nous sommes entachés, indignes d’être en présence de Dieu.

 

          La Croix, filtre de justice  

A la Croix, le Christ porte le poids moral de nos fautes, il assume à notre place notre responsabilité devant Dieu, comme s’il payait le prix des nappes abîmées, des âmes tordues et blessées. Comment savons-nous que le prix payé a couvert nos dettes ? Jésus est ressuscité, il est sorti de prison – son passage dans la mort est suffisant pour couvrir nos manquements. Sa justice, son innocence, sa perfection, ont tout couvert.

Lorsque nous croyons en Christ, par la foi nous sommes « couverts » devant Dieu, recouverts de cette innocence gagnée par le Christ. Vous connaissez Snapchat ? Une application qui permet notamment de mettre des filtres sur nos photos et vidéos, et c’est très bluffant. Une forme qui se surimpose intelligemment sur le visage photographié. Lorsque nous croyons en Christ, par la foi nous choisissons ce « filtre » d’innocence et de justice – et Dieu ne voit plus nos taches, nos distorsions, nos médiocrités : tout est couvert par l’innocence du Christ. La démarche de foi implique donc de notre part une repentance (encore un vieux mot mal accepté), le fait de reconnaître que nous méritons d’être sur le banc des accusés, et la confiance – le fait de croire que Jésus a pris notre place sur ce banc, et en prison, et dans la mort, pour que nous soyons déclarés justes et dignes de vivre avec Dieu.

Qu’est-ce que ça change pour nous ? La Croix est l’assurance que Dieu a pardonné nos fautes – a pardonné. C’est fait ! Une fois pour toutes ! Le Christ est entré dans la mort et il en est sorti, il nous ouvre le chemin des retrouvailles avec Dieu. Toutes les fois où nous sommes indignes de Dieu (les moments horribles qui hantent notre conscience, les moments mesquins qui égratignent notre quotidien, les moments ignorés où nous nous empêtrons dans nos taches et étalons le mal) toutes ces fois où nous sommes indignes de Dieu, nous pouvons regarder à la Croix. Le seul filtre qui marche pour gommer vraiment la laideur du péché. A la Croix le Christ a tout encaissé – nous pouvons maintenant vivre debout, soulagés de ce poids de culpabilité, debout devant Dieu qui nous redresse la tête et nous invite dans la richesse glorieuse de sa présence.




Images de Dieu

Prédication de Guy Lacassagne. 

Nous allons aujourd’hui nous pencher sur le premier livre de la Bible, la Genèse, et plus particulièrement, dans le chapitre 1, nous allons nous intéresser à la création de l’homme et de la femme.

Quelques versets, pris dans leur sens littéral introduisent, à mon sens, des incompréhensions, voire des erreurs d’interprétation, et souvent, prêtent le flanc à la critique des non croyants.

Cela nous permettra de constater que lorsque nous étudions la Bible, il faut savoir parfois, s’extraire de son sens purement littéral, surtout que nous en lisons des traductions, pour se pencher sur ce que Dieu nous transmet et ce qu’il attend de nous.

Maintenant que j’ai bien planté le décor, et que j’espère vous avoir alléché avec un préambule un peu rebelle, nous allons voir de quoi il s’agit.

Genèse 1.24-27 : Je vais lire dans la version Parole de Vie

24/ Dieu dit : « que la terre produise toutes sortes d’animaux : animaux domestiques, petites bêtes et animaux sauvages de chaque espèce ! »

Et cela arrive.

25/ Ainsi, Dieu fait les différentes espèces d’animaux : les animaux sauvages, les animaux domestiques et les petites bêtes.

Dieu voit que c’est une bonne chose

26/ Dieu dit : « Faisons les êtres humains à notre image, et qu’ils nous ressemblent vraiment ! Qu’ils commandent aux poissons dans la mer, aux oiseaux dans le ciel, aux animaux domestiques et à toutes les petites bêtes qui se déplacent sur le sol ! »

27/ Alors Dieu crée les humains à son image, et ils sont vraiment à l’image de Dieu.

Il les crée homme et femme.

 

Toutes les versions françaises s’accordent sur cette traduction, notamment cette création « à son image », qui nous intéresse ce matin. Je suis même allé voir les versions anglaises et espagnoles, miracle de la technologie, qui traduisent respectivement par « image » et « imagen ».

On parle donc bien de création à l’image de Dieu.

Mais, le verset 27, traduit littéralement nous dit plutôt :

Il créa, Dieu, l’Adam comme son image

Comme l’image de Dieu il le créa

Mâle et femelle, il les créa

 C’est subtil, mais être crée à l’image et comme son image, ce n’est pas tout à fait la même chose.

C’est ce terme d’image qui me pose problème et je m’en explique.

A son image, c’est lui ressembler.

Comme son image, c’est être comme si l’être humain était Dieu. Nous allons revenir sur cette subtilité.

Tout d’abord, si nous sommes créés à l’image de Dieu, à la ressemblance de Dieu, de quelle image s’agit-il ?

Je veux dire, si on prend le sens image au sens premier, image, dessin, représentation, photo, quelle image est la bonne ?

Est-ce que c’est celle-ci, très traditionnelle de Dieu au plafond de la chapelle Sixtine, ou est-ce celle-ci, Morgan Freeman dans le film Bruce tout puissant. Au-delà du talent de cet acteur, choisir Morgan Freeman n’est évidemment pas neutre et on comprend bien le désir de surprendre, à minima, dans ce film.

Est-ce enfin l’image véhiculé par ce livre, écrit par un chrétien, où Dieu est représenté par une femme noire ? Là aussi, sortir des sentiers battus fait partie de l’alchimie du narratif.

On comprend aussi pour les écrivains ou les scénaristes ce besoin d’être dans l’air du temps.

Il parait raisonnable donc de se poser la question, stricto sensu, quelle est l’image de Dieu ?

Un Dieu, qui, je le rappelle, dès la Genèse, nous interdit de faire des statues, ou des reproductions de lui.

En réalité, on se trompe si on ne lit dans ce terme « image » que l’idée d’une copie.

Ce n’est pas le terme hébreu qui est en cause, ou sa traduction. La Bible emploie bien le terme d’image, repris dans d’autres langues comme nous l’avons vu.

Mais ce terme, dans l’antiquité, évoque plutôt l’idée d’une représentation, d’une statue.

Je m’explique : L’empereur, le roi, faisait installer des statues de lui à travers son empire pour rappeler sa présence, son autorité. C’était l’image de l’empereur régnant sur ses terres, ou qu’il soit et ses sujets se prosternaient devant cette statue comme s’ils se prosternaient devant l’empereur lui-même. Ce n’était pas la statue qui avait un sens, c’était ce qu’elle représentait.

Un peu comme si aujourd’hui, des soldats se mettait au garde à vous devant une photo du président Macron.

On comprend mieux dès lors la traduction littérale dont nous avons parlé tout à l’heure, être comme l’image de Dieu. C’est ce sens-là qu’il faut retenir pour image : Celui de représentation.

Et nous sommes donc les images représentants Dieu sur cette planète.

Nous ne sommes pas faits comme lui, nous sommes faits comme son représentant.

Par exemple, l’ambassadeur de France représente notre pays à l’étranger, ou bien, l’équipe de France, choisissez celle qui vous convient le mieux, est l’image de la France lors des compétitions.

Une autre piste qui va dans ce sens de représentation, plus que d’image, se trouve à la suite des versets 26 et 27 :

Dieu dit : Faisons les humains comme notre image, selon notre ressemblance, pour qu’ils dominent sur les poissons des mers…

En quoi être une image est importante pour dominer sur quelque chose ou quelqu’un? Par contre, être le représentant de Dieu est très utile pour ça.

Je vous livre une traduction très libre de ce verset, et personnelle : Etablissons les humains comme nos représentants pour qu’ils dominent sur les différents animaux.

Par ailleurs, il n’est pas difficile de constater, au grand dam d’un certain courant de pensée actuel, qui si nous sommes bien physiquement une espèce comme les autres, nous seuls avons la conscience de notre mort, nous seuls sommes capables de penser, de créer, de philosopher.

Nous sommes bien l’espèce dominante, non par notre force, mais par notre intelligence et notre adaptabilité.

Et maintenant, que faisons-nous de cette analyse, qu’est-ce qu’elle induit pour nous, au quotidien ?

Et bien, notre statut vient de changer.

Pour être une image, si on y réfléchit bien, il suffit d’être photogénique, notre époque Instagram nous le prouve tous les jours.

En revanche, pour être représentant de Dieu sur terre, ça nécessite un peu plus. Cela implique des responsabilités, cela exige de prendre conscience que nous sommes, au quotidien, des créatures de Dieu, mais pas n’importe quelle créature, nous sommes les ambassadeurs, les témoins de Dieu sur cette planète.

Dès le début, dès la création, Dieu décide de se servir de nous pour régenter sa création. Ce n’est pas sans rappeler cette parabole de Jésus ou le maitre envoi des vignerons s’occuper de la vigne.

Dieu crée, et Dieu envoi des contremaitres pour faire tourner la boutique. C’est nous.

Cela dit, comme souvent dès qu’il s’agit de l’être humain dans son rapport à la création, ça n’a pas fonctionné aussi bien que prévu, et comme dans la parabole du vigneron que j’ai cité, Dieu a été obligé d’envoyer son fils Jésus, l’ambassadeur suprême.

Mais Jésus ne nous a pas mis au placard pour autant, Jésus a au contraire décidé de parfaire ce rôle de représentant, il nous a envoyé comme témoin.

Nous pouvons lire dans Les actes des apôtres, au chap 1.6-8, ces paroles de Jésus :

6/ Alors, les apôtres réunis lui demandèrent : Seigneur, est-ce en ce temps que tu rétabliras le royaume d’Israël ?

7/ Jésus leur répond :

Vous n’avez pas besoin de connaître le temps et le moment ou ces choses doivent arriver. C’est mon père qui décide de cela, lui seul à le pouvoir de le faire.

8/ Mais vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous.

Alors, vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’au bout du monde.

 

Témoins, ambassadeurs, représentants, images, voici ce que le Seigneur nous demande.

Alors, être témoins, qu’est-ce que cela signifie ?

Le Larousse est notre ami pour avoir une définition claire :

« Personne qui a vu ou entendu quelque chose, et qui peut éventuellement le certifier, le rapporter. »

Il y a donc deux éléments importants pour être un bon témoin :

– Avoir vu, ou entendu quelque chose

– Pouvoir le rapporter ou le certifier.

Pour le premier point, Jésus lui-même nous donne le mode d’emploi, pendant qu’il témoignait personnellement :

Marc 1.14-15 :

Alors Jésus va en Galilée. Il annonce la Bonne nouvelle de Dieu

Et il dit : « Le moment décidé par Dieu est arrivé, et le Royaume de Dieu est tout près de vous. Changez votre vie et croyez à la Bonne Nouvelle ».

Croyez à la Bonne Nouvelle.

Si vous ne croyez pas à la Bonne Nouvelle, si vous n’êtes pas sûr, si vous doutez, vous ne pourrez pas rapporter ou certifier que Jésus est le fils de Dieu venu sur terre pour nous sauver.

Un petit aparté dont il faut tenir compte : Le témoin, il témoigne. Ce n’est pas lui qui mène l’enquête à la place du policier ou du juge.

Nous sommes des témoins, pas des convertisseurs. Ne nous usons pas à vouloir convaincre à tout prix. C’est Dieu qui nous appelle à lui.

Frères et sœurs, c’est important.

Il est écrit clairement que Dieu nous a établi gérant de sa création, représentant de son pouvoir, témoin du salut à travers son fils Jésus.

Gérant de sa création, c’est-à-dire que nous sommes les jardiniers de cette planète dont il faut préserver tant que faire ce peu le bel ordonnancement.

Représentant de Dieu, c’est-à-dire qu’en toute circonstance, nous devons avoir conscience que nous devons paraitre comme tel.

Témoin du christ, individuellement, ou collectivement, en tant qu’Eglise, nous avons le devoir d’annoncer la bonne nouvelle du salut auprès de nos proches.

Pour tous ces rôles, nous ne sommes que ce que nous sommes avec nos doutes, nos peurs et nos imperfections mais n’oublions pas que nous avons avec nous l’arme fatale en la personne de l’Esprit Saint que Jésus nous a envoyé comme promis dans le Livre des Actes que nous venons de lire.




La tentation

Regarder le culte ici.

Un des sujets délicats dans la vie chrétienne, et dans la vie en général, c’est  la tentation. La tentation. C’est quand nous faisons face à une proposition (de pensée, d’action…) qui fait écho en nous au point que nous nous retrouvons tiraillés entre ce que nous voudrions être ou faire dans l’idéal et ce que nous avons envie de faire sur le moment. Par exemple, on veut faire attention à sa santé, mais à l’instant T, on se dit que cette petite part de gâteau est quand même très appétissante. Ou bien, on veut réussir ses études, mais regarder un énième épisode de série sur Netflix paraît beaucoup plus attirant que se replonger dans ses fiches.

Cela dit, tout n’est pas tentation ! Quand on « se laisse tenter » par une deuxième tasse de thé, à moins d’être allergique, c’est un abus de langage ! La vraie tentation a un impact négatif si on y cède, à court ou long terme, sur nous et/ou sur notre entourage.

Mais malgré les conséquences négatives et notre volonté de bien faire, la plupart du temps, la tentation est extrêmement puissante, et nous déstabilise sans qu’on s’y attende. D’où le fait qu’on en parle difficilement, car elle révèle nos faiblesses et nos travers. Pour mieux en comprendre certains mécanismes afin de mieux les déjouer, je vous propose de nous tourner vers la première histoire de tentation dans la Bible.

Nous sommes dans le jardin d’Eden, au moment de la création : ne vous laissez pas perturber par la forme imagée du récit, Dieu a souvent aux images pour nous transmettre des vérités complexes.  Et puis, je laisse de côté tout ce qui ne concerne pas la tentation… frustrant avec un tel texte, mais on peut parler après si vous voulez !

Lecture biblique : Genèse 2.7-9, 15-17, 3.1-7

Il y a d’abord un cadre :

7 Le Seigneur Dieu prit de la poussière du sol et en façonna un être humain. Puis il lui insuffla dans les narines le souffle de vie, et cet être humain devint vivant. 

8 Ensuite le Seigneur Dieu planta un jardin au pays d’Éden, à l’orient, pour y mettre l’être humain qu’il avait façonné. 

9 Il fit pousser du sol toutes sortes d’arbres à l’aspect agréable et bons pour se nourrir. Il mit au centre du jardin l’arbre de la vie, et l’arbre qui donne la connaissance de ce qui est bon et de ce qui est mauvais.

Dieu est clairement le créateur, l’artiste – sa puissance n’a d’égale que sa bonté : il plante des arbres beaux aux bons fruits. Et, devant ce Dieu, l’être humain n’est que poussière, c’est uniquement grâce à Dieu qu’il vient à exister.

15 Le Seigneur Dieu prit l’être humain et le plaça dans le jardin d’Éden pour qu’il cultive la terre et la garde. 

16 Il lui ordonna : « Tu te nourriras des fruits de n’importe quel arbre du jardin, 17 sauf de l’arbre qui donne la connaissance de ce qui est bon et de ce qui est mauvais. Le jour où tu en mangeras, tu mourras. »

Dieu place l’être humain dans ce beau jardin avec une responsabilité importante : prendre soin de ce que Dieu a créé. Et dans la charte de fonctionnement, deux articles : l’être humain peut profiter des fruits du jardin (il y a une dimension d’abondance, de plaisir : il peut manger de n’importe quel arbre, créé beau et bon).  Deuxième article : une exception, une limite est posée – tout, sauf 1 arbre – avec la pire des conséquences. On ne sait pas si c’est le fruit qui fait mourir, ou si c’est la transgression de cette limite qui fera mourir. On ne sait pas si la mort est immédiate… ni si la mort existe déjà, mais l’article est très clair : pas touche !

Ensuite, le récit raconte la création de la femme, et nous avons le tableau de ce couple Adam et Eve, en communion avec Dieu, en communion l’un avec l’autre, paisibles dans un jardin luxuriant.

1 Le serpent était le plus rusé de tous les animaux sauvages que le Seigneur avait faits.

Notez que le serpent est un animal, c’est-à-dire une créature, pas l’égal de Dieu. A ce moment-là, on ne sait pas qui est ce serpent. Dans le Nouveau Testament, le serpent est associé au Diable, au tentateur, celui qui veut éloigner de Dieu – et de fait :

Il demanda à la femme : « Est-ce vrai que Dieu vous a dit : “Vous ne mangerez d’aucun fruit du jardin” ? » 

2 La femme répondit au serpent : « Nous pouvons manger les fruits du jardin. 3 Mais pour les fruits de l’arbre qui est au centre du jardin, Dieu nous a dit : “Vous n’en mangerez pas, vous n’y toucherez pas, de peur d’en mourir.” » 

4 Le serpent répliqua : « Pas du tout, vous ne mourrez pas ! 5 Mais Dieu le sait bien : dès que vous en aurez mangé, vous verrez les choses telles qu’elles sont, vous serez comme lui, capables de savoir ce qui est bon et ce qui est mauvais. »

Le serpent n’y va pas de manière frontale, mais il commence subtilement, en caricaturant les propos de Dieu, en mettant le focus sur ce qui est interdit, comme s’il n’y avait que ça, alors que Dieu au contraire a donné l’abondance à l’humanité. Le serpent pousse la femme à ne voir que ce qui manque, en oubliant tout ce qu’elle a déjà, en positif. Comme s’il voulait qu’on retienne de Dieu le fait qu’il interdit, qu’il prive, qu’il refuse – alors que Dieu s’est montré profondément généreux et bienfaisant.

La femme a d’abord un bon réflexe, elle revient à la parole d’origine : il ne faut pas manger de ce fameux arbre, et elle ajoute même qu’il ne faut pas le toucher. Dieu n’en avait pas parlé, mais ça paraît sage ! pour ne pas être tenté de le manger, mieux vaut ne pas toucher. Plus on s’éloigne de ce qui peut tenter, mieux c’est.

Mais le serpent continue avec ses calomnies insidieuses : Dieu vous a menti, il cherche simplement à se protéger des rivaux que vous pourriez devenir. Rappelons-nous l’écart entre Dieu créateur et l’être humain fait de poussière… la rivalité est quand même peu probable ! mais le serpent fait miroiter la plénitude, la totalité, l’épanouissement ! Sous la surface, le serpent dresse le portrait d’un Dieu insécure, égoïste, tyrannique et manipulateur – un Dieu dont on se passerait bien !

6 La femme vit que les fruits de l’arbre étaient agréables à regarder, qu’ils devaient être bons et qu’ils donnaient envie d’en manger pour devenir plus intelligent. Elle en prit un et en mangea. Puis elle en donna à son mari, qui était avec elle, et il en mangea, lui aussi. 

Dans les étapes de son regard, on sent qu’elle se laisse happer par la proposition du serpent. Donc elle consomme, et fait consommer. L’homme lui est resté silencieux, on ne sait pas pourquoi, mais il suit – l’engrenage est lancé.

7 Alors ils se virent tous deux tels qu’ils étaient, ils se rendirent compte qu’ils étaient nus. Ils attachèrent ensemble des feuilles de figuier, et ils s’en firent chacun une sorte de pagne.

C’est une grosse déception, non ? Tout ce qu’ils ont appris, c’est l’évidence : ils sont  nus. La belle affaire !

La réaction de Dieu est encore à venir : la transgression aura des conséquences que l’on subit encore aujourd’hui. L’être humain devient mortel, et surtout un fossé énorme a fendu la relation avec le Dieu vivifiant. Mais même avant la réaction de Dieu, ils ont déjà perdu : ils ne sont pas devenus des dieux. Et ce qu’ils ont appris, n’est même pas utile ou intéressant : ils sont nus. Et ? ils ont honte, ils cherchent à se couvrir. Non seulement ils n’ont pas gagné la plénitude, mais ils ont perdu la simplicité d’être ensemble.

Les ressorts de la tentation

Derrière cet acte unique, on voit différentes dynamiques qu’on retrouve souvent dans nos différentes tentations.

Le premier élément, c’est la transgression du cadre que Dieu a donné. Le serpent invite clairement à désobéir, à mépriser la parole de Dieu. Derrière cette désobéissance, c’est la confiance envers Dieu qui est en jeu : est-ce qu’on croit que Dieu dit la vérité (ou qu’il ment pour nous manipuler) ? Et, s’il dit la vérité, est-ce qu’on croit qu’il a nos intérêts à cœur ? Rien que les extraits du récit de création nous montrent la bonté de Dieu qui donne responsabilité et privilèges à l’être humain. Mais le serpent réussit à semer le doute sur les intentions de Dieu.

Derrière cette confiance mise à mal, il y a la tentation du raccourci. La tentation de vouloir savoir sans Dieu, et donc décider et vivre sans lui – au lieu d’être en image de lui et en vis-à-vis. Dieu n’a pas donné d’explications à son interdiction, mais j’ai l’impression à partir du reste de la Bible que Dieu avait comme projet que l’être humain goûte la création, et goûte à l’échange avec Dieu, à la sagesse de Dieu donnée pas seulement comme un conseil mais dans un dialogue, un partenariat, une amitié. Dans ce court-circuit, l’être humain évacue Dieu et… veut prendre sa place.

Et là nous arrivons à l’orgueil, un orgueil stérile et contre-productif… une idolâtrie de nous-mêmes dont nous n’arrivons pas à nous dépêtrer, mais qui n’a aucun sens. Regardez la planète Terre : elle s’épanouit grâce à la lumière et la chaleur du soleil, non ? quel sens cela aurait-il pour la Terre d’arrêter de graviter autour de lui, en proclamant son indépendance ? pourra-t-elle devenir son propre soleil ? c’est dans l’échange, la différence, le vis-à-vis, que s’épanouit la planète au sein d’un écosystème – dépendre du soleil n’est pas une honte ou une faiblesse, mais une richesse extraordinaire !

Il y a bien des formes de tentations, et la transgression de la limite en est une forme : voler, mentir, convoiter la femme d’un autre ou une autre femme que la sienne, tuer, etc. Mais parfois la tentation c’est de délaisser l’essentiel au profit du secondaire, se tromper de priorité ou ne pas être au rendez-vous. Parfois c’est céder à l’appel du toujours plus : ton bonheur sera dans… plus ! plus d’argent, plus de voyages, plus d’objets, plus de statut… mais on a beau croquer, le fruit se révèle vide et la déception entame ce que nous avons déjà de beau.

La Bonne Nouvelle en Christ

Ce qui est décourageant, c’est que comme cette première femme, nous avons beau savoir ce qu’il est bon de faire, nous tombons régulièrement dans le panneau.

Mais la Bonne Nouvelle qu’apporte l’Evangile, c’est la vie de Jésus-Christ. Jésus, tenté lui-même à de multiples reprises – et sérieusement tenté, tenté par les raccourcis, par la facilité, par le pouvoir – n’y cède jamais. Toujours il résiste, toujours il revient à sa confiance en Dieu.

Au bout de son chemin, il y a la mort sur la croix – dont plusieurs dont le fameux serpent ont essayé de le détourner – la mort sur la croix où Jésus assume les conséquences de cette rupture entre nous et Dieu, les conséquences de nos transgressions, cette mort spirituelle et physique qui jette son ombre sur toutes nos réalités. Il pose ainsi les bases de notre réconciliation avec Dieu.

Mais Jésus ne reste pas dans la mort : sa sainteté l’emporte sur nos transgressions, sa puissance sur nos faiblesses, sa vitalité sur notre morbidité. Ressuscité, il offre son Esprit de vie à tous ceux qui se tournent vers lui, il partage avec nous, de l’intérieur, son ADN de sainteté, sa force pour marcher sur le même chemin que lui.

Les tactiques pour résister

Alors comment mieux résister aux tentations ? C’est quand même ça l’enjeu !

  • En amont :
    • Apprendre à connaître ses points de faiblesse & se protéger – en évitant de jouer avec le feu. On est tous différents, avec des talons d’Achille : notre responsabilité c’est de protéger ces points-là. Exemple : si le coca vous fait du mal parce que vous êtes diabétique, évitez le rayon ! si vous êtes fragiles face à l’argent, ne devenez pas trésorier !
    • En positif, il est essentiel de cultiver notre relation avec Dieu, pas seulement sa volonté (Eve connaissait assez bien la règle) mais Dieu lui-même. C’est quand même fou (mais nous tombons tous dans ce genre de folie) qu’elle ait pu croire que Dieu était moins que bon, sage, vivifiant. Et c’est cherchant la proximité avec Dieu, au quotidien, qu’on cultive cette confiance en lui qui nous permet de prendre du recul.
  • Pendant (de manière très générale) :
    • Temporiser au moins, prendre de la distance (parfois physiquement, sortir de la pièce ou éteindre son téléphone) pour se donner le temps de reprendre nos esprits.
    • Se méfier du mirage : comme toute publicité mensongère, la tentation fait miroiter une plénitude facile – à nous de prendre du recul pour voir ce que ça cache, l’envers du décor, les effets à long terme – notamment ce qu’on a à perdre.
    • Chercher les pensées de Dieu au lieu de réfléchir seul dans son coin. On aime bien prendre nos décisions tout seul, en comptant sur notre sagesse, notre bon sens, notre force, mais c’est là qu’on tombe dans l’impasse. Dans la prière, on invite Dieu à intervenir – ce que n’ont pas fait Adam et Eve.
    • Et puis ça peut être utile de sortir du silence et de la gêne pour parler à un proche, solliciter son écoute, son appui, sa prière afin de ne pas faire face seul – encore une fois, on voit bien que Dieu a créé le monde pour fonctionner en écosystèmes, en réseaux, et non pas chacun tout seul dans son coin.

La force de l’Evangile c’est d’apporter une réponse aux tentations auxquelles nous avons succombé : Dieu nous pardonne en Christ, il nous offre sa grâce, il nous relève la tête. Mais en nous accordant le modèle de la vie de Jésus et la force de son Esprit, il va plus loin : Dieu nous équipe pour apprendre à résister aux tentations et demeurer dans ce qui est juste et bon. Alors c’est un apprentissage, avec les défaillances que l’on sait, mais nous avançons par la grâce : ne nous laissons pas décourager, mais face à la tentation, cherchons le Dieu vivant, généreux, puissant, qui est déterminé à nous faire goûter la joie et le bonheur dans l’abondance de son amour.




Un dieu inconnu

Prédication de Jean-Marc Ferrand.

Si on vous demandait, quelles sont nos racines culturelles ? que répondriez-vous ? à quoi pensez-vous ? Les traces les plus visibles sont probablement celles des Romains.  Quel est le musée le plus connu de France ? Le Louvre ! La construction au premier plan est inspirée d’un original plus lointain et surtout plus ancien.  Et puis nous sommes dans une église, on ne peut tout de même pas passer sous silence notre héritage hébraïque.  Et entre les pyramides et le pont du Gard je pense qu’on peut évoquer les philosophes grecs et d’une façon plus générale la culture grecque.  Je ne voudrais pas susciter des attentes inconsidérées, je n’ai pas la prétention en une prédication de couvrir tous les sujets que pourrait évoquer pour vous ces illustrations, mais j’aimerais ce matin aborder avec vous quelques aspects des interactions de l’évangile avec nos racines grecques.

Et tout d’abord, quelques mots de contexte : Le livre des Actes des Apôtres relate plusieurs voyages missionnaires de l’apôtre Paul. L’épisode sur lequel je vous propose de méditer ce matin se situe au cours du deuxième voyage, qui a pour spécificité, entre autres choses, de nous rapporter les premiers pas de l’apôtre en terre européenne et il me semble intéressant de relever quelques éléments de cette première confrontation entre le message de l’évangile et la culture grecque. Pour fixer quelques points de repères, je vous invite à visualiser cela sur une carte. L’équipe missionnaire quitte l’Asie à Troas.  Pour se rendre en Macédoine, plus précisément à Philippes. De là, ils vont à Thessalonique.  Puis à Bérée. Et enfin à Athènes, lieu où se déroule l’épisode que nous allons regarder de plus près. (Je me permets d’attirer votre attention sur la grande île située en bas de la carte : la Crête dont nous aurons l’occasion de parler.) Par mesure de sécurité, Paul a été exfiltré de Bérée et donc séparé des autres membres de l’équipe, pour être mis en lieu sûr à Athènes. C’est là que commence le texte que je vous invite à suivre.

Lecture biblique: Actes des Apôtres chapitre 17 versets 16 à 34.

Mais avant de lire ce texte, je vous invite à vous recueillir. Seigneur notre Dieu et notre Père conduis nous dans la méditation de ta Parole. Accorde nous d’être attentif à l’enseignement que tu nous adresses. Ouvre nos cœurs et nos esprits pour que nous recevions ce que tu veux nous donner ce matin. Amen.

“Pendant qu’il attendait ses compagnons à Athènes, Paul bouillait d’indignation en voyant combien cette ville était remplie d’idoles. Il discutait donc, à la synagogue, avec les Juifs et les hommes craignant Dieu et, chaque jour, sur la place publique, avec tous ceux qu’il rencontrait. Quelques philosophes, des épicuriens et des stoïciens, engageaient aussi des débats avec lui. Les uns disaient : – Qu’est-ce que cette pie bavarde peut bien vouloir dire ? D’autres disaient : – On dirait qu’il prêche des divinités étrangères. En effet, Paul annonçait la Bonne Nouvelle de « Jésus » et de la « résurrection ». Pour finir, ils l’emmenèrent et le conduisirent devant l’Aréopage. – Pouvons-nous savoir, lui dirent-ils alors, en quoi consiste ce nouvel enseignement dont tu parles ? Les propos que tu tiens sonnent de façon bien étrange à nos oreilles. Nous désirons savoir ce qu’ils veulent dire. (Il se trouve, en effet, que tous les Athéniens, et les étrangers qui résidaient dans leur ville, passaient le plus clair de leur temps à dire ou à écouter les dernières nouvelles.) Alors Paul se leva au milieu de l’Aréopage et dit : – Athéniens, je vois que vous êtes, à tous égards, extrêmement soucieux d’honorer les divinités. En effet, en parcourant les rues de votre ville et en examinant attentivement vos monuments sacrés, j’ai même découvert un autel qui porte cette inscription : À un dieu inconnu. Ce que vous révérez ainsi sans le connaître, je viens vous l’annoncer. Dieu, qui a créé l’univers et tout ce qui s’y trouve, et qui est le Seigneur du ciel et de la terre, n’habite pas dans des temples bâtis de mains d’hommes. Il n’a pas besoin non plus d’être servi par des mains humaines, comme s’il lui manquait quelque chose. Au contraire, c’est lui qui donne à tous les êtres la vie, le souffle et toutes choses. À partir d’un seul homme, il a créé tous les peuples pour qu’ils habitent toute la surface de la terre ; il a fixé des périodes déterminées et établi les limites de leurs domaines. Par tout cela, Dieu invitait les hommes à le chercher, et à le trouver, peut-être, comme à tâtons, lui qui n’est pas loin de chacun de nous. En effet, « c’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être », comme l’ont aussi affirmé certains de vos poètes, car « nous sommes ses enfants ». Ainsi, puisque nous sommes ses enfants, nous ne devons pas imaginer la moindre ressemblance entre la divinité et ces idoles en or, en argent ou en marbre que peuvent produire l’art ou l’imagination des hommes. Or Dieu ne tient plus compte des temps où les hommes ne le connaissaient pas. Aujourd’hui, il leur annonce à tous, et partout, qu’ils doivent se repentir et changer. Car il a fixé un jour où il jugera le monde entier en toute justice, par un homme qu’il a désigné pour cela, ce dont il a donné à tous une preuve certaine en le ressuscitant d’entre les morts. Lorsqu’ils entendirent parler de résurrection des morts, les uns se moquèrent de Paul, et les autres lui dirent : – Nous t’écouterons là-dessus une autre fois. C’est ainsi que Paul se retira de leur assemblée. Cependant, quelques auditeurs se joignirent à lui et devinrent croyants, en particulier Denys, un membre de l’Aréopage, une femme nommée Damaris, et d’autres avec eux.”

Notre texte commence par pointer la difficulté de la situation : Athènes est le lieu de convergence de toutes les religions de l’antiquité, alors pour un Juif, et qui plus est pharisien, ce polythéisme est l’expression par excellence de l’idolâtrie. On comprend que Paul soit indigné, on le serait probablement tout autant ! Jusqu’à présent, à chaque nouvelle étape de ses voyages, l’apôtre Paul a toujours appliqué la même stratégie : il commence toujours par se rendre dans une synagogue et adresse son message en priorité aux Juifs de la localité. Il procède donc de la même façon à Athènes, puis il élargit le cercle en discutant sur la place publique, l’Agora, avec tous ceux qu’il rencontre et c’est là que se produit ce qui ressemble fortement à un quiproquo. Paul a très probablement parlé de la résurrection de Jésus et quelques auditeurs ont compris qu’il prêchait des divinités étrangères : Jésus et Anastasia (= la résurrection). Je trouve intéressant que Dieu puisse se servir d’une erreur de compréhension pour capter l’attention des destinataires du message de l’évangile ! Luc, l’auteur du livre des Actes relève que les athéniens sont curieux par nature, peut-être même, animés d’une curiosité malsaine, frivole, (l’ecclésiaste aurait dit : vaine). Même si c’est un défaut, Dieu peut l’utiliser ! Et voilà Paul, embarqué, littéralement réquisitionné, pour expliquer son propos. On lui fait quitter l’Agora et on le place dans un lieu dédié aux discussions. Combien sont-ils autour de lui ? Peut-être une centaine de personnes, difficile de savoir ! Mais une chose est sûre, toutes les personnes qui sont là, et quelles que soient leurs motivations, ont un seul but : écouter les explications de Paul. Et dès les premiers mots de son discours, une chose me surprends, l’opposition entre le verset 16 et les versets 22 et 23. Au verset 16 nous avons constaté l’indignation de Paul face à, selon l’expression de Luc, “cette ville remplie d’idoles” et au verset 22 malgré cette exubérance polythéiste, Paul trouve le moyen d’évoquer un point positif : “je vous trouve très religieux” et au verset 23 : “j’ai même découvert un autel qui porte cette inscription : À un dieu inconnu”. Les versets précédents ont tellement insisté sur le côté négatif du contexte qu’on a envie de continuer dans cette logique. Mais, cet autel c’est le contraire de l’idolâtrie. Ce n’est pas un Temple, il ne s’agit pas d’une représentation d’une divinité sous forme humaine ou animale ou d’une créature fantastique comme celles dont les mythologies grecque et égyptienne foisonnent. C’est l’opposé, aucune représentation, mais une inscription, un message. Un message que Paul s’approprie et dans lequel il entre. Démarche particulièrement risquée, si ce “dieu inconnu” est un dieu parmi d’autres dans le panthéon du polythéisme grec ! À moins… à moins que Paul en connaisse un peu plus sur cet autel ! Que s’avons-nous de cet “autel à un Dieu inconnu” ? Luc ne nous en dit rien d’autre. Mais nous avons quelques données historiques sur ce sujet. Environ 500 ou 600 ans plus tôt, les responsables d’Athènes font appel à un crétois, un certain Épiménide de Cnossos qui a la réputation d’être « savant dans les choses divines ». Le conseil d’Épiménide est sollicité pour lutter contre un fléau : une épidémie de peste. Il vient donc à Athènes et fait lâcher un troupeau de moutons sur une des collines de la ville à une heure où les moutons ont plutôt envie de brouter et à chaque fois qu’un mouton se couche, au lieu de brouter, cela est interprété comme le signe que le dieu responsable du fléau accepte d’apporter son aide. Un certain nombre de moutons se couchent et sont offerts en sacrifice sur des autels sans dédicace, construits tout spécialement pour la circonstance. Ainsi, le fléau quitte la ville. Quelques siècles plus tard, il reste au moins un de ces autels. Mais Paul comprenait-il bien le contexte historique relatif à cet autel et au concept du dieu inconnu ? Nous avons plusieurs raisons de le penser. D’abord parce que Paul cite Épiménide à 2 reprises : d’une part, dans sa lettre à Tite et d’autre part, dans notre passage au verset 28 : “c’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être”. Ensuite parce que dans sa lettre à Tite il le désigne sous le titre de “prophète” le mot qu’il utilise couramment pour les prophètes de l’Ancien comme du Nouveau Testament. Prophète, c’est-à-dire porte-parole de Dieu. Paul n’aurait sûrement pas gratifié Épiménide du titre de prophète s’il n’avait pas été bien informé sur le personnage et ses œuvres. Les athéniens avaient donc conscience de l’existence d’un dieu inconnu. Et cela me semble un bon point de départ, pour les athéniens, comme pour nous. Il est bon d’avoir conscience de ses propres carences, de ses propres limites, de ses propres ignorances. Et à contrario, ce que nous croyons connaître n’est peut-être qu’illusion ou prétention. Sommes-nous encore prêts à apprendre si nous croyons tout savoir ? Partir d’un constat d’ignorance me semble donc, sinon un prérequis, tout au moins un avantage pour nous permettre d’avancer, de progresser.

“Ce que vous révérez ainsi sans le connaître, je viens vous l’annoncer.” Paul ayant ancré son propos dans le passé collectif de ses auditeurs, il déroule maintenant son message. Un message que je vous invite à considérer suivant 3 angles, 3 axes. Ce dieu inconnu, qui est-il ? que fait-il ? (ou qu’a-t-il fait ?) et enfin, qu’attend-il de nous ?

Ce dieu inconnu, qui est-il ? Paul le présente d’abord comme le créateur.  V 24 : “il a créé l’univers et tout ce qui s’y trouve”. V 25 : “il donne à tous les êtres la vie, le souffle et toutes choses”. V 26 : “il a créé tous les peuples pour qu’ils habitent toute la surface de la terre”. Par ces affirmations Paul marque l’universalité de son propos : “l’univers et tout ce qui s’y trouve… toutes choses… tous les peuples… toute la surface de la terre”. Cela s’oppose à la conception polythéiste très répandue selon laquelle chaque ville, chaque bourgade avait son petit dieu, un dieu privé, qui ne se partageait pas avec les autres. Le dieu inconnu, c’est le Dieu de l’univers ! Non seulement “il a créé”, mais le principe de création reste actif. Au v 25 “il donne” au présent.  Il est le Créateur, il est aussi le Souverain.  V 24 : “Il est le Seigneur du ciel et de la terre”. V 25 : il ne lui manque rien. V 26 : “il a fixé des périodes déterminées et établi les limites de leurs domaines”. Il est le maître de l’histoire. C’est aussi une façon de remettre à leur place ceux qui parmi ses auditeurs auraient pu être nostalgique de l’empire grec, tout cela se fait sous le contrôle de Dieu. Petite digression à propos du v 25 : Dieu n’a pas besoin de nous. C’est nous qui avons besoin de lui, ce n’est pas nous qui lui donnons, c’est lui qui nous donne. Il serait bon de s’en souvenir dans notre façon de nous approcher de lui. Il est important d’avoir conscience de nos besoins et préférable d’éviter l’arrogance de vouloir lui donner quoi que ce soit, y compris lui faire la faveur de notre présence.  Dieu Créateur, Dieu Souverain et Dieu de relation.  Nous avons déjà vu au v 25 qu’il “donne à tous les êtres la vie”, mais c’est surtout au v 27 que Dieu exprime sa volonté de relation avec les hommes : “Par tout cela, Dieu invitait les hommes à le chercher, et à le trouver, peut-être, comme à tâtons, lui qui n’est pas loin de chacun de nous” Il est donc dans la volonté de Dieu que nous le cherchions et que nous le trouvions, et Paul souligne même “comme à tâtons”. En effet les démarches de recherche peuvent être imprécises, maladroites, mais ce que Dieu souhaite c’est surtout que les hommes cherchent à le rencontrer. Et à contrario nous voyons au v 29 que Dieu ne ressemble pas aux idoles en or en argent ou en marbre, autrement dit à des objets inertes avec lesquelles toute relation est impossible ! Dieu Créateur, Dieu Souverain et Dieu de relation.

Que fait-il ? Il juge.  V 31 : “il a fixé un jour où il jugera le monde entier en toute justice”. On peut être surpris par la place que l’apôtre donne au jugement divin. D’une part parce que, avouons-le, ce n’est pas très vendeur, excusez l’expression, mais surtout on est surpris à cause de notre côté « fleur bleue » ou « bisounours » comme vous préférez. On voudrait bien d’un dieu sympa, d’un dieu cool, d’un dieu permissif, un dieu « pote ». Eh bien non, Paul ne présente pas Dieu par son côté amour, mais bien par son côté justice ! “il a fixé un jour où il jugera le monde entier en toute justice”. Il me semble que c’est le point que nous avons le plus de facilité à évacuer dans notre conception contemporaine de Dieu. Je suis désolé, mais c’est un élément non négligeable de la Bonne Nouvelle. Et Dieu a désigné le Seigneur Jésus-Christ pour cela. Que fait-il ? Il juge et il ressuscite.  V 31 : il a donné à tous une preuve certaine en le ressuscitant d’entre les morts”. Curieusement, Paul ne présente pas en priorité le vécu de Jésus, ni sa naissance miraculeuse, ni son enseignement, ni les prodiges qui ont jalonné son séjour sur terre, ni sa mort injuste, odieuse… rien de tout cela ! Uniquement sa résurrection. Alors oui, la résurrection présuppose la mort, mais l’élément déterminant dans l’argument de l’apôtre, c’est que Jésus est ressuscité ! Paul, outre l’affirmation du jugement et de la résurrection, indique une troisième action du dieu inconnu. Diapo. Que fait-il ? Il juge, il ressuscite et il fait une annonce. Diapo. V 30 : Aujourd’hui, il leur annonce à tous, et partout”. La première chose qu’il nous faut souligner concerne les destinataires de cette annonce “à tous, et partout”. Autant dire qu’il n’y a pas d’ambigüité, nous sommes concernés au même titre que les athéniens. Ce discours est aussi pour nous !

Qu’est-ce que Dieu annonce ? C’est le troisième axe de la présentation du dieu inconnu : Qui est-il ? Que fait-il ? et Qu’attend-il de nous ? La repentance  V 30 : “nous devons nous repentir et changer”. C’est la seule chose que Dieu attend de nous. Je dis bien « la seule » même si j’ai choisi une traduction qui fait apparaitre 2 verbes, en grec il n’y en a qu’un : “metanoeo” mais suivant les traductions que vous utilisez vous verrez l’un ou l’autre de ces 2 verbes en français. Se repentir, qu’est-ce que ça veut dire ? Le mot repentance est à rapprocher des mots regret et remord, sans avoir un sens identique, ils ont tout de même quelques points communs. Je crois que le point de départ de la repentance c’est la prise de conscience qu’il y a quelque chose qui ne va pas et que la Bible nomme le péché. Ce point de départ est indispensable mais il ne suffit pas, dans la repentance il y a aussi le désir, la volonté de se détourner du péché, ou d’une façon plus générale, de ce qui ne va pas. Dans les traductions récentes c’est souvent le verbe “changer” qui est utilisé mais cela ne me semble pas être une bonne idée. Je ne nie pas le fait qu’il y ait une notion de changement dans “metanoeo” mais il y a un réel danger à réduire sa traduction au verbe “changer”. Certes c’est peut-être plus facile à comprendre, mais la vraie question c’est de savoir est-ce qu’on comprend ce qu’il faut comprendre et là j’ai plutôt l’impression que le réponse est non. Alors entendons-nous bien, je n’ai aucune compétence ni en grec, ni en latin, ni en hébreux, ni en araméen, par contre en français, j’ai quand même quelques années au compteur ! J’ai 2 réticences par rapport à l’utilisation du verbe “changer”, d’une part son sens courant en français et d’autre part une raison de théologie. Tout d’abord le sens du mot en français : je vais vous donner un exemple, j’espère que ce sera plus explicite. Depuis quelques années maintenant, je fais du vélo de façon assez intense, si vous faites une autre activité physique c’est la même chose, que ce soit de la course, de la marche, un sport individuel ou collectif ou même des travaux d’entretien, de jardinage, de terrassement, de maçonnerie… peu importe. Lorsque j’ai fini mon temps de vélo je dégouline littéralement et donc je me douche et ensuite je dis, en bon français : « je me change ». Je voudrais attirer votre attention sur le caractère extrême de cette formulation « je me change », je change qui ? moi ! Caractère extrême de la formulation pour un fait somme toute assez banal : j’ai mis des fringues propres. Et c’est ce mot vide de sens, creux, sans épaisseur, sans densité qu’on voudrait utiliser pour traduire “metanoeo” ! Ça va pas le faire ! Deuxièmement, le motif théologique : nous avons vu que le discours de Paul insiste en particulier sur le Dieu Créateur et Seigneur et nous sommes là maintenant sur la responsabilité de l’homme. On pourrait croire qu’il suffit de « changer » et surtout que ce changement est à notre main, or ça, c’est en complète contradiction avec le message de la Bible. Nous allons en voir 2 exemples, un dans l’Ancien Testament et l’autre dans le Nouveau Testament. Tout d’abord un verset du livre du prophète Jérémie: Jérémie 13 v 23 : “Un Éthiopien peut-il changer la couleur de sa peau, un léopard les taches de son pelage ? De même, comment pourriez-vous vous mettre à bien agir, vous qui avez pris l’habitude de commettre le mal ?” Non ce n’est pas possible ! Le changement dont nous avons besoin n’est pas dans nos compétences. Et dans le Nouveau Testament, voici 2 versets tirés de la lettre de l’apôtre Paul à l’église de Rome.  Romains 7 v 18 & 19 : “je sais que le bien n’habite pas en moi, c’est-à-dire dans ce que je suis par nature. Vouloir le bien est à ma portée, mais non l’accomplir. Je ne fais pas le bien que je veux, mais le mal que je ne veux pas, je le commets.” Même l’apôtre Paul reconnait que le changement auquel il aspire est hors de portée. Indirectement Paul nous donne dans ce passage une définition de la repentance : “Vouloir le bien est à ma portée” non seulement c’est à notre portée, mais c’est aussi notre responsabilité, c’est ce que Dieu attend de nous. Il me semble qu’il faut compléter cette notion de changement. Le passage le plus explicite sur ce sujet est peut-être un peu long mais je pense qu’on peut en extraire les principales caractéristiques. Il s’agit de la conversation de Jésus avec Nicodème que nous trouvons dans l’évangile de Jean au chapitre 3, je vous invite à lire chez vous le paragraphe tout entier. Nous allons en lire juste 2 versets pour les besoins de cette explication.  Jean 3 v 3 : “Vraiment, je te l’assure : à moins de renaître d’en haut, personne ne peut voir le royaume de Dieu.” Ça pour un changement, c’est un changement vraiment radical : c’est la différence entre la vie et l’absence de vie. Et le Seigneur Jésus nous dit que ce n’est pas une option, c’est indispensable. Mais ce n’est pas parce que c’est indispensable que nous pouvons le faire, ce n’est pas à notre portée. C’est même la première réaction de Nicodème : comment est-ce possible ? Et le Seigneur Jésus enfonce le clou au verset 6 : “Ce qui naît d’une naissance naturelle, c’est la vie humaine naturelle. Ce qui naît de l’Esprit est animé par l’Esprit.” Le changement c’est l’œuvre de Dieu, pas la responsabilité de l’homme. La responsabilité de l’homme c’est de se repentir.

Il nous faut conclure. Je souhaiterais le faire en relevant 2 points des versets 32 à 34. Le premier point c’est la réaction des auditeurs. Jusque-là et en, caricaturant à peine, on peut dire qu’il n’y avait que 2 types de réactions aux discours de Paul : ceux qui acceptent et ceux qui refusant d’accepter se comportent en persécuteurs. Là il y a, me semble-t-il, une troisième catégorie, ceux qui optent pour la moquerie ou le « politiquement correct ». C’est peut-être moins dangereux que la persécution mais probablement beaucoup plus fréquent pour nous chrétiens occidentaux avec un facteur d’aggravation dû aux réseaux sociaux. Je vous invite à y être attentif. Le second point c’est la faible proportion de personnes qui acceptent le message de Paul. En effet, même si la plus grande partie de l’auditoire a rejeté le message quelques personnes l’on accepté. Le message n’a pas pour objectif une recherche de respectabilité et d’acceptation par le plus grand nombre.  Mais comme le dit Luc en Actes 13 v 48 : “que tous ceux qui sont destinés à la vie éternelle croient.” J’aimerais vous laisser un sujet de méditation. Dans le discours de Paul, il n’y a pas eu un appel à croire, mais la réponse à l’appel à la repentance, c’est de croire. Amen.

Dans le prolongement de cette méditation je voudrais vous inviter à chanter le cantique : « Entre tes mains j’abandonne