Violence et grâce (Gn 4)

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Rivalité, jalousie, violence et meurtre… Voilà avec quoi je termine, aujourd’hui, notre série sur les débuts de la Bible, qui raconte les origines de l’humanité en termes imagés. La dernière fois, Vincent nous a parlé de la chute de l’homme et de la femme : cédant à la tentation du serpent, ils s’opposent à Dieu et se retrouvent hors du jardin d’Eden. Le mal a pénétré la condition humaine, tordu le monde, abîmé la relation avec Dieu – et avec l’autre. Dès la génération suivante, les enfants d’Adam et Eve vivent très concrètement les conséquences de cette déconnexion d’avec Dieu.

Juste une remarque : comme dans les chapitres précédents, la Bible décrit une période qui nous échappe, sans chercher à présenter les faits de manière exhaustive. Ne vous étonnez donc pas d’y voir des silences, des « trous », des informations manquantes : l’accent porte sur le sens, sur ce qui éclaire notre condition humaine.

Comme le texte progresse par épisodes, je vais lire en trois fois, et m’arrêter sur chaque partie.

  • Avant le meurtre
1 L’homme s’unit à Ève, sa femme. Elle devient enceinte et elle met au monde Caïn. Puis elle dit : « Avec l’aide du SEIGNEUR, j’ai donné la vie à un petit d’homme ! » 2 Elle met aussi au monde Abel, le frère de Caïn. Abel devient berger, et Caïn cultive la terre.
3 À la fin de l’année, Caïn apporte quelques récoltes du champ. Il les offre au SEIGNEUR. 
4 De son côté, Abel apporte les premiers agneaux de son troupeau. Et il offre au SEIGNEUR les meilleurs morceaux. Le SEIGNEUR reçoit avec plaisir Abel et son offrande. 
5 Mais il ne reçoit pas Caïn, ni son offrande. C’est pourquoi Caïn est très en colère. Son visage devient sombre de tristesse. 
6 Le SEIGNEUR dit à Caïn : « Tu es en colère et ton visage est triste. Pourquoi ? 7 Si tu agis bien, tu peux te remettre debout. Si tu n’agis pas bien, le péché est comme un animal couché à ta porte. Il t’attend en cachette, prêt à t’attraper. Mais toi, sois plus fort que lui. »

2 frères, 2 métiers, 2 offrandes. Caïn l’aîné, l’agriculteur, offre le fruit de sa récolte. Abel, le cadet, éleveur, offre des bêtes. Les offrandes sont liées au métier, elles expriment sûrement la reconnaissance pour la fertilité que Dieu a accordée à la terre et aux bêtes.

Pourtant, Dieu sème la zizanie entre les deux frères. C’est peu dire qu’il a une préférence : il refuse carrément l’offrande de Caïn, tandis qu’il accepte celle d’Abel. C’est vexant ! L’aîné est rejeté, alors que le petit frère passe devant aux yeux de Dieu. Et qu’on ne vienne pas dire que ce n’est pas personnel… C’est bien Caïn et son offrande que Dieu refuse, comme il a accepté Abel et son offrande. Évidemment, Caïn fait la tête : la colère, la tristesse, la honte ? l’envahissent.

A première vue, le choix paraît injuste, et donc Dieu aussi – pourtant le texte donne peut-être un indice qui explique l’attitude de Dieu. Le texte souligne qu’Abel apporte les premiers agneaux de son troupeau, et qu’il en offre les meilleurs morceaux. Caïn, lui, paraît beaucoup plus désinvolte : il offre des échantillons de sa récolte, mais pas spécialement les plus beaux ! Derrière le don, c’est l’attitude de cœur qui frappe : Abel donne ce qu’il a de meilleur, Caïn se garde le meilleur pour lui et fait un cadeau « moyen » à Dieu. C’est un signe de la place que Dieu a pour chacun : premier dans le cœur d’Abel, il passe en second aux yeux de Caïn. Caïn se prend lui-même pour son propre dieu, son propre chef, celui qui mérite les honneurs.

Dieu voit cela chez Caïn, et son refus sonne comme un avertissement, mais il ne se désintéresse pas de Caïn pour autant ! Au contraire, il le suit, ouvre le dialogue, lui donne une chance d’exprimer sa colère. Le texte va vite sur les faits, mais prend du temps pour montrer le dialogue initié par Dieu. Finalement, le choix, les raisons du choix… ce qui est fait est fait ! Ce n’est pas si important – ce qui compte, c’est comment on le vit, et comment on le vit avec Dieu.

Et quand Caïn se mure dans le silence, Dieu lui donne conseil : attention ! Même si l’on ne choisit pas les sentiments qui montent en nous, on peut choisir de se laisser influencer ou d’y résister. Les sentiments débouchent sur des actions, mais il n’y a pas de fatalité : on peut choisir de ne pas céder à la colère, la jalousie, l’amertume… Il y a des situations qui nous blessent, nous vexent, voire nous paraissent injustes (mauvaise appréciation au travail, tensions, rivalités familiales), Dieu nous offre une chance de sortir de l’engrenage en choisissant le bien. Quand nous nous retrouvons à notre désavantage, que ce soit légitime ou pas, finalement, l’important c’est comment nous allons réagir. Et même si on ne peut pas toujours rectifier la situation, on peut choisir de ne pas s’y enfermer.

  • Le meurtre & ses conséquences
8 Caïn dit à son frère Abel : « Sortons ! » Dehors, dans les champs, Caïn se jette sur son frère Abel et il le tue. 
9 Alors le SEIGNEUR dit à Caïn : « Où est ton frère Abel ? »
Caïn répond : « Je ne sais pas. Est-ce que je suis le gardien de mon frère ? » 
10 Le SEIGNEUR continue : « Qu’est-ce que tu as fait là ? J’entends la voix du sang de ton frère. Dans le sol, elle crie vers moi pour demander vengeance. 11 Le sol s’est ouvert pour recevoir le sang de ton frère que tu as tué. Eh bien, maintenant, ce sol te maudit. 12 Quand tu le cultiveras, il ne te donnera plus ses richesses. Tu iras toujours d’un endroit à un autre, et tu ne pourras jamais t’arrêter sur la terre. » 
13 Caïn dit au SEIGNEUR : « Ma punition est trop lourde à porter. 14 Aujourd’hui, tu me chasses de la bonne terre. Je vais être obligé de me cacher loin de toi. J’irai toujours d’un endroit à un autre, et je ne pourrai jamais m’arrêter sur la terre. Et celui qui me trouvera pourra me tuer. » 
15 Le SEIGNEUR répond à Caïn : « Mais non ! Si quelqu’un te tue, il faudra tuer sept personnes, pour que tu sois vengé. » Et le SEIGNEUR met une marque sur Caïn. Alors celui qui le rencontrera ne pourra pas le tuer.
16 Caïn part loin du SEIGNEUR. Il va habiter au pays de Nod, à l’est d’Éden.

Caïn s’endurcit et refuse le dialogue avec Dieu. Au lieu de maîtriser sa colère, il se laisse aveugler par la jalousie et tue son frère Abel, avec préméditation. Après la chute, Dieu avait averti les hommes qu’ils allaient devenir mortels – mais la première mort de l’humanité, ce n’est pas de vieillesse ! C’est un meurtre, volontaire, nourri de haine, un meurtre contre un frère, une mort caractérisée par le mal qui nous ronge. La rupture avec Dieu entraîne des ruptures multiples, notamment dans la famille : le prochain devient lointain, le frère/l’ami, un ennemi.

Encore une fois, Dieu suit Caïn ; encore une fois il le questionne, pas d’abord comme juge, mais comme conseiller : il invite au dialogue avant de prononcer son jugement (Dieu n’est pas caché derrière la porte à attendre que gens pèchent ou chutent/ surprendre & punir -> bien-veillant !). Mais à nouveau Caïn se ferme au dialogue, il prend Dieu pour un imbécile, refuse la main tendue – c’est là que le jugement tombe.

La dureté du jugement – Caïn privé de travail, de terre, de famille, exilé & errant – prouve à quel point Dieu est affecté par ce qui arrive aux hommes : le blasphème, ce n’est pas seulement l’insulte directe à Dieu ! Insulter un frère, tuer, voler, tromper, trahir… c’est aussi blasphémer !

La réaction de Caïn à sa sentence est presque drôle : « c’est trop dur ! » Oui, enfin, c’est un meurtre, quand même ! Caïn ne change pas, c’en est désespérant, il reste aveugle et immature. Et pourtant, Dieu ne s’énerve pas après lui, il répond même à ses « exigences » : voilà une protection, la promesse de veiller sur lui, de le venger 7 fois s’il était blessé. 7 fois : le chiffre de ce qui est complet – comme un rappel de l’amour de Dieu, complet. Oui, Caïn, malgré tout, malgré son immaturité, sa culpabilité, sa fermeture au dialogue et à Dieu, Caïn garde aux yeux de Dieu toute sa valeur d’enfant. Sans nier la culpabilité, sans excuser l’inexcusable, Dieu continue d’aimer le coupable – même quand celui-ci persiste à lui tourner le dos.

  • La descendance de Caïn & la naissance d’un autre frère, Seth
17 Caïn s’unit à sa femme. Elle devient enceinte et elle met au monde Hénok. Caïn se met à construire une ville. Il donne à cette ville le nom de son fils Hénok. 18 Hénok a un fils : Irad. Irad a un fils : Mehouyaël. Mehouyaël a un fils : Lémek. 19 Lémek prend deux femmes : la première s’appelle Ada, la deuxième s’appelle Silla. 20 Ada met au monde Yabal. C’est l’ancêtre de ceux qui habitent sous des tentes et élèvent des troupeaux. 21 Son frère s’appelle Youbal. C’est l’ancêtre de tous ceux qui jouent de la cithare et de la flûte. 22 Silla met au monde Toubal-Caïn. C’est le forgeron qui fabrique tous les outils en bronze et en fer. La sœur de Toubal-Caïn, c’est Naama.
23 Lémek dit à ses femmes :

« Ada et Silla, écoutez-moi ! Mes chères femmes, faites attention à ce que je vais dire. Si on me frappe, je tue un homme. Si on me blesse, je tue un enfant. 24 Pour venger Caïn, il faut tuer sept personnes. Pour me venger, il faudra en tuer 77. »

 

25 Adam s’unit encore à sa femme. Ève met au monde un fils. Elle l’appelle Seth, et elle dit : « Caïn a tué Abel, mais Dieu m’a donné un autre fils à sa place. » 26 Seth à son tour a un fils. Il l’appelle Énos. À ce moment-là, les gens commencent à prier Dieu en l’appelant SEIGNEUR.

Cette dernière partie présente deux descendances : celle de Caïn, et celle de Seth, fils n°3 qui remplace Abel dans el projet de Dieu.

En faisant naître Seth, Dieu reste fidèle à sa promesse : par la descendance d’Eve, un Sauveur viendra pour les hommes. Même si Abel est mort, le projet de salut de Dieu ne s’arrête pas pour autant – il crée un plan B. Ce qui nous paraîtrait fatal, au point d’enterrer le projet, ne détourne pas Dieu de ce qu’il veut faire au long cours – il crée, il recrée, des portes de sortie, des itinéraires bis, des passerelles, sans cesse, pour que le chemin continue ! Son amour pour nous est plus grand que les pires atrocités.

Mais la descendance de Caïn est elle aussi intéressante : on y trouve le bien et le mal, entremêlés. La culture, la technologie, la ville, l’élevage etc. – le progrès ! La culpabilité de Caïn ne disqualifie pas tout ce que lui ou ses descendants feront ! Le monde pécheur n’est pas entièrement noir : des étincelles y demeurent – protection de l’autre, amour du beau, développement… Des étincelles que Dieu accueille et valorise – l’espérance biblique, par exemple, n’est pas de retourner au jardin d’Eden, mais d’habiter la ville de Dieu. On aurait tort de croire que dans le monde déchu, tout est pourri, et qu’il faut tout jeter!

Mais en même temps, avec le progrès du bien, il y aussi progrès de la violence et du mal : Lémek en est un bon exemple. Polygame, alors qu’originellement Dieu choisit d’unir un homme et une femme, c’est aussi une brute, qui revendique avec vantardise l’héritage de Caïn – tuer pour une simple blessure, réclamer l’impunité. C’est l’escalade du mal : la revendication de Lémek (vengé 77 fois au lieu de 7) souligne l’emballement de la violence. Un simple acte de rupture avec Dieu a lancé tout un engrenage, en nous et autour de nous.

Avec l’apparence d’une histoire un peu imagée, la Bible offre ainsi une vision réaliste, nuancée, du monde et de l’homme. Dans le monde qui nous entoure, mais aussi dans notre être intérieur, rien n’est tout blanc ou tout noir. Même si le tableau est sombre, il reste de petites taches de couleur, insuffisantes pour nous sauver, mais signes que nous sommes encore images de Dieu.

Conclusion

Voilà un texte dur. Caïn annonce un avenir sombre pour l’humanité. On est si loin de la joie, de la générosité, de l’harmonie des premiers jours… Le décalage premier d’avec Dieu a entraîné des déchirures, pas seulement dans la relation avec Dieu, mais avec l’autre aussi. Pourtant, même dans ce texte difficile, des pointes d’espoir, des pointes de grâce demeurent car Dieu ne nous abandonne pas à notre triste sort, mais il continue de s’impliquer auprès des hommes, de leur parler, de leur indiquer un chemin. Bien plus, sur nous comme sur Caïn, il pose une marque, car nous sommes comme lui, pas meilleurs, même si ça ne se voit pas – Dieu pose sur nous la marque de son amour, la marque de son salut. Jésus meurt à notre place, à la croix il expie notre punition pour tout ce qui nous pollue : colère, haine, jalousie, crimes, égoïsme, blasphèmes, ruptures et déchirures, violence… Lorsque nous l’acceptons par la foi, Dieu nous considère innocents, il rétablit le dialogue avec nous, il nous transforme et nous guérit de l’intérieur, par son Esprit.

Alors même si le monde autour de nous paraît parfois bien sombre, en désespérons pas : Dieu veille et s’implique, il nous aime, coupables ET victimes, et il tend encore sa main aujourd’hui, pour nous sauver, du monde et de nous-mêmes.

 



Soli Deo Gloria

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Lecture biblique : Matthieu 23.1-12

Le grand compositeur allemand Jean-Sébastien Bach signait ses partitions avec les trois lettres SDG, et parfois avec l’expression latine en entier : Soli Deo Gloria. A Dieu seul la gloire. A travers ses exhortations, c’est un peu cette même signature que Jésus aimerait que nous fassions figurer sur la partition de nos vies : A Dieu seul la gloire ! Contrairement aux chefs religieux que Jésus critique ici…

Dans les versets qui nous intéressent, Jésus parle bien des chefs religieux mais ce n’est pas tellement à eux qu’il s’adresse. Il le fera à la suite de ces versets, dans une longue diatribe contre les maîtres de la loi et les pharisiens en leur disant à plusieurs reprises : « malheur à vous ! ».

Ici, c’est à la foule et à ses disciples qu’il parle. Ce qu’il dit concerne donc tout le monde… Et il prend les chefs religieux comme des contre-exemples à ne pas suivre. En un mot : « Faites ce qu’ils disent mais ne faites pas ce qu’ils font ! »

Au verset 8 : « Ne vous faites pas appeler « Rabbi ». En effet, vous avez un seul enseignant et vous êtes tous frères. » « Rabbi » est un mot araméen et c’est le titre qu’on donnait à ceux qui enseignaient, à un maître avec ses disciples. C’est un titre qu’on donne souvent à Jésus dans les évangiles.

Au verset 10 : « Ne vous faites pas non plus appeler « Maître ». En effet, vous avez un seul maître, le Christ. » Ici c’est bien un terme grec qui est utilisé et désigne un conducteur, un guide.

On pourrait donc, dans les deux cas, parler d’un maître, à la fois dans le sens d’enseignant et de conducteur spirituel. Et Jésus dit : attention, seul Dieu doit être votre maître.

Entre ces deux exhortations, il y a celle du verset 9, qui propose la perspective inverse, non pas celle de ceux qui veulent se faire appeler « maître » mais de ceux qui veulent se trouver des maîtres ou des « Pères » : « N’appelez personne sur la terre « Père » . En effet, vous avez un seul Père, celui qui est dans les cieux. »

Et puisque nous sommes tous frères, Jésus propose alors une autre voie, celle du service mutuel : « Le plus important parmi vous doit se mettre à votre service. Celui qui veut être au-dessus des autres recevra la dernière place. Et celui qui prend la dernière place sera mis au-dessus des autres. » (v.11-12)

De ces exhortations on peut faire ressortir trois principes complémentaires :
– N’avoir d’autre maître que Dieu
– Se reconnaître comme frères
– Se faire serviteur

Trois principes pour donner à Dieu seul la gloire…

N’avoir d’autre maître que Dieu

C’est le sens premier de cette triple exhortation. Ni se faire appeler maître ni appeler quelqu’un maître ici-bas. Ce n’est pas « Ni Dieu ni maître », c’est « Dieu seul maître ».

En réalité, cela rappelle une des grandes affirmations des Réformateurs du XVIe siècle : le sacerdoce universel des croyant. Autrement dit : nous sommes tous prêtres ! Il ne peut y avoir d’intermédiaire entre le croyant et Dieu, si ce n’est Jésus-Christ seul. Pas des clercs d’un côté et des laïcs de l’autre mais tous des prêtres… tous des frères.

Le problème c’est qu’il y a, dans l’Eglise comme dans toute institution ou toute communauté humaine, des fonctions et des responsabilités différentes qui peuvent mettre certains plus que d’autres en position d’autorité. Une position dangereuse ou la tentation de « se faire appeler » maître, guide, père… est là.

Lorsque Jésus fait cette mise en garde, il ne dit pas que personne ne doit être responsable ou enseignant. Il met en lumière le danger de se faire appeler « maître ». Le danger de la recherche du prestige d’être chef, directeur, président, responsable, pasteur… au risque d’éclipser l’autorité de Dieu. Nul homme ne doit, d’une façon ou d’une autre, prendre la place de Dieu. Dans l’Eglise en particulier, les responsables, quels qu’ils soient, doivent s’effacer derrière Celui qui les a appelé.

Mais Jésus dit aussi qu’il y a un autre danger. Il est pour ceux qui se cherchent des pères, des maîtres ici-bas. Il souligne alors le danger de mettre sa foi dans un homme ou une femme, même au service de Dieu, plutôt qu’en Dieu. Le danger existe, de s’attacher plus à un pasteur, un prédicateur, un enseignant qu’à Dieu. Et lorsque ce pasteur ou ce prédicateur s’en va, la foi vacille…

N’avoir d’autre maître que Dieu est un principe garant d’un service humble qui s’efface devant Dieu et d’une foi solide, ancrée en Dieu et non en l’homme.

Se reconnaître comme frères

L’affirmation de Jésus, « Vous êtes tous frères », est liée à la fois l’exhortation qui précède (vous avez tous un seul maître) et celle qui suit (vous avez un seul Père, qui est dans les cieux). Deux exhortations qui colorent différemment l’expression.

Si nous sommes frères parce qu’il y a un seul maître, alors nous sommes tous à égalité devant Dieu. Il n’y a pas des pères ou des mères et des frères ou des sœurs. Il n’y a que des frères et des sœurs. Nul ne peut se placer au-dessus de son frère, que ce soit à cause de son expérience, de sa connaissance ou même de son appel ! Nous sommes frères et sœurs parce que nous sommes tous disciples !

Si nous sommes frères et sœurs parce que nous avons un seul et même Père, qui est dans les cieux, alors nous sommes liés les uns aux autres, indépendamment de nos amitiés, nos « atomes crochus » ou non. Nous avons le même Père céleste : c’est Lui qui me dit qui est mon frère ou ma sœur, ce n’est pas moi qui décide…

Il est fondamental dans l’Eglise de se reconnaître comme frères et sœurs. Et il est fondamental de comprendre que ce qui fait de mon frère mon frère, c’est sa relation avec son Père céleste qui est aussi mon Père céleste. Ce n’est pas sa forme de piété, ou son appartenance à telle ou telle Eglise, ni même sa théologie . Et cela, je ne peux m’en rendre compte que si je vais à la rencontre des autres différents de moi, si je suis ouvert au dialogue et si je ne m’enferme pas dans mes a priori ou mes dogmatismes.

Se reconnaître comme frères, au-delà de nos différences, c’est glorifier notre Père commun, par le Christ qui nous unit !

Se faire serviteur

Vous êtes tous frères, vous avez un seul et même Père, un seul et même maître. Dès lors, en tant que frères et sœurs, c’est au service mutuel que vous êtes appelés. Dans le Nouveau Testament, le service est l’expression concrète de l’amour fraternel.

Le modèle du croyant, ce n’est pas le maître, c’est le serviteur. Tous les responsables, quels qu’ils soient, doivent s’en souvenir. Le « ministère » c’est le service, le « ministre » c’est le serviteur.

Notre Maître lui-même, Jésus-Christ, n’a-t-il pas montré le chemin en se faisant serviteur ? C’est toute la dynamique de l’incarnation : le Fils de Dieu qui quitte le ciel pour humblement venir sur terre, prenant la forme d’un serviteur. C’est tout le chemin du Calvaire, où le Christ a choisi de se mettre au service de nous, pécheurs, en acceptant l’humiliation jusqu’à la mort sur la croix, pour nous. Sa mort est son service ultime…

C’est pourquoi, Jésus dans ses paroles va au-delà de l’exhortation à ne pas appeler ni se faire appeler maître ici-bas, au-delà du fait d’être frères, égaux les uns envers les autres. Il s’agit d’aller plus loin et de se faire serviteur. Devant Dieu, nous sommes tous frères et sœurs. Devant notre frère ou notre sœur, nous sommes appelés à être des serviteurs.

Jésus le fait avec une formule qui exprime le renversement typique de l’Evangile : « Celui qui veut être au-dessus des autres recevra la dernière place. Et celui qui prend la dernière place sera mis au-dessus des autres. » (v.12).

Ici encore, nous avons à l’esprit l’exemple donné par le Christ. Car lui qui s’est humilié en tant que serviteur, jusqu’à la mort sur la croix, il est aussi ressuscité, élevé à la droite du Père. Comme l’apôtre Paul le dit dans son hymne de Philippiens 2.9-11 :

C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé
et lui a accordé le nom qui est au-dessus de tout nom,
pour qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse
dans les cieux, sur la terre et sous la terre,
et que toute langue reconnaisse que Jésus-Christ est le Seigneur
à la gloire de Dieu, le Père.

Conclusion

N’avoir d’autre maître que Dieu, se reconnaître comme frères et sœurs, et se faire serviteur. Quel est le but ultime de ces trois principes sinon de glorifier Dieu seul ?

  • N’avoir d’autre maître que Dieu, c’est lui réserver l’obéissance, lui reconnaître son autorité absolue et bienveillante.
  • Se reconnaître comme frères et sœurs, c’est glorifier dans nos relations le Père céleste qui nous unit.
  • Se faire serviteur, c’est agir à l’image de Jésus-Christ, qui s’est fait serviteur jusqu’à donner sa vie pour nous.

Alors vivons-le ! Et la partition de nos vies portera bien cette mention : Soli Deo gloria… A Dieu seul soit la gloire !




Un monde parfait… ou pas ! (Gn 3)

 

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Au chapitre 2, la Genèse évoquait la création de l’homme et la femme, leur vie paisible et harmonieuse dans un jardin luxuriant. Et ça peut paraître bien éloigné de la réalité de notre condition humaine aujourd’hui, et du monde dans lequel nous vivons. Or, justement, le chapitre 3 va nous révéler pourquoi notre monde aujourd’hui n’est plus celui décrit au chapitre 2.

On en était resté, à la fin du chapitre précédent, à cette phrase qui laissait déjà planer le suspense, laissant entendre que quelque chose allait se passer : « L’homme et sa femme sont nus tous les deux. Mais ils n’ont pas honte l’un devant l’autre. » (Gn 2.25)

Dès le début du chapitre 3 apparaîtra un nouveau personnage avec la figure du serpent. Avec lui, le mal, qui nous est extérieur, nous devient intérieur. Il devient le péché, le mal en nous. Et en cela, ce récit qui nous rejoint, dans notre lutte quotidienne face au mal.

Comme le texte est un peu long, je propose d’en diviser la lecture en cinq parties, que je commenterai l’une après l’autre.
1 Parmi les bêtes sauvages que le SEIGNEUR Dieu a faites, le serpent est le plus rusé. Il demande à la femme : « Est-ce que Dieu vous a vraiment dit : “Ne mangez aucun fruit du jardin” ? » 2 La femme répond au serpent : « Nous pouvons manger les fruits du jardin.
3 Mais pour l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : “Ne mangez pas ses fruits et n’y touchez pas ! Sinon, vous mourrez.” » 4 Le serpent répond à la femme : « Pas du tout ! Vous ne mourrez pas ! 5 Mais Dieu le sait bien : le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront. Vous serez comme des dieux, vous pourrez savoir ce qui est bien ou mal. »

La suspicion

Lorsque le serpent apparaît, c’est pour mettre en doute la parole de Dieu. Ou plutôt pour instiller la suspicion dans le cœur de la femme. Quant à ce que Dieu a dit. Ou plus précisément, quant aux prétendues intentions cachées de Dieu… « Dieu ne vous a pas tout dit… »

Vous savez, comme dans les théories du complot : on nous cache la vérité ! Ce n’est pas nouveau… C’est ce que prétend le serpent. Si Dieu empêche l’homme et la femme de manger du fruit de la connaissance du bien et du mal, c’est parce qu’il ne veut pas qu’ils deviennent comme lui, des dieux. Il veut garder égoïstement ses privilèges. « Dieu vous ment ! »

Bien-sûr, il ne le dit pas comme ça… Il le fait avec plus de finesse. Il pose une question, innocemment… et il déforme légèrement le commandement de Dieu. Mais la graine est semée. La graine de la suspicion… Une graine terriblement efficace.

Dès le début, nous voyons que la source du péché, dans la Bible, n’est pas morale mais spirituelle. Elle n’est pas d’abord dans le fait de faire des choses mauvaises… elle trouve son origine dans la suspicion, dans la perte de confiance en Dieu.

Parler du péché, ce n’est pas avoir un discours moraliste, ou faire la liste de ce qu’il ne faut pas faire. C’est d’abord parler du refus de Dieu.

Du coup, pour lutter contre le mal dans notre vie, il ne s’agit pas de faire la liste des péchés qu’on commet et de battre sa coulpe. Il nous faut avant tout développer notre foi, notre confiance en Dieu. Autrement dit, pour quitter les ténèbres, n’essayez pas de les faire disparaître mais approchez-vous de la lumière !

6La femme se dit : les fruits de cet arbre sont beaux, ils doivent être bons. Ils donnent envie d’en manger pour savoir plus de choses. Elle prend un fruit de cet arbre et le mange. Elle en donne à son mari qui est avec elle, et il en mange aussi. 7Alors leurs yeux s’ouvrent. Maintenant, ils voient qu’ils sont nus. Ils attachent ensemble des feuilles d’arbre, et cela leur sert de pagne.

La tentation

Lorsque la suspicion a pris racine dans le cœur, c’est le regard qui change. La femme voit le fruit de l’arbre différemment. On a même l’impression qu’elle ne voit plus que ça ! Le fruit n’a pas changé… C’est le regard de l’homme et la femme qui a changé. La tentation devient source de convoitise. La frontière entre les deux est mince !

Lorsque l’homme et la femme avaient une pleine confiance en Dieu, le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal n’avait pas d’attrait particulier. Dieu leur avait dit de ne pas en manger. Soit. Il y a tous les autres fruits ! Ce n’est pas grave. Mais quand le serpent a réussi à instiller le doute et la suspicion, alors le regard change. Et le fruit jusqu’ici sans intérêt devient beau, attirant, appétissant… tentant !

Je n’ai certainement pas à vous faire un long discours sur la tentation… Nous en faisons tous l’expérience. Parfois douloureusement. Nous connaissons tous cette sensation désagréable de savoir pertinemment que penser, dire ou faire cela n’est pas bon… mais nous laisser quand même entraîner à le faire ! Nous connaissons tous ce passage de la tentation à la convoitise… et nous savons pertinemment qu’il est alors trop tard !

Vous avez beau lutter, quand le regard a changé, le doigt a été mis dans l’engrenage… Alors, comme l’homme et la femme, nos yeux s’ouvrent. Et nous avons honte de notre nudité. Nous connaissons la culpabilité.

Ah ! Si seulement nous n’avions pas écouté la voix de la suspicion, si seulement nous avions gardé toute confiance en Dieu !

8Le soir, un vent léger se met à souffler. Le SEIGNEUR Dieu se promène dans le jardin. L’homme et la femme l’entendent et ils se cachent devant lui, parmi les arbres du jardin. 9Le SEIGNEUR Dieu appelle l’homme. Il lui demande : « Où es-tu ? » 10L’homme répond : « Je t’ai entendu dans le jardin. J’ai eu peur parce que je suis nu. Alors, je me suis caché. » 11Le SEIGNEUR Dieu lui demande : « Qui t’a appris que tu étais nu ? Est-ce que tu as mangé le fruit que je t’avais interdit de manger ? » 12L’homme répond : « La femme que tu m’as donnée, c’est elle qui m’a donné ce fruit, et j’en ai mangé. » 13Le SEIGNEUR Dieu dit à la femme : « Qu’est-ce que tu as fait là ? » La femme répond : « Le serpent m’a trompée, et j’ai mangé du fruit. »

La division

Plus rien n’est comme avant. Quelque chose s’est brisé. Instantanément. L’homme et la femme se cachent l’un de l’autre. Et pire, ils ont désormais peur de Dieu. Pourtant, Dieu ne vient pas menaçant : il se promène dans le jardin, précédé d’une brise légère.

Mais l’homme et la femme ont peur. Ils n’ont pas peur de Dieu parce qu’ils lui ont désobéi. Ils ont peur « parce qu’ils sont nus ». La nudité devient un problème parce que l’innocence est perdue. Ils ne supportent plus d’être nus devant Dieu, à cause de leur conscience souillée.

Alors chacun essaye de sauver sa peau : « ce n’est pas de ma faute, c’est la femme… ou c’est le serpent… » Vous remarquerez d’ailleurs qu’il y a, indirectement, une accusation portée contre Dieu : « c’est la femme que tu m’as donnée… », « c’est le serpent… » dont il est dit dès le début du chapitre qu’il a été créé par Dieu !

Ici, on n’est plus dans le processus par lequel nous commettons le mal… Nous sommes face aux conséquences, immédiates, du péché. La division, la relation brisée, la honte, la peur, la fuite… Les conséquences du péché dans notre vie sont multiples et multiformes. Sources de souffrance, de malaise, de mal-être.

14Alors le SEIGNEUR Dieu dit au serpent :
« Puisque tu as fait cela, je te maudis :
parmi tous les animaux,
tu avanceras sur ton ventre
et tu mangeras de la poussière
tous les jours de ta vie.
15Voici ce que je décide :
la femme et toi,
vous deviendrez des ennemis.
Ceux qui naîtront d’elle et ceux qui naîtront de toi
deviendront des ennemis.
Ceux qui naîtront d’elle t’écraseront à la tête,
et toi, tu les blesseras au talon. »
16Ensuite, le SEIGNEUR dit à la femme :
« Je rendrai tes grossesses pénibles,
et c’est dans la souffrance
que tu mettras des enfants au monde.
Tu seras attirée par ton mari,
mais il sera ton maître. »
17Puis le SEIGNEUR dit à l’homme : « Tu as écouté ta femme et tu as mangé le fruit que je t’avais interdit de manger.
À cause de toi je maudis le sol.
Tu devras te fatiguer
tous les jours de ta vie
pour tirer ta nourriture de la terre.
18Le sol produira pour toi
des plantes épineuses de toutes sortes.
Tu devras manger
ce qui pousse dans les champs.
19Tu gagneras ta nourriture
en transpirant beaucoup,
jusqu’à ta mort.
À ce moment-là,
tu retourneras dans la terre
d’où tu viens.
Oui, tu es fait de poussière
et tu retourneras à la poussière. »

La malédiction

Après les conséquences immédiates du péché, nous trouvons dans ces paroles l’évocation d’autres conséquences, qui s’étendent bien au-delà de nous-mêmes. La malédiction du péché, c’est qu’il a des conséquences.

Le serpent est maudit : il mordra la poussière. Et il sera en guerre contre la descendance de la femme : il sera source d’hostilité. La femme connaîtra la souffrance jusque dans l’acte même de donner la vie ! L’homme verra la souffrance envahir son travail quotidien.

C’est en réalité les souffrances et les frustrations du quotidien qui sont décrits dans ces versets. C’est la réalité d’une vie, d’un monde, d’une humanité où règne le péché. Et ce sont bien des malédictions. Même s’il faut bien faire avec, il ne faut pas pour autant se résigner. Au nom de ces versets, on va refuser la péridurale parce qu’il faut souffrir en accouchant, on va justifier la soumission de la femme à son mari alors que la domination du mari sur sa femme est présentée comme une conséquence du péché ! On va justifier la pénibilité du travail… parce qu’il faut souffrir ! Non !

Mais retenons cette leçon de ces paroles : les conséquences du mal que je commets ne me concerne pas moi seulement… elles impactent mon entourage, mon prochain, mon environnement. La malédiction du péché, c’est qu’il a des conséquences, au-delà de moi-même.

20L’homme, Adam, donne à sa femme le nom d’Ève, c’est-à-dire « la Vivante ». En effet, elle est la mère de tous les vivants. 21Le SEIGNEUR Dieu fait des vêtements en peau d’animal pour l’homme et la femme, et il les habille de cette façon. 22Le SEIGNEUR Dieu se dit : « Eh bien, l’homme est devenu comme un dieu : il connaît ce qui est bien ou mal. Maintenant, il ne faut pas qu’il prenne aussi les fruits de l’arbre de la vie. S’il en mangeait, il vivrait pour toujours. » 23Alors le SEIGNEUR Dieu chasse l’homme du jardin d’Éden et il l’envoie cultiver la terre qui a servi à le faire. 24Après que le SEIGNEUR a chassé l’homme, il place des chérubins à l’est du jardin d’Éden. Avec une épée de feu qui tourne dans tous les sens, les chérubins gardent l’entrée du chemin qui conduit à l’arbre de la vie.

Vers la rédemption !

Alors que tout semble s’être effondré, que tout semble perdu, un espoir surgit à la fin de ce chapitre. D’abord par un acte de foi étonnant de la part de l’homme qui décide de donner un nom à sa femme et il l’appelle Eve. La vivante ! C’est vraiment étonnant, d’autant qu’il le fait immédiatement après que Dieu lui a dit : « Tu es poussière et tu retourneras à la poussière ! »

Et puis il y a l’attitude de Dieu à l’égard de l’homme et la femme. Il façonne pour eux des habits de peau en lieu et place de leur pagne improvisé. Il prend soin d’eux, en tenant compte de leur nouvelle condition et de leur honte d’être nus.

Certes, il les chasse du jardin d’Eden. Mais il semble que cela aussi est pour leur bien. Dieu reconnaît que l’homme est devenu comme un dieu… mais ce n’est pas une bonne nouvelle pour l’homme ! Car il n’est pas un dieu ! L’homme pourra avoir à nouveau accès à l’arbre de vie. Non pas comme un dieu mais comme une créature rachetée. Car on retrouve cet arbre dans l’Apocalypse, dans la vision de la nouvelle Jérusalem. Il est au milieu de la ville.

La réalité du péché est universelle, douloureusement universelle. Mais la bonté et la grâce de Dieu est toujours là pour nous rejoindre là où nous en sommes. Dieu prend soin de nous, même pécheurs. Il tient compte de notre condition et nous conduit sur un chemin d’espérance. Ce chapitre 3 aurait pu être la fin de l’histoire… il n’en est que le début. Parce que Dieu a un projet de salut pour l’humanité, qui s’accomplira en Jésus-Christ !

Et il nous rejoint aujourd’hui encore, dans notre lutte contre le mal en nous. Nous pouvons nous appuyer sur ses promesses et garder l’espérance. Il est fidèle, même lorsque nous sommes infidèle !




La création de l’homme (Gn 2.4-25)

https://soundcloud.com/eel-toulouse/la-creation-de-lhomme

Nous continuons ce matin notre série sur la Genèse avec la suite du ch.2. C’est un temps « idéal », paradisiaque, l’époque de la création. Même si aujourd’hui le monde a bien changé, depuis l’irruption du mal dans le monde, ce tableau conforme aux intentions de Dieu nous donne des principes, une direction, pour mieux vivre en accord avec Dieu. Avant de lire le texte, deux précisions.

Le chapitre 2 ne raconte pas la suite du ch.1, mais re-raconte la même histoire en faisant un zoom sur la création de l’être humain. Le ch.1 racontait la création avec un poème grandiose divisé en 7 jours ; ici, c’est comme si on plongeait dans un détail du poème, mais sous la forme d’une histoire, avec un début, un milieu et une fin. On change donc de genre littéraire.

Par ailleurs, on trouve énormément d’images qui sont une façon symbolique d’évoquer les actes créateurs de Dieu qui nous dépassent. Par exemple, il est peu probable, biologiquement, que l’homme ait vraiment été fabriqué à partir de la poussière : c’est plutôt une façon de montrer que l’homme appartient à la terre, qu’il est fragile, etc. L’image sert de support visuel à une vérité plus profonde.                                       Lecture

Il y a tellement de sujets passionnants dans ce texte ! De manière simple et visuelle, presque enfantine, il aborde une multitude d’enjeux sur les origines de l’humanité, mais aussi sur le sens et le fonctionnement de la vie de l’homme dans le monde. On pourrait trouver un regard sur l’écologie, le mariage, l’évolution, la relation aux animaux, la place de l’interdit, etc. etc. Mais si on prend simplement le texte pour ce qu’il est, sans l’utiliser pour répondre à une question prédéfinie, on trouve que le texte, de lui-même, insiste sur 2 points essentiels, sur lesquels je vais me concentrer ce matin.

Le premier enjeu, c’est la place de l’homme dans le monde, et le deuxième, c’est la création de la femme.

1)     La place de l’homme dans la création

Au début il n’y a rien… parce que Dieu n’a pas envoyé de pluie, et parce que l’homme n’est pas là pour cultiver la terre. Donc, Dieu plante le jardin, avec l’écosystème nécessaire. Mais l’homme est essentiel à ses yeux pour que la création puisse se développer de manière harmonieuse et féconde. Dès que tout est en état de marche, Dieu place l’homme dans le jardin avec une mission : « cultiver, et garder ». Cultiver : développer, faire grandir, avec sûrement des progrès scientifiques. Cultiver dans le but de tirer un certain profit, notamment pouvoir manger. Mais Dieu donne un garde-fou : l’homme ne doit pas surexploiter la création, en abuser – il doit la protéger, la garder, veiller sur elle.

L’homme a une place particulière dans la création : il est formé de poussière, attaché à la terre qu’il doit cultiver, solidaire de la création. Mais l’homme est aussi autre : il n’est pas l’alter ego des animaux. Dieu l’a rempli de son souffle, lui a donné un statut unique (image de Dieu, cf. Gn 1.26-27), une responsabilité unique. Créature, l’homme est aussi fils du Créateur, appelé à veiller sur la création.

C’est un peu comme le fils du patron qui travaillerait dans l’entreprise de son père. Son père est PDG, mais lui, il s’occupe de gérer les équipes et de concevoir de nouveaux projets pour développer l’entreprise familiale. Évidemment, le fils est appelé à respecter l’état d’esprit de son père en perpétuant les valeurs fondamentales de la maison : par exemple la qualité des produits, le bien-être des employés, les horaires aménagés etc.

De même, l’homme reçoit la charge de maintenir et de faire évoluer la création, sans bien sûr la déformer ni la défigurer. Dans ce mandat que Dieu donne à l’homme, on trouve un équilibre qui nous aide en cette période de grands questionnements suscités par les scandales liés à la surconsommation/ surexploitation du monde, autour de l’écologie, de la consommation, du sort des animaux… L’homme n’est pas censé agir comme un tyran égoïste et capricieux – mais à l’inverse, et c’est une tentation pour certains, il n’est pas non plus censé tout lâcher, et oublier ses responsabilités. Aux yeux de Dieu, l’action de l’homme dans la création est essentielle, dans un esprit de service (c’est l’autre sens du verbe traduit par cultiver) – servir la création parce que derrière, c’est le Créateur lui-même que l’on honore et que l’on respecte.

L’homme est donc créé pour travailler ! Le travail n’arrive pas après la chute : en punition pour la transgression commise, Dieu ne condamne pas l’homme au travail, mais à la peine dans le travail. Dès la création, l’homme reçoit cette vocation d’œuvrer – en partenariat avec Dieu, pour le bien. C’est une des redécouvertes de la Réforme : on a tous une vocation, pas besoin d’être prêtre, pasteur ou missionnaire – quand on enseigne, qu’on soigne, qu’on invente une bonne technique, qu’on développe une activité, qu’on vend de bonnes choses, on sert Dieu. Rémunéré ou pas, dans les relations, les rencontres, les activités quotidiennes, en servant les autres, en cultivant et en gardant, on remplit notre vocation d’images de Dieu. Voilà qui donne une belle perspective aux lundis matins !

L’homme reçoit donc des droits (manger de tous les arbres, de tous ces fruits beaux et bons et abondants), des devoirs (cultiver et garder), et un interdit.

Pourquoi Dieu interdit-il de manger du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal ? Il y a  plusieurs interprétations, mais je penche pour l’idée qu’il s’agit d’une sagesse supérieure, qui appartient à Dieu, et qui n’est pas prévue pour l’homme. Ne pas en manger, c’est accepter de dépendre de Dieu pour orienter sa vie. En manger, c’est se prendre pour ce qu’on n’est pas, et risquer de croire qu’on peut se passer de Dieu. (Mais ce sera développé la semaine prochaine…)

Au-delà du contenu de l’interdit, le principe est intéressant : l’arbre défendu, au milieu du jardin, rappelle à l’homme qu’il est une créature. Malgré ses droits et ses responsabilités, il a quelqu’un au-dessus de lui, il n’est pas tout-puissant, il n’est pas Dieu. Cet arbre rappelle à l’homme son origine, sa place et sa vocation : créé de Dieu, travaillant avec Dieu, destiné à aimer et honorer Dieu. Il suffit de voir le désespoir de ceux qui n’ont soi-disant pas de limites pour prendre conscience de la sagesse bienfaisante de Dieu qui place notre liberté dans un cadre : le cadre de sa présence.

2)       La création de la femme

En Gn 1, il est écrit : Dieu créa l’être humain à son image, il les créa homme et femme. De manière très originale pour l’époque (et pas que), la Bible pose l’égalité de l’homme et de la femme devant Dieu. Gn 2 va zoomer sur les différences : égalité ne signifie pas uniformité ou clonage.

Petite remarque : si Dieu retarde la création de la femme, c’est peut-être pour aider l’homme à se rendre compte qu’il a besoin de la femme, avec toute cette quête auprès des animaux, avant que Dieu prenne les choses en main et crée la femme. L’homme a besoin d’un alter ego, il est créé pour être en relation avec quelqu’un de ressemblant mais différent, tout simplement parce qu’il est image d’un Dieu de relations (pensez à la Trinité : c’est un mystère, mais on peut au moins dire qu’il y a des relations entre des êtres semblables mais différenciés : Père, Fils, Saint-Esprit). L’homme est créé pour la relation – et tant qu’il est seul, le monde ne tourne pas comme il faut ; la solitude de l’homme est la seule chose que Dieu qualifie de « pas bon ».

Quelques mots sur la fabrication (litt. la construction) de la femme. Dieu prend une côte, ou plutôt, un peu du côté de l’homme – pas forcément un os. L’idée étant, comme pour la poussière dont l’homme est formé, de marquer l’appartenance : l’homme est lié à la terre, tandis que la création de la femme met l’accent sur l’appartenance au genre humain – ils sont faits de la même matière, chacun retrouve en l’autre un peu de lui-même, ce qui n’est pas le cas avec les animaux. Ce lien d’appartenance, Adam le reconnaît à la fin avec une sorte de soulagement : « la voici, l’os de mes os, la chair de ma chair – on l’appellera femme parce qu’elle vient de l’homme ». Ici, il y a un jeu de mots en hébreu : l’homme se dit ish, et la femme ishah. On l’appellera ishah car elle vient de ish – comme on dirait : Bernadette parce qu’elle vient de Bernard.

Quelle est la vocation de la femme ? Etre une aide pour l’homme, face à lui. On a pu donner l’impression qu’être une aide, c’était être inférieure, être une assistante, voire une bonne à tout faire. En fait, le mot « aide » se traduit aussi « secours, délivrance », et dans la Bible il désigne quasi toujours l’aide que Dieu apporte à son peuple en difficulté. Dieu crée la femme pour délivrer l’homme de la solitude… Ce qu’il faut voir ici, ce n’est pas la supériorité de l’un ou de l’autre, mais la gravité de la solitude : l’homme est fait pour des relations profondes, pour être compris par des personnes qu’il estime et qu’il aime.

Homme et femme : pareils mais différents. Ils se ressemblent pour pouvoir se reconnaître et se comprendre, pour donner et recevoir. En même temps, ils sont essentiellement différents – au point qu’on a parfois l’impression que l’autre est un alien. Peut-être que même sans le péché, Adam et Eve auraient dû apprendre à communiquer… Vraiment pareils, mais vraiment différents. La relation véritable nous ouvre vers l’inconnu, vers ce que l’autre a et que je n’ai pas. L’altérité conduit à un échange, à un enrichissement. (« Aimer, c’est trouver sa richesse hors de soi » Alain) Si l’autre n’est qu’un miroir, c’est moi que j’aime et que j’écoute, ce n’est pas l’autre.

Ca c’est vrai pour toutes les relations, pas seulement le couple ! Il se trouve que la première femme arrive à la fois comme le premier autre humain et l’épouse. Si l’on comprend la peine particulière vécue dans le célibat, le poids de la solitude, il serait faux de croire que seul le mariage répond au besoin de relations. Même si l’auteur fait une parenthèse sur le sens du mariage (l’homme quittera père et mère, s’attachera à sa femme et ils seront une seule chair – une seule personne), la création de la femme rappelle avant tout que nous sommes tous appelés à des relations profondes qui nous ouvrent à l’autre.

Cela étant, l’auteur fait une parenthèse sur le couple, avec cette expression étonnante : devenir une seule chair. Il ne s’agit pas de revenir à l’étape avant la femme, en absorbant l’autre ou en fusionnant ce que Dieu a séparé. L’expression ici dénote l’intimité particulière du couple, la sexualité bien sûr, mais aussi la solidarité d’une vie commune, d’un foyer unique qui présente front commun au monde. Une loyauté telle qu’elle se place au-dessus des autres loyautés, même les loyautés évidentes (l’attachement aux parents, à la fratrie ou aux enfants, qu’on ne va pas abandonner bien sûr, mais le couple prime sur toutes les autres relations). C’est contre-intuitif, mais telle est la valeur que Dieu donne au couple, au-delà de la fécondité… Comme une image de l’intimité profonde que chacun peut vivre avec Dieu. On comprend que ce type d’engagement se vit dans la durée !

Conclusion

Au début il n’y avait rien… et ce n’était « pas bon ». Puis Dieu créa, façonna, construisit, et la création s’acheva, belle et bonne. Au centre de cette œuvre, l’être humain. Au-dessus de lui : Dieu le créateur, le modèle, le vivificateur. Autour de lui : un monde magnifique dont il peut jouir, mais qu’il doit aussi aider à développer, avec sagesse. Enfin, à côté de lui, l’alter ego, la femme, le prochain, avec qui partager les joies et les responsabilités que Dieu donne.

Alors que Dieu nous inspire, qu’Il renouvelle en nous son souffle, pour que nous occupions avec joie la place qu’il nous donne dans ce monde.




Repos! (Gn 2.1-3)

https://soundcloud.com/eel-toulouse/repos

Nous continuons ce matin la série commencée la semaine dernière (vous pouvez retrouver toutes nos prédications sur internet). Vincent nous a conduits au travers du chapitre 1 de la Genèse, premier chapitre de la Bible, qui est aussi un hymne à la gloire du Créateur, présenté en 6 temps, en 6 jours, avec ce refrain : « Dieu vit que cela était bon… il y eut un soir, puis un matin, jour tant ». Les trois premiers évoquent l’ordre que Dieu met dans le monde, les jours suivants évoquent l’abondance de la vie qui germe en tous lieux, à la parole généreuse de Dieu. Le 6e jour culmine avec la création de l’être humain, homme et femme, en tant qu’image de Dieu. Que se passe-t-il ensuite ?

Lecture biblique: Genèse 2.1-3

1 Ainsi Dieu finit de créer le ciel, la terre et tout ce qu’il y a dedans. 
2 Le septième jour, Dieu a terminé le travail qu’il a fait. Et le septième jour, il se repose de tout le travail qu’il a fait. 
3 Dieu bénit le septième jour : il fait de ce jour-là un jour qui lui est réservé. En effet, ce jour-là, Dieu s’est reposé de tout son travail de créateur.

Rien de tel qu’un peu de repos après une bonne semaine de travail ! Eh oui, l’auteur de ces textes nous présente la création du monde de façon imagée, comme une semaine de travail. Il reprend les codes que l’homme peut facilement comprendre, pour présenter une œuvre au-delà de notre compréhension. Dieu se présente à l’homme, son image, comme un modèle à imiter – sur le fond comme sur la forme ! Évidemment, vous risquez d’avoir du mal demain matin à égaler les œuvres de Dieu, mais le récit biblique veut souligner les points communs entre le Dieu créateur et l’être humain, appelé à lui ressembler. Par analogie, nous pouvons œuvrer (et ça dépasse le travail rémunéré : c’est l’exercice de nos compétences, de nos dons) et nous reposer comme Dieu. D’ailleurs, dans la loi juive, Dieu demandera aux croyants de se reposer le 7e jour, comme lui à la création (c’est un des deux arguments avancés).

Donc puisque le travail comme le repos de Dieu sont présentés comme modèles, nous pouvons en tirer des applications pour nous. Mais avant cela, il faut d’abord se pencher sur le sens du repos de Dieu, sur le modèle !

1)     Le repos de Dieu

Le 7e jour, Dieu se reposa de ses œuvres. Pourquoi ? Il était fatigué ? cela paraît étonnant… Dieu donne l’impression de créer facilement, sans effort, simplement par sa parole.

Ou alors, ça y est, le monde est fini, et il passe à autre chose ? Le reste de la Bible, tout ce qui suit dans l’Histoire prouve que non, Dieu reste actif et engagé envers ses créatures. D’ailleurs, plusieurs passages soulignent le fait que Dieu prend soin, chaque jour, de sa création…

Il faut noter que le 7e jour ne ressemble pas aux 6 jours précédents : il n’y a ni soir ni matin, pas de bornes… Et nul 8e jour promis ! Dans un poème aussi travaillé et rythmé, ce silence en dit long ! Il dit que le 7e jour n’est pas fini, et que nous sommes encore dans le 7e jour de la création (ce qui indique aussi que les « jours » sont des façons de parler !) ; notre monde vit encore dans le repos de Dieu.

Quelle différence alors entre les 6 premiers jours et ce 7e jour qui commence et ne finit pas, où Dieu se repose mais continue de s’impliquer, de s’engager, d’agir et d’œuvrer… ? Dieu vient habiter sa création. Après avoir tout disposé, il s’installe ! Comme dans une maison : les travaux sont finis, il emménage, même s’il continuera à aménager, à entretenir, nettoyer, consolider, enjoliver… Mais le plus gros est fait !

Après les 6 jours de création, ça tourne ! Les bases du monde sont posées, les lois naturelles, les acteurs principaux : tout est prêt pour que les créatures puissent vivre et agir elles-mêmes, en accord avec ce que le Créateur a préparé. Le monde n’est plus passif, mais se met en branle : les créatures vont pouvoir interagir entre elles et avec le créateur. Dieu a établi les bases de son royaume, et maintenant il vient trôner, régner tranquillement au cœur de ce monde qu’il a créé.

Même si le repos de Dieu ne signifie pas un total désengagement de sa création, le texte insiste malgré tout sur l’arrêt, la pause, le fait de terminer ! Dieu sait s’arrêter, il sait ne pas faire. Même si la création fait partie de son ADN, Dieu n’est pas prisonnier ou esclave de sa puissance. Rien ne l’enchaîne pour produire, produire, produire, toujours plus. Dieu ne se définit pas seulement par ses actes, mais aussi dans son repos : il est plus que ce qu’il fait.

Oui, Dieu maintenant se repose, et se réjouit de son œuvre, il en profite, il y prend plaisir ! On imagine l’artiste devant son tableau, avec une bonne tasse de café, ravi d’avoir su concrétiser les choses magnifiques qu’il avait en tête. Ou la personne qui organise une fête depuis des mois (p. ex. un mariage) et voilà, le jour est arrivé : la fête a lieu, tout le monde est là, en train de discuter, de se régaler, de rire… et on imagine l’hôte passer de table en table, parler avec les uns les autres, heureux  de les retrouver et de les voir se réjouir. D’ailleurs, dans un autre texte qui présente la création sous un angle différent, Dieu se promène dans son jardin, parle avec les hommes… Le repos de Dieu souligne dans quel but le monde a été créé : pour la joie ! pour la fête ! Pour les relations !

2)       Un repos à vivre

Bien que les œuvres et le repos du créateur nous dépassent, la création est présentée comme une semaine de travail, un modèle à imiter.

Je ne vais pas vous surprendre en disant que le repos nous est difficile aujourd’hui… De plus de plus de gens sont épuisés, déprimés, en burn-out. A l’activisme professionnel, aux pressions de la productivité (toujours plus, plus, plus), répondent les tourbillons de la consommation, des « loisirs » (toujours faire ou avoir plus, plus, plus – plus de voyages, d’activités, de soirées…). Semaine et WE répondent à des cadences infernales, et le reste des temps de repos est envahi par les écrans…

Dans notre monde tourbillonnant, le modèle de la semaine de création nous rappelle deux choses importantes : le travail est important, et revêt une grande valeur aux yeux de Dieu. Dieu se glorifie de ce qu’il fait, et même son repos ne le détourne pas de ses œuvres, mais lui permet de jouir des fruits de son œuvre. Le travail a de la valeur – et le repos aussi. La semaine de création nous invite à rechercher les deux, en bon équilibre, sans basculer dans le tout-travail ou dans le tout-loisirs. S’il est vrai que, au travail en particulier, cet équilibre ne dépend pas toujours de notre volonté, il reste de notre responsabilité de chercher des temps de repos, ressourçants, et de les protéger autant que possible.

Mais le repos de Dieu révèle aussi quelle qualité, quelle sorte de repos nous devons chercher. Il ne s’agit pas seulement de se détendre, de dormir (même s’il le faut ! on ne saurait trop le dire) ou de se changer les idées (et c’est souvent nécessaire !) : il y a plus dans le repos que l’inactivité ou le loisir. Il y a la contemplation : à l’image de Dieu, prendre un peu de recul pour admirer, pour contempler… non pas ce que j’ai fait ! mais ce que Dieu fait ! Le repos nous invite à lever les yeux au-dessus du guidon, pour voir la grande fresque du monde : Dieu règne aujourd’hui, il soutient sa création, il pourvoit – et même si j’arrête telle activité, le monde continue de tourner… Quel repos ! Tout ne repose pas sur mes épaules ! Dieu prend soin, il règne et ses projets se réalisent !

En contemplant ce que Dieu fait, ce que Dieu est, dans le repos, nous nous rappelons que Dieu est dieu, grand, libre, généreux, qu’il achève ce qu’il a commencé. Et dans le repos vécu avec Dieu, nous trouvons notre place. Créatures formées à son image, enfants de Dieu, d’abord créés pour nous réjouir de la présence de Dieu, nous sommes. Nous sommes aimés, avant de faire quoi que ce soit.

Et dans cette contemplation, une figure émerge : le Christ. Face à nos fautes, à nos révoltes, à nos manquements, Dieu vient nous offrir le pardon. En Christ, mort et ressuscité, Dieu pose sur nous un regard qui ne change pas et qui dit : « c’est bon ». Par l’offrande de sa vie et le sacrifice qu’est sa mort, Jésus nous délivre du besoin de prouver, de rentabiliser, de justifier notre vie. Oui, notre valeur est en Dieu, qui nous crée, nous aime, nous sauve !

Le salut en Christ va encore plus loin : nous ne sommes pas seulement libérés (de la condamnation, de la honte, de la culpabilité, de la peur ou du mal…) mais nous sommes invités ! Invités à entrer dans le repos et dans la joie du Roi, invités à la fête ! En Christ, mort et ressuscité, Dieu nous regarde et nous dit : « C’est très bon ! Je t’aime ! Viens t’asseoir à ma table… Viens travailler avec moi… Viens te reposer chez moi… tu es chez toi !»

Quel repos de trouver notre place ! quel repos de pouvoir nous appuyer sur les promesses et la puissance de Dieu ! Quel repos de trouver un sens – à nos œuvres, et à notre être ! Notre vie, travail et repos compris, valait pour Dieu la peine de livrer son Fils unique. Dieu ne pouvait pas envisager de ne pas passer l’éternité avec nous ! Quel amour ! Quelle assurance nous est donnée en Christ !

Ce repos-là, bien sûr que nous pouvons l’expérimenter un jour particulier – il est très sain de réserver un temps régulier pour le repos du corps et de l’esprit ! Mais je me demande si nous ne pouvons pas, d’une certaine manière, vivre tous les jours ce repos, comme un 7e jour qui ne s’arrête pas, même au travail ou dans les tâches qui sont les nôtres, même dans les luttes parfois : nous enraciner dans le repos de Dieu.

Simplement, le matin dans la voiture ou sous la douche : « Seigneur, aujourd’hui, je te remets cette journée, mes rencontres, mes ouvrages, mes paroles et mes pensées : que ma journée entre dans tes projets, que par moi ton règne avance. »

Ou dans une situation compliquée, ponctuelle ou permanente : « Seigneur, je reconnais que tu règnes et que tu m’aimes. Je choisis de me reposer sur toi. Je choisis de te faire confiance, à toi le Créateur et sauveur. »

Conclusion

Devant les rythmes effrénés, parfois stériles, de notre vie, la semaine de création invite à un repos salutaire. Pour trouver et protéger ce repos, nous avons sûrement besoin de nous discipliner… Mais le repos que Dieu nous invite à vivre en sa présence est plus profond : c’est le repos de la foi. Le repos de celui qui n’a rien à prouver, mais qui prend joyeusement sa place, avec d’autres, dans les projets de Dieu. Le repos de celui qui sait que Dieu œuvre, aujourd’hui, comme hier et comme demain, et que sa puissance dépasse nos défaillances. Le repos de celui qui trouve sa valeur, sa vie, en Dieu, par le Christ.