Jésus en premier

crcoix chemin

J’entends parfois l’expression : « ah c’est bien qu’il y ait des personnes à temps plein pour le Seigneur » – signifiant : qui soient pasteurs, missionnaires, évangélistes etc. Plus précisément, qui n’ont pas d’autre « métier ». Même si la vocation et l’engagement de ces personnes sont réels, que penser des autres chrétiens ? Les gens normaux : sont-ils à temps partiel pour le Seigneur ? En chacun d’entre nous (les chants le prouvent), il y a le désir de se consacrer pleinement à Dieu, de tout lui donner.

Voyons un peu ce qu’est la position de Jésus à ce sujet.

Lecture biblique : Evangile de Luc, 14.25-33.

25 Une foule de gens faisait route avec Jésus. Il se retourna et dit à tous: 

26 «Celui qui vient à moi doit [haïr] me faire passer avant son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et même sa propre personne. Sinon, il ne peut pas être mon disciple. 27 Celui qui ne porte pas sa croix pour me suivre ne peut pas être mon disciple. 

28 Si l’un de vous veut construire une tour, il s’assied d’abord pour calculer la dépense et voir s’il a assez d’argent pour achever le travail. 29 Autrement, s’il pose les fondations sans être en mesure d’achever la tour, tous ceux qui verront cela se mettront à rire de lui 30 en disant: “En voilà un qui a commencé de construire mais qui a été incapable d’achever le travail!”               

31 De même, si un roi veut partir en guerre contre un autre roi, il s’assied d’abord pour examiner s’il peut, avec 10 000 soldats, affronter son adversaire qui marche contre lui avec 20 000 soldats. 32 S’il ne le peut pas, il envoie des messagers à l’autre roi, pendant qu’il est encore loin, pour lui demander ses conditions de paix. 

33 Ainsi donc, ajouta Jésus, aucun de vous ne peut être mon disciple s’il ne renonce pas à tout ce qu’il possède.

 

Jésus avant tout

Les paroles de Jésus ici sont assez dures à entendre. « Celui qui veut me suivre doit me faire passer avant tout : avant ses possessions, avant ses proches, avant lui-même. » Dans certaines traductions plus littérales, on retrouve l’expression provocatrice que Jésus a employée à l’époque : « si quelqu’un vient à moi et ne déteste pas [ses proches], il ne peut pas être mon disciple. » Je vous rassure de suite, c’est bien le même Jésus qui nous invite à aimer les autres ou à prendre soin de nos parents. Il choisit une formule choc pour provoquer, mais derrière la provocation le sens demeure : Jésus veut la première place. Il veut des disciples  à temps plein, qui lui donnent tout – de A à Z.

Pour mieux comprendre ces paroles, Luc nous donne deux indices en introduction : 1) Jésus parle aux foules. Il ne s’adresse pas à ses disciples qui ont déjà fait des choix parfois drastiques pour le suivre, mais il se tourne vers la foule de ceux qui s’intéressent à lui, à ses messages et ses réflexions. Et il clarifie la situation : pour faire partie des proches de Jésus, des disciples, il faut faire un choix. Prendre une décision et se positionner clairement. Jésus ne veut pas de demi-mesure, de « like » façon facebook qui montre l’intérêt mais qui n’engage personne. Il ne veut pas de personnes qui achètent ses bouquins ou  écoutent ses conférences : il veut de l’engagement.

Les exemples qu’il donne viennent souligner le sérieux de la décision à prendre. Si vous voulez refaire votre cuisine, vous prévoyez un budget, vous comparez des devis, vous vérifiez que vous pourrez aller au bout de votre démarche – sinon vous vous retrouvez avec une demi-cuisine ?! Ici c’est pareil pour l’homme qui veut construire une tour. Pour le roi qui part en guerre, c’est la même prudence qui joue : il ne peut pas partir en guerre s’il n’a pas au moins une chance de gagner. Si les chances sont trop faibles, il vaut mieux suivre un plan B. Dans ces exemples, le manque de sérieux conduit à l’absurde ou à la mort.

Si on veut être disciple de Jésus – en d’autres mots, chrétien ! – il faut être sûr de sa décision. Comprendre ce qu’elle implique, la façon dont on va être engagé. Si c’est pour faire les choses à moitié, ce n’est pas la peine.

Vous allez me dire : on n’est jamais aussi sérieux et engagé avec Dieu qu’on le souhaiterait. Oui, c’est vrai ! Mais Jésus ne parle pas ici de nos erreurs de parcours, mais de notre motivation profonde : en invitant Jésus dans notre vie, est-ce qu’on est prêt à lui donner la place qu’il mérite ?

Mais comment Jésus peut-il demander la 1e place dans notre vie ? 2e indice : Jésus est en route. Nous savons qu’il va vers Jérusalem, où l’attendent ses opposants qui ont déjà essayé plusieurs fois de le tuer. Jésus sait qu’il va vers la mort. Il y va avec détermination, parce qu’il sait que quelqu’un doit payer pour ce qui tourne mal dans ce monde. Et devant Dieu, il est prêt à se sacrifier, pour nous. Par amour pour nous.

En fait, son chemin de renoncement remonte à plus loin : selon la Bible, Jésus n’est pas un homme ordinaire qui va mourir en martyr. C’est Dieu en personne, qui devient homme, solidaire des humains, pour porter le poids de nos culpabilités et de nos dérèglements. Pour cela, il renonce à sa position divine pour un temps : il renonce à son pouvoir (il se retrouve limité dans le corps d’un homme, certes plus fort que les autres, mais sans comparaison avec Dieu !), il renonce à sa dignité/ à sa gloire (en passant pour un homme ordinaire, puis, plus tard, en se faisant arrêter comme un malpropre, insulter, torturer, mettre à mort), et il renonce à sa justice (condamné à notre place). En mourant sur la croix, il renoncera même – brièvement mais avec une intensité qui a dû sembler éternelle – il renoncera même à sa communion avec Dieu, avec son Père, pour que nous n’ayons pas à subir les conséquences de notre séparation d’avec Dieu.

Je ne m’appesantis pas sur le fait de porter sa croix : Vincent en parlera la semaine prochaine.

Jésus, Dieu fait homme, fait passer Dieu avant tout, et l’amour de Dieu pour les hommes, avant tout : avant sa puissance, sa dignité, sa justice, sa joie. Et il demande que ses disciples le suivent sur le même chemin, avec le même état d’esprit : faire passer Dieu avant tout. Faire passer celui qui nous révèle Dieu et ne fait qu’un avec lui, avant tout.

Jésus en premier

A la foule indécise, Jésus demande de prendre clairement position par rapport à lui. Rappelons-nous que dans les premiers temps de l’Eglise, ceux qui s’associent à Jésus perdent leur travail, sont désavoués par leur famille, voire persécutés par l’Etat parce qu’ils ont changé de religion. Jésus est conscient des risques. Il ne nous prend pas en traître !

Dans de nombreux pays, encore aujourd’hui, les chrétiens sont persécutés : ils rencontrent mépris, rejet social, désaveu de leur famille, jusqu’à l’arrestation ou la mise à mort (par attentat ou par condamnation). S’engager en connaissance de cause permet de persévérer dans la foi malgré l’opposition.

Mais même sans persécution, suivre Jésus implique des choix parfois drastiques : changer de pratiques, de réseaux, de valeurs… pour être cohérent avec le projet de Dieu.

Est-ce que ça en vaut la peine ? Suivre le Christ a des répercussions extraordinaires sur notre vie : par lui, nous entrons en relation avec Dieu, dans la joie, la paix, la liberté. Nous recevons l’amour débordant de Dieu. Notre vie prend du sens, nous pouvons nous investir dans un projet éternel. Et puis nous vivons avec l’Etre le plus extraordinaire qui soit : certains amoureux sont prêts à tout donner (argent, changer de pays, changer de vie) pour leur bien-aimé(e), et ce n’est qu’un être humain. Quand il s’agit d’avoir Dieu dans sa vie, un Être au caractère incroyable et surprenant, créatif, plein d’amour, vraiment juste et bienfaisant, un Dieu magnifique qui ne cesse de nous émerveiller, le reste pâlit. Jésus sait qu’il nous conduit vers Dieu, qu’il nous conduit vers un trésor inégalé.

Mais ce trésor a un coût : pour Jésus, et pour nous. Lui a tout donné. Nous devons faire de la place pour recevoir ce trésor de la vie avec Dieu. Si vous avez un appartement avec la 2e chambre encombrée de cartons et de vieux meubles, le jour où vous attendez un enfant, vous videz tout pour lui faire de la place, non ? Vous refaites la chambre à neuf ! Vous faites de la place et des efforts, bien petits par rapport à l’enfant qui arrive.

Le coût est visible et élevé dans les contextes où les chrétiens sont rejetés. Mais même nous, qui n’encourons pas forcément les mêmes risques, Jésus nous remet en question. Même nous, disciples de longue date, qui est notre priorité ? Qui a la première place ? Est-ce que c’est Dieu, à travers Jésus, ou est-ce que c’est autre chose ? C’est une question qu’il faut se poser au début de la vie chrétienne, mais aussi, régulièrement, pour faire le point.

Nos biens, nos proches, et même nous, nous ne sommes pas censés avoir la première place dans notre vie. Mais faire passer Dieu avant ses biens paraît puéril et déraisonnable ; avant ses proches, cruel ; et avant soi – suicidaire. Certes, ces choses, ces relations, ces soucis, sont bons en soi. Mais pas pour être au centre. Une image de construction encore : pour construire une maison, vous devez poser des fondations. Si vous n’en mettez pas, la maison sera bancale. Nous avons tous quelque chose en fondation, la question c’est : quoi ? Est-ce qu’on met une porte ? Un mur de placo ? un tableau ? un lit ? Une baignoire ? Toutes ces choses sont importantes et bonnes, juste, elles ne sont pas faites pour être au fondement de notre maison.

Qu’est-ce qui arrive quand on fonde notre vie/ notre identité sur de mauvais fondements ? Imaginez…

  • l’argent à la première place conduit à l’avarice, corruption, vol, tromperie…
  • l’addiction au travail ou aux études : on en arrive parfois à négliger santé, famille, équilibre
  • les loisirs à tout prix (aujourd’hui) : difficile de se reposer, de garder du temps pour l’essentiel, entre netflix et week-ends par-ci par-là
  • soi-même : égoïsme et égocentrisme sont au rendez-vous
  • quand les parents gardent la première place : difficile de créer un nouveau foyer, de se lancer dans une famille, une nouvelle aventure
  • quand le conjoint est au centre : rien d’autre n’existe, les relations autres en pâtissent, on peut se perdre soi-même
  • et les enfants… auront peut-être du mal à perdre leur envol si leurs parents n’ont vécu que pour eux. ils sentiront une culpabilité à vivre leur vie. ou on voit des enfants surprotégés incapables de s’aventurer dans el monde par eux-mêmes, ou encore des enfants qui toute leur vie chercheront à prouver quelque chose à leurs parents.

On sent bien que dans tous ces cas, la priorité est mal placée et conduit à des déséquilibres, même avec de bonnes intentions !

Suivre Jésus nous permet d’entrer en relation avec Dieu. Et cela va bousculer notre relation à nous-mêmes et au monde qui nous entoure. Suivre Jésus, c’est définir son identité autrement : je ne suis plus… fille, épouse, pasteur, passionnée de lecture, méditerranéenne – je suis fille de Dieu ! Le reste demeure, mais ce n’est plus le fondement de ma vie. La maison retrouve son équilibre : le fondement, c’est notre relation avec ce Dieu extraordinaire. Et tout le reste de la maison tient mieux quand les fondations sont les bonnes. Plus nous sommes bien équilibrés, posés sur un fondement solide, plus il sera facile de se lancer dans des choses nouvelles, de prendre des risques, de donner/ s’investir librement & généreusement. Au contraire, quand vous posez votre fondement sur quelque chose d’instable, au moindre mouvement, c’est la chute.

Certes, l’équilibre n’est jamais acquis, mais le chemin vers cet équilibre, Jésus l’indique.

C’est contre-intuitif, mais renverser la perspective en mettant Jésus au centre est le seul moyen pour vivre pleinement la vie de Dieu. Et même, pour vivre pleinement ces bonnes choses qui font la matière de notre quotidien. Car alors nous ne faisons plus porter le poids du sens de notre vie sur telle personne ou telle activité – que se passera-t-il quand cette personne partira, nous décevra, mourra ? quand nous perdrons cette activité ?… – Le seul fondement éternel, c’est Dieu, et c’est sur lui que Jésus nous appelle à fonder notre vie.

Juste l’exemple d’une amie : elle a récemment assumé sa foi alors que sa famille ne croit pas, et son jeune ado lui a demandé : «  Maman, qui tu aimes le plus maintenant, Jésus ou moi ? » Difficile de répondre…:/ En panique, elle a trouvé une réponse qui révèle une vérité qu’elle n’imaginait pas à ce moment-là : « Mon chéri, plus j’aime Jésus, et mieux je t’aime. »

Quand nous mettons Jésus, Dieu, ses projets, au centre de notre vie, ça ressemble à un renoncement et ça peut l’être dans certains cas. Mais c’est aussi la voie pour une vie vraiment abondante. Jésus réclame pour lui, pour Dieu, la première place : parce qu’il sait que nous avons été créés d’abord pour être en relation avec ce Dieu qui nous aime et nous désire dans sa vie.

 

Prière : seigneur tu sais à quoi nous sommes attachés. trop attachés. Tu sais sur quoi nous fondons notre identité, par quels désirs nous orientons notre vie. Mais nous avons soif de la vraie vie, la tienne. Viens nous aider à te mettre au centre.

[Pour aller plus loin : Le Grand Divorce, de C. S. Lewis].




Pourquoi choisir la sagesse?

Rappelez-vous… Dès notre plus jeune âge, on nous a demandé d’être sages. Et c’est ce qu’on continue de demander aux enfants ! Là où l’instinct nous donnait envie de courir, il fallait rester assis pendant 4h. Là où on avait très envie d’une glace, on s’entendait répondre : il est 19h, il ne faut pas gâter ton appétit. Et même en grandissant, nos rêves, nos projets, rencontrent trop souvent la mine dubitative de notre interlocuteur : « oui, ce que tu dis est intéressant, mais… est-ce réaliste ? est-ce approprié vu la situation ? est-ce bien sage ? » Au final, d’expérience, la sagesse semble s’opposer à ce qui nous donne joie, espoir, plaisir.

Pourtant, nous désirons la sagesse. Peut-être pas avec ce mot-là, précisément, mais nous avons soif d’une vie équilibrée, assurée, bonne. Il n’y a qu’à voir le succès des livres de développement personnel sur tous les domaines de la vie, les blogs, et toutes ces belles petites phrases qu’on affiche sur les réseaux sociaux. Certains ont même un désir ardent de trouver le principe de vie qui fera que « ça marche » (pour soi, et/ou pour les autres). On voit par exemple l’engouement pour l’écologie ou la justice sociale notamment chez les jeunes.

Pour beaucoup, la relation à la sagesse est ambivalente, un « je t’aime moi non plus » : oui, on la désire, car une vie sans principe nous laisse vides et blessés. Pourtant, au moment de choisir la sagesse, il y a ce mouvement de recul, comme si dire « oui » à la sagesse, c’était dire « non » à nos intuitions, notre plaisir, nos rêves. C’est même un des ressorts de la tentation : on sait que telle option est mauvaise, mais sur le moment, la bonne voie paraît terne, insipide, frustrante. Ou simplement impossible.

Dans la Bible résonne largement l’appel à être sage, à choisir la sagesse. Notamment dans le livre des Proverbes, qui regorge de conseils pour vivre une bonne vie. Mais avant d’en venir aux conseils, le livre contient une longue introduction qui encourage le lecteur à préférer la sagesse à la folie, en les présentant comme deux femmes entre lesquelles il faut choisir. C’est une image bien sûr ! Je vous propose de lire la description que la Sagesse fait d’elle-même, qui répond entre autres à notre ambivalence.

Lecture biblique Pr 8.22-32 – Bible du Semeur

22 L’Eternel m’a donné naissance |tout au début de son activité

et avant d’entreprendre |les plus anciennes de ses œuvres.

23 Oui j’ai été formée |dès les temps éternels,

bien avant que la terre fût créée.

24 J’ai été enfantée |avant que l’océan existe

et avant que les sources |aient fait jaillir |leurs eaux surabondantes.

25 Avant que les montagnes |aient été établies,

avant que les collines |soient apparues, |j’ai été enfantée.

26 Dieu n’avait pas encore |formé la terre et les campagnes

ni le premier grain de poussière |de l’univers.

27 Moi, j’étais déjà là |quand il fixa le ciel

et qu’il traça un cercle |autour de la surface |du grand abîme.        

28 Et quand il condensa |les nuages d’en haut,

quand il fit jaillir avec force |les sources de l’abîme,

29 et quand il assigna |à la mer des limites

pour que ses eaux |ne les franchissent pas,

quand il détermina |les fondements du monde,

30 je me tenais |bien fermement à ses côtés, me livrant sans cesse aux délices,

et jouant en tout temps | en sa présence.

31 Je jouais sur sa terre |dans le monde habité,

et trouvais mes délices |dans les êtres humains.

32 Maintenant donc, mes fils, |écoutez-moi :

heureux tous ceux qui suivent |les voies que je prescris !

1/ Une autre vision de la sagesse

a/ Une sagesse qui vient de Dieu.

Première affirmation : la sagesse vient de Dieu. La sagesse existe avant nous – le texte insiste suffisamment ! Dans son autoportrait, la sagesse n’hésite pas à évoquer le grand récit de la création qu’on trouve au début de la Bible (Genèse 1) : avant tout, avant la 1e poussière et la 1e étincelle, elle était là, près de Dieu, architecte du monde à venir.

La conséquence, c’est que la sagesse ne naît pas parmi les hommes : ce n’est pas un ensemble de règles culturelles à respecter, ni une éducation, et pas non plus le fruit d’une longue expérience. D’ailleurs, ce n’est pas parce qu’on est âgé qu’on est sage ! Dans sa première excursion de retraités, ma mère a eu l’impression de se retrouver en maternelle tant les gens se chamaillaient pour des bêtises ! On le sait, la sagesse ne vient pas automatiquement. Quant aux règles de notre enfance, toutes ne nous aident pas à avancer dans la vie.

La sagesse de Dieu préside à la création du monde, elle y laisse son empreinte (que les scientifiques par exemple nous aident à mieux voir). Du coup, ce n’est pas un concept flou, un mix des leçons tirées de l’expérience ou des petites phrases entendues ici et là, c’est plutôt une réalité, unique, à trouver, à accueillir, à s’approprier.

b/ Une sagesse joueuse

En passant, le texte en profite pour corriger notre vision de la sagesse. Loin du ton austère et sermonneur d’un vieux chef de clan, loin de la voix douce et égale d’une prof de yoga, la sagesse est aux pieds de Dieu, sur le sol du monde, en train de jouer [diapo]. En train de se régaler (je me livrais aux délices). Cette vision de la sagesse est tellement décalée, qu’elle ne peut qu’être inspirée par Dieu lui-même ! La sagesse joue, s’amuse, elle est délicieuse. Et si vous lisez la suite des Proverbes, vous verrez que la vérité est souvent assaisonnée d’humour. La sagesse ne frustre pas la vie, elle la crée ! Elle la porte ! Elle la fait pétiller !

Joueuse et joyeuse, vivante et vivifiante, dynamique, la sagesse a du caractère ! Et de l’amour : elle fait de l’humanité son plaisir, son projet, sa joie, et elle cherche activement une intimité avec les humains.

c/ Une sagesse à l’image de Dieu

Bien sûr, cette présentation de la Sagesse comme une personne est un artifice littéraire.  La sagesse, c’est d’abord une caractéristique de Dieu lui-même [diapo] : comme lui, elle est préexistante, ordonnée, elle fait vivre. Pourtant, le texte donne l’impression qu’il y a plus. Même certains commentateurs juifs de l’Antiquité disaient qu’il ne fallait pas mettre ce texte entre toutes les mains car on y trouvait des indices de l’intimité de Dieu, une intimité qui nous échappe.

Avec les développements du christianisme, la venue de Jésus parmi les hommes et le don de l’esprit aux croyants, la réflexion s’est précisée. Et plusieurs théologiens se sont demandé si cette sagesse ne pourrait pas évoquer de loin une des personnes de la Trinité : à côté de Dieu le Père, soit le Fils soit l’Esprit.

Si on regarde les textes du Nouveau Testament, on voit que les apôtres Jean et Paul ont très clairement identifié la Sagesse à Dieu le Fils devenu homme, appelé Jésus.

Au commencement, la Parole* existait déjà. La Parole était avec Dieu et la Parole était Dieu. Au commencement, la Parole était avec Dieu. Par elle, Dieu a fait toutes choses et il n’a rien fait sans elle. En elle, il y a la vie, et la vie est la lumière des êtres humains. (Jean 1.1-4)

* Parole ici, traduit le mot Logos en grec (qui a donné « logique ») et qui évoque la parole qui sait, qui s’exprime avec intelligence et sens – c’est le mot grec que Jean trouvait le plus proche de l’idée de la Sagesse.

Le Christ est l’image du Dieu qu’on ne peut voir. Il est le Fils premier-né au-dessus de toutes les choses créées. En effet, c’est en lui que Dieu a tout créé dans les cieux et sur la terre. (Colossiens 1.15-16)

Dans ces deux textes, on sent que Proverbes 8 n’est pas très loin.

Évidemment, la sagesse est présente en Dieu tout entier, Père Fils et Saint Esprit. Mais c’est peut-être Jésus qui nous révèle davantage la sagesse divine. Pour faire une comparaison : quand des parents donnent à manger à leurs enfants, même un seul des deux a cuisiné, les deux ont œuvré pour que les enfants soient nourris (par leur travail, les courses, la cuisine, la vaisselle etc.). Mais celui des deux qui cuisine incarne pour les enfants celui qui nourrit.

Jésus, incarnation de la sagesse divine. J’ai rencontré l’an dernier un pasteur qui racontait sa conversion en deux temps. Vers 18 ans, pour décourager un collègue dont il trouvait la foi naïve, cet homme s’est mis à lire les Evangiles, la vie de Jésus. Il a été percuté par la sagesse du Christ, et – sans croire – il s’est plongé dans les Evangiles jusqu’à les connaître presque par cœur. Quand il y avait un souci à régler au travail, dans l’équipe, il se demandait : qu’est-ce qu’il ferait Jésus ? Et il cherchait dans les Evangiles. Plus d’un an après, il a pris conscience que si Jésus disait vrai sur l’homme, alors il disait sûrement aussi la vérité quand il parlait de lui-même comme sauveur, et il a fait le pas de la foi.

Au-delà de la sagesse reconnue de Jésus, le croyant voit en lui le comble de la sagesse de Dieu : une sagesse qui n’est pas de notre monde. Lorsque les humains peinent à se tourner vers Dieu, c’est Dieu lui-même qui devient un homme pour les rejoindre. Encore plus, il vient subir les conséquences de toutes les offenses, les injustices, les coups que nous avons portés à Dieu. C’est bien le Christ qui révèle un Dieu prêt à tout pour nous permettre de vivre avec lui, dans les délices de sa présence.

2/ Choisir la vie 

Il n’y a pas vraiment de suspense… Le but de ce texte, c’est de nous inviter à choisir la sagesse. Vous vous doutiez bien que je n’allais pas conclure le contraire ! Mais avec quelle représentation de la sagesse ? Et surtout, derrière cette représentation, quelle motivation ?

Fondamentalement, dans la Bible, il ne s’agit pas de se conformer à un code social pour ne pas faire de vagues (que ce soit à l’église, en famille, dans notre équipe, avec les copains du collège…). Ni pour faire plaisir à nos parents et obtenir leur approbation (qui sont peut-être eux-mêmes à l’église). Ni non plus par peur de Dieu et de son regard sur nous, comme s’il guettait notre prochaine chute pour pouvoir nous dire : [agiter index] « je te l’avais dit ! ». La sagesse n’est pas là pour nous brimer, nous frustrer, nous sermonner. Elle n’est pas là pour nous faire rentrer dans un conformisme.

Dans ce texte, la sagesse a les yeux qui pétillent de joie et de grâce. Les principes qu’elle propose, c’est le mode d’emploi du monde, celui qui permet de vivre vraiment. Avec un nouvel appareil d’électroménager par exemple, on a tous pesté de ne pas avoir le mode d’emploi dans un vrai français… Le mode d’emploi donne un cadre, oui, des principes, mais c’est pour optimiser l’utilisation, pas pour la rendre désagréable.

En cette rentrée, après la pause de l’été, alors que les activités et les défis reviennent, ce texte nous invite à rechercher toujours plus la sagesse de Dieu. Même quand la démarche de sagesse nous paraît difficile ou contre-intuitive, rappelons-nous que nous n’avons pas à nous en méfier : c’est la sagesse qu’incarne le Christ, une sagesse bonne et belle, réfléchie et joyeuse, une sagesse pleine de grâce qui n’a qu’un but – que nous puissions vivre vraiment, en partageant les délices de Dieu.

Prière : ta sagesse est la vérité, conduis-nous toujours dans la vérité de ta sagesse. Que ta parole donne sens à notre vie – aide-nous à la désirer et à nous en emparer.




Les prières les plus courtes peuvent être les meilleures !

Je vous propose de commencer par un petit quiz…

Connaissez-vous le verset le plus court de la Bible ?
Jean 11.35 : « Jésus pleura »

Et le plus long ?
Esther 8.9 : « Le même jour, le troisième mois, ou mois de Sivan, le 23 du mois, on réunit les secrétaires du roi. Selon les ordres de Mardochée, ils écrivent des lettres. Ils les envoient aux Juifs, aux représentants du roi, aux gouverneurs et aux fonctionnaires importants des 127 provinces du royaume, qui s’étend de l’Inde jusqu’à l’Éthiopie. Ils écrivent ces lettres avec l’écriture des habitants de chaque province et dans la langue de chaque peuple. Ils les écrivent aussi dans la langue des Juifs avec leur écriture. »

Certes, la numérotation en chapitres et versets est un ajout tardif dans la Bible, des repères qui ont été intégrés dans le texte biblique pour nous aider à nous repérer. Mais il y a bien dans la Bible des livres plus ou moins longs… Ainsi par exemple quel est le prophète dont le livre est le plus long ? Esaïe, avec 66 chapitres. Et le plus court ? Abdias, un seul chapitre qui tient sur une page de la Bible.

Au-delà du quiz, cela témoigne de la diversité de la Bible, c’est une indice de sa richesse. Elle contient aussi bien une longue épître en forme d’exposé théologique structuré et complet comme l’épître aux Romains, ou l’épître aux Hébreux, qu’une petite lettre personnelle de quelques lignes adressée à un certain Philémon à propos d’un de ses ex-esclaves devenu chrétien.

La même diversité se retrouve dans les Psaumes. Quel est le psaume le plus long ? Le psaume 119 avec ses 176 versets. Il faut près d’un quart d’heure pour le lire en entier à haute voix ! C’est un psaume très structuré : ce qu’on appelle un psaume alphabétique (chaque strophe de 8 versets commence par la même lettre de l’alphabet). Il décline toutes les facettes de la richesse de la Parole de Dieu. C’est une belle façon de dire qu’on ne fait jamais le tour de cette Parole, et que de nouvelles richesses se révèlent toujours à nous.

Et puis quel est le psaume le plus court ? Le psaume 117. Il ne fait que deux versets… C’est sur celui-là que je vous propose de nous arrêter ce matin :

1 Pays du monde entier, chantez la louange du SEIGNEUR !
Tous les peuples, chantez la grandeur de Dieu !
2 Oui, son amour envers nous est le plus fort.
La fidélité du SEIGNEUR est pour toujours.
Chantez la louange du SEIGNEUR !

De la longueur des prières…

Un psaume, c’est d’abord une prière. Et dans le recueil des 150 psaumes de la Bible, on y trouve des prières de toutes sortes, abordant des sujets nombreux, avec une grande variété de couleurs et de tons utilisés, et une longueur très variable. C’est d’une richesse incroyable.

Une première leçon que l’on peut tirer de la présence d’un psaume si court dans la Bible est que les prières les plus courtes peuvent aussi être les meilleures… En tout cas, qu’il n’y a pas besoin de longues prières compliquées pour qu’elles soient entendues par Dieu, que ce soit dans la prière communautaire ou dans la prière personnelle.

Il faut le reconnaître : certaines personnes ont un don pour la prière communautaire. Leur prière à haute voix est une source d’encouragement et d’édification. C’est une vraie richesse pour une Eglise !

Mais je ne pense pas forcément ici à ceux qui utilisent les mots les plus compliqués ou qui citent le plus de versets bibliques dans leurs prières ! D’ailleurs, on est en droit de se demander, parfois, pour qui certaines personnes prient. Par qui veulent-ils être entendu ? C’est ce que Jésus dénonce quand il parle des hypocrites qui prient dans les synagogues ou au coin des rues pour que tout le monde les voie (cf. Matthieu 6.5).

On dit parfois de certaines personnes qu’elles s’écoutent parler. Eh bien je crois qu’il y a aussi le risque, pour certains croyants, de s’écouter prier… et de vouloir que les autres les écoute.

Sans compter qu’il y a parfois des croyants qui, dans leurs prières publiques, déballent leur vie privée ou, pire, règlent leurs comptes avec des gens présents autour d’eux (j’en ai déjà entendu)…

Mais heureusement, à l’inverse, il y a aussi des prières toutes simples, très courtes, parfois même constituées d’une seule phrase, mais qui vont droit au cœur… Elles sont humbles, authentiques, profondes. Et Dieu prend plaisir à de telles prières. Bien plus qu’à celles de ceux qui s’écoutent prier…

Alors oui, pas de doute : les prières les plus courtes peuvent parfois être les meilleures…

Pour une prière universelle

Si on s’arrête maintenant au contenu du Psaume 117, on constate qu’il est comme un condensé de psaume, centré sur la louange. Il va à l’essentiel.

Le Psaume commence par une invitation universelle, adressée aux pays du monde entier et à tous les peuples, une invitation à louer le Seigneur. On se situe ici entre la promesse universelle faite à Abraham et la promesse de la vision de Jean dans l’Apocalypse :

Genèse 12.3
A travers toi, je bénirai toutes les familles de la terre.

Apocalypse 7.9
Je vois une très grande foule : ce sont des gens de tous les pays, de toutes les tribus, de tous les peuples et de toutes les langues. Personne ne peut les compter. Ils sont debout devant le siège du roi et devant l’Agneau. Ils portent des vêtements blancs et ils tiennent une palme à la main.

Ce petit psaume nous invite à travailler la dimension universelle de notre prière ! Même s’il est légitime d’adresser des demandes personnelles à Dieu dans la prière, il nous faut aussi sortir d’une prière égocentrée, où on ne prie que pour soi, pour ses problèmes, ses besoins, ses attentes.

La prière doit nous ouvrir sur les autres, sur le monde. C’est Karl Barth, le célèbre théologien suisse, qui disait que pour le croyant « la journée doit commencer avec une Bible dans une main et le journal dans l’autre. » Voilà qui devrait inspirer notre prière et lui donner un véritable caractère universel. Notre prière doit se nourrir de la Bible et du journal (ou de votre tablette). Il faut qu’elle cultive une dimension universelle. Et ça doit être vrai autant de la prière personnelle que de la prière communautaire.

Alors peut-être aurons-nous à faire un effort, pour décentrer un peu notre prière, pour plus l’ouvrir sur le monde. En sachant que le monde commence avec notre prochain, notre voisin…

Compter sur l’amour et la fidélité de Dieu

Le verset 2 évoque la raison principale de la louange, résumée en deux mots complémentaires appliqués à Dieu : l’amour et la fidélité.

Le psalmiste l’affirme : « Oui, son amour envers nous est le plus fort. ». Le verbe utilisé ici se trouve ailleurs dans la Bible. Par exemple, dans une bataille, il désigne le camp qui prend le dessus sur l’autre : « Quand Moïse lève son bras, les Israélites sont les plus forts. Mais quand il le laisse retomber, les Amalécites sont les plus forts. » (Exode 17.11). Le même verbe évoque les eaux du Déluge qui dépassent les plus hautes montagnes (cf. Genèse 7.18-20)

Notre psaume affirme que l’amour de Dieu nous dépasse, qu’il est le plus fort. L’expression évoque une situation de conflit ou de lutte. Car il y a de nombreuses forces dans notre vie qui essayent de contrecarrer l’amour de Dieu. Mais l’amour de Dieu est plus fort. Plus fort que nos adversaires. Plus fort que nos tentations et nos épreuves. Plus fort que nous-mêmes et nos faiblesses.

Quant à la fidélité de Dieu, elle est pour toujours. Elle n’est pas conditionnelle, limitée dans le temps ou incertaine. On peut compter sur elle.

On pourrait se demander si ce message n’est pas idéaliste, peu conforme à la réalité. Car parfois, l’épreuve semble nous submerger, notre foi vacille, le mal semble triompher, la réponse de Dieu semble tarder et son silence s’installer durablement…
Mais justement, ce psaume nous invite à percevoir l’amour de Dieu comme un combat, et mesurer la fidélité de Dieu à l’aune de l’éternité. La prière est le lieu de ce combat. On y apprend la patience et la persévérance. Et on peut y expérimenter cette espérance : oui, l’amour de Dieu est le plus fort !

Conclusion

Finalement, que nous apprend ce psaume sur la prière ?

  • Que ce n’est pas la longueur ou la complexité de la prière qui en fait sa valeur.
  • Qu’elle doit nous ouvrir sur le monde, à une dimension universelle
  • Qu’elle est le lieu où on expérimente que l’amour de Dieu est le plus fort et où on apprend la patience et la persévérance.

C’est quand même pas mal pour un psaume qui ne fait que deux versets !




Doutes et foi

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En tant que chrétiens, nous croyons que nous sommes sauvés à cause de l’amour de Dieu, et que nous avons simplement à croire que Jésus a fait le nécessaire pour que notre passé ne soit plus un obstacle entre Dieu et nous. La foi est au cœur de notre rencontre avec Dieu, dès le début, mais aussi tout au long de la vie du croyant dans sa relation avec Dieu. Mais comment nous représentons-nous cette foi ? Qu’est-ce qui la caractérise ? Qu’est-ce qui est incompatible ? Qu’est-ce qui nous fait dire de quelqu’un : « ah… lui/elle, quelle foi il a ! » ?

Je vous invite à nous tourner vers la rencontre entre Dieu et un grand croyant s’il en est, Abraham. Ou plutôt, sa femme, Sara. Je vais lire le récit de cette rencontre, mais c’est surtout sur la fin que nous nous attarderons.

            Lecture biblique : Genèse 18.1-15 (version Bible en Français Courant)

1 Le Seigneur apparut à Abraham près des chênes de Mamré. Abraham était assis à l’entrée de sa tente à l’heure la plus chaude de la journée. 2 Soudain il vit trois hommes qui se tenaient non loin de lui. De l’entrée de la tente, il se précipita à leur rencontre et s’inclina jusqu’à terre. 3 Il dit à l’un d’eux : « Je t’en prie, fais-moi la faveur de t’arrêter chez moi. 4 On va apporter un peu d’eau pour vous laver les pieds et vous vous reposerez sous cet arbre. 5 Je vous servirai quelque chose à manger pour que vous repreniez des forces, puis vous continuerez votre chemin. Ainsi vous ne serez pas passés pour rien près de chez moi. » Les visiteurs répondirent : « Bien ! Fais ce que tu viens de dire. » 

6 Alors Abraham retourna en toute hâte dans la tente pour dire à Sara : « Vite ! Prends trois grandes mesures de fine farine et fais des galettes. » 7 Ensuite il courut vers le troupeau, choisit un veau tendre et gras. Il le remit à son serviteur, qui se dépêcha de le préparer. 8 Quand la viande fut prête, Abraham la plaça devant ses visiteurs avec du lait caillé et du lait frais. Ils mangèrent tandis qu’Abraham se tenait debout près d’eux sous l’arbre. 

9 Ils lui demandèrent : « Où est ta femme Sara ? » — « Dans la tente », répondit-il. 10 L’un des visiteurs déclara : « Je reviendrai chez toi l’an prochain à la même époque, et ta femme Sara aura un fils. » Sara se trouvait à l’entrée de la tente, derrière Abraham et elle écoutait. 11-12 Elle se mit à rire en elle-même, car Abraham et elle étaient déjà vieux et elle avait passé l’âge d’avoir des enfants. Elle se disait donc : « Maintenant je suis usée et mon mari est un vieillard ; le temps du plaisir est passé. » 13 Le Seigneur demanda alors à Abraham : « Pourquoi Sara a-t-elle ri ? Pourquoi se dit-elle : “C’est impossible, je suis trop vieille pour avoir un enfant” ? 14 Y a-t-il donc quelque chose que le Seigneur soit incapable de réaliser ? Quand je reviendrai chez toi l’an prochain à la même époque, Sara aura un fils. » 

15 Effrayée, Sara nia : « Je n’ai pas ri », dit-elle. « Si, tu as ri ! » répliqua le Seigneur.

 

Une des choses que j’aime tant avec la Bible, et notamment dans sa première partie, l’Ancien Testament, c’est que les personnes que nous y rencontrons sont bien humaines, avec leur grandeur et leur fragilité. Ce ne sont pas des héros, lisses et sans failles.

Dans ce texte, c’est Dieu qui vient à la rencontre d’Abraham – à son insu. Il ressemble à un homme et Abraham va deviner peu à peu que ces trois personnages sont mystérieux.

Abraham se laisse déranger et montre sa grandeur : il déploie une générosité impressionnante, toute orientale, en faisant préparer 21 kg de farine et un veau gras… pour 4 ! Sans le savoir, Abraham se comporte en fait de façon appropriée devant Dieu : il lui offre le meilleur, se prosterne devant lui, le considère comme une bénédiction… Même si l’hospitalité d’Abraham est inspirante, j’aimerais me concentrer sur Sara.

Comme on aborde souvent les sujets sensibles au café, la discussion surgit quand le repas est terminé. Presque 25 ans plus tôt, Dieu avait promis un fils à Abraham, de qui naîtrait un peuple au destin particulier. Depuis, rien. Abraham & Sara sont toujours sans enfant. Sara a fini par prendre les choses en main et a eu recours à un genre de mère porteuse. Mais Dieu n’a pas reconnu cet enfant comme le fils qu’il avait promis : il a bien l’intention de faire des miracles et de faire naître un enfant chez Sara, l’épouse stérile d’Abraham. Dans le chapitre précédant (ch. 17), Dieu réaffirme son alliance avec Abraham et son engagement à faire naître en Sara un héritier. Ici, Dieu prend la peine de contacter Sara, la future mère : en respectant les codes sociaux, il s’adresse à cette femme mariée par l’intermédiaire de son mari. Devant cette promesse, elle rit – Abraham avait ri lui aussi, et c’est ce qui lance un échange très intéressant avec Dieu.

1/ La situation de Sara

Celui qui raconte l’histoire prend la peine de nous rappeler la situation : non seulement Sara & Abraham sont stériles, mais en plus, maintenant, il y a l’âge. Comme toute femme ménopausée, Sara ne peut plus enfanter. Le texte porte un regard réaliste sur ce que Sara vit, et on sent tout son découragement. Depuis des années, l’absence d’enfant. L’espoir déçu mois après mois. Et les premiers symptômes de la ménopause, les bouffées de chaleur, les changements dans son corps, comme autant de signes qui disent que si Abraham a un fils, il ne sera pas d’elle… le rire de Sara est un rire jaune, non par mépris de Dieu, mais par manque d’espérance. Elle n’a simplement plus la force d’y croire.

Sara subit de plein fouet le drame de la stérilité, et de l’âge. Elle se sent vieille, sans avenir, comme si plus rien de bon ne pouvait lui arriver. On le sait, à partir d’un certain âge, les facultés diminuent, l’énergie, les forces – j’ai souvent entendu : « à quoi je sers ? je suis bon à rien, inutile, je ne peux plus rien donner ou ce que j’ai à offrir, personne n’en veut… » En particulier dans une société qui adule la jeunesse, les difficultés de la vieillesse sont perçues encore plus comme un fardeau dont on aimerait se débarrasser.

Cette description de Sara nous montre qu’il y a une place devant Dieu pour poser ce qui nous paraît insurmontable, que ce soit la stérilité, la maladie, l’âge, le deuil… Il y a une place pour le réalisme.

2/ les doutes

Et ce réalisme parfois nous fait douter, comme c’est le cas chez Sara. Chez d’autres aussi : voyez Marie, la mère de Jésus. Quand l’ange lui annonce à elle, une jeune femme vierge, à peine fiancée, qu’elle va être enceinte, elle répond avec une question : « mais comment cela se fera-t-il ? je n’ai pas de relation sexuelle avec un homme » dit-elle. Lorsque l’ange lui explique, succinctement, que c’est Dieu qui va faire le travail, Marie se lance dans l’aventure.

Dans notre vie avec Dieu, nous aurons du mal à échapper au doute. Certains choisissent le déni (mais non tout va bien), ils avancent en marche forcée, grand sourire, réponse à tout – mais la peine est réelle, et souvent à force d’avancer ainsi, ils finissent par s’écrouler. Je me souviens d’une femme, mûre, croyante depuis longtemps, très engagée dans une église, qui m’avait dit : « j’ai l’impression de me poser des questions que personne ne se pose. » Sceptique, je lui demandai ce que c’était ; elle me répond : « la question du mal dans le monde, de la violence, du handicap. Que penser de l’homosexualité ? etc. » et je me suis dit : elle n’est sûrement pas seule à être interpellée par ces situations ! Pourtant, nous présentons un visage bien respectable au culte, et quand la question se pose, nous répondons sans attendre avec la bonne proposition. Le doute ne vient pas forcément de ce que nous, nous vivons. Ca peut venir aussi de ce que nous voyons à l’extérieur.

A l’inverse, d’autres se laissent submerger par les difficultés de leur situation et perdent espoir. Ce qu’ils vivent paraît insurmontable, et même s’ils ne l’avouent pas forcément, ils finissent par penser que même Dieu ne peut rien y faire.

Malheureusement, dans les deux cas, chez le super croyant que tout le monde admire ou le super pessimiste, Dieu n’est pas invité dans la situation. C’est comme une pièce dont on fermerait la porte à double tour : les uns s’efforcent de l’ignorer (ils vont même repeindre la porte de la même couleur que le couloir comme ça on ne la voit pas), mais les autres ont accroché un grand panneau « interdit d’entrer ». Comme une alternative : soit on enterre ses doutes (et notre relation avec Dieu perd de son authenticité), soit on laisse les doutes nous enterrer dans la peur et l’amertume (et la relation avec Dieu devient partielle – il y a certains sujets qu’on exclut de la conversation, comme ces sujets tabous qui peuvent rendre certains repas de famille un peu gênants).

Il y a une troisième voie : simplement confier à Dieu nos doutes. Poser nos questions, comme Marie. Nos doutes peuvent devenir des occasions de parler avec Dieu : les psaumes, les Lamentations de Jérémie, le livre de Job en sont des exemples. Devant la violence de ce qu’ils vivaient, ces croyants-là ont osé interpeller Dieu, et nous pouvons suivre leur exemple. Ils ont ouvert ces portes verrouillées pour inviter Dieu dans leur situation – et Dieu leur a répondu. Il n’a pas forcément tout résolu, mais il s’est montré et il a répondu. Notre Dieu n’est pas un Dieu de qui il faut se cacher : Sara, effrayée, nie son rire, nie ses doutes. Mais Dieu termine la conversation en l’invitant à assumer ses questionnements – sûrement pour mieux les lui confier. Il y a des doutes qui nous coupent de Dieu, mais il y a aussi des doutes qui vont approfondir notre foi : tout dépend si on les laisse nous éloigner ou nous rapprocher de Dieu.

Personnellement, j’ai traversé il y a quelques années une grosse période de doute, sur ma vie et ma foi. Cela a été très dur, tout était remis en question, et dans un moment de désespoir, j’ai pu dire à Dieu (sans être trop sûre qu’il m’écoutait): “si tu es là, montre-toi! tu vois toutes mes questions, réponds-moi!” Et Dieu a répondu, pas de la manière que j’imaginais mais avec grande force. Je suis sortie de cette période avec une foi grandie, renforcée, fondée.

La foi ne consiste pas à éviter ou à faire taire nos doutes, dans un sens ou dans l’autre, mais à les surmonter en les confiant à Dieu.

3/ la réaction de Dieu

Revenons sur la surprise de Dieu devant la réaction de Sara. Ce n’est pas sa souffrance qui l’étonne, c’est qu’elle se ferme à lui. A sa puissance, à sa présence. Et il répond – avec quelle douceur et quelle patience – en rappelant qui est Dieu : pourquoi la vieillesse serait-elle un problème ? Lui qui a créé le monde, ne peut-il pas rendre Sara féconde ?

Dieu ne décrit pas la méthode qu’il va employer pour surmonter les problèmes, il rappelle juste qui il est. Non pas quoi, mais qui. Nous, nous restons bloqués sur les quoi, les comment, le possible, l’expérience passée. Lui, il rappelle qui – et il ne s’agit plus de croire que ceci ou cela est possible en soi (non, en soi, une femme ménopausée ne peut pas enfanter, non, un mort ne peut pas revivre, ni un coupable être déclaré innocent) mais de faire confiance à Dieu. De croire en lui. C’est lui, le Créateur de la vie, qui peut transformer ces situations.

Le miracle est difficile à croire – c’est le principe ! Mais Dieu nous demande de lever les yeux vers Lui, de croire que lui est capable de regarder ce qui ne va pas et de proposer une réponse. Dieu n’apportera pas forcément une solution magique et spectaculaire, mais un chemin au milieu de l’impasse, un moyen d’avancer. Ca peut être un vrai miracle (Sara aura un fils, Isaac, accueilli par des rires d’étonnement : comment, elle, elle est devenue mère ?…), ou simplement reconsidérer ce qu’on vit/ y trouver un sens. Et entre ces deux extrêmes, Dieu se réserve toute la palette des possibles.

Conclusion

Quand nous regardons notre vie, notre entourage, notre monde, il y a parfois de quoi douter. Ne laissons pas alors les doutes nous éloigner de Dieu, mais qu’ils nous rapprochent de Dieu ! Nous n’avons pas à faire semblant devant lui, à faire les gros bras : nous avons été sauvés par grâce, sans mérites ni masques de bienséance – continuons de vivre dans cette grâce, sans compter sur nos mérites ni nos masques de bienséance. Osons parler avec Dieu, c’est ça la foi ! osons parler en église aussi, entre nous, de ce qui nous ébranle – c’est à cette condition que nous pourrons accueillir la réponse de Dieu, une réponse qui nous conduit à une vie plus pleine et à une joie plus grande.




Tout-Puissant! (A nul autre pareil 4/4)

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Si les histoires de super-héros nous apprennent quelque chose, c’est au moins que nous sommes nombreux à désirer être forts, puissants, à avoir des super-pouvoirs – ou tout simplement du pouvoir. De bien des manières : par le statut social, par une réputation reconnue, par un corps fort ou un esprit habile, ou encore, par un portefeuille bien garni qui ouvrira la majorité des portes…

Ce n’est pas forcément pour être le chef suprême de la galaxie, ou pour commander aux autres, mais juste parfois pour échapper aux soucis et à la frustration du quotidien : pouvoir œuvrer comme on l’entend sans avoir à supporter un chef autoritariste, pouvoir offrir à ses enfants ce dont ils ont besoin et envie, venir en aide à un proche… Parfois simplement pouvoir aller où on veut alors que notre corps ne suit plus…

Les histoires de super-héros nous font rêver d’un autre quotidien, mais elles soulignent les limites que nous rencontrons chaque jour. En contraste avec notre situation humaine, Dieu, lui, est tout-puissant. Après avoir exploré sa grandeur infinie, son statut de créateur et sa présence constante, c’est sur sa toute-puissance que je vous invite à conclure notre série de juillet.

Pour méditer sur cette qualité de Dieu, je vous propose de lire ensemble une prière du prophète Jérémie. Jérémie a été prophète en Israël entre les années 650 et 580 avant Jésus-Christ. Alors que le pays sombre dans l’absurde et la décadence, Jérémie appelle le peuple à revenir à Dieu – en vain. De la part de Dieu, Jérémie annonce que le pays va devoir affronter les conséquences de son comportement : un puissant adversaire, l’empire babylonien, va les vaincre et déporter les responsables du peuple, détruire la capitale Jérusalem, détruire le Temple. La pression babylonienne se fait sentir : Jérusalem est assiégée, quand Dieu demande à Jérémie d’acheter le champ de son oncle en province. Jérémie obéit mais ne comprend pas, et va porter à Dieu ses questions. C’est Jérémie qui parle.

 

Lecture biblique : Jérémie 32.16-25

16 Après avoir remis l’acte de vente à Baruc, j’ai adressé au Seigneur cette prière : 

17 « Ah, Seigneur Dieu, tu as montré ta force et ton savoir-faire en créant le ciel et la terre. Rien n’est trop difficile pour toi. 18 Tu montres ta bonté jusqu’à mille générations humaines ; mais si des parents ont commis une faute, tu en fais supporter les conséquences à leurs enfants. Tu es le Dieu grand et fort ; tu te nommes le Seigneur de l’univers. 19 Tu as de grands projets, tu es souverain pour les réaliser. Tu regardes attentivement ce que font les humains, pour traiter chacun d’eux selon sa conduite et ses actes.

20 « Tu as montré qui tu es par des prodiges marquants, lorsque nos ancêtres étaient en Égypte, et aujourd’hui encore, non seulement dans le peuple d’Israël mais aussi dans le reste de l’humanité, comme on le voit aujourd’hui. 21Tu as montré ta force et ton savoir-faire par des prodiges marquants et des plus impressionnants, pour faire sortir d’Égypte Israël, ton peuple. 22 Tu avais juré à nos ancêtres de leur donner le pays où nous sommes aujourd’hui, ce pays qui regorge de lait et de miel, et tu le leur as donné. 23 Ils sont venus en prendre possession. Seulement ils n’ont pas écouté ce que tu disais, ils n’ont pas suivi tes instructions, ils n’ont pas fait ce que tu commandais. Alors tu as envoyé tous ces malheurs qui arrivent aujourd’hui.

24 « Voilà en effet les Babyloniens qui avancent leurs travaux de siège de plus en plus près de la ville ; ils vont la prendre ; elle leur est déjà livrée, pour ainsi dire ; ils cherchent à la vaincre par les armes, la famine et la peste. Ce que tu avais prédit est arrivé, tu le vois bien.

25 Oui, la ville est presque aux mains des Babyloniens. Seigneur Dieu, pourquoi donc m’as-tu ordonné d’acheter ce champ et de le payer comptant devant témoins ? »

Ce que le texte nous apprend

Dans sa situation de désarroi intense, voire de détresse, Jérémie se tourne vers Dieu avec cette question : pourquoi investir sur l’avenir alors que le pays va tomber ?

(v.17-19) Jérémie s’adresse d’abord à Dieu de manière générale, comme au Dieu fort, puissant, créateur. Puisqu’il a créé le monde, il peut tout faire. Qu’est-ce qui serait trop difficile pour lui ? Il est au-dessus de tout. Mais sa puissance n’est pas que de la force brute : Dieu est fondamentalement bon et le bien qu’il veut faire aux hommes résonne presque sans fin. En effet, la bonté sur mille générations… Ca dépend comment on calcule la durée des générations, mais la version minimale, avec une génération de 25 ans, ça fait déjà 25 000 ans… Jérémie a écrit il y a 2500 ans, selon ce calcul on n’en est qu’à la 100e génération ! Quand la bonté de Dieu jaillit, rien ne l’arrête… Sa bonté et sa puissance ne font qu’un : elles sont impossibles à stopper.

Dieu est puissant, bon – et juste. Il nous tient responsables de nos actes, et nous avons à affronter les conséquences de ce que nous faisons (v.18b si des parents ont commis une faute, tu en fais supporter les conséquences à leurs enfants ; v.19). Toutefois, dans sa bonté, Dieu ne nous place pas sous un jugement de 1000 générations, ni même de 100, ni même de 10, mais d’une seule, ici. Les fautes des parents retombent sur leurs enfants. Vous allez dire, ce n’est pas juste ! Pourquoi l’enfant paierait-il les erreurs des parents ? Il n’y est pour rien !

2 remarques à ce sujet. a) D’une part, les enfants sont de fait influencés et marqués par les actes de leurs parents, sans parfois que Dieu s’en mêle : dettes à payer dans l’héritage, éducation ou manque d’éducation, blessures d’enfance qui poursuivent parfois toute la vie. Il y a une solidarité familiale que nos sociétés individualistes oublient, mais qui est bien réelle. b) D’autre part, ce texte fait référence à la manière dont Dieu s’est révélé à Moïse (Exode 20.5) : à l’époque, il avait parlé d’un châtiment sur 4 générations (comparé à 1000 générations de bénédiction). Ici, on passe à 1 génération, et Ézéchiel, un prophète contemporain de Jérémie, annonce le temps où chacun sera jugé seulement d’après sa conduite (Ézéchiel 18).

Donc Dieu : tout-puissant, bon, et juste (attentif au droit, attentif à la justice). Avec un penchant net pour la grâce.

(v.20-23) Jérémie ajoute à sa description de Dieu ce que son peuple connaît de lui depuis que l’aventure a commencé avec Abraham, près de 1500 ans plus tôt. Dieu n’est pas tout-puissant qu’en général, visible dans sa création : il se révèle personnellement dans l’histoire, dans nos expériences.

(v.24-25) Dans un moment d’impuissance profonde, emprisonné dans une ville assiégée, sans trop comprendre ce que Dieu a en réserve, Jérémie choisit de contempler la puissance de Dieu, tout en demandant pourquoi : pourquoi a-t-il dû acheter un champ ?

Dieu répondra en évoquant l’avenir (Jérémie 32.26-44): le jugement qui tombe sur ce pays dépravé n’est pas le dernier mot. Dieu a prévu de relever son peuple, de le guérir et le restaurer, de faire revenir les déportés – ils seront à nouveau chez eux sur cette terre. Le champ acheté en pleine défaite est un geste d’espérance pour l’avenir. C’est bien la puissance de Dieu qui va se manifester à nouveau, à travers l’histoire : c’est Dieu qui permet aux Babyloniens de blesser le peuple d’Israël, afin de mettre un terme à leurs exactions, c’est Dieu qui permettra que cette nation existe à nouveau, que le peuple revienne, que la ville et le temple soient reconstruits (livres d’Esdras & Néhémie).

La toute-puissance de Dieu

Dieu, être infiniment grand, est infiniment puissant. Dans sa puissance et sa liberté, il fait ce qu’il veut. Il fait tout ce qu’il veut ! Et il ne fait que ce qu’il veut… Tout ce que Dieu veut faire, il le fait, et rien n’empêche qu’il arrive à ses fins. La seule limite qui existe à ce que Dieu peut faire, c’est ce que Dieu se refuse à faire : il se refuse à mentir, à être injuste, à faire le mal.

Le mal. Pourquoi le mal si Dieu existe ? Pourquoi tant d’horreurs si Dieu est tout-puissant ? Cela veut-il dire qu’il accepte et cautionne les catastrophes naturelles, les maladies, les guerres, les méfaits des uns et des autres ?

La Bible évite d’expliquer les causes du mal – comme si c’était un trou noir, un tourbillon qu’on ne peut approcher sans s’y noyer. Il y a pourtant quelques indices : Dieu n’a pas créé le mal. On ne sait pas pourquoi le mal est apparu, mais certains anges se sont révoltés contre Dieu. L’humanité s’est engouffrée à leur suite : on en trouve le récit stylisé au début de la Bible, en Genèse 3. Dieu les a avertis, mais pas empêchés : il a tenu les hommes responsables de leur choix. Nous ne sommes ni marionnettes ni esclaves de Dieu : Dieu nous a créés pour être à son image, pour que nous soyons ses fils et ses filles, pas pour nous écraser de sa puissance. Les dérèglements, dans la nature et l’humanité, sont malheureusement les conséquences de ce choix de se déconnecter du Dieu juste et bon. Même si notre monde est mal en point, il va toutefois mieux qu’il ne devrait : dans sa bonté, Dieu fait grâce jusqu’à 1000 générations mais ne condamne qu’à 4 ou 1 générations. Dans sa bonté, Dieu ne nous laisse pas voguer dans le noir, mais il limite les conséquences de notre chute : comme si au lieu d’être morts, nous étions « simplement » paralysés en partie.

Ce que la Bible décrit, en revanche, c’est toute la réponse que Dieu apporte au mal qui nous étouffe : dans sa puissance, sa justice et sa bonté, il est devenu un homme, solidaire de sa création, le Christ, pour porter et absorber le choc de ces horreurs qui nous déforment, nous & le monde. Par sa mort, il a subi les conséquences de notre révolte. Par sa résurrection, par sa puissance de vie qui transperce la mort, par sa justice qui efface le mal, il annonce l’avenir & pose un geste d’espérance, comme Jérémie avec son champ : si nous nous tournons vers le Christ, Dieu nous restaurera.

Des êtres responsables mais limités

Quel impact la foi en un Dieu tout-puissant a-t-elle sur nous ? Il y a la confiance, bien sûr, la confiance en Dieu quelles que soient les circonstances. Mais cela nous renvoie aussi à une réflexion sur notre pouvoir. En effet, même en tant que créatures minuscules devant Dieu, nous ne sommes pas sans pouvoir. Même si nous sommes loin de pouvoir subsister par nous-mêmes, nous avons quand même du potentiel, des capacités.

Comment exercer notre autorité de parents, de chefs d’équipe, de « premier dans la file », d’enseignants, de médecins, de chefs de famille, de responsables dans l’église,… ? A chaque fois que nous avons voix au chapitre, nous sommes tentés d’affirmer notre position, notre autorité, d’avoir raison. Parfois nous refusons de nous remettre en question, imaginant que notre sagesse est sans défaut, comme celle de Dieu. Parfois, convaincus que notre avis est le meilleur, nous sommes prêts à écarter l’autre avec indifférence ou mépris.

Dieu est l’être le plus puissant qui existe, dont nous n’imaginons même pas le début de la puissance : il a créé le monde. Pourtant, il n’agit que pour le bien et la justice. Il n’écrase pas ses créatures, quitte à se mettre un moment en retrait. Même dans le désaccord, il reste généreux, plein de bonté et de patience, cherchant mille solutions pour préserver ceux qu’il a créés. Être image de Dieu c’est aussi exercer notre pouvoir comme Dieu le fait.  Loin d’être un tyran, Dieu montre sa puissance pour faire du bien, pour relever, pour élever l’autre, quitte à se donner lui-même.

Nous avons plus ou moins de responsabilités, de charge et d’autorité, mais il y a toujours des moments où nous sommes en situation de décision ou de pouvoir : tournons-nous vers Dieu pour apprendre. Apprenons à résister à nos élans tyranniques, et puisons à l’exemple parfait de la puissance de Dieu : le Christ, patient, généreux, porteur d’espérance.