Le berger et la brebis perdue

 

Est-ce que vous aimez qu’on vous raconte une histoire ?

J’ai une fille qui est maîtresse des écoles et qui a donc fait sa rentrée cette semaine. Cette année, elle va faire des remplacements mais elle est ravie parce qu’elle commence l’année avec une classe de maternelles. Et ce qui lui plaît en particulier, c’est qu’elle va pouvoir raconter plein d’histoires à ses élèves.

Mais les histoires, ce n’est pas seulement pour les enfants ! Moi qui suis cinéphile, j’aime me laisser embarquer par l’histoire qu’un film me raconte. Et si vous aimez lire, vous devez ressentir le même plaisir.

Jésus aussi aimait raconter des histoires dans son enseignement. Il partait d’une situation de la vie de tous les jours pour en tirer une leçon spirituelle. C’est ce qu’on appelle les paraboles. Je vous propose d’en lire une ce matin :

Matthieu 18.12-14
12 Qu’en pensez-vous ? Si quelqu’un possède cent moutons et que l’un d’eux s’égare, ne laisse-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres dans la montagne pour partir à la recherche de celui qui s’est égaré ? 13 Je vous l’affirme, s’il le retrouve, il ressent plus de joie pour ce mouton que pour les quatre-vingt-dix-neuf autres qui ne se sont pas égarés. 14 De même, votre Père qui est dans les cieux ne veut pas qu’un seul de ces petits se perde.

Dans cette parabole, il y a deux personnages principaux : un berger et un mouton. Le berger nous parle de Dieu. Le mouton nous parle de nous. On peut même dire, probablement, que la parabole parle d’abord du berger (cf. la conclusion au verset 14) et ensuite du mouton.

Mais je vous propose de commencer par le mouton… parce qu’il parle de nous !

Le mouton

Tout ce qu’on sait du mouton de l’histoire, c’est qu’il est perdu. On ne sait pas dans quelles circonstances il s’est égaré, ni si c’est de sa faute ou pas… Peu importe. Il est perdu.

On a tous connu, une fois ou l’autre, ce sentiment d’être perdu. Que ce soit en randonnée parce qu’on s’est écarté des chemins balisés, à la lecture d’un mode d’emploi dont on ne comprend rien, ou face à une tâche à accomplir dont on se sent incapable… Qui n’a pas dit, un jour : “là, je suis perdu !”

Plus subtile : parfois on est perdu sans le savoir, ou en étant même persuadé qu’on a la situation bien en main… et là c’est pire ! Parce qu’on s’obstine.

Ce que notre parabole veut nous dire, et ce que la Bible dit par ailleurs à plusieurs reprises, c’est que lorsque nous vivons sans Dieu, nous sommes perdus. Qu’on en soit conscient ou non. Ça ne veut pas dire pour autant qu’on est les pires des racailles, des voyous sans foi ni loi. On peut être des gens très bien sous tout rapport… et être perdus.

Une affirmation biblique fondamentale, c’est que l’être humain a été créé à l’image de Dieu. C’est une façon de dire que nous sommes faits pour être en relation avec notre Créateur. Sans ce lien à notre Créateur, nous sommes perdus.

Et le risque de se retrouver perdu, de s’égarer, de se perdre par rapport à soi-même, nous concerne tous, croyants ou non. Une des forces de la foi, c’est de se reconnaître perdu, c’est-à-dire ayant besoin de Dieu. Et cela, on peut aussi l’oublier en tant que chrétien, et vivre sa vie comme si Dieu n’était pas là, comme si, finalement, on pouvait se débrouiller tout seul. Ce n’est plus Dieu qui compte mais notre foi, notre appartenance religieuse, nos rites et nos habitudes…

Avoir la foi, c’est être conscient de notre besoin de Dieu dans notre vie. Et avoir une foi vivante, c’est se nourrir de Sa présence au quotidien.

Le berger

Venons-en maintenant au berger de la parabole. Il y a deux choses qui me frappent, dans cette histoire, à propos du berger : d’abord le fait que chaque mouton semble l’intéresser plus que le troupeau dans son ensemble, et ensuite sa joie communicative quand il retrouve le mouton perdu.

Il me semble que nous pouvons en tirer deux leçons sur Dieu :

  • Dieu n’aime pas seulement les humains en général, il se soucie de chacun en particulier.
  • Ce que Dieu nous offre, ce n’est pas seulement de retrouver le troupeau mais de partager sa joie.

Dieu est un berger qui connaît et qui se soucie de chaque mouton en particulier. Avec lui, ce n’est pas “une de perdue, dix de retrouvées”, c’est “une de perdue, une à retrouver !”. Dieu nous cherche ! Même si, aujourd’hui, nous ne nous soucions guère de lui, il cherche à rétablir la relation avec nous.

Dieu n’est pas spectateur de notre vie. Ce n’est pas un juge ou un arbitre qui compte le bons et les mauvais points. Il est acteur de notre vie, il nous cherche et veut prendre soin de nous. Le Dieu dont nous parle la Bible n’est pas un Dieu lointain et impersonnel, c’est un Dieu proche, aimant, et personnel. Il n’est pas seulement l’architecte qui a créé l’univers et ses lois avant de laisser le monde fonctionner tout seul, il est un berger qui aime et prend soin de ses brebis.

C’est aussi pourquoi le berger ne veut pas seulement nous faire “rentrer dans le rang” et réintégrer le troupeau. Dieu ne veut pas que nous soyons des moutons de Panurge, qui suivent le mouvement sans se poser de question, sans recul, sans esprit critique… et sans enthousiasme ! Il veut que nous partagions sa joie. Sa joie de nous avoir retrouvé… et notre joie de l’avoir trouvé !

Il est important d’apprendre à voir la vie chrétienne comme l’occasion de partager la joie de Dieu. Ça ne veut pas dire que tout sera toujours merveilleux, un chemin sans embûche, sans difficulté, sans épreuve… loin de là. Un chrétien n’est pas toujours gai et sautillant !

Mais connaître Dieu, à travers Jésus-Christ, comme un berger qui nous connaît, nous aime et prend soin de nous, n’est-ce pas la source d’une joie profonde, paisible dans l’épreuve et enthousiasmante d’espérance ?

Conclusion

Dieu se réjouit ce matin, il partage notre joie en ce dimanche où nous avons assisté à un baptême. Il est rempli de la joie du berger de la parabole.

Quel que soit notre cheminement personnel, il nous invite à croire que nous sommes perdus si nous perdons le contact avec Dieu. Et ça peut nous arriver à tous, y compris si nous sommes croyant de longue date.

Mais lorsque nous nous égarons, pour une raison ou pour une autre, Dieu nous cherche toujours. Sans relâche. Il ne s’en lasse jamais. C’est la conclusion de la parabole : “votre Père qui est dans les cieux ne veut pas qu’un seul de ces petits se perde.”

Ce Dieu-là mérite qu’on se laisse trouver par lui… et que nous partagions sa joie !




Communiquer la grâce

Récemment, dans un établissement de santé, je suis tombée sur une charte de bonnes pratiques comme on en voit en milieu médical, scolaire, commercial ou au travail. A la lecture de ces chartes qui prônent respect et bienveillance, on s’imagine vivre dans une société idéale où chacun peut parler et être écouté de façon bénéfique. Un archéologue du futur qui retrouverait ces documents se dirait que notre société se préoccupe beaucoup de soutenir les relations par une communication juste et positive.

D’ailleurs, il n’aurait qu’à fouiller dans les débris du rayon « Développement personnel » d’une librairie pour retrouver un nombre incalculable de ces titres à succès, manuels de communication et de relations, qui semblent fleurir depuis quelques années.

Cela dit, nous avons une donnée supplémentaire par rapport à cet archéologue du futur : l’expérience réelle des relations… Cet été encore, j’ai été choquée de voir les réactions des uns et des autres, ne serait-ce que dans la rue ! Les insultes qui fusent entre conducteurs, à l’égard d’un vélo ou d’un commerçant qui demande à porter le masque, quand ça ne va pas plus loin malheureusement.

Les mots malheureux viennent aussi, et surtout, fragiliser nos relations importantes : un adulte qui doute de lui parce qu’à l’école, un prof a émis un jugement catégorique (« tu n’arriveras jamais à rien » ?), une vexation dans l’amitié, au travail, ou dans la famille. Et même dans l’église : même sans grossièreté, il y a des paroles cassantes, violentes, ou simplement d’une insouciance absurde, qui laissent des cicatrices. On peut être très blessant juste en citant un verset biblique… Et j’ai malheureusement bien des exemples de personnes qui ont été blessées, parfois au point de ne plus voir l’intérêt de venir en communauté. D’autres viennent, mais avec une distance de protection. Vous voyez l’importance de l’enjeu !

Est-ce nous qui sommes trop sensibles ? Je ne crois pas, car la question des paroles et de la communication revient très souvent dans la Bible, et j’aimerais lire avec vous un extrait de la lettre de Paul aux Ephésiens, où il exhorte à une communication saine. Je lirai aussi les versets avant et après, car ils donnent le ton de la réflexion.

Lecture biblique : Ephésiens 4.1-3, 21-5.2  

1 Je vous le demande donc avec insistance, moi qui suis prisonnier parce que je sers le Seigneur : vous que Dieu a appelés, conduisez-vous d’une façon digne de cet appel. 2 Soyez toujours humbles, doux et patients. Supportez-vous les uns les autres avec amour. 3 Efforcez-vous de maintenir l’unité que donne l’Esprit saint par la paix qui vous lie les uns aux autres. 

[suit une réflexion sur l’unité de l’église et une exhortation à se laisser façonner par la réalité du salut] selon la vérité qui est en Jésus, 22 renoncez à votre conduite passée, débarrassez-vous de l’être humain que vous étiez auparavant car ses désirs trompeurs mènent à la ruine. 23 Laissez-vous renouveler par l’Esprit qui agit sur votre intelligence. 24 Revêtez l’être nouveau, créé à la ressemblance de Dieu et qui se manifeste dans une vie conforme à sa volonté et digne de lui qui est inspiré par la vérité.

25 Rejetez donc le mensonge ! Que chacun dise la vérité à son prochain, car nous sommes tous membres d’un même corps. 

26 Mettez-vous en colère, mais ne péchez pas ; que votre colère s’apaise avant le coucher du soleil. 

27Ne donnez pas au diable l’occasion de vous dominer.           

28 Que la personne qui volait cesse de voler ; qu’elle se mette plutôt à travailler et qu’elle fasse le bien de ses propres mains pour avoir ainsi de quoi aider celui qui en a besoin. 

29 Qu’aucune parole mauvaise ne sorte de votre bouche ; dites seulement des paroles bienveillantes, qui répondent à un besoin et qui sont constructives, pour faire du bien à ceux qui vous entendent. 

30 N’attristez pas l’Esprit saint de Dieu ; il est pour vous la marque personnelle attestant que le jour viendra où Dieu vous délivrera complètement du mal. 

31 Chassez loin de vous tout sentiment amer, toute irritation, toute colère, ainsi que les cris et les insultes. Abstenez-vous de toute forme de méchanceté. 

32 Soyez bons et pleins d’affection les uns pour les autres ; pardonnez-vous réciproquement, comme Dieu vous a pardonné par le Christ.

5. 1 Puisque vous êtes les enfants que Dieu aime, efforcez-vous d’être comme lui. 2 Que votre façon de vivre soit inspirée par l’amour, comme le Christ aussi nous a aimés et a donné sa vie pour nous, comme une offrande et un sacrifice dont l’agréable odeur plaît à Dieu.

          Bien communiquer… ou communiquer le bien ?  

Paul parle ici plus que de communication : il nous exhorte à devenir de nouvelles personnes. Ou plutôt, à nous mettre en cohérence avec la nouveauté de vie que Dieu rend possible en Christ, par son Esprit qui nous conduit désormais. Comme il est en train de parler de l’église, il glisse vers des exhortations relationnelles, très pratiques (du style : ne vous couchez pas sur votre colère !). Il parlera plus tard de questions plus personnelles, mais pour Paul, et dans la Bible, la sainteté est autant dans nos choix de vie que dans notre façon de gérer les relations. La pureté spirituelle, c’est aussi des relations saines.

Honnêtement, les conseils de Paul ne sont pas très originaux. Il s’inspire beaucoup de l’Ancien Testament, mais même au-delà : dans la sagesse de l’époque, on trouve le même genre de conseils. Par exemple dans la communauté de Qumrân, ou, dans le monde grec, chez les stoïciens, les pythagoriciens, etc. Il faut réfléchir avant de parler, ne pas mentir, ne pas laisser les situations s’envenimer… C’est du bon sens ! pas toujours respecté, mais pertinent et efficace. D’ailleurs, si vous parcourez des livres de communication aujourd’hui, comme un manuel de communication non violente (Les mots sont des fenêtres, de M. Rosenberg) ou les Accords Toltèques, ils sont, pour la partie communication, tout à fait en phase avec les conseils de Paul.

La grande originalité biblique – et c’est là que Paul se démarque des sagesses antiques & modernes – c’est que le cadre est différent. Le chrétien ne travaille pas sa façon de communiquer par souci pragmatique – dans le cadre social, pour éviter les conflits qui fragilent les relations et la société, ou pour sa santé, pour éviter un ulcère ! Non, le chrétien change de communication parce qu’il a changé. Voyez plutôt combien Paul justifie ses exhortations de manière spirituelle.

(v.2) vous que Dieu a appelés, conduisez-vous d’une façon digne de cet appel

(23) Laissez-vous renouveler par l’Esprit qui agit sur votre intelligence

(25) nous sommes tous membres d’un même corps

(27) Ne donnez pas au diable l’occasion de vous dominer

(32) comme Dieu vous a pardonné par le Christ.

(5.1) Puisque vous êtes les enfants que Dieu aime

(2) comme le Christ aussi nous a aimés et a donné sa vie pour nous

Au début du confinement, j’ai lu un bon article de Raphaël Charrier [https://raphaelcharrier.toutpoursagloire.com/bannir-lexpression-le-plus-important-dans-couple-communication/] qui évoquait la communication dans le couple. Il rappelle que, bibliquement, l’objectif n’est pas de bien communiquer, mais de communiquer le bien. Si vous exprimez avec justesse et précision toutes vos pensées, même les plus ambivalentes et parfois destructrices, ce n’est pas un geste d’amour ni un geste constructif. S’exprimer, c’est bien, mais qu’est-ce qu’on exprime ? et comment ?

D’après Paul, le Christ est mort pour que nous soyons réconciliés avec Dieu, notre Père qui demeure en nous par son Esprit : il nous façonne et nous change, pour le bien. Il renouvelle notre identité, comme s’il l’assainissait, afin qu’il découle de nous une eau pure et rafraîchissante, et non de l’eau frelatée et nauséabonde.

          Communiquer la vérité avec amour

Paul nous livre en même temps des exhortations très précises et très générales, sur la colère, les paroles, la posture, la gestion de nos émotions,… Globalement, on peut résumer ses conseils (que je vous invite à appliquer !) par cette formule qui intervient plus tôt dans le chapitre 4 : communiquer la vérité avec amour (4.15).

Communiquer la vérité – dans notre société avide d’authenticité, ça sonne bien ! Il y a un souci d’honnêteté, de simplicité – qui s’oppose à l’hypocrisie et à la duplicité. On dit les choses comme elles sont, sans manipulation ni fausseté, pour établir des relations de confiance. Outre le fait qu’une parole fausse peut vite se retourner contre nous si la vérité éclate, ou qu’elle peut nous troubler de l’intérieur, comment se faire confiance si personne ne dit la vérité ? c’est la base de toute relation ! Au-delà, nous appartenons au Dieu de la vérité et de la justice, en qui rien n’est double ou faux. Dieu est franc, et il attend la même chose de nous.

Mais cette franchise ne dispense pas d’aimer, de parler avec douceur et bienveillance, d’être attentif à l’autre pour éviter de blesser. J’ai entendu maintes fois « Moi, je suis franche, je dis ce que je pense » façon bazooka parfois ! Leur focus est surtout sur eux et ce qu’ils pensent.

Paul invite les francs à se mettre du côté des auditeurs et à tester la douceur : ça fait quoi d’entendre ça ? Un peu de douceur n’éteindra pas la vérité. Paul et Jésus n’étaient pas des mous, pourtant ils parlaient souvent avec délicatesse et respect.

Le fléau inverse, c’est ceux qui ne disent rien pour ne pas faire de mal. En général, ils rongent leur frein jusqu’à ce qu’ils explosent ou qu’ils partent. Ce n’est pas mieux ! Car souvent, on en vient à tolérer des situations de compromis, des incohérences, des choses qui ne fonctionnent pas… et l’ensemble finit par se frelater. Pour garder des relations saines, Paul invite les doux à dire ce qu’ils pensent et à tester la vérité. A ne pas se focaliser que sur la réaction de l’autre.

Dans une relation saine, à l’église, en famille, au travail, partout, dans une relation saine, il y a de la place pour l’autre et pour moi. Le dosage peut varier selon les circonstances, mais les deux sont essentiels.

Communiquer la vérité avec amour : on est tous plutôt d’un côté ou de l’autre, mais Dieu est un Dieu de vérité et d’amour. Et depuis la création et notre re-création, notre vocation, notre projet, notre identité, c’est de devenir comme lui, à l’exemple du Christ, inspirés par l’Esprit saint !

          Un effort

Relevez l’intrus dans les exhortations de Paul… Au milieu de toutes ces exhortations de communication, pourquoi Paul vient-il nous parler du vol ? Peut-être qu’après avoir parlé du mensonge, emporté par ses souvenirs des dix commandements, il aborde le vol, et puis il revient à son premier thème : la communication. Mais je vois une autre possibilité : le voleur c’est celui qui ne participe pas. Il prend, il profite de la situation, aux dépens des autres, mais il ne donne rien en échange. Il est centré sur son intérêt, sur son nombril. Paul invite le voleur à une attitude responsable (se prendre en charge) et généreuse (venir en aide aux autres). Cette attitude est en fait très cohérente avec les questions de communication : dans la relation, nous sommes appelés à nous impliquer, nous-mêmes, tels que nous sommes, quitte à nous rendre un peu vulnérables. Et à l’implication s’ajoute la générosité, car je ne cherche pas seulement mon bien, mais aussi celui de l’autre.

La vie en communauté, les relations réelles (et je ne parle pas des réseaux sociaux qui simplifient/simplistifient beaucoup les interactions) demandent un engagement de notre part. Paul est clair là-dessus : il faut faire des efforts… Nos relations ne seront saines que si nous y mettons du nôtre – et ce n’est pas toujours agréable.

Dans une église où nous sommes si différents, les cultures, les habitudes, les tempéraments s’entrechoquent. Sans parler du fait que nous ne sommes pas toujours très agréables… Mais Dieu nous appelle à nous supporter les uns les autres – dans les deux sens ! Nous soutenir, mais aussi nous supporter, être patients, voire… nous pardonner. Pardonner les paroles malheureuses, les silences, les réactions bizarres, les incompréhensions : l’effort est dans notre cœur. Lutter inlassablement contre l’amertume, le soupçon, la rancœur… Et laisser le bénéfice du doute, être patient, plein de grâce… A choisir de regarder l’autre d’abord comme un frère dans la foi, et pas comme un ennemi.

Car Dieu nous a fait grâce en Christ, et il nous appelle à vivre ensemble pour l’éternité.

Mais même au-delà de l’église : à l’ère où la communication est si centrale dans notre société, quel témoignage si nous sommes de ceux qui communiquent la grâce, qui disent la vérité avec amour, qui sont authentiques et attentifs aux autres… Jésus, franc et doux, attirait les foules… que nous puissions lui ressembler, en public et en privé, dans l’église et en dehors, en présentiel et en virtuel, afin que la grâce de Dieu soit communiquée au plus grand nombre !




Le Retour du Roi

 

 

Nous arrivons ce matin au dernier volet d’une trilogie de prédications inspirée d’une trilogie… celle du Seigneur des Anneaux. Tolkien, l’auteur des romans, était croyant et sa foi transparaît de différentes manières dans son oeuvre.

Pour ceux qui n’auraient pas lu les livres ni vu les films, sachez seulement que l’intrigue du Seigneur des Anneaux se déroule dans un monde imaginaire, la Terre du Milieu, où de nombreuses créatures coexistent avec les humains, notamment les hobbits, un peuple pacifique. L’un d’eux, Frodon, hérite par son oncle d’un anneau magique qui est en réalité un instrument de pouvoir absolu convoité par Sauron, le Seigneur maléfique. La seule solution pour que ce dernier ne s’en empare pas est d’amener l’anneau là où il a été forgé pour le détruire. Mais cela implique de se rendre au coeur du Mordor, là où Sauron réside.

Le premier volet, La Communauté de l’Anneau, évoque la constitution de la communauté chargée de cette mission, une communauté qui va devoir apprendre à vivre ensemble et surmonter ses inimitiés ancestrales. Nous avions fait ici le parallèle avec ce que nous sommes appelés à vivre en tant qu’Église, nous-mêmes une communauté diverse qui doit apprendre à vivre ensemble pour accomplir la mission qui nous est confiée.

Le deuxième volet, Les Deux Tours, fait référence à l’alliance des deux tours du Mordor et d’Isengard, celle de Sauron et celle de Saroumane, le mage qui s’est laissé séduire par Sauron et s’est mis à son service. Ils représentent le mal absolu, en quête de pouvoir absolu. Et la communauté de l’Anneau dispersée devra y faire face et résister à leurs assauts. Nous avions alors fait le parallèle avec le combat que chacun est amené à vivre face au mal, pour tenir ferme dans la foi.

Le troisième volet s’intitule Le Retour du Roi. C’est le dénouement épique de la trilogie, alors que tout semble ne plus tenir qu’à un fil. Sauron lance toutes ses troupes dans la bataille et Frodon tente d’atteindre secrètement la montagne du Destin pour y détruire l’anneau. Le roi dont il est question, c’est celui du Gondor, qui doit régner sur un royaume unifié, et dont le retour est annoncé par des prophéties. Mais la menace de Sauron est de plus en plus pressante. Beaucoup ont perdu tout espoir, mais d’autres continuent la lutte, même si l’issue fatale peut sembler inéluctable… Tant que Frodon est en vie, il y a de l’espoir.

Vous percevez sans doute la couleur biblique que peuvent avoir ces éléments du Seigneur des Anneaux, nous qui attendons aussi le retour du Roi… ou plus précisément, comme le nomme l’Apocalypse, le retour du Roi des rois ! Il y a d’ailleurs plusieurs personnages de la trilogie qui ont, pour différentes raisons, une dimension christique : au moins Frodon, Aragorn et Gandalf…

Le troisième volet de la trilogie du Seigneur des Anneaux nous permet donc d’évoquer notre espérance. Et pour cela, je vous propose de lire deux courts textes bibliques, tirés du Nouveau Testament :

Romains 8.24-25
24 Car nous avons été sauvés, mais en espérance seulement. Si l’on voit ce que l’on espère, ce n’est plus de l’espérance : qui donc espérerait encore ce qu’il voit ? 25 Mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons avec persévérance.

Hébreux 11.1
Mettre sa foi en Dieu, c’est être sûr de ce que l’on espère, c’est être convaincu de la réalité de ce que l’on ne voit pas.

Fondamentalement, l’espérance est indissociable de la foi. L’une comme l’autre “voient l’invisible”. On pourrait dire que la foi voit ce qui est invisible, et l’espérance voit ce qu’on ne voit pas encore.

  • Dieu, on ne le voit pas. Par définition, Dieu est invisible à nos yeux et il nous faut “les yeux de la foi” pour le voir agir dans notre vie, pour discerner sa présence à nos côtés dans les circonstances de notre quotidien.
  • Et l’espérance attend la réalisation des promesses de Dieu qui, par définition, ne sont pas encore accomplies.

La foi et l’espérance se manifestent toutes deux dans la confiance. Notre foi aujourd’hui nourrit et affermit notre espérance pour demain. Toutes deux sont fondées sur les promesses de Dieu.
“Nous avons été sauvés, mais en espérance seulement.”
“Mettre sa foi en Dieu, c’est être sûr de ce que l’on espère”

Soulignons enfin que la clé de notre foi et de notre espérance se trouve en Jésus-Christ :

  • En lui, Dieu est devenu homme et il s’est rendu visible à nos yeux.
  • Par sa résurrection et son ascension, nous attendons ce que nous ne voyons pas encore : son retour et notre propre résurrection.

Quelles leçons tirer pour nous de cette espérance ?

 

Garder espoir… toujours !

Nous pourrions résumer en deux mots l’impact de notre espérance sur nous: garder espoir !

On pourrait dire la même chose pour les héros du Seigneur des Anneaux, ils gardent l’espoir, jusqu’au bout. Au fil de l’histoire, l’horizon s’assombrit de plus en plus, la puissance de Sauron semble devoir l’emporter… Certains se sont découragé, d’autres se sont impatienté. Mais Frodon et ses compagnons font preuve de courage, de persévérance…. en un mot : d’espérance !

Et c’est une espérance qui peut même paraître une folie aux yeux de certains. Comment un simple hobbit, ce semi-homme, pourrait-il échapper à la vigilance de l’oeil de Sauron et parvenir au coeur de son repère pour jeter l’anneau dans le cratère du mont du Destin ?

L’espérance chrétienne aussi peut apparaître comme une folie aux yeux de certains… particulièrement peut-être lorsque le monde traverse un temps d’inquiétude généralisé, où l’avenir semble plus qu’incertain, comme c’est le cas aujourd’hui. Comment croire que Dieu reste maître de l’histoire, que son Royaume avance et que ses promesses de résurrection et de vie vaincront ? Comment croire que Dieu prendra soin de nous quand on est au coeur de l’épreuve ? Je crois que les plus belles démonstrations de foi et d’espérance ne sont pas forcément chez ceux qui triomphent de tous les obstacles mais bien souvent chez ceux qui font preuve de confiance et d’espoir, même au coeur de l’épreuve.

 

Attendre… en agissant !

Espérer, c’est s’attendre à Dieu, c’est attendre l’accomplissement de ses promesses. Mais cette attente n’est pas passive. Il s’agit d’attendre… en agissant.

C’est une mauvaise compréhension de l’espérance qui peut rendre les croyants résignés et passifs. Nous sommes, certes, dans l’attente de l’accomplissement des promesses de Dieu. Mais cette attente est active. La véritable espérance motive à l’action, parce que Dieu nous associe à l’oeuvre de son Royaume.

Dans le Seigneur des Anneaux, lorsque les différents compagnons sont dispersés, avec comme seul espoir que Frodon atteigne le mont du Destin pour détruire l’anneau, ils ne sont pas restés inactifs mais se sont battus. Et ce qu’ils faisaient était utile, d’une manière ou d’une autre, pour aider Frodon dans sa mission.

Quand les disciples assistent à l’ascension de Jésus, le livre des Actes nous dit qu’ils restent les yeux rivés vers le ciel. Des anges se montrent alors à eux et leur disent que Jésus va bien revenir comme il est parti mais qu’en attendant ils avaient du boulot : Jésus les avait envoyé comme témoins, jusqu’aux extrémités de la terre !

Il y a deux ennemis de l’espérance : le résignation et la nostalgie. Les deux nous rendent inactifs. Les deux nous mettent en retrait du monde. Les deux nous font abandonner notre mission de témoin du Christ vivant.

Si vous êtes résignés, sur vous-mêmes, sur les autres, sur le monde… Relisez les Béatitudes ! Elles nous invitent, certes parfois dans les pleurs et l’adversité, à avoir faim et soif de justice, à être plein de bonté, à être artisans de paix… C’est l’antidote de la résignation !

Quant à la nostalgie, c’est une espérance inversée. L’espérance chrétienne nous fait regarder avec confiance et espoir vers l’avenir, et pas avec nostalgie vers le passé. Le “c’était mieux avant” ne peut pas faire partie du discours du croyant… Notre espérance nous dit même que ça sera mieux demain, même si aujourd’hui c’est difficile. Car demain les promesses de Dieu s’accompliront.

 

Conclusion

Arrivé au terme de notre trilogie, le Seigneur des Anneaux nous a permis d’évoquer trois thématiques bibliques centrales pour le chrétien : la communauté, le résistance face au mal et l’espérance.

A vrai dire, les trois sont liées. En communauté, nous sommes plus forts pour résister au mal et nous nous encourageons dans notre espérance commune. Par ailleurs, notre espérance, c’est la victoire finale sur le mal, celle de la vie sur la mort. Et cette espérance, nous ne la gardons pas jalousement, comme si elle nous appartenait. Nous voulons la partager avec tous, parce qu’elle s’offre à tous.

Or, partager cette espérance, c’est partager le Christ. Car tout est centré sur lui :

  • Ce qui nous constitue en tant que communauté, c’est notre appartenance au Christ.
  • C’est au nom du Christ vivant que nous résistons au mal, comme lui a été tenté en tout sans jamais succomber à la tentation.
  • Enfin, notre espérance prend sa source dans la mort et la résurrection du Christ.

C’est lui, le Christ vivant, que nous voulons suivre et dont nous voulons être témoin !




Les Deux Tours

 

Nous avons commencé dimanche dernier une trilogie de prédications inspirée d’une trilogie… celle du Seigneur des Anneaux.

Pour ceux qui n’auraient pas lu les livres ni vu les films, voici en quelques mots ce que vous devez savoir. L’intrigue du Seigneur des Anneaux se déroule dans un monde imaginaire, la Terre du Milieu, où de nombreuses créatures coexistent avec les humains, notamment les hobbits, un peuple pacifique appelé aussi semi-hommes. L’un d’eux, Frodon, hérite par son oncle d’un anneau magique qui est en réalité un instrument de pouvoir absolu convoité par Sauron, le Seigneur maléfique. La seule solution pour que ce dernier ne s’en empare pas est d’amener l’anneau là où il a été forgé pour le détruire. Mais cela implique de se rendre au coeur du Mordor, là où réside le terrible Sauron.

Dimanche dernier, nous avons évoqué le premier volet de la trilogie, La Communauté de l’Anneau, qui relate la constitution du groupe qui aura la mission de détruire l’anneau, une communauté diverse, qui va devoir apprendre à vivre ensemble et surmonter ses a prioris et même ses inimitiés ancestrales.

Nous avons fait le parallèle avec ce que nous vivons en tant qu’Eglise, nous-mêmes unis dans un même défi à relever, celui de vivre la communauté, avec une mission partagée : être témoin du Christ vivant, que nous soyons rassemblés ou dispersés sur nos lieux de vie.

Au début du deuxième volet de la trilogie, la Communauté de l’Anneau se retrouve séparée en plusieurs groupes. Mais l’anneau est toujours en possession de Frodon, tout est donc encore possible.

Ce deuxième volet s’intitule Les Deux Tours, en référence à l’alliance des deux tours du Mordor et d’Isengard. La tour du Mordor, c’est celle de Sauron, au sommet de laquelle son oeil scrute la Terre du Milieu à la recherche de l’anneau. La tour d’Isengard, c’est celle de Saroumane, le mage qui s’est laissé séduire par Sauron et s’est mis à son service. Ils représentent le mal absolu, en quête de pouvoir absolu. Et la communauté de l’Anneau dispersée devra y faire face et résister à leurs assauts.

Les Deux Tours, c’est la révélation des véritables ennemis. Et aussi la découverte de nouveaux ennemis… et de nouveaux amis. Les uns et les autres n’étant pas forcément ceux qu’on pourrait croire au premier abord.

Au coeur de la trilogie du Seigneur des Anneaux, il y a bien la question de la résistance face au mal. Il y a un ennemi, évident ou sournois, qui cherche à parvenir à ses fins par tous les moyens. Un ennemi face auquel il convient de rester vigilant et de résister si on veut en être vainqueur.

La résistance face au mal est bien aussi une thématique centrale dans la Bible. Le Nouveau Testament compare souvent la vie chrétienne à une lutte, un combat, qui implique parfois des souffrances, avec des victoires et des défaites. Ce combat nécessite également de bien identifier notre ennemi. Nous pouvons penser, par exemple, à cette exhortation de la première épître de Pierre, écrite dans un contexte de persécution pour les premiers chrétiens :

1 Pierre 5.8-11
8 Soyez lucides, veillez ! Car votre ennemi, le diable, rôde comme un lion rugissant, cherchant quelqu’un à dévorer. 9 Résistez-lui en demeurant fermes dans la foi. Rappelez-vous que vos frères et vos sœurs, dans le monde entier, endurent les mêmes souffrances. 10 Vous aurez à souffrir encore un peu de temps. Mais Dieu, source de toute grâce, vous a appelés à participer à sa gloire éternelle dans l’union avec Jésus Christ ; lui-même vous perfectionnera, vous affermira, vous fortifiera et vous établira sur de solides fondations. 11 À lui soit la puissance pour toujours ! Amen.

Ici, ce n’est pas l’oeil de Sauron qui scrute mais un lion rugissant qui rôde… L’image est différente, mais le danger est similaire. J’aimerais relever dans ce texte trois éléments en lien avec notre lutte face au mal, et le Seigneur des Anneaux nous servira encore de référence et d’illustration.

Identifier l’ennemi

Il s’agit d’abord de bien identifier notre ennemi : “votre ennemi, le diable, rôde comme un lion rugissant.” Parfois, il est clairement identifié. Et là, aucune compromission n’est acceptable, au risque de se perdre. Dans le Seigneur des Anneaux, l’ennemi a le visage de Sauron et sa quête de pouvoir absolu, sa volonté de domination et de soumission.

Le diable a revêtu de nombreux visages de ce type au cours de l’histoire, jusqu’à aujourd’hui. Il a les traits des tyrans, l’apparence des régimes totalitaires de l’histoire des hommes, il se cache derrières des systèmes, parfois globalisés, qui exploitent, dominent, manipulent, corrompent… Il faut être vigilant car la bête renaît souvent, elle peut se cacher derrières des discours de respectabilité, elle sait manipuler les peurs, les colères, et flatter les bas instincts.

Dans le Seigneur des Anneaux, si Sauron incarne le mal absolu, et Saroumane celui qui est complètement corrompu et séduit par le mal, les autres ennemis sont plus sournois, et la frontière entre le bien et le mal est moins évidente…

A cet égard, un personnage de la trilogie est particulièrement intéressant, il s’agit de Gollum. Il a possédé un temps l’anneau, il y a de nombreuses années. Et puis l’anneau s’est trouvé un autre propriétaire en la personne de Bilbon, l’oncle de Frodon. Maintenant que l’anneau réapparaît, il rêve de le récupérer.

Bien des années auparavant, Bilbon aurait pu tuer Gollum mais il a eu pitié de lui. Frodon le regrette… et Gandalf lui dit alors :

“Nombreux sont les vivants qui mériteraient la mort, et les morts qui mériteraient la vie. Pouvez-vous la leur rendre Frodon ? Alors ne soyez pas trop prompt à dispenser morts et jugements. Même les grands sages ne peuvent connaître toutes les fins. Mon coeur me dit que Gollum a encore un rôle à jouer, en bien ou en mal, avant que cette histoire se termine. De la pitié de Bilbon peu dépendre le sort de beaucoup.”

Il y a une sagesse assez biblique dans ces paroles de Gandalf. La non compromission avec le mal n’exclut pas la pitié et la compassion pour ceux qui ont succombé ou été séduit par le mal. Le personnage de Gollum est double, tiraillé. Il interroge les frontières du bien et du mal, y compris dans notre propre coeur.

L’ennemi ne nous est pas seulement externe, il nous est aussi intime et personnel. On le trouve même en chacun de nous.

Rester vigilant

Si on revient à la première épître de Pierre, notre texte contient une première exhortation : “Soyez lucides, veillez !”

J’aime bien la traduction de la Bible Nouvelle Français Courant : “Soyez lucides, veillez !” Le terme grec utilisé est habituellement traduit par sobre, en faisant référence au fait de ne pas boire pour ne pas avoir l’esprit embrouillé par l’alcool. L’idée est donc de garder la tête sur les épaules, de ne pas baisser la garde, bref, de rester vigilants.

Cette exhortation à être lucide dans notre lutte face au mal me paraît particulièrement appropriée car on peut facilement se nourrir de fantasmes et d’illusions. Il s’agit d’éviter deux excès : soit de voir le diable partout, soit d’oublier la réalité de l’ennemi. Car il est aussi peu lucide de vouloir tout spiritualiser que de vouloir tout rationaliser.

Certains voient des influences démoniaques et des enjeux spirituels partout et toujours, dans la moindre difficulté, la moindre contrariété rencontrée… c’est une attaque spirituelle ! Et on s’engage dans une véritable chasse aux sorcières irrationnelle. D’autres, à l’inverse, pensent que rien n’est spirituel, que tout est matériel ou psychologique, purement rationnel… se donnant l’illusion de tout pouvoir maîtriser, toujours.

Rester vigilant, c’est rester lucide, pour ne tomber ni dans un excès ni dans l’autre.

Résister

L’autre exhortation de notre texte appelle à la résistance : “Résistez-lui en demeurant fermes dans la foi.”

Je ne suis pas à l’aise avec certains discours guerriers, conquérants, utilisé parfois parmi les chrétiens. Notre appel n’est pas partir en guerre mais de résister et de tenir ferme. Quand Jésus envoie ses disciples en mission, il les envoie “comme des brebis au milieu des loups” (Matthieu 10.16)… pas comme des chasseurs armés jusqu’aux dents !

C’est en demeurant fermes dans la foi que nous résistons à l’ennemi ! La foi étant cette confiance placée en Dieu, en toutes circonstances, favorables ou non.

La foi aussi est une des thématiques du Seigneur des Anneaux. Elle prend la forme de l’audace et du courage, de l’abnégation, de la loyauté et la fidélité, de l’espoir jusqu’au bout. Elle est présente chez Frodon et d’autres personnages, mais peut-être plus encore chez Sam, le plus fidèle ami de Frodon. Sam n’est pas dans l’esbroufe, il n’a rien d’un va-t-en-guerre ! Il aspire à une vie simple et paisible… mais il est loyal et sait se montrer redoutable et déterminé quand il le faut.

Ce sont des qualités qu’on retrouve dans la foi : la fidélité, la simplicité, la détermination… S’y tenir ferme est loin d’être évident. C’est une lutte de tous les instants. C’est là notre véritable combat spirituel.

Conclusion

Comme souvent dans une trilogie, le volet central est celui de tous les dangers. La possibilité d’un accomplissement de la quête ne tient plus qu’à un fil. A la fin des Deux Tours, nous sommes dans l’expectative.

Nos luttes et nos combats, publics ou intimes, nous placent aussi parfois dans une telle expectative. Nous pouvons avoir l’impression parfois que notre vie ne tient plus qu’à un fil…

Mais ne perdons pas courage. Gardons le cap. Souvenons-nous de ces trois points : identifier l’ennemi, rester vigilant et résister. Nous ne sommes pas seuls. D’autres souffrent et luttent, comme nous. Et surtout, nous sommes au bénéfice d’un appel de grâce de la part de Dieu, en Jésus-Christ, mort et ressuscité. C’est bien ce que proclame avec force la fin de notre texte de l’épître de Pierre :

“Vous aurez à souffrir encore un peu de temps. Mais Dieu, source de toute grâce, vous a appelés à participer à sa gloire éternelle dans l’union avec Jésus Christ ; lui-même vous perfectionnera, vous affermira, vous fortifiera et vous établira sur de solides fondations. À lui soit la puissance pour toujours ! Amen.” (1 Pierre 5.10-11)




La Communauté de l’Anneau

Je vous propose de commencer ce matin une série de trois prédications. Une trilogie ! Eh oui, il y en a des célèbres dans le cinéma, d’autres en littérature… alors pourquoi pas en prédication ? Et pourquoi pas une trilogie de prédications qui s’inspire d’une trilogie ?

Je pense à l’une des plus célèbres d’entre elles, que plusieurs d’entre vous connaissent, soit par les films soit par les livres dont ils sont inspirés (ou les deux !). Les films ont été une entreprise monumentale, sans doute la plus chère de l’histoire du cinéma, et ont récolté 17 Oscars. Et depuis leur première publication en 1954, les romans ont été traduits dans plus de 20 langues et vendus à 150 millions d’exemplaires !

Je vous propose de commencer aujourd’hui une trilogie de prédications inspirée de la trilogie du Seigneur des Anneaux !

Je vous rassure, si vous n’avez ni lu les livres ni vu les films, vous pourrez suivre sans problème. Je ne vais ni raconter toute l’histoire (ce serait beaucoup trop long) ni l’analyser en détail. Je vous propose simplement d’utiliser le Seigneur des Anneaux comme une toile de fond, une référence globale, une illustration de certains principes bibliques. Car, au cas où vous ne le sauriez pas, Tolkien, l’auteur des romans, était un grand ami de CS Lewis (auteur des Chroniques de Narnia), et il était aussi un fervent croyant. Et même si ses romans ne sont pas des ouvrages explicitement spirituels, sa foi transparaît de manière évidente dans plusieurs aspects de son oeuvre.

En quelques mots, pour vous rafraîchir la mémoire ou vous donner les repères nécessaires, l’intrigue du Seigneur des Anneaux se déroule dans un monde imaginaire, la Terre du Milieu, où coexistent des humains, des elfes, des nains et d’autres créatures, notamment les hobbits, un peuple pacifique appelé aussi semi-hommes. L’un d’eux, Frodon, hérite par son oncle d’un anneau magique. Or il se trouve que cet anneau est un instrument de pouvoir absolu convoité par Sauron, le Seigneur maléfique. Si ce dernier s’en empare, il régnera alors sur le monde et réduira en esclavage toute la Terre du Milieu. La seule solution est d’amener l’anneau là où il a été forgé pour le détruire. Mais cela implique de se rendre au coeur du Mordor, là où réside le terrible Sauron.

Le premier volet de la trilogie s’intitule La Communauté de l’Anneau. On y assiste à la constitution de la communauté qui va avoir pour mission de détruire l’anneau, ses premières aventures et épreuves. C’est une communauté diverse, constituée de 4 hobbits, un elfe, un nain, deux humains et un magicien. La plupart ne se connaissent pas vraiment, ils ont même souvent des a prioris et même des inimitiés ancestrales les uns envers les autres. Mais ils vont devoir apprendre à vivre ensemble, unis dans une même quête.

Un des thèmes centraux du Seigneur des Anneaux, c’est celui de la communauté, avec l’idée que nous sommes toujours plus forts en communauté, et que nous avons besoin les uns des autres. Nous ne pouvons pas accomplir seul notre mission. L’amitié, la solidarité, l’altruisme sont des armes puissantes contre la quête de pouvoir absolu, l’oppression et le totalitarisme.

Or la notion de communauté est aussi centrale dans la Bible. Qu’il s’agisse de la communauté du peuple d’Israël dans l’Ancien Testament, ou de celle de l’Eglise dans le Nouveau Testament. Pour cette dernière, on peut bien-sûr penser aux portraits de la première Église dans le livre des Actes des apôtres, ou aux métaphores utilisées par l’apôtre Paul pour décrire l’Église, en particulier celle du corps où chaque membre est solidaire des autres, avec son utilité propre.

Mais je vous propose plutôt de lire une exhortation de l’épître aux Hébreux, qui est un vibrant appel à vivre la communauté :

Hébreux 10.24-25
24 Veillons les uns sur les autres pour nous inciter à mieux aimer et à agir en tout avec bonté. 25 N’abandonnons pas nos assemblées, comme certains ont pris l’habitude de le faire. Au contraire, encourageons-nous les uns les autres, et cela d’autant plus que vous voyez approcher le jour du Seigneur.

Il est intéressant de noter que juste avant ces versets, l’auteur de l’épître aux Hébreux encourage ses lecteurs à s’approcher de Dieu en toute confiance, grâce au chemin ouvert pour nous par le Christ, à travers sa mort et sa résurrection. Et c’est dans le même élan qu’il les invite à vivre la communauté, en veillant les uns sur les autres, en s’encourageant mutuellement, et en résistant à la tentation d’abandonner l’assemblée. La foi n’est pas qu’une affaire privée et individuelle. Elle nous engage devant Dieu, certes. Mais elle nous engage aussi devant et avec les autres. Elle nous incorpore à une communauté.

Ne pas abandonner la communauté

Arrêtons-nous d’abord sur la mise en garde que contient notre texte : “N’abandonnons pas nos assemblées, comme certains ont pris l’habitude de le faire.” Rien de nouveau sous le soleil, comme dirait l’Ecclésiaste… Il semble bien que déjà dans les premiers temps de l’Église, on entendait dire : “Ca ne me plaît plus, je vais voir ailleurs.” Ou : “Celui-ci ou celle-là, je ne la supporte plus, je m’en vais.”

Je ne dis pas qu’il faut toujours rester, coûte que coûte, dans une Église… Mais il est légitime de se demander s’il ne nous arrive pas de placer nos aspirations et nos intérêts personnels avant le souci de la communauté. Autrement dit, si nos motivations ne sont pas tout bonnement égoïstes. Finalement, on peut dire qu’on “abandonne l’assemblée” non pas seulement quand on la quitte, mais quand on fait passer son intérêt propre avant le bien de la communauté…

Dans le Seigneur des Anneaux, plusieurs vont être tentés de s’emparer de l’anneau, au sein de la communauté ou autour d’elle. Parfois, ils tenteront de le justifier avec de belles paroles, en prétendant que c’est avec des motivations nobles, pour faire le bien et apporter la paix… avant de se rendre compte, parfois trop tard, que c’est une illusion de le croire. Et que les motifs sont, finalement, bien personnels. Accepter de détruire l’anneau, c’est refuser toute tentation du pouvoir absolu, même “au nom du bien”.

Le modèle, dans l’Eglise, n’est pas celui du pouvoir et de la domination, c’est celui du service. N’oublions jamais que Jésus-Christ, le chef de l’Eglise, est celui qui a renoncé à lui-même, acceptant jusqu’à la mort sur la croix, pour le salut de l’humanité ! Or, de tout temps, se sont manifestés dans l’Églises des mécanismes de domination, de manipulation, de jugement… Il faut les condamner et les combattre !

 

Veiller les uns sur les autres et s’encourager mutuellement

Arrêtons-nous ensuite sur la double exhortation de notre texte : veiller les uns sur les autres pour nous inciter à mieux aimer, et s’encourager les uns les autres.

Attention : veiller les uns sur les autres, ce n’est pas se surveiller mutuellement… On surveille quelqu’un dont on se méfie, on veille sur quelqu’un qu’on aime. Et justement, le but, c’est d’aimer mieux. D’aider l’autre à progresser, à grandir spirituellement. Le but, c’est de s’encourager, pas de se juger. L’Eglise est appelée à être un lieu de bienveillance et d’encouragement. Voilà deux vertus dont nous avons tant besoin aujourd’hui, et qui se manifestent dans une communauté qui vit dans la confiance et la paix.

On a besoin les uns des autres pour accomplir, ensemble, l’appel que nous partageons. Dans le Seigneur des Anneaux, même lorsque la communauté sera dispersée, ce qui arrive avant la fin du premier volet de la trilogie, chacun aura son rôle à jouer et aidera ainsi à l’accomplissement de la mission. La solidarité de la communauté se poursuit, même lorsqu’elle est dispersée.

On peut dire, d’une certaine manière, que c’est encore une autre façon d’abandonner l’assemblée que de ne se sentir concerné par elle que le dimanche matin. Or, nous ne sommes pas une Église que lorsque nous sommes réunis pour le culte. Nous le sommes chaque jour, lorsque nous accomplissons, réunis ou dispersés, l’appel que nous partageons. C’est tous les jours que nous sommes appelés à aimer et à agir avec bonté.

On vit l’Eglise au quotidien quand on cultive notre appartenance commune, dans la solidarité, la fraternité, la prière les uns pour les autres… et cela bien-sûr au-delà même des limites de l’Eglise locale. C’est cela qui nous encourage et qui nous fait progresser spirituellement !

 

La communauté… de l’Agneau

Pour conclure, revenons à notre comparaison avec le Seigneur des Anneaux. En tant qu’Eglise, nous formons ensemble une communauté, unie dans une mission partagée. Il ne s’agit pas pour nous de détruire un anneau mais d’être témoin, en paroles et en actes, de Jésus-Christ mort et ressuscité.

Bref, nous ne sommes pas la communauté de l’anneau mais la communauté… de l’Agneau (un titre attribué au Christ et qui fait référence à sa mort en sacrifice) !

Nous ne devons pas oublier que nous avons une mission à accomplir, définie par le Christ. La raison d’être d’une Eglise, ce n’est pas seulement d’être un lieu de fraternité, de communion, de ressourcement… C’est bel et bien de répondre à l’appel que le Christ nous adresse.

Ce que nous vivons, notre façon de vivre l’Eglise, nos activités, notre projet… est-ce que tout cela contribue à l’accomplissement de la mission du Christ ? C’est la seule véritable question à se poser en tant qu’Église.

Et pour chacun, à notre niveau, nous pouvons nous demander : quel rôle, aussi modeste soit-il, ai-je, moi, à jouer pour contribuer à cette mission ?

Je vous laisse avec ces deux questions… en attendant le prochain volet de notre trilogie.