Que ta volonté soit faite! (priez sans cesse 2/3)
Nous abordons la 2e semaine de notre campagne de rentrée, sur le thème de la prière, avec le Notre Père, cette prière que Jésus enseigne à ses disciples. Jésus leur livre, non pas une prière à réciter telle quelle (d’ailleurs personne n’est décrit dans le Nouveau Testament comme priant littéralement cette prière) mais plutôt un modèle, comme un patron de couture à décliner en fonction des circonstances.
Lecture biblique Matthieu 6.9-13
9 Vous donc, priez ainsi :
“Notre Père qui es dans les cieux,
Que ton nom soit sanctifié (c’est-à-dire : chacun reconnaisse qui tu es)
10 que ton règne vienne ;
que ta volonté soit faite sur la terre comme dans les cieux.
11 Donne-nous aujourd’hui le pain dont nous avons besoin.
12 Pardonne-nous nos torts,
comme nous pardonnons nous aussi à ceux qui nous ont fait du tort.
13 Et ne nous laisse pas entrer dans l’épreuve,
mais délivre-nous du Mauvais.”
- Priorité à la volonté de Dieu (les objectifs)
Si on regarde juste la prière dans sa globalité, ce qui saute aux yeux c’est d’abord l’ordre dans cette prière : on commence par les affaires de Dieu, et on termine par les nôtres. Cette priorité est renforcée par l’insistance de Jésus : que ton (nom), que ton (règne), que ta (volonté) [diapo où souligné] – il est centré sur Dieu.
Bien sûr, la prière permet de se confier à Dieu, mais le mouvement que conseille Jésus, c’est d’apprendre à nous décentrer pour remettre Dieu au cœur de nos priorités, au centre de notre champ de vision. Priorité à lui, à ses projets, à sa volonté !
Vous allez me dire, peu de croyants qui font la démarche de prier cherchent volontairement à contrecarrer la volonté de Dieu… « Oh seigneur s’il te plaît sois injuste, et aide-moi à faire le mal, à détruire des vies » ou alors : « s’il te plaît, surtout ne fais rien ! croise-toi les bras, je te parle de la situation, mais surtout tu ne t’impliques pas ! » C’est rare, ce genre de prières ! En général, quand on prie, on espère que Dieu va agir, et a priori on espère être en phase avec lui !
La prière que décrit Jésus ne conteste pas notre respect de Dieu, de sa volonté ou de sa puissance, mais elle vient nous interpeller sur notre ordre de priorité. Certes, nous acceptons que Dieu agisse selon sa propre volonté, mais dans quel ordre ? quelle articulation entre ses projets et les nôtres ? qu’est-ce qui vient en premier ?
Trop souvent nous confondons notre volonté avec celle de Dieu, et nous formulons notre projet en lui demandant ensuite de nous bénir. Nous sommes dans nos réflexions, nos idées, nos envies – et, comme après coup, nous disons : ah au fait, j’espère que ça te va ! tu veux bien bénir mon projet, et montrer ton amour et ta puissance, me donner la force, sur ce chemin extrêmement précis que je viens de te présenter ? regarde, tout est prêt, tu n’as plus qu’à bénir !
Ça peut être pour un projet professionnel, projet d’études, ou un projet de couple, ou même quelque chose de petit : j’ai envie de faire ça, alors aide-moi, protège-moi, donne-moi la force.
On a tout préparé, et on a juste besoin que Dieu nous donne un coup de main, si possible rapidement.
Eventuellement, si on est spirituel, on va dire : si tu n’es pas d’accord, montre-moi.
Sauf qu’on ne l’a pas consulté avant.
Bien des situations dans notre quotidien suivent cet ordre, et dans l’église aussi, ça arrive, et aussi dans l’Histoire de l’Eglise (avec majuscules), où bien des scandales ont commencé comme ça, avec la volonté humaine qui passe en premier et qui s’impose en quelque sorte, même avec les meilleures intentions…
Jésus invite au contraire à nous mettre en position d’écoute. A ne pas arriver dans la prière avec des propositions étroites et verrouillées, mais à être prêt à écouter, à bouger, à se laisser inspirer par Dieu. Plus que ça : à nous décentrer, à mettre en premier ses priorités. Ce n’est pas à lui de me suivre ! C’est à moi de le suivre, sur son chemin.
Imaginez que vous partiez faire une expédition en haute montagne. Vous engagez un guide réputé, en lui demandant de vous conduire au plus beau sommet. Vous ne passez pas devant lui quand même ? Vous le suivez, non ?
Alors, est-ce légitime de faire passer la volonté de Dieu, et non la mienne, en premier ? Ca dépend de qui est Dieu. Si Dieu est un tyran autoritaire qui veut faire du mal, non. Mais dans ce cas, on ne va pas le chercher, on prie pas ! On fait profil bas, ou éventuellement, on le flatte énormément pour l’apaiser et qu’il nous laisse tranquilles… Si on prie Dieu, c’est qu’on pense qu’on peut lui faire confiance, qu’il est juste, et bon, et sain(t), droit, honnête. Du coup, si Dieu est une si bonne personne, pourquoi on se méfierait de sa volonté ou de ses intentions ? Il n’y a pas de raison ! Pourquoi on ferait plus confiance à nous, avec toutes nos failles, qu’à lui ? Il n’y a pas de raison !
Il n’y a pas de raison, et pourtant, depuis toute notre histoire humaine collective et personnelle, nous tombons dans ce doute, cette méfiance vis-à-vis de Dieu, que le serpent avait su insuffler à Eve et Adam : « vous êtes sûrs que Dieu veut votre bien ?… »
On revient à ce problème de la confiance : faire confiance à Dieu pour assurer nos arrières, c’est bien, mais si nous lui faisons vraiment confiance, nous acceptons que ce soit lui qui passe en premier et qu’il nous guide…
2. Ta volonté ou ma volonté : les moyens
La confiance, c’est facile d’en parler, mais c’est toujours un défi à mettre en pratique. J’en veux pour preuve que Jésus lui-même a expérimenté cette lutte. Les Evangiles nous donnent peu d’exemples de contenu des prières personnelles de Jésus : avec une exception : sa prière au jardin de Gethsémané, la nuit où il va être arrêté, puis inculpé à tort et mis à mort le lendemain. C’est la dernière ligne droite avant la Croix : dans les Evangiles, on voit que Jésus se prépare très tôt à mourir, et à chaque fois il confirme ce chemin vers la Croix, mais là, c’est la dernière ligne droite. Je vous lis juste le contenu de la prière de Jésus par rapport à cette question de la volonté de Dieu (Matthieu 26.36-46).
36 Jésus arriva avec ses disciples à un endroit appelé Gethsémani et il leur dit : « Asseyez-vous ici, pendant que je vais là-bas pour prier. »
[…] 39 Il alla un peu plus loin, se jeta face contre terre et pria en disant : « Mon Père, si c’est possible, éloigne de moi cette coupe de douleur. Toutefois, non pas comme moi je veux, mais comme toi tu veux. »
40 Il revint ensuite […]
42 Il s’éloigna une deuxième fois et pria en disant : « Mon Père, si cette coupe ne peut pas être enlevée sans que je la boive, que ta volonté soit faite ! »
43 Il revint encore auprès de ses disciples […]
44 Jésus les quitta de nouveau, s’éloigna et pria pour la troisième fois en répétant les mêmes paroles.
45 Puis il revint auprès des disciples et leur dit : « […] Maintenant, l’heure est venue et le Fils de l’homme est livré entre les mains des pécheurs. »
Jésus voit la souffrance qui l’attend, la mort, et la colère de Dieu qui se profile à l’horizon comme la foudre prête à tomber sur lui à notre place, à cause de nos lourdeurs, de nos perturbations, de notre péché.
Devant ce trou noir, Jésus ne peut pas prier à la légère « que ta volonté soit faite » ! C’est trop dur ! Alors il exprime à Dieu ses craintes, ses résistances. Et peu à peu, il se recentre sur la volonté de Dieu, et on sent qu’il passe de l’angoisse à la détermination. Mais ça prend du temps ! Même pour Jésus ! Même pour lui, qui sait très bien, depuis des années, ce qui l’attend.
S’aligner sur la volonté de Dieu, ça prend du temps, ça demande du dialogue avec Dieu – un dialogue où on peut exprimer nos envies, nos besoins, nos craintes, nos blocages. Un dialogue dans l’intimité avec Dieu où on lui laisse la place de nous montrer, de nous montrer qu’on peut lui faire confiance et qu’on peut le suivre.
Qu’est-ce qui coûte à Jésus ? Jésus n’a-t-il pas le même objectif que Dieu, sauver le monde ? SI, bien sûr !!! Mais ce qui coince, ce sont les moyens… passer par la mort, la nuit, la souffrance, pour arriver à la justice, à la paix, à la vie.
Parfois nous sommes prêts à adopter les objectifs de Dieu, la ligne générale de sa volonté, mais ce sont les moyens qu’il utilise qui nous posent problème. Parce qu’ils nous paraissent contre-intuitifs : Dieu ne fonctionne pas comme nous ! Et même si on est d’accord sur la destination, ce n’est pas si évident de le suivre sur des chemins qu’on ne comprend pas.
Quand je me suis mariée, un gros sujet de la vie commune est arrivé sur le tapis : le ménage et la vaisselle… Et mon mari plein de sagesse de me dire : « écoute, si je fais, je fais comme je veux, sinon c’est toi qui fais ! » Oooh le lâcher-prise 😉
Quand on prie Dieu « que ta volonté soit faite », on prie pour que ses objectifs se réalisent, de la manière qu’il désire !
Pour reprendre l’image du guide en haute montagne : si vous arrivez à un croisement, ce n’est pas forcément la route la plus large qu’il faut suivre pour arriver au sommet choisi – et vous n’allez pas commencer à contester l’itinéraire choisi par le guide ! Vous lui faites confiance ! Vous vous doutez bien que s’il ne choisit pas la route la plus facile, ce n’est pas par sadisme, mais parce que soit c’est une impasse, soit c’est un détour, soit ça mène à une autre destination. Et vous suivez le guide, parce que vous avez confiance en sa sagesse ET en sa capacité à vous aider sur ce chemin étroit et abrupt. Vous avez confiance qu’il saura vous conseiller sur les passages techniques et éventuellement vous tenir physiquement si c’est dangereux.
Prier « que ta volonté soit faite », c’est vraiment apprendre à faire confiance à Dieu pour l’objectif ET pour les moyens, pour la destination ET pour l’itinéraire. Et c’est précédé par cette affirmation : notre Père dans les cieux (toi qui nous aimes comme tes enfants) et c’est suivi par cette demande : accorde-nous les forces, la grâce, la protection dont nous avons besoin sur cette route.
3. Apprendre l’obéissance du fils
Jésus ne décrit pas le moyen de connaître la volonté de Dieu, mais son exemple nous enseigne : il passe beaucoup de temps à lire et méditer les Ecritures, il se familiarise avec et il s’approprie les valeurs de Dieu, ses principes, son projet… Et puis Jésus passe du temps dans une prière de dialogue avec Dieu – comme on l’a vu avec Gethsémané. Il se frotte à Dieu ! et il se laisse travailler, façonner, toucher, convaincre… Ce n’est pas l’obéissance d’un esclave qui renie sa volonté et exécute servilement les ordres reçus, c’est l’obéissance d’un fils qui discute avec son Père et qui se laisse convaincre par sa sagesse, et qui finit par aligner sa volonté, son énergie, sur la volonté du Père pour s’associer à ses projets.
Prier « que ta volonté soit faite », ce n’est pas abandonner sa liberté, c’est choisir de faire confiance à l’Etre le plus fiable du monde, celui qui brille par sa puissance, sa sagesse et sa bonté !
Alors à quoi peut ressembler cette obéissance ?
A une réorientation : parfois Dieu nous appelle à aller sur le chemin que nous n’aurions pas choisi (par goût ou par habitude).
A une rupture ou à un renoncement : parfois Dieu nous appelle à rejeter certains modes de vie, à sortir du compromis ou du déni, à sortir de l’impasse pour revenir sur son itinéraire.
Ou encore à un lâcher-prise : parfois il nous appelle juste à arrêter de prévoir, contrôler, anticiper – et accepter de le suivre aujourd’hui même si on ne sait pas où il nous mène.
Dans tous les cas, très souvent, l’enjeu ce sera cette question : « tu me fais confiance ou pas ? »
Jésus nous invite sur ce chemin de la confiance, sur lequel il nous a précédés. Il ne nous livre pas cette prière de haut, comme si on était nuls de ne pas savoir prier – ce fut sa pratique, sa discipline, d’apprendre à mettre la volonté de Dieu en premier, d’apprendre à faire confiance au Père et à le suivre : parce qu’il savait que quand la volonté de Dieu se réalise, c’est infiniment plus vivifiant, fécond et bénéfique que lorsque ce sont nos petits projets qui sortent de notre petite tête. Alors que Jésus lui-même, lui qui est passé par le pire et qui en est ressorti vivant, victorieux, nous aide par son esprit, à apprendre cette confiance envers Dieu et à chercher sa volonté d’abord.