Les Deux Tours

 

Nous avons commencé dimanche dernier une trilogie de prédications inspirée d’une trilogie… celle du Seigneur des Anneaux.

Pour ceux qui n’auraient pas lu les livres ni vu les films, voici en quelques mots ce que vous devez savoir. L’intrigue du Seigneur des Anneaux se déroule dans un monde imaginaire, la Terre du Milieu, où de nombreuses créatures coexistent avec les humains, notamment les hobbits, un peuple pacifique appelé aussi semi-hommes. L’un d’eux, Frodon, hérite par son oncle d’un anneau magique qui est en réalité un instrument de pouvoir absolu convoité par Sauron, le Seigneur maléfique. La seule solution pour que ce dernier ne s’en empare pas est d’amener l’anneau là où il a été forgé pour le détruire. Mais cela implique de se rendre au coeur du Mordor, là où réside le terrible Sauron.

Dimanche dernier, nous avons évoqué le premier volet de la trilogie, La Communauté de l’Anneau, qui relate la constitution du groupe qui aura la mission de détruire l’anneau, une communauté diverse, qui va devoir apprendre à vivre ensemble et surmonter ses a prioris et même ses inimitiés ancestrales.

Nous avons fait le parallèle avec ce que nous vivons en tant qu’Eglise, nous-mêmes unis dans un même défi à relever, celui de vivre la communauté, avec une mission partagée : être témoin du Christ vivant, que nous soyons rassemblés ou dispersés sur nos lieux de vie.

Au début du deuxième volet de la trilogie, la Communauté de l’Anneau se retrouve séparée en plusieurs groupes. Mais l’anneau est toujours en possession de Frodon, tout est donc encore possible.

Ce deuxième volet s’intitule Les Deux Tours, en référence à l’alliance des deux tours du Mordor et d’Isengard. La tour du Mordor, c’est celle de Sauron, au sommet de laquelle son oeil scrute la Terre du Milieu à la recherche de l’anneau. La tour d’Isengard, c’est celle de Saroumane, le mage qui s’est laissé séduire par Sauron et s’est mis à son service. Ils représentent le mal absolu, en quête de pouvoir absolu. Et la communauté de l’Anneau dispersée devra y faire face et résister à leurs assauts.

Les Deux Tours, c’est la révélation des véritables ennemis. Et aussi la découverte de nouveaux ennemis… et de nouveaux amis. Les uns et les autres n’étant pas forcément ceux qu’on pourrait croire au premier abord.

Au coeur de la trilogie du Seigneur des Anneaux, il y a bien la question de la résistance face au mal. Il y a un ennemi, évident ou sournois, qui cherche à parvenir à ses fins par tous les moyens. Un ennemi face auquel il convient de rester vigilant et de résister si on veut en être vainqueur.

La résistance face au mal est bien aussi une thématique centrale dans la Bible. Le Nouveau Testament compare souvent la vie chrétienne à une lutte, un combat, qui implique parfois des souffrances, avec des victoires et des défaites. Ce combat nécessite également de bien identifier notre ennemi. Nous pouvons penser, par exemple, à cette exhortation de la première épître de Pierre, écrite dans un contexte de persécution pour les premiers chrétiens :

1 Pierre 5.8-11
8 Soyez lucides, veillez ! Car votre ennemi, le diable, rôde comme un lion rugissant, cherchant quelqu’un à dévorer. 9 Résistez-lui en demeurant fermes dans la foi. Rappelez-vous que vos frères et vos sœurs, dans le monde entier, endurent les mêmes souffrances. 10 Vous aurez à souffrir encore un peu de temps. Mais Dieu, source de toute grâce, vous a appelés à participer à sa gloire éternelle dans l’union avec Jésus Christ ; lui-même vous perfectionnera, vous affermira, vous fortifiera et vous établira sur de solides fondations. 11 À lui soit la puissance pour toujours ! Amen.

Ici, ce n’est pas l’oeil de Sauron qui scrute mais un lion rugissant qui rôde… L’image est différente, mais le danger est similaire. J’aimerais relever dans ce texte trois éléments en lien avec notre lutte face au mal, et le Seigneur des Anneaux nous servira encore de référence et d’illustration.

Identifier l’ennemi

Il s’agit d’abord de bien identifier notre ennemi : “votre ennemi, le diable, rôde comme un lion rugissant.” Parfois, il est clairement identifié. Et là, aucune compromission n’est acceptable, au risque de se perdre. Dans le Seigneur des Anneaux, l’ennemi a le visage de Sauron et sa quête de pouvoir absolu, sa volonté de domination et de soumission.

Le diable a revêtu de nombreux visages de ce type au cours de l’histoire, jusqu’à aujourd’hui. Il a les traits des tyrans, l’apparence des régimes totalitaires de l’histoire des hommes, il se cache derrières des systèmes, parfois globalisés, qui exploitent, dominent, manipulent, corrompent… Il faut être vigilant car la bête renaît souvent, elle peut se cacher derrières des discours de respectabilité, elle sait manipuler les peurs, les colères, et flatter les bas instincts.

Dans le Seigneur des Anneaux, si Sauron incarne le mal absolu, et Saroumane celui qui est complètement corrompu et séduit par le mal, les autres ennemis sont plus sournois, et la frontière entre le bien et le mal est moins évidente…

A cet égard, un personnage de la trilogie est particulièrement intéressant, il s’agit de Gollum. Il a possédé un temps l’anneau, il y a de nombreuses années. Et puis l’anneau s’est trouvé un autre propriétaire en la personne de Bilbon, l’oncle de Frodon. Maintenant que l’anneau réapparaît, il rêve de le récupérer.

Bien des années auparavant, Bilbon aurait pu tuer Gollum mais il a eu pitié de lui. Frodon le regrette… et Gandalf lui dit alors :

“Nombreux sont les vivants qui mériteraient la mort, et les morts qui mériteraient la vie. Pouvez-vous la leur rendre Frodon ? Alors ne soyez pas trop prompt à dispenser morts et jugements. Même les grands sages ne peuvent connaître toutes les fins. Mon coeur me dit que Gollum a encore un rôle à jouer, en bien ou en mal, avant que cette histoire se termine. De la pitié de Bilbon peu dépendre le sort de beaucoup.”

Il y a une sagesse assez biblique dans ces paroles de Gandalf. La non compromission avec le mal n’exclut pas la pitié et la compassion pour ceux qui ont succombé ou été séduit par le mal. Le personnage de Gollum est double, tiraillé. Il interroge les frontières du bien et du mal, y compris dans notre propre coeur.

L’ennemi ne nous est pas seulement externe, il nous est aussi intime et personnel. On le trouve même en chacun de nous.

Rester vigilant

Si on revient à la première épître de Pierre, notre texte contient une première exhortation : “Soyez lucides, veillez !”

J’aime bien la traduction de la Bible Nouvelle Français Courant : “Soyez lucides, veillez !” Le terme grec utilisé est habituellement traduit par sobre, en faisant référence au fait de ne pas boire pour ne pas avoir l’esprit embrouillé par l’alcool. L’idée est donc de garder la tête sur les épaules, de ne pas baisser la garde, bref, de rester vigilants.

Cette exhortation à être lucide dans notre lutte face au mal me paraît particulièrement appropriée car on peut facilement se nourrir de fantasmes et d’illusions. Il s’agit d’éviter deux excès : soit de voir le diable partout, soit d’oublier la réalité de l’ennemi. Car il est aussi peu lucide de vouloir tout spiritualiser que de vouloir tout rationaliser.

Certains voient des influences démoniaques et des enjeux spirituels partout et toujours, dans la moindre difficulté, la moindre contrariété rencontrée… c’est une attaque spirituelle ! Et on s’engage dans une véritable chasse aux sorcières irrationnelle. D’autres, à l’inverse, pensent que rien n’est spirituel, que tout est matériel ou psychologique, purement rationnel… se donnant l’illusion de tout pouvoir maîtriser, toujours.

Rester vigilant, c’est rester lucide, pour ne tomber ni dans un excès ni dans l’autre.

Résister

L’autre exhortation de notre texte appelle à la résistance : “Résistez-lui en demeurant fermes dans la foi.”

Je ne suis pas à l’aise avec certains discours guerriers, conquérants, utilisé parfois parmi les chrétiens. Notre appel n’est pas partir en guerre mais de résister et de tenir ferme. Quand Jésus envoie ses disciples en mission, il les envoie “comme des brebis au milieu des loups” (Matthieu 10.16)… pas comme des chasseurs armés jusqu’aux dents !

C’est en demeurant fermes dans la foi que nous résistons à l’ennemi ! La foi étant cette confiance placée en Dieu, en toutes circonstances, favorables ou non.

La foi aussi est une des thématiques du Seigneur des Anneaux. Elle prend la forme de l’audace et du courage, de l’abnégation, de la loyauté et la fidélité, de l’espoir jusqu’au bout. Elle est présente chez Frodon et d’autres personnages, mais peut-être plus encore chez Sam, le plus fidèle ami de Frodon. Sam n’est pas dans l’esbroufe, il n’a rien d’un va-t-en-guerre ! Il aspire à une vie simple et paisible… mais il est loyal et sait se montrer redoutable et déterminé quand il le faut.

Ce sont des qualités qu’on retrouve dans la foi : la fidélité, la simplicité, la détermination… S’y tenir ferme est loin d’être évident. C’est une lutte de tous les instants. C’est là notre véritable combat spirituel.

Conclusion

Comme souvent dans une trilogie, le volet central est celui de tous les dangers. La possibilité d’un accomplissement de la quête ne tient plus qu’à un fil. A la fin des Deux Tours, nous sommes dans l’expectative.

Nos luttes et nos combats, publics ou intimes, nous placent aussi parfois dans une telle expectative. Nous pouvons avoir l’impression parfois que notre vie ne tient plus qu’à un fil…

Mais ne perdons pas courage. Gardons le cap. Souvenons-nous de ces trois points : identifier l’ennemi, rester vigilant et résister. Nous ne sommes pas seuls. D’autres souffrent et luttent, comme nous. Et surtout, nous sommes au bénéfice d’un appel de grâce de la part de Dieu, en Jésus-Christ, mort et ressuscité. C’est bien ce que proclame avec force la fin de notre texte de l’épître de Pierre :

“Vous aurez à souffrir encore un peu de temps. Mais Dieu, source de toute grâce, vous a appelés à participer à sa gloire éternelle dans l’union avec Jésus Christ ; lui-même vous perfectionnera, vous affermira, vous fortifiera et vous établira sur de solides fondations. À lui soit la puissance pour toujours ! Amen.” (1 Pierre 5.10-11)




La Communauté de l’Anneau

Je vous propose de commencer ce matin une série de trois prédications. Une trilogie ! Eh oui, il y en a des célèbres dans le cinéma, d’autres en littérature… alors pourquoi pas en prédication ? Et pourquoi pas une trilogie de prédications qui s’inspire d’une trilogie ?

Je pense à l’une des plus célèbres d’entre elles, que plusieurs d’entre vous connaissent, soit par les films soit par les livres dont ils sont inspirés (ou les deux !). Les films ont été une entreprise monumentale, sans doute la plus chère de l’histoire du cinéma, et ont récolté 17 Oscars. Et depuis leur première publication en 1954, les romans ont été traduits dans plus de 20 langues et vendus à 150 millions d’exemplaires !

Je vous propose de commencer aujourd’hui une trilogie de prédications inspirée de la trilogie du Seigneur des Anneaux !

Je vous rassure, si vous n’avez ni lu les livres ni vu les films, vous pourrez suivre sans problème. Je ne vais ni raconter toute l’histoire (ce serait beaucoup trop long) ni l’analyser en détail. Je vous propose simplement d’utiliser le Seigneur des Anneaux comme une toile de fond, une référence globale, une illustration de certains principes bibliques. Car, au cas où vous ne le sauriez pas, Tolkien, l’auteur des romans, était un grand ami de CS Lewis (auteur des Chroniques de Narnia), et il était aussi un fervent croyant. Et même si ses romans ne sont pas des ouvrages explicitement spirituels, sa foi transparaît de manière évidente dans plusieurs aspects de son oeuvre.

En quelques mots, pour vous rafraîchir la mémoire ou vous donner les repères nécessaires, l’intrigue du Seigneur des Anneaux se déroule dans un monde imaginaire, la Terre du Milieu, où coexistent des humains, des elfes, des nains et d’autres créatures, notamment les hobbits, un peuple pacifique appelé aussi semi-hommes. L’un d’eux, Frodon, hérite par son oncle d’un anneau magique. Or il se trouve que cet anneau est un instrument de pouvoir absolu convoité par Sauron, le Seigneur maléfique. Si ce dernier s’en empare, il régnera alors sur le monde et réduira en esclavage toute la Terre du Milieu. La seule solution est d’amener l’anneau là où il a été forgé pour le détruire. Mais cela implique de se rendre au coeur du Mordor, là où réside le terrible Sauron.

Le premier volet de la trilogie s’intitule La Communauté de l’Anneau. On y assiste à la constitution de la communauté qui va avoir pour mission de détruire l’anneau, ses premières aventures et épreuves. C’est une communauté diverse, constituée de 4 hobbits, un elfe, un nain, deux humains et un magicien. La plupart ne se connaissent pas vraiment, ils ont même souvent des a prioris et même des inimitiés ancestrales les uns envers les autres. Mais ils vont devoir apprendre à vivre ensemble, unis dans une même quête.

Un des thèmes centraux du Seigneur des Anneaux, c’est celui de la communauté, avec l’idée que nous sommes toujours plus forts en communauté, et que nous avons besoin les uns des autres. Nous ne pouvons pas accomplir seul notre mission. L’amitié, la solidarité, l’altruisme sont des armes puissantes contre la quête de pouvoir absolu, l’oppression et le totalitarisme.

Or la notion de communauté est aussi centrale dans la Bible. Qu’il s’agisse de la communauté du peuple d’Israël dans l’Ancien Testament, ou de celle de l’Eglise dans le Nouveau Testament. Pour cette dernière, on peut bien-sûr penser aux portraits de la première Église dans le livre des Actes des apôtres, ou aux métaphores utilisées par l’apôtre Paul pour décrire l’Église, en particulier celle du corps où chaque membre est solidaire des autres, avec son utilité propre.

Mais je vous propose plutôt de lire une exhortation de l’épître aux Hébreux, qui est un vibrant appel à vivre la communauté :

Hébreux 10.24-25
24 Veillons les uns sur les autres pour nous inciter à mieux aimer et à agir en tout avec bonté. 25 N’abandonnons pas nos assemblées, comme certains ont pris l’habitude de le faire. Au contraire, encourageons-nous les uns les autres, et cela d’autant plus que vous voyez approcher le jour du Seigneur.

Il est intéressant de noter que juste avant ces versets, l’auteur de l’épître aux Hébreux encourage ses lecteurs à s’approcher de Dieu en toute confiance, grâce au chemin ouvert pour nous par le Christ, à travers sa mort et sa résurrection. Et c’est dans le même élan qu’il les invite à vivre la communauté, en veillant les uns sur les autres, en s’encourageant mutuellement, et en résistant à la tentation d’abandonner l’assemblée. La foi n’est pas qu’une affaire privée et individuelle. Elle nous engage devant Dieu, certes. Mais elle nous engage aussi devant et avec les autres. Elle nous incorpore à une communauté.

Ne pas abandonner la communauté

Arrêtons-nous d’abord sur la mise en garde que contient notre texte : “N’abandonnons pas nos assemblées, comme certains ont pris l’habitude de le faire.” Rien de nouveau sous le soleil, comme dirait l’Ecclésiaste… Il semble bien que déjà dans les premiers temps de l’Église, on entendait dire : “Ca ne me plaît plus, je vais voir ailleurs.” Ou : “Celui-ci ou celle-là, je ne la supporte plus, je m’en vais.”

Je ne dis pas qu’il faut toujours rester, coûte que coûte, dans une Église… Mais il est légitime de se demander s’il ne nous arrive pas de placer nos aspirations et nos intérêts personnels avant le souci de la communauté. Autrement dit, si nos motivations ne sont pas tout bonnement égoïstes. Finalement, on peut dire qu’on “abandonne l’assemblée” non pas seulement quand on la quitte, mais quand on fait passer son intérêt propre avant le bien de la communauté…

Dans le Seigneur des Anneaux, plusieurs vont être tentés de s’emparer de l’anneau, au sein de la communauté ou autour d’elle. Parfois, ils tenteront de le justifier avec de belles paroles, en prétendant que c’est avec des motivations nobles, pour faire le bien et apporter la paix… avant de se rendre compte, parfois trop tard, que c’est une illusion de le croire. Et que les motifs sont, finalement, bien personnels. Accepter de détruire l’anneau, c’est refuser toute tentation du pouvoir absolu, même “au nom du bien”.

Le modèle, dans l’Eglise, n’est pas celui du pouvoir et de la domination, c’est celui du service. N’oublions jamais que Jésus-Christ, le chef de l’Eglise, est celui qui a renoncé à lui-même, acceptant jusqu’à la mort sur la croix, pour le salut de l’humanité ! Or, de tout temps, se sont manifestés dans l’Églises des mécanismes de domination, de manipulation, de jugement… Il faut les condamner et les combattre !

 

Veiller les uns sur les autres et s’encourager mutuellement

Arrêtons-nous ensuite sur la double exhortation de notre texte : veiller les uns sur les autres pour nous inciter à mieux aimer, et s’encourager les uns les autres.

Attention : veiller les uns sur les autres, ce n’est pas se surveiller mutuellement… On surveille quelqu’un dont on se méfie, on veille sur quelqu’un qu’on aime. Et justement, le but, c’est d’aimer mieux. D’aider l’autre à progresser, à grandir spirituellement. Le but, c’est de s’encourager, pas de se juger. L’Eglise est appelée à être un lieu de bienveillance et d’encouragement. Voilà deux vertus dont nous avons tant besoin aujourd’hui, et qui se manifestent dans une communauté qui vit dans la confiance et la paix.

On a besoin les uns des autres pour accomplir, ensemble, l’appel que nous partageons. Dans le Seigneur des Anneaux, même lorsque la communauté sera dispersée, ce qui arrive avant la fin du premier volet de la trilogie, chacun aura son rôle à jouer et aidera ainsi à l’accomplissement de la mission. La solidarité de la communauté se poursuit, même lorsqu’elle est dispersée.

On peut dire, d’une certaine manière, que c’est encore une autre façon d’abandonner l’assemblée que de ne se sentir concerné par elle que le dimanche matin. Or, nous ne sommes pas une Église que lorsque nous sommes réunis pour le culte. Nous le sommes chaque jour, lorsque nous accomplissons, réunis ou dispersés, l’appel que nous partageons. C’est tous les jours que nous sommes appelés à aimer et à agir avec bonté.

On vit l’Eglise au quotidien quand on cultive notre appartenance commune, dans la solidarité, la fraternité, la prière les uns pour les autres… et cela bien-sûr au-delà même des limites de l’Eglise locale. C’est cela qui nous encourage et qui nous fait progresser spirituellement !

 

La communauté… de l’Agneau

Pour conclure, revenons à notre comparaison avec le Seigneur des Anneaux. En tant qu’Eglise, nous formons ensemble une communauté, unie dans une mission partagée. Il ne s’agit pas pour nous de détruire un anneau mais d’être témoin, en paroles et en actes, de Jésus-Christ mort et ressuscité.

Bref, nous ne sommes pas la communauté de l’anneau mais la communauté… de l’Agneau (un titre attribué au Christ et qui fait référence à sa mort en sacrifice) !

Nous ne devons pas oublier que nous avons une mission à accomplir, définie par le Christ. La raison d’être d’une Eglise, ce n’est pas seulement d’être un lieu de fraternité, de communion, de ressourcement… C’est bel et bien de répondre à l’appel que le Christ nous adresse.

Ce que nous vivons, notre façon de vivre l’Eglise, nos activités, notre projet… est-ce que tout cela contribue à l’accomplissement de la mission du Christ ? C’est la seule véritable question à se poser en tant qu’Église.

Et pour chacun, à notre niveau, nous pouvons nous demander : quel rôle, aussi modeste soit-il, ai-je, moi, à jouer pour contribuer à cette mission ?

Je vous laisse avec ces deux questions… en attendant le prochain volet de notre trilogie.




Lent à la colère et riche en bonté

 

Lorsque j’ai pris connaissance des textes bibliques proposés pour ce dimanche, j’avoue que je n’étais pas trop inspiré pour ma prédication… Mais il y a aussi, dans la liste de lecture de la Bible en 6 ans, un psaume qui est proposé pour chaque jour. Alors j’ai commencé à lire celui de ce dimanche, le Psaume 145 :

1 Chant de louange de David.
Mon Dieu, toi le roi, je veux proclamer ta grandeur,
et bénir ton nom pour toujours.
2 Je te bénirai chaque jour,
je t’acclamerai sans fin !
3 Le Seigneur est grand, infiniment digne d’être loué ;
sa grandeur est sans limite.
4 Que chaque génération annonce à la suivante ce que tu as fait
et lui raconte tes exploits !
5 Je veux parler de ta majesté, de ta gloire, de ta splendeur.
Moi je veux méditer tes merveilles.
6 Ils parleront de ta puissance redoutable.
Moi, je raconterai ta grandeur.
7 Que l’on rappelle tes grands bienfaits,
et que l’on proclame avec joie ta justice !
8 Le Seigneur est bienveillant et plein de tendresse,
il est lent à la colère et riche en bonté.

Et je me suis arrêté là… Le psaume continue (je l’ai quand même relu ensuite), largement dominé par une tonalité de louange, mais pour la prédication, je ne suis pas allé plus loin que le verset 8, avec cette expression qu’on retrouve à plusieurs reprises dans tout l’Ancien Testament, à propos de Dieu : “il est lent à la colère et riche en bonté”. La première fois, c’était avec Moïse, dans un moment d’intimité inédite avec le Seigneur, alors que Moïse était sur le Mont Sinaï, recevant de Dieu les tablettes de la Loi :

Exode 34.5-6
5 Le Seigneur descendit dans la colonne de nuée et se tint là, à côté de Moïse. Il proclama son nom : « Le Seigneur ». 6 Puis il passa devant Moïse en proclamant encore : « Je suis le Seigneur ! Je suis un Dieu plein de tendresse et de bienveillance, lent à la colère, riche en bonté et en vérité… »

On retrouvera la même formule dans le livre des Nombres (Nb 14.18), dans celui de Néhémie (Né 9.17), dans trois Psaumes (Ps 86.15, Ps 103.8, Ps 145.8), chez le prophète Joël (Jl 2.13) et dans le livre de Jonas (Jon 4.2). Sans compter d’autres formules proches, comme celles parlant d’un Dieu “qui ne garde pas sa colère pour toujours”.

C’est donc une formule biblique importante pour décrire la nature du Seigneur. On pourrait simplement dire (et certaines versions traduisent ainsi) : “Dieu est patient et bon”. Et ça serait correct, même théologiquement… mais c’est tellement moins évocateur que de dire qu’il est “lent à la colère et riche en bonté” !

En réalité, cette formule dit quelque chose de la réalité intime de Dieu, elle est sans doute la meilleure façon d’exprimer l’articulation complexe entre la sainteté de Dieu et son amour.

Lent à la colère

Qu’est-ce qui vous met en colère ? Moi, j’ai plein de choses qui me mettent en colère : l’injustice, la bêtise, l’hypocrisie, les jugements à l’emporte-pièce, toute forme de haine ou de violence… Et ça me semble légitime. Alors franchement, en regardant notre monde, et en regardant notre coeur, ne croyez-vous pas que Dieu a de bonnes raisons d’être en colère ?

Bien-sûr qu’il y a quelque chose d’anthropomorphique (faute de mieux, on projette sur Dieu des comportements humains) dans le fait de parler de la colère de Dieu. Toutefois, le terme dit bien quelque chose de la nature de Dieu. Mais Dieu n’est pas colérique… Quelqu’un de colérique ne maîtrise pas sa colère, et il s’emporte pour un rien. Dieu est tout le contraire d’un colérique puisqu’il est “lent à la colère”.

La colère de Dieu, c’est sa réaction viscérale face au mal : c’est insupportable pour lui qui est parfaitement et infiniment bon, lui qui est pure lumière et en qui il n’y a pas le moindre soupçon d’obscurité.

Mais parce que Dieu est amour, on devrait oublier qu’il est aussi sainteté et justice ? Franchement, qui voudrait d’un “bon Dieu” naïf et mou ? C’est justement parce que Dieu est saint que son amour est si grand ! Ce que nous dit la formule “lent à la colère”, appliquée à Dieu, c’est que, au nom de son amour, Dieu renonce à sa colère. Mais ça n’enlève rien à sa sainteté !

Dieu est saint, par nature. Il est parfaitement bon, pur de tout mal. De toute éternité. Et pour l’éternité. Mais il choisit de retenir sa colère… parce qu’il nous aime.

Riche en bonté

Le mot hébreu (hesed), traduit ici par bonté, est couramment utilisé dans la Bible : près de 250 fois. Il est utilisé parfois pour évoquer les comportements des êtres humains entre eux mais la plupart du temps il décrit l’action bienveillante et bienfaisante de Dieu envers les croyants ou l’humanité en général. Les différentes versions françaises traduisent ce terme, ici ou ailleurs, par fidélité, loyauté, bienveillance, miséricorde…

La bonté dont il est question dans la formule “lent à la colère et riche en bonté” évoque donc l’amour de Dieu en action, la façon dont Dieu exprime son amour. On est loin du “bon Dieu” lointain et gentil…

Le texte biblique ne dit pas seulement que Dieu fait preuve de bonté mais qu’il est “riche en bonté”. La nuance est de taille. Dieu ne se contente pas d’être bon, il manifeste sa bonté avec abondance. Alors que Dieu retient sa colère, il abonde dans l’expression de son amour. Là, il ne se retient pas !

Si vous lisez l’ensemble du Psaume 145, vous verrez combien cette abondance de la bonté de Dieu est évoquée. Ce qui pousse Dieu à l’action, c’est son amour. Il a tout créé par amour. Ensuite, dans son projet de salut, il a tout mis en oeuvre pour renouer le contact avec les humains qui se sont détournés de lui, par amour. Et son amour abondant s’est manifesté à son paroxysme lorsqu’il a envoyé son Fils mourir pour nous sur la croix.

Voilà comment Dieu s’est montré riche en bonté !

Sainteté et amour

Dieu retient sa colère et laisse libre cours à son amour. Quelles sont les implications pour nous de cette double affirmation, dans notre relation à Dieu, et dans notre relation aux autres ?

En ce qui concerne notre relation à Dieu, nous devons reconnaître que le Seigneur a aujourd’hui encore toutes les raisons d’être en colère contre nous… mais il nous accueille par grâce. Une démarche de repentance, comme nous l’avons vécue au début de ce culte, exprime cette double réalité. C’est justement parce que Dieu retient sa colère et laisse libre cours à son amour que nous pouvons entrer dans une démarche de repentance en toute confiance. Et ça n’a rien de morbide. La repentance n’est pas mortifère, elle est au contraire source de vie. C’est la façon la plus authentique de se tenir devant Dieu, en tenant compte à la fois de sa sainteté et de son amour. Parce que Dieu retient sa colère, je n’ai pas à craindre de me présenter devant lui tel que je suis, avec mes failles et mes faiblesses. Et parce qu’il est riche en bonté, je sais qu’en retour je recevrai le pardon, l’assurance de son amour, la grâce de sa présence.

Quant à notre relation aux autres, l’exemple du Seigneur doit nous inspirer. D’ailleurs, dans les Proverbes, quatre fois l’expression “lent à la colère” est appliquée aux être humains, comme une exhortation à vivre (Pr 14.29, 15.18, 16.32, 19.11). Et nous pourrions aussi, évidemment, évoquer les nombreux passages de la Bible qui nous invitent être bon envers tous, à commencer par le commandement “tu aimeras ton prochain comme toi-même”.

Bien-sûr qu’il y a des choses qui nous mettent en colère, parfois même de la part de nos proches. On ne choisit pas d’être en colère… mais on peut choisir de retenir sa colère. On peut choisir de faire preuve de patience, de bienveillance, de grâce, comme on aimerait que les autres le fassent à notre égard. Retenir sa colère est ainsi la première étape nécessaire pour pouvoir faire preuve de bonté, de façon généreuse et gratuite. Bref, c’est en étant lent à la colère que l’on peut être riche en bonté !

Au bénéfice d’un Dieu qui retient sa colère et donne libre cours à son amour, nous sommes appelés à notre tour à retenir notre colère et à donner libre cours à notre amour !




Accueillir

 

Au début du chapitre 10 de l’Evangile de Matthieu, Jésus choisit les 12 apôtres. Ensuite il les envoie et leur donnant des instructions, des conseils et des avertissements. Et leur tâche ne sera pas facile : elle se heurtera à des résistances et de l’opposition (Jésus parle même de persécution). Tout comme ce fut le cas pour Jésus…

On pourrait se dire, au premier abord, que puisque nous ne faisons pas partie des 12 apôtres, nous ne sommes pas vraiment concernés par ce que Jésus leur dit. Ou alors seulement de façon indirecte… Mais il en va autrement des tout derniers versets de ce chapitre, qui nous concernent beaucoup plus directement.

Matthieu 10.40-42
40 Celui qui vous accueille m’accueille ; celui qui m’accueille accueille celui qui m’a envoyé. 41 Celui qui accueille un prophète parce qu’il est prophète, recevra la récompense accordée à un prophète ; et celui qui accueille quelqu’un de fidèle à Dieu parce qu’il est fidèle, recevra la récompense accordée à un fidèle. 42 Je vous le déclare, c’est la vérité : la personne qui donne même un simple verre d’eau fraîche à l’un de ces petits parmi mes disciples, parce qu’il est mon disciple, recevra sa récompense. »

Vous connaissez sans doute ce jeu qui consiste à disposer des dominos les uns à côté des autres pour les faire tomber par une réaction en chaîne à partir d’un seul domino initial. Le record du monde est de 4 491 863 dominos renversés à partir d’un seul domino initial !

C’est un peu par le même effet que ce texte nous rejoint. A partir des 12 premiers “dominos” (les apôtres), tous les dominos de l’Eglise, depuis 2000 ans, ont été atteints. L’Evangile que nous avons reçu aujourd’hui nous relie à la chaîne ininterrompue qui remonte jusqu’aux 12 apôtres, et par eux, au Christ lui-même. Il est, lui, le domino initial…

Les 39 premiers versets de ce chapitre nous concernaient, certes, mais de manière indirecte, puisque les paroles de Jésus étaient adressées aux apôtres qu’il a choisi et envoyé. Par contre, les trois versets que nous avons lus nous concernent directement. En effet, ce ne sont pas les apôtres qui sont concernés par ces paroles mais ceux qui vont les accueillir, ou ceux qui vont accueillir ceux qui les ont accueillis… et donc, au bout de la chaîne, par un effet domino, nous-mêmes.

Accueil / récompense… que dit Jésus ?

Il y a de quoi être surpris, au premier abord. Les paroles de Jésus associent deux idées qu’on n’aurait pas forcément l’idée d’associer, surtout dans la perspective de l’Evangile : l’accueil et la récompense. On n’imagine pas une seconde que Jésus soit en train de dire que nous devons entrer dans une course aux médailles spirituelles, en recherchant des récompenses. D’ailleurs, comment notre accueil serait-il sincère et authentique s’il est calculé ? Si notre motivation n’est pas vraiment l’accueil mais l’accumulation de bons points, n’est-ce pas de l’hypocrisie ? Et Jésus ne peut pas être en train d’encourager l’hypocrisie…

Qu’est-ce que Jésus dit de l’accueil ?

D’abord qu’on accueille toujours plus que celui ou celle qu’on accueille… C’est le fameux effet domino. En accueillant un prophète, un fidèle ou un disciple, les trois catégories de personnes évoquées ici, c’est le Christ lui-même qu’on accueille, d’une certaine manière. Et cela donne évidemment une grande valeur à toute démarche d’accueil.

Ensuite, Jésus souligne que l’accueil doit être adapté à chacun : on accueille un prophète “parce qu’il est prophète” ou “en sa qualité de prophète” (NBS, TOB). Il s’agit d’accueillir chacun pour ce qu’il est. Le véritable accueil est personnalisé.

Enfin, Jésus termine en soulignant que l’accueil est à la portée de tous. Il commence par un simple verre d’eau fraîche…

Qu’est-ce que Jésus dit par ailleurs de la récompense ? Essentiellement, que la récompense est proportionnée à l’accueil. En accueillant un prophète, on reçoit la récompense d’un prophète. De même quand on accueille un fidèle (un juste) ou un disciple.

Evidemment, on se demande alors qu’est-ce que la récompense d’un prophète ? Et celle d’un fidèle (un juste) ou d’un disciple ? D’autant que la “récompense” que Jésus promet à ces derniers, dans les versets qui précèdent, n’est pas forcément enviable. Il y est surtout question d’hostilité et d’adversité… En fait, il me semble que, par définition, un prophète, un juste ou un disciple ne cherchent pas de récompense. Ils cherchent simplement à être fidèle à la mission qu’ils ont reçue de Dieu. Le prophète cherche à transmettre fidèlement le message que Dieu lui a confié. Le juste cherche à être fidèle aux commandements de Dieu. Le disciple cherche à suivre fidèlement son maître. Et leur récompense, c’est d’y arriver.

On pourrait donc se demander si la récompense n’est pas, finalement, dans l’accueil lui-même. Et dans le fait d’accueillir le Christ lui-même à travers ses disciples. Dans le fait d’être associé à la mission du prophète qu’on accueille. Et plus largement, dans le fait d’être enrichi par l’autre qu’on accueille comme il le mérite.

Accueillir aujourd’hui

Bien-sûr, ces versets concernent d’abord l’accueil réservé aux disciples. S’ils ont une mission difficile à accomplir, qui les expose à des épreuves, Jésus veut aussi qu’ils sachent qu’à travers eux, c’est lui-même qui est accueilli. Et ça valorise leur mission. Aux yeux de Dieu, ils sont bel et bien ses représentants. C’est déjà leur récompense !

Mais il me semble qu’on peut tirer des leçons plus générales pour nous, qui sommes appelés à accueillir. Je les résumerais en deux affirmations complémentaires :

  • L’accueil est d’abord une affaire de regard.
  • La qualité de notre accueil dépend de la valeur qu’on donne à celui qu’on accueille.

Loin de nous pousser à la recherche de “bons points” ou de récompenses, pour ici-bas ou l’au-delà, cette double affirmation, qui découle des paroles de Jésus, nous invite à la gratuité. La récompense n’est-elle pas dans l’accueil lui-même, dans la rencontre de l’autre ?

Qu’est-ce que le salut par grâce, sinon Dieu qui nous accueille alors que nous ne méritons pas d’être accueillis ? Et son accueil montre combien nous avons de la valeur à ses yeux. Il a donné son Fils, mort et ressuscité, pour que nous soyons pleinement accueillis auprès de Dieu. Comme Dieu se réjouit du salut qu’il nous offre, nous sommes invités à découvrir la joie de l’accueil gratuit.

L’accueil est d’abord une affaire de regard.

Le souci de l’accueil ne se résume pas aux sourires et aux paroles de bienvenues de l’équipe d’accueil le dimanche matin au culte, aussi importants soient-ils ! Il nous concerne tous… Et en matière d’accueil, avant d’interroger le faire, il s’agit d’interroger l’être. Avant de se concrétiser dans des paroles ou des gestes, l’accueil est d’abord une question de posture par rapport à celui qu’on accueille.

Le souci d’accueil interroge le regard que nous portons les uns sur les autres. L’enjeu, c’est notre écoute, notre présence, notre absence de jugement… non seulement le dimanche mais tous les jours de la semaine.

Plus nous nous exposerons au regard de grâce de Dieu manifesté en Jésus-Christ, plus nous serons capables à notre tour d’adopter ce regard empreint de grâce sur notre prochain, quel qu’il soit.

La qualité de notre accueil dépend de la valeur qu’on donne à celui qu’on accueille.

Le souci de Jésus, à la fin de son discours d’envoi en mission des ses apôtres, est de souligner la valeurs qu’ils ont à ses yeux. Oui, ils vont traverser des épreuves, ils vont rencontrer l’adversité et l’hostilité. Mais Jésus sera avec eux, à chaque instant. Si bien que ceux qui les accueilleront accueilleront le Christ lui-même.

Je trouve que ce dont on manque beaucoup aujourd’hui, c’est justement ce souci de valoriser l’autre. Alors que tout aujourd’hui nous pousse plutôt à la compétition les uns avec les autres, depuis tout petit. Avec le système des notes à l’école, les concours pour entrer dans les grandes écoles, les évaluations professionnelles pour gravir les échelons, la publicité qui pousse à la consommation et entretien l’insatisfaction, les réseaux sociaux où tout est affaire de nombre de likes et de followers…
Dans un système compétitif, on ne cherche pas à valoriser l’autre mais à l’écraser, ou du moins à le devancer ou le supplanter. Et c’est une dynamique qui tend à déshumaniser. Ce n’est pas un hasard si l’Evangile veut renverser un telle dynamique en invitant au service, qui valorise l’autre, à chercher à être non pas le premier mais le dernier, à être moins celui qui cherche à se mettre en avant qu’à être celui qui valorise les autres.

C’est un vrai défi. Et même une lutte… Mais n’oublions pas qu’accueillir vraiment, c’est valoriser celui qu’on accueille, lui montrer qu’il compte pour nous. Comme le Christ nous accueille et nous montre que nous avons de la valeur à ses yeux.

Conclusion

Comme l’affirme l’épître aux Hébreux, à propos de l’hospitalité, qui est une forme concrète d’accueil, “en la pratiquant, certains ont accueilli des anges sans le savoir.” (Hb 13.2). Jésus va encore plus loin ici. En accueillant des prophètes en tant que prophète, des justes en tant que juste, et même en accueillant le plus petit des disciples avec un simple verre d’eau fraîche, c’est le Christ lui-même que nous accueillons. Quelle récompense !

Être prêt à accueillir un prophète, un juste ou un disciple, c’est être prêt à accueillir Jésus-Christ lui-même. C’est avoir conscience qu’au-delà du plus petit de nos prochains, il peut y avoir le Christ qui vient à notre rencontre.

Alors comme Dieu se réjouit du salut qu’il nous offre, de son accueil gratuit en Christ, nous sommes invités à découvrir la joie de l’accueil gratuit. Finalement, dans tout accueil, la récompense, c’est l’accueil lui-même, et la joie qui en découle…




Apprendre de nos épreuves

Le peuple d’Israël est à un moment charnière de son histoire, au terme des 40 ans de traversée du désert, et juste avant d’entrer dans le pays promis. Nous sommes entre un temps d’épreuve et un temps de bénédiction. Et Dieu dit à son peuple : vous avez traversé une longue épreuve, mais vous y avez appris beaucoup :

Deutéronome 8.1-3
1 Veille à mettre en pratique tous les commandements que je te transmets aujourd’hui ; ils vous permettront de vivre et de devenir un peuple nombreux. Vous pourrez alors prendre possession du pays que le Seigneur a promis à vos ancêtres. 2 Souviens-toi de la longue marche que le Seigneur ton Dieu t’a imposée à travers le désert, pendant quarante ans ; il t’a ainsi fait rencontrer des difficultés pour te mettre à l’épreuve, afin de découvrir ce que tu avais au fond de ton cœur et de savoir si, oui ou non, tu voulais observer ses commandements. 3 Après ces difficultés, après t’avoir fait souffrir de la faim, il t’a donné la manne, une nourriture inconnue de toi et de tes pères. De cette manière, il t’a montré que l’être humain ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu

Ensuite, Dieu évoque l’abondance qui attend son peuple dans le pays promis. Mais il les avertit : votre épreuve est certes terminée, mais attention, un autre danger vous guette.

Deutéronome 8.11-14,17-18
11 Prends bien garde ensuite de ne pas oublier le Seigneur ton Dieu en négligeant d’obéir à ses commandements, à ses règles et à ses décrets que je te communique aujourd’hui. 12 Tu auras de quoi te nourrir abondamment, tu construiras et habiteras de belles maisons. 13 Toutes tes possessions – troupeaux, argent, or – augmenteront. 14 Alors tu deviendras orgueilleux, au point d’oublier que le Seigneur ton Dieu t’a fait sortir de l’esclavage d’Égypte. (…)
17 Tu penseras alors que tu as atteint la prospérité par toi-même, par tes propres forces. 18 Souviens-toi que c’est le Seigneur ton Dieu qui te donne les forces nécessaires pour atteindre cette prospérité, et il confirme ainsi, aujourd’hui encore, l’alliance qu’il a conclue avec tes ancêtres.

Ce texte souligne, en fait, qu’il peut sortir du positif des temps d’épreuve que nous traversons mais qu’il y a aussi de vrais dangers dans les temps de bénédiction.

N’est-ce pas le cas pour nous aussi ? Notre vie est faite de temps d’épreuve et de temps de bénédictions. Certes, dans des proportions différentes pour chacun… et nous ne le comprenons pas toujours. Mais cette alternance existe bel et bien, et les mêmes dangers nous guettent.

Deux questions se posent alors à nous : comment faire pour que nous apprenions de nos épreuves ? Et comment faire pour que nous ne tombions pas dans le piège de l’oubli quand tout va bien, ou même quand tout va mieux ?

 

Apprendre de nos épreuves

Comment apprendre de nos épreuves ? La question est légitime mais la réponse n’est pas évidente. Il n’y a pas de recettes, pas de solution toute simple… ça se saurait ! Et surtout, il faut vraiment faire preuve de prudence dans ce que l’on affirme. C’est tellement facile de dire à quelqu’un qui traverse une épreuve que Dieu est en train de lui apprendre quelque chose (si possible en citant Romains 8.28 !)… ou pire de lui dire directement : “voilà ce que Dieu veut te dire par cette épreuve” ! On peut faire de terribles dégâts avec une telle attitude.

Notre texte peut nous donner quelques clés pour adopter la bonne attitude. Un premier élément intéressant, c’est le “souviens-toi” du verset 2. Il laisse entendre que c’est souvent après coup, avec un peu de recul, qu’on comprend pleinement ce que l’on a pu apprendre d’une épreuve traversée. Quand on est au coeur de l’épreuve, c’est beaucoup plus difficile… voire impossible. Pour apprendre de nos épreuves, le facteur temps est essentiel. Et il n’y a pas de honte à dire “je ne comprends ce qui m’arrive, pourquoi Dieu permet-il cela dans ma vie ?” Les psaumes de la Bible sont remplis de telles questions !

Que peut-on donc apprendre d’une épreuve ? Je vois deux pistes dans notre texte. D’abord, au verset 2 : “(Dieu) t’a fait rencontrer des difficultés pour te mettre à l’épreuve, afin de découvrir ce que tu avais au fond de ton cœur…”

Dans l’épreuve, on apprend d’abord sur soi-même.

L’autre piste se trouve au verset 3 : “De cette manière, (Dieu) t’a montré que l’être humain ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.”

Dans l’épreuve, on apprend aussi sur notre relation à Dieu, notre dépendance, notre besoin de lui.

Voilà donc peut-être les deux questions à se poser, si nous voulons apprendre de nos épreuves :

  • Qu’est-ce que cela m’apprend sur moi-même ?
  • Qu’est-ce que cela m’apprend sur ma relation à Dieu ?

Et il ne faut pas se tromper de question, comme par exemple : Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ce qui m’arrive ? Est-ce un jugement ? Une punition ? Ça, c’était l’attitude des amis de Job, qui prétendaient qu’il avait forcément commis un péché qui expliquait l’épreuve qu’il traversait. Qu’il se repente à tout irait mieux ! Or ils avaient tout faux ! Et Dieu le leur a bien dit..

Mais à la fin de son histoire, Job a appris sur lui-même et sur sa relation à Dieu. Il me semble qu’on peut l’entendre ainsi dans ce qu’il dit, la dernière fois qu’il prend la parole : “Oui, j’ai parlé de ce que je ne comprends pas, de ce qui me dépasse et que je ne connais pas.” (Job 42.3) et un peu plus loin : “Je ne savais de toi que ce qu’on m’avait dit, mais maintenant, je t’ai vu de mes yeux !” (Job 42.5)

Job a appris sur lui-même, notamment sur ses limites. Et il appris sur sa relation à Dieu, désormais c’est comme s’il le voyait de ses propres yeux.

 

Le piège de l’oubli

S’il y a un danger à se laisser submerger par l’épreuve, il y a aussi un danger quand tout va bien, ou même simplement quand tout va mieux ! Le risque, c’est d’oublier…

“Prends bien garde ensuite de ne pas oublier le Seigneur ton Dieu en négligeant d’obéir à ses commandements, à ses règles et à ses décrets que je te communique aujourd’hui.” (v.11)

Quand tout va bien, on peut facilement oublier ce qu’on a vécu, oublier ce que Dieu a fait, oublier Dieu, tout simplement. Et même s’attribuer tous les lauriers !

“Alors tu deviendras orgueilleux, au point d’oublier que le Seigneur ton Dieu t’a fait sortir de l’esclavage d’Égypte.” (v.14)

Quand je suis fort, c’est aussi un danger pour moi. Dans la détresse, forcément, on se sent vulnérable… et on comprend bien notre besoin de Dieu. Dans l’abondance, on se sent fort. Quand tout va mieux, on peut se dire : “eh bien, finalement, ce n’était pas si terrible que ça…” Et on oublie que Dieu nous a accompagné et qu’il nous a fait traverser l’épreuve.

Alors comment ne pas tomber dans le piège ? Il faut se souvenir, encore et toujours…

“Souviens-toi que c’est le Seigneur ton Dieu qui te donne les forces nécessaires pour atteindre cette prospérité, et il confirme ainsi, aujourd’hui encore, l’alliance qu’il a conclue avec tes ancêtres.” (v.18)

Il y a une constante, qui ne change pas, alors même que notre vie est faite de hauts et de bas, de temps d’épreuve et de bénédiction, et cette constante, c’est Dieu, sa présence et son action dans nos vies. Alors il faut s’en souvenir, toujours.

Et il s’agit aussi d’obéir à ses commandements. Pourquoi ? Pour rester dans la dépendance de Dieu, même quand tout va bien. En réalité, ça demande un effort de notre part. La tendance naturelle est à l’oubli… D’où la nécessité d’une discipline au quotidien. Un peu comme le sportif qui doit s’astreindre à un entraînement afin de garder la forme pour le jour du match ou du combat, ou comme le musicien qui doit faire ses gammes pour être au niveau le jour du concert. Et cela même si l’entraînement ou le fait de faire ses gammes, ce n’est pas ce qu’il y a de plus drôle… c’est indispensable.

Pour le chrétien, faire ses gammes, c’est prier, méditer la Bible, avoir une vie d’Eglise… et pas seulement quand on en a envie ! C’est justement pour cela qu’il faut une certaine discipline. Faut-il rappeler que, pour le chrétien, prier, méditer la Bible et avoir une vie d’Église, ce ne sont pas des options facultatives, à la carte, en fonction de nos envies du moment ? C’est le b.a-ba de la vie chrétienne, qui nous garde en bonne forme spirituelle pour affronter les épreuves et rester vigilant en toute circonstance.

Conclusion

Comment faire pour que nous apprenions de nos épreuves ? Et comment faire pour que nous ne tombions pas dans le piège de l’oubli quand tout va bien ? C’est à chacun d’y répondre, et surtout n’essayons pas de répondre pour les autres ! Je terminerai donc juste avec quelques questions :

Si vous êtes dans l’épreuve, ou si vous en sortez à peine, je vous laisse avec ces deux questions :

  • Qu’est-ce que cela m’apprend sur moi-même ?
  • Qu’est-ce que cela m’apprend sur ma relation à Dieu ?

Et si tout va bien pour vous aujourd’hui, je vous laisse une autre question :
Quel est mon “entraînement” au quotidien, est-ce que je “fais mes gammes” ?

C’est en se posant les bonnes questions qu’on aura les bonnes réponses !