Croire, c’est attendre

https://youtu.be/Uw3ZDdrc_uE

Quand on regarde une crèche, on y voit les différents personnages qui entourent Jésus lors de sa naissance. Marie et Joseph, évidemment. Les anges et les bergers. Les mages, même si, normalement, ils interviennent plus tard…

Mais il y a d’autres personnages qui gravitent autour de la naissance de Jésus. Après les anges et les bergers, mais avant les mages, il y a deux personnages dont nous parle Luc dans son évangile. Ils rencontrent Jésus quelques jours après sa naissance, alors que ses parents l’amènent au temple pour la cérémonie de purification ordonnée par la loi de Moïse. Tous les deux sont âgés, l’une est une prophétesse nommée Anne, l’autre un homme dont on ne connaît presque rien, nommé Siméon. C’est sur ce dernier que nous allons nous arrêter ce matin.

Luc 2.22-32
22 Puis le moment vint pour Joseph et Marie d’accomplir la cérémonie de purification qu’ordonne la loi de Moïse. Ils amenèrent alors l’enfant au temple de Jérusalem pour le présenter au Seigneur, 23 car il est écrit dans la loi du Seigneur : « Tout garçon premier-né sera mis à part pour le Seigneur. » 24 Ils devaient offrir aussi le sacrifice que demande la même loi, « une paire de tourterelles ou deux jeunes colombes. »
25 Il y avait alors à Jérusalem un homme nommé Siméon. Il était juste, il honorait Dieu et attendait celui qui devait sauver Israël. L’Esprit saint était avec lui 26 et lui avait appris qu’il ne mourrait pas avant d’avoir vu le Christ envoyé par le Seigneur. 27 Inspiré par l’Esprit, Siméon alla dans le temple. Quand les parents de Jésus amenèrent leur petit enfant afin d’accomplir pour lui ce que demandait la Loi, 28 Siméon le reçut dans ses bras et bénit Dieu en disant :
29 « Maintenant, ô maître, tu as réalisé ta promesse :
tu peux laisser ton serviteur aller en paix.
30 Car j’ai vu de mes propres yeux ton salut,
31 ce salut que tu as préparé devant tous les peuples :
32 c’est la lumière qui te fera connaître aux populations
et qui sera la gloire d’Israël, ton peuple. »
Que sait-on de Siméon ? Pas grand chose, en réalité.

  • On connaît son nom, qui signifie en hébreu “qui a été entendu, qui est exaucé”. On peut dire qu’ici il porte bien son nom… Sa prière, devenue le cantique de Siméon, exprime sa joie de voir la promesse de Dieu se réaliser.
  • On comprend qu’il était âgé puisqu’il dit, au début de sa prière : “Maintenant… tu peux laisser ton serviteur aller en paix.” C’est bien la phrase d’un homme qui a attendu de longues années pour voir arriver ce jour !
  • L’évangéliste Luc nous dit que Siméon était juste et qu’il honorait Dieu, il attendait celui qui devait sauver Israël. On pourrait traduire ainsi, à partir du grec, ce que Luc dit de Siméon : “Il était juste et pieux, attendant la consolation d’Israël.” On pourrait donc dire que la foi et la piété de Siméon étaient caractérisées par l’attente.
  • Luc ajoute qu’il avait reçu l’assurance qu’il ne mourrait pas avant d’avoir vu le Christ, le Messie, de ses yeux. Comment a-t-il fait pour discerner le Messie dans ce petit enfant que ses parents amènent au temple, on ne le sait pas… Le texte biblique dit simplement que c’est inspiré par l’Esprit qu’il est allé dans le temple.

Si on devait résumer en une formule très courte le personnage de Siméon, on pourrait dire : Siméon, c’est un juste qui attend. Il apparaît dans l’Evangile comme le juste dont l’attente est récompensée. Et à ce titre, il me paraît pouvoir être à la fois un encouragement et une exhortation pour nous, dans le temps que nous vivons.

D’une manière ou d’une autre, tout le monde est dans l’attente aujourd’hui. On attend la fin de la pandémie, la fin des mesures sanitaires et leurs contraintes… et certains attendent le vaccin comme le Messie ! Mais l’attente est inquiète, parce qu’elle s’étendra peut-être au-delà d’une 3e vague épidémique, parce qu’on ne sait pas encore dans quel état sera le “monde d’après”, et quel impact tout cela aura sur nous, sur notre vie professionnelle, notre vie sociale… notre vie d’Eglise !

Comment, en tant que croyant, vivons-nous l’attente ? Fondamentalement, le croyant est dans l’attente. Et c’est même peut-être ce qui devrait le caractériser en premier : une foi vivante se manifeste dans l’attente. D’une certaine façon, croire, c’est attendre !

Croire, c’est attendre

Le croyant est en attente de Dieu, au quotidien. Il sait que tout lui vient de Dieu. Alors il attend l’accomplissement de ses promesses. Il cherche à le rencontrer, à l’entendre dans la prière et la méditation de sa Parole, à le voir dans les circonstances de sa vie. Il s’attend à Dieu, pour tous les aspects de sa vie. C’est cela, être croyant.

Ça ne veut pas dire qu’il restera les bras croisés et attendra que tout lui tombe du ciel. L’attente n’est pas de la paresse. L’attente chrétienne est d’abord l’assurance que Dieu se soucie de nous, et cette assurance nous met en marche, elle nous permet d’avancer. C’est sur la route, dans nos projets, au cœur de nos tâches du quotidien que nous nous attendons à Dieu, dans l’assurance de sa présence. Nous nous attendons à un lui parce qu’il marche à nos côtés, sur tous nos chemins. Cette assurance nous permet de vivre sereinement d’attente.

Cette attente active, elle se manifeste dans la vigilance. Ce n’est pas une attente contrainte et subie, comme quand on est en attente au téléphone, avec les 4 Saisons de Vivaldi en boucle jusqu’à ce qu’un conseiller soit disponible ! Le croyant attend, mais il reste toujours à l’écoute. Comme Siméon qui entend l’Esprit lui dire d’aller au temple. C’est une attente vigilante, pour être capable de discerner les signes de la présence de Dieu, les indices de ses promesses. Comme Siméon encore qui a su voir dans l’enfant amené au temple, le Messie promis. C’est dans l’attente que notre discernement est aiguisé. Nous en avons besoin pour apprendre toujours mieux à déceler la présence de Dieu dans notre vie. L’attente fait partie de notre apprentissage de disciples du Christ.

L’attente produit aussi la patience et la persévérance. Comme Siméon qui, enfin, voit la promesse qu’il a reçue s’accomplir devant ses yeux. Si l’attente est au cœur de notre posture de croyant, ça signifie que tout ne viendra pas tout de suite… La patience et la persévérance sont des valeurs clé du Royaume de Dieu. Des valeurs qui sont tellement peu dans l’air du temps, avec notre monde de l’instantané ! Un monde qui fait de nous des enfants gâtés qui veulent tout, tout de suite… et qui pleurent et crient quand ils n’ont pas ce qu’ils veulent.

En réalité, l’attente c’est la confiance. Être en attente de Dieu au quotidien, c’est lui faire confiance. Une confiance qui intègre l’incertitude et l’inconnu. Le croyant sait que ça fait partie de la vie… et il n’a pas de problème avec ça. Parce qu’il a confiance en Dieu qui veille sur lui. Cette confiance à laquelle nous sommes appelés se refuse à tout expliquer, à toujours vouloir trouver un responsable ou un coupable, à tout vouloir maîtriser. Autant d’obsessions que l’on voit se manifester aujourd’hui, dans le temps que nous traversons. Mais nous devons y résister, en tant que croyants. Celui qui s’attend à Dieu n’a pas besoin de tout expliquer et de tout maîtriser, il sait que Dieu reste aux commandes. Il ne doit pas céder aux discours simplistes, populistes ou complotistes. Et être un exemple de confiance.

Conclusion

Nous avons dit de Siméon qu’il était un juste qui attend. On a surtout parlé d’attente ce matin, moins de justice… Mais c’est justement en étant dans l’attente que le croyant devient un juste. Dans le langage biblique, un juste ce n’est pas quelqu’un de parfait et sans défaut, ce n’est pas un héros ou un saint. Le juste, c’est celui qui plaît à Dieu en s’efforçant de faire sa volonté.

Or, c’est bien dans la posture de l’attente que le croyant développe des qualités qui le rendent capable d’accomplir la volonté de Dieu. L’assurance, la vigilance, la patience, la confiance. Nous avons besoin de toutes ces qualités pour faire la volonté de Dieu et ainsi lui faire plaisir.

Siméon était un juste parce qu’il attendait Dieu. Aujourd’hui, au seuil d’une nouvelle année pleine d’incertitudes, comment attendons-nous le Seigneur ?




Dieu : une lumière qui nous éclaire

 

Un des premiers rôles de la lumière, c’est de nous éclairer… Et il y a différents types de lumière qui nous éclairent, de différentes façons.

  • Les lumières naturelles du soleil le jour et de la lune la nuit.
  • Les bougies qu’on allume particulièrement en ce temps de l’Avent.
  • Les ampoules qui éclairent l’intérieur de nos maisons.
  • Une lampe torche dont on a besoin pour se déplacer dans la nuit et trouver son chemin.
  • Les phares d’une voiture, sans lesquels il est impossible de circuler la nuit.
  • Plus forte encore, la lumière d’un phare au bord de la mer, qui avertit les bateaux d’un danger et les empêche de s’échouer.
  • Mais il y a aussi la lumière douce d’une veilleuse qu’on allume pour nous tenir compagnie pendant que nous dormons.

Toutes ces lumières nous éclairent, d’une manière ou d’une autre. Et elles sont toutes utiles pour éclairer une pièce, trouver un chemin, avertir d’un danger, nous rassurer…

Il y a une différence majeure entre ces différentes lumières, c’est leur intensité. Certaines sont très fortes, d’autres très douces. C’est en fonction des besoins. Un phare doit éclairer très fortement parce qu’on doit voir sa lumière de loin. Mais une veilleuse émet une lumière douce, sinon elle nous empêcherait de dormir.

Quand on dit que Dieu est lumière, on dit, entre autres, qu’il éclaire notre vie. Il nous montre le chemin, il nous avertit d’un danger, il nous rassure. Et il adapte aussi l’intensité de sa lumière en fonction de nos besoins.

Dans le Psaume 18, David compare Dieu à une lumière. Le premier verset nous dit à quelle occasion il a été écrit : “Chant de David, le serviteur du Seigneur. David adressa ces paroles au Seigneur quand celui-ci le délivra de tous ses ennemis, en particulier de Saül.”

Dans ce psaume, David évoque donc le secours qu’il a reçu de la part du Seigneur, avec des images fortes et un langage suggestif. Il compare Dieu à un rocher solide qui le protège mais il parle aussi d’un Dieu qui peut faire trembler la terre, entraînant les éléments déchaînés avec lui, un Dieu qui lui donne une victoire éclatante sur ses ennemis.

Et au milieu de ce Psaume, dans une partie plus calme, David compare le Seigneur à une lampe allumée :
“29 Seigneur, tu es pour moi une lampe allumée,
mon Dieu, tu éclaires la nuit où je suis.
30 Avec toi, je prends d’assaut une muraille,
grâce à toi, mon Dieu, je franchis un rempart.
31 Dieu est un guide parfait, les avis qu’il donne sont sûrs ;
il est comme un bouclier
pour tous ceux qui se réfugient auprès de lui.”

Dans la nuit…

Je ne sais pas si vous avez peur du noir… Moi, je n’aime pas trop ! Je vais même vous dire un secret : je ne peux pas dormir dans la noir absolu. J’ai besoin d’un peu de lumière. Alors je ne ferme jamais les volets dans une chambre où je dors !

C’est quand on est dans la nuit qu’on mesure combien on a besoin de lumière. Et on peut, dans notre vie, avoir parfois l’impression d’être dans la nuit. Parfois même la nuit noire. Quand notre avenir semble bouché, quand on a perdu goût à la vie, quand tout semble s’acharner contre nous, quand on a l’impression d’avoir épuisé toutes les solutions et que ça ne marche toujours pas, quand on a une décision à prendre et qu’on est incapable de le faire, quand on retombe sans cesse dans les mêmes travers…

Vous avez tous, sans doute, déjà fait une telle expérience. On a l’impression d’être dans la nuit, perdu, découragé ou inquiet. Comment, alors, pouvons-nous dire avec l’auteur du Psaume :

“Seigneur, tu es pour moi une lampe allumée,
mon Dieu, tu éclaires la nuit où je suis.”

Voir la lumière de Dieu

Comment la lumière de Dieu peut-elle venir éclairer notre nuit ? C’est différent pour chacun… il n’y a pas de règle.

Parfois Dieu éclairera notre nuit comme le ferait un spot dans une salle de spectacle. Comme une évidence, une présence presque palpable. Vous l’avez peut-être déjà vécu ? Mais ce n’est pas toujours le cas, loin de là. La lumière de Dieu sera peut-être bien plus discrète…

Ce sera peut-être un espoir, une conviction, que l’Esprit de Dieu fera naître au fond de nous, comme la petite flamme d’une bougie pour commencer. Ce sera peut-être une parole biblique lue ou entendue, qui nous rejoindra de façon particulière et éclairera notre vie d’un jour nouveau. Ce sera peut-être quelqu’un que Dieu mettra sur notre route et qui partagera notre détresse comme une lumière douce et apaisante, ou qui nous donnera un conseil nous permettant de faire un pas de plus. Cette lumière, elle transparaît parfois simplement dans un sourire, un geste d’affection, un regard. Elle peut jaillir d’une petite carte reçue ou d’un SMS !

Mais qu’est-ce qui me fait voir dans ces petites choses la lumière de Dieu ? Bien-sûr, on pourra toujours dire que c’est de l’autosuggestion, que c’est la chance ou le hasard d’une rencontre. On pourra toujours… Mais on pourra aussi y voir une étincelle divine, une petite lumière, douce, rassurante, porteuse d’espoir. C’est un choix, celui de la foi. Est-ce vraiment plus absurde que de parler de hasard et de chance ? Et n’oublions pas que ce n’est que par la foi que la lumière de Dieu peut être perçue !

Alors si la nuit semble se prolonger pour nous, n’hésitons pas à transformer cette parole du Psaume en prière :

“Seigneur, sois pour moi une lampe allumée,
mon Dieu, éclaire la nuit où je suis !”

Il répondra !




Dieu : une lumière qui nous éblouit

 

Malgré le confinement, les centre-villes vont s’illuminer le soir grâce aux décorations de Noël. Il y a des traditions que même la Covid ne peut empêcher ! On associe toujours la lumière à Noël, qu’on soit croyant ou non. Et pour nous qui sommes croyants, cette lumière est celle de Jésus-Christ, lumière de Dieu venue dans le monde.

C’est justement autour de la lumière que nous voulons vivre les quatre dimanches de l’Avent qui nous conduiront jusqu’à Noël. L’apôtre Jean affirme dans sa première épître : “Dieu est lumière”. C’est une affirmation fondamentale sur la nature même de Dieu. La métaphore est riche, et elle peut désigner plusieurs aspects de Dieu. Nous allons en évoquer quatre à partir de ce dimanche.

Une lumière peut être extrêmement forte. Et on imagine bien que ça puisse être le cas pour la lumière de Dieu… Or, que se passe-t-il lorsque nous regardons directement une forte lumière ? Nous sommes éblouis. Et en fonction de la lumière dont il s’agit, ça peut même être dangereux. On a ainsi besoin de lunettes avec des verres opaques pour observer une éclipse de soleil, sinon on risque des dommages irréversibles aux yeux.

Dieu est une lumière qui éblouit. Pour l’illustrer, je vous propose de lire une vision étonnante et spectaculaire décrite par le prophète Esaïe :

Esaïe 6.1-8
1 C’était l’année où mourut le roi Ozias. Dans une vision, j’aperçus le Seigneur assis sur un trône très élevé. Le bas de son manteau remplissait le temple. 2 Des êtres flamboyants se tenaient au-dessus de lui. Ils avaient chacun six ailes : deux leur servaient à se cacher le visage, deux à se voiler le corps et deux à voler. 3 Ils criaient l’un à l’autre :
« Saint, saint, saint
est le Seigneur de l’univers !
La terre entière
est remplie de sa gloire ! »
4 Leur voix faisait trembler les portes sur leurs pivots, et le temple se remplit de fumée. 5 Je dis alors : « Quel malheur pour moi, je vais être réduit au silence car mes lèvres sont indignes de Dieu, et j’appartiens à un peuple aux lèvres tout aussi indignes de lui. Or j’ai vu, de mes yeux, le roi, le Seigneur de l’univers ! »
6 Mais l’un des anges flamboyants vola vers moi. Avec des pincettes il tenait une braise qu’il avait prise sur l’autel. 7 Il en toucha ma bouche et me dit : « Ceci a touché tes lèvres, ton indignité est supprimée, ton péché est effacé. »
8 J’entendis alors le Seigneur demander : « Qui vais-je envoyer ? Qui sera notre porte-parole ? » – « Me voici, répondis-je, envoie-moi. »

Il y a bien dans cette vision une lumière éblouissante qui émane de Dieu. D’après les paroles des êtres flamboyants, cette lumière exprime la sainteté de Dieu : “Saint, saint, saint est le Seigneur de l’univers !”

Mais qu’est-ce que la sainteté de Dieu ? Qu’affirme-t-on quand on dit que Dieu est saint ? On entend souvent la sainteté comme une qualité morale. Être saint, c’est être pur, sans tache, irréprochable. Que ce soit pour Dieu ou pour nous… Mais est-ce vraiment cela, la sainteté ?

Commençons par décrypter la vision d’Esaïe, nous verrons ensuite ce que cela nous enseigne sur la sainteté. Celle de Dieu, et la nôtre.

 

La vision de Dieu

Dieu est au cœur de la vision, immense : il est sur un trône très élevé et le bas de son manteau remplit le temple. Mais on ne le voit pas directement. Ce sont les êtres qui l’entourent, et qui eux sont décrits, qui nous parlent de Dieu.

Les “êtres flamboyants” de la vision sont en général appelés des séraphins. C’est la transcription en français de l’hébreu seraphim, construit sur une racine qui signifie “brûlant”. C’est le mot utilisé pour les serpents venimeux du livre des Nombres, lorsque Moïse a dû brandir un serpent d’airain pour soigner leur morsure. N’imaginons donc pas ici des petits angelots bien potelés voltigeant gaiement autour de Dieu. D’après leur nom, les êtres de cette vision pouvaient bien ressembler à des serpents ailés flamboyants.

Comment sont-ils décrits ? Ils ont six ailes, dont deux seulement leur servent à voler ! Les autres leur servent à se cacher. Ils cachent leurs yeux, pour ne pas voir Dieu. Ils se voilent le corps, cachant leur nudité, comme l’ont fait Adam et Eve dans le jardin d’Eden. En fait, les séraphins nous parlent de nous. Eux qui vivent à proximité de Dieu, irradiant la sainteté de Dieu, doivent se cacher devant lui. Alors à plus forte raison, nous !!!

Ils crient, de manière antiphonée, proclamant ceci :
« Saint, saint, saint
est le Seigneur de l’univers !
La terre entière
est remplie de sa gloire ! »

Pourquoi dire trois fois saint ? C’est la forme la plus forte du superlatif en hébreu. Dire du Seigneur qu’il est saint, saint, saint, c’est dire qu’il n’y en a pas de plus saint que lui. Il est unique, incomparable. Et parce qu’il est unique et incomparable, nul ne peut tenir en sa présence, pas même les séraphins de la vision, qui doivent se cacher devant lui.

Cette sainteté n’est pas liée seulement au temple où se déroule la vision d’Esaïe, elle s’étend à toute la terre : “la terre est remplie de sa gloire !” Sainteté et gloire sont intimement liées. Elles décrivent l’éclat unique de Dieu, sa présence incontournable, sa singularité. Il n’y en a pas d’autre comme lui dans l’univers !

Face à une telle vision, la réaction d’Esaïe est immédiate. Il est terrassé. Ce n’est, certes, qu’une vision mais elle est tellement impressionnante qu’il pense qu’il va mourir. Pourquoi ? Parce que, selon la formule qui traverse tout l’Ancien Testament : nul ne peut voir Dieu et rester en vie.

Il est sans doute déjà prophète lorsqu’il reçoit sa vision. C’est pour cela qu’il évoque ses lèvres impures. Un prophète est un porte-parole de Dieu. Mais il prend conscience ici, comme jamais auparavant, de la sainteté de Dieu. Et il se sent alors indigne de son ministère… Comment, lui, avec toutes ses limites et ses imperfections, peut-il être le porte parole du Dieu trois fois saint ?

Dieu intervient alors auprès du prophète, il ne le laisse pas dans sa terreur. Un des séraphins touche ses lèvres avec une braise prise sur l’autel, et pourtant cette braise ne le brûle pas… La sainteté de Dieu est douce, elle se manifeste avec grâce, elle ne terrasse pas le prophète mais le relève et le purifie. Et puis la voix de Dieu se fait entendre, son appel est renouvelé : “qui enverrais-je ?” Non, Esaïe n’est pas indigne d’être le porte-parole de Dieu, parce que Dieu lui-même l’a choisi !

La vision de la sainteté de Dieu, associée à l’expression de sa grâce, va fortifier le prophète et lui donner le courage d’accomplir sa tâche, ingrate, puisque dans les versets suivants le Seigneur l’avertit que le peuple ne l’écoutera pas…

 

La sainteté de Dieu et la nôtre

Parler de la sainteté de Dieu, c’est aussi parler de la nôtre. Je pense ici à une formule qu’on trouve dans l’Ancien Testament : “Soyez saints car je suis saint” (Lévitique 19.2). Elle est reprise dans le Nouveau Testament et il est d’ailleurs intéressant de noter que dans Matthieu 5 elle est exprimée sous une forme un peu différente : “Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait” (Matthieu 5.48)

Le lien entre la sainteté de Dieu et sa perfection est à noter. On associe habituellement la sainteté à la pureté, en lui donnant un sens moral fort. Ce n’est pas le sens d’origine. Appliqué à Dieu, sa sainteté désigne plutôt sa singularité. Il est unique et incomparable. Absolument parfait. Appliqué à nous, la sainteté désigne notre consécration à Dieu. Que cela ait des conséquences éthiques, dans notre vie, notre comportement, c’est indéniable. Toutefois la sainteté n’est pas d’abord une caractéristique morale mais spirituelle, elle exprime notre attachement à Dieu.

Notre vision du Dieu saint

C’est important pour notre vision, notre compréhension de Dieu. Le Dieu saint, lumière éblouissante, n’est pas un Dieu moralisateur et accusateur mais un Dieu unique et incomparable. On pourrait dire que la sainteté de Dieu, c’est tout ce qui nous éblouit en lui et qui émane de sa perfection. On peut donc bien-sûr associer la sainteté de Dieu à la pureté, la perfection, le bien absolu. Mais il n’y a aucun problème à associer aussi l’amour de Dieu à sa sainteté ! Son amour est parfait, sa grâce et sa bonté sont sans limite… et cela aussi nous éblouit.

Bien-sûr, lorsqu’on prend conscience de la sainteté de Dieu, de sa singularité et de sa perfection… on se sent tout petit. Dieu est saint, unique et incomparable. Il n’est pas à notre échelle, il est hors de notre portée, radicalement autre. Et, comme Esaïe, nous pouvons nous sentir indigne de parler de lui… Et c’est tant mieux ! C’est l’antidote à l’orgueil spirituel et à l’arrogance de penser que nous savons, que nous connaissons et que tous les autres ignorent. La conscience de la sainteté de Dieu nous garde dans l’humilité.

Notre sainteté

Quant à notre sainteté, elle ne peut venir que de Dieu. Comme dans la vision d’Esaïe où le séraphin touche les lèvres du prophète avec la braise tirée de l’autel. Être saint, ce n’est pas vivre dans l’ascétisme extrême, s’astreindre à une discipline de fer et renoncer à tout. On ne devient pas saint par nos efforts. Être saint, c’est rester attaché au Dieu saint, unique et incomparable. Ce n’est pas d’abord une qualité morale, c’est une qualité spirituelle. D’ailleurs, dans le Nouveau Testament, “les saints”, ce sont les croyants, ceux qui appartiennent à Dieu. L’apôtre Paul adresse ses lettres “aux saints” qui sont à Ephèse, Corinthe ou Philippe.

Nous devons vraiment renoncer à une compréhension moraliste de la sainteté. Elle met une pression parfois insurmontable sur les croyants. Parce qu’on n’est jamais à la hauteur. Nous avons tous nos luttes, nos limites et nos fragilités. Nous avons tous de multiples raisons de nous considérer indignes devant Dieu. Tous.

Mais la sainteté de Dieu se manifeste aussi dans sa grâce, son amour inconditionnel, son appel pour tous. Notre sainteté, c’est notre attachement à Dieu, elle se construit dans notre relation à lui. Et c’est lui qui fait le reste.

Nous devons aussi renoncer à une compréhension moraliste de la sainteté parce qu’elle nous coupe de nos contemporains. En réduisant la vie chrétienne à une affaire de morale, elle ne leur donne pas envie d’y goûter. Ils n’ont aucune envie de devenir des “petits saints”. Et je les comprends !

Conclusion

Dieu est saint. Il n’y en a pas d’autre que lui, il est unique et incomparable. Il est une lumière éblouissante, impossible à contempler. Inaccessible.

Et pourtant, dans ce temps de l’Avent, nous voulons nous souvenir que c’est ce Dieu saint qui a choisi de venir jusqu’à nous. Le Dieu invisible est devenu visible, il s’est manifesté en Jésus-Christ. En lui, la lumière éblouissante de Dieu se fait lumière fragile, dans l’étable de Bethléem, et plus encore sur la croix, quelques années plus tard.

Cette lumière de Dieu veut élire domicile dans notre coeur, illuminer notre vie de sa présence, en toutes circonstances. Et ainsi, nous faire participer à la sainteté de Dieu. Non pas commes des croyants parfaits et purs, ou s’estimant parfaits et purs, mais en tant qu’enfants de Dieu, des femmes et des hommes qui, humblement, lui appartiennent et s’exposent à sa lumière.




Réussir sa vie…

 

Il y a des expressions de la langue française qui viennent directement des Évangiles, sans que la plupart des gens qui les utilisent le sachent forcément. Nul n’est prophète en son pays. A chaque jour suffit sa peine. Rendre à César ce qui est à César. Jeter la première pierre. On reconnaît un arbre à ses fruits. Toutes ces expressions viennent des Evangiles !

Il y a même des mots dont le sens en français vient directement de l’Évangile, à tel point que lorsqu’on le lit dans la Bible, notre compréhension peut en être faussée. C’est le cas du mot talent, qui désigne en français une aptitude, un don particulier. Or le mot vient directement de la parabole dite des talents racontée par Jésus. Et on oublierait presque que le mot désignait d’abord, dans l’Antiquité, une unité de poids et une unité monétaire.

La question piège est donc : la parabole des talents (au sens de l’Antiquité) parle-t-elle vraiment de nos talents (au sens moderne) ? Pour répondre à cette question, je vous propose de lire cette parabole, dans la version de la Nouvelle Bible en Français courant qui, plutôt que de parler de talents, parle de pièces d’or…

Matthieu 25.14-30
14 Il en sera comme de quelqu’un qui allait partir en voyage : il appela ses serviteurs et leur confia ses biens. 15 Il remit à l’un 500 pièces d’or, à un autre 200, à un troisième 100 : à chacun selon ses capacités. Puis il partit en voyage. 16 Celui qui avait reçu les 500 pièces d’or s’en alla aussitôt faire du commerce avec cet argent et gagna 500 autres pièces d’or. 17 De même celui qui avait reçu 200 pièces agit de même et gagna 200 autres pièces. 18 Mais celui qui avait reçu 100 pièces s’en alla creuser un trou dans la terre et y cacha l’argent de son maître.
19 Longtemps après, le maître de ces serviteurs revint et régla ses comptes avec eux. 20 Celui qui avait reçu 500 pièces d’or s’approcha et présenta les 500 autres pièces en disant : “Maître, tu m’avais remis 500 pièces d’or. J’en ai gagné 500 autres : les voici.” 21 Son maître lui dit : “C’est bien, bon et fidèle serviteur ! Tu as été digne de confiance dans des choses qui ont peu de valeur, je te confierai donc celles qui ont beaucoup de valeur. Viens te réjouir avec moi.” 22 Le serviteur qui avait reçu les 200 pièces s’approcha ensuite et dit : “Maître, tu m’avais remis 200 pièces d’or. J’en ai gagné 200 autres : les voici.” 23 Son maître lui dit : “C’est bien, bon et fidèle serviteur. Tu as été digne de confiance dans des choses qui ont peu de valeur, je te confierai donc celles qui ont beaucoup de valeur. Viens te réjouir avec moi.” 24 Enfin, le serviteur qui avait reçu les 100 pièces s’approcha et dit : “Maître, je te connaissais comme quelqu’un de dur : tu moissonnes où tu n’as pas semé, tu récoltes où tu n’as rien planté. 25 J’ai eu peur et je suis allé cacher ton argent dans la terre. Eh bien, voici ce qui t’appartient.” 26 Son maître lui répondit : “Mauvais serviteur, paresseux ! Tu savais que je moissonne où je n’ai pas semé, que je récolte où je n’ai rien planté ? 27 Tu aurais dû placer mon argent à la banque et, à mon retour, j’aurais retiré mon bien avec les intérêts. 28 Enlevez-lui donc les 100 pièces d’or et remettez-les à celui qui en a 1 000. 29 Car à celui qui a, on donnera davantage et il sera dans l’abondance ; mais à celui qui n’a pas, on enlèvera même ce qu’il a. 30 Et ce serviteur bon à rien, jetez-le dans l’obscurité du dehors, là où l’on pleure et grince des dents.”
De quoi nous parle cette histoire ? D’une mission confiée à trois serviteurs en l’absence du maître. D’un bilan fait au moment du retour du maître. Et si deux serviteurs reçoivent à la fin un bilan positif, ce n’est pas le cas du troisième. Il a échoué dans sa mission. On comprend bien que la parabole parle de nous, de notre vie, de ce que nous en faisons. Et elle parle du bilan qui pourra en être fait à la fin.

Si cette parabole parle de notre vie, on peut donc dire que les deux premiers serviteurs ont réussi leur vie. Mais le troisième a raté sa vie… Et finalement, c’est peut-être bien de cela dont il est question dans cette parabole. Qu’est-ce que réussir sa vie ?

Une parabole dérangeante

Disons-le tout de suite : la parabole est tout de même assez dérangeante ! Le portrait qu’elle dresse du maître n’est pas très flatteur… et pourtant on comprend bien que, d’une manière ou d’une autre, il désigne Dieu. Le maître est-il injuste ? Non, pas vraiment… Mais il est sévère et sans pitié. Son jugement sur le troisième serviteur est implacable.

En fait, on aurait bien aimé que la parabole soit un peu différente. On aurait bien voulu que ce soit celui qui a reçu le plus de pièces d’or qui les cache dans la terre pour les ressortir au retour du maître. Et que celui qui a reçu le moins de pièces d’or se soit montré fidèle et qu’il soit loué par le maître. Voire même qu’il reçoive les pièces d’or de celui qui les aurait caché dans la terre. Ça aurait semblé conforme à l’Evangile, non ? Les premiers sont les derniers…

Sauf que ce n’est pas l’histoire que Jésus a raconté. Dans sa parabole, c’est celui qui a reçu le moins qui se montre craintif. C’est lui qui est blâmé à la fin. Et c’est à son propos que le maître demande qu’on lui retire même ce qu’il n’a pas. Et là, ça nous paraît quand même sévère.

Avant, je me disais que le troisième serviteur avait une fausse vision de son maître. Parce que je faisais trop vite le raccourci : le maître c’est Dieu. Et je me disais que non, Dieu n’est pas comme ça. Il n’est pas quelqu’un de dur qui moissonne où il n’a pas semé, et qui récolte où il n’a rien planté. Sauf que dans la parabole, le maître dit bien de lui-même : “Tu savais que je moissonne où je n’ai pas semé, que je récolte où je n’ai rien planté” Le maître de la parabole est bel et bien dur et sévère. Ca, c’est la parabole. Ça ne veut pas dire que Dieu est comme ça… mais ça veut bien dire que, dans cette histoire, le maître est ainsi. Et le troisième serviteur aurait dû agir en conséquence, non pas motivé par la peur comme il l’a fait mais avec un tout petit peu de jugeote, il aurait pu mettre les pièces d’or à la banque et en retirer quelques intérêts. Il me semble que la parabole met l’accent sur la peur du serviteur plutôt que sur la sévérité du maître.

Alors comment comprendre cette parabole ? Je pense qu’on fait fausse route si on essaye de la rendre moins choquante, moins dérangeante. Cette parabole, comme pratiquement toutes les paraboles de Jésus, n’a pas pour fonction de nous rassurer, au risque de nous endormir, mais de nous interpeller et, peut-être, de nous réveiller. Ce que nous faisons de ce que nous avons reçu compte aux yeux de Dieu. Notre vie, ce que nous sommes, ce que nous avons, ce que nous recevons, nous est en réalité confié par Dieu. Nous ne sommes pas vraiment les propriétaires de notre vie, nous en sommes plutôt les gestionnaires.

Nous n’avons pas tous le même “capital” de départ mais nous devons tous, à minima, être de bons gestionnaires de notre vie. Nous aurons des comptes à rendre à Dieu. Nous sommes même invités à prendre des initiatives, oser prendre des risques pour faire fructifier ce que nous avons reçu.

Et si, pour une fois, c’est le plus pauvre qui est blâmé, ça montre aussi qu’il ne suffit pas d’être petit et pauvre pour plaire au Seigneur ! Ici, c’est celui qui a le plus qui donne le bon exemple, pour une fois… L’important, ce n’est pas d’avoir beaucoup ou peu, ce n’est pas d’avoir ou d’être ceci ou cela, l’important c’est la manière dont nous gérons ce qui nous est confié.

Qu’est-ce que réussir sa vie ?

A la lumière de cette parabole, la réponse sera sans doute différente pour chacun, en fonction de ce qu’on a reçu. Il est évident que tout le monde ne naît pas dans les mêmes conditions (cadre familial, éducation, niveau social) et n’a pas les mêmes opportunités qui se présentent à lui ou à elle tout au long de sa vie. C’est un peu les différents montants de pièces d’or des trois serviteurs de la parabole.

On ne peut donc pas attendre la même chose, le même parcours, les mêmes fruits pour tout le monde. Il n’y a pas une seule façon de réussir sa vie.

Rejeter les stéréotypes

C’est impossible, et absurde, de dire comme certains : “si tu n’as pas ceci ou si tu n’a pas fais cela à 50 ans, tu as raté ta vie !” Il y a pourtant bien des stéréotypes de la réussite véhiculés par notre société : un compte en banque bien garni, une maison, une belle voiture, ou une montre en or, une carrière professionnelle qui nous mène tout en haut de l’échelle sociale, un nombre de followers sur Instagram ou sur YouTube qui se compte en millions…

Et ne nous y trompons pas, il y a aussi des versions évangéliques des stéréotypes de la réussite. Pour réussir sa vie, il faut être marié, avoir des enfants (au moins trois) et une responsabilité en vue dans l’Eglise. “Si tu n’as jamais été membre du conseil de ton Eglise à 50 ans, tu as raté ta vie !” Non, il faut absolument se défaire de ces stéréotypes qui n’ont aucun appui biblique.

Refuser le statu quo

Le principe qui découle de notre parabole me semble être qu’on réussit sa vie quand on la termine plus riche qu’au début… Et on ne parle pas ici de richesse matérielle, évidemment ! Jésus se soucie peu des richesses matérielles dans les Evangiles, sinon pour mettre en garde contre le piège qu’elles peuvent constituer. Lorsqu’il parle de la vraie richesse, il parle d’autre chose :

Matthieu 6.19-21
19 Ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où les mites et la rouille détruisent et les cambrioleurs forcent les serrures pour voler. 20 Amassez-vous plutôt des trésors dans le ciel, où il n’y a ni mite ni rouille pour détruire, ni cambrioleurs pour forcer les serrures et voler. 21 Car ton cœur sera toujours là où est ton trésor.

Enterrer les pièces d’or, c’est se contenter de ce qu’on est et de ce qu’on a. C’est s’enfermer dans le statu quo. Faire fructifier les pièces d’or, c’est prendre le risque de l’ouverture à l’autre, de l’amour, de la rencontre, du partage. Tout ce qui nous enrichit vraiment. Et tout ce qui enrichit les autres par la même occasion.

Accueillir l’amour de Dieu

Nous avons fait remarquer que dans la parabole, c’est la peur qui paralyse le troisième serviteur, lui ôtant tout discernement : il n’a même pas pensé mettre les pièces d’or qui lui étaient confiées à la banque, pour en retirer quelques intérêts.

Je n’ai que récemment compris une formule biblique qu’on cite assez souvent : “l’amour parfait bannit la crainte” (1 Jean 4.18). Or, le contexte de cette phrase, c’est le jugement de Dieu que le croyant peut envisager paisiblement, parce qu’il est aimé de Dieu. L’amour parfait, c’est quand la peur d’être jugé a disparu. C’est vrai dans notre relation à Dieu, mais aussi dans notre relation à notre prochain.

Justement, dans notre parabole, le troisième ouvrier avait peur d’être jugé sévèrement par son maître. Alors il a enterré les pièces d’or. Si c’est la peur qui motive notre vie, nous risquons bien de passer à côté.

Réussir sa vie, c’est surmonter ses peurs et oser prendre des initiatives, en fonction de ses dons. Il ne s’agit pas de faire n’importe quoi et de prendre des risques inconsidérés. Il s’agit surtout d’avoir suffisamment confiance pour surmonter nos peurs. Et la meilleure façon de surmonter nos peurs, toutes nos peurs, c’est de découvrir l’amour inconditionnel de Dieu pour nous.

Évidemment, ici, je vais un peu au-delà de notre parabole, qui ne parle pas directement de l’amour de Dieu. Mais je ne vais pas au-delà de l’Évangile en disant cela ! Bien au contraire. La Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, c’est justement celle de l’amour de Dieu pour tous ceux qui croient.

Conclusion

On pourrait donc dire qu’on a réussi sa vie si on a compris l’amour inconditionnel de Dieu pour nous. Parce que si on a compris cela, alors on ne se laisse pas enfermer dans les stéréotypes et on ne se réfugie pas dans le statu quo. Dieu nous aime tel que nous sommes et quoi que nous fassions. Et on ose alors prendre des risques, des initiatives, en sachant que nous n’avons pas à craindre le jugement de Dieu. Il continuera de nous aimer. Et il fera même fructifier ce qu’il nous a confié.




Notre assurance et notre espérance

 

Le contexte actuel a tendance à faire voler en éclat nos certitudes et nos espoirs. Et comme si les inquiétudes sanitaires ne suffisaient pas, la menace terroriste refait surface, les tensions et craintes politiques internationales se confirment…

Y a-t-il, aujourd’hui, quoi que ce soit dont nous puissions être sûr ? Et y a-t-il quoi que ce soit que nous puissions espérer, pour demain ?

Avec la deuxième vague de l’épidémie, les restrictions nouvelles qui s’imposent, les incertitudes grandissent, à tous les niveaux, pour demain, que ce soit pour notre monde, pour l’économie, pour notre santé ou celle de nos proches…

Nous avons pourtant, en tant que croyant, une assurance et une espérance à proclamer et à vivre. Une assurance et une espérance qui ne dépendent pas des circonstances mais de Dieu seul. Un des textes bibliques du jour pour ce dimanche nous le rappelle avec force :

1 Jean 3.1-3
1Voyez à quel point le Père nous a aimés : nous sommes appelés enfants de Dieu, et nous le sommes réellement ! Si le monde ne nous connaît pas, c’est parce qu’il n’a pas connu Dieu. 2Très chers amis, nous sommes maintenant enfants de Dieu, mais ce que nous deviendrons n’est pas encore clairement révélé. Cependant, nous savons que quand le Christ paraîtra, nous deviendrons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est. 3Toute personne qui place son espérance en lui se rend pure, comme Jésus Christ lui-même est pur.

Il est intéressant de noter, dans ces quelques versets, la façon dont l’apôtre Jean évoque notre situation de croyant, aujourd’hui. Il la décrit dans une tension, entre ce que nous sommes et ce que nous ne sommes pas encore, entre ce que nous savons et ce qui n’est pas encore clairement révélé. Cette tension est le lot de tous les croyants. Et la question est celle de l’articulation entre l’assurance et l’espérance.

  • Notre assurance : nous sommes enfants de Dieu.
  • Notre espérance : nous deviendrons, demain, semblable au Christ.

Mais ce que nous serons alors reste, en bonne partie, mystérieux : “Nous sommes maintenant enfants de Dieu, mais ce que nous deviendrons n’est pas encore clairement révélé.”

Nous retrouvons cette tension, évoquée tout à l’heure. Ici, grâce à la métaphore de l’enfant. Nous sommes enfants de Dieu. C’est merveilleux ! Mais nous ne sommes que des enfants de Dieu, des filles et des fils de Dieu en devenir.

Est-ce qu’un enfant sait quel adulte il sera ? Il a des souhaits, des rêves… mais il est bien rare que ces rêves se réalisent. Repensez à ce que vous vouliez être quand vous étiez petits. Moi, je voulais être conducteur de locomotives, pour faire des manoeuvres dans les gares ! C’est raté…

Mais en même temps, ces rêves sont des moteurs qui nous poussent à grandir. Ils évoluent : on n’en reste pas à nos rêves de petits enfants. Mais ce sont nos rêves et nos ambitions qui nous font élaborer des projets, qui nous motivent à nous former, qui nous poussent à grandir et qui font de nous les adultes que nous devenons.

Peut-être, finalement, devrions-nous plus concevoir notre assurance comme un émerveillement et notre espérance comme un rêve d’enfant !

J’ai l’impression qu’on a trop souvent tendance à penser l’assurance et l’espérance comme si elles étaient presque extérieures à nous-mêmes, comme s’il s’agissait de pures éléments objectifs : l’assurance c’est que celui qui croit en Jésus-Christ sera sauvé ; l’espérance c’est que le Christ revient pour établir son règne. Même en citant Jean 3.16, ça reste un peu froid, clinique.

Evidemment, tout cela est vrai. Mais qu’est-ce que ça veut dire pour moi ? On réduit trop souvent l’assurance à l’assurance du salut (ouf, je suis sauvé !) et l’espérance à l’espérance de la vie après la mort ou du retour de Jésus. Ce texte resitue l’assurance et l’espérance comme des impératifs existentiels, dans la tension féconde inhérente à tout enfant de Dieu. On doit penser l’assurance et l’espérance de façon plus personnelle. Et pourquoi pas, en effet, penser l’assurance comme un émerveillement et l’espérance comme un rêve d’enfant !

L’assurance comme un émerveillement

L’assurance, c’est celle d’être enfants de Dieu. Et l’apôtre Jean, alors qu’il était sans doute déjà âgé et expérimenté lorsqu’il a écrit cette épître, l’exprime bel et bien avec émerveillement : “nous sommes appelés enfants de Dieu, et nous le sommes réellement !” Pour moi, cette précision, “et nous le sommes réellement !”, sonne comme un émerveillement. Non seulement nous sommes appelés enfants de Dieu mais ce n’est pas seulement une façon abstraite de parler : nous le sommes vraiment. Dieu est notre Père et nous sommes ses enfants. C’est formidable !

L’assurance d’être vraiment enfants de Dieu, ce n’est pas seulement l’affirmation que nous sommes créés par lui. C’est l’assurance d’être reconnus, adoptés par Dieu. C’est être assurés de son amour, quoi que nous fassions. Un enfant qui fait des bêtises cesse-t-il d’être l’enfant de ses parents ? Non, évidemment ! Il y a bien, dans ce monde, des parents qui renient leurs enfants, à cause de ce qu’ils font ou même de ce qu’ils sont devenus. Et c’est un drame terrible et intolérable. Quelle qu’en soit la raison !

Mais Dieu n’est pas ainsi. Nous pouvons avoir l’assurance de son amour, quoi que nous fassions. Ca ne signifie pas qu’il approuve tout ce que nous faisons mais que son amour nous est acquis. Pour toujours. Parce qu’il est notre Père et que nous sommes ses enfants.

N’y a-t-il pas de quoi s’émerveiller ? L’assurance est intimement liée à la grâce, cet amour inconditionnel de Dieu manifesté en Jésus-Christ.

L’espérance comme un rêve d’enfant

L’espérance, c’est celle d’être, un jour, semblable au Christ. Pour prolonger la métaphore de l’enfant et de l’adulte, le Christ est comme le grand frère déjà adulte, celui auquel on veut ressembler, notre modèle.

Pourtant, notre perception du Christ est encore imparfaite : c’est plus tard, quand il paraîtra, que nous le verrons tel qu’il est. Aujourd’hui, nous pouvons bien-sûr apprendre à le connaître, à travers les Evangiles. Cette connaissance n’est que partielle, imparfaite… mais elle est largement suffisante pour entretenir nos rêves et notre espérance.

Parler de notre espérance, ce n’est pas parler d’un calendrier eschatologique, des événements plus ou moins catastrophiques liés au retour de Jésus, c’est d’abord parler de ce que nous serons demain. C’est parler de ce que nous serons, libérés de nos pesanteurs, de nos failles et de nos fardeaux d’aujourd’hui.

Cette espérance nous pousse à réfléchir à ce que nous allons mettre en oeuvre aujourd’hui pour devenir celui ou celle que nous serons demain.

Conclusion

A quoi ça sert, des chrétiens qui s’émerveillent et qui gardent vivaces leurs rêves d’enfant ? En réalité, j’ai l’impression que ça peut être très utile… En tout cas plus utile que des chrétiens qui se désolidarisent du monde et se réfugient dans un discours apocalyptique.

Notre assurance et notre espérance nous donne une identité apaisée d’enfants de Dieu, sûrs de l’amour de leur Père, en toutes circonstances. Ca devrait nous rendre capable d’aimer, de faire preuve de grâce et de bienveillance, d’être artisans de paix dans un monde inquiet, d’envisager un avenir dans la main de Dieu malgré les incertitudes qui se multiplient.

Voilà autant de façons concrètes de témoigner de notre assurance et de notre espérance. Aucune circonstance, quelle qu’elle soit, ne peut nous ravir notre espérance en Jésus-Christ, mort et ressuscité. C’est une Bonne Nouvelle, pour tous !