Le fruit de l’Esprit : un défi du quotidien

 

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Texte biblique : Galates 5.16-25 

Pentecôte, c’est la commémoration d’un événement majeur de l’histoire de l’Église, c’est même son événement fondateur : la descente du Saint-Esprit sur les croyants. Le livre des Actes des apôtres nous en fait le récit et en souligne le caractère spectaculaire.

Mais depuis ce jour, le Saint-Esprit habite chaque croyant, tous les jours, dans la banalité de notre quotidien, loin parfois de la gloire et de l’éclat du jour de Pentecôte. Pour l’évoquer, l’apôtre Paul parle de fruit de l’Esprit.

Ce n’est pas une option !

Mais commençons par la fin de notre texte et sa conclusion en forme d’exhortation forte et sans ambiguïté : « Si nous vivons par l’Esprit, marchons aussi sous l’impulsion de l’Esprit. » (v.25) Une exhortation qu’on pourrait transcrire ainsi, de façon prosaïque : il ne suffit pas d’être chrétien, il faut que ça se voie dans notre conduite. Bref, le fruit de l’Esprit n’est pas une option !

Vivre par l’Esprit, c’est avoir reçu la vie éternelle, le don gratuit de Dieu, son salut. C’est être chrétien, au sens le plus fort du terme. Et c’est bien l’oeuvre de l’Esprit.

Marcher par l’Esprit (ou sous l’impulsion de l’Esprit), c’est voir sa vie changée par Dieu, avoir un comportement conséquent avec notre foi. Et c’est aussi l’oeuvre de l’Esprit.

Voilà pourquoi le fruit de l’Esprit n’est pas une option mais un impératif pour le chrétien, qui est tout entier au bénéfice de l’oeuvre du Saint-Esprit. Du début de sa vie chrétienne jusqu’à la fin. L’oeuvre de l’Esprit, c’est de semer la vie éternelle en nous et de la faire germer pour nous amener à porter du fruit pour la gloire de Dieu. On ne peut pas se contenter de vivre par l’Esprit, il nous faut marcher par l’Esprit.

Mais si l’exhortation est là, c’est que ce n’est pas si évident que cela dans la pratique…

C’est un combat

La preuve : il y a un combat, une lutte au quotidien. Paul parle d’un antagonisme entre la chair et l’Esprit. Dans le langage de l’apôtre, la chair, c’est notre être en tant qu’humain pécheur. C’est ce que nous sommes tous, loin de Dieu, marqués par le péché. L’Esprit, ici, c’est le Saint-Esprit, qui renouvelle notre être intérieur.

L’un et l’autre n’agissent pas de la même façon en nous. La chair est là, en chacun de nous. Et elle nous pousse, par des pulsions, des envies, des inclinations. C’est cette part de nous-mêmes qui fait dire à l’apôtre Paul en Romains 7 : « Ce que je veux, je ne le fais pas, et ce que je déteste, je le fais. » (Romains 7.15) On connaît tous cette lutte contre la tentation, ce combat pour ne pas nous laisser emporter par des pulsions contraires à ce que Dieu attend de nous.

L’Esprit saint, lui, vient habiter le croyant. Il s’installe, il remplit le chrétien petit à petit pour le changer de l’intérieur. Il est comme un nouveau moteur à notre vie, qui nous donne une nouvelle impulsion. Et il peut nous donner la force de résister et de contrer les inclinations de la chair.

La chair produit des œuvres. C’est ce que nous sommes tout à fait capables de faire par nous-mêmes… malheureusement ! L’Esprit produit du fruit. C’est ce qui grandit naturellement en nous lorsque l’Esprit de Dieu agit. C’est la conséquence naturelle de la semence de vie de l’Esprit, plantée en nous.

Tout l’art de la vie chrétienne, c’est d’apprendre à ce que nos œuvres deviennent le fruit de l’Esprit… alors que naturellement, notre vie est le fruit de nos pulsions et de nos envies, pas toujours saintes. C’est un combat de tous les jours, dans le quotidien. Mais c’est une lutte qui en vaut la peine parce qu’ils sont beaux les fruits produits par l’Esprit, et ils sont bons pour nous et ceux qui nous entourent.

Dans le quotidien

La force de ce texte, c’est de nous parler du quotidien de la vie dans l’Esprit saint. On a quitté le côté spectaculaire de l’événement de la Pentecôte pour la banalité du quotidien et de ses luttes. Un quotidien qui peut être sombre ou lumineux, selon que s’exprime la chair ou l’Esprit. Car notre vie est tiraillée entre ces deux pôles. Entre ce que nous sommes encore (les œuvres de la chair) et ce que Dieu par son Esprit veut faire de nous (le fruit de l’Esprit).

Comme le dit l’apôtre Paul, les œuvres de la chair, on les connaît. Et pas seulement chez les autres ! Cette liste nous est familière… On ne les rencontre bien-sûr pas toutes en même temps chez la même personne ou dans la même Église ! Mais on les connaît…

Ces « œuvres de la chair » qui sont aussi parfois notre quotidien, sont multiformes : sexuelles, spirituelles, relationnelles surtout. Elles se manifestent dans les comportements dépravés, conflictuels, excessifs qui n’affectent pas seulement ceux qui les commettent mais aussi ceux qui les subissent. Et elles se manifestent aussi, reconnaissons-le, dans nos Églises et dans nos vies.

Le fruit de l’Esprit, on l’oublierait presque. Parce qu’il n’a rien de spectaculaire et s’inscrit simplement dans notre quotidien. Franchement, il n’y a rien de surhumain dans l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la confiance, la douceur ou la maîtrise de soi. Rien de surhumain… et pourtant c’est si difficile de s’y tenir avec persévérance.

Et c’est bien dans notre quotidien que cela se joue. Cette liste du fruit de l’Esprit évoque toutes des qualités relationnelles. L’oeuvre du Saint-Esprit dans notre vie se manifeste dans la qualité de nos relations avec notre prochain. Les manifestations spectaculaires du Saint-Esprit ont été données parfois par Dieu dans l’histoire de son Église, à commencer par le jour de la Pentecôte. Mais l’enjeu principal de l’oeuvre de l’Esprit se joue dans notre quotidien, dans la banalité de notre vie de tous les jours.

Quand on nous regarde, quand on nous voit vivre au travail, avec les amis, dans notre famille, que voit-on ? Qu’est-ce qui caractérise notre relation à nos prochains ? Pas seulement le dimanche matin au culte mais aussi le lundi matin au bureau, le vendredi soir en rentrant à la maison ou le samedi après-midi dans nos loisirs ? C’est là que se manifeste on non le fruit de l’Esprit…

Conclusion

L’événement de la Pentecôte relaté dans le livre des Actes des apôtres est l’événement fondateur de l’histoire de l’Église. Il est l’accomplissement de la promesse de Jésus-Christ : ressuscité et assis auprès du Père, il envoie son Esprit pour être toujours avec nous.

Mais la réalité de la Pentecôte, pour nous aujourd’hui, se vit le plus souvent dans la banalité de notre quotidien. Un quotidien de luttes et de combat, car l’antagonisme entre la chair et l’Esprit est le lot de tous les chrétiens, jusqu’à notre dernier jour. Nous vivons dans une tension, source parfois de frustration, entre ce que nous sommes encore et ce que nous sommes appelés à devenir en Christ.

Mais notre quotidien est aussi fait de victoires, petites ou grandes, qui sont autant de marques de l’oeuvre en profondeur de l’Esprit de Dieu. C’est le fruit de l’Esprit, témoignage que le Christ vivant habite en nous.




Débusquer la bête

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Lecture biblique : Apocalypse 13

On a beau dire que l’Apocalypse n’est pas un livre écrit pour nous faire peur, cette vision n’est quand même pas très rassurante…

On y rencontre deux bêtes. La première, très impressionnante, sort de la mer. Son apparence rappelle les bêtes de la prophétie de Daniel, au chapitre 7, qui symbolisaient la succession de plusieurs royaumes humains. Elle sort de la mer, élément naturel inquiétant (beaucoup de marins périssaient dans les tempêtes). Mais du coup, elle vient aussi de l’occident, là où se trouve Rome. C’est bien l’empire romain qui est dans le viseur : l’empire qui en ce temps-là s’élevait contre Dieu en persécutant les chrétiens.

L’autre bête est moins inquiétante : elle n’a que deux cornes comme celles d’un agneau. De plus, elle vient de la terre, beaucoup moins inquiétante que la mer. Mais son pouvoir est dans sa parole : elle parle comme un dragon. C’est le prophète de la première bête, séduisant et menaçant les hommes pour les conduire à adorer la bête.

Il est frappant de constater combien cette double image est parlante, non seulement dans le contexte de l’empire romain au Ier siècle mais tout au long des siècles, jusqu’à aujourd’hui ! Dans toute l’histoire, des empires, des puissances humaines se sont élevés et sont devenus monstrueux. La bête a pris de nombreux visages, ceux de la puissance de pouvoirs politiques totalitaires et de la propagande de leur idéologie. Avec plus ou moins de collusion avec telle ou telle religion, y compris chrétienne, d’ailleurs !

Les bêtes ont changé de visage dans l’histoire, maniant tour à tour la terreur et la séduction. Avec une même motivation : prendre la place de Dieu. C’est le sens du fameux 666 dont l’interprétation la plus plausible est celle d’une trinité humaine singeant Dieu : 3 x 6, le chiffre de l’homme. Comme le Dragon et les deux bêtes singent la Trinité divine. Le Dragon prend la place du Père, la bête qui sort de la mer prend celle du Fils (envoyée par le Dragon, l’une de ses têtes est blessée à mort mais ressuscite) et la bête qui sort de la terre prend celle du Saint-Esprit, qui convainc la terre d’adorer la première bête.

Que faire d’une telle vision aujourd’hui ? Je vous propose trois pistes, résumées en trois verbes.

Décrypter

Cette vision nous invite à décrypter notre monde. Sans pour autant vouloir jouer au « Nostradamus évangélique », cherchant à deviner l’avenir ! C’est là une mauvaise compréhension de l’Apocalypse qui veut d’abord nous donner des clés pour comprendre l’histoire mais pas des énigmes pour nous faire deviner l’avenir !

Des « Nostradamus évangéliques », il y en a eu et il y en aura encore… D’ailleurs récemment, j’ai lu un article parlant d’un « prophète » évangélique qui a écrit un livre et qui donne des conférences, annonçant que l’enlèvement de l’Église aura lieu en septembre prochain et que l’Antichrist était le prince William !

Le décryptage auquel notre texte nous invite est tout autre. Il nous invite à la lucidité sur tout pouvoir humain. Bref, à ne pas être dupe, ne pas s’illusionner. Nous sommes heureux de vivre en démocratie mais comme disait Winston Churchill, « la démocratie est le pire des régimes, à l’exception de tous les autres déjà essayés dans le passé. » Le cœur de l’homme étant ce qu’il est, ce n’est pas un type de régime politique en lui-même qui préserve de toute dérive. Hitler est arrivé démocratiquement au pouvoir en Allemagne… N’oublions pas que c’est la seconde bête, d’apparence inoffensive, qui conduit à la première bête terrifiante.

Décrypter, c’est être vigilant sur notre monde, notre société, ses dirigeants et ses puissants. C’est chercher à comprendre les enjeux spirituels, parfois évidents et parfois cachés.

Résister

La deuxième piste découle de la première. Après avoir décrypté, il s’agit de résister. Veiller à ne jamais plier le genou devant la bête, quelle que soit la forme qu’elle prend.

Il y a eu dans l’histoire des manifestations évidentes de cette bête, d’autres plus insidieuses. Aujourd’hui, il y a une bête évidente à identifier. C’est la bête islamiste. Pas de doute possible. Daesh a la marque des bêtes de l’Apocalypse, avec sa logique de terreur, sa volonté d’expansion et d’extermination, en particulier envers les chrétiens. Avec sa puissance totalitaire et sa force de propagande. Il faut la combattre, prier pour que la communauté internationale mette tout en œuvre pour la vaincre.

Mais est-elle la seule contre laquelle se prémunir aujourd’hui ? L’apparence inoffensive de la seconde bête doit nous mettre en garde. Sa voix de dragon n’est-elle pas aussi dans les discours haineux et xénophobes, antisémites ou islamophobe, qui ont tendance à se banaliser ? La poussée des partis politiques extrêmes en Europe, et en particulier en France, est inquiétante. Surtout quand elle se confirme dans les urnes…

Saviez-vous que l’ONU, à travers son comité pour l’élimination de la discrimination raciale (Cerd) a dénoncé cette semaine la banalisation du discours haineux en France à l’égard des minorités ?

Il nous faut résister aux deux bêtes : la première, terrifiante et inquiétante, autant que la seconde, insidieuse et séductrice.

Prier

La troisième piste découle des deux premières. Prier. L’exhortation n’est pas présente explicitement dans notre texte mais elle en est la conséquence inévitable pour le croyant.

Prier pour avoir la sagesse de comprendre le « chiffre de la bête », débusquer la bête et ne pas nous laisser séduire ou terroriser. Prier pour décrypter notre monde avec discernement et ne pas s’engager dans des théories fumeuses ou farfelues.

Prier pour avoir la force et le courage de résister quand cela est nécessaire. Le courage de s’élever contre le pouvoir quand il se transforme en bête, le courage de dénoncer les idéologies haineuses et moribondes.

Prier aussi pour les autorités, comme l’apôtre Paul nous y invite. C’est une façon de leur être soumis, de les respecter. Car si tout pouvoir humain a le risque de basculer dans le côté obscur, Dieu peut aussi utiliser des hommes et des femmes pour le bien de tous. Résister au mal, c’est aussi promouvoir le bien.

Prier enfin pour garder l’espérance, en toute circonstance. Car l’Apocalypse nous apprend que ce ne sont ni le Dragon ni les bêtes qui auront le dernier mot mais le Christ ressuscité. Au chapitre 19 de l’Apocalypse, la bête et le faux prophète sont vaincus par le cavalier montant un cheval blanc, une image du Christ. Ils sont jetés dans l’étang de feu, là où le diable les rejoindra.

Conclusion

Faut-il avoir peur de l’Apocalypse ? Non ! Certes, la vision assez terrifiante de ce chapitre ne nous encourage guère à l’optimisme. Mais elle est là avant tout pour nous mettre en garde et nous appeler à la vigilance, pour que nous sachions être attentifs aux véritables enjeux spirituels.

Les pouvoirs politiques ne sont pas toujours bienveillants à l’égard des chrétiens, ils ne sont pas toujours en accord avec les valeurs de l’Évangile. Loin de là… C’est pourquoi nous sommes appelés à la vigilance, pour décrypter, résister et prier. Tout en sachant que le dernier mot ne sera pas à un quelconque pouvoir humain, aussi terrifiant et monstrueux soit-il, mais à Celui qui est mort et ressuscité et qui viendra un jour établir son règne d’amour, de justice et de paix.




Menteurs !

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Lecture biblique : Jérémie 9.1-8

Tous pourris ! Tous des menteurs ! Voilà un peu le sentiment que nous pouvons avoir en lisant ce texte de Jérémie.

C’est même l’avis du Seigneur lui-même qui semble en avoir marre de son peuple. Il rêve presque de s’en débarrasser (v.1) ! C’est bien-sûr une image qu’il ne faut pas prendre au pied de la lettre… mais qui exprime bien le désarroi de Dieu, sa déception devant son peuple.

Les prophètes qui se sont levés juste avant l’exil ont adressé au nom du Seigneur de nombreux reproches au peuple, et en particulier à ses dirigeants. L’idolâtrie, l’injustice, la corruption, la débauche et bien d’autres maux étaient dénoncés.

Le reproche principal, ici, c’est le mensonge. Et un mensonge généralisé : chez les dirigeants du peuple : « ils sont devenus maîtres du pays non pas grâce à la vérité, mais grâce au mensonge » (v.2) mais aussi dans le quotidien des relations : « Chacun doit se méfier de son ami, personne ne doit faire confiance à son frère. Tout frère est un trompeur. » (v.3)

Et, ironie, c’est l’exemple de Jacob, l’ancêtre du peuple d’Israël, qui est évoqué : « Comme Jacob, il vous trompera sûrement. » (v.3). Une référence à son stratagème pour voler le droit d’aînesse à son frère Esaü.

Du coup, la conclusion est sans appel : « Chacun trompe son prochain, personne ne dit la vérité, tous ont pris l’habitude de mentir. » (v.4) Ou comme le traduit la NBS : « ils exercent leur langue à proférer des mensonges ! » Le mensonge est alors presque un sport national en Juda, tous en sont devenu des experts !

Pourquoi une telle véhémence contre le mensonge ? Où sont, aujourd’hui, les mensonges à dénoncer, dans notre société, mais aussi dans notre vie ?

Avec le mensonge, le ver est dans la pomme !

Dans la Bible, le mensonge est à la racine du péché. Tout a commencé à mal tourner à cause du mensonge du serpent : « Vous ne mourrez pas mais vous deviendrez comme Dieu ! » (Genèse 3.4) En laissant ce mensonge pénétrer son esprit, Eve a laissé le ver entrer dans la pomme. Car c’était un double mensonge. Un mensonge sur Dieu, qui mettait en doute sa parole et le faisait menteur. Mais aussi un mensonge sur nous-mêmes, en faisant croire que nous pouvions devenir comme Dieu.

Dans le discours des prophètes, le mensonge est associé aux faux dieux, aux idoles. Ce sont des dieux de mensonge qui trompent leur adorateur. Ou plutôt ce sont les adorateurs qui se trompent eux-mêmes et qui se trompent sur Dieu.

« Tous les fondeurs ont honte de leurs faux dieux.
Ces statues sont trompeuses :
il n’y a en elles aucun souffle de vie. » (Jérémie 10.14)

Le mensonge éloigne du vrai Dieu. « Il ne me connaissent pas » (v.2). Le Décalogue mettait en garde contre ce danger : « Je suis le Seigneur ton Dieu. Tu n’auras pas d’autres dieux devant ma face ».

Mais le mensonge brise aussi ma relation à mon prochain : la confiance est remplacée par la méfiance. Dans notre texte de Jérémie, ce sont bien les conséquences du mensonge qui sont dénoncées : la violence, les crimes, la trahison… C’est pourquoi, dans le Décalogue, il n’y a pas le commandement « Tu ne mentiras pas », qui serait abstrait et absolu. Mais « Tu ne porteras pas de faux témoignage ». C’est le mensonge pour nuire.

Où sont les mensonges aujourd’hui, dans notre société ? Il y a bien-sûr les magouilles des puissants, les petits (ou gros) arrangements dans le monde des affaires, la fraude ou l’évasion fiscale. Mais on peut penser aussi aux mensonges de promesses électorales oubliées aussitôt après avoir été élu, ou de certains discours politiques qui érigent les uns ou les autres en boucs émissaires, responsables de tous les maux. Sans oublier les mensonges des publicités vantant les mérites de telle lessives ou tel produit cosmétique miracle, les mensonges « photoshopés » des canons de beauté qui ornent les couvertures des magazines.

Veillons à ne pas tomber dans les pièges de ces mensonges… Soutenons les organismes qui militent pour plus de transparence et d’intégrité, comme le Défi Michée et son plaidoyer contre la corruption. Recherchons une vie simple, authentique, intègre.

Car la mise en garde est vraie aussi pour notre pomme ! Nous avons tous des zones d’ombres dans notre vie, des chose que nous préférons cacher, y compris à nos proches. Où sont les mensonges dans notre vie ? Comment affectent-ils notre relation avec Dieu, comment altèrent-ils nos relations avec nos proches ?

La vérité pour vaincre le mensonge

Dénoncer le mensonge, c’est aussi promouvoir la vérité. Non pas au sens d’une vérité absolue qu’il conviendrait de connaître, voire de posséder. C’est une illusion, donc un mensonge, de prétendre détenir la vérité !

Il n’y a pas de vérité à détenir, il n’y a qu’une vérité à vivre. Jésus ne l’a-t-il pas dit lorsqu’il se définit lui-même comme « le chemin, la vérité et la vie » ? La vérité ici, ce n’est pas le dernier mot sur tout, ce n’est pas un discours, un dogme ou une connaissance. La vérité, c’est la personne de Jésus. Le Fils de Dieu fait homme pour nous ouvrir le chemin de la vie.

Le mensonge n’est vaincu que lorsqu’il est remplacé par la vérité. Lorsque la tromperie a laissé place à l’intégrité, lorsque la manipulation est devenue service, lorsque l’hypocrisie a disparu au profit de l’authenticité, lorsque la méfiance est remplacée par la confiance…

C’est cette vérité-là que nous devons rechercher. C’est pourquoi l’apôtre Jean, dans sa première épître, trace un lien étroit entre la vérité et l’amour. « Si quelqu’un dit ‘je connais Dieu’, mais s’il n’obéit pas à ses commandements, c’est un menteur, la vérité n’est pas en lui. Mais celui qui obéit à la parole de Dieu, son amour pour Dieu est vraiment parfait. » (1 Jn 2.4-5) Et plus loin : « Si quelqu’un dit ‘je suis dans la lumière’, mais s’il déteste son frère ou sa sœur, celui-là est encore dans la nuit. » (1 Jn 2.9)

Pour Jean comme pour Jérémie, la vérité et le mensonge se mesurent dans notre façon de vivre. Devant Dieu, le mensonge conduit à l’hypocrisie ou l’idolâtrie. Alors que la vérité produit une foi vivante, authentique, qui grandit et s’épanouit. Dans nos relations à notre prochain, le mensonge conduit à la tromperie, la manipulation, la méfiance. Alors que la vérité produit la fidélité, l’humilité, la confiance.

Rejetons donc le mensonge et ses conséquences néfastes et choisissons la vérité, fidèle compagnon de l’amour.

Conclusion

Tous pourris ! Tous des menteurs ! Certes… mais sommes-nous meilleurs ? Prenons garde en tout cas, car nous aussi nous pouvons nous laisser entraîner dans le mensonge. La séduction du serpent change de forme mais elle garde tout son attrait.

Alors, certes, soyons les promoteurs de la vérité. Quand nous le pouvons, dénonçons les mensonges si facilement véhiculés par les médias traditionnels ou modernes. Mais pourquoi ne pas prier aussi pour les hommes et les femmes qui veulent vivre dans la vérité ? Et surtout, soyons chacun à notre niveau, de vrais disciples de Jésus-Christ, témoins en paroles et en actes de son amour et de sa grâce, dans la vérité.




L’humilité et la gloire

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Lecture biblique : Philippiens 2.6-11

C’est aujourd’hui le dimanche des Rameaux où nous lisons le récit de l’entrée de Jésus à Jérusalem. Cet hymne de Philippiens 2 permet d’éclairer ce récit de façon intéressante.

L’entrée de Jésus à Jérusalem est pleine de paradoxes : acclamé par la foule comme un Roi entrant dans la ville, c’est pourtant vers son supplice que Jésus se dirige. Cette même foule criera quelques jours plus tard : « crucifie-le ! »

Un paradoxe auquel répond le contraste saisissant de l’hymne de Philippiens 2, entre l’humiliation et la gloire, à la fois celle qui précède et qui suit l’humiliation du Christ jusqu’à la croix.

Jésus entre à Jérusalem sur le dos d’un âne. Ce n’est pas une monture indigne d’un roi, notamment en temps de paix. On préférera le cheval sur le champ de bataille ! C’est donc bien dans la posture d’un roi que Jésus entre à Jérusalem et qu’il est acclamé. Pourtant son entrée n’est pas triomphaliste mais humble : l’évangile précise que c’est sur un simple ânon qu’il s’assied…

Jésus entre donc à Jérusalem comme un roi en temps de paix… mais il y rencontrera la haine et la violence des hommes. Il entre à Jérusalem humblement sur le dos d’un ânon… mais il subira l’humiliation suprême d’un procès injuste, des moqueries et de la mort infamante de la crucifixion.

En réalité, l’entrée de Jésus à Jérusalem est à l’image de l’incarnation, de la venue du Fils de Dieu sur terre en tant qu’homme. Celui qui entre à Jérusalem si humblement est bien celui qui est né dans une étable au sein d’une famille modeste plutôt que dans le palais de la capitale. Et l’incarnation est bien au cœur de l’hymne de Philippiens 2 où le Fils accepte de quitter la gloire pour venir sur terre. Le Roi choisit de devenir humble serviteur, le Fils de Dieu entre à Jérusalem sur le dos d’un ânon.

Mais il est aussi question de gloire le jour des Rameaux. Une gloire, certes, paradoxale qui se manifeste dans les acclamations de la foule. Des acclamation superficielles mais bel et bien annonciatrices de la gloire à venir pour le Christ. Cette gloire éclatante que l’hymne de Philippiens 2 annonce, le jour où tout genou fléchira devant lui.

Humilité et gloire sont donc les points commun aux deux textes. Mais nous allons maintenant nous centrer sur l’hymne de Philippiens 2.

L’humilité au coeur

Si l’idée d’humilité est au cœur de cet hymne, elle est aussi au cœur de la Bible en général. Dans l’Ancien Testament, de nombreux textes évoquent Dieu qui abaisse les orgueilleux et élève les humbles. Dans son enseignement, Jésus prolonge cette insistance sur l’humilité, par exemple en affirmant que le Royaume de Dieu appartient à ceux qui sont comme des petits enfants. Dans cette perspective, l’hymne christologique de Philippiens 2 sert de point d’appui à une exhortation au service mutuel, dans l’humilité, en considérant les autres comme supérieurs à nous-mêmes.

L’humilité apparaît comme une valeur suprême du Royaume de Dieu, avec le petit enfant comme modèle de citoyen du Royaume et le service comme norme dans les relations au sein du Royaume de Dieu.

Avouons-le, nous sommes là à l’opposé de l’esprit de notre monde d’aujourd’hui, où c’est la performance qui est valorisée, où la réussite est celle qui se voit, qui s’affiche sur Internet, peu importe si c’est au détriment des autres.

Or, on ne peut pas être humble seul. L’humilité se mesure dans notre relation aux autres. Elle dépend autant du regard qu’on porte sur les autres que du regard qu’on porte sur soi. Il s’agit de considérer les autres comme supérieurs, pas de se considérer comme inférieur aux autres. C’est une nuance qui a de l’importance. Être humble, c’est se faire serviteur de mon prochain. Ce n’est pas dire « je ne vaux rien » mais c’est choisir de s’ouvrir à l’autre, ses attentes et ses besoins.

L’humilité est un choix, pas un trait de caractère que certains auraient et d’autres pas. On n’est pas humble comme on serait enjoué, colérique, optimiste ou perfectionniste ! On choisit l’humilité ou on ne la choisit pas. On prend exemple sur le Christ ou pas…

La gloire, mais quelle gloire ?

Notre texte parle aussi de gloire. Mais de quelle gloire ? La gloire des hommes est versatile : l’épisode des Rameaux l’illustre de façon évidente. L’hymne de Philippiens 2 nous invite à chercher une autre gloire. La seule gloire que nous devions rechercher est celle que Dieu donne. Or il ne la donne qu’aux humbles…

Le lien entre l’humilité du Christ et sa gloire est explicitement fait dans le texte de Philippiens 2. Les souffrances et l’humiliation du Christ y apparaissent comme la marque suprême de sa gloire : « Il s’est fait serviteur… jusqu’à la mort sur une croix. C’est pourquoi Dieu l’a élevé… » (v.8-9). C’est à cause de son humiliation, à cause de sa mort sur la croix, que le nom du Christ est élevé au-dessus de tous les autres noms.

On pourrait même dire que la gloire du Christ est dans son humiliation. Sa gloire, c’est d’avoir été serviteur jusqu’au bout, jusqu’à la mort. Et cette gloire ne vient pas des hommes qui l’ont crucifié mais de Dieu qui l’a envoyé et qui l’a ressuscité !

Certes, un jour nous serons dans la gloire de la présence même de Dieu, avec le Christ devant qui toute la terre se prosternera. Mais ça, ce sera pour plus tard. Aujourd’hui, nous sommes bien souvent plutôt dans la posture de l’humble serviteur, parfois même humilié. Et dans ces conditions, aujourd’hui, notre gloire, c’est de faire la volonté de Dieu, c’est de se savoir aimé par Dieu, c’est de choisir au nom du Christ de nous faire serviteur de notre prochain.

Conclusion

Examiner le récit des Rameaux à l’aune de l’hymne christologique de Philippiens 2 lui donne un relief particulier. C’est tout le drame de l’incarnation qui s’y manifeste. L’entrée de Jésus à Jérusalem, c’est la venue du Fils de Dieu fait homme, comme un roi humble apportant la paix, un roi serviteur de l’humanité.

Mais là où les acclamations de la foule devaient avoir un goût amer pour Jésus, conscient que le vent allait vite tourner pour lui, l’hymne de l’épître aux Philippiens évoque la gloire que Dieu donne à son Fils, et celle à venir au jour où tous fléchiront le genou devant lui.

En tant que disciples de Jésus, notre modèle se trouve dans le Christ renonçant à sa gloire pour se faire serviteur, il est dans ce roi humble marchant vers son supplice prochain. Notre vie de disciples du Christ ici-bas n’est pas toujours glorieux au sens humain du terme… mais notre gloire se trouve ailleurs : dans le regard que notre Dieu porte sur nous. C’est sa gloire que nous voulons rechercher, pas celle des hommes !




Face à la tentation

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Lecture biblique : Marc 1.12-15

Fidèle à son habitude, Marc fait preuve de sobriété dans son récit. Les événements s’enchaînent très rapidement : le baptême de Jésus, sa tentation au désert, le début de son ministère public, le tout en quelques versets à peine. On aurait pourtant tort de ne pas s’y arrêter.

L’épisode de la tentation de Jésus apparaît comme un moment d’intimité, intercalé entre deux moments publics forts : son baptême et le début de son ministère public. Un moment d’intimité qui rejoint notre expérience. Car la tentation est bien une expérience universelle, une préoccupation majeure pour le croyant. N’est-ce pas une des demandes du Notre Père :« Ne nous soumets pas à la tentation… » ?

 

Dans notre jardin secret

L’enchaînement après le baptême est assez brusque : « Tout de suite après, l’Esprit Saint envoie Jésus dans le désert. » On n’a pas le temps de souffler, pas le temps de réaliser ce qui vient de se passer : la première manifestation publique du Messie, une théophanie trinitaire au moment du baptême de Jésus… L’Esprit saint envoie déjà Jésus dans le désert pour 40 jours. Le verbe grec évoque même une action énergique : l’Esprit le chasse, le pousse violemment, dans le désert.

Il y a une impérieuse nécessité à vivre ce temps de désert et de tentation. Mais Jésus devra le vivre seul. Le récit très sobre de Marc le souligne. Matthieu et Luc donneront plus de détails, évoquant même un dialogue entre Jésus et Satan. Chez Marc, on n’accompagne pas Jésus dans le désert. On nous dit juste qu’il a été tenté par Satan pendant 40 jours (alors que Matthieu et Luc placent la tentation à la fin de 40 jours de jeûne). L’épisode reste entouré de mystère. L’expérience appartient au jardin secret de Jésus.

Le baptême de Jésus était le signe public de son incarnation, de sa solidarité avec notre humanité. La tentation au désert est le signe intime et caché de son incarnation. Jésus a partagé notre humanité aussi dans l’intimité de son jardin secret, dans ses luttes intérieures et ses tentations. Comme le dit l’épître aux Hébreux : « Comme nous, il a été tenté en toutes choses » (Hb 4.15).

C’est pourquoi il nous comprend, de « l’intérieur ». L’épître aux Hébreux le dit bien : « il est capable de souffrir avec nous de nos faiblesses. » et « Près de lui, nous recevrons le pardon, nous trouverons son amour, et ainsi, il nous aidera au bon moment. »

Quand nous sommes en lutte en nous-mêmes contre la tentation, Dieu le voit. Il est peut-être le seul à le voir… Mais pas pour nous espionner, pas pour nous culpabiliser ou nous juger. Pour nous aider. Parce qu’il nous comprend !

 

Toujours seul… mais jamais seul

Une autre originalité de Marc se trouve dans la formule qu’il est le seul à utiliser pour décrire l’épisode de la tentation de Jésus, affirmant qu’il était « avec les bêtes sauvages ». Une expression qui traduit sans doute la solitude de Jésus, son éloignement du monde des hommes dont il ne peut attendre aucun secours. Il est seul, au milieu des bêtes sauvages, donc en terrain hostile.

Mais Marc précise aussi que les anges le servaient. Loin de tout, Jésus demeure sous la protection divine. Au cœur même de la tentation, il n’est pas abandonné de son Père qui envoie ses anges pour le servir.

On est toujours seuls face à la tentation. On ne peut jamais se mettre à la place de l’autre.
C’est notre jardin secret, le lieu de nos luttes intimes, personnelles. Jésus était seul « au milieu des bêtes sauvages »…

Bien-sûr on n’a pas le privilège de Jésus d’avoir les anges qui le servaient… mais n’a-t-on pas parfois un ange qui nous protège ? Dans nos tentations et nos luttes, Dieu veille sur nous. Même quand on peut avoir l’impression de se retrouver au milieu des bêtes sauvages, menacé, en danger. Il est là, prêt à nous aider. Prêt à envoyer ses anges nous soutenir.

D’une certaine façon, face à la tentation nous sommes toujours seuls… mais jamais seuls. Toujours seuls parce que personne ne peut lutter à notre place, personne ne peut résister à la tentation à notre place. C’est notre jardin secret. Mais jamais seuls parce que Dieu, notre Père, « voit dans le secret ».

 

La victoire, signe du règne de Dieu

A la fin des 40 jours de désert, Jésus commence son ministère public. Cela coïncide avec le moment de l’arrestation de Jean-Baptiste. Comme s’il fallait que Jean disparaisse pour que Jésus à son tour entre en scène.

Mais Jésus n’a pas été tenté 40 jours seulement. Il a, comme nous, été tenté tous les jours de sa vie ! Cet épisode a valeur de symbole. Peut-être même était-ce un temps de préparation aux tentations multiples qu’il rencontrera dans son ministère.

Et Jésus sort victorieux de l’épreuve. Non seulement des 40 jours dans le désert mais jusqu’à son dernier souffle, quand il dira sur la croix : « Tout est accompli ! » Le message qu’il annonce est une proclamation de victoire : « Le moment décidé par Dieu est arrivé, et le Royaume de Dieu est tout près de vous. » ou comme le traduit la Nouvelle Bible Segond : « Le temps est accompli et le règne de Dieu s’est approché. »

La victoire sur la tentation, dans notre vie, c’est le signe que le règne de Dieu avance. Car pour qu’il avance dans le monde, il faut qu’il avance dans notre cœur. Il faut que le Christ vainqueur nous rende vainqueur.

Conclusion

Face à la tentation, l’Évangile ne donne pas de recette, il donne l’exemple. Celui de Jésus lui-même, tenté pendant 40 jours dans le désert, « tenté en toutes choses » comme nous.

En Jésus-Christ, Dieu a fait l’expérience de nos tentations. Et du coup, alors même que c’est une expérience universelle, et parfois douloureuse, que chacun vit dans son jardin secret, Dieu nous y rejoint en Jésus-Christ.

Il ne nous juge pas, il nous comprend. Il nous aime. Et il veut nous aider à être victorieux et à voir dans ces victoires des signes que le règne de Dieu avance, en chacun de nous.