Vivre la fraternité (2) Le défi de la diversité

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La semaine dernière, nous avons commencé une série de prédications sur la fraternité. Florence vous a rappelé pourquoi nous sommes frères et soeurs dans l’Eglise, et pourquoi nous sommes appelés à nous aimer. C’est un des fondamentaux de la vie chrétienne. La fraternité est toujours un défi. Et une des raisons de ce défi, c’est la diversité que nous représentons. Regardez autour de vous ! Ne voyez-vous pas cette diversité ?

Dans l’Eglise, on est confronté à une diversité, parfois grande, et à plusieurs niveaux. Il y a celle qui se voit tout de suite, hommes et femmes, de couleurs de peau différentes, d’âges différents… En allant plus loin, la diversité de fait que s’accentuer : elle est culturelle, socio-économique, d’arrière-plan spirituel, elle concerne les caractères, les histoires personnelles, les cheminements de foi, etc. Et ce n’est pas toujours facile. On a beau être ensemble dans un même lieu le dimanche, des barrières d’incompréhension, voire de méfiance subsistent. Le mélange n’est pas une évidence.

On pourrait même se demander si la diversité est vraiment souhaitable dans l’Eglise ? Est-ce qu’il ne serait pas plus facile, plus efficace, de constituer une église avec des gens qui se ressemblent, de former un groupe homogène ? N’y aurait-il pas moins de conflits, moins de malentendus ?

Le récit biblique que nous avons choisi pour notre Eglise l’année dernière, la rencontre entre Pierre et Corneille (Actes 10-11), nous donne déjà une indication. La différence culturelle pouvait sembler être un obstacle insurmontable. Un Juif ne pouvait pas accepter l’hospitalité d’un non-Juif, ne serait-ce que pour les règles alimentaires : ce que les uns considéraient comme impur, les autres le considéraient différemment. Alors Dieu a donné une vision à Pierre, celle d’une grande toile dans laquelle se trouvaient tous les animaux possibles, purs et impurs selon la loi de Moïse, et une voix qui retentit, invitant Pierre à manger de tout ! La réponse de Pierre est sans appel : “En aucun cas, Seigneur ! Je n’ai jamais rien mangé de souillé ni d’impur !”

Même si le sens de cette vision est moins dans la remise en cause des interdits alimentaires que dans l’invitation à aller au-delà des blocages et des barrières culturelles, le défi était grand. On mesure sans doute mal l’effort et le courage que cela a représenté pour Pierre de briser ces barrières.

Pour aller plus loin, je vous propose de lire le récit de l’événement qu’on peut considérer comme le moment fondateur de l’histoire de l’Eglise, en de nous demander ce qu’il nous dit sur cette question de la diversité.

Actes 2.1-11
1 Quand le jour de la Pentecôte arrive, les croyants sont réunis tous ensemble au même endroit. 2 Tout à coup un bruit vient du ciel. C’est comme le souffle d’un violent coup de vent. Le bruit remplit toute la maison où ils sont assis. 3 Alors ils voient apparaître des langues, comme des langues de feu. Elles se séparent et se posent sur chacun d’eux. 4 Tous sont remplis de l’Esprit Saint et ils se mettent à parler d’autres langues. C’est l’Esprit qui leur donne de faire cela.
5 À Jérusalem, il y a des Juifs venus de tous les pays du monde. Ce sont des gens fidèles à Dieu. 6 Quand ils entendent ce bruit, ils se rassemblent en foule. Ils sont profondément surpris, parce que chacun entend les croyants parler dans sa langue. 7 Ils sont très étonnés et pleins d’admiration et ils disent : « Tous ces gens qui parlent sont bien des Galiléens. 8 Alors, comment chacun de nous peut-il les entendre parler dans la langue de ses parents ? 9 Nous venons du pays des Parthes, de Médie, d’Élam, de Mésopotamie, de Judée et de Cappadoce, du Pont et de la province d’Asie, 10 de Phrygie, de Pamphylie. Nous venons aussi d’Égypte, de la partie de la Libye qui est près de Cyrène, de Rome, 11 de Crète et d’Arabie. Parmi nous, certains sont juifs, et d’autres aussi obéissent à la loi de Moïse. Et pourtant, chacun de nous les entend annoncer dans sa langue les grandes choses que Dieu a faites. »

Pentecôte était une fête de pèlerinage pour les Juifs, qui se déplaçaient à cette occasion à Jérusalem, pour se rendre au temple. Il y avait donc dans la ville des Juifs de tout l’empire Romain, issus de la diaspora. Si la langue liturgique était l’hébreu, les Juifs de la diaspora avaient pour langue maternelle celle du pays où ils se trouvaient. On devait donc entendre toutes les langues du monde connu dans les rues de Jérusalem dans ces jours là ! D’autant qu’il n’y avait pas que des Juifs qui faisaient le déplacement mais aussi des prosélytes, des non-Juifs qui avaient embrassé la foi juive et “obéissaient à la loi de Moïse”.

C’est dans ce contexte qu’arrive l’événement étonnant qui nous est relaté dans ce chapitre du livre des Actes des apôtres. Le miracle de la Pentecôte, c’est l’Esprit de Dieu qui donne aux disciples la capacité de parler des merveilles de Dieu dans la langue maternelle de tous ceux qui étaient réunis dans la foule. C’est un signe de l’universalité de l’Evangile : une bonne nouvelle pour tous les peuples, à proclamer dans toutes les langues.

Cet épisode de la Pentecôte est l’événement fondateur de l’Eglise. Plus loin dans le texte, on parle de nombreuses conversions et du coup, de la naissance de la première Eglise, dans laquelle les prières et la proclamation de l’Evangile pouvait, dès l’origine, résonner dans toutes les langues !

La diversité est dans l’ADN de l’Eglise : elle en est une caractéristique dès l’origine. Et ce n’est pas qu’une question de langues. Ces Juifs dispersés étaient aussi imprégnés de la culture où ils vivaient. Et puis très tôt dans l’Eglise l’accueil de la diversité est devenu un vrai défi pour l’unité de l’Eglise, avec la coexistence de chrétiens d’origines juive et de chrétiens d’origine païenne.

Cette diversité n’est pas un accident. Elle est conforme au projet de Dieu pour l’Eglise. Il suffit de voir, par exemple, l’image biblique souvent utilisée du corps : il y a un seul corps mais une diversité de membres. Un projet qui atteint son apogée dans une vision de l’Apocalypse, celle d’une foule innombrable issus de “tous les pays, de toutes les tribus, de tous les peuples et de toutes les langues.” (Apocalypse 7.9).

Si elle est conforme au projet de Dieu, la diversité dans l’Eglise doit donc être valorisée, Dieu lui-même étant le garant de l’unité. On le voit dans le récit de la Pentecôte, à travers deux éléments : l’action de son Esprit et l’évocation du récit des merveilles de Dieu :
Sous la forme de langues de feu, le Saint-Esprit est répandu sur tous les disciples réunis. C’est l’Esprit de Dieu qui unit l’Eglise dans sa diversité, c’est lui qui fait de nous des enfants de Dieu, des frères et des soeurs en Christ.
Bien que parlant dans diverses langues, tous les disciples annonçaient le même message, celui du récit des merveilles de Dieu. Or quel est ce récit sinon celui qui nous est relaté dans la Bible ? C’est le socle commun que nous partageons et que nous proclamons.

Dans l’Eglise, la diversité n’est pas une valeur en soi… mais elle est le signe de l’universalité de l’Evangile.

Si quelqu’un arrive dans une église et qu’il voit des gens tous d’une même culture et/ou d’une même couleur de peau et/ou tous habillés de la même façon et/ou tous d’une même origine sociale… il se dira, à moins d’être comme eux, que ce n’est pas pour lui !

L’Evangile est pour tous et il faut que ça se voie ! La diversité n’est donc pas une option facultative pour l’Eglise. Si elle est vécue dans l’unité, elle est un signe de l’universalité de l’Evangile.

Travailler sur notre seuil de tolérance

Vivre la diversité est un défi qu’il est légitime et bon de relever. Il s’agit même d’une vocation de l’Eglise. Je pense à ce qui touche à la culture, à l’éducation, au niveau social, aux histoires et aux cheminements individuels, aux personnalités… Cette diversité là est essentielle dans l’Eglise parce qu’elle témoigne de l’universalité de l’Evangile. Dieu aime en Jésus-Christ tout homme et toute femme, c’est un message pour tous, sans discrimination. Et il faut que ça se voie dans l’Eglise !

Il y a toutefois certaines limites à la diversité. On ne peut pas non plus accepter ou justifier n’importe quoi dans l’Eglise, au nom de l’amour et de la tolérance. Il y a certaines doctrines et certaines pratiques qui sont en opposition avec le message de la Bible. Il y a des paroles ou des façons de se comporter qui contredisent l’Evangile. Accueillir la diversité, ce n’est pas accepter tout et n’importe quoi !

Mais entre ces deux repères, il y a de la place pour une diversité féconde, qui sera une source d’enrichissement mutuel. Tout le monde n’aura pas forcément le même seuil de tolérance à la diversité, et pas forcément dans les mêmes domaines. Pour certains, ce sera plus difficile d’accepter la diversité dans les convictions théologiques, pour d’autres ce sera dans des questions éthiques, pour d’autres encore dans les formes de piété… Mais j’ai la conviction que nous avons tous, au moins dans l’un ou l’autre de ces domaines, à travailler sur notre seuil de tolérance.

Ca demande un effort de discernement, pour accepter de distinguer entre ce qui est essentiel et ce qui est secondaire. Ca demande une démarche d’humilité, pour ne pas penser avoir toujours raison.

Passer de la cohabitation à la communion

Depuis toujours dans les Eglises, le beau discours sur l’accueil de la diversité se traduit trop souvent par une cohabitation seulement, alors que nous sommes appelés à la communion. Ce n’est pas nouveau : on le voyait déjà apparaître dans les Eglises du Nouveau Terstament ! On voit transparaître clairement dans les épîtres les difficultés de cohabitation entre les chrétiens d’origine juive et ceux d’origines païenne, ou entre les riches et les pauvres par exemple.

Dans une perspective de cohabitation, on accepte la différence, on veut bien partager le culte, voire un groupe de prière ou d’étude biblique, mais on se méfie surtout des risques de la diversité, des dangers potentiels, on a tendance à penser que ce sont les autres qui refusent de s’intégrer dans la communauté… et on se rassure avec ceux qui, dans l’Eglise, nous ressemblent.

Dans une perspective de communion, on se réjouit de rencontrer les autres, différents de nous. On voit la diversité comme une chance, une occasion de découverte et d’enrichissement. On ne la craint pas mais on cherche à la mettre en valeur. Plutôt que d’attendre que l’autre s’intègre, on va à sa rencontre.

Accueillir la diversité, vraiment, ce n’est pas seulement accepter dans son entourage des gens différents de nous, c’est chercher à valoriser l’autre différent de moi. Nous avons sans doute chacun à nous interroger personnellement sur la façon dont nous vivons la diversité dans nos relations. Nous avons aussi à nous interroger en tant qu’Eglise sur la façon dont nous valorisons, ou pas, la diversité dans notre communauté !

Conclusion

Vivre la fraternité dans l’Eglise, c’est aussi vivre la diversité ! Parce que l’Eglise est, dès son origine, marquée par la diversité, à tous les niveaux. Comment pourrait-il en être autrement si nous croyons à l’universalité de l’Evangile, cette bonne nouvelles pour tous les humains, quels qu’ils soient ?

Pour y arriver, essayons chacun, et tous ensemble, de relever ce double défi : travailler à notre seuil de tolérance et ne pas nous contenter d’une cohabitation pour chercher plutôt la communion.




Epiphanie

 

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Savez-vous quelle fête nous célébrons aujourd’hui, 6 janvier ? L’épiphanie. Et qu’est-ce que l’épiphanie ? Le mot, transcription du grec, signifie apparition, manifestation. L’épiphanie est la commémoration de l’épisode biblique de la visite des mages à Jésus alors qu’il était enfant.

C’est aussi le moment où on mange la galette des rois… Une tradition qui n’a rien de biblique mais qui vient sans doute d’une fête païenne romaine : les Saturnales. Pendant sept jours la hiérarchie sociale pouvait être critiquée voire tournée en dérision. Par exemple, les soldats tiraient au sort, grâce à une fève, un condamné à mort qui devenait “roi” le temps des réjouissances… avant d’être exécuté à la fin de la fête !

Ceci dit, dans la fête de l’épiphanie, il n’y a pas que la tradition de la galette des rois qui s’éloigne de la Bible ! Avec la représentation du récit de la visite des mages, on est souvent dans le folklore, assez éloigné de la sobriété du récit biblique. Regardez cette image de crèche… et cherchez les erreurs !

Crèche

  • Dans la Bible, on ne parle jamais de rois pour les mages
  • On ne sait pas combien ils étaient
  • On connaît encore moins leurs noms ! Melchior, Gaspard et Balthazar, c’est du folklore !
  • L’épisode a eu lieu au moins plusieurs mois après la naissance de Jésus (cf. le massacre des enfants jusqu’à deux ans par Hérode “d’après l’époque précisée par les mages”), les bergers n’étaient donc plus là depuis longtemps… et il est très probale qu’on n’était plus dans une étable.

Mais même nettoyé de tous les ajouts de la tradition et du folklore, le récit biblique reste assez mystérieux, au point qu’on pourrait se demander s’il ne faudrait pas le considérer comme une fable, une jolie histoire mais rien de plus…

Matthieu 2.1-12
1 Jésus naît à Bethléem, en Judée, au moment où Hérode le Grand est roi. Alors, des sages viennent de l’est et arrivent à Jérusalem. 2 Ils demandent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile se lever à l’est, et nous sommes venus l’adorer. »
3 Quand le roi Hérode apprend cela, il est troublé, et tous les habitants de Jérusalem aussi. 4 Le roi réunit tous les chefs des prêtres de son peuple avec les maîtres de la loi. Il leur demande : « À quel endroit est-ce que le Messie doit naître ? » 5Ils lui répondent : « Le Messie doit naître à Bethléem, en Judée. En effet, le prophète a écrit :
6 “Et toi, Bethléem, du pays de Juda,
tu n’es sûrement pas
la moins importante des villes de Juda.
Oui, un chef va venir de chez toi,
il sera le berger
de mon peuple, Israël.” »
7 Alors Hérode fait appeler les sages en secret. Il leur demande : « À quel moment est-ce que l’étoile est apparue ? » 8 Ensuite il les envoie à Bethléem en disant : « Allez vous renseigner exactement sur l’enfant. Quand vous l’aurez trouvé, venez me prévenir, et moi aussi, j’irai l’adorer. »
9-10 Après ces paroles du roi, les sages se mettent en route. Ils aperçoivent l’étoile qu’ils ont vue à l’est. Ils sont remplis d’une très grande joie en la voyant. L’étoile avance devant eux. Elle arrive au-dessus de l’endroit où l’enfant se trouve, et elle s’arrête là. 11 Les sages entrent dans la maison, et ils voient l’enfant avec Marie, sa mère. Ils se mettent à genoux et adorent l’enfant. Ensuite, ils ouvrent leurs bagages et ils lui offrent des cadeaux : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. 12 Après cela, Dieu les avertit dans un rêve de ne pas retourner chez Hérode. Alors ils prennent un autre chemin pour rentrer dans leur pays.

Enquête sur les mages

Un évangile n’est certes pas à lire comme un rapport de police qui relaterait froidement les faits, ni même comme un ouvrage d’histoire au sens moderne. Il y a toujours une intention dans un évangile : le message est toujours le plus important. Une fois qu’on aurait démontré l’historicité d’un évènement, si c’était possible, on n’en aurait pas forcément compris la portée. Et on passerait à côté de l’essentiel… Mais ce n’est pas une raison pour refuser toute vraisemblance à un récit dès le moment où il contient une part de mystérieux ou de miraculeux.

Pour ce récit de la visite des mages, j’aimerais donc juste souligner quelques éléments de vraisemblance de l’histoire. Il ne s’agit pas pour moi de vouloir prouver l’historicité du récit. C’est impossible. Et pas très utile. Mais le fait qu’il soit vraisemblable en bien des aspects nous invite déjà à le prendre au sérieux.

Ce qu’on sait de la personnalité d’Hérode

Ce que le récit dit d’Hérode correspond à ce que l’on sait du personnage, même dans la suite du récit, lorsqu’il ordonnera le massacre des enfants à Bethléem. Véritable tyran parano, il était jaloux de son pouvoir. On sait qu’il s’est rendu coupable d’autres massacres que celui dont parle l’évangile, à commencer par le meurtre de ses propres fils, de peur qu’ils ne lui prennent le pouvoir…

Ce qu’on sait des mages

Qui pouvaient être ces mages venus d’Orient ? Le mot grec magos qui a donné mage en français, semble venir du vieux persan et désignait à l’origine des prêtres de Zoroastre. Ici, le terme semble utilisé dans un sens plus large. Visiblement, ce ne sont pas des magiciens mais plutôt des observateurs des étoiles. Sans doute des savants comme il y en avait dans l’Antiquité en Orient. Aujourd’hui, on les qualifierait plus d’astrologues que d’astronomes… ils cherchaient donc bien des signes dans les étoiles !

En passant, je trouve assez savoureux de voir que Dieu se révèle à ces savants venus d’Orient par l’astrologie qu’il condamne par ailleurs dans la Bible ! Le Dieu de grâce fait éclater les cadres… et emprunte parfois des chemins surprenant pour nous rejoindre !

Ce qu’on peut penser de l’étoile

Quant à l’étoile, les astronomes s’y sont beaucoup intéressés et ont essayé de comprendre à quel phénomène astronomique cela pourrait faire référence. On a pensé à une comète mais ça ne fonctionne pas. On évoque aujourd’hui un alignement de planètes ou une supernova (implosion d’une étoile). Ainsi, on sait qu’en 7 avant Jésus-Christ, une conjonction très rare s’est produite dans le ciel : Jupiter et Saturne se sont rapprochées trois fois de suite dans l’année, en juin, septembre et décembre. Elle apparaissait dans la constellation du Poisson, qui désignait, entre autre, la Palestine… On a aussi retrouvé dans les écrits d’astrologues chinois l’évocation d’une étoile très brillante, probablement une supernova, qui est apparue en mars/avril de l’an 5 avant Jésus-Christ. Comme on sait par ailleurs que Jésus n’est pas né en l’an 1 (le calcul était erroné au moment de l’établissement du calendrier chrétien) mais quelques années plus tôt, ça pourrait coller !

La conjonction de planètes, observée par les mages, aurait pu les mettre en alerte, et l’apparition de l’étoile brillante, moins de deux ans après, aurait pu les encourager à prendre la route…

Faire le chemin avec les mages

Tout ceci ne prouve évidemment pas l’historicité de l’événement mais ces éléments de vraisemblance nous invitent à prendre le texte au sérieux. Et le prendre au sérieux, c’est aussi se laisser interpeller par lui. Et si Matthieu nous invitait à rejoindre les mages sur leur chemin, à nous laisser inspirer par leur voyage, pour notre voyage de foi ?

Entreprendre un voyage

Comme il a rejoint les mages dans leur observation des étoiles, Dieu nous rejoint là où nous sommes et nous invite à nous mettre en marche, à entreprendre un voyage. La foi est un voyage. Il faut se lancer. Accepter une part de risque, d’inconnu… Sinon on reste simplement à observer les étoiles… ou les années qui passent !

Ne pas s’arrêter en chemin

Ce que les mages ont compris de leur observation des étoiles les a conduit à Jérusalem. Là ils apprennent que la ville où doit naître celui qu’ils cherchent est Bethléem. Ils sont près du but… mais ils n’y sont pas encore. Le danger, c’est de s’arrêter en route, de se contenter de ses acquis. Le danger pour la foi, c’est de se contenter de connaissances, d’une simple croyance, comme les maîtres de la Loi dans le récit. Alors que la foi, c’est la rencontre.

Rencontrer Jésus

Les mages vont donc jusqu’à Bethléem et rencontrent celui qu’ils cherchent. Alors ils l’adorent. Jésus n’est qu’un enfant, mais ils l’adorent comme un roi. La foi, c’est la rencontre, c’est aussi la confiance, comme celle des mages qui voient au-delà du petit enfant. Au début de notre cheminement de foi, Jésus que nous rencontrons n’est encore qu’un enfant : nous connaissons encore très peu de lui. Et il va grandir au fur et à mesure de notre cheminement, de notre rencontre avec lui.

Repartir par un autre chemin

Si les mages repartent par un autre chemin, c’est pour ne pas retourner à Jérusalem vers Hérode. Mais l’expression peut avoir aussi valeur de métaphore du changement opéré dans leur coeur. Ils repartent différent après leur rencontre avec Jésus. La foi, qui naît d’une rencontre avec Jésus-Christ, nous transforme !

Conclusion

Nous sommes invités à aller à la rencontre de Jésus, comme les mages. Et comme eux, repartir par un autre chemin… transformés par la rencontre avec le Christ vivant.

Finalement, tout chemin de foi est une épiphanie : Dieu se révèle à nous. Si nous sommes prêt à entreprendre le voyage et à ne pas nous arrêter en chemin – nous contentant de nos acquis – nous le rencontrerons ! Sa rencontre nous tranformera et nous repartirons par un autre chemin. Et sur cet autre chemin que nous emprunterons, ils se révelera encore à nous. Et il nous transformera encore. Voilà le chemin de la foi, qui ne s’arrête jamais et se renouvelle sans cesse.

Que cette nouvelle année soit donc faite pour nous de nombreuses épiphanies !




Quand l’espérance répond à nos peurs

 

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Ne trouvez-vous pas que le temps de l’Avent est un peu étrange cette année ? Le climat social en France, avec en plus l’attentat de Strasbourg, tout cela fait qu’on n’a pas forcément le coeur pour les fêtes…

Il y a, aujourd’hui, beaucoup de craintes et d’inquiétudes qui s’expriment. Elles nourrissent des angoisses ou des colères qui transparaissent dans les mouvements sociaux qui agitent notre actualité.

  • Aujourd’hui, on a peur du lendemain, des fins de mois difficiles. On entend cette formule choc sur les rond-points : “La fin du monde, c’est la fin du mois !” On a peur du spectre du chômage, on craint de ne plus pouvoir nourrir sa famille…
  • Aujourd’hui, on a peur de l’étranger, de celui qui est différent et qui vient d’une autre culture, d’une autre religion, d’un autre pays. Et c’est une peur qui conduit à la désignation de boucs émissaires, et qui réveille la bête xénophobe et raciste.
  • Aujourd’hui, on a peur pour l’avenir de notre planète, on s’inquiète du dérèglement climatique. C’est très présent chez les jeunes générations : avez-vous vu cette impressionnante vidéo de la jeune Greta Thunberg, une adolescente suédoise de 15 ans, qui a pris la parole devant la COP 24 pour interpeller les dirigeants des pays de l’ONU quant à leur inaction pour la justice climatique ?

Et pourtant, chaque dimanche depuis le 2 décembre, on célèbre le temps de l’Avent, on parle d’attente et d’espérance… Mais en quoi l’espérance chrétienne peut-elle être une réponse à toutes ces craintes ?

En quête d’espérance

Le texte de l’Ancien Testament de ce dimanche nous parle d’espérance. Il contient un verset qui est cité dans un récit de Noël, celui de la visite des mages d’Orient. C’est la réponse que les maîtres de la loi leur donnent quand ils demandent où doit naître le roi des Juifs : « Et toi, Bethléem Ephrata, toi qui es petite parmi les phratries de Juda, de toi sortira pour moi celui qui dominera sur Israël…”

Le prophète Michée annonce donc le lieu de naissance du Messie : Bethléem. Et c’est en général tout ce qu’on lit de Michée : le verset 1 du chapitre 5. Et encore, pas jusqu’au bout du verset… Alors on va en lire un peu plus ce matin. Mais avant de lire le texte, je vous propose un voyage dans le temps !

Replongeons-nous dans le contexte de l’époque. Nous sommes au VIIIe siècle avant Jésus-Christ. Le royaume d’Israël s’est scindé en deux royaumes, Israël au nord et Juda au sud. Ça s’est passé plusieurs siècles auparavant, après le règne de Salomon. Originaire du petit village de Morécheth, Michée est un prophète influent. Il a reçu de Dieu des messages à transmettre pour les deux royaumes.

Il faut dire que toute la région est fébrile parce que l’ogre Assyrien dévore tout sur son passage. Rien ne semble pouvoir arrêter l’expansion de cet empire qui est désormais aux portes d’Israël. Il règne dans le pays comme un parfum de fin du monde…

D’autant qu’il n’y a pas seulement les dangers qui viennent de l’extérieur. La situation sociale et spirituelle des deux royaumes est mauvaise. La gloire d’antan, au temps de Salomon, est bien lointaine. L’injustice règne dans le pays, et Michée le dénonce avec force. Au nom du Seigneur, il mène un réquisitoire contre les riches et contre les classes dirigeantes. Il dénonce les riches propriétaires qui accaparent les terres, qui recourent à la fraude et la violence pour arriver à leur fin, dans leur appétit de posséder qui est sans limite. Bref, les riches deviennent de plus en plus riche, et les pauvres de plus en plus pauvre… Il dénonce aussi la complaisance des classes dirigeantes, les magistrats et les prophètes, des responsables sensés donner l’exemple, et qui pourtant cèdent à la corruption et font preuve de favoritisme.

Tout ça ne vous rappelle rien ? Je ne sais pas si Michée aurait porté un gilet jaune… mais son réquisitoire trouve d’étonnants échos aujourd’hui. Dans leurs dénonciations, les prophètes bibliques gardent, malheureusement, un cruelle actualité, parce que le coeur de l’homme n’a pas changé. Mais ne gardent-ils pas aussi une pertinence quand ils parlent d’espérance, comme c’est le cas de Michée dans le chapitre 5 de son livre, d’où est tirée la parole dite aux mages dans l’évangile et que je vous invite maintenant à lire, dans son contexte :

Michée 5.1-5
1 Le SEIGNEUR dit :
« Et toi, Bethléem Éfrata,
tu es un petit village parmi ceux des clans de Juda.
Pourtant, celui qui doit gouverner Israël,
je le ferai sortir de chez toi.
Il appartient à une famille très ancienne. »
2 Le SEIGNEUR va abandonner son peuple pendant un certain temps.
Ensuite, le jour viendra où la femme qui doit accoucher aura un fils.
Ceux qui seront encore en vie après l’exil viendront rejoindre les autres Israélites.
3 Et lui, le chef annoncé, il se lèvera et il sera leur berger
par la puissance du SEIGNEUR, par la présence glorieuse du SEIGNEUR son Dieu.
Les gens de son peuple vivront en sécurité.
En effet, sa puissance s’étendra jusqu’au bout du monde.
4 C’est lui qui donnera la paix.
« Si les Assyriens entrent dans notre pays et s’ils pénètrent dans nos palais,
nous enverrons contre eux des chefs très nombreux.
5 Avec leurs armes, ils conquerront l’Assyrie, le pays de Nemrod, et ils le domineront.
« Le chef promis nous délivrera des Assyriens s’ils passent nos frontières et s’ils entrent dans notre pays. »

L’espérance de Michée

Lu dans son contexte, la parole citée aux mages de l’évangile prend un relief différent. Il est frappant de voir combien la prophétie de Michée est liée au contexte de son époque. On ne s’en rend pas compte en ne lisant que le verset 1… mais dans ce texte on perçoit explicitement la peur face à l’envahisseur Assyrien, et même la perspective d’un exil qui semble inéluctable : on dit que le Seigneur va abandonner son peuple pour un temps.

Mais on perçoit aussi l’espérance d’une délivrance du Seigneur, l’aspiration à une restauration, à une paix retrouvée. Une espérance qui se focalise sur un enfant, issu d’une famille ancienne, et qui naîtra à Bethléem. Cet enfant deviendra le berger du peuple. Pour un connaisseur de la Bible, la mention de cette famille ancienne de Bethléem ne peut faire référence qu’à la lignée de David, le grand roi, d’où doit être issu le Messie, le libérateur choisi par Dieu.

Quel était donc la signification de ce texte pour les contemporains de Michée ? Le malheur vient, l’exil est inéluctable. Mais un espoir demeure, au-delà de l’exil. Dieu suscitera de la lignée de David un libérateur pour son peuple. Pour le petit nombre resté fidèle à Dieu, il y avait là une source d’espérance au milieu d’une grande détresse.

Les années ont passé après cette prophétie, il n’y a jamais eu vraiment de retour de l’exil en Assyrie… il y en a bien eu un de l’exil de Juda à Babylone, quelques décennies plus tard. Mais la gloire d’antan n’a jamais été retrouvée. L’attente d’un libérateur est restée… D’ailleurs, on sent bien dans le texte de Michée que la perspective déborde le contexte de son époque, notamment à cause de sa dimension universelle.

Alors au temps de Jésus, un texte comme celui de Michée exprimait l’attente messianique. Le contexte socio-politique avait changé. Ce n’était plus les Assyriens ou les Babyloniens qui faisaient peur mais l’occupant Romain. Les soupçons de corruption et de collusion avec l’envahisseur étaient forts, la méfiance à l’égard des classes dirigeantes alimentait la grogne du peuple. L’attente d’un libérateur était importante.

Les évangiles voient dans la naissance de Jésus le véritable accomplissement de la prophétie de Michée. Mais contrairement à l’attente de beaucoup, Jésus n’est pas venu en libérateur politique mais en libérateur spirituel. Peu nombreux sont ceux qui reconnaîtront en Jésus le berger dont parle Michée. Les chefs religieux le combattront, le peuple appellera à le crucifier. Quelques-uns y ont cru, non sans difficulté. Mais de ce petit groupe de disciples est né l’Eglise, et la bonne nouvelle s’est répandue, de génération en génération, jusqu’à nous.

Quand l’espérance rencontre nos peurs

De ce texte et de sa mise en perspective, je relève que l’espérance du croyant rencontre nos peurs. Pour les croyants au temps de Michée, les peurs se nommaient Assyrie, exil, guerre… Leur espérance était alors celle d’un libérateur, d’un rétablissement, d’une paix retrouvée.

D’ailleurs, peut-on concevoir notre espérance en dehors de nos peurs ? Bien-sûr, l’espérance chrétienne est plus grande que nos craintes. Il ne s’agit pas de se construire chacun une petite espérance à soi pour calmer nos craintes personnelles. Mais elle est bien aussi pertinente pour répondre à nos peurs d’aujourd’hui.

Au coeur du message de Noël, il y a l’affirmation d’un Dieu qui se fait proche de nous, qui devient l’un des nôtres et partage notre condition. Au coeur de l’espérance chrétienne se trouve la personne et l’oeuve de Jésus-Christ : sa vie, sa mort et sa résurrection. L’espérance qui rencontre nos peurs, c’est le Christ qui nous rejoint dans nos détresses. Il s’est fait pauvre, il a accepté d’être rejeté, il s’est rendu solidaire de l’humanité.

J’ai la conviction que l’Evangile a des réponses à proposer aux peurs de nos contemporains, qui peuvent aussi être les nôtres.

Sur la peur du lendemain, des fins de mois difficiles, je ne vais évidemment pas dire que Jésus va remplir votre compte en banque ! Même si, malheureusement, certaines théologies de la prospérité le prétendent… Mais l’Evangile montre bien que Dieu ne se soucie pas que de notre âme ! L’incarnation – Dieu qui prend chair – en est la preuve ! Et l’espérance de la “résurrection de la chair” en est une autre ! Comme dans la prière que Jésus a enseigné, où la première demande qui nous concerne dit “Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.” Si on choisit un mode de vie simple, dans l’esprit de l’Evangile, qui n’oublie pas la générosité, on peut faire confiance à Dieu pour tous les domaines de notre vie, y compris matériel.

Face à la peur de l’étranger, de celui qui est différent, l’Evangile nous apprend que la peur et la haine ne sont jamais une solution. La solution est dans l’amour : Jésus va même jusqu’à nous inviter à aimer nos ennemis… comme il l’a fait lui-même. Il est venu pour tous, il est mort pour tous. “Dieu a voulu tout réconcilier avec lui, par son Fils et pour son Fils.” (Colossiens 1.20) L’espérance de la réconciliation nous conduit sur des chemins de paix et de pardon.

Quant à la peur pour l’avenir de notre planète, on peut évidemment se référer à la doctrine de la Création qui doit nous inciter à respecter et protéger l’oeuvre du Créateur. Mais l’espérance chrétienne a aussi quelque chose à nous dire sur le sujet. On oublie parfois que l’espérance de la résurrection, c’est pour toute la création ! La création aussi “sera libérée de l’esclavage de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu.” (Romains 8.21) Cette perspective conduit à la fois à respecter et préserver cette terre destinée aussi au salut, et à éviter toute idolâtrie de la nature, qu’on retrouve dans certaines postures écologistes extrêmes.

Conclusion

Oui, l’espérance chrétienne est pertinente aujourd’hui. Laissons-la nous rejoindre… et nous surprendre !

Mais quand l’espérance chrétienne est réduite à un ensemble de doctrines ou à un schéma eschatologique, elle n’est plus capable de nous surprendre. Dans la perspective biblique, l’espérance est une personne. C’est l’enfant et le berger dont parle Michée. C’est Jésus-Christ dont parle les évangiles.

Se laisser surprendre par notre espérance, c’est laisser le Seigneur nous rejoindre sur notre chemin, comme il l’entend… et non comme nous le voudrions. Car sinon, on risque bien de manquer les rendez-vous que le Seigneur nous fixe, comme tant de contemporains de Jésus qui n’ont pas su voir devant leurs yeux s’accomplir leur espérance.

Oui, l’espérance chrétienne est pertinente aujourd’hui. Et ce temps de Noël est propice à le rappeler, particulièrement dans le contexte agité qui est le nôtre.




Attendre sa venue

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Aujourd’hui c’est le premier dimanche de l’Avent… Dans quel état d’esprit êtes-vous au début de cette période des fêtes de fin d’année ?

Pour certains, c’est une période de joie et d’excitation… et je ne parle pas seulement des enfants ! On ressort les décorations de Noël pour le sapin, on profite des illuminations le soir dans la ville, on va faire un tour au marché de Noël, on peaufine sa “liste pour le père Noël”, on réfléchit aux cadeaux originaux à acheter ou confectionner pour ceux qu’on aime, on ressort les CD de chants de Noël traditionnels, on imagine les bons menus pour le Réveillon… “Les fêtes ? C’est le meilleur moment de l’année !”

Pour d’autres, c’est une période de stress… C’est un vrai casse-tête pour trouver des cadeaux un peu originaux pour la belle-mère ou l’oncle machin, ou pour confectionner un menu qui plaira à tout le monde. Et puis il faut faire tous les achats, après les heures de boulot, et donc en se retrouvant aux heures de pointe dans les magasins et faire la queue pendant des heures aux caisses. Sans oublier une place pour le sapin, qui va mettre des épines partout dans la maison… et même si c’est un faux sapin, il faut quand même déménager la moitié du salon pour l’installer. “Les fêtes ? Vivement que ce soit fini !”

Pour d’autres enfin, c’est une période difficile et triste… Certains n’aiment pas les fêtes parce qu’elles font remonter à la surface des souvenirs douloureux. Je pense à ceux qui ont perdu récemment un être cher et passeront les fêtes sans lui ou sans elle. Et puis il y a ceux qui sont seuls et qui s’apprêtent à passer le réveillon de Noël devant la télé, ou les familles désunies ou en conflit pour lesquelles la perspective de réunions de famille est une vraie inquiétude… “Les fêtes ? J’angoisse…”

Je suis sûr qu’on peut trouver ces différents sentiments parmi nous. Parfois même avec un mélange de plusieurs sentiments…

Mais comment peut-on vivre autrement ce temps de l’Avent, dans l’Eglise et en tant que chrétien ? Le calendrier liturgique nous invite chaque année à consacrer quatre dimanches à préparer la célébration de Noël. En venant à l’église le dimanche matin, nous pouvons décider de faire une pause, pour attendre Noël autrement.

Qu’est-ce qu’on attend pendant l’Avent ? Etymologiquement, l’Avent c’est l’avènement, la venue. C’est un temps où on se prépare à commémorer la venue du Fils de Dieu sur terre mais aussi où on se rappelle qu’on attend encore sa venue, une autre venue, celle de son retour, comme il l’a promis.

La question du retour du Seigneur était, il y a quelques décennies, un sujet brûlant dans les églises évangéliques. Chacun se battait pour son schéma eschatologique (le calendrier des événements liés au retour de Jésus), et ça allait parfois jusqu’à l’anathème pour celui qui ne pensait pas comme nous ! Heureusement, on en est sorti… mais il ne faudrait pas pour autant oublier que l’attente du retour du Seigneur fait bien partie de l’enseignement du Nouveau Testament. Et le temps de l’Avent est un temps propice pour nous le rappeler !
Cette attente de la venue du Seigneur peut d’ailleurs aussi être vécue de différentes façons.
On peut l’attendre avec joie, voire avec impatience, en se remémorant les promesses de l’établissement du Royaume de Dieu !
Mais on peut aussi l’attendre dans le stress ou l’angoisse, en s’interrogeant : Serai-je prêt ? Aurai-je fait tout ce qu’il faut ?

La question de l’attente du retour de Jésus-Christ est au coeur de la première lettre de Paul aux Thessaloniciens et l’apôtre s’efforce surtout de rassurer et d’apaiser les craintes de ses lecteurs, tout en les encourageant à persévérer dans leur attente. C’est le texte du Nouveau Testament de ce dimanche :

1 Thessaloniciens 3.12-4.3
12 Que le Seigneur fasse grandir de plus en plus l’amour que vous avez les uns pour les autres et pour tous ! Que cet amour ressemble à notre amour pour vous ! 13 Ainsi, le Seigneur remplira vos cœurs de sa force. Et quand notre Seigneur Jésus viendra avec tous ceux qui lui appartiennent, vous serez saints devant Dieu notre Père, et on ne pourra rien vous reprocher.
1 Frères et sœurs chrétiens, vous avez appris de nous comment vous devez vivre pour plaire à Dieu, et c’est bien de cette façon que vous vivez. Mais faites encore des progrès ! Nous vous demandons et nous vous conseillons cela au nom du Seigneur Jésus. 2 En effet, vous connaissez les conseils que nous vous avons donnés de la part du Seigneur Jésus. 3 Ce que Dieu veut, c’est que vous soyez entièrement à lui. N’ayez pas une vie immorale.

La perspective de ce texte est bien le retour du Seigneur (v.13), et le fait que nous soyons prêts pour son retour : “quand notre Seigneur Jésus viendra avec tous ceux qui lui appartiennent, vous serez saints devant Dieu notre Père, et on ne pourra rien vous reprocher.”

Être saint, ici, ce n’est pas être parfait ! Car alors on pourrait craindre de ne jamais être à la hauteur ! Être saint, ici, c’est être consacré à Dieu, lui appartenir… autrement dit, être prêt pour accueillir le Seigneur qui vient.

C’est Lui qui nous prépare

La première chose que dit ce texte à propos de notre attente du retour du Seigneur, c’est que c’est Dieu qui nous prépare à sa venue : c’est lui qui fait grandir son amour en nous, c’est lui qui nous remplit de sa force.

C’est quand même réconfortant. Ça nous enlève une sacrée pression : c’est lui qui nous prépare ! Pas besoin de nous demander si nous serons à la hauteur, si nous aurons fait tout ce qu’il fallait, si nous avons les ressources et les compétences nécessaires pour être prêt. C’est lui qui nous prépare à sa venue !

Il suffit de nous laisser remplir de son amour et de sa présence. Il y a comme un paradoxe : avant son retour, le Seigneur n’est pas absent. Être dans l’attente de la venue du Seigneur, c’est aussi s’ouvrir à sa présence aujourd’hui, par son Esprit. C’est lui qui nous remplit de l’amour de Dieu et de sa force, que nous soyons dans la joie, dans la tristesse ou l’angoisse.

C’est nous qui devons progresser

Mais la deuxième chose que dit ce texte à propos de notre attente du retour du Seigneur, c’est que nous ne pouvons pas vivre cette attente les bras croisés, passifs. Nous avons toujours des progrès à faire… Paul le dit aux chrétiens de Thessalonique : “Faites encore des progrès !” (v.1). Et il rappelle un peu plus loin que ce que Dieu attend de nous, c’est un chemin de progrès spirituels constants : “Ce que Dieu veut, c’est votre sanctification” (v.3)

Ce rappel, chaque année, de l’attente de la venue du Seigneur doit entretenir en nous une certaine insatisfaction. Non pas pour ne jamais être content mais pour ne pas croire qu’on est arrivé au bout du chemin… Un des plus grands dangers pour notre vie spirituelle, c’est la suffisance, l’autosatisfaction. Elle commence quand on se compare aux autres et qu’on se dit que, finalement, on est plutôt pas mal comme chrétien.

Les chrétiens de Thessaloniques étaient plutôt des bons chrétiens ! Paul le dit : “vous avez appris de nous comment vous devez vivre pour plaire à Dieu, et c’est bien de cette façon que vous vivez.” Vous êtes de bons chrétiens ! Mais il ajoute aussitôt : “faites encore des progrès !” Ne vous contentez pas de vos acquis, ne pensez pas une seconde que vous êtes arrivés au bout du chemin !

Et ce n’est pas contradictoire avec ce qui précède, c’est complémentaire… C’est Dieu qui nous prépare mais il ne le fera pas sans nous, à notre insu.
Oubliez que c’est Dieu qui nous prépare, et vous vous épuiserez à chercher à plaire à Dieu par vos propres forces, vous ploierez sous la culpabilité parce que vous n’y arriverez pas et vous vous découragerez de ne pas voir assez de progrès dans votre vie spirituelle !
Mais oubliez que vous avez votre part à faire, et vous oublierez aussi de vivre l’attente du Seigneur comme une autre façon de vivre sa présence. Votre attente sera vide, triste, sans espérance.

Conclusion

Et si nous vivions ce temps de l’Avent comme une occasion de nous rapprocher du Seigneur ? Attendre le Seigneur, c’est s’attendre à lui, dès aujourd’hui ! Il vient, par son Esprit, il s’approche de nous, là où nous sommes. Chacun peut y trouver son compte.

Regardez le récit de Noël ! C’est la fête, le choeur des anges se réjouit ! Mais c’est aussi le stress et l’angoisse : il vient dans une famille modeste en situation précaire puisqu’elle doit loger dans une étable !

Jésus nous rejoint là où nous sommes. Il vient se réjouir avec nous. Il nous apporte le repos au milieu du stress. Il apaise notre angoisse et nous console. Nous rapprocher de lui c’est le laisser nous rejoindre… et vivre sa présence autrement, dans l’attente de son retour !




Une place pour elles

 

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Savez-vous qu’il existe au moins 500 journées mondiales dans l’année, pour des causes plus ou moins sérieuses ou importantes ? Certaines sont plutôt légères, voire farfelues. Par exemple :

  • 21 janvier : journée internationale des câlins (Hug Day)
  • 1er vendredi d’octobre : journée mondiale du sourire (à l’origine du fameux smiley !)
  • 1er samedi de septembre : Journée mondiale de la barbe
  • 4 mai : Journée mondiale Star Wars (May the Fourth… be with you)

D’autres journées sont soutenues par l’ONU, pour de grandes causes : en mémoire des victimes de l’Holocauste (27 janvier) ou de l’esclavage (25 mars), contre le travail des enfants (12 juin), journée internationale des femmes (8 mars), journée mondiale des réfugiés (20 juin), journée internationale de la paix (21 septembre)…

Mais savez-vous quelle est la journée qui est commémorée aujourd’hui, le 25 novembre ? La journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.

J’ai une amie qui est à l’origine d’une initiative, en France, qui s’appelle “Une place pour elles”. Il s’agit de choisir une chaise dans un lieu public, éventuellement de la recouvrir d’un tissu de couleur, et d’y adosser une pancarte “Une place pour elles”. Une chaise vide pour signifier l’absence des femmes victimes de violences conjugales. Savez-vous que tous les trois jours, en France, une femme meurt sous les coups de son partenaire ? Chaque année, plus de 200 000 femmes se déclarent victimes de violences conjugales en France. Plus de 80 000 femmes adultes se déclarent victimes de viols ou tentatives de viols. Les chiffres explosent si on parle de toutes les violences dont sont victimes les femmes : physiques, psychologiques, verbales, sexuelles, économiques, spirituelles… que ce soit dans le couple, dans la famille, au travail ou ailleurs.

On en entend peut-être un peu plus parler aujourd’hui, après une certaine libération de la parole via les hashtags #MeToo ou #balancetonporc sur les réseaux sociaux, et suite à tous les scandales qui ont éclaté. Mais faut-il en parler dans l’Eglise ?

Il y a quelques jours, j’ai été contacté par une journaliste de l’hebdomadaire Réforme, pour un article qui est paru cette semaine à propos des violences faites aux femmes. Elle me demandait ce qu’on faisait et ce qu’on disait de ce sujet dans les Eglises évangéliques. Et j’ai bien dû répondre… qu’on n’en disait pas grand chose ! Vous en avez souvent entendu parler, vous, de ce sujet, dans une Eglise ?

Et pourquoi n’en parle-t-on pas, m’a-t-elle demandé ? Eh oui, au fait, pourquoi ? Penses-t-on que les cas ne se rencontrent pas dans les églises évangéliques ? Vraiment ? Se voile-t-on la face, pour préserver l’image de couples et de familles unis parce qu’on est chrétiens ? N’impose-t-on pas un silence qui fait peser un poids supplémentaire sur les femmes qui subissent ces violences, et qui n’osent pas briser le tabou ?

Aux USA, la parole s’est plus libérée qu’en France. Un hashtag #ChurchToo est apparu, dénonçant les violences subies, dans l’Eglise. Et des Eglises évangéliques, et même des responsables évangéliques, étaient aussi concernés !

La journaliste m’a aussi posé la question : pensez-vous qu’il soit légitime d’aborder ces questions dans les églises ? Oui, bien-sûr, ai-je répondu ! Pourquoi ? Parce qu’il y a un impératif biblique constant, qui traverse autant l’Ancein Testament que le Nouveau Testament : nous devons protéger et prendre soin des plus faibles, des rejetés, des victimes de toutes les violences.

Alors je me suis dit que j’allais en parler ce matin… D’autant que la Bible a bel et bien des choses à nous dire à ce propos. Je propose de l’évoquer dans un premier temps par une évocation globale de ce que la Bible nous dit des rapports entre les hommes et les femmes, puis dans un deuxième temps à partir d’un texte du Nouveau Testament qui évoque à quel type de relation nous sommes tous appelés en Christ.

Les hommes et les femmes dans la Bible

Au début, tout se passait bien, dans l’harmonie. Dans le récit de Genèse 1, l’homme et la femme sont créés en même temps, en parfaite égalité : “Dieu créa les humains à son image : il les créa à l’image de Dieu ; homme et femme il les créa.” (Gn 1.27) La Bible laisse même entendre que c’est en tant qu’hommes et femmes que les humains sont à l’image de Dieu !

Dans Genèse 2, tout est aussi paisible et harmonieux. Certes, dans ce récit, la femme est créée après l’homme… mais le texte souligne que tant que la femme n’avait pas été créée, l’homme n’était pas heureux. Dieu le constate : “il n’est pas bon que l’homme soit seul…” (Gn 2.18) Et l’explosion de joie (et d’amour !) de l’homme lorsqu’il voit la femme pour la première fois le confirme : “Cette fois, voici quelqu’un comme moi ! Elle tient vraiment de moi par tout son corps !” (Gn 2.23 – PdV)

Mais c’est en Genèse 3 que ça se complique ! Le Serpent met en doute la parole de Dieu, fait naître la suspicion dans le coeur de la femme et l’homme qui désobéissent à Dieu… et l’harmonie est brisée, avec Dieu, entre l’homme et la femme. “Ton désir se portera vers ton mari, et lui, il te dominera.” (Gn 3.16) D’un point de vue biblique, la domination de l’homme sur la femme est bien un conséquence du péché, pas l’expression d’un ordre créationnel ! On ne peut donc pas la justifier !

Mais le mal est fait. Et même si dans l’AT, quelques fois, Dieu parvient à faire émerger une femme, une prophétesse comme Miriam, la soeur de Moïse, ou même une Déborah pour délivrer son peuple, la domination masculine est écrasante…

Dans les évangiles, les choses semblent changer, un peu. Certes, les 12 apôtres sont des hommes… Mais bon nombre de femmes font partie des proches de Jésus, elles jouent un rôle important, plusieurs sont données en exemple de foi, les premiers témoins de la résurrection sont des femmes ! L’élan se poursuit dans le reste du Nouveau Testament. Dans les Actes des apôtres, Priscille a instruit Apollos, Lydie a été la première chrétienne en Europe. Dans les salutations de ses épîtres, l’apôtre Paul nomme plusieurs femmes et les appelle ses collaboratrices, Phoebé est désignée comme ministre de l’Église de Cenchrées, Junia même comme apôtre…

Pourtant tout n’est pas si simple et l’apôtre doit plusieurs fois répondre à des questions ou des problèmes quant à la place des femmes dans l’Eglise. Il faut faire avec les traditions et les cultures de l’époque, il faut alors fixer quand même certaines règles, veiller à ce que ce ne soit pas un contre-témoignage envers l’extérieur. C’est, à mon avis, les raisons des quelques restrictions qu’on voit figurer dans certaines épîtres.

Mais Paul ne parle pas des femmes dans l’Eglise seulement en terme de restrictions et de limites. Ainsi, quand il évoque le changement radical que l’Evangile apporte aux chrétiens, jusque dans leurs relations, il affirme avec force : “Il n’y a plus ni Juifs ni Grecs, ni esclaves ni hommes libres, ni hommes ni femmes ; car tous vous n’êtes qu’un en Jésus-Christ.” (Galates 3.28)

Il évoque trois fractures qui existaient dans l’Eglise et qui étaient appelées à disparaître sous l’influence de l’Evangile : entre Juifs et non-Juifs, entre esclaves et hommes libres, entre hommes et femmes. Et il faut reconnaître, avec tristesse, que la troisième perdure aujourd’hui… peut-être parce qu’elle est aussi la plus ancienne. On l’a vu, elle remonte à la Genèse !

De nouvelles relations en Christ

Ailleurs dans le NT, plusieurs textes soulignent la nécessité de relations transformées par le Christ. D’ailleurs, à la suite de l’exemple laissé par Jésus-Christ, l’idéal évangélique quant aux relations, pour tous, hommes ou femmes, c’est la soumission mutuelle. “Soumettez-vous les uns aux autres dans la crainte du Christ.” (Ephésiens 5.21) Ou comme le disait Jésus : “Si l’un de vous veut être le premier, il doit être l’esclave de tous.” (Marc 10.44)

Lisons ce que Paul écrit dans sa lettre aux chrétiens de Philippe. Ce sont les versets qui précèdent immédiatement ce grand hymne à la gloire du Christ qui a quitté la gloire du ciel pour se faire serviteur, jusqu’à la mort sur la croix :

Philippiens 2.1-4 (Bible en Français Courant)
1 Votre union avec le Christ vous donne-t-elle du courage ? Son amour vous apporte-t-il du réconfort ? Êtes-vous en communion avec le Saint-Esprit ? Avez-vous de l’affection et de la bonté les uns pour les autres ? 2 Alors, rendez-moi parfaitement heureux en vous mettant d’accord, en ayant un même amour, en étant unis de cœur et d’intention. 3 Ne faites rien par esprit de rivalité ou par désir inutile de briller, mais, avec humilité, considérez les autres comme supérieurs à vous-mêmes. 4 Que personne ne recherche son propre intérêt, mais que chacun de vous pense à celui des autres.

Pensez-vous que ce que dit l’apôtre Paul ici ne concerne pas les relations entre les hommes et les femmes ? Evidemment non ! L’exhortation est générale, fondamentale et vraie pour tout chrétien, homme ou femme. Elle est motivée par l’union avec le Christ, son amour pour nous, notre communion avec le Saint-Esprit, le lien qui nous unit entre croyants… Bref, tout ce qui fait le coeur de l’Evangile. Et l’enjeu n’est rien d’autre que l’unité de l’Eglise.

L’exhortation de l’apôtre se résume par cette formule choc, absolue : “Considérez les autres comme supérieurs à vous-mêmes.”

Il ne suffit pas de considérer les autres comme nos égaux, il faut les considérer comme supérieurs à nous-mêmes. L’idée n’est pas de se rabaisser soi-même mais d’élever l’autre. Il s’agit de refuser toute relation basée sur la domination en faveur d’une relation basée sur le service.

Encore une fois, l’exemple de Jésus s’impose. Lui qui a, littéralement, pris la posture du serviteur, de l’esclave, en lavant les pieds de ses disciples. N’a-t-il pas dit ensuite : “Je vous ai donné un exemple : ce que je vous ai fait, faites-le vous aussi.” (Jean 13.15)

En réalité, quand nous adoptons la posture du serviteur, toute tentation de domination tombe. Et il ne peut plus être question de violence puisqu’on recherche les intérêts de celui ou celle au service duquel ou de laquelle on se met !

L’exhortation est pertinente pour toute relation où la tentation de la domination existe. Elle est encore bien présente aujourd’hui entre les hommes et les femmes. Mais on la trouve aussi en lien avec la fonction (le ministère), avec l’expérience ou la connaissance, la culture, l’âge, etc.

Toute autorité dans l’Eglise est une autorité de service. C’est pourquoi il est anti-biblique, contraire à l’Evangile, qu’une autorité s’exerce par la domination, peu importe ici qu’on parle d’un homme ou d’une femme !

Conclusion

Dans l’article de Réforme, une psychologue témoigne du cas d’une femme qui lui avait confié qu’elle subissait des violences conjugales et qu’elle craignait pour sa vie. Elle lui avait conseillé de trouver de toute urgence un lieu pour être en sécurité mais elle apprend 4 mois plus tard que cette femme a été tuée par son mari. Et plusieurs années plus tard, elle apprend que cette femme était pourtant bien partie se mettre à l’abri chez sa mère… mais que c’est son Église qui avait fait pression pour qu’elle rentre chez elle !

Si aujourd’hui vous êtes dans un telle situation, pensez à vous, pensez à vos enfants si vous en avez. Mettez-vous à l’abri. Brisez le silence ! Et en tant qu’Eglise soyons prêts à l’entendre, à ne pas nous voiler la face.

Autour de vous, en dehors de l’Eglise, vous avez peut-être des femmes qui sont dans cette situation et qui vous tendent des perches, vous lancent des appels au secours dissimulés. N’y soyez pas sourds !

Et puis examinons toujours nos paroles, nos attitudes, nos relations, dans l’Eglise et en dehors. Demandons à Dieu de nos purifier de toute forme de violence, physique, verbale, psychologique, de toute tentation de domination. Et choisissons d’emprunter humblement la voie ouverte par Jésus-Christ, celle du service !