Un dieu inconnu

Prédication de Jean-Marc Ferrand.

Si on vous demandait, quelles sont nos racines culturelles ? que répondriez-vous ? à quoi pensez-vous ? Les traces les plus visibles sont probablement celles des Romains.  Quel est le musée le plus connu de France ? Le Louvre ! La construction au premier plan est inspirée d’un original plus lointain et surtout plus ancien.  Et puis nous sommes dans une église, on ne peut tout de même pas passer sous silence notre héritage hébraïque.  Et entre les pyramides et le pont du Gard je pense qu’on peut évoquer les philosophes grecs et d’une façon plus générale la culture grecque.  Je ne voudrais pas susciter des attentes inconsidérées, je n’ai pas la prétention en une prédication de couvrir tous les sujets que pourrait évoquer pour vous ces illustrations, mais j’aimerais ce matin aborder avec vous quelques aspects des interactions de l’évangile avec nos racines grecques.

Et tout d’abord, quelques mots de contexte : Le livre des Actes des Apôtres relate plusieurs voyages missionnaires de l’apôtre Paul. L’épisode sur lequel je vous propose de méditer ce matin se situe au cours du deuxième voyage, qui a pour spécificité, entre autres choses, de nous rapporter les premiers pas de l’apôtre en terre européenne et il me semble intéressant de relever quelques éléments de cette première confrontation entre le message de l’évangile et la culture grecque. Pour fixer quelques points de repères, je vous invite à visualiser cela sur une carte. L’équipe missionnaire quitte l’Asie à Troas.  Pour se rendre en Macédoine, plus précisément à Philippes. De là, ils vont à Thessalonique.  Puis à Bérée. Et enfin à Athènes, lieu où se déroule l’épisode que nous allons regarder de plus près. (Je me permets d’attirer votre attention sur la grande île située en bas de la carte : la Crête dont nous aurons l’occasion de parler.) Par mesure de sécurité, Paul a été exfiltré de Bérée et donc séparé des autres membres de l’équipe, pour être mis en lieu sûr à Athènes. C’est là que commence le texte que je vous invite à suivre.

Lecture biblique: Actes des Apôtres chapitre 17 versets 16 à 34.

Mais avant de lire ce texte, je vous invite à vous recueillir. Seigneur notre Dieu et notre Père conduis nous dans la méditation de ta Parole. Accorde nous d’être attentif à l’enseignement que tu nous adresses. Ouvre nos cœurs et nos esprits pour que nous recevions ce que tu veux nous donner ce matin. Amen.

“Pendant qu’il attendait ses compagnons à Athènes, Paul bouillait d’indignation en voyant combien cette ville était remplie d’idoles. Il discutait donc, à la synagogue, avec les Juifs et les hommes craignant Dieu et, chaque jour, sur la place publique, avec tous ceux qu’il rencontrait. Quelques philosophes, des épicuriens et des stoïciens, engageaient aussi des débats avec lui. Les uns disaient : – Qu’est-ce que cette pie bavarde peut bien vouloir dire ? D’autres disaient : – On dirait qu’il prêche des divinités étrangères. En effet, Paul annonçait la Bonne Nouvelle de « Jésus » et de la « résurrection ». Pour finir, ils l’emmenèrent et le conduisirent devant l’Aréopage. – Pouvons-nous savoir, lui dirent-ils alors, en quoi consiste ce nouvel enseignement dont tu parles ? Les propos que tu tiens sonnent de façon bien étrange à nos oreilles. Nous désirons savoir ce qu’ils veulent dire. (Il se trouve, en effet, que tous les Athéniens, et les étrangers qui résidaient dans leur ville, passaient le plus clair de leur temps à dire ou à écouter les dernières nouvelles.) Alors Paul se leva au milieu de l’Aréopage et dit : – Athéniens, je vois que vous êtes, à tous égards, extrêmement soucieux d’honorer les divinités. En effet, en parcourant les rues de votre ville et en examinant attentivement vos monuments sacrés, j’ai même découvert un autel qui porte cette inscription : À un dieu inconnu. Ce que vous révérez ainsi sans le connaître, je viens vous l’annoncer. Dieu, qui a créé l’univers et tout ce qui s’y trouve, et qui est le Seigneur du ciel et de la terre, n’habite pas dans des temples bâtis de mains d’hommes. Il n’a pas besoin non plus d’être servi par des mains humaines, comme s’il lui manquait quelque chose. Au contraire, c’est lui qui donne à tous les êtres la vie, le souffle et toutes choses. À partir d’un seul homme, il a créé tous les peuples pour qu’ils habitent toute la surface de la terre ; il a fixé des périodes déterminées et établi les limites de leurs domaines. Par tout cela, Dieu invitait les hommes à le chercher, et à le trouver, peut-être, comme à tâtons, lui qui n’est pas loin de chacun de nous. En effet, « c’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être », comme l’ont aussi affirmé certains de vos poètes, car « nous sommes ses enfants ». Ainsi, puisque nous sommes ses enfants, nous ne devons pas imaginer la moindre ressemblance entre la divinité et ces idoles en or, en argent ou en marbre que peuvent produire l’art ou l’imagination des hommes. Or Dieu ne tient plus compte des temps où les hommes ne le connaissaient pas. Aujourd’hui, il leur annonce à tous, et partout, qu’ils doivent se repentir et changer. Car il a fixé un jour où il jugera le monde entier en toute justice, par un homme qu’il a désigné pour cela, ce dont il a donné à tous une preuve certaine en le ressuscitant d’entre les morts. Lorsqu’ils entendirent parler de résurrection des morts, les uns se moquèrent de Paul, et les autres lui dirent : – Nous t’écouterons là-dessus une autre fois. C’est ainsi que Paul se retira de leur assemblée. Cependant, quelques auditeurs se joignirent à lui et devinrent croyants, en particulier Denys, un membre de l’Aréopage, une femme nommée Damaris, et d’autres avec eux.”

Notre texte commence par pointer la difficulté de la situation : Athènes est le lieu de convergence de toutes les religions de l’antiquité, alors pour un Juif, et qui plus est pharisien, ce polythéisme est l’expression par excellence de l’idolâtrie. On comprend que Paul soit indigné, on le serait probablement tout autant ! Jusqu’à présent, à chaque nouvelle étape de ses voyages, l’apôtre Paul a toujours appliqué la même stratégie : il commence toujours par se rendre dans une synagogue et adresse son message en priorité aux Juifs de la localité. Il procède donc de la même façon à Athènes, puis il élargit le cercle en discutant sur la place publique, l’Agora, avec tous ceux qu’il rencontre et c’est là que se produit ce qui ressemble fortement à un quiproquo. Paul a très probablement parlé de la résurrection de Jésus et quelques auditeurs ont compris qu’il prêchait des divinités étrangères : Jésus et Anastasia (= la résurrection). Je trouve intéressant que Dieu puisse se servir d’une erreur de compréhension pour capter l’attention des destinataires du message de l’évangile ! Luc, l’auteur du livre des Actes relève que les athéniens sont curieux par nature, peut-être même, animés d’une curiosité malsaine, frivole, (l’ecclésiaste aurait dit : vaine). Même si c’est un défaut, Dieu peut l’utiliser ! Et voilà Paul, embarqué, littéralement réquisitionné, pour expliquer son propos. On lui fait quitter l’Agora et on le place dans un lieu dédié aux discussions. Combien sont-ils autour de lui ? Peut-être une centaine de personnes, difficile de savoir ! Mais une chose est sûre, toutes les personnes qui sont là, et quelles que soient leurs motivations, ont un seul but : écouter les explications de Paul. Et dès les premiers mots de son discours, une chose me surprends, l’opposition entre le verset 16 et les versets 22 et 23. Au verset 16 nous avons constaté l’indignation de Paul face à, selon l’expression de Luc, “cette ville remplie d’idoles” et au verset 22 malgré cette exubérance polythéiste, Paul trouve le moyen d’évoquer un point positif : “je vous trouve très religieux” et au verset 23 : “j’ai même découvert un autel qui porte cette inscription : À un dieu inconnu”. Les versets précédents ont tellement insisté sur le côté négatif du contexte qu’on a envie de continuer dans cette logique. Mais, cet autel c’est le contraire de l’idolâtrie. Ce n’est pas un Temple, il ne s’agit pas d’une représentation d’une divinité sous forme humaine ou animale ou d’une créature fantastique comme celles dont les mythologies grecque et égyptienne foisonnent. C’est l’opposé, aucune représentation, mais une inscription, un message. Un message que Paul s’approprie et dans lequel il entre. Démarche particulièrement risquée, si ce “dieu inconnu” est un dieu parmi d’autres dans le panthéon du polythéisme grec ! À moins… à moins que Paul en connaisse un peu plus sur cet autel ! Que s’avons-nous de cet “autel à un Dieu inconnu” ? Luc ne nous en dit rien d’autre. Mais nous avons quelques données historiques sur ce sujet. Environ 500 ou 600 ans plus tôt, les responsables d’Athènes font appel à un crétois, un certain Épiménide de Cnossos qui a la réputation d’être « savant dans les choses divines ». Le conseil d’Épiménide est sollicité pour lutter contre un fléau : une épidémie de peste. Il vient donc à Athènes et fait lâcher un troupeau de moutons sur une des collines de la ville à une heure où les moutons ont plutôt envie de brouter et à chaque fois qu’un mouton se couche, au lieu de brouter, cela est interprété comme le signe que le dieu responsable du fléau accepte d’apporter son aide. Un certain nombre de moutons se couchent et sont offerts en sacrifice sur des autels sans dédicace, construits tout spécialement pour la circonstance. Ainsi, le fléau quitte la ville. Quelques siècles plus tard, il reste au moins un de ces autels. Mais Paul comprenait-il bien le contexte historique relatif à cet autel et au concept du dieu inconnu ? Nous avons plusieurs raisons de le penser. D’abord parce que Paul cite Épiménide à 2 reprises : d’une part, dans sa lettre à Tite et d’autre part, dans notre passage au verset 28 : “c’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être”. Ensuite parce que dans sa lettre à Tite il le désigne sous le titre de “prophète” le mot qu’il utilise couramment pour les prophètes de l’Ancien comme du Nouveau Testament. Prophète, c’est-à-dire porte-parole de Dieu. Paul n’aurait sûrement pas gratifié Épiménide du titre de prophète s’il n’avait pas été bien informé sur le personnage et ses œuvres. Les athéniens avaient donc conscience de l’existence d’un dieu inconnu. Et cela me semble un bon point de départ, pour les athéniens, comme pour nous. Il est bon d’avoir conscience de ses propres carences, de ses propres limites, de ses propres ignorances. Et à contrario, ce que nous croyons connaître n’est peut-être qu’illusion ou prétention. Sommes-nous encore prêts à apprendre si nous croyons tout savoir ? Partir d’un constat d’ignorance me semble donc, sinon un prérequis, tout au moins un avantage pour nous permettre d’avancer, de progresser.

“Ce que vous révérez ainsi sans le connaître, je viens vous l’annoncer.” Paul ayant ancré son propos dans le passé collectif de ses auditeurs, il déroule maintenant son message. Un message que je vous invite à considérer suivant 3 angles, 3 axes. Ce dieu inconnu, qui est-il ? que fait-il ? (ou qu’a-t-il fait ?) et enfin, qu’attend-il de nous ?

Ce dieu inconnu, qui est-il ? Paul le présente d’abord comme le créateur.  V 24 : “il a créé l’univers et tout ce qui s’y trouve”. V 25 : “il donne à tous les êtres la vie, le souffle et toutes choses”. V 26 : “il a créé tous les peuples pour qu’ils habitent toute la surface de la terre”. Par ces affirmations Paul marque l’universalité de son propos : “l’univers et tout ce qui s’y trouve… toutes choses… tous les peuples… toute la surface de la terre”. Cela s’oppose à la conception polythéiste très répandue selon laquelle chaque ville, chaque bourgade avait son petit dieu, un dieu privé, qui ne se partageait pas avec les autres. Le dieu inconnu, c’est le Dieu de l’univers ! Non seulement “il a créé”, mais le principe de création reste actif. Au v 25 “il donne” au présent.  Il est le Créateur, il est aussi le Souverain.  V 24 : “Il est le Seigneur du ciel et de la terre”. V 25 : il ne lui manque rien. V 26 : “il a fixé des périodes déterminées et établi les limites de leurs domaines”. Il est le maître de l’histoire. C’est aussi une façon de remettre à leur place ceux qui parmi ses auditeurs auraient pu être nostalgique de l’empire grec, tout cela se fait sous le contrôle de Dieu. Petite digression à propos du v 25 : Dieu n’a pas besoin de nous. C’est nous qui avons besoin de lui, ce n’est pas nous qui lui donnons, c’est lui qui nous donne. Il serait bon de s’en souvenir dans notre façon de nous approcher de lui. Il est important d’avoir conscience de nos besoins et préférable d’éviter l’arrogance de vouloir lui donner quoi que ce soit, y compris lui faire la faveur de notre présence.  Dieu Créateur, Dieu Souverain et Dieu de relation.  Nous avons déjà vu au v 25 qu’il “donne à tous les êtres la vie”, mais c’est surtout au v 27 que Dieu exprime sa volonté de relation avec les hommes : “Par tout cela, Dieu invitait les hommes à le chercher, et à le trouver, peut-être, comme à tâtons, lui qui n’est pas loin de chacun de nous” Il est donc dans la volonté de Dieu que nous le cherchions et que nous le trouvions, et Paul souligne même “comme à tâtons”. En effet les démarches de recherche peuvent être imprécises, maladroites, mais ce que Dieu souhaite c’est surtout que les hommes cherchent à le rencontrer. Et à contrario nous voyons au v 29 que Dieu ne ressemble pas aux idoles en or en argent ou en marbre, autrement dit à des objets inertes avec lesquelles toute relation est impossible ! Dieu Créateur, Dieu Souverain et Dieu de relation.

Que fait-il ? Il juge.  V 31 : “il a fixé un jour où il jugera le monde entier en toute justice”. On peut être surpris par la place que l’apôtre donne au jugement divin. D’une part parce que, avouons-le, ce n’est pas très vendeur, excusez l’expression, mais surtout on est surpris à cause de notre côté « fleur bleue » ou « bisounours » comme vous préférez. On voudrait bien d’un dieu sympa, d’un dieu cool, d’un dieu permissif, un dieu « pote ». Eh bien non, Paul ne présente pas Dieu par son côté amour, mais bien par son côté justice ! “il a fixé un jour où il jugera le monde entier en toute justice”. Il me semble que c’est le point que nous avons le plus de facilité à évacuer dans notre conception contemporaine de Dieu. Je suis désolé, mais c’est un élément non négligeable de la Bonne Nouvelle. Et Dieu a désigné le Seigneur Jésus-Christ pour cela. Que fait-il ? Il juge et il ressuscite.  V 31 : il a donné à tous une preuve certaine en le ressuscitant d’entre les morts”. Curieusement, Paul ne présente pas en priorité le vécu de Jésus, ni sa naissance miraculeuse, ni son enseignement, ni les prodiges qui ont jalonné son séjour sur terre, ni sa mort injuste, odieuse… rien de tout cela ! Uniquement sa résurrection. Alors oui, la résurrection présuppose la mort, mais l’élément déterminant dans l’argument de l’apôtre, c’est que Jésus est ressuscité ! Paul, outre l’affirmation du jugement et de la résurrection, indique une troisième action du dieu inconnu. Diapo. Que fait-il ? Il juge, il ressuscite et il fait une annonce. Diapo. V 30 : Aujourd’hui, il leur annonce à tous, et partout”. La première chose qu’il nous faut souligner concerne les destinataires de cette annonce “à tous, et partout”. Autant dire qu’il n’y a pas d’ambigüité, nous sommes concernés au même titre que les athéniens. Ce discours est aussi pour nous !

Qu’est-ce que Dieu annonce ? C’est le troisième axe de la présentation du dieu inconnu : Qui est-il ? Que fait-il ? et Qu’attend-il de nous ? La repentance  V 30 : “nous devons nous repentir et changer”. C’est la seule chose que Dieu attend de nous. Je dis bien « la seule » même si j’ai choisi une traduction qui fait apparaitre 2 verbes, en grec il n’y en a qu’un : “metanoeo” mais suivant les traductions que vous utilisez vous verrez l’un ou l’autre de ces 2 verbes en français. Se repentir, qu’est-ce que ça veut dire ? Le mot repentance est à rapprocher des mots regret et remord, sans avoir un sens identique, ils ont tout de même quelques points communs. Je crois que le point de départ de la repentance c’est la prise de conscience qu’il y a quelque chose qui ne va pas et que la Bible nomme le péché. Ce point de départ est indispensable mais il ne suffit pas, dans la repentance il y a aussi le désir, la volonté de se détourner du péché, ou d’une façon plus générale, de ce qui ne va pas. Dans les traductions récentes c’est souvent le verbe “changer” qui est utilisé mais cela ne me semble pas être une bonne idée. Je ne nie pas le fait qu’il y ait une notion de changement dans “metanoeo” mais il y a un réel danger à réduire sa traduction au verbe “changer”. Certes c’est peut-être plus facile à comprendre, mais la vraie question c’est de savoir est-ce qu’on comprend ce qu’il faut comprendre et là j’ai plutôt l’impression que le réponse est non. Alors entendons-nous bien, je n’ai aucune compétence ni en grec, ni en latin, ni en hébreux, ni en araméen, par contre en français, j’ai quand même quelques années au compteur ! J’ai 2 réticences par rapport à l’utilisation du verbe “changer”, d’une part son sens courant en français et d’autre part une raison de théologie. Tout d’abord le sens du mot en français : je vais vous donner un exemple, j’espère que ce sera plus explicite. Depuis quelques années maintenant, je fais du vélo de façon assez intense, si vous faites une autre activité physique c’est la même chose, que ce soit de la course, de la marche, un sport individuel ou collectif ou même des travaux d’entretien, de jardinage, de terrassement, de maçonnerie… peu importe. Lorsque j’ai fini mon temps de vélo je dégouline littéralement et donc je me douche et ensuite je dis, en bon français : « je me change ». Je voudrais attirer votre attention sur le caractère extrême de cette formulation « je me change », je change qui ? moi ! Caractère extrême de la formulation pour un fait somme toute assez banal : j’ai mis des fringues propres. Et c’est ce mot vide de sens, creux, sans épaisseur, sans densité qu’on voudrait utiliser pour traduire “metanoeo” ! Ça va pas le faire ! Deuxièmement, le motif théologique : nous avons vu que le discours de Paul insiste en particulier sur le Dieu Créateur et Seigneur et nous sommes là maintenant sur la responsabilité de l’homme. On pourrait croire qu’il suffit de « changer » et surtout que ce changement est à notre main, or ça, c’est en complète contradiction avec le message de la Bible. Nous allons en voir 2 exemples, un dans l’Ancien Testament et l’autre dans le Nouveau Testament. Tout d’abord un verset du livre du prophète Jérémie: Jérémie 13 v 23 : “Un Éthiopien peut-il changer la couleur de sa peau, un léopard les taches de son pelage ? De même, comment pourriez-vous vous mettre à bien agir, vous qui avez pris l’habitude de commettre le mal ?” Non ce n’est pas possible ! Le changement dont nous avons besoin n’est pas dans nos compétences. Et dans le Nouveau Testament, voici 2 versets tirés de la lettre de l’apôtre Paul à l’église de Rome.  Romains 7 v 18 & 19 : “je sais que le bien n’habite pas en moi, c’est-à-dire dans ce que je suis par nature. Vouloir le bien est à ma portée, mais non l’accomplir. Je ne fais pas le bien que je veux, mais le mal que je ne veux pas, je le commets.” Même l’apôtre Paul reconnait que le changement auquel il aspire est hors de portée. Indirectement Paul nous donne dans ce passage une définition de la repentance : “Vouloir le bien est à ma portée” non seulement c’est à notre portée, mais c’est aussi notre responsabilité, c’est ce que Dieu attend de nous. Il me semble qu’il faut compléter cette notion de changement. Le passage le plus explicite sur ce sujet est peut-être un peu long mais je pense qu’on peut en extraire les principales caractéristiques. Il s’agit de la conversation de Jésus avec Nicodème que nous trouvons dans l’évangile de Jean au chapitre 3, je vous invite à lire chez vous le paragraphe tout entier. Nous allons en lire juste 2 versets pour les besoins de cette explication.  Jean 3 v 3 : “Vraiment, je te l’assure : à moins de renaître d’en haut, personne ne peut voir le royaume de Dieu.” Ça pour un changement, c’est un changement vraiment radical : c’est la différence entre la vie et l’absence de vie. Et le Seigneur Jésus nous dit que ce n’est pas une option, c’est indispensable. Mais ce n’est pas parce que c’est indispensable que nous pouvons le faire, ce n’est pas à notre portée. C’est même la première réaction de Nicodème : comment est-ce possible ? Et le Seigneur Jésus enfonce le clou au verset 6 : “Ce qui naît d’une naissance naturelle, c’est la vie humaine naturelle. Ce qui naît de l’Esprit est animé par l’Esprit.” Le changement c’est l’œuvre de Dieu, pas la responsabilité de l’homme. La responsabilité de l’homme c’est de se repentir.

Il nous faut conclure. Je souhaiterais le faire en relevant 2 points des versets 32 à 34. Le premier point c’est la réaction des auditeurs. Jusque-là et en, caricaturant à peine, on peut dire qu’il n’y avait que 2 types de réactions aux discours de Paul : ceux qui acceptent et ceux qui refusant d’accepter se comportent en persécuteurs. Là il y a, me semble-t-il, une troisième catégorie, ceux qui optent pour la moquerie ou le « politiquement correct ». C’est peut-être moins dangereux que la persécution mais probablement beaucoup plus fréquent pour nous chrétiens occidentaux avec un facteur d’aggravation dû aux réseaux sociaux. Je vous invite à y être attentif. Le second point c’est la faible proportion de personnes qui acceptent le message de Paul. En effet, même si la plus grande partie de l’auditoire a rejeté le message quelques personnes l’on accepté. Le message n’a pas pour objectif une recherche de respectabilité et d’acceptation par le plus grand nombre.  Mais comme le dit Luc en Actes 13 v 48 : “que tous ceux qui sont destinés à la vie éternelle croient.” J’aimerais vous laisser un sujet de méditation. Dans le discours de Paul, il n’y a pas eu un appel à croire, mais la réponse à l’appel à la repentance, c’est de croire. Amen.

Dans le prolongement de cette méditation je voudrais vous inviter à chanter le cantique : « Entre tes mains j’abandonne




Enfants de Dieu, irrévocablement

Regarder le culte ici.

Nous sommes encore dans la lumière de Noël, même si nous nous préparons à de nouvelles étapes en ce début 2023. Dans la Bible, la naissance de Jésus est remplie d’espérance : Dieu lui-même vient nous visiter, Dieu se fait proche de nous, quelle que soit notre condition. Merveilleuse nouvelle !

Pourtant, il arrive, même en ayant la foi, que notre expérience soit en décalage avec ce que nous proclamons et croyons : il y a ces moments où l’on ne « sent » pas la présence de Dieu dans notre vie – on croit, oui, mais on ne ressent pas cette proximité, au point où l’on se demande si on n’a pas raté un virage. D’autres fois, on a l’impression de s’être carrément éloigné de Dieu, parce qu’on ne le comprend pas, parce qu’on a été choqué par un événement ou par des chrétiens qui le représentent un peu, parce qu’on veut explorer notre propre chemin, ou qu’on s’est laissé entraîner peu à peu au loin : quand on s’est éloigné, comment revenir ?

L’apôtre Paul, disciple de Jésus, écrit aux chrétiens de Galatie pour les encourager dans leur vie de foi. Et il revient sur le sens de la naissance de Jésus, son incarnation (sa venue en tant qu’être humain, de même chair que nous), pour aborder cette question de notre proximité avec Dieu.

Lecture biblique : Lettre aux Galates 4.4-7

Lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme et sous la loi, 5 afin de racheter ceux qui étaient sous la loi, pour que nous recevions l’adoption filiale. 

6 Et parce que vous êtes des fils, Dieu a envoyé dans notre cœur l’Esprit de son Fils, qui crie : « Abba ! Père ! » 

7 Ainsi tu n’es plus esclave, mais fils ; et si tu es fils, tu es aussi héritier, du fait de Dieu.

 L’objectif de Dieu : notre adoption

Derrière ces courts versets, Paul a en tête toute la vie et l’œuvre de Jésus : sa naissance dans l’humanité, en tant que « petit d’homme » pour paraphraser le Livre de la Jungle, en tant qu’être humain à part entière ; sa vie menée en toute justice, en accord avec la volonté de Dieu ; sa mort imméritée ; sa résurrection et son retour auprès de Dieu ; son « départ » visible qui est compensé par l’envoi de son Esprit à tous ceux qui croient. La naissance de Jésus lance tout un plan, qui se déroule étape après étape, avec un objectif clair : que nous soyons enfants, fils et filles, de Dieu. Si Jésus est né et qu’il est allé jusqu’à la mort sur la croix, c’est pour que nous soyons enfants de Dieu. Si l’Esprit est envoyé, c’est pour que nous vivions, que nous expérimentions, cette proximité avec Dieu jour après jour.

Jésus est venu, dit Paul, pour racheter ceux qui sont sous la loi (la loi des Ecritures juives ici). Pourquoi ? La « loi » en elle-même n’est pas mauvaise ! C’est la loi de Dieu, juste et bonne… où chacun occupe sa place en respectant l’autre comme soi-même. Mais cette loi nous pèse car elle nous met constamment en échec, en nous confrontant à notre incapacité à faire le bien, à aimer vraiment. Elle met en lumière, de façon implacable, nos failles et nos faillites – à nos yeux, parfois, aux yeux de Dieu, toujours. Et donc la « loi », cet idéal, révèle notre esclavage au mal, notre addiction au péché, sans pouvoir nous donner d’autre secours que de nous asséner des « il faut, il ne faut pas ». Devant la loi, nous sommes faibles, en échec, esclaves du mal.

En devenant un homme comme nous, Jésus se rend solidaire de notre condition : lui qui est Dieu renonce à sa gloire et à sa paix pour entrer dans notre quotidien. Sauf que lui résiste aux tentations, aux addictions, à l’esclavage du mal – et lorsqu’il meurt sur la Croix, après un procès injuste, c’est plus qu’un témoignage d’innocence, un martyre : c’est un paiement. Tout son capital innocence, toute sa perfection, il est prêt à les échanger avec les dettes morales que nous avons accumulées. Dans sa mort volontaire, il assume nos dettes, pour que notre ardoise soit effacée, que notre historique honteux disparaisse du dossier de Dieu.

Paul pense sûrement ici à une pratique antique : le rachat des esclaves. Dans l’Antiquité gréco-romaine, presque 1/3 de la population est esclave. L’esclavage antique n’est pas forcément synonyme de souffrance, mais c’est le fait d’appartenir à quelqu’un d’autre. On ne s’appartient plus, on est la propriété d’un autre, qui peut nous employer à ce qu’il veut, 100% de notre temps et de notre vie. Sur le plan spirituel, on peut dire que nous sommes esclaves du péché puisque nous sommes incapables de vivre dans la pure innocence. Et la loi souligne notre état d’esclavage en révélant toutes nos dettes morales.

Or dans l’antiquité, un esclave pouvait s’affranchir, retrouver la liberté, en payant un certain montant (élevé). Le Christ, en donnant sa vie qui n’a pas de prix, paie le montant faramineux de nos dettes morales et nous rachète de notre esclavage : aux yeux de Dieu, la loi ne peut plus servir à nous accuser, car le Christ a subi la peine que nous méritions – nous sommes libres ! Comme le rachat d’un esclave se fait en deux temps : le rachat officiel, puis « l’apprentissage » d’une vie nouvelle, nous sommes rachetés face à la loi, puis nous apprenons à vivre sans l’emprise du péché.

Nous sommes donc rachetés, libérés, par la mort du Christ qui se substitue à nous, pour nous offrir un nouveau départ. Et trop souvent, on s’arrête là. Mais le plan de Dieu va beaucoup plus loin : il veut faire de nous ses fils, ses filles, ses héritiers ! Il nous rachète pour que nous soyons libres, afin que nous puissions recevoir son offre de nous adopter dans sa famille.

Là aussi, l’éclairage antique est important : dans l’Antiquité, on n’adopte pas pour rendre service à des enfants orphelins ou abandonnés, on adopte pour transmettre un héritage, en général parce qu’on n’a pas de descendance. On adopte pour transmettre un héritage – et il n’est pas rare que les Anciens adoptent des adultes, du coup, pour transmettre une charge ou des biens. Il paraît que ça se fait aussi au Japon aujourd’hui, d’ailleurs. La formule de l’époque, pour conclure une adoption, c’était : « je t’adopte comme fils, et tout ce que je possède, considère-le comme tien ». On adopte pour transmettre ce qu’on a de meilleur.

Dieu nous adopte, il nous choisit, pour nous offrir ce qu’il a de meilleur, pour partager avec nous le trésor de sa joie, de sa paix, de sa vie que rien n’entrave, de son amour, de sa pureté.

Oui, le Christ efface notre ardoise, remet les compteurs à zéro, ouvre une nouvelle page, blanche, devant nous. Mais son objectif, c’est de couvrir cette page nouvelle de promesses et de bénédictions. Notre feuille est recouverte, recto verso, d’écritures qui proclament l’amour de Dieu pour nous et ses projets glorieux avec nous.

Il y a donc deux facettes au salut : le rachat, la justification, la libération de ce qui nous écrase et nous aliène, ET l’adoption, l’entrée dans la plénitude de la vie avec Dieu, dès aujourd’hui et pour toujours.

Une adoption irrévocable, scellée par l’Esprit

Petite précision : dans l’antiquité, on pouvait déshériter ses enfants naturels s’il y avait un problème, mais c’était impossible de déshériter un enfant adoptif. Une fois qu’on l’avait adopté, c’était irrévocable. Irrévocable ! Impossible de revenir en arrière ! Donc si nous recevons avec foi le cadeau, la grâce, que le Christ nous fait, nous recevons à la fois le pardon et l’adoption, de manière irrévocable.

Le signe que nous sommes pardonnés et adoptés, c’est la présence de l’Esprit de Dieu dans notre vie, qui vient sceller notre lien avec Dieu.

Et quelle est la manifestation de sa présence ? Rien de bien extravagant ou spectaculaire… Simplement la possibilité d’appeler Dieu, « père », papa (abba en araméen). C’est le privilège du fils ou de la fille, cette intimité, cet accès prioritaire : Dieu n’est pas seulement notre Créateur, notre Roi – il est notre Père, celui que nous appelons pour raconter notre vie, pour demander conseil ou soutien, le modèle qui nous inspire. Celui qui est là, avec nous, et qui nous aime.

L’Esprit est dans notre cœur, c’est-à-dire en nous. C’est-à-dire que partout où nous allons, il est là. Pas seulement avec nous, mais en nous, indissociable de nous. Comme un tatouage intérieur, indélébile, qui nous accompagne chaque instant. Dieu par son Esprit est connecté à nous de manière irrévocable, peu importe là où nous allons – il n’est pas présent qu’à l’église, il est en nous, sur nos routes, dans notre cuisine, dans une file d’attente, ou quand nous sommes devant un écran.

Dieu a envoyé son Fils pour que nos dettes soient payées et que nous soyons libres d’entrer dans la vie avec Dieu. Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils, mais qui est aussi le sien, pour que nous ayons l’expérience de cette vie dans la présence de Dieu. Dieu le Père, le Fils et l’Esprit sont impliqués à 100%, non, à 300%, pour que nous soyons pleinement enfants de Dieu.

Vivre comme des enfants et non des esclaves

A la différence de nos parents humains, qui peuvent parfois être loin, physiquement ou émotionnellement, avec leurs propres failles, Dieu notre Père n’est jamais loin de nous : il est en nous son Esprit. Si vous vous sentez loin, que vous vous êtes éloigné de Dieu, et que vous voulez revenir : le chemin n’est pas long, car il vous a suivis… Il y a juste à tourner vos yeux vers lui, reprendre conscience de son amour pour vous en Christ, de son désir profond de vous transmettre le meilleur de sa vie. Certes, ce retour peut sembler long, mais c’est nous qui sommes lents : Dieu, lui, est déjà là. Peut-être triste de ce qui s’est passé, mais il est là, à portée de main, sa propre main tendue. Si vous avez eu du mal à prier récemment, ne vous mettez pas la pression pour créer une prière qui montera jusqu’au ciel : Dieu est déjà là, avec vous, par son Esprit, à vos côtés, toujours.

Et même si nous ne ressentons pas de distance avec Dieu en ce moment précis, cette vérité demeure : Dieu est déjà là. Par l’œuvre du Christ, par le lien de son Esprit, il est déjà là, avec nous, de notre côté, partout où nous allons, quoi que nous fassions, quoi que nous traversions.

En ce début d’année, nous n’avons aucune idée de ce qui nous attend, en bien ou en difficile, à titre personnel ou collectif. Pourtant, nous avons cette certitude : Dieu est là, avec nous, de notre côté. Quoi que nous ayons à traverser, il est déjà là, avec nous, prêt à nous donner le meilleur de ce qu’il possède, car il nous a choisis pour être ses enfants, de manière irrévocable.




Un Dieu digne de confiance

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Pour la prédication, lisons ensemble le récit de la naissance de Jésus, dans l’Evangile de Matthieu.

Lecture biblique : Matthieu 1.18-25

18 Voici dans quelles circonstances Jésus Christ est né. Marie, sa mère, était fiancée à Joseph ; mais avant d’habiter ensemble, elle se trouva enceinte par l’action de l’Esprit saint. 

19 Joseph, son fiancé, était un homme droit et ne voulait pas la dénoncer publiquement ; il décida de la renvoyer en secret. 

20 Comme il y pensait, un ange du Seigneur lui apparut dans un rêve et lui dit : « Joseph, descendant de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ta femme, car l’enfant qui a été conçu en elle vient de l’Esprit saint. 21 Elle mettra au monde un fils, et tu l’appelleras Jésus, car il sauvera son peuple de ses péchés. »

22 Tout cela arriva afin que s’accomplisse ce que le Seigneur avait dit par le prophète :

23 « La vierge sera enceinte et mettra au monde un fils, et on l’appellera Emmanuel, ce qui se traduit “Dieu est avec nous”. »

24 Quand Joseph se réveilla, il agit comme l’ange du Seigneur le lui avait ordonné et il prit sa femme Marie chez lui. 

25 Mais il n’eut pas de relations sexuelles avec elle jusqu’à ce qu’elle ait mis au monde un fils, que Joseph appela Jésus.

Dans l’Evangile de Matthieu, c’est ainsi qu’est rapportée de la naissance de Jésus. On est loin du folklore ! En fait, quasiment aucun détail ne nous est donné, sauf l’impact de cette naissance sur le fiancé de la maman, Marie. Matthieu reste extrêmement sobre, et il se concentre sur deux choses : l’identité de l’enfant, et l’impact de cette naissance sur le père adoptif, Joseph.

L’identité de l’enfant à naître

Voyons d’abord comment l’ange décrit l’enfant à naître. (v.20-23)

Deux mots hébreux résument l’identité et la mission de cet enfant. Il est Jésus, Yeshoua, prénom juif habituel (souvent traduit par Josué) qui signifie Dieu sauve. L’ange précise : cet enfant n’est pas seulement le signe que Dieu vient à notre secours, mais il vient lui-même délivrer ceux qui croient, de leurs péchés. Ce futur enfant est celui qui va régler le problème du mal, rien que ça. En particulier le mal intérieur qui nous ronge, ce qu’on appelle le péché, qui donne naissance à des péchés, c’est-à-dire à des fautes, des erreurs, toutes ces choses que nous faisons qui abîment notre vie et celle des autres.

Mais cet enfant reçoit aussi comme titre Emmanuel, qui signifie Dieu avec nous, en référence à la prophétie d’Esaïe – promesse au roi Ahaz (Esaïe 7.14). Dieu, pour donner un indice temporel du moment où sa promesse allait se réaliser, il annonçait la naissance d’un enfant dans son entourage. Sauf que la façon dont le prophète Esaïe décrivait l’enfant évoquait bien plus qu’un enfant ordinaire. Il annonçait un Sauveur par qui la lumière de Dieu viendrait dissiper nos ténèbres. Et la vie de Jésus a démontré, miracle après miracle, prédication après prédication, combien il était lui-même plus qu’un homme, il était le créateur devenu créature.

Matthieu, en faisant le lien avec les prophéties, souligne ainsi la fiabilité de Dieu qui vient réaliser ses promesses. Il répond à nos doutes, à nos craintes, voire à notre cynisme : pfff, la paix dans le monde ? vraiment ? alors que rien ne tourne rond ?… Oui, le monde va mal, mais Dieu est en action, la paix arrive, car Dieu tient parole ! Il est fiable, digne de confiance. Même s’il prend en compte un temps plus long que le nôtre pour accomplir ses promesses, sa parole est sûre et va s’accomplir. L’enfant en est la preuve, le gage !

Certes, 2000 ans plus tard, nous attendons toujours l’accomplissement total de cette promesse de paix et de justice, mais nous savons que c’est en cours. C’est comme avec des travaux : on ne sait jamais trop quand les travaux seront vraiment finis, quand on pourra inaugurer les nouveaux locaux ou emménager dans son nouveau domicile. Mais si les travaux ont commencé, que les ouvriers viennent chaque matin, il y a bon espoir que le chantier avance… Nous sommes un peu dans cette situation : le chantier avance, l’ouvrier principal s’est présenté (Jésus), même si nous ne savons pas encore quand nous pourrons emménager dans la pleine paix de Dieu.

Un miracle

Quelques mots sur la conception de l’enfant. Le signe que cet enfant n’est pas habituel, c’est que Jésus a une mère mais pas de père naturel – on n’est pas très loin de certains débats éthiques actuels ( !).

Techniquement, c’est le Saint-Esprit qui l’a engendré, c’est Dieu. Pour autant, Jésus n’est pas mi-homme, mi-Dieu, avec un ADN mixte composé de chromosomes maternels et d’autres divins… Il a tous les gènes nécessaires pour être 100% homme, malgré l’absence de père humain. Dans l’histoire juive, on voit souvent des femmes stériles auprès de qui Dieu intervient : c’est tout aussi miraculeux ! La situation de Marie se situe dans cette droite ligne et montre avant tout l’intervention directe de Dieu.

Comment peut-on croire à ce miracle ? Ce miracle est tout aussi fou pour Joseph que pour nous, tout aussi difficile à croire (d’où l’apparition de l’ange qui vient rassurer Joseph sur le comportement de Marie !). Marie a expérimenté ce miracle en direct, elle est bien forcée de se rendre à l’évidence, mais pour les autres, c’est plus compliqué !

C’est là qu’intervient la foi : si l’on croit que le monde a été créé par un Être suprême, Dieu, doué de volonté et de liberté, capable de contourner parfois les lois qu’il a lui-même fixées pour le monde, alors, accessoirement, pour le Créateur de l’Univers, ce ne doit pas être si difficile de créer un enfant avec un seul parent… !

          La foi de Joseph

Justement, la foi de Joseph est ici mise en valeur.

Le récit commence avec un Joseph tiraillé devant les apparences de tromperie : il ne peut pas envisager de construire sa vie avec Marie, si elle l’a trompé, et en même temps, il ne veut pas lui faire de mal, il ne veut pas la jeter dans le scandale (très mortifère à l’époque). Même si Joseph se trompe sur la réalité de la situation (et qu’il aura besoin de l’ange pour comprendre ce qui se passe vraiment), je le trouve remarquable. Remarquable de droiture, de bonté, de maîtrise de soi : combien d’entre nous auraient de la considération pour notre conjoint s’il ou elle nous trompait ? Certains seraient sidérés, d’autres débordés par la colère, le désir de vengeance, d’autres encore s’effondreraient devant cette trahison… Mais Joseph reste droit malgré une situation qui le choque, l’attriste, le déçoit : il cherche avant tout le bien.

Sa droiture se démontre encore plus dans son obéissance à Dieu d’abord : Joseph n’a besoin de rien de plus que d’un rêve pour suivre les recommandations de l’ange. A partir d’un simple rêve et d’une parole qui le dépasse, il se réoriente en mettant en jeu ses projets de vie, sa vie de famille, son intimité. Joseph n’a sûrement pas tout compris (et nous non plus !), pourtant il accepte cette parole et lui obéit. Il ressemble beaucoup à Marie et à son attitude lorsque l’ange lui annonce qu’elle sera enceinte : je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole (Luc 1.38).

Joseph, comme Marie, est un bel exemple de foi. La foi, ce n’est pas (seulement) croire que Dieu existe : comme dit l’apôtre Jacques, les démons croient (savent) que Dieu existe, et ils tremblent. Croire que Dieu existe, croire qu’un Dieu, un créateur, un être suprême existe, ce n’est qu’une toute partie de la foi. Le cœur de la foi, c’est la confiance. C’est faire confiance à Dieu. Pas (seulement) croire que Dieu existe, mais croire Dieu lorsqu’il parle. Faire confiance à ses promesses, à sa sagesse, même si l’on ne comprend pas tout – surtout quand on ne comprend pas tout… la confiance s’exerce dans l’inconnu, dans ce qui nous échappe ! La foi, c’est croire que Dieu est digne de confiance et que nous pouvons nous fier à lui, le suivre avec assurance.

Les témoignages des Ecritures juives, chrétiennes, de tant et tant de croyants, nous montrent que Dieu est fiable, qu’il accomplit ses promesses. Promesses de paix, de justice, d’amour. Promesses générales ou promesses particulières, adressées à tel moment de notre vie. Lui, Dieu, est solide, et on peut compter sur lui ! Même si au quotidien, nous sommes souvent déçus, Dieu, lui, tient parole.

Mais quelqu’un a beau être fiable, il faut lui faire confiance ! Les promesses de Dieu sont comme une invitation, un appel, une main tendue – à nous de la saisir, de répondre, de le croire – et de le suivre ! Car c’est ainsi que Joseph montre sa foi : il fait ce que Dieu lui a demandé, il avance, il met en pratique. Non pas comme on obéirait à un ordre (les paroles de l’ange sont bien plus bienveillantes), mais il change de route, de direction, et il entre dans le projet de Dieu.

Dieu nous parle – il dit à chacun de nous différentes choses : peut-être un appel à arrêter quelque chose, à oser un projet, à changer de point de vue, à abandonner la peur ou à simplement recevoir la vérité de son amour pour nous ? Je ne sais pas ce que Dieu veut vous dire, aujourd’hui, mais la naissance de Jésus, il y a deux mille ans, est une invitation à lui faire confiance, car il est fiable et il tient parole. N’ayons pas peur, et comme Joseph, osons croire Dieu et marcher à sa suite !




Jésus, au cœur de notre humanité

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Je ne sais pas quel type d’écolier vous êtes/ étiez… Personnellement, jusqu’à mes derniers examens écrits, dans ma trousse trônait royalement… le tipex ! Ce liquide blanc qui permet d’effacer les erreurs d’inattention, les ratures, les fautes, etc. sans tout recommencer depuis le début. Essentiel, même quand on a fait 3 brouillons avant !

Dans la vie courante, combien de fois aimerait-on avoir un tipex symbolique, une gomme qui permette d’effacer ce qui ne va pas : nos conflits, nos blessures, nos incohérences, ce qui est déchiré, nos erreurs et nos fautes… Car même quand on sait ce qu’il faut faire, ou qu’on veut bien faire, on atteint rarement la cible du premier coup, et il faut se rattraper, gommer… Sauf que, comme sur nos feuilles d’écolier, le résultat est rarement propre : il y a des couches de blanco, ou du grisâtre si vous avez gommé, du papier froissé…  Alors qu’on aspirerait à un nouveau départ, bien propre, bien net !

A l’époque de Jésus, le peuple juif, attendait lui aussi quelqu’un pour les débarrasser de tout ce qui n’allait pas : les souffrances dues à l’oppression romaine, les compromis spirituels, les errances morales et sociales…

Matthieu, comme les autres disciples de Jésus, reconnaît en Jésus ce sauveur espéré. Quand il écrit son Evangile, la biographie de Jésus, il introduit sa naissance en jetant un regard sur le passé, avec une forme qui nous paraît assez rébarbative aujourd’hui, mais qui était classique à l’époque : la généalogie – comme on dessinerait un arbre généalogique pour montrer tout ce qui précède la personne qui nous intéresse.

Lecture biblique : Evangile de Matthieu, 1.1-17

1 Généalogie de Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham.

2 Abraham engendra Isaac ; Isaac engendra Jacob ; Jacob engendra Juda et ses frères ; 3 Juda, avec Tamar, engendra Pharès et Zara ; Pharès engendra Hesrom ; Hesrom engendra Aram ; 4 Aram engendra Aminadab ; Aminadab engendra Naassôn ; Naassôn engendra Salmôn ; 5 Salmôn, avec Rahab, engendra Booz ; Booz, avec Ruth, engendra Yobed ; 6 Yobed engendra Jessé ; Jessé engendra le roi David. 

David, avec la femme d’Urie, engendra Salomon ; 7 Salomon engendra Roboam ; Roboam engendra Abiya ; Abiya engendra Asaph ; 8 Asaph engendra Josaphat ; Josaphat engendra Joram ; Joram engendra Ozias ; 9 Ozias engendra Joatham ; Joatham engendra Achaz ; Achaz engendra Ezéchias ; 10 Ezéchias engendra Manassé ; Manassé engendra Amos ; Amos engendra Josias ; 11 Josias engendra Jékonia et ses frères au temps de l’exil à Babylone.

12 Après l’exil à Babylone, Jékonia engendra Salathiel ; Salathiel engendra Zorobabel ; 13 Zorobabel engendra Abioud ; Abioud engendra Eliakim ; Eliakim engendra Azor ; 14 Azor engendra Sadok ; Sadok engendra Akhim ; Akhim engendra Elioud ; 15 Elioud engendra Eléazar ; Eléazar engendra Matthan ; Matthan engendra Jacob ; 16 Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle est né Jésus, celui qu’on appelle le Christ.

17 Il y a donc en tout quatorze générations depuis Abraham jusqu’à David, quatorze générations depuis David jusqu’à l’exil à Babylone, et quatorze générations depuis l’exil à Babylone jusqu’au Christ.

L’Espoir des hommes

Comme avec un arbre généalogique, mais en partant du haut, Matthieu retrace les ancêtres de Jésus – en insistant sur la filiation paternelle. C’est un procédé classique de la culture antique, surtout juive, qu’on retrouve dans la Genèse, ou les Chroniques royales de l’AT, et même dans l’Evangile de Luc (ch.3).

Par ce moyen, Matthieu met l’accent sur l’enracinement historique et humain de Jésus, homme parmi les hommes. Il y a une petite allusion, à la fin (v.16), sur le fait que Joseph est le père légal, adoptif, de Jésus, mais pas son père naturel… Jésus est d’origine divine – tous ses disciples l’ont vu, ils l’ont expérimenté, et c’est ce qui les a poussés à transmettre avec autant d’audace leur joie de voir Dieu venir parmi les hommes. Pour autant, lorsque Matthieu écrit sa biographie de Jésus, il insiste en premier sur son humanité – pour ne pas qu’on l’oublie ! Ce qui impressionne les disciples, ce n’est pas que Dieu se manifeste dans le monde (il l’a déjà fait ! plein de fois !) mais qu’il entre pleinement dans l’humanité.

Matthieu divise cette histoire du peuple juif en trois grandes périodes : d’Abraham au roi David (le temps des patriarches, de la promesse, des premiers pas) ; du roi David à l’exil du peuple à Babylone (le temps des rois, une période avec gloires et corruptions, ces dernières étant si fortes qu’elles conduisent à la défaite du pays) ; puis, de l’exil jusqu’à Jésus, le temps de la reconstruction timide du pays, et l’attente d’une vraie restauration.

Dans cette grande galerie, deux figures sont mises en avant : Abraham, qui a tout quitté pour suivre Dieu, et David, le premier roi fidèle, qui a structuré le pays. Héritier d’Abraham, le grand croyant, et de David, le grand roi, Jésus a toutes les caractéristiques pour être l’Espoir du peuple juif.

          Un nouveau commencement

Quelques mots sur les remarques de Matthieu qui encadrent cette généalogie (v.1, v.17).

Pour une fois, on va jouer avec les nombres ( !) :  3 x 14, c’est 3 x (2 x 7). Or dans la spiritualité juive, le 7 est le chiffre de la plénitude, de la totalité – avec p. ex. la semaine de 7 jours, composée de 6 jours de labeur et 1 jour de repos, le sabbat, le temps où l’on se repose dans la présence de Dieu. Donc là, c’est comme si on avait 6 périodes de 7 générations, et qu’on entrait dans la 7e… Ramené à une semaine, c’est comme si on entrait dans le 7e jour, le jour du repos… C’est une nouvelle étape, qui tranche fortement avec les étapes précédentes, tout comme les jours de congé tranchent sur la semaine de travail. Le repos arrive, le vrai repos, dans la présence de Dieu !

Et pour insister encore sur cette notion de nouveau départ, Matthieu utilise une expression étrange : « généalogie de Jésus-Christ », qui en grec fait référence au récit de la création du monde en Genèse 2.4 « Voilà la généalogie du ciel et de la terre, quand ils furent créés. Au jour où le SEIGNEUR Dieu fit la terre et le ciel,… » L’arrivée de Jésus est tellement un nouveau départ que c’est presque une nouvelle création, un deuxième Big Bang ! Cet homme bien humain, bien enraciné dans son peuple, apporte quelque chose de tout à fait inédit.

Une humanité pleinement assumée, avec ses promesses et ses drames

Penchons-nous maintenant sur les portraits qui figurent dans l’arbre généalogique de Jésus. Si vous deviez parler de vos ancêtres, qui voudriez-vous mentionner ? Quel héritage viendriez-vous revendiquer, assumer, devant tous ?

Les patriarches cités évoquent des chemins de fois, mais aussi des conflits entre frères, des difficultés de couple, de jalousie, de problèmes d’héritage, de stérilité… Quant aux rois cités, il n’y a pas que les bons qui apparaissent ici ! Matthieu cite autant les rois fidèles (Yotam, Ezechias, Josias p. ex.) que les rois corrompus (Ahaz, Amôn…). Comme pour dire que Jésus assume son héritage, l’histoire, l’historique de son peuple, typique de notre humanité avec ses gloires et ses déboires, ses raccourcis et ses travers.

Ce qui étonne, dans cette généalogie, c’est quand même la mention des femmes. Normalement, les généalogies ne citent que les pères, dont on hérite, mais Matthieu ici pointe 4 femmes – qui nous préparent à la spécificité de Marie, mère de Jésus, croyante disponible à l’action du Saint Esprit pour créer ce sauveur espéré.

Que dire de ces femmes ?

Tamar est la belle-fille de Juda (Gn 38), deux fois veuve: sans héritier, elle réclame un troisième époux pour perpétuer la lignée, mais Juda craint de perdre d’autres fils. Sous un subterfuge douteux, elle manipule Juda pour enfanter un héritier et recevoir son dû.

Rahab, prostituée en terre païenne (Jéricho) (Josué 2, 6) reconnaît de loin la grandeur du Dieu qui a délivré Israël d’Egypte et elle risque tout pour favoriser leur victoire – à cause de sa foi, malgré ses origines, elle entre dans le peuple.

Ruth, une autre étrangère, dans un contexte de famine, qui se dévoue à sa belle-mère juive dans un bel exemple de fidélité : par elle, Dieu apportera consolation et espérance à la famille.

La dernière, qui n’est même pas nommée, Bathsheba, épouse de l’étranger Urie, un soldat de grande valeur dans l’armée du roi David. Alors qu’Urie est au front, David réquisitionne Bathsheba pour son plaisir, et il fait assassiner Urie pour éviter sa jalousie (2 S 11).

Ces femmes sont différentes, mais on peut relever quelques thèmes dominants : l’inclusion d’étrangères dans le peuple, qui annonce la mission universelle de Jésus – il est l’Espoir des Juifs, mais ce qu’il apporte est tellement grand que ça touche le monde entier.

La prédominance de la foi pour entrer dans le peuple de Dieu, qui sera au cœur du message de Jésus.

Et puis cette histoire pleine de secrets, de ratures, dont Jésus se fait l’héritier. Il n’efface pas, comme avec du blanco, nos dossiers honteux : il les assume ! il s’en charge pour proposer un nouveau chemin à partir de là.

Sur son arbre généalogique, tout est assumé : gloires et déboires, raccourcis et travers, espoirs et hontes. Et si Jésus assume l’héritage de ses ancêtres, s’il s’en rend solidaire, il peut aussi le faire avec ses contemporains ou les générations suivantes, comme nous… Oui Jésus nous rejoint dans notre famille humaine pour nous montrer le chemin vers la famille de Dieu… Alors ce n’est peut-être plus un arbre généalogique, mais on peut se représenter cette famille comme une galerie de portraits sur le mur, comme il y a peut-être chez vous (?), une galerie de bien-aimés.

 

Entrer dans la galerie de portraits

Notre monde, notre société, notre vie personnelle, trouvent un écho cette généalogie de Jésus, et nous trouvons un espoir dans cette vérité : Dieu n’est pas effrayé par nos chaos. En Jésus, il montre qu’il se remonte les manches et plonge ses mains en plein dans le cambouis de notre vie… Rien n’est trop compliqué, tortueux ou sombre face à sa lumière…

Un monsieur avec qui j’ai covoituré une fois m’a demandé 4 fois pendant le trajet s’il pouvait venir à l’église : les bras croisés, presque prostré, il me redisait à chaque fois : « mais moi je ne suis pas parfait !… » Sous-entendu, je ne suis pas assez bien pour Dieu. Certes !… Qui l’est ?! La bonne nouvelle que vient porter Jésus, c’est que Dieu n’attend pas que nous soyons dignes de lui pour nous aimer : il nous rejoint aujourd’hui dans ce que nous vivons, dans ce que nous sommes.

Si vous êtes sortis du cadre, que vous vous sentez trop laids pour Dieu, peu présentables, ou que vous n’êtes pas comme vous aimeriez être, le message de Matthieu c’est que Jésus vous accueille comme vous êtes, et vous fait une place dans la galerie des bien-aimés de Dieu.

Oui, Jésus nous propose un nouveau départ. Mais ce n’est pas à nous d’effacer, maladroitement, avec de la gomme ou du tipex qui ajoutent encore des taches à notre feuille – c’est lui qui assume, qui absorbe, nos erreurs, nos ratures, nos fautes, pour que nous puissions avoir un portrait sans tache dans la galerie des bien-aimés de Dieu. Il assume nos « dossiers » en venant dans notre humanité, mais le moment définitif, qui scelle cet effacement, c’est la mort sur la croix, où il assume devant Dieu toutes nos taches. Parce qu’il subit les conséquences de nos fautes, parce qu’il les couvre de son innocence, parce qu’il nous offre en échange l’héritage de la vie avec Dieu, un vrai nouveau départ est possible, en communion avec Dieu.

A une condition : que nous fassions le pas de la foi. Pour reprendre l’image de la galerie de portraits : tout est prêt sur le mur de Dieu – l’emplacement, le clou, le cadre… Mais nous devons apporter notre photo. Simplement la donner, même si elle est laide, froissée, pliée, tachée : Jésus, le Sauveur, assume, absorbe, transforme notre portrait imparfait pour le faire trôner, dignement, dans la galerie des bien-aimés de Dieu.




Partager le réconfort que Dieu nous offre

Regarder la vidéo du culte ici.

Se tourner vers Noël, c’est reconnaître que Dieu nous rejoint à travers le Christ pour mettre sa lumière dans nos ténèbres, et nous conduire dans son amour. Dès aujourd’hui dans notre monde troublé, et pour l’éternité dans la présence de Dieu. Ce sont nos ténèbres intérieures, bien sûr, ce qu’on appelle le péché, ces marécages spirituels qui nous embourbent et nous empêchent de vivre pleinement dans la justice et la paix. Et ces ténèbres nous débordent, elles touchent les autres par nos actions individuelles et nos systèmes collectifs, aux retombées morales, politiques, sociales, sanitaires, écologiques…

Lorsque nous recevons ou que nous avons reçu le Christ comme lumière dans notre vie, spontanément nous aimerions qu’il dissipe entièrement et instantanément toutes ces ténèbres, qu’il nous en délivre totalement. Or la Bible affirme la patience de Dieu, qui agit en plusieurs temps : d’abord il fait briller sa lumière comme une bougie dans la nuit, d’abord il nous rejoint à travers le Christ pour nous annoncer la bonne nouvelle de son amour infaillible, il appelle à lui tous ceux qui ont soif de sa paix, et un jour, comme un soleil, il dissipera complètement les ténèbres. Nous sommes dans l’entre-deux, et la période de l’Avent qui nous tourne vers la lumière de Noël nous invite à nous rappeler cette réalité de l’entre-deux : la lumière de Dieu a brillé, et nous attendons qu’elle dissipe pleinement les ténèbres de notre monde. Comment vivre dans cet entre-deux prometteur mais inconfortable ? C’est toute la question !

Lorsque l’apôtre Paul écrit aux chrétiens de Corinthe, il évoque en partie cette question. Les Corinthiens auraient aimé vivre déjà en plein soleil, sans problème ni souffrance. Ils avaient envie de force, de triomphe, de victoire : après tout, Jésus est ressuscité ! Il a vaincu la mort ! Qu’est-ce qui peut bien lui résister ? Du coup, les Corinthiens se font influencer par des genres de gourous qui font miroiter une vie chrétienne uniquement puissante, miraculeuse, impressionnante. Et ils reprochent à l’apôtre Paul sa simplicité, son humilité, et même ses difficultés en tant que prédicateur de l’Evangile, qu’ils attribuent à sa faiblesse et peut-être à un manque de hauteur dans l’expérience spirituelle. Dans ce contexte assez tendu, Paul leur écrit pour défendre son ministère, et, surtout, pour dissiper les malentendus par rapport à ce qu’est la vie avec le Christ. Et ce faisant, il vient nous éclairer nous aussi sur la façon de vivre avec lui dans cet entre-deux.

Lecture biblique : 2e lettre de Paul aux Corinthiens 1.3-7

3 Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de tout réconfort ; 4 il nous réconforte dans toutes nos détresses, pour nous rendre capables de réconforter tous ceux qui sont en détresse, par le réconfort par lequel Dieu nous réconforte nous-mêmes. 

5 De même, en effet, que les souffrances du Christ abondent pour nous, de même, par le Christ, abonde aussi notre réconfort. 

6 Sommes-nous en difficulté ? C’est pour votre réconfort et votre salut. Sommes-nous réconfortés ? C’est pour votre réconfort qui vous fait supporter les mêmes souffrances que nous endurons nous aussi. 

7 Et notre espérance à votre égard est ferme ; nous savons que, partageant nos souffrances, vous partagez aussi notre réconfort.

          Vivre le réconfort de Dieu     

Ici, le mot-clef, c’est réconfort ! Paul ne saurait être plus clair ! Dès l’ouverture de sa lettre, qui commence comme c’est l’usage, avec une prière de remerciement envers Dieu, Paul insiste sur le réconfort que Dieu accorde.

Et ce réconfort, Paul l’a reçu dans toutes sortes de détresses. On pense bien sûr à l’opposition rencontrée pour annoncer le message du Christ : le mépris, les calomnies, les arrestations, les emprisonnements, les sévices physiques, mais aussi les trahisons de certains collaborateurs, les conflits, les accidents sur son parcours (p. ex. le naufrage à Malte en route vers Rome), la pauvreté quand il a manqué de soutien financier pour la mission… Tout cela prend du sens parce qu’il le fait pour que d’autres puissent découvrir l’amour du Christ. Au-delà même, on sait que Paul a eu des problèmes de santé ou a souffert de voir ses collaborateurs malades : pas besoin d’être missionnaire pour vivre ce genre d’épreuves !

Dans toutes ces détresses, plus ou moins liées à sa mission de prédicateur, Paul reconnaît le parallèle avec ce que le Christ a souffert lui-même, jusque dans la mort. Ces détresses ne sont pas un échec dans la mission, mais le chemin qui se trace dans un monde abîmé, souffrant et violent : le Christ a plongé la tête la première dans cette détresse, pour ressortir, de l’autre côté, vivant, ressuscité, porteur d’espoir. Le Christ n’est pas passé directement au triomphe, mais il enduré la mort sur la croix avant de revenir à la vie.

Dans cette proximité avec le Christ, Paul reçoit le réconfort de Dieu. A partir de l’original (paraklèsis en grec), on pourrait dire réconfort, encouragement, consolation. C’est le soutien de quelqu’un qui vient à nos côtés pour nous relever. Il y a à la fois une présence attentive, qui fait qu’on n’est plus seul à traverser la difficulté, et un courage renouvelé, comme un tonus ou un ressort qui permet de se relever pour avancer. Et ça, Paul l’expérimente avec Dieu.

Si on glane dans ses lettres, on comprend que parfois Dieu a parlé directement pour l’éclairer ou le rassurer : nous aussi, Dieu peut nous parler par des versets, des paroles d’autrui bien inspirées, des images, ou simplement une idée qui nous percute. Dans d’autres cas, Dieu intervient dans une situation et montre ainsi qu’il est bien présent : combien c’est motivant pour nous de le voir à l’œuvre ! Et puis, parfois, c’est un simple sentiment, diffus : la paix, la sensation d’être protégé ou aimé ou porté…

Pour Paul, les difficultés de vie ne sont donc pas une preuve d’échec (sinon le Christ a échoué aussi !) mais l’occasion de découvrir une nouvelle facette de la miséricorde de Dieu, de son amour. On le dit de nos amis : c’est dans la difficulté, la pauvreté, qu’on découvre ses vrais amis. Et si vos proches se sont montrés fidèles dans le malheur, vous avez tissé des liens uniques, forts, qui vous tiennent encore par la suite. L’épreuve de vie est terrible, mais Dieu s’y révèle comme un véritable ami, en nous apportant un réconfort qu’on n’aurait jamais pu connaître dans le bonheur, parce qu’on n’en avait pas besoin.  Pour le dire autrement, c’est quand on a les mains vides qu’on peut recevoir de nouvelles grâces…

Remarquez que Paul ne se demande pas « pourquoi » il passe par les détresses, mais qu’il se concentre sur « pour quoi ». Il n’est pas focalisé sur la cause, dans le passé, mais sur l’impact de ce qu’il vit, dans l’avenir. Sans justifier les horreurs vécues (à aucun moment il ne minimise la souffrance endurée ou la responsabilité de ses tortionnaires), mais de façon pragmatique, il cherche le bien qui pourrait en sortir malgré tout : ce qu’il peut recevoir de la part de Dieu et ce qu’il peut partager à son tour.

Il y a une béatitude qui ne vient pas de la Bible mais qui colle bien avec l’idée de Paul : « Heureux les fêlés car ils laisseront passer la lumière » (Michel Audiard). Lorsqu’on voit nos propres fêlures, ce qui a été brisé en nous, les séquelles de nos épreuves, on peut se lamenter de notre faiblesse ou de notre souffrance, mais Paul a expérimenté que c’est dans la faiblesse qu’il a reçu la force de Dieu (2 Co 12.10 c’est quand je suis faible que je suis fort). Et cette force, il la rappelle à d’autres.

Témoigner de la lumière de Dieu en partageant son réconfort

Alors, avec qui partager ce réconfort, et comment ?

Déjà, avec ceux qui partagent notre foi, comme Paul avec les chrétiens de Corinthe. Nous pouvons témoigner du réconfort en Christ à ceux qui marchent (et souffrent) avec le Christ.

Est-ce si simple ? Pour celui qui a besoin de réconfort comme pour celui qui réconforte, il faut assumer sa vulnérabilité, accepter de briser l’image lisse qu’on renvoie pour dévoiler ce qui nous a brisés ou montrer nos cicatrices. Et cela exige de se connaître et de se faire confiance. Se dire bonjour le dimanche matin ne suffit pas ! Il faut une relation assez intime pour se dévoiler. Alors pas besoin d’être intime avec tous – c’est impossible – mais avoir une ou deux personnes avec qui on peut parler de ce que l’on vit, de ce qui nous met mal à l’aise, et chercher ensemble le réconfort de Dieu. Pour connaître ne serait-ce qu’une ou deux personnes, il faut s’engager un minimum, rester un peu à la fin du culte, rester à un repas, participer à une activité, rejoindre un groupe : pas pour faire plaisir au pasteur ! Mais pour rencontrer d’autres avec qui on pourra échanger, recevoir et donner le réconfort de Dieu.

Rappelons-le, sur le terrain de l’encouragement, l’humilité est indispensable. Aucun parcours n’est le même, Dieu a mille façons de réconforter, et on ne peut pas/ on ne doit pas ! imaginer que ce qui nous a consolés est la recette qui vaut pour tous. Mais avec tact et humilité, on peut toujours écouter (déjà ça c’est énorme ! le nombre de fois où l’on se dévoile et l’autre panique, renvoie une réponse maladroite pour couper court au malaise, et s’en va ! rien que d’être entendu et d’avoir l’impression de ne pas porter seul ce fardeau, c’est énorme !) donc écouter, chercher à comprendre, chercher à soutenir, et rappeler que Dieu est fidèle et fiable. Et, comme un exemple de réconfort reçu, évoquer, si l’autre est réceptif, notre expérience particulière.

Faut-il s’arrêter au cercle chrétien ? Je ne crois pas. Tout le monde passe par des difficultés, tous ont besoin d’encouragement. Notre société est en manque terrible de consolation : bien des ados sont en détresse, bien des employés souffrent du surmenage, sans parler des situations de trauma, isolement, harcèlement, dépression, angoisse… Christophe André, un psychiatre plein de bon sens, a publié cette année un livre consacré à la consolation et ça fait un tabac, parce qu’un grand nombre en a terriblement besoin !

Dans notre façon de parler avec notre entourage, nous pouvons témoigner du réconfort que Dieu nous apporte. Le témoignage ce n’est pas que parler de sa conversion ! On peut évoquer simplement l’effet de la présence de Dieu dans telle ou telle situation, la réalité de son amour, la force de l’espérance qu’il nous donne. Ca demande un effort pour se dévoiler, surtout si on est pudique comme moi, mais ça peut être un petit lien, une petite ouverture, pour montrer la présence de ce Dieu qui nous réconforte.

Et avec nos paroles, par nos actes, nous pouvons puiser au réconfort reçu pour encourager les autres. Montrer de la patience à un collègue débutant, envoyer un mail ou dire un petit mot d’appréciation à une chef de service qui gère surtout les problèmes, proposer à un voisin éprouvé d’aller boire un café (ou une bière), etc.

Alors pour certains, c’est plus naturel, mais peu importe d’où on part, tous, quel que soit notre âge, notre état de santé, notre niveau de vie ou nos capacités intellectuelles, tous nous pouvons encourager, au nom du réconfort et de l’espérance que Dieu nous offre en Christ, au nom de son amour qui nous rejoint pour ne plus nous lâcher. Si nous avons expérimenté l’amour et l’encouragement de Dieu en Christ, même si c’est juste une toute petite flamme, nous avons un trésor à partager ! A Noël, on court partout pour les cadeaux, mais l’encouragement, c’est un cadeau inestimable !

Au début, je posais la question de la vie dans l’entre-deux, dans la nuit qui précède le jour. La lumière de Dieu nous rejoint, à travers le Christ. Aujourd’hui, il allume des petites bougies dans ce que nous traversons : alors qu’il nous aide à partager cette lumière, que rien ne peut épuiser !